Actuel / «Match de pédés»: homophobie ordinaire et hétérosexualité imposées

Des joueurs et supporters des équipes d'Arsenal et Brighton, portant des chaussettes aux couleurs LGBT à Londres
en octobre dernier, avant un match amical destiné à sensibiliser le public à la lutte contre l'homophobie.
© Chris J. Ratcliffe/AFP
Savez-vous combien de footballeurs au monde assument leur homosexualité? Et comment ont-ils été perçus? En 2018, la question reste tabou et met mal à l’aise joueurs comme supporters.
Sylvain Ferez, Université de Montpellier
Savez-vous combien de footballeurs au monde assument leur homosexualité? Et comment ont-ils été perçus? En 2018, la question reste tabou et met mal à l’aise joueurs comme supporters.
Certes, des sondages ont récemment dévoilé que 85 % des Français jugent l’homosexualité dans le football «acceptable», et plusieurs actions à l’initiative d’associations entendent lutter contre l’homophobie ordinaire et sensibiliser le public, d’autant plus que la Coupe du monde 2018 se déroule en Russie, pays considéré comme particulièrement homophobe.
Ces campagnes, pétitions de principe ou enjeux d’expression publique, de police du langage, ont cependant leurs limites. Elles semblent même contribuer à renforcer le verni du politiquement correct, laissant dans l’ombre une multitude de pratiques qui perdurent, et dont le sens a finalement assez peu évolué.
Derrière une pratique qui se présente comme neutre et universelle, dé-sexualisée en quelque sorte, il s’agit d’exhumer la culture profondément hétérosexiste dans laquelle elle s’inscrit.
Rares coming out
En 2009, dans un ouvrage autobiographique titré Je suis le seul joueur de foot homo. Enfin j’étais…, le footballeur amateur Yohan Lemaire explique le coût inattendu de son coming out parmi ses coéquipiers.
Le scénario qu’il décrit correspond aux expériences consignées par la sociologie du sport nord-américaine. Il se déroule en trois temps. La peur de dire d’abord, et les efforts pour contrôler tous les signes qui pourraient le trahir (jusqu’à produire les apparences de l’hétérosexualité pour éviter les questions) dans un milieu perçu comme extrêmement hostile.
Yohann Lemaire raconte comment il a été « viré » de son club en 2010. Il a réalisé un documentaire sur la question.
Puis, curieusement, c’est la surprise de ne pas être exclu qui domine après l’annonce, vécue comme une épreuve, tant les signes de détestation de l’homosexualité enregistrés au fil du temps ont été nombreux. Le déchaînement de violence attendu ne vient donc finalement pas. Mais la culture hétérosexiste ne disparaît pas pour autant, conduisant lentement à l’auto-exclusion de celui qui ne peut désormais plus la supporter…
Est-ce pour ces raisons que très peu de joueurs ont affiché publiquement leur homosexualité? Et que ceux qui l’ont fait l’ont payé parfois au prix fort?
Des footballeurs «pédés»?
En mai 1998, juste avant la Coupe du monde, un événement tragique ébranle le monde du foot.
Justin Fashanu, considéré comme l’un des grands espoirs du football anglais se donne la mort, huit ans après avoir révélé au journal The Sun son homosexualité afin de faire taire des rumeurs. Son annonce produit l’effet inverse. Il devient rapidement le bouc émissaire des supporters et de son milieu professionnel. A Nottingham Forest, son propre entraîneur n’hésite pas à reprendre les insultes des supporters du club et à le traiter de «sale tante». Il doit changer plusieurs fois d’équipes.
Justin Fashanu était considéré comme l’un des plus grands espoirs du foot anglais, ici en 1980.
En 1998, le mensuel LGBT Têtu ironise alors sur l’invisibilité de l’homosexualité dans le football professionnel. Lorsqu’en septembre, «le mystère Barthez», concernant l’homosexualité possible du gardien de but de l’équipe de France, est mis à la une, le magazine s’interroge sur la présence d’«une ou deux perles rares» parmi les 22 joueurs de l’équipe de France récemment victorieuse de la Coupe du monde. Et de montrer que beaucoup de joueurs revendiquent une hétérosexualité par défaut, ou simplement évitent toute publicité sur le sujet. (Têtu, n° 27, p. 7)
La dé-sexualisation
Cette normalisation hétérosexuelle est indissociable de l’histoire même des sports modernes.
Ces derniers constituent comme des pratiques autonomes, séparées du reste des activités sociales, durant la seconde moitié du XIXe siècle (lire La raison des sports de Jean‑Michel Faure et Charles Suaud (2015)). La Fédération internationale de football association (FIFA) est créée en 1904, puis la Fédération française de Football (FFF) en 1919.
L’engagement corporel dans le jeu implique une dé-sexualisation des corps, une neutralisation de leur puissance érotique. La finalité est avant tout utilitaire. Les contacts avec les autres corps sont instrumentaux. La sexualité est mise à distance. Ici, la motricité doit être juste et efficace. Les manifestations collectives de joie (à l’occasion d’un but ou pour fêter la victoire) n’y changent rien. Elles recourent à des expressions ritualisées qui, du point de vue de ceux qui les produisent, n’impliquent aucune sensualité.
En fait, si le football donne à deviner la sexualité, c’est de manière indirecte et détournée, en performant une virilité froide et pragmatique.
Cette dernière se fonde sur deux implicites: 1) il ne saurait être question de sexualité; 2) il n’y a pas de place pour les gays.
C’est d’ailleurs pour cela que le magazine gay et lesbien Têtu prend très tôt le contrepied de la culture footballistique en hypersexualisant les footballeurs de haut niveau et cherchant à identifier des gays parmi eux.
En juin 1996, Eric Cantona fait ainsi partie du groupe d’icônes de la «génération gay» présenté dans le quatrième numéro de Têtu. Cette stratégie d’érotisation se poursuit, non sans ironie, après la Coupe du Monde 1998, où un article s’intéresse, après «la croupe de Zidane» et «le bouc de Barthez», à «la bouche à p… de Pirès» (Têtu, n° 33, avril 1999).
Eric Cantona pose en novembre 2014. L’ancien joueur de footballeur, décrété «nouvelle icône» gay dans les années 90 a ensuite continué de mettre à profit son image et son corps (publicité, film). Stephane de Sakutin/AFP
Le footballeur, ce corps toujours hétéro
Hormis ces exceptionnelles sorties médiatiques, le corps du footballeur reste sujet aux injonctions hétérosexuelles.
En France, Olivier Royer est le seul footballeur professionnel qui a publiquement révélé son homosexualité, en 2008, à 52 ans, longtemps après la fin de sa carrière.
Son témoignage fait suite à un travail de mise à l’agenda médiatique de la question de l’homophobie dans le football par l’association Paris Foot Gay (PFG).
Créée en décembre 2003, cette association de footballeurs interpelle les dirigeants du Paris Saint-Germain (PSG) qui s’engagent dès 2004 à lutter contre l’homophobie dans les tribunes du Parc de Princes.
En 2005, Vikaj Dorasso, joueur du PSG sélectionné en équipe de France, accepte de parrainer le PFG. Ce dernier initie une charte contre l’homophobie dans le football. Elle est signée par le président du PSG le 5 septembre 2007, puis par le président de la Ligue de Football Professionnel le 8 juin 2008. Neuf clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 se rallient à cette charte dans les mois qui suivent.
Mais, le 29 septembre 2015, un communiqué laconique annonce la dissolution du PFG, précisant que:
«face à l’indifférence notable, la peur des institutionnels à s’engager réellement, la honte pour certains à traiter ce sujet, nous devons nous rendre à l’évidence: nous ne parvenons plus à faire avancer notre combat contre l’homophobie.»

Montreuil contre l’homophobie, Match Paris Foot Gay, 13 décembre 2012. Paris Foot Gay/Wikipedia, CC BY
Dix ans après le coming out d’Olivier Royer, aucun nouveau footballeur professionnel n’a fait part de son homosexualité en France.
On observe pourtant une prolifération des discours et initiatives de «lutte contre l’homophobie». Malgré la multiplication des positions officielles, affichées dans le cadre de plans de communication réglés, quelque chose résiste malgré tout, car il relève davantage du registre de l’officieux et de ce qui se transmet dans les petits gestes du quotidien; bref, d’une culture.
Les attitudes homophobes sont rarement assumées publiquement. Certes, certains commettent parfois cette erreur.
En octobre 2009, c’est le cas du club de Créteil Bébel, qui, à la veille d’un match contre le PFG, envoie un courriel pour justifier son refus de participer à la rencontre:
«Désolé, mais par rapport au nom de votre équipe et conformément aux principes de notre équipe, qui est une équipe de musulmans pratiquants, nous ne pouvons jouer contre vous, nos convictions sont de loin plus importantes qu’un simple match de foot, encore une fois excusez-nous de vous avoir prévenus si tard.»
Les médias nationaux, les élus, se saisissent rapidement du cas, pointant une expression de la «montée du communautarisme». Vilipendé, le club finit par faire amende honorable… N’a-t-il pas commis l’erreur d’écrire, ou de dire trop clairement, une gêne et un rejet qui s’expriment habituellement sous des formes moins explicites?
Toujours en 2009, c’est Louis Nicollin, président du Montpellier Hérault Sport Club, qui est pris par les radars. Le 31 octobre 2009, à l’issue de la 12e journée de Ligue 1, il traite le joueur auxerrois Benoît Pedretti de «petite tarlouze» dans une interview télé. Une sanction est proclamée à l’encontre de l’intéressé, bien connu pour ses «dérapages» verbaux. Une erreur de communication regrettable est concédée, mise sur le compte du franc-parler, des excuses suivent.
«Tir de pédé»
Pourtant, sur les terrains de football, l’homosexualité est loin d’être absente. Ce qui frappe, c’est avant tout le décalage entre son omniprésence imaginaire et son invisibilité dans le réel. Elle offre ainsi une ombre pesante, insidieusement instituée en contre-modèle.
Son spectre surgit toujours en négatif. Le «pédé», «l’enculé», la «tarlouze» caractérisent inévitablement l’autre, l’adversaire, celui qui manque son geste technique (un «tir de pédé»); bref, celui qui défaille ou ceux qui suscitent l’ennui (devant un «match de pédés»).
L’insulte est réitérée de façon redondante, selon la force de l’habitude. Lorsqu’on l’interpelle, celui qui la profère n’a a priori aucune arrière-pensée sexuelle. Il s’agit juste de qualifier le mal; en un mot, de souscrire à la désignation collective d’une contre-valeur.
La sexualité de celui qui est visé par l’insulte n’est pas réellement mise en cause. Son hétérosexualité relève de l’évidence culturelle, tout comme celle des autres participants.
Manière de signifier, l’air de rien, ce que doivent être «les footballeurs». Manière de rappeler, donc, non seulement les valeurs partagées au sein de la grande famille du football, mais aussi l’orientation sexuelle supposée les incarner.
C’est ainsi que le football, comme fiction médiatique régit par des règles officieuses, avec ses figures et ses scripts, ses joueurs-acteurs de spectacle qui tentent – plus ou moins vainement – de «contrôler leur image», ne laisse pas ou peu d’espace à une narrative hors «norme».
Trailer du documentaire, Footballeur et homo, l’un n’empêche pas l’autre, de Yohann Lemaire, Avril films, 2018.
Article original en français dans The Conversation: Un « match de pédés »: homophobie ordinaire et hétérosexualité imposées
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En 2018, la question reste tabou et met mal à l’aise joueurs comme supporters.</p> <p>Certes, des sondages ont récemment dévoilé que <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Sondage-sur-l-homosexualite-dans-le-football-85-des-francais-estiment-qu-il-faut-lutter-contre-l-homophobie/902142">85 % des Français jugent l’homosexualité dans le football «acceptable»</a>, et plusieurs actions à l’initiative d’associations entendent lutter contre l’<a href="http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2018/05/17/01016-20180517ARTFIG00076-la-ligue-de-football-professionnel-sommee-d-agir-pour-lutter-contre-l-homophobie.php">homophobie ordinaire et sensibiliser le public</a>, d’autant plus que la Coupe du monde 2018 se déroule en Russie, pays considéré comme <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2017/06/25/l-homophobie-est-profondement-ancree-dans-la-societe-russe_5150704_3232.html">particulièrement homophobe</a>.</p> <p>Ces campagnes, pétitions de principe ou enjeux d’expression publique, de police du langage, ont cependant leurs limites. Elles semblent même contribuer à renforcer le verni du politiquement correct, laissant dans l’ombre une multitude de pratiques qui perdurent, et dont le sens a finalement assez peu évolué.</p> <p>Derrière une pratique qui se présente comme neutre et universelle, dé-sexualisée en quelque sorte, il s’agit d’exhumer la culture profondément hétérosexiste dans laquelle elle s’inscrit.<br></p><h3>Rares coming out </h3><p>En 2009, dans un ouvrage autobiographique titré <a href="http://www.parlonsfoot.com/archives/2009/12/16/idee-cadeau-je-suis-le-seul-joueur-de-foot-homo/"><em>Je suis le seul joueur de foot homo. Enfin j’étais…</em></a>, le footballeur amateur Yohan Lemaire explique le coût inattendu de son coming out parmi ses coéquipiers.</p> <p>Le scénario qu’il décrit correspond aux expériences consignées par la sociologie du <a href="https://www.jstor.org/stable/3081938?seq=1#page_scan_tab_contents">sport nord-américaine</a>. Il se déroule en trois temps. La peur de dire d’abord, et les efforts pour contrôler tous les signes qui pourraient le trahir (jusqu’à produire les apparences de l’hétérosexualité pour éviter les questions) dans un milieu perçu comme extrêmement hostile.</p> <figure> <iframe src="https://www.youtube.com/embed/uygFXXQP4vY?wmode=transparent&start=0" allowfullscreen="" width="440" height="260" frameborder="0"></iframe> </figure><h4><figure><figcaption><span class="caption">Yohann Lemaire raconte comment il a été « viré » de son club en 2010. Il a réalisé un documentaire sur la question.</span></figcaption></figure></h4> <p>Puis, curieusement, c’est la surprise de ne pas être exclu qui domine après l’annonce, vécue comme une épreuve, tant les signes de détestation de l’homosexualité enregistrés au fil du temps ont été nombreux. Le déchaînement de violence attendu ne vient donc finalement pas. Mais la culture hétérosexiste ne disparaît pas pour autant, conduisant lentement à l’auto-exclusion de celui qui ne peut désormais plus la supporter…</p> <p>Est-ce pour ces raisons que très peu de joueurs ont affiché publiquement leur homosexualité? Et que ceux qui l’ont fait l’ont payé parfois au prix fort?</p><h3>Des footballeurs «pédés»?</h3> <p>En mai 1998, juste avant la Coupe du monde, un événement tragique ébranle le monde du foot.</p> <p>Justin Fashanu, considéré comme l’un des grands espoirs du football anglais <a href="http://www.letelegramme.fr/ar/viewarticle1024.php?aaaammjj=19980504&article=3666718&type=ar">se donne la mort</a>, huit ans après avoir révélé au journal <em>The Sun</em> son homosexualité afin de faire taire des rumeurs. Son annonce produit l’effet inverse. Il devient rapidement le bouc émissaire des supporters et de son milieu professionnel. A Nottingham Forest, son propre entraîneur n’hésite pas à reprendre les insultes des supporters du club et à le traiter de «sale tante». Il doit changer plusieurs fois d’équipes.</p> <figure> <iframe src="https://www.youtube.com/embed/1Wk34X94Whk?wmode=transparent&start=0" allowfullscreen="" width="440" height="260" frameborder="0"></iframe> </figure><h4><figure><figcaption><span class="caption">Justin Fashanu était considéré comme l’un des plus grands espoirs du foot anglais, ici en 1980.</span></figcaption></figure></h4> <p>En 1998, le mensuel LGBT <em>Têtu</em> ironise alors sur l’invisibilité de l’homosexualité dans le football professionnel. Lorsqu’en septembre, «le mystère Barthez», concernant l’homosexualité possible du gardien de but de l’équipe de France, est mis à la une, le magazine s’interroge sur la présence d’«une ou deux perles rares» parmi les 22 joueurs de l’équipe de France récemment victorieuse de la Coupe du monde. Et de montrer que beaucoup de joueurs revendiquent une hétérosexualité par défaut, ou simplement évitent toute publicité sur le sujet. (<em>Têtu</em>, n° 27, p. 7)</p><h3>La dé-sexualisation</h3> <p>Cette normalisation hétérosexuelle est indissociable de l’histoire même des sports modernes.</p> <p>Ces derniers constituent comme des pratiques autonomes, séparées du reste des activités sociales, durant la seconde moitié du XIX<sup>e</sup> siècle (lire <a href="https://journals.openedition.org/lectures/20422"><em>La raison des sports</em></a> de Jean‑Michel Faure et Charles Suaud (2015)). La Fédération internationale de football association (FIFA) est créée en 1904, puis la Fédération française de Football (FFF) en 1919.</p> <p>L’engagement corporel dans le jeu implique une dé-sexualisation des corps, une neutralisation de leur puissance érotique. La finalité est avant tout utilitaire. Les contacts avec les autres corps sont instrumentaux. La sexualité est mise à distance. Ici, la motricité doit être juste et efficace. Les manifestations collectives de joie (à l’occasion d’un but ou pour fêter la victoire) n’y changent rien. Elles recourent à des expressions ritualisées qui, du point de vue de ceux qui les produisent, <a href="https://journals.openedition.org/corpsetculture/275">n’impliquent aucune sensualité</a>.</p> <p>En fait, si le football donne à deviner la sexualité, c’est de manière indirecte et détournée, en performant une virilité froide et pragmatique.</p> <p>Cette dernière se fonde sur deux implicites: 1) il ne saurait être question de sexualité; 2) il n’y a pas de place pour les gays.</p> <p>C’est d’ailleurs pour cela que le magazine gay et lesbien <em>Têtu</em> prend très tôt le contrepied de la culture footballistique en hypersexualisant les footballeurs de haut niveau et cherchant à identifier des gays parmi eux.</p> <p>En juin 1996, Eric Cantona fait ainsi partie du groupe d’icônes de la «génération gay» présenté dans le quatrième numéro de <em>Têtu</em>. Cette stratégie d’érotisation se poursuit, non sans ironie, après la Coupe du Monde 1998, où un article s’intéresse, après «la croupe de Zidane» et «le bouc de Barthez», à «la bouche à p… de Pirès» (<em>Têtu</em>, n° 33, avril 1999).</p><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1528896888_file20180611191965z6lc7a.jpg"><span style="color: inherit; font-family: "GT America Standard Regular" Eric Cantona pose en novembre 2014. L’ancien joueur de footballeur, décrété «nouvelle icône» gay dans les années 90 a ensuite continué de mettre à profit son image et son corps (publicité, film). © Stephane de Sakutin/AFP</span></p><h3>Le footballeur, ce corps toujours hétéro</h3> <p>Hormis ces exceptionnelles sorties médiatiques, le corps du footballeur reste sujet aux injonctions hétérosexuelles.</p> <p>En France, Olivier Royer est le seul footballeur professionnel qui a <a href=" http:="" www.sofoot.com="" rouyer-on-n-est-pas-la-pour-savoir-qui-est-gay-et-qui-ne-l-est-pas-166587.html"=""> Eric Cantona pose en novembre 2014. L’ancien joueur de footballeur, décrété «nouvelle icône» gay dans les années 90 a ensuite continué de mettre à profit son image et son corps (publicité, film). Stephane de Sakutin/AFP </span></h4><span style="color: inherit; font-family: "GT America Standard Regular" Eric Cantona pose en novembre 2014. L’ancien joueur de footballeur, décrété «nouvelle icône» gay dans les années 90 a ensuite continué de mettre à profit son image et son corps (publicité, film). © Stephane de Sakutin/AFP</span></p><h3>Le footballeur, ce corps toujours hétéro</h3> <p>Hormis ces exceptionnelles sorties médiatiques, le corps du footballeur reste sujet aux injonctions hétérosexuelles.</p> <p>En France, Olivier Royer est le seul footballeur professionnel qui a <a href=" http:="" www.sofoot.com="" rouyer-on-n-est-pas-la-pour-savoir-qui-est-gay-et-qui-ne-l-est-pas-166587.html"=""></span><h3><span style="color: inherit; font-family: "GT America Standard Regular" Eric Cantona pose en novembre 2014. 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Ce dernier initie une charte contre l’homophobie dans le football. Elle est signée par le président du PSG le 5 septembre 2007, puis par le président de la Ligue de Football Professionnel le 8 juin 2008. Neuf clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 se rallient à cette charte dans les mois qui suivent.</p> <p>Mais, le 29 septembre 2015, un communiqué laconique annonce la <a href="https://www.20minutes.fr/sport/football/1698575-20150930-homophobie-paris-foot-gay-arrete-cause-indifference">dissolution du PFG</a>, précisant que:</p> <blockquote> <p>«face à l’indifférence notable, la peur des institutionnels à s’engager réellement, la honte pour certains à traiter ce sujet, nous devons nous rendre à l’évidence: nous ne parvenons plus à faire avancer notre combat contre l’homophobie.»</p> </blockquote> <figure class="align-center "> <h4><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/222535/original/file-20180611-191959-3lakvk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip"><figcaption><span class="caption">Montreuil contre l’homophobie, Match Paris Foot Gay, 13 décembre 2012. <a href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/a6/Montreuil_contre_l%27homophobie.jpg?uselang=fr">Paris Foot Gay/Wikipedia, CC BY</a><br></span></figcaption></h4><figcaption><span class="caption"></span></figcaption><figcaption><span class="caption"><une culture="" homophobe="" bien="" ancrée<="" figcaption=""></une></span></figcaption></figure> <p>Dix ans après le coming out d’Olivier Royer, aucun nouveau footballeur professionnel n’a fait part de son homosexualité en France.</p> <p>On observe pourtant une prolifération des discours et initiatives de «lutte contre l’homophobie». Malgré la multiplication des positions officielles, affichées dans le cadre de plans de communication réglés, quelque chose résiste malgré tout, car il relève davantage du registre de l’officieux et de ce qui se transmet dans les petits gestes du quotidien; bref, d’une culture.</p> <p>Les attitudes homophobes sont rarement assumées publiquement. Certes, certains commettent parfois cette erreur.</p> <p>En octobre 2009, c’est le cas du club de Créteil Bébel, qui, à la veille d’un match contre le PFG, <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2009/10/06/le-paris-foot-gay-snobe-a-cause-de-son-nom_1250142_3242.html">envoie un courriel</a> pour justifier son refus de participer à la rencontre:</p> <blockquote> <p>«Désolé, mais par rapport au nom de votre équipe et conformément aux principes de notre équipe, qui est une équipe de musulmans pratiquants, nous ne pouvons jouer contre vous, nos convictions sont de loin plus importantes qu’un simple match de foot, encore une fois excusez-nous de vous avoir prévenus si tard.»</p> </blockquote> <p>Les médias nationaux, les élus, se saisissent rapidement du cas, pointant une expression de la «montée du communautarisme». Vilipendé, le club finit par faire amende honorable… N’a-t-il pas commis l’erreur d’écrire, ou de dire trop clairement, une gêne et un rejet qui s’expriment habituellement sous des formes moins explicites?</p> <p>Toujours en 2009, c’est Louis Nicollin, président du Montpellier Hérault Sport Club, qui est pris par les radars. Le 31 octobre 2009, à l’issue de la 12<sup>e</sup> journée de Ligue 1, <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2009/11/01/les-associations-de-lutte-contre-l-homophobie-demandent-des-sanctions-contre-nicollin_1261368_3242.html">il traite le joueur auxerrois Benoît Pedretti</a> de «petite tarlouze» dans une interview télé. Une sanction est proclamée à l’encontre de l’intéressé, bien connu pour ses «dérapages» verbaux. Une erreur de communication regrettable est concédée, mise sur le compte du franc-parler, des excuses suivent.</p><h3>«Tir de pédé»</h3> <p>Pourtant, sur les terrains de football, l’homosexualité est loin d’être absente. Ce qui frappe, c’est avant tout le décalage entre son omniprésence imaginaire et son invisibilité dans le réel. Elle offre ainsi une ombre pesante, insidieusement instituée en contre-modèle.</p> <p>Son spectre surgit toujours en négatif. Le «pédé», «l’enculé», la «tarlouze» caractérisent inévitablement l’autre, l’adversaire, celui qui manque son geste technique (un «tir de pédé»); bref, celui qui défaille ou ceux qui suscitent l’ennui (devant un «match de pédés»).</p> <p>L’insulte est réitérée de façon redondante, selon la force de l’habitude. Lorsqu’on l’interpelle, celui qui la profère n’a a priori aucune arrière-pensée sexuelle. Il s’agit juste de qualifier le mal; en un mot, de souscrire à la désignation collective d’une contre-valeur.</p> <p>La sexualité de celui qui est visé par l’insulte n’est pas réellement mise en cause. 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Manière de rappeler, donc, non seulement les valeurs partagées au sein de la grande famille du football, mais aussi l’orientation sexuelle supposée les incarner.</p> <p><img src="https://counter.theconversation.com/content/97710/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1">C’est ainsi que le football, comme fiction médiatique régit par des règles officieuses, avec ses figures et ses scripts, ses joueurs-acteurs de spectacle qui tentent – plus ou moins vainement – de «contrôler leur image», ne laisse pas ou peu d’espace à une narrative hors «norme».</p> <figure> <iframe src="https://player.vimeo.com/video/233999420" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen="" width="500" height="281" frameborder="0"></iframe> </figure><h4><figure><figcaption><span class="caption">Trailer du documentaire, <em>Footballeur et homo, l’un n’empêche pas l’autre</em>, de Yohann Lemaire, Avril films, 2018.</span></figcaption></figure></h4> <p></p><hr><p></p> <h4>Article original en français dans <a href="https://theconversation.com/fr"><em xmlns="http://www.w3.org/1999/xhtml">The Conversation</em><em xmlns="http://www.w3.org/1999/xhtml"></em>:</a> <a href="https://theconversation.com/un-match-de-pedes-homophobie-ordinaire-et-heterosexualite-imposees-97710">Un « match de pédés »: homophobie ordinaire et hétérosexualité imposées</a></h4> ', 'content_edition' => null, 'slug' => 'un-match-de-pedes-homophobie-ordinaire-et-heterosexualite-imposees', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-12', 'like' => (int) 903, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1084, 'homepage_order' => (int) 1307, 'original_url' => null, 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'attachments' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, 'relatives' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) {} ], 'embeds' => [], 'images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'audios' => [], 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'author' => 'Bon pour la tête', 'description' => 'Savez-vous combien de footballeurs au monde assument leur homosexualité? 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En 2018, la question reste tabou et met mal à l’aise joueurs comme supporters.</p> <p>Certes, des sondages ont récemment dévoilé que <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Sondage-sur-l-homosexualite-dans-le-football-85-des-francais-estiment-qu-il-faut-lutter-contre-l-homophobie/902142">85 % des Français jugent l’homosexualité dans le football «acceptable»</a>, et plusieurs actions à l’initiative d’associations entendent lutter contre l’<a href="http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2018/05/17/01016-20180517ARTFIG00076-la-ligue-de-football-professionnel-sommee-d-agir-pour-lutter-contre-l-homophobie.php">homophobie ordinaire et sensibiliser le public</a>, d’autant plus que la Coupe du monde 2018 se déroule en Russie, pays considéré comme <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2017/06/25/l-homophobie-est-profondement-ancree-dans-la-societe-russe_5150704_3232.html">particulièrement homophobe</a>.</p> <p>Ces campagnes, pétitions de principe ou enjeux d’expression publique, de police du langage, ont cependant leurs limites. Elles semblent même contribuer à renforcer le verni du politiquement correct, laissant dans l’ombre une multitude de pratiques qui perdurent, et dont le sens a finalement assez peu évolué.</p> <p>Derrière une pratique qui se présente comme neutre et universelle, dé-sexualisée en quelque sorte, il s’agit d’exhumer la culture profondément hétérosexiste dans laquelle elle s’inscrit.<br></p><h3>Rares coming out </h3><p>En 2009, dans un ouvrage autobiographique titré <a href="http://www.parlonsfoot.com/archives/2009/12/16/idee-cadeau-je-suis-le-seul-joueur-de-foot-homo/"><em>Je suis le seul joueur de foot homo. Enfin j’étais…</em></a>, le footballeur amateur Yohan Lemaire explique le coût inattendu de son coming out parmi ses coéquipiers.</p> <p>Le scénario qu’il décrit correspond aux expériences consignées par la sociologie du <a href="https://www.jstor.org/stable/3081938?seq=1#page_scan_tab_contents">sport nord-américaine</a>. Il se déroule en trois temps. La peur de dire d’abord, et les efforts pour contrôler tous les signes qui pourraient le trahir (jusqu’à produire les apparences de l’hétérosexualité pour éviter les questions) dans un milieu perçu comme extrêmement hostile.</p> <figure> <iframe src="https://www.youtube.com/embed/uygFXXQP4vY?wmode=transparent&start=0" allowfullscreen="" width="440" height="260" frameborder="0"></iframe> </figure><h4><figure><figcaption><span class="caption">Yohann Lemaire raconte comment il a été « viré » de son club en 2010. Il a réalisé un documentaire sur la question.</span></figcaption></figure></h4> <p>Puis, curieusement, c’est la surprise de ne pas être exclu qui domine après l’annonce, vécue comme une épreuve, tant les signes de détestation de l’homosexualité enregistrés au fil du temps ont été nombreux. Le déchaînement de violence attendu ne vient donc finalement pas. Mais la culture hétérosexiste ne disparaît pas pour autant, conduisant lentement à l’auto-exclusion de celui qui ne peut désormais plus la supporter…</p> <p>Est-ce pour ces raisons que très peu de joueurs ont affiché publiquement leur homosexualité? Et que ceux qui l’ont fait l’ont payé parfois au prix fort?</p><h3>Des footballeurs «pédés»?</h3> <p>En mai 1998, juste avant la Coupe du monde, un événement tragique ébranle le monde du foot.</p> <p>Justin Fashanu, considéré comme l’un des grands espoirs du football anglais <a href="http://www.letelegramme.fr/ar/viewarticle1024.php?aaaammjj=19980504&article=3666718&type=ar">se donne la mort</a>, huit ans après avoir révélé au journal <em>The Sun</em> son homosexualité afin de faire taire des rumeurs. Son annonce produit l’effet inverse. Il devient rapidement le bouc émissaire des supporters et de son milieu professionnel. A Nottingham Forest, son propre entraîneur n’hésite pas à reprendre les insultes des supporters du club et à le traiter de «sale tante». Il doit changer plusieurs fois d’équipes.</p> <figure> <iframe src="https://www.youtube.com/embed/1Wk34X94Whk?wmode=transparent&start=0" allowfullscreen="" width="440" height="260" frameborder="0"></iframe> </figure><h4><figure><figcaption><span class="caption">Justin Fashanu était considéré comme l’un des plus grands espoirs du foot anglais, ici en 1980.</span></figcaption></figure></h4> <p>En 1998, le mensuel LGBT <em>Têtu</em> ironise alors sur l’invisibilité de l’homosexualité dans le football professionnel. Lorsqu’en septembre, «le mystère Barthez», concernant l’homosexualité possible du gardien de but de l’équipe de France, est mis à la une, le magazine s’interroge sur la présence d’«une ou deux perles rares» parmi les 22 joueurs de l’équipe de France récemment victorieuse de la Coupe du monde. Et de montrer que beaucoup de joueurs revendiquent une hétérosexualité par défaut, ou simplement évitent toute publicité sur le sujet. (<em>Têtu</em>, n° 27, p. 7)</p><h3>La dé-sexualisation</h3> <p>Cette normalisation hétérosexuelle est indissociable de l’histoire même des sports modernes.</p> <p>Ces derniers constituent comme des pratiques autonomes, séparées du reste des activités sociales, durant la seconde moitié du XIX<sup>e</sup> siècle (lire <a href="https://journals.openedition.org/lectures/20422"><em>La raison des sports</em></a> de Jean‑Michel Faure et Charles Suaud (2015)). La Fédération internationale de football association (FIFA) est créée en 1904, puis la Fédération française de Football (FFF) en 1919.</p> <p>L’engagement corporel dans le jeu implique une dé-sexualisation des corps, une neutralisation de leur puissance érotique. La finalité est avant tout utilitaire. Les contacts avec les autres corps sont instrumentaux. La sexualité est mise à distance. Ici, la motricité doit être juste et efficace. Les manifestations collectives de joie (à l’occasion d’un but ou pour fêter la victoire) n’y changent rien. Elles recourent à des expressions ritualisées qui, du point de vue de ceux qui les produisent, <a href="https://journals.openedition.org/corpsetculture/275">n’impliquent aucune sensualité</a>.</p> <p>En fait, si le football donne à deviner la sexualité, c’est de manière indirecte et détournée, en performant une virilité froide et pragmatique.</p> <p>Cette dernière se fonde sur deux implicites: 1) il ne saurait être question de sexualité; 2) il n’y a pas de place pour les gays.</p> <p>C’est d’ailleurs pour cela que le magazine gay et lesbien <em>Têtu</em> prend très tôt le contrepied de la culture footballistique en hypersexualisant les footballeurs de haut niveau et cherchant à identifier des gays parmi eux.</p> <p>En juin 1996, Eric Cantona fait ainsi partie du groupe d’icônes de la «génération gay» présenté dans le quatrième numéro de <em>Têtu</em>. Cette stratégie d’érotisation se poursuit, non sans ironie, après la Coupe du Monde 1998, où un article s’intéresse, après «la croupe de Zidane» et «le bouc de Barthez», à «la bouche à p… de Pirès» (<em>Têtu</em>, n° 33, avril 1999).</p><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1528896888_file20180611191965z6lc7a.jpg"><span style="color: inherit; font-family: "GT America Standard Regular" Eric Cantona pose en novembre 2014. 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Ce dernier initie une charte contre l’homophobie dans le football. Elle est signée par le président du PSG le 5 septembre 2007, puis par le président de la Ligue de Football Professionnel le 8 juin 2008. Neuf clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 se rallient à cette charte dans les mois qui suivent.</p> <p>Mais, le 29 septembre 2015, un communiqué laconique annonce la <a href="https://www.20minutes.fr/sport/football/1698575-20150930-homophobie-paris-foot-gay-arrete-cause-indifference">dissolution du PFG</a>, précisant que:</p> <blockquote> <p>«face à l’indifférence notable, la peur des institutionnels à s’engager réellement, la honte pour certains à traiter ce sujet, nous devons nous rendre à l’évidence: nous ne parvenons plus à faire avancer notre combat contre l’homophobie.»</p> </blockquote> <figure class="align-center "> <h4><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/222535/original/file-20180611-191959-3lakvk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip"><figcaption><span class="caption">Montreuil contre l’homophobie, Match Paris Foot Gay, 13 décembre 2012. <a href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/a6/Montreuil_contre_l%27homophobie.jpg?uselang=fr">Paris Foot Gay/Wikipedia, CC BY</a><br></span></figcaption></h4><figcaption><span class="caption"></span></figcaption><figcaption><span class="caption"><une culture="" homophobe="" bien="" ancrée<="" figcaption=""></une></span></figcaption></figure> <p>Dix ans après le coming out d’Olivier Royer, aucun nouveau footballeur professionnel n’a fait part de son homosexualité en France.</p> <p>On observe pourtant une prolifération des discours et initiatives de «lutte contre l’homophobie». Malgré la multiplication des positions officielles, affichées dans le cadre de plans de communication réglés, quelque chose résiste malgré tout, car il relève davantage du registre de l’officieux et de ce qui se transmet dans les petits gestes du quotidien; bref, d’une culture.</p> <p>Les attitudes homophobes sont rarement assumées publiquement. Certes, certains commettent parfois cette erreur.</p> <p>En octobre 2009, c’est le cas du club de Créteil Bébel, qui, à la veille d’un match contre le PFG, <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2009/10/06/le-paris-foot-gay-snobe-a-cause-de-son-nom_1250142_3242.html">envoie un courriel</a> pour justifier son refus de participer à la rencontre:</p> <blockquote> <p>«Désolé, mais par rapport au nom de votre équipe et conformément aux principes de notre équipe, qui est une équipe de musulmans pratiquants, nous ne pouvons jouer contre vous, nos convictions sont de loin plus importantes qu’un simple match de foot, encore une fois excusez-nous de vous avoir prévenus si tard.»</p> </blockquote> <p>Les médias nationaux, les élus, se saisissent rapidement du cas, pointant une expression de la «montée du communautarisme». Vilipendé, le club finit par faire amende honorable… N’a-t-il pas commis l’erreur d’écrire, ou de dire trop clairement, une gêne et un rejet qui s’expriment habituellement sous des formes moins explicites?</p> <p>Toujours en 2009, c’est Louis Nicollin, président du Montpellier Hérault Sport Club, qui est pris par les radars. Le 31 octobre 2009, à l’issue de la 12<sup>e</sup> journée de Ligue 1, <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2009/11/01/les-associations-de-lutte-contre-l-homophobie-demandent-des-sanctions-contre-nicollin_1261368_3242.html">il traite le joueur auxerrois Benoît Pedretti</a> de «petite tarlouze» dans une interview télé. Une sanction est proclamée à l’encontre de l’intéressé, bien connu pour ses «dérapages» verbaux. Une erreur de communication regrettable est concédée, mise sur le compte du franc-parler, des excuses suivent.</p><h3>«Tir de pédé»</h3> <p>Pourtant, sur les terrains de football, l’homosexualité est loin d’être absente. Ce qui frappe, c’est avant tout le décalage entre son omniprésence imaginaire et son invisibilité dans le réel. Elle offre ainsi une ombre pesante, insidieusement instituée en contre-modèle.</p> <p>Son spectre surgit toujours en négatif. Le «pédé», «l’enculé», la «tarlouze» caractérisent inévitablement l’autre, l’adversaire, celui qui manque son geste technique (un «tir de pédé»); bref, celui qui défaille ou ceux qui suscitent l’ennui (devant un «match de pédés»).</p> <p>L’insulte est réitérée de façon redondante, selon la force de l’habitude. Lorsqu’on l’interpelle, celui qui la profère n’a a priori aucune arrière-pensée sexuelle. Il s’agit juste de qualifier le mal; en un mot, de souscrire à la désignation collective d’une contre-valeur.</p> <p>La sexualité de celui qui est visé par l’insulte n’est pas réellement mise en cause. Son hétérosexualité relève de l’évidence culturelle, tout comme celle des autres participants.</p> <p>Manière de signifier, l’air de rien, ce que doivent être «les footballeurs». Manière de rappeler, donc, non seulement les valeurs partagées au sein de la grande famille du football, mais aussi l’orientation sexuelle supposée les incarner.</p> <p><img src="https://counter.theconversation.com/content/97710/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1">C’est ainsi que le football, comme fiction médiatique régit par des règles officieuses, avec ses figures et ses scripts, ses joueurs-acteurs de spectacle qui tentent – plus ou moins vainement – de «contrôler leur image», ne laisse pas ou peu d’espace à une narrative hors «norme».</p> <figure> <iframe src="https://player.vimeo.com/video/233999420" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen="" width="500" height="281" frameborder="0"></iframe> </figure><h4><figure><figcaption><span class="caption">Trailer du documentaire, <em>Footballeur et homo, l’un n’empêche pas l’autre</em>, de Yohann Lemaire, Avril films, 2018.</span></figcaption></figure></h4> <p></p><hr><p></p> <h4>Article original en français dans <a href="https://theconversation.com/fr"><em xmlns="http://www.w3.org/1999/xhtml">The Conversation</em><em xmlns="http://www.w3.org/1999/xhtml"></em>:</a> <a href="https://theconversation.com/un-match-de-pedes-homophobie-ordinaire-et-heterosexualite-imposees-97710">Un « match de pédés »: homophobie ordinaire et hétérosexualité imposées</a></h4> ', 'content_edition' => null, 'slug' => 'un-match-de-pedes-homophobie-ordinaire-et-heterosexualite-imposees', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-12', 'like' => (int) 903, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1084, 'homepage_order' => (int) 1307, 'original_url' => null, 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5295, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Un bien cruel conte de Noël (1)', 'subtitle' => 'Catherine et Pierre forment un couple épanoui. 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La fidélité absolue est un concept éculé et hypocrite qui a pour but principal que les hommes soient certains que les enfants qui sortent des ventres de leur épouse soient bien le produit de leurs spermatozoïdes à eux. Transmettre ses gènes est un réflexe très animal, si Sapiens est vraiment un être supérieur, il devrait se détendre sur cette question. En plus, Pierre et moi n’avons pas fait d’enfants, trop concentrés sur nous-mêmes et nos vies à réussir. Marie, ma sœur, prétend que pour les femmes, l’importance de la fidélité n’a pas pour but la perpétuation de l’espèce mais plutôt la conservation à leur côté du mâle qui assure leur protection. Elle se trompe. Si Pierre et moi sommes toujours ensemble après trente-cinq ans de mariage, c’est justement parce que nous nous laissons la liberté d’aller de temps en temps voir ailleurs. Marie, elle, ne souhaitait plus de rapports sexuels tout en menaçant son mari de le quitter s’il la trompait. C’est lui qui est parti avec la première maîtresse qu’il s’est autorisée.</p> <p>Mais Pierre a changé.</p> <p>Nous nous sommes connus dans une manifestation contre le racisme alors que nous avions vingt-sept ans. Il était graphiste tandis que moi j’enseignais le français à des réfugiés dans un centre géré par l’Eglise protestante. Je l’avais déjà remarqué à d’autres occasions au fil des ans – Lausanne est une petite ville – notamment lors d’une soirée chez Jean-Luc, lequel a été mon amant lorsque j’avais vingt ans et que j’hésitais entre le trotskisme et l’écologie politique. Lorsque Jean-Luc, figure de proue des trotskistes locaux, m’avait quittée pour une camarade d’origine kurde plus valorisante pour lui, j’avais renoncé aux principes de la Quatrième Internationale et milité pour la sauvegarde de la planète, jusqu’à ma rencontre avec un zapatiste belge avec qui je suis partie au Mexique où j’ai attrapé une infection sexuellement transmissible. De retour en Suisse, j’ai soigné ma salpingite et terminé mes études de lettres. Entre deux amants de passage, je traversais de longues périodes d’abstinence sexuelle sans que cela me coûte. A la manif, j’ai trouvé Pierre très beau avec sa moustache et sa barbe de cinq jours. Et je l’ai trouvé irrésistible lorsqu’il a jeté une bouteille vide en direction des forces de l’ordre qui voulaient nous empêcher d’accéder à la salle où se déroulait une assemblée de l’UDC, ce parti d’extrême droite honni par nous. Pierre s’est fait réprimander par les camarades communistes qui assuraient le service d’ordre et il a fini par en venir aux mains avec eux. J’ai spontanément pris sa défense, nous nous sommes faits bousculer et avons quitté la manifestation, lui avec une arcade sourcilière fendue, moi avec un fort désir pour lui. Je l’ai emmené chez moi pour soigner sa blessure et nous avons fait l’amour toute la nuit. Deux semaines plus tard nous emménagions ensemble; nous ne nous sommes plus quittés.</p> <p>L’autre soir, alors que nous avions des invités à la maison, il m’a semblé reconnaître chez Pierre les signes d’une tension extrême. Depuis le temps, je le connais bien. Serge et Mireille, nos invités, l’ont eux aussi sentie, cette tension. Ce sont tout à la fois des amis et des clients. Des amis parce que comme nous ils sont de centre gauche, des clients car ils font appel à notre agence de communication pour promouvoir leur commerce. Après avoir été de grands voyageurs, Serge et Mireille vendent aujourd’hui des produits venus d’Asie, principalement d’Inde mais aussi de Birmanie et du Cambodge. Ils sélectionnent avec soins les artisans, privilégiant les structures coopératives respectueuses de l’environnement et du bien-être des populations locales. Nous gérons leur site internet et leur publicité, et tournons même pour eux des clips promotionnels. Pierre est devenu agressif avec Mireille lorsque celle-ci a déclaré que les néo-féministes exagéraient et que #MeToo décourageait toute tentative de séduction de la part des hommes. «Je n’ai pas peur de le dire, j’aime bien que l’on me tienne la porte et que les hommes me fassent sentir qu’ils me désirent…» Pierre lui a rétorqué que le patriarcat était une forme de fascisme et qu’en tant que progressiste nous devions tout faire pour l’abattre. J’ai essayé de dévier la conversation sur la nourriture bio mais très vite c’est l’écriture inclusive qui a fait s’échauffer les esprits. Serge, qui se pique d’aimer la littérature, a déclaré que le français était en danger, qu’il fallait le sauver des points médians et des réformes de l’orthographe. 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En jeu, rien de moins que les causes de la crise de la pollution plastique et les solutions appropriées pour y remédier.</p> <ul> <li> <p>D’un côté, la <a href="https://hactoendplasticpollution.org/fr/">Coalition de haute ambition</a> (HAC), les activistes du «zéro déchet» et de <a href="https://theconversation.com/traite-mondial-contre-la-pollution-plastique-en-coulisses-le-regard-des-scientifiques-francais-presents-234046">nombreux scientifiques</a> insistent sur la nécessité d’une <a href="https://hactoendplasticpollution.org/hac-member-states-ministerial-joint-statement-for-inc-5/">approche globale portant sur l’ensemble du cycle de vie des plastiques</a>, y compris leur production.</p> </li> <li> <p>De l’autre côté, une <a href="https://medium.com/points-of-order/spoiler-alert-f737a24292e6">petite minorité d’Etats</a> ainsi que l’industrie pétrochimique ont à de nombreuses reprises détourné l’attention de cette question de la production des plastiques. 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Ils réduisent de manière significative la quantité de plastique qui se retrouve dans les océans.</p> <p>Malgré cela, et parce qu’ils font un travail salissant et vivent dans des endroits sales, ils sont souvent tenus pour responsables du problème de la pollution plastique. Dans les discours politiques des villes et des Etats, leur travail a longtemps été <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956247816657302">tourné en dérision, considéré comme non qualifié et inefficace</a>. <a href="https://www.undp.org/blog/unsung-heroes-four-things-policymakers-can-do-empower-informal-waste-workers">L’absence de reconnaissance officielle</a> de leur travail rend leurs revenus particulièrement instables et précaires. Les réglementations environnementales peuvent <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ac6b49">aggraver ces menaces</a> en accélérant la privatisation du traitement des déchets.</p> <p>Alors que les efforts de lutte contre la pollution plastique gagnent du terrain, les ramasseurs informels sont soumis à une double pression:</p> <ul> <li> <p>Ils doivent protéger leur accès aux déchets, car c’est l’un des rares moyens de subsistance dont ils disposent.</p> </li> <li> <p>En même temps, ils cherchent à améliorer leurs conditions de vie et de travail.</p> </li> </ul> <p>Un groupe de ramasseurs de déchets a donc profité de l’ouverture des négociations pour <a href="https://globalrec.org/document/just-transition-waste-pickers-un-plastics-treaty/">plaider en faveur de la reconnaissance de leur travail</a>. Il a été demandé que leurs contributions historiques à la réduction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu’un objectif explicite de transition juste soit intégré au traité sur les plastiques.</p> <h3>Avec l’économie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3> <p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe défendu par les groupes de travailleurs et les défenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition écologique protègent, améliorent et compensent équitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communautés affectés par l’environnement.</p> <p>Les ramasseurs de déchets ont utilisé ce terme pour réclamer que le traité comprenne des dispositions pour améliorer leurs conditions de travail et de sécurité. Mais également pour que le traité intègre davantage les travailleurs informels aux systèmes de gestion des déchets, et pour exiger que les systèmes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-elargie-du-producteur-67766">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP) soutiennent aussi les travailleurs du secteur des déchets, en particulier les <a href="https://www.wiego.org/gender-waste-project">femmes et d’autres groupes vulnérables</a>.</p> <p>Etonnamment, ces demandes ont obtenu le soutien d’un large éventail de parties prenantes puissantes. Par exemple la <a href="https://www.businessforplasticstreaty.org/vision-statement#Key-elements">Business Coalition for a Plastics Treaty</a>, les <a href="https://news.un.org/en/story/2024/10/1156301">dirigeants des Nations unies</a> et même <a href="https://resolutions.unep.org/resolutions/uploads/american_chemistry_council.pdf">l’industrie pétrochimique</a>.</p> <p>Certaines de ces demandes ont été intégrées aux projets de traité sur les plastiques discutés au cours des négociations, ce qui représente une victoire majeure pour les travailleurs du secteur informel des déchets.</p> <p>Un consensus se dégage sur le fait qu’une économie circulaire inclusive peut être bénéfique à la fois pour l’environnement, l’économie et les travailleurs en améliorant la gestion de la pollution, les moyens de subsistance et les opportunités de croissance économique pour les entreprises.</p> <p>Ces promesses demandent toutefois à être vérifiées sur le terrain. Et c’est là que les choses se compliquent.</p> <h3>« Gagnant-gagnant », mais la victoire de qui ?</h3> <p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j’examine comment les efforts de recyclage inclusif ont été mis en œuvre à Bengaluru, l’une des plus grandes villes de l’Inde.</p> <figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span></span></figcaption> </figure> <p>Dans cet ouvrage, je défends que l’intégration dans des programmes d’économie circulaire basés sur le marché n’est pas une solution miracle aux injustices ancrées dans les systèmes de production, de consommation et de production des déchets.</p> <p>La plupart des politiques d’économie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des mécanismes de marché, partant du principe que la création de marchés pour les déchets incitera les acteurs du marché à récupérer efficacement les déchets et à les convertir en ressources.</p> <p>Pour remplir leurs obligations en matière de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s’engager à acheter des plastiques recyclés et à financer la collecte des déchets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">crédits plastique</a>.</p> <p>Cette approche vise à améliorer le prix des déchets, à augmenter les salaires et à encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l’amélioration des infrastructures et des technologies.</p> <p>Cependant, les mécanismes fondés sur le marché aggravent les inégalités existantes en matière d’accès au marché. Les efforts visant à donner la priorité à la traçabilité et à la transparence – dans le but d’améliorer l’efficacité du marché et le respect de la réglementation – désavantagent souvent les travailleurs informels.</p> <p>Ces derniers ne disposent pas des ressources et des capacités techniques nécessaires pour adopter des systèmes de suivi complexes basés sur les SIG ou la blockchain, et se retrouvent exclus des processus formalisés. Les start-up financées par le capital-risque et les grandes entreprises s’emparent alors du secteur du recyclage.</p> <p>Les multinationales préfèrent d’ailleurs les partenariats avec des start-up technologiques qui offrent des services à «valeur ajoutée» tels que des indicateurs et des tableaux de bord environnementaux, permettant aux entreprises de mettre en scène leur propre récit sur le développement durable. Souvent issus de milieux éduqués et privilégiés, les employés de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p> <p>A l’inverse, les femmes et les membres des minorités ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorité des travailleurs des économies informelles des déchets, sont confrontés à des obstacles supplémentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancrés</a> qui limitent leur capacité à participer sur un pied d’égalité à ces marchés émergents. 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Une étude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l’économie circulaire restent ad-hoc et informels et ne bénéficient pas des garanties d’un emploi décent.</p> <p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confrontés à un choix difficile: soit ils acceptent d’être exploités au sein des circuits de traitements des déchets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre complètement leurs moyens de subsistance.</p> <p>Les systèmes actuels de production et de consommation du plastique déplacent donc la charge des déchets sur des communautés autochtones ou ethniques marginalisées, créant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifiées</a>. Ce déplacement permet de maintenir la rentabilité, tout en perpétuant les atteintes à l’environnement et les inégalités sociales.</p> <p>En promouvant des technologies de <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57087908">recyclage chimique</a> non éprouvées et en étendant les marchés du plastique, les entreprises <a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">pétrochimiques</a> et de matières plastiques <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/21/2/121/97367/Future-Proofing-Capitalism-The-Paradox-of-the">s’approprient le langage de l’économie circulaire</a>. Cela leur permet de donner un vernis écologique à leurs propositions, tout en maintenant le <em>statu quo</em> sur les inégalités.</p> <p>Pendant ce temps, la HAC, plusieurs ONG et même certains ramasseurs de déchets invoquent également l’économie circulaire comme solution à la crise du plastique, en mettant l’accent sur le réemploi et le recyclage inclusif.</p> <h3>Demander des comptes aux pollueurs plutôt que compter sur l’efficacité du marché</h3> <p>Pour que l’économie circulaire aille au-delà de la simple protection du capitalisme fossile, elle doit prendre en compte les collecteurs de déchets et recycleurs informels dans le Sud et reconnaître les limites des mécanismes basés sur le marché. C’est vrai aussi bien pour le traité international sur la pollution plastique que pour d’autres démarches régionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire</a>.</p> <p>En effet, toute stratégie de lutte contre la pollution plastique basée sur le marché et axée sur le profit est susceptible de reproduire ces schémas d’inégalité. Et par la même occasion, de pérenniser les injustices systémiques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunité de croissance économique ou de profit.</p> <p>Au contraire, nous avons besoin d’une approche centrée sur la réparation. Il faut d’abord, pour cela, reconnaître les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les préjudices qu’ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touchées et créer des systèmes qui donnent la priorité à la restauration de l’environnement et à la justice sociale plutôt qu’au profit des entreprises.</p> <p>Une économie circulaire bien financée devrait d’abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis améliorer les capacités des infrastructures et réduire la concentration de ces déchets en produits chimiques toxiques, plutôt que de s’appuyer sur des solutions basées sur le marché qui aggravent les inégalités.</p> <p>Les vraies solutions consistent à demander des comptes aux pollueurs et à adopter des approches circulaires fondées sur la sobriété et la réparation, et non sur l’efficacité du marché.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. 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Gasche</strong>, article publié sur <a href="https://www.infosperber.ch/medien/medienkritik/die-usa-finanzieren-internationales-journalisten-kollektiv/" target="_blank" rel="noopener"><em>Infosperber</em></a> le 5 décembre 2024, traduit par <em>Bon Pour La Tête</em></p> <hr /> <p>Parmi de nombreux autres médias, la <em>NZZ</em> et le <em>Tages-Anzeiger</em> ont diffusé à plusieurs reprises des révélations du réseau international de journalistes Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP). Ce faisant, ils n'ont pas rendu transparent le fait que les services gouvernementaux américains paient la moitié du budget de l'OCCRP. 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De plus, l'agence gouvernementale américaine interdit d'utiliser son argent pour mettre au jour la corruption aux Etats-Unis.</p> <p>Certaines subventions étaient même affectées à un but précis: le Department of State, par exemple, a versé 173 000 dollars à l'OCCRP pour «détecter et combattre la corruption au Venezuela». Ou l'<a href="https://www.usaid.gov/">Agence pour le développement international (USAID)</a> a versé plus de deux millions de dollars dans le but de «mettre au jour la criminalité et la corruption à Malte et à Chypre».</p> <p>Le journal en ligne français indépendant <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">« Mediapart »</a> en a parlé le 2 décembre 2024 <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">.</a></p> <p>Le fondateur de l'OCCRP est un ancien employé <a href="https://www.rockwellautomation.com/de-ch.html">de Rockwell</a> devenu journaliste: <a href="https://www.occrp.org/en/staff/drew-sullivan">Drew Sullivan</a>. L'OCCRP a été créé à l'instigation de fonctionnaires du gouvernement américain. Selon Mediapart, Sullivan a reçu pour cela, en 2008, un financement de départ de 1,7 million de dollars du <a href="https://www.state.gov/bureaus-offices/under-secretary-for-civilian-security-democracy-and-human-rights/bureau-of-international-narcotics-and-law-enforcement-affairs/">Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs</a>(INL). Il s'agit d'une agence d'application de la loi du Département d'Etat américain.</p> <p>L'OCCRP s'appuie souvent sur des documents divulgués provenant de sources non identifiées. La qualité des recherches et des révélations de l'OCCRP n'est pas mise en doute. L'orientation unilatérale des recherches et le manque de transparence des informations sur le financement donnent lieu à des critiques.</p> <p>L'ampleur des liens personnels et financiers de l'OCCRP avec le gouvernement américain va à l'encontre de «tous les principes de l'éthique journalistique». C'est ce qu'a déclaré Leonard Novy, directeur de l'Institut allemand des médias et de la politique de communication, à la chaîne NDR. Cela laisse supposer que les journalistes peuvent être utilisés ou instrumentalisés à des fins politiques.</p> <p>Sullivan et l'OCCRP ont également laissé les médias partenaires et leurs lecteurs dans l'ignorance de leur proximité avec le gouvernement américain. Selon Leonard Novy, l'organisation a ainsi dépassé les limites.</p> <h3><strong>Sullivan n'a pas voulu parler clairement aujourd'hui encore</strong></h3> <p>Sullivan a d'abord affirmé à la chaîne NDR que l'OCCRP avait «un groupe de donateurs largement répandu», parmi lesquels «aucun donateur individuel ne domine». Il a ajouté que «le gouvernement américain [...] est l'un des plus grands donateurs, mais ce n'est pas un pourcentage énorme». 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Mais même dans d'autres pays où ces dispositions n'existent pas, nous ne le faisons pas parce que cela vous place dans une situation de conflit d'intérêts et que vous préférez rester à l'écart de telles situations.»</p> <p>Ainsi, le paradis fiscal américain du Delaware n'a jamais fait l'objet de toutes les recherches sur l'évasion fiscale et l'argent de la corruption.</p> <p>L'OCCRP a tout de même effectué des recherches isolées aux Etats-Unis: par exemple sur les <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/meet-the-florida-duo-helping-giuliani-investigate-for-trump-in-ukraine">hommes d'affaires</a> qui avaient soutenu l'avocat de Donald Trump pour nuire à Joe Biden, ou sur la manière dont le Pentagone a dépensé des sommes énormes pour <a href="https://www.occrp.org/en/project/making-a-killing/revealed-the-pentagon-is-spending-up-to-22-billion-on-soviet-style-arms-for-syrian-rebels">fournir des armes</a> à des groupes rebelles en Syrie, ou encore sur un <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/flight-of-the-monarch-us-govt-contracted-airline-once-owned-by-criminals-with-ties-to-russian-mob">contrat</a> entre le gouvernement américain et une compagnie aérienne dont les propriétaires sont liés au crime organisé en Russie.</p> <p>Ces recherches ont manifestement respecté une autre condition imposée par les autorités américaines à l'OCCRP: l'activité doit être «en accord avec la politique étrangère et les intérêts économiques des Etats-Unis et les promouvoir.» (<a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/COMPS-1071/pdf/COMPS-1071.pdf">US Foreign Assistance Act</a>).</p> <h3><strong>Voici comment la «NZZ» et Tamedia ont présenté la source OCCRP</strong></h3> <p><strong>«NZZ» du 19 juillet 2023</strong></p> <p>«L'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) est un réseau d'organisations journalistiques fondé en 2006, basé dans de nombreux pays différents et fonctionnant sous cette forme en tant que filiale du Journalism Development Network à but non lucratif, dont le siège est dans le Maryland.»</p> <p><strong>«Tages-Anzeiger» du 21 juin 2023</strong></p> <p>«Grâce à l'organisation OCCRP, des journalistes femmes de plusieurs pays ont pu étudier ces données, dont <em>Der Standard</em> en Autriche et <em>Der Spiegel</em> en Allemagne. Pour la Suisse, le bureau de recherche de Tamedia et Paper Trail Media était de la partie.»</p> <h3><strong>Informations complémentaires</strong></h3> <p><strong>22 décembre 2022</strong> <a href="https://www.infosperber.ch/politik/welt/twitter-diente-jahrelang-als-gehilfe-des-pentagons/">Twitter a servi pendant des années d'auxiliaire au Pentagone</a>. Elon Musk a partiellement révélé les outils internes de Twitter. Ils prouvent des services d'hommes de main pour la propagande de l'armée américaine à l'étranger.</p> <p><strong>12 février 2009</strong> <a href="https://www.tagesanzeiger.ch/27-000-pr-berater-polieren-image-der-usa-631302390683">27 000 conseillers en relations publiques polissent l'image des Etats-Unis</a>. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
1 Commentaire
@JeanPaul80 14.06.2018 | 15h27
«L'orientation sexuelle d'un sportif, quel qu'il soit, ne regarde pas le public et encore moins tous ses concurrents. Notre société connaît de sérieuses difficultés dans tout ce qui touche le sexe, de près ou de loin. Lorsque, dans des journaux gratuits, on voit des femelles lascives dans des postures équivoques, arborant des sourires de péripatéticiennes, on ne s'offusque que très peu, mais lorsqu'un joueur de foot, soit-disant modèle de la virilité la plus affirmée, déclare qu'il est homo, c'est souvent un scandale poussé à son paroxysme, en tout cas parmi les spectateurs qui se goinfrent devant le petit écran ou autour des terrains. En ce qui me concerne, il n'est pas nécessaire de faire son "coming out" pour une sexualité qui devrait rester privée. Cela ne regarde PERSONNE !!!!»