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Bon pour la tête

30 janvier 2021

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Le cauchemar du coronavirus pourrait être pratiquement terminé en 60 jours, explique Anton Gunzinger, professeur à l'ETH. Seules les personnes à risque devraient être protégées.



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Cet article d'Urs Gasche est paru en allemand le 21 janvier 2021 sur Infosperber, traduit en français pour Bon Pour La Tête par Sarah Dohr.


Les risques de l'épidémie de coronavirus en Europe sont mal jugés, explique Anton Gunzinger, professeur de technologie de l'information et président du conseil d'administration de Supercomputing Systems AG. Il serait disproportionné d'interdire les rassemblements de personnes, de fermer les restaurants et les magasins et d'imposer de nouvelles mesures d'isolement. Gunzinger montre une autre façon de sortir de la pandémie comme une alternative au «confinement dévastateur au niveau social, psychologique et économique».

De nombreux experts, hommes politiques et médias exhortent les autorités à prendre des mesures encore plus rapides et plus strictes (voir ci-dessous) ou critiquent la lenteur de la vaccination. Infosperber estime qu'il est important, à des fins de formation de l'opinion, de permettre également aux critiques de ces mesures d'avoir leur mot à dire et d’informer de leurs arguments factuels.

La situation initiale

M. Gunzinger et son équipe ont systématiquement analysé les statistiques existantes sur l'épidémie de Covid-19 ainsi que sur les épidémies précédentes et sont arrivés aux conclusions suivantes:

  1. Pour 94 % des habitants de la Suisse, la maladie n'est pas plus dangereuse qu'une grippe normale. Pour ces 94 %, seuls des cas individuels entraînent de graves complications, voire la mort. Ces cas individuels font souvent les gros titres des médias, ce qui, selon M. Gunzinger, conduit à une «évaluation déformée de la situation». Même lors d'une vague de grippe grave, il existe des cas individuels avec une évolution sévère chez les enfants, les adolescents et les adultes d'âge moyen. Il en va de même pour les conséquences indésirables à long terme. Aussi dangereuse que soit une telle maladie pour ces individus, il ne faut pas faire de politique à cause de cas individuels.
  2. Les personnes à haut risque sont au nombre de 6 %, soit environ 500 000 personnes. Il s'agit des résidents des maisons de retraite et de repos (environ 90 000 personnes) et des personnes qui ont besoin de soins importants au domicile, ainsi que des personnes dont le système immunitaire est affaibli parce qu'elles suivent une chimiothérapie ou prennent des médicaments contre l'hypertension ou le diabète. 
  3. La plupart de ces personnes vulnérables ont plus de 80 ans. Dans l'ensemble du groupe d'âge des plus de 80 ans (5,3 % de la population), deux fois plus de personnes sont mortes ces dernières semaines que la moyenne pluriannuelle. D'une part, plus de personnes seraient mortes sans le lockdown; d'autre part, moins de personnes seraient mortes si ces personnes vulnérables avaient été mieux protégées.

Répartition des quelque 500'000 personnes en danger en Suisse. © Anton Gunzinger.

Le graphique suivant, avec les chiffres de l'Office fédéral de la statistique, montre combien de personnes sont mortes en Suisse par semaine depuis 2015. Le coronavirus n'a aucun effet sur la mortalité des personnes âgées de 0 à 64 ans (ligne bleue). Le virus n'est pas perceptible statistiquement. Parmi les personnes âgées de 65 à 79 ans (13,4 % de la population), un peu plus sont décédées au printemps et beaucoup plus à la fin de l'année que les années précédentes (ligne verte). Mais ce n'est que parmi les personnes âgées de 80 ans et plus (5,4 % de la population) que la mortalité a doublé à la fin de 2020 (courbe rouge)1

Le graphique montre également que les vagues de grippe des années précédentes n'ont entraîné une forte augmentation du nombre de décès que dans cette tranche d'âge.

Nombre hebdomadaire de décès depuis 2015 © OFS

Tout serait terminé en 60 jours

A partir des chiffres ci-dessus, Gunzinger conclut que les groupes à risque doivent être traités différemment du reste de la population. Le coronavirus n'est vraiment dangereux que pour quelques-uns. Les mesures doivent être orientées dans ce sens.

C'est pourquoi nous devons protéger les groupes à risque de manière plus cohérente, plus forte et meilleure qu'auparavant, déclare M. Gunzinger. Mais pour le reste de la population — la grande majorité de 94 % — «nous devons les libérer des restrictions et des fermetures».

Les mesures doivent se concentrer sur les quelques personnes particulièrement vulnérables. Le reste de la population devrait continuer à vivre comme avant la pandémie: «Si les 94 % de la population attrapent le virus lors d'événements sportifs, de fêtes familiales, dans des bars, des restaurants ou dans des chorales et des églises, ils ne mettront guère en danger les 6 % qui sont à risque, si ceux qui sont à risque sont bien protégés». M. Gunzinger voit un grand avantage dans cette stratégie: «Parce que le virus Sars-Cov-2 est très contagieux — les variants britannique et sud-africain sont encore plus contagieux que la première souche — le tout serait terminé au bout de 60 jours». 

C'est pourquoi Gunzinger suggère: «Abolir l'obligation du port du masque; embrasser le plus de gens possible; ouvrir immédiatement les tribunes, les bars et les restaurants. Quiconque veut se faire vacciner doit le faire». Cela conduirait au même résultat que la vaccination de masse, «mais plus vite, mieux, moins cher et plus sûr». En outre, notre système immunitaire serait renforcé.

Inévitablement, de nombreux jeunes l'attraperont. Mais beaucoup le remarqueront à peine. D'autres tomberont malades de la même manière que la grippe. Lors d'une forte vague de grippe, environ deux millions de personnes sont infectées en Suisse2. Les conséquences pour les groupes d'âge allant jusqu'à 80 ans sont comparables aux conséquences du Covid-19 pour les mêmes groupes d'âge. Ces deux maladies virales n'entraînent de graves complications, voire la mort chez les plus jeunes, que dans quelques cas individuels. Si tous les jeunes gens étaient exposés au risque d'infection dans un court laps de temps, les hôpitaux devraient préparer d'autres cas de traitement pendant deux à trois mois, mais seraient soulagés par la suite.

Plus de personnes infectées ne signifie pas plus d'admissions à l'hôpital et de décès

Si les personnes à risque étaient mieux protégées jusqu'à ce que la population atteigne l’immunité de groupe, le nombre beaucoup plus important de personnes infectées parmi la jeune génération ne conduirait pas à une surcharge des hôpitaux, comme on le craint. Officiellement, environ un demi-million de personnes en Suisse ont déjà été testées positives. Le nombre de cas non signalés est estimé entre 3 et 5 fois plus élevé, de sorte que probablement 2 des 8,6 millions d'habitants ont déjà attrapé le virus; néanmoins, il n'y a aucune preuve de surmortalité chez les moins de 65 ans.

Même la deuxième vague, beaucoup plus forte, a mis moins de pression sur les hôpitaux que la première vague au printemps. A l'époque, les plus de 80 ans étaient beaucoup plus nombreux à être traités dans les unités de soins intensifs pendant quatre semaines que lors de la deuxième vague (les patients «normaux» ne passent qu'une semaine en soins intensifs). Les unités de soins intensifs n'ont pas eu à être augmentées autant que lors de la première vague, beaucoup plus petite (voir le graphique de la NZZ ci-dessous). 

Aujourd'hui, le traitement prend moins de temps et beaucoup plus de patients gravement malades ne se retrouvent pas dans les unités de soins intensifs grâce aux directives anticipées des patients. Nombreux sont ceux qui renonceraient volontairement aux mesures de maintien des fonctions vitales jusqu'à la fin.

La durée exceptionnellement longue du séjour dans les unités de soins intensifs au printemps et les dépenses de matériel et de personnel supérieures à la moyenne qui en découlent, ont été la principale raison de l'extrême tension qui continue de peser sur notre personnel soignant.

Les terribles images de Bergame n'avaient pas grand chose à voir avec la nature dangereuse du virus. Là, les patients corona ont été transférés vers des groupes à haut risque dans des maisons de retraite sans mesures de protection. On pourrait comparer cela à de la paille enflammée et jetée sur un lit de paille. M. Gunzinger dit que les Italiens ont appris à quel point il est dangereux de ne pas protéger les groupes à haut risque.

Utilisation globale des unités de soins intensifs en Suisse

Le graphique suivant de la NZZ montre qu'il n'y a jamais eu de goulots d'étranglement dans les unités de soins intensifs de toute la Suisse. La zone gris clair indique la proportion de lits libres depuis le 21 mars 2020 jusqu'au 14 janvier 2021:

Nombre de lits occupés et vacants dans les unités de soins intensifs (zone gris clair) depuis le début de la première vague de coronavirus en mars 2020 (à l'échelle nationale). © Chiffres: BAG / Graphique: NZZ

Le professeur Gunzinger cite un calcul des auteurs du livre Plaidoyer pour une politique de gestion de pandémie basé sur les évidences: la société dépense plus de vingt fois plus d'argent par année de vie gagnée par les malades du covid que par année de vie gagnée par un malade du cancer ou une victime d'accident avec une fracture du crâne. 

Protéger les personnes vulnérables, l'exemple de Tübingen

Afin de protéger les 6% de la population qui sont extrêmement touchés par la maladie, surtout les résidents des maisons de retraite et des maisons de repos, jusqu'à ce que la population soit suffisamment immunisée, M. Gunzinger propose, entre autres, ce qui suit:

 

  • Motiver toutes les personnes concernées et bien préparer les groupes à risque 
  • Fournir des masques médicaux à tous les visiteurs;
  • Tester les employés tous les trois jours, y compris pour les anticorps;
  • Isoler les personnes infectées par le Covid-19 et celles qui sont contagieuses 
  • Fournir des taxis à l'épreuve des maladies infectieuses pour le transport;
  • Pour les achats, des heures d'ouverture spéciales sont prévues pour les groupes à risque ayant des besoins de protection élevés.

 

M. Gunzinger cite la ville de Tübingen comme exemple de ville qui montre la voie dans cette direction. Infosperber a déjà fait plusieurs articles sur le cas particulier de Tübingen. Comme mesure supplémentaire, il est maintenant possible de vacciner tous ceux à risque qui le souhaitent.

Vaccination et épidémie

Si une personne est infectée par le coronavirus, son système immunitaire produit naturellement des anticorps. Son système immunitaire est maintenant capable de traiter avec succès ces virus, même légèrement modifiés. L'inconvénient est que l’infection peut conduire à la maladie. Avec la vaccination, seuls quelques-uns tombent malades, mais la protection par des souches de virus apparentées n'est pas nécessairement assurée. En outre, on ne sait rien sur les effets secondaires à long terme de la vaccination. De ce point de vue, il n'est pas possible de prouver scientifiquement si la vaccination ou la contamination est la meilleure solution. La décision doit être laissée à l'individu.

Anton Gunzinger explique que la «nouvelle stratégie» (qui est en fait l'ancienne, lorsqu'il n'était pas possible de mesurer la propagation d'un virus en temps réel) aboutit au même résultat que la vaccination de masse, «seulement plus rapide, moins chère, meilleure, plus sûre et sans effets secondaires. Notre système immunitaire collectif serait également renforcé.»


Une contre-position: «Nous appelons à un confinement solidaire et total».

Malgré l'apparition de nouveaux variants du SARS-CoV-2 très contagieux, un certain nombre de virologues et d'épidémiologistes estiment encore qu'il est possible d'empêcher une propagation générale du virus grâce à des contrôles de contacts. Ils demandent des mesures encore plus strictes dans le but de réduire au minimum les contacts étroits entre les personnes.

Certains groupes de gauche appellent même à un confinement général solidaire dans toute l'Europe, parce que la vie des gens ne permet pas de faire des concessions irresponsables à l'économie. Il ne suffit pas d'abaisser la courbe de contagion. Il ne devrait pas être autorisé de continuer à mourir pendant des semaines.

Et c'était une erreur pour beaucoup de gens de gauche de placer leurs espoirs dans une vaccination complète de la population. Le virus continuera de circuler et de muter sans que des mesures beaucoup plus drastiques soient prises.

Les auteurs de ces revendications radicales soutiennent un appel européen publié par la revue scientifique The Lancet le 18 décembre, qui a déjà été approuvé par des milliers de chercheurs. L'objectif ultime de toutes les mesures doit être qu'il n'y ait pas plus de 70 nouveaux cas par million d'habitants en Europe par semaine, c'est-à-dire des personnes dont le test est positif. Selon la chancelière Angela Merkel, l'objectif en Allemagne jusqu'à présent est de réduire le nombre de cas à 500 par million d'habitants par semaine.


1 L'Office fédéral de la statistique n'est pas en mesure de faire la distinction entre les personnes âgées en bonne santé et celles qui sont malades et ont un système immunitaire affaibli lorsqu'il s'agit de la mortalité chez les plus de 80 ans.

2 Selon l'OFSP, 2500 personnes sont mortes de la grippe en Suisse en 2015. La mortalité due à la grippe (IFR) serait de 0,1 % par rapport au Covid. Cela signifie qu'en 2015, 2,5 millions de personnes ont été infectées par le virus de la grippe. La plupart d'entre eux sont restés sans symptômes, comme les porteurs du coronavirus.

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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

8 Commentaires

@Bubblemaker22 30.01.2021 | 08h50

«Depuis le début de la crise je pense qu’il n’y a que deux solutions: soit le confinement total à la Chinoise qui ruinerait notre moral et notre économie, soit la recherche de l’immunité collective. Alors certes cette dernière option a été testée en GB, sans succès. Par contre la Suède s’en sort pas si mal du tout, son économie va bien et sa mortalité est inférieure à celle de la Suisse. La Suède a admis avoir fait des erreurs précisément en ne protégeant pas assez les personnes à risque.
Si le Conseil Fédéral acceptais enfin de prendre des mesure différenciées en fonction des risques des patients alors on ferait effectivement un très grand pas dans la résolution de cette crise. Mais M Berset a dit au printemps que de telle mesures seraient exclues et étonnement personne ne remet cela en question
Merci donc à BPLT pour une nouvelle fois poser les bonnes questions, bien que je ne comprenne toujours pas pourquoi les autres médias mainstream limitent leur ligne éditoriale à à soutenir les descisions plus tôt que de contribuer eux aussi à initier un vrai débat public.»


@moretet53 30.01.2021 | 10h41

«Bel essai de "y a qu'à, faut qu'on". Le problème, c'est que tout cela était connu en septembre passé, voire même en mars, et que notre société a été incapable de protéger efficacement les personnes âgées qui sont le groupe à risque le plus facile à identifier.
D'un autre côté, il a probablement assez de personnes à risque non encore identifié pour surcharger nos hôpitaux si on laisse aller l'épidémie sans frein dans la population de mins de 65 ans. Cet aspect est complètement négligé par l'auteur de l'article.»


@michael-Z 31.01.2021 | 14h27

«Très simplement et très logiquement c'est la seule solution intelligente (pour l’EU), la solution actuelle est juste imbécile (ne sert a rien, coûte très cher et finalement sauve personne). Nos chers politiques ont réussi à se fourrer dans un coin ou les portes de sortie se font rares… et il se pourrait bien qu’ils nous amènent droit à une vraie catastrophe. »


@michael-Z 31.01.2021 | 15h16

«Et j’ajouterais une chose à cette brillante approche : tester aussi de manière journalière les élevages en masse d’animaux. Car comme les maisons de retraite et de repos eux aussi font partie des « brillantes » inventions de l’humanité de ces dernières décennies, et qu’il nous faut maintenant assumer (l’un est un réservoir à virus l’autre représente un risque). »


@Philippe37 01.02.2021 | 11h24

«Très sain, merci.»


@Pipo 02.02.2021 | 20h40

«Excellente analyse partagée et proposée depuis plusieurs mois par nombre de scientifiques et médecins compétents ( pas tous complotistes!) , par exemple La Déclaration de Great Barrington et bien d'autres. Malheureusement ceux-ci sont systématiquement dénigrés par les experts officiels, ont peu accès aux médias traditionnels et ne sont pas écouter par les politiques. Ceux-ci, conseillés par les task forces ou conseils scientifiques, craignent qu'on leur reprochent de ne pas en faire assez. Il est vrai que la tâche des politiciens est très difficile,mais ils devraient cependant beaucoup plus tenir compte des avis de sociologues, de vrais gestionnaires de crise ( par ex Didier Sornette), d'économistes ou de philosophes et non pas seulement écouter les médecins ( dont les recommendations ne sont de loin pas partagées par tous).
Dr P.Flouck, médecin retraité
»


@confiture 21.02.2021 | 15h01

«quand on peut lire des paroles tellement censées, vraies, intelligentes et saines c'est un bain de jouvence pour la tête mais elles devraient faire la une du téléjournal...!!!»


@LEFV024 09.03.2021 | 21h29

«une étude qui redonne un peu d'espoir... que les politiciens se réveillent... et lisent WATZLAWICK... pour remettre en question leurs choix»


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