Actuel / On y voit plus clair dans les embrouilles Lauber-FIFA
Le procureur de la Confédération, Michael Lauber et le président de la FIFA, Gianni Infantino se seraient rencontrés bien plus souvent que ce que l’on savait jusque-là. © FIFA FB
Les révélations du Tages Anzeiger sur les rencontres du procureur de la Confédération Michael Lauber avec le président de la FIFA Gianni Infantino ont provoqué un tollé politique et médiatique en Suisse alémanique cette semaine. Face aux dégâts d’image pour la justice suisse, les appels à la démission, voire au licenciement ou même aux plaintes pénales contre le procureur se multiplient.
Cet article de Karine Pfenniger est paru sur le site Gotham City le 30 avril 2020.
“Soit on meurt en héros, soit on vit assez longtemps pour se voir endosser le rôle du méchant“, lançait le procureur général de Gotham City, Harvey Dent, dans le le film The Dark Knight. Comme la célèbre ville de Batman, la Suisse verra-t-elle son séduisant procureur général tomber dans son propre piège, rongé par les forces du mal qu’il était censé combattre?
C’est un séisme qui a frappé la justice suisse cette semaine. Lundi 27 avril 2020, l’enquête fédérale contre d’anciens responsables européens du football atteignait sa date de prescription. Ce même jour, le Tages Anzeiger publiait de nouvelles révélations au sujet des rencontres entre l’équipe de Michael Lauber et Gianni Infantino.
Depuis lors, on s’étrangle dans les journaux de Suisse alémanique et d’Allemagne. Pour le journaliste Christian Brönnimann, qui a participé aux révélations, les derniers événements sont “les gouttes d’eau qui font déborder le vase”. En Suisse romande en revanche, l’onde de choc médiatique ne s’est que peu fait sentir.
Emails récupérés
Commençons par ce qui a déclenché le sursaut. Lundi dernier, le procès de l’ex-secrétaire général de la FIFA Urs Linsi, des anciens présidents de la Féderation allemande de football (DFB) Wolfgang Niersbach et Theo Zwanziger, ainsi que de l’ancien directeur général de la DFB Horst R. Schmidt, était définitivement enterré à Bellinzone. Au même moment, plusieurs médias affiliés à la plateforme des Football-Leaks, dont les publications de TX Group et Der Spiegel, révèlent que l’équipe de Michael Lauber et Gianni Infantino se seraient rencontrés bien plus souvent que ce que l’on savait jusque-là.
En 2016, peu de temps après que Gianni Infantino a pris la tête de la FIFA, le Ministère public de la Confédération (MPC) ouvre une enquête au sujet d’un contrat pour des droits télévisés. Son signataire n’était autre que Gianni Infantino lui-même, à l’époque où il était directeur juridique de l’UEFA.
Le 12 mars 2016, quelques jours après une razzia du MPC à son ancienne place de travail à Nyon, Infantino écrit un email à son ami Rinaldo Arnold, par ailleurs procureur du Haut-Valais, pour lui demander d’organiser une réunion supplémentaire avec Michael Lauber afin de clarifier les soupçons portant sur sa période à l’UEFA. Ce sont ces emails que le Tages Anzeiger et les autres journaux ont obtenu.
“Je vais essayer d’expliquer au MPC qu’il est dans mon intérêt que tout soit éclairci aussi vite que possible, qu’il soit dit clairement que je n’ai rien à voir avec cette affaire”, écrit Infantino à son ami, qui lui répond: “Ce qui est important c’est le rendez-vous dans deux semaines. Si tu veux je peux de nouveau t’accompagner.”
De nouveau”, peut-être parce que Rinaldo Arnold avait déjà organisé un rendez-vous avec Michael Lauber, le 8 juillet 2015, auquel il avait participé, tout comme le chef de l’information du MPC André Marty.
Restaurant "Au premier"
Le 22 mars 2016, Gianni Infantino, Michael Lauber, André Marty et Rinaldo Arnold se rencontrent. Le 22 avril 2016, rentré en Suisse avec le jet privé de l’émir du Qatar, Infantino voit à nouveau Lauber, au restaurant “Au premier” de la gare centrale de Zurich, en compagnie du chef du service juridique de la FIFA et du chef de la section crime économique du MPC. D’après les révélations des quotidiens de TX Group, ces deux rencontres auraient porté sur l’enquête en cours au MPC au sujet du contrat de l’UEFA signé par Gianni Infantino.
Trois jours plus tard, le 25 avril 2016, la FIFA se constitue partie plaignante dans l’enquête “Sommermärchen”, pour “conte de fée d’été” selon son nom de code. Or, comme l’expliquent 24 heures et la Tribune de Genève, “cette manœuvre facilitait le travail des enquêteurs car il est difficile de prouver une fraude si l’on n’a pas de plaignant dans une affaire de ce type.”
5 snacks à 6 francs
Le 16 juin 2017, le président de la FIFA et le procureur général se voient une troisième fois, en compagnie d’André Mary et de Rinaldo Arnold, dans la “Meeting Room III” de l’hôtel Schweizerhof, à Berne. Une cinquième personne y assiste, puisque cinq snacks à 6 francs sont consommés. Cet invité mystère n’a pas été identifié pour l’heure. Aucune de ces rencontres n’est inscrite dans le protocole.
Enfin, en novembre 2017, le MPC clôt son enquête sur le contrat signé par Gianni Infantino pour le compte de UEFA.
Mais ce n’est pas tout. A l’aide d’un document qui résume les travaux facturés à la FIFA par une “grande étude d’avocats zurichois”, comme l’écrit la Tribune de Genève, la cellule enquête de TX Group révèle que l’ampleur des liens entre la FIFA et le MPC dépasse tout ce que l’on savait.
Ce document “montre que non seulement Michael Lauber et son bras droit de l’époque, Olivier Thormann, avaient une relation directe et informelle avec la FIFA, mais que c’était aussi le cas des procureurs qui menaient directement les enquêtes”, comme Cédric Remund et Markus Nyffenegger, explique la Tribune de Genève. Entre juillet et septembre 2016, le parquet fédéral et les avocats de la FIFA se seraient téléphonés plus de vingt fois.
"République bananière"
Outre-Sarine, ces révélations, combinées avec la prescription du procès FIFA, ont enflammé la presse.
“Nous sommes une république bananière: comment la justice pénale suisse est devenue la risée de la communauté internationale” titrent plusieurs quotidiens, dont l’Aargauer Zeitung. “Une débâcle pour la justice suisse” se lamente SRF, pour qui “tout se termine dans un grand embarras – coronavirus ou pas”.
Le ton n’est pas plus clément en Allemagne. “Amen, Tusch und dreifaches Helau!” lance la très sérieuse Süddeutsche Zeitung, alors que le Spiegel décrit un “embarras pour les enquêteurs, un désastre pour la recherche de la vérité”. Pour la ZDF enfin, “les Suisses ont échoué”. “Ainsi, le scandale non résolu […] de corruption dans le football se transforme en un beau scandale de justice qui reste à résoudre en Suisse”, achève la présentatrice du journal télévisé.
Le TPF critiqué
Le MPC n’est pas le seul a subir les critiques. Certains, comme l’expert en droit pénal et en corruption Mark Pieth, soulignent également le rôle du Tribunal pénal fédéral (TPF). Dans une interview de la NZZ publiée lundi, le professeur met en doute les agissements du tribunal de Bellinzone: “Il a fallu près de six mois avant que la Cour pénale fédérale se prononce pour la première fois. Normalement, l’examen de l’acte d’accusation dure quelques semaines, surtout lorsque la prescription menace. Je me demande donc ce que le tribunal a fait durant si longtemps. Lorsque l’audience principale a finalement commencé en mars à Bellinzone, elle a été suivi d’une étrange secousse – un pas en avant, deux pas en arrière, sans aucune logique discernable. Cela donne l’impression que la Cour pénale fédérale cherchait un prétexte pour se sortir de la pagaille d’une manière à peu près décente. Ce prétexte s’appelle maintenant la crise du corona.”
Dans un communiqué paru mardi, le TPF s’est empressé de rejeter les critiques portées contre lui: “Le Tribunal pénal fédéral est saisi de l’accusation depuis août 2019; vu l’imminence de la prescription et comme le montrent les étapes de procédures décrites ci-dessous, le Tribunal a agi sans désemparer. […] Ce ne sont pas des erreurs de procédure imputables au Tribunal pénal fédéral mais des circonstances procédurales et la marche à suivre relative à la pandémie de coronavirus qui font que la procédure pénale ne peut se terminer par un jugement et sera close après avoir accordé aux parties leur droit légal d’être entendues.”
Il n’empêche, pour Mark Pieth, “cet incident renforce l’impression, qui est aussi de plus en plus répandue à l’étranger, que la justice suisse est négligée à tous les niveaux. Dans le cas des procès du football, ce n’est pas seulement le Ministère public de la Suisse qui est négligent, mais aussi le Tribunal pénal fédéral”, a-t-il déclaré dans un article publié mardi notamment dans la Luzerner Zeitung.
Quoi qu’il en soit, la fin en queue de poisson de l’opération “Sommermärchen” risque de coûter cher à la Confédération. “La justice helvétique va devoir indemniser quatre accusés allemands et un Suisse. Il pourrait y en avoir pour plus de 500’000 francs. Sans compter les frais de procédure qui seront aussi à la charge du contribuable suisse”, prédit par exemple la Tribune de Genève.
Lauber accablé
Ces derniers jours, le MPC est resté réservé dans sa communication, en déclarant notamment à la Basler Zeitung: “Michael Lauber est procureur général en exercice. Comme auparavant, le bureau du procureur général communiquera aux instances compétentes.”
A son propos, le ton est sans pitié dans la presse germanophone. Infosperber se remémore avec amertume “l’homme de belles paroles”, comme la Neue Zürcher Zeitung le présentait dans une interview de 2016. Le site d’information constate qu’il existe un abîme entre la situation actuelle et les déclarations d’autrefois du procureur général.
Le 17 juin 2015, à l’occasion d’une conférence de presse au sujet de l’enquête FIFA, Michael Lauber avait souligné l’“intérêt public important pour une enquête criminelle indépendante.” “Belles paroles, qu’il a lui-même souillées”, conclut amèrement le site d’information.
Pour le journaliste Christian Brönnimann, “la débâcle du procès sur la Coupe du monde 2006 et les nouveaux indices concernant les rencontres secrètes avec la FIFA sont les gouttes d’eau qui font déborder le vase. Si le procureur de la Confédération ne démissionne pas de lui-même, le parlement doit intervenir. Il doit réaliser que la réélection de justesse de Michael Lauber, à l’automne dernier, n’est pas une raison pour ne pas l’écarter de son poste aujourd’hui. Pour le bien de la justice suisse.”
Demande de révocation
Et justement, à Berne, le porte-parole de la Commission judiciaire du parlement et député PBD Lorenz Hess a déjà déposé une demande de révocation mardi. La Commission judiciaire devra décider lors de sa prochaine session, le 13 mai, si elle décide d’entamer la procédure de révocation ou non.
D’après le Tagesschau de mardi soir, tous les partis fédéraux, à l’exception du Parti libéral-radical (PLR), dont l’un des chefs de file au parlement, Christian Lüscher, est ami de longue date avec Michael Lauber, soutiendraient la procédure.
Lundi soir déjà, le vice-président de la Commission judiciaire et député social-démocrate Matthias Aebischer déclarait déjà au Tagesschau: “Les dommages causés aux institutions sont immenses. Si le procureur fédéral ne démissionne pas de son propre chef maintenant, je soutiendrai la procédure de mise en accusation, car les choses ne peuvent pas continuer ainsi.”
D’autres membres de la Commission judiciaires ont également exprimé un avis similaire. “J’attends du procureur fédéral Lauber qu’il en tire les conséquences et qu’il démissionne”, a déclaré lundi le conseiller national schwyzois UDC Pirmin Schwander dans les titres de TX Group, comme la Basler Zeitung: “Sinon, nous devons maintenant examiner quels sont les critères de révocation. Nous ne pouvons pas attendre deux ans que l’enquête disciplinaire ait passé en revue toutes les instances. Les dommages causés à la réputation des institutions seraient trop importants.”
Au Conseil national, des voix se sont également élevées dès lundi pour souhaiter le départ de Michael Lauber. “Tout cela est déjà très gênant. Il serait préférable que Michael Lauber démissionne de son propre chef”, a par exemple déclaré lundi Nicolo Paganini, député saint-gallois chrétien-démocrate, à la Basler Zeitung et d’autres titres.
Défense
Du côté de la FIFA, on n’a pas non plus tardé pour s’exprimer au sujet des révélations des journaux de TX Group. Pour la fédération, les accusations sont “délibérément trompeuses et malveillantes et ne reflètent pas la vérité sur la FIFA et le Président de la FIFA Gianni Infantino”, relate Nau. La fédération affirme également que les emails auraient été volés.
Et pour la suite? D’une part, l’Aargauer Zeitung et d’autres titres spéculent sur d’éventuelles poursuites pénales contre le procureur général, par exemple en raison de la présence de Rinaldo Arnold, tierce partie à la procédure, à certaines des rencontres secrètes, ce qui pourrait constituer une violation du secret professionnel. “Ainsi, le plus haut procureur du pays, qui lui-même n’a pas soutenu une seule accusation, pourrait un jour se retrouver au tribunal après tout”, conclut l’Aargauer. La présomption d’innocence prévaut.
D’autre part, le quotidien argovien prévoit que les révélations sur les tractations systématiques entre l’équipe de Lauber et Infantino pourraient menacer la vingtaine d’autres procès FIFA prévus en Suisse. Contrairement à l’enquête “Sommermärchen” portant sur le mondial de football de 2006, les autres dossiers ne sont en effet pas encore prescrit.
Mardi, le Tribunal pénal fédéral a d’ailleurs annoncé de nouvelles dates pour les audiences de l’une des autres procédures en cours, le procès de Jérôme Valcke, l’ancien secrétaire général de la FIFA, et de Nasser Al-Khelaïfi, le président qatari du Paris Saint-Germain (PSG) et de BeIn Media.
En attendant, le service de vidéos à la demande Amazon Prime prépare une série sur le scandale FIFA, à paraître en 2020. Une maigre consolation pour ceux et celles qui attendaient que justice soit faite à Bellinzone.
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Lundi 27 avril 2020, l’enquête fédérale contre d’anciens responsables européens du football atteignait sa date de prescription. Ce même jour, le <i>Tages Anzeiger</i> publiait de nouvelles révélations au sujet des rencontres entre l’équipe de Michael Lauber et Gianni Infantino.</p> <p>Depuis lors, on s’étrangle dans les journaux de Suisse alémanique et d’Allemagne. Pour le journaliste <a href="https://www.tdg.ch/editorial/lauber-doit-justice-suisse/story/23129903"><b>Christian Brönnimann</b></a>, qui a participé aux révélations, les derniers événements sont <i>“les gouttes d’eau qui font déborder le vase”</i>. En Suisse romande en revanche, l’onde de choc médiatique ne s’est que peu fait sentir.</p> <h3>Emails récupérés</h3> <p>Commençons par ce qui a déclenché le sursaut. Lundi dernier, le procès de l’ex-secrétaire général de la FIFA <b>Urs Linsi</b>, des anciens présidents de la <strong>Féderation allemande de football (DFB) Wolfgang Niersbach</strong> et <strong>Theo Zwanziger</strong><b>,</b> ainsi que de l’ancien directeur général de la DFB <strong>Horst R. Schmidt</strong><b>,</b> était définitivement enterré à Bellinzone. Au même moment, plusieurs médias affiliés à la plateforme des <i>Football-Leaks</i>, dont les publications de <strong>TX Group</strong> et <i>Der Spiegel</i>, révèlent que l’équipe de Michael Lauber et Gianni Infantino se seraient rencontrés bien plus souvent que ce que l’on savait jusque-là.</p> <p>En 2016, peu de temps après que Gianni Infantino a pris la tête de la FIFA, le <strong>Ministère public de la Confédération (MPC)</strong> ouvre une enquête au sujet d’un contrat pour des droits télévisés. Son signataire n’était autre que Gianni Infantino lui-même, à l’époque où il était directeur juridique de l’<strong>UEFA</strong>. </p> <p>Le 12 mars 2016, quelques jours après une <i>razzia</i> du MPC à son ancienne place de travail à Nyon, Infantino écrit un email à son ami <strong>Rinaldo Arnold</strong>, par ailleurs procureur du Haut-Valais, pour lui demander d’organiser une réunion supplémentaire avec Michael Lauber afin de clarifier les soupçons portant sur sa période à l’UEFA. Ce sont ces emails que le <i>Tages Anzeiger</i> et les autres journaux ont obtenu.</p> <p><i>“Je vais essayer d’expliquer au MPC qu’il est dans mon intérêt que tout soit éclairci aussi vite que possible, qu’il soit dit clairement que je n’ai rien à voir avec cette affaire”</i>, écrit Infantino à son ami, qui lui répond: <i>“Ce qui est important c’est le rendez-vous dans deux semaines. Si tu veux je peux de nouveau t’accompagner.”</i></p> <p><i>De nouveau”</i>, peut-être parce que Rinaldo Arnold avait déjà organisé un rendez-vous avec Michael Lauber, le 8 juillet 2015, auquel il avait participé, tout comme le chef de l’information du MPC <strong>André Marty</strong>. </p> <h3>Restaurant "Au premier"</h3> <p>Le 22 mars 2016, Gianni Infantino, Michael Lauber, André Marty et Rinaldo Arnold se rencontrent. Le 22 avril 2016, rentré en Suisse avec le jet privé de l’émir du Qatar, Infantino voit à nouveau Lauber, au restaurant <i>“Au premier”</i> de la gare centrale de Zurich, en compagnie du chef du service juridique de la FIFA et du chef de la section crime économique du MPC. D’après les révélations des quotidiens de TX Group, ces deux rencontres auraient porté sur l’enquête en cours au MPC au sujet du contrat de l’UEFA signé par Gianni Infantino.</p> <p>Trois jours plus tard, le 25 avril 2016, la FIFA se constitue partie plaignante dans l’enquête <i>“Sommermärchen”, </i>pour “<i>conte de fée d’été</i>” selon son nom de code. Or, comme l’expliquent <a href="https://www.24heures.ch/suisse/enquetes-fifa-infantino-voulait-blanchi-lauber/story/31143272"><b>24 heures</b></a> et la <i>Tribune de Genève</i>, <i>“cette manœuvre facilitait le travail des enquêteurs car il est difficile de prouver une fraude si l’on n’a pas de plaignant dans une affaire de ce type.”</i></p> <h3><i>5 snacks à 6 francs</i></h3> <p>Le 16 juin 2017, le président de la FIFA et le procureur général se voient une troisième fois, en compagnie d’André Mary et de Rinaldo Arnold, dans la <i>“Meeting Room III”</i> de l’hôtel Schweizerhof, à Berne. Une cinquième personne y assiste, puisque <a href="https://www.handelszeitung.ch/politik/odor-des-ungesetzlichen-michael-laubers-snackgate"><b>cinq snacks à 6 francs</b></a> sont consommés. Cet invité mystère n’a pas été identifié pour l’heure. Aucune de ces rencontres n’est inscrite dans le protocole.</p> <p>Enfin, en novembre 2017, le MPC clôt son enquête sur le contrat signé par Gianni Infantino pour le compte de UEFA.</p> <p>Mais ce n’est pas tout. A l’aide d’un document qui résume les travaux facturés à la FIFA par une <i>“grande étude d’avocats zurichois”</i>, comme l’écrit la <a href="https://www.tdg.ch/suisse/enquetes-fifa-infantino-voulait-blanchi-lauber/story/31143272"><b>Tribune de Genève</b></a>, la cellule enquête de TX Group révèle que l’ampleur des liens entre la FIFA et le MPC dépasse tout ce que l’on savait.</p> <p>Ce document <i>“montre que non seulement Michael Lauber et son bras droit de l’époque, <strong>Olivier Thormann</strong>,</i><i> avaient une relation directe et informelle avec la FIFA, mais que c’était aussi le cas des procureurs qui menaient directement les enquêtes”</i>, comme <strong>Cédric Remund</strong> et <strong>Markus Nyffenegger</strong>, explique la <a href="https://www.tdg.ch/suisse/enquetes-fifa-infantino-voulait-blanchi-lauber/story/31143272"><b>Tribune de Genève</b></a>. Entre juillet et septembre 2016, le parquet fédéral et les avocats de la FIFA se seraient téléphonés plus de vingt fois.</p> <h3>"République bananière"</h3> <p>Outre-Sarine, ces révélations, combinées avec la prescription du procès FIFA, ont enflammé la presse.</p> <p><i>“Nous sommes une république bananière: comment la justice pénale suisse est devenue la risée de la communauté internationale”</i> titrent plusieurs quotidiens, dont l’<a href="https://www.aargauerzeitung.ch/schweiz/wir-die-bananenrepublik-wie-die-schweizer-strafjustiz-international-zum-gespoett-wurde-137743160"><b>Aargauer Zeitung</b></a>. <i>“Une débâcle pour la justice suisse”</i> se lamente <a href="https://www.srf.ch/news/schweiz/fifa-prozess-verjaehrt-alles-endet-in-einer-grossen-peinlichkeit"><b>SRF</b></a>, pour qui <i>“tout se termine dans un grand embarras – coronavirus ou pas”</i>.</p> <p>Le ton n’est pas plus clément en Allemagne. <i>“Amen, Tusch und dreifaches Helau!”</i> lance la très sérieuse <a href="https://www.sueddeutsche.de/sport/fifa-sommermaerchen-1.4889043"><b>Süddeutsche Zeitung</b></a>, alors que le <a href="https://www.spiegel.de/sport/fussball/dfb-verfahren-vor-aus-es-war-einmal-ein-sommermaerchen-prozess-a-7d9507b1-1cfa-44d3-bbbe-5ec32e290a7f"><b>Spiegel</b></a> décrit un <i>“embarras pour les enquêteurs, un désastre pour la recherche de la vérité”</i>. Pour la <a href="https://twitter.com/ZDFheute/status/1254823676891009025"><b>ZDF</b></a> enfin, <i>“les Suisses ont échoué”</i>. <i>“Ainsi, le scandale non résolu […] de corruption dans le football se transforme en un beau scandale de justice qui reste à résoudre en Suisse”</i>, achève la présentatrice du journal télévisé.</p> <h3>Le TPF critiqué</h3> <p>Le MPC n’est pas le seul a subir les critiques. Certains, comme l’expert en droit pénal et en corruption <strong>Mark Pieth</strong>, soulignent également le rôle du <strong>Tribunal pénal fédéral</strong> (TPF). Dans une interview de la <a href="https://www.nzz.ch/schweiz/mark-pieth-in-den-usa-kaeme-bundesanwalt-lauber-ins-gefaengnis-ld.1553271"><b>NZZ</b></a> publiée lundi, le professeur met en doute les agissements du tribunal de Bellinzone: <i>“Il a fallu près de six mois avant que la Cour pénale fédérale se prononce pour la première fois. Normalement, l’examen de l’acte d’accusation dure quelques semaines, surtout lorsque la prescription menace. Je me demande donc ce que le tribunal a fait durant si longtemps. Lorsque l’audience principale a finalement commencé en mars à Bellinzone, elle a été suivi d’une étrange secousse – un pas en avant, deux pas en arrière, sans aucune logique discernable. Cela donne l’impression que la Cour pénale fédérale cherchait un prétexte pour se sortir de la pagaille d’une manière à peu près décente. Ce prétexte s’appelle maintenant la crise du corona.”</i></p> <p>Dans un communiqué paru mardi, le TPF s’est empressé de rejeter les critiques portées contre lui: <i>“Le Tribunal pénal fédéral est saisi de l’accusation depuis août 2019; vu l’imminence de la prescription et comme le montrent les étapes de procédures décrites ci-dessous, le Tribunal a agi sans désemparer. […] Ce ne sont pas des erreurs de procédure imputables au Tribunal pénal fédéral mais des circonstances procédurales et la marche à suivre relative à la pandémie de coronavirus qui font que la procédure pénale ne peut se terminer par un jugement et sera close après avoir accordé aux parties leur droit légal d’être entendues.”</i></p> <p>Il n’empêche, pour Mark Pieth, <i>“cet incident renforce l’impression, qui est aussi de plus en plus répandue à l’étranger, que la justice suisse est négligée à tous les niveaux. Dans le cas des procès du football, ce n’est pas seulement le Ministère public de la Suisse qui est négligent, mais aussi le Tribunal pénal fédéral”</i>, a-t-il déclaré dans un article publié mardi notamment dans la <a href="https://www.luzernerzeitung.ch/schweiz/wir-die-bananenrepublik-wie-die-schweizer-strafjustiz-international-zum-gespoett-wurde-ld.1215943?reduced=true"><b>Luzerner Zeitung</b></a>.</p> <p>Quoi qu’il en soit, la fin en queue de poisson de l’opération <i>“Sommermärchen”</i> risque de coûter cher à la Confédération. <i>“La justice helvétique va devoir indemniser quatre accusés allemands et un Suisse. Il pourrait y en avoir pour plus de 500’000 francs. 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Le site d’information constate qu’il existe un abîme entre la situation actuelle et les déclarations d’autrefois du procureur général.</p> <p>Le 17 juin 2015, à l’occasion d’une conférence de presse au sujet de l’enquête FIFA, Michael Lauber avait souligné l’<i>“intérêt public important pour une enquête criminelle indépendante.”</i> <i>“Belles paroles, qu’il a lui-même souillées”</i>, conclut amèrement le site d’information.</p> <p>Pour le journaliste Christian Brönnimann, “<i>la débâcle du procès sur la Coupe du monde 2006 et les nouveaux indices concernant les rencontres secrètes avec la FIFA sont les gouttes d’eau qui font déborder le vase. Si le procureur de la Confédération ne démissionne pas de lui-même, le parlement doit intervenir. Il doit réaliser que la réélection de justesse de Michael Lauber, à l’automne dernier, n’est pas une raison pour ne pas l’écarter de son poste aujourd’hui. 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La Commission judiciaire devra décider lors de sa prochaine session, le 13 mai, si elle décide d’entamer la procédure de révocation ou non.</p> <p>D’après le <a href="https://www.srf.ch/play/tv/tagesschau/video/lauber-droht-amtsenthebung-?id=4603ff9d-50da-4763-b58f-731b3ac974da"><b>Tagesschau</b></a> de mardi soir, tous les partis fédéraux, à l’exception du <strong>Parti libéral-radical</strong> (PLR), dont l’un des chefs de file au parlement, <strong>Christian Lüscher</strong>, est ami de longue date avec Michael Lauber, soutiendraient la procédure.</p> <p>Lundi soir déjà, le vice-président de la Commission judiciaire et député social-démocrate <strong>Matthias Aebischer</strong> déclarait déjà au <a href="https://www.srf.ch/play/tv/tagesschau/video/tagesschau-vom-27-04-2020-hauptausgabe?id=3d07fcee-ab83-44a7-a520-7391c887cfb9"><b>Tagesschau</b></a>: <i>“Les dommages causés aux institutions sont immenses. 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Lundi 27 avril 2020, l’enquête fédérale contre d’anciens responsables européens du football atteignait sa date de prescription. Ce même jour, le <i>Tages Anzeiger</i> publiait de nouvelles révélations au sujet des rencontres entre l’équipe de Michael Lauber et Gianni Infantino.</p> <p>Depuis lors, on s’étrangle dans les journaux de Suisse alémanique et d’Allemagne. Pour le journaliste <a href="https://www.tdg.ch/editorial/lauber-doit-justice-suisse/story/23129903"><b>Christian Brönnimann</b></a>, qui a participé aux révélations, les derniers événements sont <i>“les gouttes d’eau qui font déborder le vase”</i>. En Suisse romande en revanche, l’onde de choc médiatique ne s’est que peu fait sentir.</p> <h3>Emails récupérés</h3> <p>Commençons par ce qui a déclenché le sursaut. Lundi dernier, le procès de l’ex-secrétaire général de la FIFA <b>Urs Linsi</b>, des anciens présidents de la <strong>Féderation allemande de football (DFB) Wolfgang Niersbach</strong> et <strong>Theo Zwanziger</strong><b>,</b> ainsi que de l’ancien directeur général de la DFB <strong>Horst R. Schmidt</strong><b>,</b> était définitivement enterré à Bellinzone. Au même moment, plusieurs médias affiliés à la plateforme des <i>Football-Leaks</i>, dont les publications de <strong>TX Group</strong> et <i>Der Spiegel</i>, révèlent que l’équipe de Michael Lauber et Gianni Infantino se seraient rencontrés bien plus souvent que ce que l’on savait jusque-là.</p> <p>En 2016, peu de temps après que Gianni Infantino a pris la tête de la FIFA, le <strong>Ministère public de la Confédération (MPC)</strong> ouvre une enquête au sujet d’un contrat pour des droits télévisés. Son signataire n’était autre que Gianni Infantino lui-même, à l’époque où il était directeur juridique de l’<strong>UEFA</strong>. </p> <p>Le 12 mars 2016, quelques jours après une <i>razzia</i> du MPC à son ancienne place de travail à Nyon, Infantino écrit un email à son ami <strong>Rinaldo Arnold</strong>, par ailleurs procureur du Haut-Valais, pour lui demander d’organiser une réunion supplémentaire avec Michael Lauber afin de clarifier les soupçons portant sur sa période à l’UEFA. Ce sont ces emails que le <i>Tages Anzeiger</i> et les autres journaux ont obtenu.</p> <p><i>“Je vais essayer d’expliquer au MPC qu’il est dans mon intérêt que tout soit éclairci aussi vite que possible, qu’il soit dit clairement que je n’ai rien à voir avec cette affaire”</i>, écrit Infantino à son ami, qui lui répond: <i>“Ce qui est important c’est le rendez-vous dans deux semaines. 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D’après les révélations des quotidiens de TX Group, ces deux rencontres auraient porté sur l’enquête en cours au MPC au sujet du contrat de l’UEFA signé par Gianni Infantino.</p> <p>Trois jours plus tard, le 25 avril 2016, la FIFA se constitue partie plaignante dans l’enquête <i>“Sommermärchen”, </i>pour “<i>conte de fée d’été</i>” selon son nom de code. Or, comme l’expliquent <a href="https://www.24heures.ch/suisse/enquetes-fifa-infantino-voulait-blanchi-lauber/story/31143272"><b>24 heures</b></a> et la <i>Tribune de Genève</i>, <i>“cette manœuvre facilitait le travail des enquêteurs car il est difficile de prouver une fraude si l’on n’a pas de plaignant dans une affaire de ce type.”</i></p> <h3><i>5 snacks à 6 francs</i></h3> <p>Le 16 juin 2017, le président de la FIFA et le procureur général se voient une troisième fois, en compagnie d’André Mary et de Rinaldo Arnold, dans la <i>“Meeting Room III”</i> de l’hôtel Schweizerhof, à Berne. 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A l’aide d’un document qui résume les travaux facturés à la FIFA par une <i>“grande étude d’avocats zurichois”</i>, comme l’écrit la <a href="https://www.tdg.ch/suisse/enquetes-fifa-infantino-voulait-blanchi-lauber/story/31143272"><b>Tribune de Genève</b></a>, la cellule enquête de TX Group révèle que l’ampleur des liens entre la FIFA et le MPC dépasse tout ce que l’on savait.</p> <p>Ce document <i>“montre que non seulement Michael Lauber et son bras droit de l’époque, <strong>Olivier Thormann</strong>,</i><i> avaient une relation directe et informelle avec la FIFA, mais que c’était aussi le cas des procureurs qui menaient directement les enquêtes”</i>, comme <strong>Cédric Remund</strong> et <strong>Markus Nyffenegger</strong>, explique la <a href="https://www.tdg.ch/suisse/enquetes-fifa-infantino-voulait-blanchi-lauber/story/31143272"><b>Tribune de Genève</b></a>. 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Pour la <a href="https://twitter.com/ZDFheute/status/1254823676891009025"><b>ZDF</b></a> enfin, <i>“les Suisses ont échoué”</i>. <i>“Ainsi, le scandale non résolu […] de corruption dans le football se transforme en un beau scandale de justice qui reste à résoudre en Suisse”</i>, achève la présentatrice du journal télévisé.</p> <h3>Le TPF critiqué</h3> <p>Le MPC n’est pas le seul a subir les critiques. Certains, comme l’expert en droit pénal et en corruption <strong>Mark Pieth</strong>, soulignent également le rôle du <strong>Tribunal pénal fédéral</strong> (TPF). Dans une interview de la <a href="https://www.nzz.ch/schweiz/mark-pieth-in-den-usa-kaeme-bundesanwalt-lauber-ins-gefaengnis-ld.1553271"><b>NZZ</b></a> publiée lundi, le professeur met en doute les agissements du tribunal de Bellinzone: <i>“Il a fallu près de six mois avant que la Cour pénale fédérale se prononce pour la première fois. 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La Commission judiciaire devra décider lors de sa prochaine session, le 13 mai, si elle décide d’entamer la procédure de révocation ou non.</p> <p>D’après le <a href="https://www.srf.ch/play/tv/tagesschau/video/lauber-droht-amtsenthebung-?id=4603ff9d-50da-4763-b58f-731b3ac974da"><b>Tagesschau</b></a> de mardi soir, tous les partis fédéraux, à l’exception du <strong>Parti libéral-radical</strong> (PLR), dont l’un des chefs de file au parlement, <strong>Christian Lüscher</strong>, est ami de longue date avec Michael Lauber, soutiendraient la procédure.</p> <p>Lundi soir déjà, le vice-président de la Commission judiciaire et député social-démocrate <strong>Matthias Aebischer</strong> déclarait déjà au <a href="https://www.srf.ch/play/tv/tagesschau/video/tagesschau-vom-27-04-2020-hauptausgabe?id=3d07fcee-ab83-44a7-a520-7391c887cfb9"><b>Tagesschau</b></a>: <i>“Les dommages causés aux institutions sont immenses. 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Cette déclaration est catégorique : « La guerre non provoquée et injustifiable de la Russie contre l’Ukraine, soutenue par le gouvernement biélorusse, est répugnante et constitue une violation flagrante de ses obligations internationales. » Ainsi, du point de vue sportif et diplomatique, la Russie se retrouve isolée.</p> <h3>La création d’un nouvel ordre mondial du sport ?</h3> <p>Dans les paroles et les actions, le pouvoir russe privilégie depuis le début de l’invasion la création d’un pôle sportif alternatif à l’échelle mondiale pour contrer les institutions sportives internationales traditionnelles telles que le CIO ou la Fifa.</p> <p>En pratique, cela impliquerait de se passer du sport mondial, de le remplacer ou de rivaliser avec lui. En Russie, par exemple, l’idée de diviser le mouvement olympique gagne du terrain. Il s’agirait de séparer les Jeux en deux parties : à l’Ouest, les Jeux occidentaux, et à l’Est, les Jeux russes « traditionnels ». Ces Jeux à la russe se dérouleraient en été en Crimée et en hiver à Sotchi. Ils puiseraient leur légitimité dans les liens historiques plus ou moins confirmés de ces régions avec la Grèce antique. En 2007, pour obtenir les Jeux de Sotchi, Vladimir Poutine avait rappelé aux membres du CIO que « les Grecs anciens ont vécu près de Sotchi. J’ai vu le rocher près de Sotchi où, selon la légende, Prométhée était enchaîné. Prométhée qui a donné le feu aux hommes, le feu qui est finalement la flamme olympique ». Depuis, l’argument du mythe est souvent utilisé pour évoquer cette région russe, composée du Caucase et de la péninsule de Crimée. Selon Vladimir Poutine, ces terres sont sacrées et pourraient servir de cadre à un nouvel ordre mondial du sport.</p> <figure><iframe frameborder="0" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/o8WjPYcA0lY?wmode=transparent&start=0" width="440"></iframe></figure> <p>Dans le cadre de ce scénario et pour rivaliser politiquement et sportivement avec succès avec le mouvement olympique, le pouvoir russe cherche déjà des alliés […]. L’objectif est de solliciter les pays membres de la CEI, de l’Organisation de coopération de Shanghai et les BRICS pour qu’ils participent à cette ambition. Ces trois organisations regroupent plusieurs acteurs majeurs du sport mondial, parmi lesquels la Chine occupe une place de choix. Si ce projet russe réussissait, il pourrait donner naissance à un nouvel ordre mondial du sport destiné à rivaliser avec les institutions historiques du sport moderne telles que le CIO ou la Fifa. Concomitante à une dynamique plus générale de désoccidentalisation du monde, cette influence dépasse très largement le cadre sportif.</p> <h3>Le sport ukrainien, c’est la guerre avec les balles</h3> <p>Depuis le 24 février 2022, pour Volodymyr Zelensky et l’Ukraine, le sport, c’est la <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/culturesmonde/le-sport-c-est-la-guerre-les-fusils-en-moins-g-orwell-1945-2-4-la-guerre-un-sport-comme-les-autres-7282852">guerre avec les balles</a>. En effet, à l’heure du conflit russo-ukrainien, le domaine sportif en Ukraine a subi une transformation significative.</p> <p>Initialement, au lendemain de l’invasion et sur une période de moins de deux mois, les autorités nationales ont suspendu l’ensemble des activités sportives en Ukraine. L’accent était alors mis sur l’effort de guerre, et les installations sportives ont été utilisées par les militaires ukrainiens comme bases de repli ou de déploiement. Cela explique pourquoi les installations sportives, telles que les stades ou les gymnases, sont souvent la cible des forces russes, car elles pourraient potentiellement abriter des unités ukrainiennes entières.</p> <p>Par la suite, lorsque l’armée russe a commencé à faire du surplace voire à reculer sur le terrain, le secteur sportif ukrainien a pris une nouvelle orientation. Certains clubs de football ont obtenu la permission de jouer des matchs de charité à l’étranger, malgré la loi martiale interdisant aux hommes âgés de 18 à 60 ans de quitter le territoire. Ces matchs visaient à sensibiliser à la cause ukrainienne. De même, les athlètes en préparation pour d’importantes compétitions ont pu s’entraîner à l’étranger.</p> <p>Par exemple, l’équipe nationale de football a été autorisée à s’entraîner en Slovénie pendant un mois en mai 2022 en vue des qualifications pour la Coupe du monde de football 2022 au Qatar. Ainsi, le soft power sportif a contribué symboliquement à l’effort de guerre. Les autorités estimaient qu’un athlète ukrainien était plus utile sur le terrain sportif que sur le front militaire. Selon elles, il offrait un double avantage en donnant à l’Ukraine une visibilité internationale et en pouvant potentiellement rehausser le moral des troupes déployées sur le terrain. Cette dimension ne doit pas être sous-estimée : une victoire sportive pour un athlète ukrainien procurait aux soldats, qui suivaient régulièrement les matchs et les résultats, un certain espoir et un regain de moral.</p> <p>À partir de la mi-juin 2022, le sport à l’échelle nationale a progressivement retrouvé sa place, bien que dans des conditions exceptionnelles. Par exemple, la Première Ligue ukrainienne de football a obtenu l’autorisation de débuter la saison 2022-2023 fin août. Toutefois, les règles ont été adaptées à la situation du moment. Les spectateurs ne sont plus autorisés à assister aux matchs, et ceux-ci nécessitent une autorisation systématique de l’administration militaire pour avoir lieu. Si une alerte de raid aérien potentiel retentit dans un rayon de moins de 500 mètres, le match est interrompu et les joueurs se réfugient dans les vestiaires, ce qui se produit régulièrement. Après un an et demi de guerre, aucun footballeur ukrainien n’a été blessé. Cependant, certains matchs ont duré plus de cinq heures au total.</p> <p>Paradoxalement, l’Ukraine continue de participer activement aux événements sportifs européens et mondiaux. Chaque compétition internationale offre l’opportunité aux autorités de promouvoir les intérêts du pays dans un contexte de guerre. De plus, certains clubs ukrainiens sont accueillis par les alliés géopolitiques les plus proches de l’Ukraine. Par exemple, le Dynamo Kyiv s’entraîne et joue certains de ses matchs à Cracovie, en Pologne. Dnipro, quant à lui, joue et s’entraîne à Košice, en Slovaquie, de manière permanente. En général, de nombreux athlètes et entraîneurs ukrainiens, actifs ou non, ont choisi de rejoindre le front dans l’est de l’Ukraine, mettant leur carrière en suspens. Le cas emblématique est peut-être celui de Yuriy Vernydub, entraîneur ukrainien du Sheriff Tiraspol, qui est parti au front dès le lendemain de l’invasion. Il est important de noter que ces professionnels du sport proviennent souvent de divisions sportives moins importantes. En effet, les athlètes de renom préfèrent généralement contribuer à l’effort de guerre d’un point de vue sportif et symbolique.</p> <p>Le cas des supporters des clubs ukrainiens est également notable. Depuis 2014 et surtout depuis l’invasion russe en Ukraine, de nombreux ultras ont rejoint le front pour combattre ensemble, mettant de côté leur rivalité sportive. En temps de paix rivaux, les supporters du Shakhtar Donetsk et du Dynamo Kyiv combattent ensemble contre leur ennemi commun.</p> <h3>La stratégie politique et sportive de Volodymyr Zelensky après l’invasion russe</h3> <p>Depuis le 24 février 2022, la stratégie internationale de Volodymyr Zelensky s’est intensifiée dans le domaine sportif, trouvant écho dans l’espace médiatique mondial. Les ministères, les organisations privées et le comité olympique ukrainien, tous les organes politiques, économiques et sportifs du pays sont mobilisés pour transmettre un message : l’exclusion de la Russie doit durer tant que l’invasion se poursuit.</p> <figure><iframe frameborder="0" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/YQiSJ3AO5CI?wmode=transparent&start=0" width="440"></iframe></figure> <p>Le hashtag #boycottrussiansport en est devenu le symbole. De manière concrète, les arguments ukrainiens peuvent être résumés en cinq points. La Russie devrait être exclue des événements sportifs mondiaux et des Jeux olympiques de Paris 2024 car elle est un État envahisseur et terroriste ; les athlètes russes sont de quelque manière liés à l’État russe ou à l’armée russe ; le régime de Vladimir Poutine exploite le sport à des fins de propagande ; dans de telles conditions, l’équité des compétitions sportives (Jeux olympiques, Coupe du monde, etc.) ne peut être maintenue ; les athlètes ukrainiens perdent la vie au front ou ne peuvent pas s’entraîner convenablement pour les grandes compétitions internationales, par conséquent la Russie et la Biélorussie ne devraient pas être autorisés à y participer.</p> <p>Pour diffuser ces arguments, le gouvernement ukrainien utilise divers canaux. Tout comme Volodymyr Zelensky utilise son smartphone pour communiquer avec différentes générations, les principaux porte-parole du sport ukrainien exploitent les canaux et les codes contemporains pour diffuser leur message. Les réseaux sociaux tels que TikTok, Facebook ou Instagram sont fréquemment utilisés pour diffuser des propos politiques liés au sport. On peut souvent voir circuler des vidéos de quelques secondes transmettant un message percutant. Par exemple, l’une de ces vidéos virales montre un athlète russe lançant un javelot dans les airs. Le javelot se transforme ensuite en obus, suit la trajectoire de l’athlète et finit par s’écraser sur un bâtiment ukrainien. Un message s’affiche alors à l’écran : « Boycott Russian Sport. »</p> <h4 style="text-align: center;"><a href="https://images.theconversation.com/files/592021/original/file-20240503-16-h8q7b1.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/592021/original/file-20240503-16-h8q7b1.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a></h4> <h4 style="text-align: center;"><em><span>Ces extraits sont issus de « La Guerre du sport. 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Lire l’<a href="https://theconversation.com/geopolitique-du-sport-laffrontement-entre-la-russie-et-lukraine-229262">article original</a>.</h4> <h4><em>Lukas Aubin, directeur de recherche à l’IRIS, spécialiste de la géopolitique de la Russie et du sport et membre associé du Centre de Recherches Pluridisciplinaires Multilingues (CRPM) à l’université Paris-Nanterre, et Jean-Baptiste Guégan, expert en géopolitique du sport et enseignant à Sciences Po Paris, viennent de publier aux éditions Tallandier</em> <a href="https://www.tallandier.com/livre/la-guerre-du-sport/">La Guerre du Sport, une nouvelle géopolitique</a>, <em>un ouvrage complet qui met en lumière l’influence des grands enjeux internationaux sur un un monde du sport à l’apolitisme de plus en plus illusoire. 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Il y voyait un moyen efficace de lutter contre les maladies dues à une carence en vitamine A, très répandues en Asie du Sud-Est et qui peuvent entraîner la cécité, voire la mort. Potrykus était alors loin de se douter qu'un tribunal philippin retoquerait son invention un an et demi après son autorisation.</p> <h3>Syngenta acquiert des droits de brevet</h3> <p>La route a été longue jusqu'à la première récolte du riz doré: en 1999 déjà, Potrykus et son collègue Peter Beyer avaient présenté un prototype. Celui-ci contenait des gènes de jonquille qui produisaient de la provitamine A dans le grain de riz et le faisaient ainsi briller d'un jaune doré. En 2005, les chercheurs avaient développé une deuxième variante en collaboration avec le géant de l'agroalimentaire Syngenta. 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En effet, le corps humain n'utiliserait la provitamine A que s'il dispose de suffisamment de graisse, ce qui, selon Greenpeace, n'est souvent pas le cas chez ces personnes. De plus, il y aurait un risque que le riz génétiquement modifié, une fois introduit dans le champ, se reproduise de manière autonome, se propage et contamine ainsi d'autres variétés de riz. En raison de ces doutes, il a fallu attendre 16 ans de plus pour que les autorités philippines en charge de la biosécurité donnent finalement le feu vert à la culture du riz doré en 2021.</p> <h3>Le tribunal révoque l’autorisation</h3> <p>Mais aujourd'hui, une nouvelle décision de justice met déjà un frein à la propagation de la variété de riz transgénique. Ainsi, une Cour d'appel philippine a révoqué l'autorisation le 17 avril dernier en se référant au principe de précaution: «En l'absence de consensus scientifique sur la sécurité du riz doré, il ne devrait plus être cultivé à des fins commerciales». 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