Actuel / Populismes: mélanger tout, brasser et servir chaud
Avec ou sans Marine Le Pen, discréditée lors de la campagne électorale, ce parti reste lui aussi isolé. © MLP_Officiel twitter
Le mot populisme, beau en soi, n’est qu’un terme vague, dépréciatif, trop commode pour être honnête. Il sert à gauche comme à droite. En Europe comme en Amérique. L’inénarrable Steve Bannon, l’âme damnée de Trump, chassée entretemps de la Maison Blanche, s’en veut le héros mondial. Mal vu désormais à Washington, il a trouvé des oreilles attentives et des regards enamourés en Europe. En Italie chez la Lega d’extrême-droite, à Zurich chez Roger Köppel, patron de la «Weltwoche» et ponte de l’UDC. En France, chez Marie Le Pen. Bannon annonce «un tournant dans l’histoire du monde».
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Quant aux nombreux Blancs qui quittèrent cette terre qu’ils croyaient leur, ils furent réintégrés dans la mère-patrie, amers certes, mais sans trop de mal. Pour la plupart ce fut pourtant un déchirement terrible. Nous avions filmé leur attente de l’embarquement, au port de Beira, veillant jour et nuit sur leurs caisses et valises, chargées de leur passé.</span></p> <p><span>Le livre du journaliste Jean-Jacques Fontaine (voir ci-dessous) raconte, à travers des portraits, plusieurs en lien avec la Suisse, le tournant du 25 juillet 1974 et ce qui s’ensuivit. Abordant ensuite la présence si nombreuse des Portugais chez nous, non pas du fait de la Révolution des Œillets mais en quête d’un meilleur sort économique. D’ailleurs souvent oublieux de cet épisode historique. </span></p> <p><span>Lors de la présentation de l’ouvrage au Club suisse de la presse, la journaliste genevoise Joelle Kuntz qui suivit les évènements sur place a mis en exergue avec éloquence une autre leçon du Portugal. Le demi-siècle passé depuis lors y a été remarquablement apaisé et démocratique. Rejetant les extrêmes de droite et de gauche, l’électorat a alterné ses préférences entre le centre-droit et le centre-gauche, applaudi aussi l’entrée dans l’Union européenne dont les soutiens ont permis au pays de se moderniser. Trains, routes, équipements publics… le Portugal a basculé dans une ère nouvelle, heureuse. Il est vrai qu’en mars dernier, le jeune parti dit d’extrême droite, en tout cas libéral et conservateur, a obtenu 18% des voix. Il ne se nourrit pas de quelque nostalgie salazariste mais d’une addition de mécontentements. Comme ailleurs autour de l’immigration – les Brésiliens affluent! –, autour des lourdeurs bureaucratiques, autour des frustrations sociales. Il faut dire que les dernières années ont été dures. En 2020, l’Etat outrepassait toutes les limites de l’endettement. Et en 2023, le gouvernement de centre-gauche sortant, battu aux dernières élections, a redressé la barre avec un budget bénéficiaire. Au prix d’efforts peu communs, des mesures drastiques à tous les étages, coupes dans le domaine social et augmentation de certains impôts.</span></p> <p><span>Qu’en conclure? Les Portugais sont pragmatiques, réalistes, entreprenants. A la différence d’autres Européens – n’est-ce pas, amis Français? – ils ne rabâchent pas les couplets aigris et masochistes du déclin. Leurs débats politiques sont chauds mais ne tournent pas aux empoignades haineuses et violentes comme on a pu le voir ailleurs. Ils témoignent, sur la durée est sur le fond, d’une forme de sagesse.</span></p> <p><span>Les Portugais en Suisse sont au nombre de 420’000 (dont 162’000 de double-nationaux). Socialement très bien intégrés mais la plupart </span><span>restant sur leur quant à soi civique. Beaucoup nous quittent, plus qu’il n’en arrive. 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Et si nous y regardions de plus près. Pays par pays. Pour voir où nous en sommes réellement?
La montée des populismes est un fait. Ce terme, beau en soi, est vague, trop commode pour être honnête. Applicable à des pans de la gauche comme de la droite. Les grands traits communs sont connus: la peur de l’immigration jusqu’à la xénophobie teintée de racisme, l’exaltation de la nation, l’appel au protectionnisme, le discours anti-élites. Mais avec maintes différences d’un lieu à l’autre, des impacts sur la vie politique très variables. Les craintes devant la mondialisation et l'immigration sont certes largement répandues, mais il est faux d'affirmer qu'elles bouleversent tout le paysage politique.
Pas besoin de s’attarder sur la Suisse. L’UDC accueille quelques agitateurs extrémistes comme Köppel mais compte beaucoup de personnalités raisonnables. Simplement alarmées par l’immigration – qui ralentit au point de leur couper l’herbe sous les pieds –, simplement perdues dans le dossier européen et réfugiées dans la rassurante mythologie helvétique. Populiste? Le parti ne mérite pas vraiment cette étiquette floue. D'autant plus qu'il siège au gouvernement. A noter au passage qu’il a une peine de chien à faire élire les siens dans les gouvernements cantonaux, qu’il vient de recevoir une claque monumentale à Zurich, qu’il n’arrive pas à intégrer des Romands à sa tête. Il est entendu dans les campagnes, moins dans les villes. Embêtant. Et une gifle de plus: l’initiative No Billag que ses délégués avaient massivement soutenue a passé à la trappe. On sait comment.
A l'état gazeux
L’Italie? Plus intéressant. Les vieux partis, social-démocrate et berlusconien, ont perdu pied. L’extrême-gauche archi-battue. Deux forces ont émergé. L’une d’extrême-droite, la Lega, héritière de la longue tradition fasciste, l’autre à l’état idéologique gazeux, le Mouvement des cinq étoiles. Ni de gauche ni de droite, dit-il. Populiste au sens de démagogique? Sûrement. Il a proposé l’instauration d’un salaire minimum, c’est raisonnable, et un revenu minimum à tous, c’est plus problématique. Cela a plu aux masses populaires, surtout dans le sud du pays. Compréhensible.
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On saura bientôt où va notre grand voisin du sud. Tout indique que les dirigeants hétéroclites des Cinq Etoiles, virtuoses de l’opportunisme électoral, se hisseront au pouvoir en s’appuyant sur des alliances diverses, mais pas avec les fascisants de la Lega. Tournant de l’histoire? On n’y est pas.
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En France? La base du Front national, rebaptisé (temporairement?, ndlr) Rassemblement national, reste nombreuse: pas loin d’un tiers des votants! Avec ou sans Marine Le Pen, discréditée lors de la campagne électorale, ce parti reste lui aussi isolé. Son idéologie est certes relayée maintenant, souvent mots pour mots, par le nouveau chef des Républicains. Mais les institutions sont telles que le président de la République a encore plus de quatre ans devant lui et le macronisme paraît bien tenir le coup.
Forcer sur les ingrédients
Un pays mérite la vigilance: l’Autriche. La droite y est alliée avec l’extrême-droite. Le gouvernement du jeune chancelier Sebastian Kurz joue sur tous les tableaux: il se veut très européen mais son ministre propose aux élus italiens de Bolzano de se réunir avec lui en vue de donner aux habitants de cette province autonome le passeport autrichien!
D’où est partie cette idée farfelue? De Hongrie. Le premier ministre Orban, depuis des années, veut faire voter, pour son parti bien sûr, les minorités hongroises de Roumanie et de Slovaquie. Lorsque la droite de la droite exalte les frontières nationales au nom de la défense identitaire, c’est logique, mais lorsqu’elle rêve de revoir la géographie au regard de l’histoire, elle prépare le retour des vieux conflits qui ont ravagé le continent. Heureusement sans succès à ce jour.
La sensibilité nationale de la Pologne s’explique aussi par son passé tourmenté. Elle a connu si peu de périodes dans la souveraineté. Qu’elle ait quelque peine à jouer le jeu européen, cela se comprend même si c’est risqué pour elle et les autres. Mais le populisme du parti au pouvoir a d’autres ressorts, bien plus déterminants dans sa haute cote électorale qui ne s’émousse pas. A commencer par sa politique sociale. Généreuses allocations familiales, prise en compte des régions marginales, consolidation de la société catholique. Quand l’hyper-nationalisme prend une dimension sociale, il peut faire très fort. Et quand il s'en prend de surcroît aux libertés démocratiques, il y a de quoi s'alarmer.
Recettes indigestes
On pourrait élargir le tableau. Ce sera pour une autre fois. Voir les spécificités de la Tchéquie, de la Slovaquie, de la Roumanie, des Pays-Bas, des pays scandinaves, avec des effervescences dites populistes communes et aussi de grandes différences entre elles. Mais pas de quoi y voir un «tournant de l’histoire» version Bannon.
Tiens, ce monsieur remuant n’est pas allé en Grande-Bretagne. Il aurait pu y saluer le Brexit. Il a craint sans doute d’y être mal reçu. Parce que les Britanniques, qu’ils aient voté oui ou non à la sortie de l’UE, sont à peu près tous plongés dans la déprime.
Vanter les recettes nationalistes peut attirer du monde, mais une fois passé en cuisine, le plat, même servi chaud, pèse lourd sur l’estomac.
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Mais avec maintes différences d’un lieu à l’autre, des impacts sur la vie politique très variables. Les craintes devant la mondialisation et l'immigration sont certes largement répandues, mais il est faux d'affirmer qu'elles bouleversent tout le paysage politique.</p><p>Pas besoin de s’attarder sur la Suisse. L’UDC accueille quelques agitateurs extrémistes comme Köppel mais compte beaucoup de personnalités raisonnables. Simplement alarmées par l’immigration – qui ralentit au point de leur couper l’herbe sous les pieds –, simplement perdues dans le dossier européen et réfugiées dans la rassurante mythologie helvétique. Populiste? Le parti ne mérite pas vraiment cette étiquette floue. D'autant plus qu'il siège au gouvernement. A noter au passage qu’il a une peine de chien à faire élire les siens dans les gouvernements cantonaux, qu’il vient de recevoir une claque monumentale à Zurich, qu’il n’arrive pas à intégrer des Romands à sa tête. 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Ceux-ci sont moins nombreux en provenance de Syrie, mais les Africains continuent de se bousculer vers l’Europe. L’Italie a convaincu les pouvoirs libyens de les retenir où ils s’entassent dans le désespoir. Personne ne voit là une solution durable. Immense sujet de préoccupation pour tous les Européens. Trop peu débattu au-delà des belles paroles et des coups de colère.</p><p>On saura bientôt où va notre grand voisin du sud. Tout indique que les dirigeants hétéroclites des Cinq Etoiles, virtuoses de l’opportunisme électoral, se hisseront au pouvoir en s’appuyant sur des alliances diverses, mais pas avec les fascisants de la Lega. Tournant de l’histoire? On n’y est pas.</p><p>On n’y est pas non plus en Allemagne. L’émergence de l’AFD d’extrême-droite ne l’a pas sortie de l’isolement. Les vieux partis de pouvoir (SPD et CDU/CSU), même ébranlés par les dernières élections, ne sont pas près de lâcher prise.</p><p>En France? La base du Front national, rebaptisé (<em>temporairement?, ndlr</em>) Rassemblement national, reste nombreuse: pas loin d’un tiers des votants! Avec ou sans Marine Le Pen, discréditée lors de la campagne électorale, ce parti reste lui aussi isolé. Son idéologie est certes relayée maintenant, souvent mots pour mots, par le nouveau chef des Républicains. Mais les institutions sont telles que le président de la République a encore plus de quatre ans devant lui et le macronisme paraît bien tenir le coup. <br></p><h3>Forcer sur les ingrédients <br></h3><p>Un pays mérite la vigilance: l’Autriche. La droite y est alliée avec l’extrême-droite. Le gouvernement du jeune chancelier Sebastian Kurz joue sur tous les tableaux: il se veut très européen mais son ministre propose aux élus italiens de Bolzano de se réunir avec lui en vue de donner aux habitants de cette province autonome le passeport autrichien!</p><p>D’où est partie cette idée farfelue? De Hongrie. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
4 Commentaires
@fordzon 15.03.2018 | 08h59
«Pourquoi le terme « populisme » est-il « beau en soi »? Selon wikipedia les « ismes » requièrent des « potentiels idéologiques et mobilisateurs ». La seule référence au peuple ne rend pas le terme beau. On a l’intention de caresser le peuple dans le sens du poil. S’il a des peurs on l’y conforte pour pouvoir le manipuler, pour être « populaire » comme des stars.
On essaie pas de faire appel à l’intelligence du peuple en l’intimant de vérifier les faits. Le peuple comme un client a raison par définition même quand il a tort, car on a besoin de son vote. S’il faut mentir au peuple pour lui faire plaisir, pour le faire bouillir, on le fera. C’est le fond de commerce des populistes comme celui des charlatans. Pourvu vendre leur camelote. Tous les moyens sont bons.»
@marenostrum 20.03.2018 | 16h00
«Mais alors comment parler de "nous" ? du 90 à 99% des personnes qui constitues ceux qui bosse, qui n'ont pas accès aux médias de masse, qui ne sont plus représenté par nos politiques (par manque d'idées ou intérêt), par ceux qui subissent une politique présentée comme la seule viable ! il n'y a plus de projet pour "le peuple", il n'y a plus que le/les marchés ! qui n'ont plus accès aux alternatives (censurée par la pensée unique) ... ?
La population ?
La société civile ?
L'intérêt commun ?
Quel que soit le terme, il doit bien s'adosser à une réalité.
Et la réalité est que "le peuple", l'intérêt général, appelez-le comme bon vous semble, N'EST PLUS UN VERITABLE SUJET.
»
@stef 25.03.2018 | 15h05
«Votre dernière phrase est une petite perle, bravo »
@Scohdec 27.03.2018 | 09h35
«Qu’est ce que le populisme ? A chaque pays sa recette. Amnesty International publie dans son magazine de mars un excellent dossier intitulé : Au nom du peuple ? Les populismes en question. https://www.amnesty.ch/fr/sur-amnesty/publications/magazine-amnesty/2018-1
Pour tous ceux que ça intéresse. »