Actuel / Opération Libero: le changement, c’est maintenant
Fin de la campagne contre l'initiative "No Billag", 4 mars 2018 Simon Iannelli Simon Iannelli / Operation Libero
Progressiste et pro-européen. Voilà comment se définit dans les grandes lignes Opération Libero. D’abord think thank à la Foraus, ce mouvement, né en réaction à l’acceptation de l’initiative populaire dite « contre l’immigration de masse » du 9 février 2014, est devenu un véritable acteur politique, appuyant 41 candidats aux fédérales. Au-delà de la manœuvre, il est intéressant de voir se créer un grand front progressiste urbain, qui mise au même titre que l’UDC sur une communication active. Jadis, c’est le PDC qui se voulait porter le bon vieux compromis helvétique ; aujourd’hui, ce sont de jeunes branchés des grandes villes.
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Le groupe de réflexion avait d’ailleurs gagné en visibilité et en crédibilité quant à sa puissance d’action quand il avait réussi son pari de faire rejeter l’initiative dite de «mise en œuvre, pour le renvoi effectif des étrangers criminels» votée en février 2016. Aujourd’hui, Opération Libero en appelle à élire des candidats capables de mener une politique de changement, après une législature jugée perdue et marquée par la majorité de droite PLR-UDC. Or, refuser des propositions, est-ce vraiment ne rien faire? La question mérite d’être posée. Et que veut dire le changement, en substance? Le progressisme de notre époque – qui n’est pas celui des Lumières, même s’il en est l’héritier – a-t-il seulement plus de relief qu’un simple slogan? C’est qu’il y a deux manières de comprendre le mot «progressisme».</p> <p> </p> <h4><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1568812025_oprationlibero_iannelli_20181125_0733_flat.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " /></h4> <h4>Lancement de la campagne actuelle, "<i>Votons le changement"</i>, le 28 juin dernier à Berne. © Simon Iannelli / Operation Libero</h4> <p>Dans son premier sens, le progressisme est quasi-descriptif: il s’agit d’affirmer que la société suit une évolution positive et que chacun doit se résoudre aux mouvements du monde, sinon gare à ses fesses. Dans son second sens, le progressisme est une idéologie qui consister à viser le progrès. Intention ô combien louable, et d’ailleurs si louable que c’est en réalité un lieu commun, à partir du moment où viser le progrès revient à vouloir une société meilleure. Ou, plus prosaïquement, à vouloir résoudre des problèmes, ce qui est l’essence même de la politique. Dès lors, qui n’est pas progressiste au deuxième sens du terme ? Qui dirait: «Ce que je souhaite, moi, c’est que l’on régresse»? Foin, donc, de mots creux! Parlons concret.</p> <p>Quand on passe outre le <em>marketing</em>, en regardant le programme du mouvement, on constate que les thématiques ont été savamment choisies pour ne pas être susceptibles de diviser la gauche et la droite. Il s’agit en majorité de sujets de société. De plus, au-delà de ce parti-pris thématique, ce qui est défendu à l’intérieur de chaque proposition semble être assez général pour être accepté par un large panel de politiciens, allant des Verts au PLR. L’écologiste fribourgeois Gerhard Andrey nous a expliqué comment cela s’est passé: il a été invité par Operation Libero à remplir un questionnaire pour qu’il indique dans quelle mesure il est d’accord avec les visions du <em>think thank</em>.</p> <p>«Ce qu’il en est ressorti, c’est que je soutiens la plupart de leurs revendications. 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Nous parlons de la censure d’opinions et de crachats au visage d’intellectuels français venus simplement présenter leur livre à un petit public curieux de se confronter à un avis nuancé sur les débats qui secouent actuellement la notion de genre. Les psychanalystes Céline Masson et Caroline Elliachef étaient venues le 29 avril parler de leurs critiques à l’égard de la médicalisation précoce des enfants qui désirent changer de sexe; le philosophe Eric Marty était quant à lui venu le 17 mai parler de la différence entre l’approche anglo-saxonne et l’approche européenne du genre dans l’histoire des idées. 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Qui sont ces groupes désormais puissants dans les rapports de force idéologiques qui parcourent l’université et la société de manière générale (pour vous en convaincre, songez au fait qu’à Neuchâtel, les représentants des étudiants avaient réussi à ne faire comptabiliser que les réussites d’examens, et pas les échecs, en période de Covid)? Nous n’avons malheureusement pas réussi à contacter la CUAE, mais les informations à disposition de tous et les contacts pris auprès d’autres faîtières suffisent à répondre aux besoins de cet article.</p> <p>De manière générale, toutes les faîtières d’associations étudiantes nichées dans les universités romandes poursuivent les mêmes objectifs: mettre en réseau la communauté estudiantine, défendre ses intérêts auprès du rectorat et auprès du canton, favoriser l’égalité des chances, financer des événements ou des activités d’associations d’étudiants, etc. Bref, soutenir les étudiants.</p> <p>Pour être membre de la CUAE, il suffit de s’affilier à l’une des associations étudiantes de l’Université de Genève, qui elles-mêmes composent la CUAE. Une contribution de 5 CHF est alors prélevée dans les taxes universitaires que paient de toute manière les étudiants. Mais il est aussi possible de s’engager pour la CUAE à titre individuel. Par comparaison, «l’Association Générale des Etudiant·e·s de l’Université de Fribourg» (AGEF) vit grâce à une cotisation obligatoire de 20 CHF pour tout étudiant, dont une bonne partie repart dans les sections de la faîtière (une section par département ou faculté). C’est à peu près la même chose à Neuchâtel, où tous les étudiants sont <em>de facto</em> membres de la «Fédération des étudiant·e·s neuchâtelois·e·s» (FEN) et paient ainsi une cotisation de 15 CHF, comprise dans la taxe d’étude. Si quelqu’un ne souhaite pas la payer, il doit démissionner par écrit de la faîtière.</p> <p>On part alors du principe que les faîtières en question doivent se sentir responsables de leur caractère représentatif vis-à-vis des étudiants qu’elles fédèrent. Mais pas besoin de trop gratter pour se rendre compte qu’il ne s’agit pas vraiment du genre de la maison. La CUAE se définit sur son site comme «association faîtière et syndicat des étudiant.e.x.s de l’Université de Genève, et leur porte-parole auprès des autorités universitaires et politiques». Déjà, même s’il s’agit d’une volonté des individus qui composent la CUAE, son statut de syndicat pose question, dans la mesure où il reflète une certaine culture politique: n’y a-t-il pas incompatibilité entre cette nature de syndicat (unique en Suisse parmi les universités) et le fait de devoir représenter les étudiants dans leur diversité (y compris politique, diversité qu’on oublie souvent)?</p> <h3>Revendications politiques «si ça concerne les étudiants»</h3> <p>En partant de cette interrogation, on peut tirer un fil logique pour questionner les types de revendications portées par la CUAE et par leurs émules romandes. Si les représentants de toutes les autres faîtières estudiantines nous ont déclaré qu’ils condamnaient les moyens violents utilisés par les manifestants genevois pour faire entendre leur cause, ils sont également unanimes sur la limite que leurs associations se fixent concernant leurs revendications politiques. En effet, toutes les faîtières se donnent la compétence de prendre publiquement position «quand le sujet concerne les étudiants». Voici comment par exemple Guillaume Haas détaille le cas de l’AGEF, qu’il co-préside:</p> <p>«Notre grande différence avec la CUAE (Genève) est que l’AGEF (Fribourg) est représentée à tous les niveaux de l’université de Fribourg. Et quand je dis à tous les niveaux, c’est à tous les niveaux: au Sénat, qui est l’organe suprême de l’université, mais aussi dans la moindre des petites commissions. L’UniFR est l’une des universités les plus démocratiques d’Europe. C’est ce qui explique que l’AGEF ait peu de coups d’éclat, contrairement à nos camarades de la CUAE. Je ne leur en fait pas le reproche: c’est leur seul moyen de se faire entendre. Sur le plan des idées politiques, j’observe qu’il y a des personnes de tous bords à l’AGEF. Il y a des sensibilités différentes qui s’expriment lors de discussions sur les budgets et l’allocation des fonds, par exemple. Mais l’AGEF est apolitique: nous ne fonctionnons pas avec un système de représentants par partis. On ne parle que de politique quand le sujet concerne les étudiants.»</p> <p>Or, cela devient plus difficile à appliquer dans des exemples concrets. C’est que cette ligne de conduite a priori juste et inoffensive est on ne peut plus floue. A partir de combien d’étudiants concernés une affaire est censée «concerner les étudiants»? Outre l’intégration des étudiants transgenres dans la forme des statuts de l’Union des étudiant-e-s de Suisse (UNES), les délégués de cette «faîtière des faîtières» ont par exemple traité d’une initiative populaire en assemblées des délégués, parce que la votation faisait courir un risque au programme ERASMUS, même si les étudiants n’étaient pas cités dans le texte. Rebelote avec la question de l’accord-cadre et HORIZON2020. Un ancien responsable de la FEN, la faîtière neuchâteloise, confie:</p> <p>«Peu de personnes s’engagent dans ces structures. Il y a eu des assemblées générales de la FEN où nous étions dix. Le fait que trop peu de gens s’y engagent ouvre la porte au fait que des activistes de groupes très virulents, qui ont l’habitude de participer et de mobiliser leurs "troupes" pour une cause, ramènent tous leurs amis.»</p> <p>Notre source explique avoir été prise de cours avec le reste du comité il y a quelques années: certains cercles militants qui connaissaient bien le système de la fédération ont requis une AG extraordinaire et ont pu avancer leurs pions en quasi-unanimité. A Genève, la CUAE indique elle-même sur son site que «l’association adopte la ligne et l’opinion de la majorité des gens qui s’y engagent». Les absents ont donc toujours tort, comme en démocratie. D’un certain point de vue, cela coule de source. Et il est vrai que si des étudiants ne se sentent pas représentés, ils ont intérêt à s’y engager.</p> <h3>Effet d'entre-soi</h3> <p>Mais d’un autre point de vue, comment en vouloir à des étudiants, qui n’adhèrent pas à la tendance «woke» ou «intersectionnelle» souvent représentée par ces associations qui raffolent d’écriture inclusive, de ne pas venir s’y impliquer? Un fait psychologique simple: quand la Fédération des Associations d’Etudiant-e-s-x (Lausanne) convoque une assemblée «ouverte à tou-x-te-s», un étudiant qui trouve cette graphie laide, contestable sur le fond, ridicule ou les trois à la fois se dira peut-être que le comité n’est sans doute pas si ouvert que cela à tout le monde, du moins pas aux idées qu’il défendrait s’il venait y parler en toute honnêteté.</p> <p>C’est un fait et non un commentaire, ni même une analyse: une idéologie radicale de gauche identitaire suinte du vocabulaire, du propos et des actions de la CUAE, comme de bien d’autres associations, y compris, mais dans une moindre mesure, les faîtières d’étudiants des autres universités. 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La volonté d’un front progressiste
Si, au départ, on ne sait pas exactement ce que défend Opération Libero comme politique, on sait avec certitude ce qu’il combat: l’UDC, seul grand parti à ne pas être représenté par les 41 candidats soutenus par Opération Libero. Le groupe de réflexion avait d’ailleurs gagné en visibilité et en crédibilité quant à sa puissance d’action quand il avait réussi son pari de faire rejeter l’initiative dite de «mise en œuvre, pour le renvoi effectif des étrangers criminels» votée en février 2016. Aujourd’hui, Opération Libero en appelle à élire des candidats capables de mener une politique de changement, après une législature jugée perdue et marquée par la majorité de droite PLR-UDC. Or, refuser des propositions, est-ce vraiment ne rien faire? La question mérite d’être posée. Et que veut dire le changement, en substance? Le progressisme de notre époque – qui n’est pas celui des Lumières, même s’il en est l’héritier – a-t-il seulement plus de relief qu’un simple slogan? C’est qu’il y a deux manières de comprendre le mot «progressisme».
Lancement de la campagne actuelle, "Votons le changement", le 28 juin dernier à Berne. © Simon Iannelli / Operation Libero
Dans son premier sens, le progressisme est quasi-descriptif: il s’agit d’affirmer que la société suit une évolution positive et que chacun doit se résoudre aux mouvements du monde, sinon gare à ses fesses. Dans son second sens, le progressisme est une idéologie qui consister à viser le progrès. Intention ô combien louable, et d’ailleurs si louable que c’est en réalité un lieu commun, à partir du moment où viser le progrès revient à vouloir une société meilleure. Ou, plus prosaïquement, à vouloir résoudre des problèmes, ce qui est l’essence même de la politique. Dès lors, qui n’est pas progressiste au deuxième sens du terme ? Qui dirait: «Ce que je souhaite, moi, c’est que l’on régresse»? Foin, donc, de mots creux! Parlons concret.
Quand on passe outre le marketing, en regardant le programme du mouvement, on constate que les thématiques ont été savamment choisies pour ne pas être susceptibles de diviser la gauche et la droite. Il s’agit en majorité de sujets de société. De plus, au-delà de ce parti-pris thématique, ce qui est défendu à l’intérieur de chaque proposition semble être assez général pour être accepté par un large panel de politiciens, allant des Verts au PLR. L’écologiste fribourgeois Gerhard Andrey nous a expliqué comment cela s’est passé: il a été invité par Operation Libero à remplir un questionnaire pour qu’il indique dans quelle mesure il est d’accord avec les visions du think thank.
«Ce qu’il en est ressorti, c’est que je soutiens la plupart de leurs revendications. Ce qui n’empêche pas des nuances par-ci par-là. Par exemple, je dis oui à l’accord-cadre sur le principe, mais la question des salaires est pour moi primordiale.»
Fin de la campagne contre l'initiative "No Billag", 4 mars 2018. © Simon Iannelli / Operation Libero
L’objectif d’Opération Libero est clair: faire basculer la majorité au Conseil national, comme nous le confirme le responsable communication pour la Suisse romande, Stéphane Decrey. «Nous pensons qu’il y a décalage croissant entre la majorité conservatrice au Conseil national et un peuple pas si conservateur qu’on le dit.» Serions-nous en train de vivre un moment de basculement? «Oui, je le crois. On a vu une sorte de réveil de la société civile, avec les marches pour le climat, la grève des femmes ou encore la naissance de plusieurs groupes de réflexion dont Opération Libero.»
Selon Stéphane Decrey, le clivage gauche-droite n’est cependant pas mort, il apporte des différences intéressantes qui viennent s’ajouter à un clivage plus important selon lui, celui entre progressistes et conservateurs. Si ce discours a une chance d’être entendu par les rats des villes de Zurich à Genève, on peut se demander si les rats des champs seront plus que d’habitude à voter pour le «changement». C’en serait un grand, pour le coup.
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Le groupe de réflexion en faveur d’un pays multiculturel était né suite au <em>oui</em> à l’initiative populaire dite «Contre l’immigration de masse» du 9 février 2014. Cinq ans plus tard, les jeunes intellectuels anti-blochériens qui le composent entendent bien peser dans les élections fédérales. Mais pas en présentant des listes. Opération Libero ne se considère pas comme un parti, mais se veut transpartisan. Ses membres ont choisi une formule qui a le mérite d’être innovante: un soutien à 41 candidats de 11 cantons dont les idées correspondent <em>grosso modo </em>aux <a href="https://www.changeons.ch/sept-propositions">sept propositions </a>présentes sur <a href="https://www.changeons.ch/">changeons.ch</a>. 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La question mérite d’être posée. Et que veut dire le changement, en substance? Le progressisme de notre époque – qui n’est pas celui des Lumières, même s’il en est l’héritier – a-t-il seulement plus de relief qu’un simple slogan? C’est qu’il y a deux manières de comprendre le mot «progressisme».</p> <p> </p> <h4><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1568812025_oprationlibero_iannelli_20181125_0733_flat.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " /></h4> <h4>Lancement de la campagne actuelle, "<i>Votons le changement"</i>, le 28 juin dernier à Berne. © Simon Iannelli / Operation Libero</h4> <p>Dans son premier sens, le progressisme est quasi-descriptif: il s’agit d’affirmer que la société suit une évolution positive et que chacun doit se résoudre aux mouvements du monde, sinon gare à ses fesses. Dans son second sens, le progressisme est une idéologie qui consister à viser le progrès. 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Qui sont ces groupes désormais puissants dans les rapports de force idéologiques qui parcourent l’université et la société de manière générale (pour vous en convaincre, songez au fait qu’à Neuchâtel, les représentants des étudiants avaient réussi à ne faire comptabiliser que les réussites d’examens, et pas les échecs, en période de Covid)? 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Par comparaison, «l’Association Générale des Etudiant·e·s de l’Université de Fribourg» (AGEF) vit grâce à une cotisation obligatoire de 20 CHF pour tout étudiant, dont une bonne partie repart dans les sections de la faîtière (une section par département ou faculté). C’est à peu près la même chose à Neuchâtel, où tous les étudiants sont <em>de facto</em> membres de la «Fédération des étudiant·e·s neuchâtelois·e·s» (FEN) et paient ainsi une cotisation de 15 CHF, comprise dans la taxe d’étude. Si quelqu’un ne souhaite pas la payer, il doit démissionner par écrit de la faîtière.</p> <p>On part alors du principe que les faîtières en question doivent se sentir responsables de leur caractère représentatif vis-à-vis des étudiants qu’elles fédèrent. Mais pas besoin de trop gratter pour se rendre compte qu’il ne s’agit pas vraiment du genre de la maison. La CUAE se définit sur son site comme «association faîtière et syndicat des étudiant.e.x.s de l’Université de Genève, et leur porte-parole auprès des autorités universitaires et politiques». Déjà, même s’il s’agit d’une volonté des individus qui composent la CUAE, son statut de syndicat pose question, dans la mesure où il reflète une certaine culture politique: n’y a-t-il pas incompatibilité entre cette nature de syndicat (unique en Suisse parmi les universités) et le fait de devoir représenter les étudiants dans leur diversité (y compris politique, diversité qu’on oublie souvent)?</p> <h3>Revendications politiques «si ça concerne les étudiants»</h3> <p>En partant de cette interrogation, on peut tirer un fil logique pour questionner les types de revendications portées par la CUAE et par leurs émules romandes. Si les représentants de toutes les autres faîtières estudiantines nous ont déclaré qu’ils condamnaient les moyens violents utilisés par les manifestants genevois pour faire entendre leur cause, ils sont également unanimes sur la limite que leurs associations se fixent concernant leurs revendications politiques. En effet, toutes les faîtières se donnent la compétence de prendre publiquement position «quand le sujet concerne les étudiants». Voici comment par exemple Guillaume Haas détaille le cas de l’AGEF, qu’il co-préside:</p> <p>«Notre grande différence avec la CUAE (Genève) est que l’AGEF (Fribourg) est représentée à tous les niveaux de l’université de Fribourg. Et quand je dis à tous les niveaux, c’est à tous les niveaux: au Sénat, qui est l’organe suprême de l’université, mais aussi dans la moindre des petites commissions. L’UniFR est l’une des universités les plus démocratiques d’Europe. 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Outre l’intégration des étudiants transgenres dans la forme des statuts de l’Union des étudiant-e-s de Suisse (UNES), les délégués de cette «faîtière des faîtières» ont par exemple traité d’une initiative populaire en assemblées des délégués, parce que la votation faisait courir un risque au programme ERASMUS, même si les étudiants n’étaient pas cités dans le texte. Rebelote avec la question de l’accord-cadre et HORIZON2020. Un ancien responsable de la FEN, la faîtière neuchâteloise, confie:</p> <p>«Peu de personnes s’engagent dans ces structures. Il y a eu des assemblées générales de la FEN où nous étions dix. Le fait que trop peu de gens s’y engagent ouvre la porte au fait que des activistes de groupes très virulents, qui ont l’habitude de participer et de mobiliser leurs "troupes" pour une cause, ramènent tous leurs amis.»</p> <p>Notre source explique avoir été prise de cours avec le reste du comité il y a quelques années: certains cercles militants qui connaissaient bien le système de la fédération ont requis une AG extraordinaire et ont pu avancer leurs pions en quasi-unanimité. A Genève, la CUAE indique elle-même sur son site que «l’association adopte la ligne et l’opinion de la majorité des gens qui s’y engagent». Les absents ont donc toujours tort, comme en démocratie. D’un certain point de vue, cela coule de source. Et il est vrai que si des étudiants ne se sentent pas représentés, ils ont intérêt à s’y engager.</p> <h3>Effet d'entre-soi</h3> <p>Mais d’un autre point de vue, comment en vouloir à des étudiants, qui n’adhèrent pas à la tendance «woke» ou «intersectionnelle» souvent représentée par ces associations qui raffolent d’écriture inclusive, de ne pas venir s’y impliquer? Un fait psychologique simple: quand la Fédération des Associations d’Etudiant-e-s-x (Lausanne) convoque une assemblée «ouverte à tou-x-te-s», un étudiant qui trouve cette graphie laide, contestable sur le fond, ridicule ou les trois à la fois se dira peut-être que le comité n’est sans doute pas si ouvert que cela à tout le monde, du moins pas aux idées qu’il défendrait s’il venait y parler en toute honnêteté.</p> <p>C’est un fait et non un commentaire, ni même une analyse: une idéologie radicale de gauche identitaire suinte du vocabulaire, du propos et des actions de la CUAE, comme de bien d’autres associations, y compris, mais dans une moindre mesure, les faîtières d’étudiants des autres universités. Et quand on se réunit autour de croyances sur les ressorts cachés du «système» et de la «société», par exemple leurs soi-disants ressorts «racistes» ou «transphobes», tout en excluant ou en méprisant – ne serait-ce que par un regard – toute autre approche, cela ressemble plus à une secte qu’à une association d’étudiants.</p> <p>Nous nous permettrons alors cette remarque personnelle: face à ce constat, au lieu de traquer les manifestations d’idéologie là où elles apparaîtront forcément à un moment donné, l’être humain étant ce qu’il est, ne vaudrait-il par mieux porter haut la valeur du pluralisme? Et se donner les moyens – pourquoi pas inventifs – de garantir cette diversité d’idées? Fait amusant, dans la Berne fédérale, l’association des étudiants s’organise autour… de représentants de partis. Cette solution a le mérite d’assumer la dimension politique de la démarche, tout en lui garantissant un certain équilibre. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
5 Commentaires
@Eggi 23.09.2019 | 16h23
«Ayant soutenu "Libero" depuis sa création, je me permets d'ajouter un élément positif fondamental: c'est un mouvement politique de jeunes, qui a précédé les engagements auxquels on assiste maintenant, notamment en faveur de la lutte pour la survie de la planète. Ces jeunes prennent leur avenir en main, à côté (ou à la place) des politiciens qui ont souvent deux fois leur âge...»
@Lagom 24.09.2019 | 23h33
«Opération Libero n'a pas réussi à se débarrasser de l'étiquette qui lui colle sur le front, celle d'un organe subordonné à l'une des fondations de George Soros. Personne ne connaît les plans de cette fondation ni son but. Je pense qu'il y aura 2 ou 3 surprises aux élections fédérales, la droite en sortira bien plus forte qu'on ne le prédise. Ne croyez pas que l'électeur suisse manque d'intelligence pour aller mettre l'avenir du pays entre des mains suspectes et très peu sûres.»
@mariec 25.09.2019 | 13h18
«@Reiwa :
Il y a près d’un an, le site proche de l’UDC, « Brennpunkt Schweiz » posait la question: « Flavia Kleiner couche-t-elle avec Soros ? ». Roger Köppel, dans la « Weltwoche » (25 octobre 2018) écrivait que la co-présidente de l’Opération Libero « nage dans le réseau international de l’activiste de gauche George Soros ». Qu’en est-il ? Flavia Kleiner dément tout financement de la Open Foundation Society de Soros. Celle-ci précise qu’elle ne s’implique pas dans la politique politicienne. Il est vrai en revanche que la leader de l’Opération Libero, à titre personnel, est membre du conseil de l’ECRF (European Council on Foreign Relation), groupe de réflexion sur la politique étrangère européenne, qui compte 77 représentants de la société civile, 18 chefs d’Etat, 27 ministres des affaires étrangères 4 membres de la Commission européenne et 29 personnalités universitaires. Flavia Kleiner déclare qu’elle y participe pour s’informer!,
dans ce cercle privilégié, qu’elle ne reçoit aucune rémunération, qu’elle paie ses déplacements de sa poche. Rappelons que George Soros est la bête noire du Hongrois Viktor Orban et des ultra-nationalistes qui voient en lui « le Juif sans patrie » qui souhaiterait le démantèlement des frontières nationales.
»
@Lagom 25.09.2019 | 14h30
«@mariec:
Moi-même je serais devenu mondialiste, il n'y a pas mieux pour défendre notre planète d'une seule voix, si l'Occident n'avait pas autant d'ennemis et de détracteurs. Des forces connues & inconnues veulent juste mettre la main sur nos démocraties et par conséquent sur nos richesses, par tous les moyens, y compris en faisant danser les jeunes dans les meetings dits "non-politiques" pour les abrutir, comme opération Libero sait très bien le faire. Il sert à quoi de soutenir des personnalités politiques de tout bord sauf de l'UDC? et de prétendre ne pas être politique! J'aimerais au passage féliciter Mme Flavia K. pour son charisme et pour avoir pris autant de place dans la vie politique suisse aussi rapidement. J'espère qu'elle soit lucide de la dangerosité de son action et qu'elle ne soit pas sous influence étrangère.
Quand on apprend que les occidentaux laissent à la Chine le privilège d'être considérer par l'OMC comme un pays en voie de développement, avec tous les avantages au niveau de l'exportation, des droits de douanes et de la fermeture partielle de son marché aux produits étrangers, nous devrions être inquiets, car ceux qui nous gouvernent sur notre continent ont atteint un niveau de stupidité inégalé dans l'histoire de l'humanité. J'espère que le Président Trump (que je n'aime pas trop) réussira à mettre de l'ordre dans le commerce international pour nous donner quelques chances de survie à moyen terme face au dragon asiatique.»
@marenostrum 11.05.2020 | 12h52
«? n'est-ce pas, comme les verts-libéraux, une stratégie des partis de droite en place pour récupérer des voix qui pourrait opter pour les écolos ou la gauche ? ... La politique, principale source de notre immobilisme et de notre déni dans les débats essentiels que nous devrions avoir. »