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Analyse / Les élections américaines ne changeront rien aux guerres en cours


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On ne cesse de rabâcher que les élections américaines du 5 novembre prochain seront «plus déterminantes que jamais» pour l’avenir du monde. Le sort de la planète se jouerait entre Kamala Harris et Donald Trump, entre lumières humanistes d’un côté et ténèbres infernales de l’autre. Il n’en sera rien, car la confrontation menée par les Etats-Unis pour maintenir leur suprématie mondiale, et donc les guerres en cours en Ukraine et en Palestine, continuera de plus belle, d’une manière ou d’une autre.



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Cette croyance dans le rôle crucial des élections américaines est universelle. Mais elle témoigne davantage du succès mondial du soft power américain que de la réalité effective. Le lendemain des élections de novembre 2016, je me suis retrouvé sur un plateau de télévision russe à Moscou pour commenter l’élection de Trump, dont les Russes attendaient beaucoup et espéraient qu’il renverse l’hostilité de l’Occident à leur égard. Je les déçus en pronostiquant que rien ne changerait pour eux. Certes, les Républicains étaient plus hostiles à la Chine qu’à la Russie alors que les Démocrates étaient d’abord antirusses avant d’être antichinois. Mais les deux camps se rejoindraient pour faire trébucher à la fois l’une et l’autre, parce qu’ils les voyaient toutes deux comme des menaces systémiques pour leur hégémonie.

Huit ans plus tard, rien n’a changé sur le plan global sinon que la lutte pour la domination du monde – hégémonie contre multipolarité – s’est exacerbée et a éclaté en guerres ouvertes et de longue durée. Désormais, la paix ne sera pas possible tant que l’Occident ne renoncera pas à son ambition multiséculaire de dominer le reste du monde ou n’aura pas vaincu ses adversaires. Acculé, paniqué par la montée en puissance des forces contestatrices et son déclin relatif, il est devenu aussi dangereux qu’un lion blessé.

La seule chose qui a changé est que les tensions se sont aussi exacerbées à l’intérieur des Etats-Unis. Les Démocrates avaient ouvert les hostilités en 2016, en montant en épingle l’affaire du Russiagate pour discréditer l’élection de Trump puis le destituer. Lequel a riposté en janvier 2021 avec les émeutes du Capitole et son refus de concéder sa défaite. Aujourd’hui, tout est possible. Le pays, profondément divisé, doit décider entre deux modèles de société fortement antagoniques. Le chaos et la guerre civile peuvent survenir. Mais le pire n’est pas sûr car, jusqu’ici, le patriotisme constitutionnel des Américains et leur croyance quasi religieuse dans leur vocation à régenter le monde l’ont toujours emporté sur les dissensions. L’idéologie y finit toujours par s’effacer devant le pragmatisme et les intérêts bien compris. 

Les slogans des candidats ne se ressemblent-ils pas comme deux gouttes d’eau? Entre le «Make America Great Again» de Trump et le «Restore The American Leadership» de Biden, difficile de voir une différence dans le degré de chauvinisme. Une injonction que le Secrétaire d’Etat de Biden Anthony Blinken a reprise à son compte ces jours-ci. Lire dans le prochain numéro de Foreign Affairs, son appel à «reconstruire le leadership pour un monde nouveau» (Rebuilding Leadership for a New World, Foreign Affairs, November/December 2024, à paraître.)

Il est certain que la bourgeoisie culturelle et les élites dirigeantes européennes préféreront toujours un ou une Démocrate policée à un Républicain mal élevé, brutal, grossier, «populiste». Elles éprouvent à son égard la même aversion que pour leurs populistes décrétés d’extrême droite ou d’extrême gauche, telle l’Allemande Sarah Wagenknecht. Les uns et les autres, Trump en tête, font insulte à leur progressisme affiché et à leur raffinement revendiqué. Et elles abhorrent d’autant plus Trump qu’il ne les ménage pas et expose crûment leur servilité et leur statut subalterne dans l’ordre du monde: «Payez et fermez-la!» n’est pas un ordre que l’on aime s’entendre dire lorsqu’on prétend au rôle d’alliés des Etats-Unis et de co-leaders du «monde libre».

Sur les fronts militaires, aussi bien en Israël qu’en Ukraine, les changements seront donc minimes. Des inflexions interviendront ici ou là, mais la détermination de fond ne changera pas. Si Kamala Harris est élue, elle poursuivra dans la veine des présidents démocrates depuis Clinton: plus d’OTAN, plus d’alliances militaires, plus de soft power, d’assassinats et de bombardements «pour la démocratie et les droits de l’Homme». Et autant de livraisons d’armes, «aussi longtemps qu’il le faudra», pour l’Ukraine, Israël et Taiwan. 

Si Trump gagne, la violence des discours viendra s’ajouter à une surenchère militaire contre les Palestiniens, le Hezbollah, l’Iran et la Chine. La patience à l’égard de Zelensky et les crédits illimités à l’Ukraine vont peut-être diminuer mais pas le soutien stratégique, trop important pour maintenir l’Europe en état de vassalité et la Russie hors-jeu: n’oublions pas que Trump a armé l’Ukraine et formé ses troupes pendant toute la durée de son mandat entre 2016 et 2020, et que Biden n’a plus eu qu’à récolter les fruits de cet investissement après son élection, lorsqu’il s’est opposé à toute forme de négociation avec les Russes avant le 24 février 2022.

Tout est prêt pour continuer sur la même lancée. Début septembre, la Chambre des Représentants votait la loi HR1157 instituant un fond de 1,6 milliard de dollars pour lutter «contre l’influence maligne de la République populaire de Chine». Le ton est donné. On se souvent des cinq milliards dépensés pour provoquer le coup d’Etat antirusse en Ukraine en février 2014. A cela s’ajoutent les 90 milliards annuels du budget du Département d’Etat destinés à financer les ONG, partis, groupes de pression et gouvernements amis susceptibles d'incarner «nos valeurs» dans les pays supposés hostiles. Ainsi que les 850 milliards du budget du Pentagone, chargé de veiller à ce que tout se déroule selon le plan. Pas de doute, les vaches seront bien gardées.

Il y a donc peu de chance pour que Joe Biden, lors de son discours d’adieu en janvier prochain, rappelle les propos qu’avait tenus dans la même circonstance son prédécesseur Georges Washington, lorsqu’il avait enjoint ses successeurs, à la fin du XVIIIe siècle, de «se garder des alliances permanentes» et de profiter de la protection offerte par les océans pour «se maintenir à saine distance» des intrigues étrangères.

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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

1 Commentaire

@willoft 05.10.2024 | 13h05

«https://www.arte.tv/fr/videos/114207-000-A/russie-chine-iran-la-revanche-des-empires/

Ne suis pas payé pour relayer Arte, mais si on s'intéresse à une géopolitique globale, leurs docs sont plus objectifs que leurs journalistes»


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