Analyse / Quand le Parlement européen vote une résolution dangereuse qui réécrit l'histoire
L'hémicycle du Parlement européen à Bruxelles. © Wikipedia
Allons-nous devoir bientôt dans toute l’Europe changer les noms de rue comme celui de l’avenue Karl Marx à Berlin, interdire la vente de tee-shirt à l’effigie de Che Guevara, censurer les discours anticapitalistes ou bannir des programmes d’enseignement les aspects qui seraient considérés comme trop positifs pour les anciens régimes communistes? C’est en tout cas ce à quoi nous invite une résolution dangereuse du Parlement européen.
Cette analyse de Marc Botenga a été originellement publiée sur le site PTB-PVDA (dont le siège est en Belgique), le 27 septembre 2019.
Cette résolution a été adoptée le 19 septembre par une majorité alliant extrême-droite, conservateurs, libéraux ainsi qu’une bonne partie des sociaux-démocrates et des verts européens. Selon ce texte, les États membres devraient «puiser dans le passé tragique de l’Europe», en particulier celui de la Seconde guerre mondiale, «l’inspiration morale et politique» pour condamner les manifestations d’aujourd’hui du fascisme et du communisme, qui, tout au long de la résolution, sont amalgamés.
Une lecture attentive de cette résolution «sur l’importance de la mémoire européenne pour l’avenir de l’Europe» montre qu’il ne s’agit en fait de rien d’autre que d’une réécriture politique de l’histoire européenne avec le double effet de minimiser la montée du fascisme et de criminaliser les forces de gauche radicale.
Une résolution qui ré-écrit l’histoire
Ce qui frappe d’emblée, c’est que la résolution cumule les erreurs historiques grossières et réécrit l’histoire. Dans la résolution du Parlement européen, la seconde guerre mondiale y est ainsi décrite comme la «conséquence immédiate» du pacte germano-soviétique de 1939, ce pacte de non-agression qui retarda l'invasion allemande que l’URSS allait subir deux ans plus tard.
En réduisant l’origine de la seconde guerre mondiale au seul «pacte de non-agression germano-soviétique», la résolution considère tant l’Allemagne nazie que l’URSS comme responsables de ce conflit mondial et les met sur le même pied. Or, à quelques rarissimes exceptions près, aucun historien sérieux n’a jamais douté du fait que lors de la Seconde Guerre Mondiale, les agresseurs étaient l’Allemagne nazie, l’Italie et le Japon fascistes. Les eurodéputés soutenant le texte contredisent ainsi même les conclusions du Tribunal de Nuremberg.
Par ailleurs, la résolution passe totalement sous silence la politique d’apaisement et de conciliation même des classes dirigeantes libérales vis-à-vis de l’Allemagne nazie. Le texte efface les Accords de Munich, pourtant antérieurs au pacte germano-soviétique, conclus par la France et la Grande-Bretagne avec l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste, offrant la Tchécoslovaquie aux nazis. Tout comme on n’y trouve trace de l’Anschluss, c’est-à-dire, de l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie en 1938, accepté de fait par la Grande-Bretagne et la France.
La résolution tait aussi l'indifférence ou la bienveillance des puissances occidentales face à l'écrasement de la République espagnole en 1936-1939. Pas un mot non plus sur la reconnaissance du régime fasciste de Franco par la Grande-Bretagne et la France. Massimiliano Smeriglio, un eurodéputé du Parti Démocrate italien, par ailleurs très critique vis-à-vis de l’URSS, souligne à raison qu’il faut pointer parmi les causes de la deuxième guerre mondiale «la complicité silencieuse avec laquelle l’État libéral a permis le développement du fascisme et du national-socialisme contre le mouvement ouvrier».
Enfin, la résolution adoptée par la majorité des eurodéputés met sur un pied d’égalité ceux qui ont construit le camp d’extermination d’Auschwitz et l’Armée rouge qui en a libéré les déportés. Elle efface le rôle essentiel joué par les communistes dans la libération des pays de l’Europe du joug fasciste, tant au sein de la Résistance dans les différents pays européens qu’à travers l’incroyable prix payé par l’URSS et l’Armée rouge.
Massimiliano Smeriglio explique: «Je n’ai pas voté pour ce texte parce que les démocraties occidentales, les nôtres, nées en 1945, doivent pour la victoire finale remercier les anglo-américains, les formations des partisans et l’Armée rouge. Ça c’est la vérité historique». L’Association des partisans italiens, fondée après la deuxième guerre mondiale par des résistants antifascistes, a aussi tenu à réagir: «Sous une seule désapprobation sont unis opprimés et oppresseurs, victimes et bourreaux, envahisseurs et libérateurs, oubliant en outre l'effroyable tribut du sang versé par les peuples de l'Union soviétique - plus de 22 millions de morts - et même l'événement symbolique de la libération d'Auschwitz par l'Armée rouge». En voulant mettre sur le même pied fascisme et communisme, la résolution injurie en effet la mémoire et les luttes de tous ces communistes, partisans et résistants, qui ont sacrifié leur vie dans la lutte antifasciste partout en Europe.
Réhabilitation du fascisme et anticommunisme
L’amalgame entre fascisme et communisme est également faux sur le fond. L’idéologie fasciste se base fondamentalement sur l'idée de hiérarchie entre les races et les cultures. Les nazis ont théorisé le fait qu’il y aurait des «untermensch», des «personnes inférieures» non-aryennes dont certains devaient être exterminés. Le fascisme a été à la base des troupes de choc nécessaires pour défendre le capitalisme en période de crise. Le soutien de nombreuses grandes entreprises et banques allemandes a d’ailleurs été déterminant pour l’accession au pouvoir du parti nazi. L’idéologie communiste est tout l’inverse: elle est basée sur les principes d’égalité et de l'émancipation de tous. Elle vise à mettre fin à l’exploitation de l’homme par l’homme et se pose en alternative au capitalisme. C’est donc l’exact opposé.
Assimiler le communisme au fascisme signifie donc non seulement une réécriture de l’histoire, mais aussi de facto une minimisation et une forme de réhabilitation de l’idéologie fasciste au moment même où le fascisme resurgit partout en Europe et est de plus en plus normalisé par des partis de droite.
Le prix Nobel de littérature Thomas Mann écrivait à ce titre: «Placer sur le même plan moral le communisme russe et le nazi-fascisme, en considérant que tous les deux seraient totalitaires, est dans le meilleur des cas de la superficialité, dans le pire, c’est du fascisme. Ceux qui insistent sur cette équivalence peuvent bien se targuer d’être démocrates, en vérité, et au fond de leur cœur, ils sont déjà fascistes; et à coup sûr ils ne combattront le fascisme qu’en apparence et de façon non sincère, mais réserveront toute leur haine au communisme». Ce n’est d’ailleurs pas un hasard que la Résolution au Parlement européen ait été promue notamment par le parti de Viktor Orbán, et que la plupart des partis d’extrême-droite européens l’aient votée.
L’anticommunisme a toujours été un pilier de tous les mouvements d’extrême droite, de Hitler en Allemagne à Pinochet au Chili. Il s’agit de combattre tous ceux qui proposent une alternative au système capitaliste. Il n’en va pas autrement aujourd’hui. Le président brésilien d’extrême droite Jair Bolsonaro veut faire du Brésil «un rempart contre le communisme» en Amérique latine. Et la même haine anime la N-VA quand elle qualifie notamment le PTB de «déchet de l’histoire», ou les groupuscules d’extrême droite comme Schild en Vrienden qui lancent la chasse aux mouvements étudiants de gauche comme Comac (étudiants du PTB). Marxistes, défenseurs de Mai 68, syndicats et militants de l’égalité, tous sont des ennemis et doivent être mis au pas.
Une résolution sur le passé écrite pour le présent
La résolution ne se contente en effet pas de réécrire l’histoire, elle appelle aussi à effacer toute trace de l’histoire réelle et à créer une nouvelle «culture mémorielle partagée». Il ne s’agit pas uniquement de condamner tout entier le communisme dans le passé, mais également d’empêcher l’émergence aujourd’hui de toute force de gauche qui remette en cause le système.
Pour y arriver, la résolution va jusqu’à appeler de fait à la destruction de monuments historiques célébrant par exemple la contribution de l’Armée rouge à la victoire contre le fascisme, à réécrire les cours d’histoire pour en retirer les aspects qui seraient jugés trop positifs pour les anciens régimes communistes, à rebaptiser les rues, à interdire la vente d’objets reprenant des symboles communistes...
Cette résolution comporte encore un autre élément dont on ne peut ignorer la gravité: au nom de la «démocratie», elle légitime l'interdiction totalement anti-démocratique des organisations communistes qui est en cours dans certains pays de l'Union européenne et ouvre la voie à une intensification et à une généralisation de cette interdiction. Dans les pays où de telles lois existent, les partis et organisations communistes sont assimilés aux forces néonazies dont ils sont pourtant les premiers et meilleurs adversaires. Et, sans surprise, ce sont souvent les mêmes pays qui réhabilitent ouvertement des criminels de guerre fascistes pour les présenter comme de braves combattants nationaux.
La résolution fixe finalement même une nouvelle mission civilisatrice à l’Union européenne. Celle-ci devrait «préserver et promouvoir» la démocratie aussi à l’extérieur de son territoire. C’est exactement le même raisonnement qui a été à la base des interventions militaires occidentales partout dans le monde. C’est également au nom de cette mission civilisatrice que les crimes coloniaux ont été commis. L’Union européenne s’octroierait-elle le droit d’intervenir partout dans le monde, militairement s’il le faut, au nom de la «démocratie»?
Dans un contexte de montée de l’extrême-droite et du fascisme partout en Europe, cette résolution est donc non seulement une véritable falsification de l’histoire, elle est surtout politiquement dangereuse. Elle doit être comprise dans le cadre du processus de normalisation du fascisme et de fascisation qui se joue dans nos pays. Le PTB a évidemment voté contre ce texte et nous continuerons le combat contre la fascisation en Belgique et en Europe.
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Massimiliano Smeriglio, un eurodéputé du Parti Démocrate italien, par ailleurs très critique vis-à-vis de l’URSS, souligne à raison qu’il faut pointer parmi les causes de la deuxième guerre mondiale «la complicité silencieuse avec laquelle l’État libéral a permis le développement du fascisme et du national-socialisme contre le mouvement ouvrier».</p> <p>Enfin, la résolution adoptée par la majorité des eurodéputés met sur un pied d’égalité ceux qui ont construit le camp d’extermination d’Auschwitz et l’Armée rouge qui en a libéré les déportés. 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Massimiliano Smeriglio, un eurodéputé du Parti Démocrate italien, par ailleurs très critique vis-à-vis de l’URSS, souligne à raison qu’il faut pointer parmi les causes de la deuxième guerre mondiale «la complicité silencieuse avec laquelle l’État libéral a permis le développement du fascisme et du national-socialisme contre le mouvement ouvrier».</p> <p>Enfin, la résolution adoptée par la majorité des eurodéputés met sur un pied d’égalité ceux qui ont construit le camp d’extermination d’Auschwitz et l’Armée rouge qui en a libéré les déportés. 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En voulant mettre sur le même pied fascisme et communisme, la résolution injurie en effet la mémoire et les luttes de tous ces communistes, partisans et résistants, qui ont sacrifié leur vie dans la lutte antifasciste partout en Europe.</p> <h3>Réhabilitation du fascisme et anticommunisme</h3> <p>L’amalgame entre fascisme et communisme est également faux sur le fond. L’idéologie fasciste se base fondamentalement sur l'idée de hiérarchie entre les races et les cultures. Les nazis ont théorisé le fait qu’il y aurait des «untermensch», des «personnes inférieures» non-aryennes dont certains devaient être exterminés. Le fascisme a été à la base des troupes de choc nécessaires pour défendre le capitalisme en période de crise. Le soutien de nombreuses grandes entreprises et banques allemandes a d’ailleurs été déterminant pour l’accession au pouvoir du parti nazi. L’idéologie communiste est tout l’inverse: elle est basée sur les principes d’égalité et de l'émancipation de tous. Elle vise à mettre fin à l’exploitation de l’homme par l’homme et se pose en alternative au capitalisme. C’est donc l’exact opposé.</p> <p>Assimiler le communisme au fascisme signifie donc non seulement une réécriture de l’histoire, mais aussi de facto une minimisation et une forme de réhabilitation de l’idéologie fasciste au moment même où le fascisme resurgit partout en Europe et est de plus en plus normalisé par des partis de droite.</p> <p>Le prix Nobel de littérature Thomas Mann écrivait à ce titre: «Placer sur le même plan moral le communisme russe et le nazi-fascisme, en considérant que tous les deux seraient totalitaires, est dans le meilleur des cas de la superficialité, dans le pire, c’est du fascisme. 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Et la même haine anime la N-VA quand elle qualifie notamment le PTB de «déchet de l’histoire», ou les groupuscules d’extrême droite comme Schild en Vrienden qui lancent la chasse aux mouvements étudiants de gauche comme Comac (étudiants du PTB). Marxistes, défenseurs de Mai 68, syndicats et militants de l’égalité, tous sont des ennemis et doivent être mis au pas.</p> <h3>Une résolution sur le passé écrite pour le présent </h3> <p>La résolution ne se contente en effet pas de réécrire l’histoire, elle appelle aussi à effacer toute trace de l’histoire réelle et à créer une nouvelle «culture mémorielle partagée». Il ne s’agit pas uniquement de condamner tout entier le communisme dans le passé, mais également d’empêcher l’émergence aujourd’hui de toute force de gauche qui remette en cause le système.</p> <p>Pour y arriver, la résolution va jusqu’à appeler de fait à la destruction de monuments historiques célébrant par exemple la contribution de l’Armée rouge à la victoire contre le fascisme, à réécrire les cours d’histoire pour en retirer les aspects qui seraient jugés trop positifs pour les anciens régimes communistes, à rebaptiser les rues, à interdire la vente d’objets reprenant des symboles communistes... </p> <p>Cette résolution comporte encore un autre élément dont on ne peut ignorer la gravité: au nom de la «démocratie», elle légitime l'interdiction totalement anti-démocratique des organisations communistes qui est en cours dans certains pays de l'Union européenne et ouvre la voie à une intensification et à une généralisation de cette interdiction. 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L’Union européenne s’octroierait-elle le droit d’intervenir partout dans le monde, militairement s’il le faut, au nom de la «démocratie»?</p> <p>Dans un contexte de montée de l’extrême-droite et du fascisme partout en Europe, cette résolution est donc non seulement une véritable falsification de l’histoire, elle est surtout politiquement dangereuse. Elle doit être comprise dans le cadre du processus de normalisation du fascisme et de fascisation qui se joue dans nos pays. Le PTB a évidemment voté contre ce texte et nous continuerons le combat contre la fascisation en Belgique et en Europe.</p> <hr /> <h3>A lire aussi:</h3> <p><a href="/actuel/le-parlement-de-l-ue-reecrit-l-histoire" target="_blank" rel="noopener">Le Parlement de l’UE réécrit l’histoire</a></p> <p> </p>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'quand-le-parlement-europeen-vote-une-resolution-dangereuse-qui-reecrit-l-histoire', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-6', 'like' => (int) 605, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 2166, 'homepage_order' => (int) 2416, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 8, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4937, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Géopolitique du sport: l’affrontement entre la Russie et l’Ukraine', 'subtitle' => 'Impossible apolitisme du sport mondial face à la guerre en Ukraine. 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Cette déclaration est catégorique : « La guerre non provoquée et injustifiable de la Russie contre l’Ukraine, soutenue par le gouvernement biélorusse, est répugnante et constitue une violation flagrante de ses obligations internationales. » Ainsi, du point de vue sportif et diplomatique, la Russie se retrouve isolée.</p> <h3>La création d’un nouvel ordre mondial du sport ?</h3> <p>Dans les paroles et les actions, le pouvoir russe privilégie depuis le début de l’invasion la création d’un pôle sportif alternatif à l’échelle mondiale pour contrer les institutions sportives internationales traditionnelles telles que le CIO ou la Fifa.</p> <p>En pratique, cela impliquerait de se passer du sport mondial, de le remplacer ou de rivaliser avec lui. En Russie, par exemple, l’idée de diviser le mouvement olympique gagne du terrain. Il s’agirait de séparer les Jeux en deux parties : à l’Ouest, les Jeux occidentaux, et à l’Est, les Jeux russes « traditionnels ». Ces Jeux à la russe se dérouleraient en été en Crimée et en hiver à Sotchi. Ils puiseraient leur légitimité dans les liens historiques plus ou moins confirmés de ces régions avec la Grèce antique. En 2007, pour obtenir les Jeux de Sotchi, Vladimir Poutine avait rappelé aux membres du CIO que « les Grecs anciens ont vécu près de Sotchi. J’ai vu le rocher près de Sotchi où, selon la légende, Prométhée était enchaîné. Prométhée qui a donné le feu aux hommes, le feu qui est finalement la flamme olympique ». Depuis, l’argument du mythe est souvent utilisé pour évoquer cette région russe, composée du Caucase et de la péninsule de Crimée. 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Cela explique pourquoi les installations sportives, telles que les stades ou les gymnases, sont souvent la cible des forces russes, car elles pourraient potentiellement abriter des unités ukrainiennes entières.</p> <p>Par la suite, lorsque l’armée russe a commencé à faire du surplace voire à reculer sur le terrain, le secteur sportif ukrainien a pris une nouvelle orientation. Certains clubs de football ont obtenu la permission de jouer des matchs de charité à l’étranger, malgré la loi martiale interdisant aux hommes âgés de 18 à 60 ans de quitter le territoire. Ces matchs visaient à sensibiliser à la cause ukrainienne. De même, les athlètes en préparation pour d’importantes compétitions ont pu s’entraîner à l’étranger.</p> <p>Par exemple, l’équipe nationale de football a été autorisée à s’entraîner en Slovénie pendant un mois en mai 2022 en vue des qualifications pour la Coupe du monde de football 2022 au Qatar. Ainsi, le soft power sportif a contribué symboliquement à l’effort de guerre. Les autorités estimaient qu’un athlète ukrainien était plus utile sur le terrain sportif que sur le front militaire. Selon elles, il offrait un double avantage en donnant à l’Ukraine une visibilité internationale et en pouvant potentiellement rehausser le moral des troupes déployées sur le terrain. Cette dimension ne doit pas être sous-estimée : une victoire sportive pour un athlète ukrainien procurait aux soldats, qui suivaient régulièrement les matchs et les résultats, un certain espoir et un regain de moral.</p> <p>À partir de la mi-juin 2022, le sport à l’échelle nationale a progressivement retrouvé sa place, bien que dans des conditions exceptionnelles. Par exemple, la Première Ligue ukrainienne de football a obtenu l’autorisation de débuter la saison 2022-2023 fin août. Toutefois, les règles ont été adaptées à la situation du moment. Les spectateurs ne sont plus autorisés à assister aux matchs, et ceux-ci nécessitent une autorisation systématique de l’administration militaire pour avoir lieu. Si une alerte de raid aérien potentiel retentit dans un rayon de moins de 500 mètres, le match est interrompu et les joueurs se réfugient dans les vestiaires, ce qui se produit régulièrement. Après un an et demi de guerre, aucun footballeur ukrainien n’a été blessé. Cependant, certains matchs ont duré plus de cinq heures au total.</p> <p>Paradoxalement, l’Ukraine continue de participer activement aux événements sportifs européens et mondiaux. Chaque compétition internationale offre l’opportunité aux autorités de promouvoir les intérêts du pays dans un contexte de guerre. De plus, certains clubs ukrainiens sont accueillis par les alliés géopolitiques les plus proches de l’Ukraine. Par exemple, le Dynamo Kyiv s’entraîne et joue certains de ses matchs à Cracovie, en Pologne. Dnipro, quant à lui, joue et s’entraîne à Košice, en Slovaquie, de manière permanente. En général, de nombreux athlètes et entraîneurs ukrainiens, actifs ou non, ont choisi de rejoindre le front dans l’est de l’Ukraine, mettant leur carrière en suspens. Le cas emblématique est peut-être celui de Yuriy Vernydub, entraîneur ukrainien du Sheriff Tiraspol, qui est parti au front dès le lendemain de l’invasion. Il est important de noter que ces professionnels du sport proviennent souvent de divisions sportives moins importantes. En effet, les athlètes de renom préfèrent généralement contribuer à l’effort de guerre d’un point de vue sportif et symbolique.</p> <p>Le cas des supporters des clubs ukrainiens est également notable. Depuis 2014 et surtout depuis l’invasion russe en Ukraine, de nombreux ultras ont rejoint le front pour combattre ensemble, mettant de côté leur rivalité sportive. En temps de paix rivaux, les supporters du Shakhtar Donetsk et du Dynamo Kyiv combattent ensemble contre leur ennemi commun.</p> <h3>La stratégie politique et sportive de Volodymyr Zelensky après l’invasion russe</h3> <p>Depuis le 24 février 2022, la stratégie internationale de Volodymyr Zelensky s’est intensifiée dans le domaine sportif, trouvant écho dans l’espace médiatique mondial. Les ministères, les organisations privées et le comité olympique ukrainien, tous les organes politiques, économiques et sportifs du pays sont mobilisés pour transmettre un message : l’exclusion de la Russie doit durer tant que l’invasion se poursuit.</p> <figure><iframe frameborder="0" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/YQiSJ3AO5CI?wmode=transparent&start=0" width="440"></iframe></figure> <p>Le hashtag #boycottrussiansport en est devenu le symbole. De manière concrète, les arguments ukrainiens peuvent être résumés en cinq points. La Russie devrait être exclue des événements sportifs mondiaux et des Jeux olympiques de Paris 2024 car elle est un État envahisseur et terroriste ; les athlètes russes sont de quelque manière liés à l’État russe ou à l’armée russe ; le régime de Vladimir Poutine exploite le sport à des fins de propagande ; dans de telles conditions, l’équité des compétitions sportives (Jeux olympiques, Coupe du monde, etc.) ne peut être maintenue ; les athlètes ukrainiens perdent la vie au front ou ne peuvent pas s’entraîner convenablement pour les grandes compétitions internationales, par conséquent la Russie et la Biélorussie ne devraient pas être autorisés à y participer.</p> <p>Pour diffuser ces arguments, le gouvernement ukrainien utilise divers canaux. Tout comme Volodymyr Zelensky utilise son smartphone pour communiquer avec différentes générations, les principaux porte-parole du sport ukrainien exploitent les canaux et les codes contemporains pour diffuser leur message. Les réseaux sociaux tels que TikTok, Facebook ou Instagram sont fréquemment utilisés pour diffuser des propos politiques liés au sport. On peut souvent voir circuler des vidéos de quelques secondes transmettant un message percutant. Par exemple, l’une de ces vidéos virales montre un athlète russe lançant un javelot dans les airs. Le javelot se transforme ensuite en obus, suit la trajectoire de l’athlète et finit par s’écraser sur un bâtiment ukrainien. Un message s’affiche alors à l’écran : « Boycott Russian Sport. »</p> <h4 style="text-align: center;"><a href="https://images.theconversation.com/files/592021/original/file-20240503-16-h8q7b1.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/592021/original/file-20240503-16-h8q7b1.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a></h4> <h4 style="text-align: center;"><em><span>Ces extraits sont issus de « La Guerre du sport. 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Le compte Facebook du ministère suit la même approche, avec une bannière principale affichant à nouveau le hashtag #boycottrussiansport, cette fois-ci en lettres sanglantes.</p> <p>Pour avoir un impact encore plus fort, le Comité des sports d’Ukraine (SKU), chargé de promouvoir le développement des sports non olympiques, a lancé le projet Angels of Sport via un site web recensant les athlètes et entraîneurs ukrainiens professionnels décédés au combat depuis le 24 février 2022.<img src="https://counter.theconversation.com/content/229262/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <p> </p> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/lukas-aubin-910318">Lukas Aubin</a>, Docteur en Études slaves contemporaines : spécialiste de la géopolitique de la Russie et du sport, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/universite-paris-nanterre-universite-paris-lumieres-2294">Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières</a></em> et <a href="https://theconversation.com/profiles/jean-baptiste-guegan-234426">Jean-Baptiste Guégan</a>, Enseignant en géopolitique du sport, journaliste et consultant, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/geopolitique-du-sport-laffrontement-entre-la-russie-et-lukraine-229262">article original</a>.</h4> <h4><em>Lukas Aubin, directeur de recherche à l’IRIS, spécialiste de la géopolitique de la Russie et du sport et membre associé du Centre de Recherches Pluridisciplinaires Multilingues (CRPM) à l’université Paris-Nanterre, et Jean-Baptiste Guégan, expert en géopolitique du sport et enseignant à Sciences Po Paris, viennent de publier aux éditions Tallandier</em> <a href="https://www.tallandier.com/livre/la-guerre-du-sport/">La Guerre du Sport, une nouvelle géopolitique</a>, <em>un ouvrage complet qui met en lumière l’influence des grands enjeux internationaux sur un un monde du sport à l’apolitisme de plus en plus illusoire. 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En effet, le corps humain n'utiliserait la provitamine A que s'il dispose de suffisamment de graisse, ce qui, selon Greenpeace, n'est souvent pas le cas chez ces personnes. De plus, il y aurait un risque que le riz génétiquement modifié, une fois introduit dans le champ, se reproduise de manière autonome, se propage et contamine ainsi d'autres variétés de riz. En raison de ces doutes, il a fallu attendre 16 ans de plus pour que les autorités philippines en charge de la biosécurité donnent finalement le feu vert à la culture du riz doré en 2021.</p> <h3>Le tribunal révoque l’autorisation</h3> <p>Mais aujourd'hui, une nouvelle décision de justice met déjà un frein à la propagation de la variété de riz transgénique. Ainsi, une Cour d'appel philippine a révoqué l'autorisation le 17 avril dernier en se référant au principe de précaution: «En l'absence de consensus scientifique sur la sécurité du riz doré, il ne devrait plus être cultivé à des fins commerciales». 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Celui-ci protège le droit constitutionnel à une «écologie équilibrée et saine» et stipule que ce droit prévaut sur les activités humaines susceptibles de nuire à l'environnement.</p> <h3>Un recours porterait-il ses fruits?</h3> <p>Comme l'explique Aldrich Fitz Dy, avocat et consultant philippin interrogé par la revue <em>Science</em>, le gouvernement a désormais deux possibilités. Il peut soit faire appel, soit porter le jugement devant la Cour suprême. Selon Dy, la première solution est peu probable, la seconde prendrait au moins deux ans.</p> <p>Adrian Dubock, membre du Golden Rice Humanitarian Board, voit les choses différemment. Il s'attend à ce que le gouvernement philippin fasse appel auprès de la Cour: «Je suppose que l'appel sera couronné de succès», estime Dubock auprès de la plateforme scientifique <em>New Scientist</em>.</p> <p>Il reste à voir si l'interdiction actuelle de cultiver le riz doré peut encore être remise en question. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
3 Commentaires
@TIFF 05.03.2020 | 10h43
«Excellent article qui rafraichira la mémoire, souvent oublieuse, de certains.»
@Lagom 05.03.2020 | 22h06
«En 2004 l'UE est passée de 11 à 20 langues officielles. Une tour de Babel, source de la discorde proverbiale. Ce que l'auteur nous décrit ici ne représente pas forcément ce que d'autres ont compris au moment de voter cette loi. A l'expérience et avec le temps nous en seront plus !»
@XG 08.03.2020 | 06h42
«Cet article est effarant. Comment l’UE qui clame à tous vents sa défense de la démocratie, des droits humains, de la liberté de la presse et de je ne sais quoi encore puisse se permettre de réécrire l’histoire ainsi? Par ailleurs, la soi-disant défense de la démocratie a été tellement utilisée pour obtenir le soutien des foules à des guerres injustifiables que ce concept en est devenu galvaudé et ne prête plus qu’a un rire (très) jaune.»