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Actuel / Quand Pierre Mendès France entrait clandestinement en Suisse

Bon pour la tête

5 septembre 2019

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Pierre Mendès France, grande figure du socialisme français, eut une destinée trépidante. Après la militance des années 30, il est mobilisé en 1940, envoyé au Maroc (sous le régime de Vichy) puis accusé de trahison, condamné, emprisonné. Il s’échappe et gagne Londres, où il s’engage dans les Forces françaises aériennes libres. Plus tard, sous la IVe République, il jouera un rôle important à gauche. Engagé contre les guerres coloniales et attentif à la rigueur économique. L’ambassadeur de Pologne à Berne nous révèle ici un épisode peu ou pas connu. Le passage en Suisse pour obtenir des faux-papiers qui lui permettront de traverser la France pour gagner le Portugal, puis la Grande-Bretagne.



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Jakub Kumoch, Ambassadeur de Pologne en Suisse


Un document qui a changé l’histoire de la France vient d’être mis au jour dans les archives bernoises. Il s’agit d’une trace matérielle de l’établissement d’un faux passeport polonais à Pierre Mendès France, l’un des plus grands héros français de la guerre et futur Premier ministre. C’était l’œuvre de deux diplomates polonais: Aleksander Ładoś, ambassadeur de la IIe République de Pologne en Suisse, et Konstanty Rokicki, son consul. Les mêmes qui, plus tard, sauveront de la mort plusieurs dizaines de Juifs européens.

Comment les chemins de ces trois héros se sont-ils croisés? En été 1941, alors qu’il a 34 ans, Mendès France, issu d’une famille franco-juive distinguée, ancien sous-secrétaire d’État au Trésor dans le gouvernement Léon Blum et aussi officier aérien, s’évade de la prison de Clermont-Ferrand où il est détenu par le régime de Pétain. Dans la nuit du 2 au 3 août, il arrive, clandestinement, dans une embarcation de pêche, à Saint-Prex, à environ 40 kilomètres de Genève.

Il entre en contact avec Abraham Silberschein du Congrès juif mondial, un député polonais d’avant-guerre qui, au moins depuis 1940, entretient des relations proches avec la mission diplomatique polonaise. Celui-ci transmet le dossier Mendès France à Aleksander Ładoś.

Francophile, Ładoś, ancien consul général à Munich et membre du gouvernement polonais en exil, est le seul diplomate résidant à l’époque à Berne à permettre la falsification de documents afin de sauver des vies humaines. Mendès France obtient un faux passeport polonais au nom de Jan Lemberg. Pour l’ambassadeur polonais, ce n’est qu’un parmi des milliers de faux papiers créés, pour le Français – un laissez-passer vers la liberté et le droit de pouvoir continuer à combattre les Allemands.

Ładoś n’est pourtant pas le seul. Tous les biographes qui se sont penchés sur ce cas, citent comme auteur du passeport de Jan Lemberg un «consul polonais» sans nom. Mais ce consul a bel et bien un nom. À l’époque, le seul homme à remplir physiquement tous les passeports est Konstanty Rokicki. Ce subordonné de l’ambassadeur Ładoś réalise, à sa demande, le document en question. Muni de ce faux passeport et d’un visa cubain obtenu contre un pot-de-vin, Mendès France quitte la Suisse en février 1942 pour arriver à Lisbonne et puis, finalement, à Londres.

Ładoś et Rokicki resteront en Suisse jusqu’en 1945. Après le départ de Mendès France, ils falsifieront avec Silberschein et trois autres personnes des passeports de différents États d’Amérique latine pour plus de 8000 Juifs. Plus de la moitié des faux papiers seront des passeports du Paraguay, remplis en grande majorité avec l’écriture caractéristique de Rokicki.

Mendès France a fini sa carrière militaire en tant que capitaine. Homme politique influent après la guerre, il a occupé le poste de Premier ministre entre 1954 et 1955, pour devenir par la suite le mentor de la carrière politique de François Mitterrand, ignorant sans doute son passé à Vichy. Mort en 1982, il reste pour les Français le symbole de la résistance intransigeante envers les Allemands.

Rokicki, en tant que soldat de la guerre d’indépendance polonaise entre 1918 et 1921, a été promu au grade de sous-lieutenant. Après 1945, il a refusé de servir le gouvernement communiste et est resté en Suisse en tant que réfugié. Mort dans l’oubli en juillet 1958, il a été inhumé aux frais de l’état. En 2019, l’institut israélien Yad Vashem lui a attribué la médaille de Juste parmi les Nations.

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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

1 Commentaire

@Jnc 07.09.2019 | 16h44

«Mille mercis d'avoir mis au jour cette présence en Suisse de Pierre Mendès-France et cette délivrance de faux papiers polonais qui lui ont permis de poursuivre le combat contre l'Allemagne nazifiée. Juste une remarque, Pierre Mendès-France ne fut jamais Premier ministre car cette fonction n'existait pas sous la IVe République. Elle fut créée par de Gaulle avec les début de la Ve République. Pierre Mendès-France avait le titre de Président du Conseil des Ministres qui, sous la IVe, disposait des principaux leviers de commande, le Président de la République étant voué aux discours pour noces et banquets. PMF a présidé le Conseil du 18 juin (!) 1954 au 5 février 1955, soit 7 mois et 18 jours. Durant ce bref laps, Mendès a: fait la paix en Indochine, évité une guerre en Tunisie en préparant l'indépendance de ce pays, lancé le programme nucléaire et les grands travaux de reconstruction, relancé l'industrie. »


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