Analyse / Le casse-tête du Ministère public dure depuis 1851
Le procureur fédéral Kronauer représenté comme la marionnette du Kaiser Wilhelm II par «Der neue Postillon», en novembre 1901. © DR
Les turbulences autour du choix d’un nouveau procureur général de la Confédération en attestent: cette autorité était mal conçue dès le départ. Hans-Ulrich Jost, professeur émérite d’histoire à l’Université de Lausanne, a expliqué à nos confrères d'«Infosperber» le cheminement de ce poste aux pannes successives.
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Sans vraiment y répondre clairement, le procureur général lançait en 1885 une enquête sur les anarchistes, considérés avec les socialistes comme des ennemis de l'Etat − le Parti social-démocrate de Suisse a été fondé en 1888. Une image presque obsessionnelle de l'ennemi a alors émergé. Dans les années 1889-1904, quelque 350 citoyens suisses ont été fichés pour leurs activités politiques. Le Ministère public de la Confédération n'a pas hésité à utiliser des informateurs douteux pour cette surveillance. Ce fut le début d'un système de plus en plus répandu, qui a finalement abouti à l'affaire des fiches de 1989.</span></p> <p><span>L’organisation repose donc dès l’origine sur des lois, des ordonnances, des décisions gouvernementales peu définies quant à leur base constitutionnelles. </span></p> <p><span>Sous la houlette de Franz Stämpfli, procureur général de 1916 à 1948, sa tâche centrale fut de combattre les groupes et organisations de gauche. 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Cette déclaration est catégorique : « La guerre non provoquée et injustifiable de la Russie contre l’Ukraine, soutenue par le gouvernement biélorusse, est répugnante et constitue une violation flagrante de ses obligations internationales. » Ainsi, du point de vue sportif et diplomatique, la Russie se retrouve isolée.</p> <h3>La création d’un nouvel ordre mondial du sport ?</h3> <p>Dans les paroles et les actions, le pouvoir russe privilégie depuis le début de l’invasion la création d’un pôle sportif alternatif à l’échelle mondiale pour contrer les institutions sportives internationales traditionnelles telles que le CIO ou la Fifa.</p> <p>En pratique, cela impliquerait de se passer du sport mondial, de le remplacer ou de rivaliser avec lui. En Russie, par exemple, l’idée de diviser le mouvement olympique gagne du terrain. Il s’agirait de séparer les Jeux en deux parties : à l’Ouest, les Jeux occidentaux, et à l’Est, les Jeux russes « traditionnels ». Ces Jeux à la russe se dérouleraient en été en Crimée et en hiver à Sotchi. Ils puiseraient leur légitimité dans les liens historiques plus ou moins confirmés de ces régions avec la Grèce antique. En 2007, pour obtenir les Jeux de Sotchi, Vladimir Poutine avait rappelé aux membres du CIO que « les Grecs anciens ont vécu près de Sotchi. J’ai vu le rocher près de Sotchi où, selon la légende, Prométhée était enchaîné. Prométhée qui a donné le feu aux hommes, le feu qui est finalement la flamme olympique ». Depuis, l’argument du mythe est souvent utilisé pour évoquer cette région russe, composée du Caucase et de la péninsule de Crimée. Selon Vladimir Poutine, ces terres sont sacrées et pourraient servir de cadre à un nouvel ordre mondial du sport.</p> <figure><iframe frameborder="0" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/o8WjPYcA0lY?wmode=transparent&start=0" width="440"></iframe></figure> <p>Dans le cadre de ce scénario et pour rivaliser politiquement et sportivement avec succès avec le mouvement olympique, le pouvoir russe cherche déjà des alliés […]. L’objectif est de solliciter les pays membres de la CEI, de l’Organisation de coopération de Shanghai et les BRICS pour qu’ils participent à cette ambition. Ces trois organisations regroupent plusieurs acteurs majeurs du sport mondial, parmi lesquels la Chine occupe une place de choix. Si ce projet russe réussissait, il pourrait donner naissance à un nouvel ordre mondial du sport destiné à rivaliser avec les institutions historiques du sport moderne telles que le CIO ou la Fifa. Concomitante à une dynamique plus générale de désoccidentalisation du monde, cette influence dépasse très largement le cadre sportif.</p> <h3>Le sport ukrainien, c’est la guerre avec les balles</h3> <p>Depuis le 24 février 2022, pour Volodymyr Zelensky et l’Ukraine, le sport, c’est la <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/culturesmonde/le-sport-c-est-la-guerre-les-fusils-en-moins-g-orwell-1945-2-4-la-guerre-un-sport-comme-les-autres-7282852">guerre avec les balles</a>. En effet, à l’heure du conflit russo-ukrainien, le domaine sportif en Ukraine a subi une transformation significative.</p> <p>Initialement, au lendemain de l’invasion et sur une période de moins de deux mois, les autorités nationales ont suspendu l’ensemble des activités sportives en Ukraine. L’accent était alors mis sur l’effort de guerre, et les installations sportives ont été utilisées par les militaires ukrainiens comme bases de repli ou de déploiement. Cela explique pourquoi les installations sportives, telles que les stades ou les gymnases, sont souvent la cible des forces russes, car elles pourraient potentiellement abriter des unités ukrainiennes entières.</p> <p>Par la suite, lorsque l’armée russe a commencé à faire du surplace voire à reculer sur le terrain, le secteur sportif ukrainien a pris une nouvelle orientation. Certains clubs de football ont obtenu la permission de jouer des matchs de charité à l’étranger, malgré la loi martiale interdisant aux hommes âgés de 18 à 60 ans de quitter le territoire. Ces matchs visaient à sensibiliser à la cause ukrainienne. De même, les athlètes en préparation pour d’importantes compétitions ont pu s’entraîner à l’étranger.</p> <p>Par exemple, l’équipe nationale de football a été autorisée à s’entraîner en Slovénie pendant un mois en mai 2022 en vue des qualifications pour la Coupe du monde de football 2022 au Qatar. Ainsi, le soft power sportif a contribué symboliquement à l’effort de guerre. Les autorités estimaient qu’un athlète ukrainien était plus utile sur le terrain sportif que sur le front militaire. Selon elles, il offrait un double avantage en donnant à l’Ukraine une visibilité internationale et en pouvant potentiellement rehausser le moral des troupes déployées sur le terrain. Cette dimension ne doit pas être sous-estimée : une victoire sportive pour un athlète ukrainien procurait aux soldats, qui suivaient régulièrement les matchs et les résultats, un certain espoir et un regain de moral.</p> <p>À partir de la mi-juin 2022, le sport à l’échelle nationale a progressivement retrouvé sa place, bien que dans des conditions exceptionnelles. Par exemple, la Première Ligue ukrainienne de football a obtenu l’autorisation de débuter la saison 2022-2023 fin août. Toutefois, les règles ont été adaptées à la situation du moment. Les spectateurs ne sont plus autorisés à assister aux matchs, et ceux-ci nécessitent une autorisation systématique de l’administration militaire pour avoir lieu. Si une alerte de raid aérien potentiel retentit dans un rayon de moins de 500 mètres, le match est interrompu et les joueurs se réfugient dans les vestiaires, ce qui se produit régulièrement. Après un an et demi de guerre, aucun footballeur ukrainien n’a été blessé. Cependant, certains matchs ont duré plus de cinq heures au total.</p> <p>Paradoxalement, l’Ukraine continue de participer activement aux événements sportifs européens et mondiaux. Chaque compétition internationale offre l’opportunité aux autorités de promouvoir les intérêts du pays dans un contexte de guerre. De plus, certains clubs ukrainiens sont accueillis par les alliés géopolitiques les plus proches de l’Ukraine. Par exemple, le Dynamo Kyiv s’entraîne et joue certains de ses matchs à Cracovie, en Pologne. Dnipro, quant à lui, joue et s’entraîne à Košice, en Slovaquie, de manière permanente. En général, de nombreux athlètes et entraîneurs ukrainiens, actifs ou non, ont choisi de rejoindre le front dans l’est de l’Ukraine, mettant leur carrière en suspens. Le cas emblématique est peut-être celui de Yuriy Vernydub, entraîneur ukrainien du Sheriff Tiraspol, qui est parti au front dès le lendemain de l’invasion. Il est important de noter que ces professionnels du sport proviennent souvent de divisions sportives moins importantes. En effet, les athlètes de renom préfèrent généralement contribuer à l’effort de guerre d’un point de vue sportif et symbolique.</p> <p>Le cas des supporters des clubs ukrainiens est également notable. Depuis 2014 et surtout depuis l’invasion russe en Ukraine, de nombreux ultras ont rejoint le front pour combattre ensemble, mettant de côté leur rivalité sportive. En temps de paix rivaux, les supporters du Shakhtar Donetsk et du Dynamo Kyiv combattent ensemble contre leur ennemi commun.</p> <h3>La stratégie politique et sportive de Volodymyr Zelensky après l’invasion russe</h3> <p>Depuis le 24 février 2022, la stratégie internationale de Volodymyr Zelensky s’est intensifiée dans le domaine sportif, trouvant écho dans l’espace médiatique mondial. Les ministères, les organisations privées et le comité olympique ukrainien, tous les organes politiques, économiques et sportifs du pays sont mobilisés pour transmettre un message : l’exclusion de la Russie doit durer tant que l’invasion se poursuit.</p> <figure><iframe frameborder="0" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/YQiSJ3AO5CI?wmode=transparent&start=0" width="440"></iframe></figure> <p>Le hashtag #boycottrussiansport en est devenu le symbole. De manière concrète, les arguments ukrainiens peuvent être résumés en cinq points. La Russie devrait être exclue des événements sportifs mondiaux et des Jeux olympiques de Paris 2024 car elle est un État envahisseur et terroriste ; les athlètes russes sont de quelque manière liés à l’État russe ou à l’armée russe ; le régime de Vladimir Poutine exploite le sport à des fins de propagande ; dans de telles conditions, l’équité des compétitions sportives (Jeux olympiques, Coupe du monde, etc.) ne peut être maintenue ; les athlètes ukrainiens perdent la vie au front ou ne peuvent pas s’entraîner convenablement pour les grandes compétitions internationales, par conséquent la Russie et la Biélorussie ne devraient pas être autorisés à y participer.</p> <p>Pour diffuser ces arguments, le gouvernement ukrainien utilise divers canaux. Tout comme Volodymyr Zelensky utilise son smartphone pour communiquer avec différentes générations, les principaux porte-parole du sport ukrainien exploitent les canaux et les codes contemporains pour diffuser leur message. Les réseaux sociaux tels que TikTok, Facebook ou Instagram sont fréquemment utilisés pour diffuser des propos politiques liés au sport. On peut souvent voir circuler des vidéos de quelques secondes transmettant un message percutant. Par exemple, l’une de ces vidéos virales montre un athlète russe lançant un javelot dans les airs. Le javelot se transforme ensuite en obus, suit la trajectoire de l’athlète et finit par s’écraser sur un bâtiment ukrainien. Un message s’affiche alors à l’écran : « Boycott Russian Sport. »</p> <h4 style="text-align: center;"><a href="https://images.theconversation.com/files/592021/original/file-20240503-16-h8q7b1.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/592021/original/file-20240503-16-h8q7b1.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a></h4> <h4 style="text-align: center;"><em><span>Ces extraits sont issus de « La Guerre du sport. 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Le compte Facebook du ministère suit la même approche, avec une bannière principale affichant à nouveau le hashtag #boycottrussiansport, cette fois-ci en lettres sanglantes.</p> <p>Pour avoir un impact encore plus fort, le Comité des sports d’Ukraine (SKU), chargé de promouvoir le développement des sports non olympiques, a lancé le projet Angels of Sport via un site web recensant les athlètes et entraîneurs ukrainiens professionnels décédés au combat depuis le 24 février 2022.<img src="https://counter.theconversation.com/content/229262/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <p> </p> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/lukas-aubin-910318">Lukas Aubin</a>, Docteur en Études slaves contemporaines : spécialiste de la géopolitique de la Russie et du sport, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/universite-paris-nanterre-universite-paris-lumieres-2294">Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières</a></em> et <a href="https://theconversation.com/profiles/jean-baptiste-guegan-234426">Jean-Baptiste Guégan</a>, Enseignant en géopolitique du sport, journaliste et consultant, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/geopolitique-du-sport-laffrontement-entre-la-russie-et-lukraine-229262">article original</a>.</h4> <h4><em>Lukas Aubin, directeur de recherche à l’IRIS, spécialiste de la géopolitique de la Russie et du sport et membre associé du Centre de Recherches Pluridisciplinaires Multilingues (CRPM) à l’université Paris-Nanterre, et Jean-Baptiste Guégan, expert en géopolitique du sport et enseignant à Sciences Po Paris, viennent de publier aux éditions Tallandier</em> <a href="https://www.tallandier.com/livre/la-guerre-du-sport/">La Guerre du Sport, une nouvelle géopolitique</a>, <em>un ouvrage complet qui met en lumière l’influence des grands enjeux internationaux sur un un monde du sport à l’apolitisme de plus en plus illusoire. 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Il y voyait un moyen efficace de lutter contre les maladies dues à une carence en vitamine A, très répandues en Asie du Sud-Est et qui peuvent entraîner la cécité, voire la mort. Potrykus était alors loin de se douter qu'un tribunal philippin retoquerait son invention un an et demi après son autorisation.</p> <h3>Syngenta acquiert des droits de brevet</h3> <p>La route a été longue jusqu'à la première récolte du riz doré: en 1999 déjà, Potrykus et son collègue Peter Beyer avaient présenté un prototype. Celui-ci contenait des gènes de jonquille qui produisaient de la provitamine A dans le grain de riz et le faisaient ainsi briller d'un jaune doré. En 2005, les chercheurs avaient développé une deuxième variante en collaboration avec le géant de l'agroalimentaire Syngenta. 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En effet, le corps humain n'utiliserait la provitamine A que s'il dispose de suffisamment de graisse, ce qui, selon Greenpeace, n'est souvent pas le cas chez ces personnes. De plus, il y aurait un risque que le riz génétiquement modifié, une fois introduit dans le champ, se reproduise de manière autonome, se propage et contamine ainsi d'autres variétés de riz. En raison de ces doutes, il a fallu attendre 16 ans de plus pour que les autorités philippines en charge de la biosécurité donnent finalement le feu vert à la culture du riz doré en 2021.</p> <h3>Le tribunal révoque l’autorisation</h3> <p>Mais aujourd'hui, une nouvelle décision de justice met déjà un frein à la propagation de la variété de riz transgénique. Ainsi, une Cour d'appel philippine a révoqué l'autorisation le 17 avril dernier en se référant au principe de précaution: «En l'absence de consensus scientifique sur la sécurité du riz doré, il ne devrait plus être cultivé à des fins commerciales». L'interdiction s'étend en outre à la culture d'une aubergine génétiquement modifiée. La culture commerciale de ces variétés n'est pas autorisée «jusqu'à ce que les autorités gouvernementales concernées apportent la preuve de la sécurité et du respect de toutes les exigences légales», précise le tribunal.</p> <p>Le tribunal a aussi relevé que le gouvernement n'avait pas mis en place de mécanismes de surveillance pour assurer la sécurité de la culture et de la consommation du riz doré. Le jugement met donc pour l'instant à l’arrêt de nouveaux essais menés en plein champ, dans des serres ou des champs ouverts.</p> <p>Ce jugement intervient après que l'association d'agriculteurs philippins MASIPAG a porté plainte, avec d'autres organisations, contre l'autorisation de cultiver du riz doré. La plainte, déposée en 2022, se base sur un instrument juridique philippin appelé Writ of Kalikasan. Celui-ci protège le droit constitutionnel à une «écologie équilibrée et saine» et stipule que ce droit prévaut sur les activités humaines susceptibles de nuire à l'environnement.</p> <h3>Un recours porterait-il ses fruits?</h3> <p>Comme l'explique Aldrich Fitz Dy, avocat et consultant philippin interrogé par la revue <em>Science</em>, le gouvernement a désormais deux possibilités. Il peut soit faire appel, soit porter le jugement devant la Cour suprême. Selon Dy, la première solution est peu probable, la seconde prendrait au moins deux ans.</p> <p>Adrian Dubock, membre du Golden Rice Humanitarian Board, voit les choses différemment. Il s'attend à ce que le gouvernement philippin fasse appel auprès de la Cour: «Je suppose que l'appel sera couronné de succès», estime Dubock auprès de la plateforme scientifique <em>New Scientist</em>.</p> <p>Il reste à voir si l'interdiction actuelle de cultiver le riz doré peut encore être remise en question. En attendant, ce jugement devrait inspirer les mouvements qui, dans d'autres pays, s'opposent à l'introduction du riz doré et d'autres variétés génétiquement modifiées. 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Par Hans-Ulrich Jost
traduit de l'allemand
Des abus, des procédures infructueuses, un procureur fédéral qui ne prend pas la vérité au sérieux et qui doit finalement démissionner sous la pression massive: voilà comment le Ministère public de la Confédération a fait parler de lui en 2020.
A première vue, on pourrait penser qu'il s'agit d'une affaire spécifique dont le procureur général Michael Lauber est le principal responsable. Cependant, un regard sur l'histoire montre que le Ministère public de la Confédération a été mal conçu dès ses débuts, tant ses compétences, ses relations avec le Conseil fédéral et le Parlement que ses liens avec la police fédérale et le Tribunal fédéral n'étant pas clairement définis.
L’institution fut ainsi contestée dès sa création. Elle rappelait trop les polices politiques des Etats monarchiques de l’époque. En outre, sa double fonction de ministère public et de police des étrangers contredisait le principe de la séparation des pouvoirs, ce d'autant que l'indépendance dont elle jouissait face au Conseil fédéral qui nommait ses responsables n’était pas clairement définie.
Le premier procureur général de la Confédération fut désigné en 1851 et quitta son poste un an plus tard. Son successeur, Jakob Amiet, fit de même en 1856. Frustré, il se plaignait du manque de travail et d’autres désagréments. Ensuite, pendant de nombreuses années, la fonction ne fut plus dotée que de cas en cas.
Une surveillance politique excessive
L’institution fut renforcée en 1889 suite à une pression étrangère. Le Conseil fédéral avait ordonné l'expulsion d'un informateur de police utilisé contre des émigrés socialistes allemands. Le chancelier impérial Bismarck, très en colère, avait alors menacé la Suisse de sanctions sévères. Afin de se conformer à ses exigences, le Conseil fédéral a renforcé la police fédérale et le bureau du procureur général, qui ne comptait cependant que trois employés et dépendait de la coopération, souvent peu efficace, avec les services de police cantonaux.
Le procureur fédéral est-il également autorisé à traiter des affaires «politiques»? Cette question était épineuse. Sans vraiment y répondre clairement, le procureur général lançait en 1885 une enquête sur les anarchistes, considérés avec les socialistes comme des ennemis de l'Etat − le Parti social-démocrate de Suisse a été fondé en 1888. Une image presque obsessionnelle de l'ennemi a alors émergé. Dans les années 1889-1904, quelque 350 citoyens suisses ont été fichés pour leurs activités politiques. Le Ministère public de la Confédération n'a pas hésité à utiliser des informateurs douteux pour cette surveillance. Ce fut le début d'un système de plus en plus répandu, qui a finalement abouti à l'affaire des fiches de 1989.
L’organisation repose donc dès l’origine sur des lois, des ordonnances, des décisions gouvernementales peu définies quant à leur base constitutionnelles.
Sous la houlette de Franz Stämpfli, procureur général de 1916 à 1948, sa tâche centrale fut de combattre les groupes et organisations de gauche. Les dangers de droite n’était pas pris en compte, ce que le Conseil fédéral justifiait par des raisons de politique extérieures. Lorsque Stämpfli évoqua cette question, le gouvernement finit par lui demander de s’occuper également soigneusement des organisations sous influence de l’Allemagne nazie et de l’Italie fasciste.
Droit d'urgence
Dans l’entre-deux-guerres le Conseil fédéral et le Parlement adoptèrent un grand nombre de lois et de décrets au nom de la «sécurité de l’Etat». Souvent, cela ne fut possible qu’en utilisant le droit d’urgence, car, soumis au peuple, ces textes n'étaient pas acceptés. Comme par exemple la «loi sur la subversion» en 1922 et celle sur «l’ordre» en 1933, refusées en votation populaire. Ce qui n'empêcha pas le gouvernement et le parlement d'édicter des ordonnances, non soumises au référendum, qui allaient bien au-delà des textes refusés dans les urnes.
La guerre froide conduisit à intensifier la surveillance de la gauche. La décision du Conseil fédéral, le 29 octobre 1948, de considérer comme «trahison à la patrie» les contacts avec des organisations considérées comme hostiles à la Suisse est révélatrice de cette tendance. Ces durcissements furent intégrés dans le code pénal en 1950. C’est cette disposition qui a légitimé le fichage massif de citoyens et citoyennes suisses, ainsi que la mise à l’écart de fonctionnaires proches des communistes du Parti du travail. En 1949, Werner Lüthi prit la direction du Ministère public, avec lequel il collaborait déjà depuis de longues années. Il poursuivit avec zèle la politique de Stämpfli.
Survint ensuite une affaire spectaculaire et tragique. Le procureur nommé en 1955, René Dubois, social-démocrate et francophile, se trouva impliqué dans une collaboration problématique avec les services de renseignements français. La révélation publique des faits le poussa au suicide le 23 mars 1957. Il n’était pourtant de loin pas le principal coupable dans cette affaire. A l’arrière-plan intriguait Max Ulrich, inspecteur de la police fédérale, qui fournit pendant des années des informations aux services français. Mais Dubois fut visé par des officiers supérieurs du renseignement militaire qui, soit dit en passant, étaient eux en contact avec le contre-espionnage allemand de «l’organisation Gehlen». Pour protéger l’état-major de l’armée, on mit toute la faute sur Dubois et l’on cacha les côtés délicats de l’affaire.
Fichage des gauchistes
Les successeurs de Dubois, Hans Fürst et Hans Walder, orientèrent en priorité leurs activités, comme Stämpfli, contre la gauche, considérée comme particulièrement menaçante pour l’Etat. De 1974 à 1989, Rudolf Gerber dirigea le Ministère public. Il fut largement responsable du fichage des prétendus gauchistes ennemis de l’Etat, alors qu’il négligeait le blanchiment d’argent et le trafic de drogues. Le scandale des fiches qui éclata en 1989 le contraignit au départ. Ni le Conseil fédéral ni le Parlement ne tirèrent cependant les conclusions de ces dérapages. Il ne fut pas question de reconsidérer l’institution en profondeur .
Avec la chute du Mur de Berlin et l’effondrement de l’URSS, le Ministère public ne put plus cultiver l’image bien entretenue de «l’ennemi communiste». Il fut dirigé de manière intérimaire par Willy Padrutt, qui n’opéra guère de changements. Tout changea radicalement avec la nomination de Carla del Ponte, en poste de 1994 à 1997. Elle entreprit des actions spectaculaires sur de nouveaux terrains, comme le blanchiment d’argent et la criminalité organisée. Avec cependant des résultats relatifs. La gauche, jusque là très critique à l’endroit de l’institution, salua les nouvelles orientations. La droite, en revanche, trouva suspecte ses efforts en direction de la criminalité économique.
En 2000, Valentin Roschacher lui succéda. Il voulait engager des centaines d’enquêteurs contre le crime organisé, le blanchiment et le milieu de la drogue. Ses méthodes, par exemple l’utilisation de condamnés multirécidivistes comme indicateurs, dépassaient le cadre légal. Des opérations spectaculaires à l'image de la razzia chez les Hells Angels n’eurent que peu de résultats. Cela a abouti à un détestable conflit avec le conseiller fédéral Blocher qui, pour le mettre à la porte, abusa de ses compétences. Une fois de plus, l’institution donnait une mauvaise image d'elle-même.
Après Roschacher, le poste passa pour peu de temps à Michel-André Fels, puis en 2007 au successeur voulu par Blocher, Erwin Beyeler. Ce derrnier ne put venir à bout des problèmes dont il hérita. On lui reprocha une faiblesse dans la direction et une absence de concept dans les priorités, le Parlement refusa sa réélection en 2011.
Nouvelles tâches
Ces années-là survinrent malgré tout quelques réformes, mais peu coordonnées entre elles. De nouvelles tâches étaient formulées, dans les domaines comme la criminalité économique, le crime organisé, la corruption et le terrorisme. Cependant, la structure du Ministère public lui-même ne fut pas révisée. Elle dut, avec ses 170 collaborateurs, faire face à sa mauvaise réputation persistante. «On a le sentiment, écrivait la NZZ am Sonntag le 13 mars 2011, que l’on pousse là des gens qui ne sont pas extraordinairement doués.»
En 2012 arriva Michael Lauber. Il sut d’emblée, avec son allure chic, se présenter favorablement auprès de l’opinion. Il parlait d’un nouvel esprit dans l’institution mais ne remit pas en question son fonctionnement. «Aucune réorganisation n’est nécessaire», confiait-il à la NZZ le 31 mars 2020. Il apparut cependant rapidement que non seulement l’efficacité du Ministère était limitée mais que celui-ci trempait, une fois de plus, dans des affaires douteuses. Il serait trop long d’évoquer dans le détails les fautes de Lauber. Le comble fut la palabre cachée avec Gianni Infantino, président de la FIFA. Il s’ensuivit une procédure disciplinaire qui souligna les mensonges et les fautes de Lauber, lequel dut démissionner en juillet 2020 sous la forte pression de l’opinion publique.
Dans ce rapide survol historique apparaissent surtout les pannes et les manques du Ministère public. On pourrait objecter qu'un grand nombre de cas ont par ailleurs été correctement traités. Cela ne peut cependant servir d’excuses pour les graves manquements de l’institution et ses orientations problématiques du point de vue du droit.
Dès 1850, on l’a vu, il manquait des critères clairs dans la définition de ses tâches. Les développements de la structure, dans le cadre de la protection de l’Etat, ont peu aidé à définir ses champs d’action. Il est d’abord apparu un système de surveillance qui portait atteinte aux droits démocratiques et constitutionnels, puis des missions, comme la lutte contre le crime organisé, le blanchiment et la criminalité économique, qui manifestement dépassaient le Ministère public.
Malheureusement, l'affaire Lauber, comme les affaires précédentes, n'a pas conduit à une remise en cause fondamentale de l'institution du Ministère public de la Confédération. On suppose évidemment que son successeur remettra le bureau du procureur général en état de fonctionnement. Mais déjà lors de l'évaluation des candidats, il y a des mésaventures. Après une première tentative, au cours de laquelle les candidats n'avaient apparemment pas le profil souhaité, on est passé à un deuxième tour, qu'il a fallu également interrompre, personnne ne faisant encore l'affaire. Mais quel que soit l'élu, le Ministère public de la Confédération ne sortira de sa profonde crise structurelle que si une réforme fondamentale est menée.
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Il est d’abord apparu un système de surveillance qui portait atteinte aux droits démocratiques et constitutionnels, puis des missions, comme la lutte contre le crime organisé, le blanchiment et la criminalité économique, qui manifestement dépassaient le Ministère public. </span></p> <p>Malheureusement, l'affaire Lauber, comme les affaires précédentes, n'a pas conduit à une remise en cause fondamentale de l'institution du Ministère public de la Confédération. On suppose évidemment que son successeur remettra le bureau du procureur général en état de fonctionnement. Mais déjà lors de l'évaluation des candidats, il y a des mésaventures. Après une première tentative, au cours de laquelle les candidats n'avaient apparemment pas le profil souhaité, on est passé à un deuxième tour, qu'il a fallu également interrompre, personnne ne faisant encore l'affaire. Mais quel que soit l'élu, le Ministère public de la Confédération ne sortira de sa profonde crise structurelle que si une réforme fondamentale est menée.</p> <hr /> <h4><a href="https://www.infosperber.ch/politik/schweiz/die-bundesanwaltschaft-unrechtmaessig-und-unzweckmaessig/" target="_blank" rel="noopener">Lire l'article original</a></h4>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'le-casse-tete-du-ministere-public-dure-depuis-1851', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-6', 'like' => (int) 462, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 2827, 'homepage_order' => (int) 3067, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => 'Histoire', 'poster' => null, 'category_id' => (int) 8, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4937, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Géopolitique du sport: l’affrontement entre la Russie et l’Ukraine', 'subtitle' => 'Impossible apolitisme du sport mondial face à la guerre en Ukraine. 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Cette déclaration est catégorique : « La guerre non provoquée et injustifiable de la Russie contre l’Ukraine, soutenue par le gouvernement biélorusse, est répugnante et constitue une violation flagrante de ses obligations internationales. » Ainsi, du point de vue sportif et diplomatique, la Russie se retrouve isolée.</p> <h3>La création d’un nouvel ordre mondial du sport ?</h3> <p>Dans les paroles et les actions, le pouvoir russe privilégie depuis le début de l’invasion la création d’un pôle sportif alternatif à l’échelle mondiale pour contrer les institutions sportives internationales traditionnelles telles que le CIO ou la Fifa.</p> <p>En pratique, cela impliquerait de se passer du sport mondial, de le remplacer ou de rivaliser avec lui. En Russie, par exemple, l’idée de diviser le mouvement olympique gagne du terrain. Il s’agirait de séparer les Jeux en deux parties : à l’Ouest, les Jeux occidentaux, et à l’Est, les Jeux russes « traditionnels ». Ces Jeux à la russe se dérouleraient en été en Crimée et en hiver à Sotchi. Ils puiseraient leur légitimité dans les liens historiques plus ou moins confirmés de ces régions avec la Grèce antique. En 2007, pour obtenir les Jeux de Sotchi, Vladimir Poutine avait rappelé aux membres du CIO que « les Grecs anciens ont vécu près de Sotchi. J’ai vu le rocher près de Sotchi où, selon la légende, Prométhée était enchaîné. Prométhée qui a donné le feu aux hommes, le feu qui est finalement la flamme olympique ». Depuis, l’argument du mythe est souvent utilisé pour évoquer cette région russe, composée du Caucase et de la péninsule de Crimée. Selon Vladimir Poutine, ces terres sont sacrées et pourraient servir de cadre à un nouvel ordre mondial du sport.</p> <figure><iframe frameborder="0" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/o8WjPYcA0lY?wmode=transparent&start=0" width="440"></iframe></figure> <p>Dans le cadre de ce scénario et pour rivaliser politiquement et sportivement avec succès avec le mouvement olympique, le pouvoir russe cherche déjà des alliés […]. L’objectif est de solliciter les pays membres de la CEI, de l’Organisation de coopération de Shanghai et les BRICS pour qu’ils participent à cette ambition. Ces trois organisations regroupent plusieurs acteurs majeurs du sport mondial, parmi lesquels la Chine occupe une place de choix. Si ce projet russe réussissait, il pourrait donner naissance à un nouvel ordre mondial du sport destiné à rivaliser avec les institutions historiques du sport moderne telles que le CIO ou la Fifa. Concomitante à une dynamique plus générale de désoccidentalisation du monde, cette influence dépasse très largement le cadre sportif.</p> <h3>Le sport ukrainien, c’est la guerre avec les balles</h3> <p>Depuis le 24 février 2022, pour Volodymyr Zelensky et l’Ukraine, le sport, c’est la <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/culturesmonde/le-sport-c-est-la-guerre-les-fusils-en-moins-g-orwell-1945-2-4-la-guerre-un-sport-comme-les-autres-7282852">guerre avec les balles</a>. En effet, à l’heure du conflit russo-ukrainien, le domaine sportif en Ukraine a subi une transformation significative.</p> <p>Initialement, au lendemain de l’invasion et sur une période de moins de deux mois, les autorités nationales ont suspendu l’ensemble des activités sportives en Ukraine. L’accent était alors mis sur l’effort de guerre, et les installations sportives ont été utilisées par les militaires ukrainiens comme bases de repli ou de déploiement. Cela explique pourquoi les installations sportives, telles que les stades ou les gymnases, sont souvent la cible des forces russes, car elles pourraient potentiellement abriter des unités ukrainiennes entières.</p> <p>Par la suite, lorsque l’armée russe a commencé à faire du surplace voire à reculer sur le terrain, le secteur sportif ukrainien a pris une nouvelle orientation. Certains clubs de football ont obtenu la permission de jouer des matchs de charité à l’étranger, malgré la loi martiale interdisant aux hommes âgés de 18 à 60 ans de quitter le territoire. Ces matchs visaient à sensibiliser à la cause ukrainienne. De même, les athlètes en préparation pour d’importantes compétitions ont pu s’entraîner à l’étranger.</p> <p>Par exemple, l’équipe nationale de football a été autorisée à s’entraîner en Slovénie pendant un mois en mai 2022 en vue des qualifications pour la Coupe du monde de football 2022 au Qatar. Ainsi, le soft power sportif a contribué symboliquement à l’effort de guerre. Les autorités estimaient qu’un athlète ukrainien était plus utile sur le terrain sportif que sur le front militaire. Selon elles, il offrait un double avantage en donnant à l’Ukraine une visibilité internationale et en pouvant potentiellement rehausser le moral des troupes déployées sur le terrain. Cette dimension ne doit pas être sous-estimée : une victoire sportive pour un athlète ukrainien procurait aux soldats, qui suivaient régulièrement les matchs et les résultats, un certain espoir et un regain de moral.</p> <p>À partir de la mi-juin 2022, le sport à l’échelle nationale a progressivement retrouvé sa place, bien que dans des conditions exceptionnelles. Par exemple, la Première Ligue ukrainienne de football a obtenu l’autorisation de débuter la saison 2022-2023 fin août. Toutefois, les règles ont été adaptées à la situation du moment. Les spectateurs ne sont plus autorisés à assister aux matchs, et ceux-ci nécessitent une autorisation systématique de l’administration militaire pour avoir lieu. Si une alerte de raid aérien potentiel retentit dans un rayon de moins de 500 mètres, le match est interrompu et les joueurs se réfugient dans les vestiaires, ce qui se produit régulièrement. Après un an et demi de guerre, aucun footballeur ukrainien n’a été blessé. Cependant, certains matchs ont duré plus de cinq heures au total.</p> <p>Paradoxalement, l’Ukraine continue de participer activement aux événements sportifs européens et mondiaux. Chaque compétition internationale offre l’opportunité aux autorités de promouvoir les intérêts du pays dans un contexte de guerre. De plus, certains clubs ukrainiens sont accueillis par les alliés géopolitiques les plus proches de l’Ukraine. Par exemple, le Dynamo Kyiv s’entraîne et joue certains de ses matchs à Cracovie, en Pologne. Dnipro, quant à lui, joue et s’entraîne à Košice, en Slovaquie, de manière permanente. En général, de nombreux athlètes et entraîneurs ukrainiens, actifs ou non, ont choisi de rejoindre le front dans l’est de l’Ukraine, mettant leur carrière en suspens. Le cas emblématique est peut-être celui de Yuriy Vernydub, entraîneur ukrainien du Sheriff Tiraspol, qui est parti au front dès le lendemain de l’invasion. Il est important de noter que ces professionnels du sport proviennent souvent de divisions sportives moins importantes. En effet, les athlètes de renom préfèrent généralement contribuer à l’effort de guerre d’un point de vue sportif et symbolique.</p> <p>Le cas des supporters des clubs ukrainiens est également notable. Depuis 2014 et surtout depuis l’invasion russe en Ukraine, de nombreux ultras ont rejoint le front pour combattre ensemble, mettant de côté leur rivalité sportive. En temps de paix rivaux, les supporters du Shakhtar Donetsk et du Dynamo Kyiv combattent ensemble contre leur ennemi commun.</p> <h3>La stratégie politique et sportive de Volodymyr Zelensky après l’invasion russe</h3> <p>Depuis le 24 février 2022, la stratégie internationale de Volodymyr Zelensky s’est intensifiée dans le domaine sportif, trouvant écho dans l’espace médiatique mondial. Les ministères, les organisations privées et le comité olympique ukrainien, tous les organes politiques, économiques et sportifs du pays sont mobilisés pour transmettre un message : l’exclusion de la Russie doit durer tant que l’invasion se poursuit.</p> <figure><iframe frameborder="0" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/YQiSJ3AO5CI?wmode=transparent&start=0" width="440"></iframe></figure> <p>Le hashtag #boycottrussiansport en est devenu le symbole. De manière concrète, les arguments ukrainiens peuvent être résumés en cinq points. La Russie devrait être exclue des événements sportifs mondiaux et des Jeux olympiques de Paris 2024 car elle est un État envahisseur et terroriste ; les athlètes russes sont de quelque manière liés à l’État russe ou à l’armée russe ; le régime de Vladimir Poutine exploite le sport à des fins de propagande ; dans de telles conditions, l’équité des compétitions sportives (Jeux olympiques, Coupe du monde, etc.) ne peut être maintenue ; les athlètes ukrainiens perdent la vie au front ou ne peuvent pas s’entraîner convenablement pour les grandes compétitions internationales, par conséquent la Russie et la Biélorussie ne devraient pas être autorisés à y participer.</p> <p>Pour diffuser ces arguments, le gouvernement ukrainien utilise divers canaux. Tout comme Volodymyr Zelensky utilise son smartphone pour communiquer avec différentes générations, les principaux porte-parole du sport ukrainien exploitent les canaux et les codes contemporains pour diffuser leur message. Les réseaux sociaux tels que TikTok, Facebook ou Instagram sont fréquemment utilisés pour diffuser des propos politiques liés au sport. On peut souvent voir circuler des vidéos de quelques secondes transmettant un message percutant. Par exemple, l’une de ces vidéos virales montre un athlète russe lançant un javelot dans les airs. Le javelot se transforme ensuite en obus, suit la trajectoire de l’athlète et finit par s’écraser sur un bâtiment ukrainien. Un message s’affiche alors à l’écran : « Boycott Russian Sport. »</p> <h4 style="text-align: center;"><a href="https://images.theconversation.com/files/592021/original/file-20240503-16-h8q7b1.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/592021/original/file-20240503-16-h8q7b1.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a></h4> <h4 style="text-align: center;"><em><span>Ces extraits sont issus de « La Guerre du sport. 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Le compte Facebook du ministère suit la même approche, avec une bannière principale affichant à nouveau le hashtag #boycottrussiansport, cette fois-ci en lettres sanglantes.</p> <p>Pour avoir un impact encore plus fort, le Comité des sports d’Ukraine (SKU), chargé de promouvoir le développement des sports non olympiques, a lancé le projet Angels of Sport via un site web recensant les athlètes et entraîneurs ukrainiens professionnels décédés au combat depuis le 24 février 2022.<img src="https://counter.theconversation.com/content/229262/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <p> </p> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/lukas-aubin-910318">Lukas Aubin</a>, Docteur en Études slaves contemporaines : spécialiste de la géopolitique de la Russie et du sport, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/universite-paris-nanterre-universite-paris-lumieres-2294">Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières</a></em> et <a href="https://theconversation.com/profiles/jean-baptiste-guegan-234426">Jean-Baptiste Guégan</a>, Enseignant en géopolitique du sport, journaliste et consultant, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/geopolitique-du-sport-laffrontement-entre-la-russie-et-lukraine-229262">article original</a>.</h4> <h4><em>Lukas Aubin, directeur de recherche à l’IRIS, spécialiste de la géopolitique de la Russie et du sport et membre associé du Centre de Recherches Pluridisciplinaires Multilingues (CRPM) à l’université Paris-Nanterre, et Jean-Baptiste Guégan, expert en géopolitique du sport et enseignant à Sciences Po Paris, viennent de publier aux éditions Tallandier</em> <a href="https://www.tallandier.com/livre/la-guerre-du-sport/">La Guerre du Sport, une nouvelle géopolitique</a>, <em>un ouvrage complet qui met en lumière l’influence des grands enjeux internationaux sur un un monde du sport à l’apolitisme de plus en plus illusoire. 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Il y voyait un moyen efficace de lutter contre les maladies dues à une carence en vitamine A, très répandues en Asie du Sud-Est et qui peuvent entraîner la cécité, voire la mort. Potrykus était alors loin de se douter qu'un tribunal philippin retoquerait son invention un an et demi après son autorisation.</p> <h3>Syngenta acquiert des droits de brevet</h3> <p>La route a été longue jusqu'à la première récolte du riz doré: en 1999 déjà, Potrykus et son collègue Peter Beyer avaient présenté un prototype. Celui-ci contenait des gènes de jonquille qui produisaient de la provitamine A dans le grain de riz et le faisaient ainsi briller d'un jaune doré. En 2005, les chercheurs avaient développé une deuxième variante en collaboration avec le géant de l'agroalimentaire Syngenta. 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En effet, le corps humain n'utiliserait la provitamine A que s'il dispose de suffisamment de graisse, ce qui, selon Greenpeace, n'est souvent pas le cas chez ces personnes. De plus, il y aurait un risque que le riz génétiquement modifié, une fois introduit dans le champ, se reproduise de manière autonome, se propage et contamine ainsi d'autres variétés de riz. En raison de ces doutes, il a fallu attendre 16 ans de plus pour que les autorités philippines en charge de la biosécurité donnent finalement le feu vert à la culture du riz doré en 2021.</p> <h3>Le tribunal révoque l’autorisation</h3> <p>Mais aujourd'hui, une nouvelle décision de justice met déjà un frein à la propagation de la variété de riz transgénique. Ainsi, une Cour d'appel philippine a révoqué l'autorisation le 17 avril dernier en se référant au principe de précaution: «En l'absence de consensus scientifique sur la sécurité du riz doré, il ne devrait plus être cultivé à des fins commerciales». L'interdiction s'étend en outre à la culture d'une aubergine génétiquement modifiée. La culture commerciale de ces variétés n'est pas autorisée «jusqu'à ce que les autorités gouvernementales concernées apportent la preuve de la sécurité et du respect de toutes les exigences légales», précise le tribunal.</p> <p>Le tribunal a aussi relevé que le gouvernement n'avait pas mis en place de mécanismes de surveillance pour assurer la sécurité de la culture et de la consommation du riz doré. Le jugement met donc pour l'instant à l’arrêt de nouveaux essais menés en plein champ, dans des serres ou des champs ouverts.</p> <p>Ce jugement intervient après que l'association d'agriculteurs philippins MASIPAG a porté plainte, avec d'autres organisations, contre l'autorisation de cultiver du riz doré. La plainte, déposée en 2022, se base sur un instrument juridique philippin appelé Writ of Kalikasan. Celui-ci protège le droit constitutionnel à une «écologie équilibrée et saine» et stipule que ce droit prévaut sur les activités humaines susceptibles de nuire à l'environnement.</p> <h3>Un recours porterait-il ses fruits?</h3> <p>Comme l'explique Aldrich Fitz Dy, avocat et consultant philippin interrogé par la revue <em>Science</em>, le gouvernement a désormais deux possibilités. Il peut soit faire appel, soit porter le jugement devant la Cour suprême. Selon Dy, la première solution est peu probable, la seconde prendrait au moins deux ans.</p> <p>Adrian Dubock, membre du Golden Rice Humanitarian Board, voit les choses différemment. Il s'attend à ce que le gouvernement philippin fasse appel auprès de la Cour: «Je suppose que l'appel sera couronné de succès», estime Dubock auprès de la plateforme scientifique <em>New Scientist</em>.</p> <p>Il reste à voir si l'interdiction actuelle de cultiver le riz doré peut encore être remise en question. En attendant, ce jugement devrait inspirer les mouvements qui, dans d'autres pays, s'opposent à l'introduction du riz doré et d'autres variétés génétiquement modifiées. 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