Actuel / Défense suisse: «Non à une puissance armée, oui à une puissance de paix»
Dans un livre très actuel, avant la votation sur l'achat d'avions de combat, Pierre-Alain Fridez présente ses propositions pour réformer l'armée, depuis son équipement, en particulier aérien, jusqu'à sa vocation première. Pour le Conseiller national, la sécurité est un droit. La patrouille suisse en formation, 2004, photo © Tim Felce
Un livre qui tombe à pic. A trois mois de la votation sur l’achat de futurs avions de combat auquel il est opposé, le socialiste jurassien Pierre-Alain Fridez, conseiller national, membre de la Commission de politique de sécurité, publie un ouvrage qui nourrira utilement le débat. Son titre: «Sécurité et défense de la Suisse. Casser les tabous, oser les solutions». Rien d’un brûlot, venant de cet ancien antimilitariste converti, dit-il, au pragmatisme. Mais tout d’un manuel repensant la stratégie et la dimension de l’armée suisse.
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Et maintenant, de sa part, un livre programmatique dans un domaine devenu familier. </p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1594912798_psj_010red.jpg" class="img-responsive img-fluid center " width="483" height="701" /></p> <p><em><strong>A quel moment avez-vous décidé d’écrire ce livre?</strong></em></p> <p>Cela date de ma participation, en 2014, à l’émission «Infrarouge» de la RTS dans le cadre de la campagne pro et anti-Gripen, justement. Sur le plateau, je faisais figure d’opposant face au chef du Département de la défense Ueli Maurer. Qui, à l’appui de son plaidoyer, m’invitait à aller voir en Ukraine, à 2000 km de chez nous, où la guerre sévissait. Ma réponse avait été très mauvaise. J’ai alors commencé à potasser le sujet. Après ma réélection en 2015, je suis entré au Conseil de l’Europe. Ce fut comme un déclic. Roger Nordmann, président du groupe socialiste au parlement fédéral, qui a préfacé mon livre, m’a proposé de rédiger une sorte de « livre blanc » sur les affaires de défense à l’attention du Parti socialiste.</p> <p><em><strong>Le PS a une culture antimilitariste…</strong></em></p> <p>Je n’ignore pas que le PS est historiquement abolitionniste. Mais voilà, à Berne se votent les crédits, c’est là qu’on essaie d’améliorer les choses. Je me suis donc lancé dans ce travail. J’ai lu une cinquantaine de bouquins. J’ai rédigé en 2017 un rapport d’une quarantaine de pages, devenu l’année suivante une base idéologique du groupe parlementaire socialiste sur ces aspects.</p> <h3>De 140'000 à 60'000 hommes</h3> <p><em><strong>Quelle armée préconisez-vous?</strong></em></p> <p>Je propose de réduire les effectifs. Ils passeraient de 140'000 à 60'000 hommes. Ce nombre comprendrait une réserve d’environ 30'000 hommes, mobilisables quelques années encore après la fin de leur service pour parer à des coups durs, un peu sur le modèle du système «Sentinelle» mis sur pied en France suite aux attentats djihadistes. Le budget annuel de l’armée, lui, passerait de 5 à 4 milliards de francs.</p> <p><em><strong>Un milliard en moins?</strong></em></p> <p>Ce milliard d’économisé ne serait pas perdu, si j’ose dire. Cinq cents millions serviraient, premièrement, à renforcer les effectifs policiers cantonaux et municipaux de 3000 postes sur un total aujourd’hui de plus de 20 000, à étoffer de 10% le nombre actuel de 2000 garde-frontières. Le demi-milliard restant serait ventilé de la manière suivante: 100 millions permettraient, d’une part, de doubler, à 500 hommes, le contingent déployé à l’étranger dans des missions de promotion de la paix, pour l’heure principalement au Kosovo ; d’autre part, de renforcer les centres de la Confédération à vocation internationale établis à Genève, actifs dans la politique de sécurité, le déminage et le contrôle démocratique des forces armées. L’idée maîtresse étant que la paix générée dans le monde, c’est autant de paix chez nous.</p> <p><em><strong>Il reste 400 millions à distribuer.</strong></em></p> <p>Ces derniers 400 millions abonderaient l’aide publique au développement, à destination de l’Afrique essentiellement. D’un peu moins de 0,5% en 2020, la part du PIB suisse consacré à ce secteur passerait à 0,7%. Le principe étant, là aussi, qu’en oeuvrant à la diminution des tensions sur le continent africain, la Suisse contribue au maintien des populations sur place et par conséquent à la diminution des migrations, qui sont parfois facteurs de drames et de crispations.</p> <h3>«Le grand mythe national est celui de la dernière guerre»</h3> <p><em><strong>On voit bien ce que vous voudriez faire de ce milliard gagné sur le budget ordinaire. Mais quelles seraient les missions de l’autre armée, celle à 4 milliards de francs?</strong></em></p> <p>Attardons-nous sur ses missions actuelles. Elles sont de défendre tous azimuts le pays, son rôle de toujours. Le grand mythe national qui guide l’armée est celui de la dernière guerre. Des forces massives étaient positionnées aux frontières et auraient de la sorte empêché une invasion. Je tiens à affirmer tout mon respect pour les militaires de l’époque, mais nous savons bien que l’Allemagne n’avait pas besoin de nous envahir pour satisfaire ses plans de conquêtes. Nous avons collaboré avec elle, légèrement de façon active, si je puis dire, en lui fournissant des devises contre de l’or et en permettant à une partie de ses matériels de transiter par notre territoire. Puis est venue la guerre froide. Les hommes suisses entre 20 et 50 se tinrent sur le pied de guerre, suivant cette logique très westphalienne d’un Etat indépendant mettant tout en œuvre pour parer une attaque d’un Etat à ses portes.</p> <p><em><strong>L’ancien ministre de la Défense Adolf Ogi a brisé cette logique dans les années 1990.</strong></em></p> <p>La chute du mur de Berlin a en effet marqué une rupture avec cette doctrine, mais pas complètement. Les effectifs de l’armée sont certes descendus, par paliers, de 500 000 à 140 000 hommes, dont une réserve de 40 000, mais la mission dans son acception traditionnelle est restée : défendre le pays, comme si nous étions seuls contre tous, selon la théorie de l’<i>Alleingang</i>, la voie solitaire. Or, les choses ont énormément changé. C’est ce que j’ai voulu montrer dans mon livre au terme d’un analyse géostratégique.</p> <p><em><strong>La doctrine suisse en matière d’armement est de disposer de la panoplie la plus complète, tant pour les Forces terrestres que pour les Forces aériennes. C’est cela que vous contestez.</strong></em></p> <p>Je le conteste d’autant plus que la plupart de nos armements sont obsolètes et que cela coûterait à la Suisse des sommes considérables pour les mettre à niveau. Nous venons de racheter des lance-mines pour 200 millions de francs, nous voulons à présent réparer pour 500 millions des chars Leopard, d’autres acquisitions encore sont prévues. Nous sommes à la croisée des chemins, c’est le moment de faire les bons choix d’armement, à partir d’une analyse réelle des risques auxquels notre pays pourrait être confronté.</p> <h3>L’armée en soutien des forces de police</h3> <p><em><strong>Quels sont ces risques?</strong></em></p> <p>Ils sont hybrides: le terrorisme, les cyber-attaques, la criminalité aux frontières, à quoi il faut ajouter les risques liés au réchauffement climatique et aux pandémies. Les personnels devant être mis en première ligne sont à mon avis les forces de police, ainsi que le corps des garde-frontières, aidés par le renseignement. L’armée serait déployée de manière subsidiaire, en soutien, si les choses devaient devenir chaotiques. Il y a ensuite les menaces venant de l’espace aérien. On pense à des missiles balistiques, de croisière, à des attaques par drones. Ce sont là des armes du faible, que des terroristes ou des Etats comme l’Iran, entre autres, pourraient utiliser, même si le pays cité n’a pas l’intention de s’en prendre à la Suisse. Le Conseil fédéral le dit bien d’ailleurs: la Suisse n’a pas d’ennemis identifiables.</p> <p><em><strong>Soit, mais quelle place resterait à la défense conventionnelle? </strong></em></p> <p>Prenons les Forces terrestres. L’armée redimensionnée garderait des forces combattantes mécanisées, des troupes du génie, un peu d’artillerie et un peu de tanks. Le nombre d’hélicoptères, matériel très utile dans une topographie comme la nôtre, devrait être augmenté en passant de 45 actuellement à 20 ou 30 de plus.</p> <h3>«Le char, un monstre aux pieds d’argile»</h3> <p><em><strong>Les blindés, au rebut?</strong></em></p> <p>Le problème du blindé, c’est qu’il s’inscrit dans un combat de nature ancienne. Son rôle est de tirer sur d’autres blindés. C’est une arme qui a fait très peur par le passé. Mais depuis, il y a eu la découverte de la charge creuse qui perce les blindages. Pour y remédier, on a créé un monstre, avec double couche de blindage, d’où un poids plus important et une vitesse réduite, qui ne peut plus progresser sur tous les terrains, d’autant moins dans un pays comme la Suisse, avec ses cours d’eau, ses zones escarpées et boueuses. Cette arme qui coûte très cher est une cible idéale, dont la seule fonction, en fait, est son canon. Et les armes pour le détruire sont aujourd’hui légion. C’est bien un monstre aux pieds d’argile, dont l’avenir est certainement compromis.</p> <p><em><strong>Le char d’assaut n’en reste pas moins une arme de projection terrestre, plus offensive que défensive. Du temps de la guerre froide, les Leopard suisses, aujourd’hui au nombre de 134 dans leur version modernisée, étaient censés aller à la rencontre de l’ennemi, au-delà des frontières nationales.</strong></em></p> <p>Oui, mais comme il n’y aura pas d’invasion à l’avenir et vu que cette arme est devenue d’une fragilité extrême, elle n’a plus beaucoup de sens. Les guerres de demain – les Américains et les Israéliens nous en donnent un aperçu – emploieront des armes dites chirurgicales. Désormais aussi, le but des armées, c’est d’épargner au maximum la vie des soldats, une denrée rare et peut-être devenue très précieuse.</p> <p><em><strong>Combien de blindés resteraient d’«attaque»? Combien de Leopard, d’obusiers M-109, de chars de grenadiers 2000? </strong></em></p> <p>Quelques pièces, pour l’entraînement et donc la préparation à un combat hypothétique. Il y a des personnes plus compétentes que moi pour répondre à ces question chiffrées. Le principal est d’acquérir des matériels légers, pouvant acheminer rapidement des soldats en renfort des forces de police. Je prévois aussi une force commando comprenant entre 500 et 1000 hommes.</p> <h3>«Je propose l’achat d’une vingtaine de chasseurs italiens Aermacchi M-346»</h3> <p><em><strong>En septembre, le peuple suisse se prononcera sur une dépense de 6 milliards de francs pour remplacer les avions de combat F/A-18 vieillissants. Vous, comme le reste du PS, êtes opposé à ce crédit d’armement. Pourquoi?</strong></em></p> <p>La dépense réelle pour ces futurs avions, peut-être une trentaine, ne sera pas de 6 milliards de francs, mais de trois à quatre fois plus. Rien que les coûts d’entretien se monteraient à 300 millions de francs par an, soit 9 milliards sur 30 ans. A quoi s’ajouteraient les coûts des mises à niveau, six milliards de plus. On arrive à un prix total dépassant les 20 milliards. Une dépense folle.</p> <p><strong><em>Que proposez-vous à la place?</em></strong></p> <p>Je propose une modernisation de nos 30 F/A-18. Plus l’achat d’une vingtaine de chasseurs italiens Aermacchi M-346, plus légers, plus petits et nettement moins chers que le chasseur ultrasophistiqué F-35 de l’Américain Lockheed Martin, le Rafale de Dassault ou l’Eurofighter dont l’armée suisse pourrait vouloir se doter.</p> <h3>Des missiles sol-air de type Patriot</h3> <p><em><strong>Quelles seraient les missions de cette chasse aérienne? </strong></em></p> <p>Reprenons les choses à la base. La défense aérienne repose sur deux piliers. L’aviation et le système sol-air. Or, notre système sol-air est complètement obsolète. Nous sommes nuls en ce domaine. Nous sommes à la merci de missiles. Il s’agirait de mettre sur pied un système radar de détection précoce couplé à une batterie de différentes sortes de missiles sol-air, à longue distance, de type Patriot, par exemple, pour intercepter des missiles, ou à plus courte distance, de type Stinger, pour un combat plus rapproché contre des hélicoptères de combat, entre autres. L’idée centrale ici n’est plus le combat en vol, chasseurs contre chasseurs, mais le combat sol-air.</p> <p><em><strong>Dès lors, à quoi bon conserver des avions de combat?</strong></em></p> <p>Un avion de combat ne peut rien faire contre un missile tiré depuis l’Iran, par exemple. Mais les avions de chasse peuvent en revanche servir de police aérienne en temps de paix. Selon la convention de La Haye, dont la Suisse est signataire, notre pays est responsable de la police de l’air de son espace. Pour assurer cette mission multiple (identifier, intercepter, porter secours à un aéronef, sécuriser une partie de l’espace aérien lors d’un événement international), la Suisse n’a pas besoin d’une star de l’aviation de combat.</p> <p><em><strong>Cinquante avions ne sont peut-être pas nécessaires à cette mission de police, non?</strong></em></p> <p>Cette mission de police serait remplie par les Aermacchi M-346, armés. Ces avions volent à la vitesse maximum de Mach 1, soit un peu plus vite qu’un avion civil standard. Cela nous permettrait de faire durer les F/A-18, acquis à la fin des années 90. Les partisans de l’achat d’un nouvel avion de combat prétendent que les F/A-18 sont moribonds. Or après le refus du Gripen en 2014, et alors que la durée de vie d’un F/A-18 était théoriquement de 5000 heures, celle-ci a été augmentée à 6000 heures par le Conseil fédéral qui a déboursé des centaines de millions de francs pour ce faire. Aux Etats-Unis, on les fait voler jusqu’à 8000 heures. Il faudrait garder les F/A-18 pour, là encore, des missions plus dangereuses, de type conventionnel, qui pourraient survenir, et je mets à cette survenance un point d’interrogation. La seule utilité possible de trente avions de combat superperformants réside dans un combat contre une flottille d’avions de chasse ennemis qui envahiraient la Suisse. Et dans ce cas de figure inimaginable, cela voudrait dire que l’Otan aurait été battu.</p> <h3>«L’Otan est objectivement notre camp»</h3> <p><em><strong>On pourrait imaginer que les F/A-18 soient la dot aérienne de la Suisse à un partenariat de défense en Europe.</strong></em></p> <p>Par exemple. Mais n’en parlons pas, nous sommes neutres…</p> <p><em><strong>Neutres jusqu’à ce que survienne une attaque, d’on ne sait qui, visant l’Europe et la Suisse aussi…</strong></em></p> <p>Nous entrerions alors dans l’Otan, c’est clair. Cette fausse pudeur ne date pas d’aujourd’hui. Dans mon livre, je fais référence à un accord secret de 1955 entre le chef du Département militaire Paul Chaudet et l’Otan. En cas de nouvelle guerre mondiale, la Suisse se serait alignée sur l’Otan contre le bloc de l’Est. Nous avions choisi notre camp, celui de l’Otan, et c’est objectivement toujours le nôtre, pour l’heure encore le plus puissant du monde. La Suisse est le passager clandestin de l’Otan. Ce n’est pas pour rien si nous sommes membres du Partenariat pour la paix <span>du Traité de l'Atlantique Nord</span>, où la Suisse devrait, à mon sens, jouer un plus grand rôle. Nous bénéficions, il faut bien le dire, d’une protection d’office à l’endroit où nous nous trouvons en Occident.</p> <p><em><strong>N’est-ce pas étrange, dans ces conditions, de maintenir le principe de la neutralité?</strong></em></p> <p>Il faut conserver cette neutralité, elle est constitutive de notre ADN. Mais elle ne doit pas nous rendre passifs. La neutralité nous oblige à un certain engagement, essentiellement moral. Nous devons continuer d’agir avec nos bons offices, avec la Croix-Rouge. Nous sommes respectés pour cela. C’est une manière de payer notre dû aux pays qui nous entourent et qui, de fait, nous protègent. Je suis pour une neutralité active et favorable à l’entrée de la Suisse dans le Conseil de sécurité de l’ONU (en tant que membre non-permanent, pour la période 2023-2024, <em>ndlr</em>). Nous devons être, non une puissance armée, mais une puissance de paix.</p> <h3>«La sécurité est un droit»</h3> <p><em><strong>L’armée que vous souhaitez n’est-elle pas celle d’un Etat policier? Avec une défense conventionnelle, préparée pour une guerre conventionnelle, on a au moins l’assurance que l’armée restera dans ses casernes, même si en Suisse, comme ailleurs, l’armée a parfois prêté main-forte à l’autorité civile et tiré sur la foule, comme en 1932 à Genève. Votre armée ressemble beaucoup à une force supplétive des forces de l’ordre, non? Les chars de grenadiers, on les voit déjà positionnés à des carrefours…</strong></em></p> <p>Mais nous sommes en Suisse, et c’est très différent d’ailleurs. La police, chez nous, est un instrument qui a très fortement évolué. Dans ma jeunesse, j’étais un militant qui a manifesté à Berne, en 1978 sauf erreur, contre la Police fédérale de sécurité voulue par le conseiller fédéral Kurt Furgler. J’étais moi-même fiché à cette l’époque. Si, aujourd’hui, je suis favorable à un service de renseignement fort, je suis tout aussi favorable à contrôle démocratique fort de ce service. Ensuite, chez nous toujours, les polices sont cantonales. Nos policiers ont appris, beaucoup plus, peut-être, que dans un système français, à être avec les gens et à les défendre. Nous n’avons en Suisse quasiment pas d’émeutes. La police est respectée. De plus, la sécurité est un droit. Face à la criminalité organisée, face au terrorisme, le citoyen doit accepter de perdre une toute petite part de sa souveraineté pour pouvoir vivre en paix dans un pays qui le protège.</p> <p><em><strong>La gauche pacifiste ne va pas vous louper…</strong></em></p> <p>Oui, je m’attends à des critiques sur un soi-disant renforcement de l’« Etat policier ». Moi, socialiste ancien antimilitariste, ayant participé à des comités de soldats, on va me reprocher d’être devenu, avec l’âge, quelqu’un de très pragmatique. Or je ne fais que prendre en compte le besoin de sécurité. Demander, aujourd’hui, l’abolition de l’armée a quelque chose de très fleur bleue.</p> <p><em><strong>L’autre reproche auquel vous risquez d’être confronté, à droite bien sûr, mais aussi à gauche pour des raisons inverses, est relatif au maintien d’un budget encore bien rondelet pour la sécurité proprement dite, défense redimensionnée et promotion de la paix réunies, moins la rallonge à l’aide au développement: 4,6 milliards de francs. Pourquoi pas 3 milliards, pourquoi pas 2?</strong></em></p> <p>Comme parlementaire à Berne et comme membre du Conseil de l’Europe, j’ai acquis une certaine expérience, ce que j’appelle un pragmatisme ou un réalisme. Je propose quelque chose qui se veut une voie du consensus entre, d'un côté, la volonté de l’armée d’augmenter progressivement les dépenses à 6 milliards par année et, de l'autre côté, la gauche abolitionniste. En effet, à partir de 2021, le budget de la Défense augmentera de 1,4% par an, ce qui fera un milliard supplémentaire dans une douzaine d’années. Actuellement, sur 5 milliards, trois vont au fonctionnement, un autre milliard à l’achat de nouveaux armements et le milliard restant aux travaux d’étude, à l’entretien des bâtiments, à la munition, etc. Les militaires voudraient passer de un milliard d’achat d’armement à deux milliards. Le risque est grand que cela se fasse au détriment des dépenses sociales.</p> <h3>«Notre démocratie directe permet d’amortir les chocs sociétaux»</h3> <p><strong><em>On constate ces dernières années une défiance envers les institutions, presse comprise, qui se traduit par une prolifération de vérités alternatives. Emergent aussi, principalement à gauche, un nouvel antiracisme, un néo-féminisme, un activisme pro-climat qui entendent refonder les hiérarchies, qui parfois ne reconnaissent plus comme légitimes des décisions politiques ou judiciaires découlant pourtant du cadre démocratique mais jugées non conformes aux « urgences ». Sans oublier l’extrême droite, ne sont-ce pas là également des menaces pour la cohésion sociale, autrement dit pour la sécurité du pays?</em></strong></p> <p>En dehors des risques liés au terrorisme djihadiste et aux cyber-attaques, les services de renseignement suisses surveillent les milieux d’extrême-droite. Les milieux d’extrême-gauche aussi, mais surtout l’extrême-droite. En Suisse, il y a beaucoup de combats. Notre système de démocratie directe, ouverte aux propositions, dont celles émanant des courants sociétaux que vous décrivez, permet d’amortir les chocs. Je ne ressens pas du tout ces forces progressistes comme dangereuses. Le fait d’avoir une police respectée, une armée redimensionnée et beaucoup plus ouverte sur le monde, tout cela ne peut que contribuer à la paix sociale dans notre pays, de manière globale à ce que le Parti socialiste appelle la sécurité humaine.</p> <p><em><strong>Quelles leçons sécuritaires tirez-vous de la pandémie du Covid-19, dont la Suisse et le monde ne sont toujours pas sortis?</strong></em></p> <p>Une pandémie, le passé nous renseigne à ce sujet, peut provoquer de grandes déstructurations politiques. La maladie, la notion de mort, la détresse sociale que cela engendre peut rebattre les valeurs. Nous avons donc tout intérêt à utiliser notre argent comme l’a fait le Conseil fédéral, pour soutenir l’appareil économique et par conséquents les citoyens. La paix sociale est à ce prix, cela en vaut le peine.</p> <p><em><strong>Savez-vous si vos thèses convainquent dans l’armée?</strong></em></p> <p>Il y a des personnes dans l’institution militaire qui partagent mes idées, mais il faut comprendre que les militaires ont un autre logiciel que le mien. Ils sont le produit d’une éducation et de valeurs difficiles à faire bouger. Feu le commandant de corps Christophe Keckeis disait de moi que j’étais un « socialiste intelligent ». Certes, à ses yeux, je n’avais pas tout compris sur tout. Mais il reconnaissait que mon intention, contrairement à ce que d’autres ne se priveront pas d’affirmer, n’était pas de démolir la maison militaire, mais d’en modifier l’arrangement.</p> <hr /> <h4>Propos recueillis par Antoine Menusier</h4> <h4><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1594912753_couverturedfinitivefridez260x99999.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="210" height="327" /></h4> <h4>Pierre-Alain Fridez, <em>Sécurité et défense de la Suisse. 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D’emblée, il a été membre d’une commission d’enquête parlementaire relative à la procédure d’acquisition des avions de combat Gripen. Quelque chose de très concret, d’assez excitant. Et maintenant, de sa part, un livre programmatique dans un domaine devenu familier. </p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1594912798_psj_010red.jpg" class="img-responsive img-fluid center " width="483" height="701" /></p> <p><em><strong>A quel moment avez-vous décidé d’écrire ce livre?</strong></em></p> <p>Cela date de ma participation, en 2014, à l’émission «Infrarouge» de la RTS dans le cadre de la campagne pro et anti-Gripen, justement. Sur le plateau, je faisais figure d’opposant face au chef du Département de la défense Ueli Maurer. Qui, à l’appui de son plaidoyer, m’invitait à aller voir en Ukraine, à 2000 km de chez nous, où la guerre sévissait. Ma réponse avait été très mauvaise. J’ai alors commencé à potasser le sujet. Après ma réélection en 2015, je suis entré au Conseil de l’Europe. Ce fut comme un déclic. Roger Nordmann, président du groupe socialiste au parlement fédéral, qui a préfacé mon livre, m’a proposé de rédiger une sorte de « livre blanc » sur les affaires de défense à l’attention du Parti socialiste.</p> <p><em><strong>Le PS a une culture antimilitariste…</strong></em></p> <p>Je n’ignore pas que le PS est historiquement abolitionniste. Mais voilà, à Berne se votent les crédits, c’est là qu’on essaie d’améliorer les choses. Je me suis donc lancé dans ce travail. J’ai lu une cinquantaine de bouquins. J’ai rédigé en 2017 un rapport d’une quarantaine de pages, devenu l’année suivante une base idéologique du groupe parlementaire socialiste sur ces aspects.</p> <h3>De 140'000 à 60'000 hommes</h3> <p><em><strong>Quelle armée préconisez-vous?</strong></em></p> <p>Je propose de réduire les effectifs. Ils passeraient de 140'000 à 60'000 hommes. Ce nombre comprendrait une réserve d’environ 30'000 hommes, mobilisables quelques années encore après la fin de leur service pour parer à des coups durs, un peu sur le modèle du système «Sentinelle» mis sur pied en France suite aux attentats djihadistes. Le budget annuel de l’armée, lui, passerait de 5 à 4 milliards de francs.</p> <p><em><strong>Un milliard en moins?</strong></em></p> <p>Ce milliard d’économisé ne serait pas perdu, si j’ose dire. Cinq cents millions serviraient, premièrement, à renforcer les effectifs policiers cantonaux et municipaux de 3000 postes sur un total aujourd’hui de plus de 20 000, à étoffer de 10% le nombre actuel de 2000 garde-frontières. Le demi-milliard restant serait ventilé de la manière suivante: 100 millions permettraient, d’une part, de doubler, à 500 hommes, le contingent déployé à l’étranger dans des missions de promotion de la paix, pour l’heure principalement au Kosovo ; d’autre part, de renforcer les centres de la Confédération à vocation internationale établis à Genève, actifs dans la politique de sécurité, le déminage et le contrôle démocratique des forces armées. L’idée maîtresse étant que la paix générée dans le monde, c’est autant de paix chez nous.</p> <p><em><strong>Il reste 400 millions à distribuer.</strong></em></p> <p>Ces derniers 400 millions abonderaient l’aide publique au développement, à destination de l’Afrique essentiellement. D’un peu moins de 0,5% en 2020, la part du PIB suisse consacré à ce secteur passerait à 0,7%. Le principe étant, là aussi, qu’en oeuvrant à la diminution des tensions sur le continent africain, la Suisse contribue au maintien des populations sur place et par conséquent à la diminution des migrations, qui sont parfois facteurs de drames et de crispations.</p> <h3>«Le grand mythe national est celui de la dernière guerre»</h3> <p><em><strong>On voit bien ce que vous voudriez faire de ce milliard gagné sur le budget ordinaire. Mais quelles seraient les missions de l’autre armée, celle à 4 milliards de francs?</strong></em></p> <p>Attardons-nous sur ses missions actuelles. Elles sont de défendre tous azimuts le pays, son rôle de toujours. Le grand mythe national qui guide l’armée est celui de la dernière guerre. Des forces massives étaient positionnées aux frontières et auraient de la sorte empêché une invasion. Je tiens à affirmer tout mon respect pour les militaires de l’époque, mais nous savons bien que l’Allemagne n’avait pas besoin de nous envahir pour satisfaire ses plans de conquêtes. Nous avons collaboré avec elle, légèrement de façon active, si je puis dire, en lui fournissant des devises contre de l’or et en permettant à une partie de ses matériels de transiter par notre territoire. Puis est venue la guerre froide. Les hommes suisses entre 20 et 50 se tinrent sur le pied de guerre, suivant cette logique très westphalienne d’un Etat indépendant mettant tout en œuvre pour parer une attaque d’un Etat à ses portes.</p> <p><em><strong>L’ancien ministre de la Défense Adolf Ogi a brisé cette logique dans les années 1990.</strong></em></p> <p>La chute du mur de Berlin a en effet marqué une rupture avec cette doctrine, mais pas complètement. Les effectifs de l’armée sont certes descendus, par paliers, de 500 000 à 140 000 hommes, dont une réserve de 40 000, mais la mission dans son acception traditionnelle est restée : défendre le pays, comme si nous étions seuls contre tous, selon la théorie de l’<i>Alleingang</i>, la voie solitaire. Or, les choses ont énormément changé. C’est ce que j’ai voulu montrer dans mon livre au terme d’un analyse géostratégique.</p> <p><em><strong>La doctrine suisse en matière d’armement est de disposer de la panoplie la plus complète, tant pour les Forces terrestres que pour les Forces aériennes. C’est cela que vous contestez.</strong></em></p> <p>Je le conteste d’autant plus que la plupart de nos armements sont obsolètes et que cela coûterait à la Suisse des sommes considérables pour les mettre à niveau. Nous venons de racheter des lance-mines pour 200 millions de francs, nous voulons à présent réparer pour 500 millions des chars Leopard, d’autres acquisitions encore sont prévues. Nous sommes à la croisée des chemins, c’est le moment de faire les bons choix d’armement, à partir d’une analyse réelle des risques auxquels notre pays pourrait être confronté.</p> <h3>L’armée en soutien des forces de police</h3> <p><em><strong>Quels sont ces risques?</strong></em></p> <p>Ils sont hybrides: le terrorisme, les cyber-attaques, la criminalité aux frontières, à quoi il faut ajouter les risques liés au réchauffement climatique et aux pandémies. Les personnels devant être mis en première ligne sont à mon avis les forces de police, ainsi que le corps des garde-frontières, aidés par le renseignement. L’armée serait déployée de manière subsidiaire, en soutien, si les choses devaient devenir chaotiques. Il y a ensuite les menaces venant de l’espace aérien. On pense à des missiles balistiques, de croisière, à des attaques par drones. Ce sont là des armes du faible, que des terroristes ou des Etats comme l’Iran, entre autres, pourraient utiliser, même si le pays cité n’a pas l’intention de s’en prendre à la Suisse. Le Conseil fédéral le dit bien d’ailleurs: la Suisse n’a pas d’ennemis identifiables.</p> <p><em><strong>Soit, mais quelle place resterait à la défense conventionnelle? </strong></em></p> <p>Prenons les Forces terrestres. L’armée redimensionnée garderait des forces combattantes mécanisées, des troupes du génie, un peu d’artillerie et un peu de tanks. Le nombre d’hélicoptères, matériel très utile dans une topographie comme la nôtre, devrait être augmenté en passant de 45 actuellement à 20 ou 30 de plus.</p> <h3>«Le char, un monstre aux pieds d’argile»</h3> <p><em><strong>Les blindés, au rebut?</strong></em></p> <p>Le problème du blindé, c’est qu’il s’inscrit dans un combat de nature ancienne. Son rôle est de tirer sur d’autres blindés. C’est une arme qui a fait très peur par le passé. Mais depuis, il y a eu la découverte de la charge creuse qui perce les blindages. Pour y remédier, on a créé un monstre, avec double couche de blindage, d’où un poids plus important et une vitesse réduite, qui ne peut plus progresser sur tous les terrains, d’autant moins dans un pays comme la Suisse, avec ses cours d’eau, ses zones escarpées et boueuses. Cette arme qui coûte très cher est une cible idéale, dont la seule fonction, en fait, est son canon. Et les armes pour le détruire sont aujourd’hui légion. C’est bien un monstre aux pieds d’argile, dont l’avenir est certainement compromis.</p> <p><em><strong>Le char d’assaut n’en reste pas moins une arme de projection terrestre, plus offensive que défensive. Du temps de la guerre froide, les Leopard suisses, aujourd’hui au nombre de 134 dans leur version modernisée, étaient censés aller à la rencontre de l’ennemi, au-delà des frontières nationales.</strong></em></p> <p>Oui, mais comme il n’y aura pas d’invasion à l’avenir et vu que cette arme est devenue d’une fragilité extrême, elle n’a plus beaucoup de sens. Les guerres de demain – les Américains et les Israéliens nous en donnent un aperçu – emploieront des armes dites chirurgicales. Désormais aussi, le but des armées, c’est d’épargner au maximum la vie des soldats, une denrée rare et peut-être devenue très précieuse.</p> <p><em><strong>Combien de blindés resteraient d’«attaque»? Combien de Leopard, d’obusiers M-109, de chars de grenadiers 2000? </strong></em></p> <p>Quelques pièces, pour l’entraînement et donc la préparation à un combat hypothétique. Il y a des personnes plus compétentes que moi pour répondre à ces question chiffrées. Le principal est d’acquérir des matériels légers, pouvant acheminer rapidement des soldats en renfort des forces de police. Je prévois aussi une force commando comprenant entre 500 et 1000 hommes.</p> <h3>«Je propose l’achat d’une vingtaine de chasseurs italiens Aermacchi M-346»</h3> <p><em><strong>En septembre, le peuple suisse se prononcera sur une dépense de 6 milliards de francs pour remplacer les avions de combat F/A-18 vieillissants. Vous, comme le reste du PS, êtes opposé à ce crédit d’armement. Pourquoi?</strong></em></p> <p>La dépense réelle pour ces futurs avions, peut-être une trentaine, ne sera pas de 6 milliards de francs, mais de trois à quatre fois plus. Rien que les coûts d’entretien se monteraient à 300 millions de francs par an, soit 9 milliards sur 30 ans. A quoi s’ajouteraient les coûts des mises à niveau, six milliards de plus. On arrive à un prix total dépassant les 20 milliards. Une dépense folle.</p> <p><strong><em>Que proposez-vous à la place?</em></strong></p> <p>Je propose une modernisation de nos 30 F/A-18. Plus l’achat d’une vingtaine de chasseurs italiens Aermacchi M-346, plus légers, plus petits et nettement moins chers que le chasseur ultrasophistiqué F-35 de l’Américain Lockheed Martin, le Rafale de Dassault ou l’Eurofighter dont l’armée suisse pourrait vouloir se doter.</p> <h3>Des missiles sol-air de type Patriot</h3> <p><em><strong>Quelles seraient les missions de cette chasse aérienne? </strong></em></p> <p>Reprenons les choses à la base. La défense aérienne repose sur deux piliers. L’aviation et le système sol-air. Or, notre système sol-air est complètement obsolète. Nous sommes nuls en ce domaine. Nous sommes à la merci de missiles. Il s’agirait de mettre sur pied un système radar de détection précoce couplé à une batterie de différentes sortes de missiles sol-air, à longue distance, de type Patriot, par exemple, pour intercepter des missiles, ou à plus courte distance, de type Stinger, pour un combat plus rapproché contre des hélicoptères de combat, entre autres. L’idée centrale ici n’est plus le combat en vol, chasseurs contre chasseurs, mais le combat sol-air.</p> <p><em><strong>Dès lors, à quoi bon conserver des avions de combat?</strong></em></p> <p>Un avion de combat ne peut rien faire contre un missile tiré depuis l’Iran, par exemple. Mais les avions de chasse peuvent en revanche servir de police aérienne en temps de paix. Selon la convention de La Haye, dont la Suisse est signataire, notre pays est responsable de la police de l’air de son espace. Pour assurer cette mission multiple (identifier, intercepter, porter secours à un aéronef, sécuriser une partie de l’espace aérien lors d’un événement international), la Suisse n’a pas besoin d’une star de l’aviation de combat.</p> <p><em><strong>Cinquante avions ne sont peut-être pas nécessaires à cette mission de police, non?</strong></em></p> <p>Cette mission de police serait remplie par les Aermacchi M-346, armés. Ces avions volent à la vitesse maximum de Mach 1, soit un peu plus vite qu’un avion civil standard. Cela nous permettrait de faire durer les F/A-18, acquis à la fin des années 90. Les partisans de l’achat d’un nouvel avion de combat prétendent que les F/A-18 sont moribonds. Or après le refus du Gripen en 2014, et alors que la durée de vie d’un F/A-18 était théoriquement de 5000 heures, celle-ci a été augmentée à 6000 heures par le Conseil fédéral qui a déboursé des centaines de millions de francs pour ce faire. Aux Etats-Unis, on les fait voler jusqu’à 8000 heures. Il faudrait garder les F/A-18 pour, là encore, des missions plus dangereuses, de type conventionnel, qui pourraient survenir, et je mets à cette survenance un point d’interrogation. La seule utilité possible de trente avions de combat superperformants réside dans un combat contre une flottille d’avions de chasse ennemis qui envahiraient la Suisse. Et dans ce cas de figure inimaginable, cela voudrait dire que l’Otan aurait été battu.</p> <h3>«L’Otan est objectivement notre camp»</h3> <p><em><strong>On pourrait imaginer que les F/A-18 soient la dot aérienne de la Suisse à un partenariat de défense en Europe.</strong></em></p> <p>Par exemple. Mais n’en parlons pas, nous sommes neutres…</p> <p><em><strong>Neutres jusqu’à ce que survienne une attaque, d’on ne sait qui, visant l’Europe et la Suisse aussi…</strong></em></p> <p>Nous entrerions alors dans l’Otan, c’est clair. Cette fausse pudeur ne date pas d’aujourd’hui. Dans mon livre, je fais référence à un accord secret de 1955 entre le chef du Département militaire Paul Chaudet et l’Otan. En cas de nouvelle guerre mondiale, la Suisse se serait alignée sur l’Otan contre le bloc de l’Est. Nous avions choisi notre camp, celui de l’Otan, et c’est objectivement toujours le nôtre, pour l’heure encore le plus puissant du monde. La Suisse est le passager clandestin de l’Otan. Ce n’est pas pour rien si nous sommes membres du Partenariat pour la paix <span>du Traité de l'Atlantique Nord</span>, où la Suisse devrait, à mon sens, jouer un plus grand rôle. Nous bénéficions, il faut bien le dire, d’une protection d’office à l’endroit où nous nous trouvons en Occident.</p> <p><em><strong>N’est-ce pas étrange, dans ces conditions, de maintenir le principe de la neutralité?</strong></em></p> <p>Il faut conserver cette neutralité, elle est constitutive de notre ADN. Mais elle ne doit pas nous rendre passifs. La neutralité nous oblige à un certain engagement, essentiellement moral. Nous devons continuer d’agir avec nos bons offices, avec la Croix-Rouge. Nous sommes respectés pour cela. C’est une manière de payer notre dû aux pays qui nous entourent et qui, de fait, nous protègent. Je suis pour une neutralité active et favorable à l’entrée de la Suisse dans le Conseil de sécurité de l’ONU (en tant que membre non-permanent, pour la période 2023-2024, <em>ndlr</em>). Nous devons être, non une puissance armée, mais une puissance de paix.</p> <h3>«La sécurité est un droit»</h3> <p><em><strong>L’armée que vous souhaitez n’est-elle pas celle d’un Etat policier? Avec une défense conventionnelle, préparée pour une guerre conventionnelle, on a au moins l’assurance que l’armée restera dans ses casernes, même si en Suisse, comme ailleurs, l’armée a parfois prêté main-forte à l’autorité civile et tiré sur la foule, comme en 1932 à Genève. Votre armée ressemble beaucoup à une force supplétive des forces de l’ordre, non? Les chars de grenadiers, on les voit déjà positionnés à des carrefours…</strong></em></p> <p>Mais nous sommes en Suisse, et c’est très différent d’ailleurs. La police, chez nous, est un instrument qui a très fortement évolué. Dans ma jeunesse, j’étais un militant qui a manifesté à Berne, en 1978 sauf erreur, contre la Police fédérale de sécurité voulue par le conseiller fédéral Kurt Furgler. J’étais moi-même fiché à cette l’époque. Si, aujourd’hui, je suis favorable à un service de renseignement fort, je suis tout aussi favorable à contrôle démocratique fort de ce service. Ensuite, chez nous toujours, les polices sont cantonales. Nos policiers ont appris, beaucoup plus, peut-être, que dans un système français, à être avec les gens et à les défendre. Nous n’avons en Suisse quasiment pas d’émeutes. La police est respectée. De plus, la sécurité est un droit. Face à la criminalité organisée, face au terrorisme, le citoyen doit accepter de perdre une toute petite part de sa souveraineté pour pouvoir vivre en paix dans un pays qui le protège.</p> <p><em><strong>La gauche pacifiste ne va pas vous louper…</strong></em></p> <p>Oui, je m’attends à des critiques sur un soi-disant renforcement de l’« Etat policier ». Moi, socialiste ancien antimilitariste, ayant participé à des comités de soldats, on va me reprocher d’être devenu, avec l’âge, quelqu’un de très pragmatique. Or je ne fais que prendre en compte le besoin de sécurité. Demander, aujourd’hui, l’abolition de l’armée a quelque chose de très fleur bleue.</p> <p><em><strong>L’autre reproche auquel vous risquez d’être confronté, à droite bien sûr, mais aussi à gauche pour des raisons inverses, est relatif au maintien d’un budget encore bien rondelet pour la sécurité proprement dite, défense redimensionnée et promotion de la paix réunies, moins la rallonge à l’aide au développement: 4,6 milliards de francs. Pourquoi pas 3 milliards, pourquoi pas 2?</strong></em></p> <p>Comme parlementaire à Berne et comme membre du Conseil de l’Europe, j’ai acquis une certaine expérience, ce que j’appelle un pragmatisme ou un réalisme. Je propose quelque chose qui se veut une voie du consensus entre, d'un côté, la volonté de l’armée d’augmenter progressivement les dépenses à 6 milliards par année et, de l'autre côté, la gauche abolitionniste. En effet, à partir de 2021, le budget de la Défense augmentera de 1,4% par an, ce qui fera un milliard supplémentaire dans une douzaine d’années. Actuellement, sur 5 milliards, trois vont au fonctionnement, un autre milliard à l’achat de nouveaux armements et le milliard restant aux travaux d’étude, à l’entretien des bâtiments, à la munition, etc. Les militaires voudraient passer de un milliard d’achat d’armement à deux milliards. Le risque est grand que cela se fasse au détriment des dépenses sociales.</p> <h3>«Notre démocratie directe permet d’amortir les chocs sociétaux»</h3> <p><strong><em>On constate ces dernières années une défiance envers les institutions, presse comprise, qui se traduit par une prolifération de vérités alternatives. Emergent aussi, principalement à gauche, un nouvel antiracisme, un néo-féminisme, un activisme pro-climat qui entendent refonder les hiérarchies, qui parfois ne reconnaissent plus comme légitimes des décisions politiques ou judiciaires découlant pourtant du cadre démocratique mais jugées non conformes aux « urgences ». Sans oublier l’extrême droite, ne sont-ce pas là également des menaces pour la cohésion sociale, autrement dit pour la sécurité du pays?</em></strong></p> <p>En dehors des risques liés au terrorisme djihadiste et aux cyber-attaques, les services de renseignement suisses surveillent les milieux d’extrême-droite. Les milieux d’extrême-gauche aussi, mais surtout l’extrême-droite. En Suisse, il y a beaucoup de combats. Notre système de démocratie directe, ouverte aux propositions, dont celles émanant des courants sociétaux que vous décrivez, permet d’amortir les chocs. Je ne ressens pas du tout ces forces progressistes comme dangereuses. Le fait d’avoir une police respectée, une armée redimensionnée et beaucoup plus ouverte sur le monde, tout cela ne peut que contribuer à la paix sociale dans notre pays, de manière globale à ce que le Parti socialiste appelle la sécurité humaine.</p> <p><em><strong>Quelles leçons sécuritaires tirez-vous de la pandémie du Covid-19, dont la Suisse et le monde ne sont toujours pas sortis?</strong></em></p> <p>Une pandémie, le passé nous renseigne à ce sujet, peut provoquer de grandes déstructurations politiques. La maladie, la notion de mort, la détresse sociale que cela engendre peut rebattre les valeurs. Nous avons donc tout intérêt à utiliser notre argent comme l’a fait le Conseil fédéral, pour soutenir l’appareil économique et par conséquents les citoyens. La paix sociale est à ce prix, cela en vaut le peine.</p> <p><em><strong>Savez-vous si vos thèses convainquent dans l’armée?</strong></em></p> <p>Il y a des personnes dans l’institution militaire qui partagent mes idées, mais il faut comprendre que les militaires ont un autre logiciel que le mien. Ils sont le produit d’une éducation et de valeurs difficiles à faire bouger. Feu le commandant de corps Christophe Keckeis disait de moi que j’étais un « socialiste intelligent ». Certes, à ses yeux, je n’avais pas tout compris sur tout. Mais il reconnaissait que mon intention, contrairement à ce que d’autres ne se priveront pas d’affirmer, n’était pas de démolir la maison militaire, mais d’en modifier l’arrangement.</p> <hr /> <h4>Propos recueillis par Antoine Menusier</h4> <h4><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1594912753_couverturedfinitivefridez260x99999.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="210" height="327" /></h4> <h4>Pierre-Alain Fridez, <em>Sécurité et défense de la Suisse. 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Jeudi, comme souvent dans ce rendez-vous formaté pour le buzz, il s’est passé <a href="https://twitter.com/LeDevBreton/status/1590817814059044864?s=20&t=4TWr6vsi3CFKbFwoMHZdVw" target="_blank" rel="noopener">quelque chose de fort</a> sur le plateau de «Touche pas à mon poste!», l’émission animée par Cyril Hanouna sur la chaîne C8 du groupe Bolloré – le nom à l’origine du clash de jeudi soir. Pour La France insoumise (LFI), ce parti de la gauche radicale siégeant à l’Assemblée nationale, un dilemme à présent se pose: faut-il encore aller à TPMP, là où bat le cœur de la France antisystème, où les électorats lepénistes et mélenchonistes s’invectivent, mais surtout, se parlent comme nulle part ailleurs?</p> <p>Que s’est-il passé de si grave ou plutôt de si révélateur? Alors que le débat portait sur l’accueil par la France de 234 migrants se trouvant à bord du bateau Ocean Viking, le jeune député LFI Louis Boyard, qui fut autrefois chroniqueur rétribué à TPMP, a mis les pieds dans son ancienne gamelle en parlant d’un procès menaçant «Bolloré» pour déforestation au Cameroun. Vincent Bolloré est ce milliardaire français propriétaire du groupe Canal, un catholique breton qu’on dit hanté par la crainte du «grand remplacement», ce concept d’extrême droite repris par son poulain Eric Zemmour lors de la dernière campagne présidentielle.</p> <p>Fidèle à son style «wesh-embrouille», où les différends se règlent en <em>battles</em> de tchatche, Cyril Hanouna a aussitôt mis un coup de pression au député Boyard, façon «qu’est-ce t’as dit?»: «Tu sais que t’es dans le groupe Bolloré, ici?», lui a-t-il lâché quand apparaissaient au même moment les résultats d’un sondage-téléspectateurs indiquant une proportion de 80% se prononçant contre l’accueil des 234 migrants et de 20% se disant pour.</p> <p>En sweat-capuche, Hanouna, tout à son personnage de caïd de la street chic rappelant au p’tit merdeux le respect dû au patron, le vrai, insiste alors: «Tu sais que t’es dans le groupe Bolloré?... Qu’est-ce que tu viens foutre ici, alors?... Bolloré t’a donné de l’argent, t’étais chroniqueur ici…»</p> <p>Boyard, qui avait visiblement préparé son coup, la joue grands principes: «Attends, Cyril, est-ce que tu es en train de me dire que je n’ai pas le droit de dire que Bolloré, il a un procès avec cent cinquante Camerounais parce qu’il a déforesté?» La suite: le député-LFI-ex-chroniqueur-TPMP, ne s’énervant pas, devant pressentir qu’il sortira gagnant de la <em>battle</em>, se prévaut de sa qualité de député. Hanouna piétine l’argument, estimant que Boyard, comme d’autres de son parti, doit son élection à TPMP. Après avoir donné du «mon chéri» à Boyard, il le traite d’«abruti» et de «merde», chacun accusant l’autre d’avoir fait monter l’extrême droite – le grand tabou de la politique française.</p> <p>Quelle suite LFI, plus largement la Nupes, la coalition de gauche à l’Assemblée nationale, donnera-t-elle à cet incident? Continuera-t-elle d’aller sur le plateau de TPMP? Qui, d’Hanouna ou de la gauche radicale, a-t-il le plus besoin de l’autre? Sans LFI, formation aux accents populistes, TPMP perdrait sa caution de gauche, risquant alors de ne plus réunir que des «anti-tout», souvent l’antichambre d’un parti de l’ordre. Mais en renonçant à ce forum, La France insoumise se priverait d’un lieu où elle peut porter des coups à «Macron», ce qui lui rapporte des voix. Ne plus se montrer dans «Touche pas à mon poste!» pourrait être interprété comme l’aveu qu’on appartient au «système», à cette «élite» qu’on prétend combattre.</p> <p>Dans le même temps, en participant à cette émission, LFI sait qu’elle contribue à saper la confiance dans les institutions démocratiques, dont on a vu jeudi soir le peu de cas qu’en faisait Cyril Hanouna en insultant le député Boyard. Il y a deux semaines, toujours à la barre de TPMP, Hanouna appelait à la tenue d’un procès expéditif, assortie d’une «perpétuité immédiate» pour la meurtrière présumée de la petite Lola. Tartuffe dans l’affaire, LFI est bel et bien confrontée à un dilemme, à moins que l’ambiguïté ne lui siée davantage que la clarté.</p> <p>Mais surtout, TPMP, qui remplit, quoi qu’on en pense, une fonction tribunitienne en offrant un exutoire aux passions de toutes sortes, peut-elle être supprimée? Sa disparition provoquerait-elle des troubles? 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Celle de l’Allemand de la Seconde Guerre mondiale ne vaut pas celle de l’Allié. On touche probablement ici à la limite du rapport Stora: le colon ne peut pas faire valoir sa douleur au même titre que le colonisé. Sinon, toute la hiérarchie, établie selon une échelle de valeurs qui accorde au colonisé la légitimité de sa révolte, est rebattue. Et pourtant, se dit-on, il faut tendre vers la reconnaissance des souffrances de part et d’autre, pour pouvoir la faire, cette réconciliation. Comme c’est compliqué…</p> <h3>Les choses ont un sens que la paix peut ignorer</h3> <p>Seul le sens permet d’y voir clair. Mais le problème du sens, qui dit qui avait raison, qui avait tort, c’est qu’il ne permet pas toujours de refermer les plaies, puisque personne ne veut être en tort, ou avoir tous les torts. Le cas franco-algérien renvoie à la spécificité de la guerre d’Algérie, plus sensible sur un plan mémoriel que les guerres franco-allemandes.</p> <p>La guerre d’Algérie, combat décolonial, lutte pour la libération, fut probablement moins une guerre classique entre deux nations qu’une guerre civile à l’intérieur d’un même territoire. Opposant deux populations d’inégal statut, certes, et ce n’est pas rien, mais ayant toute deux un caractère civil. De là, sans doute, le refus, longtemps, de nommer par le terme de guerre ce qui était appelé sous le nom d’événements.</p> <p>C’est pourquoi la vérité (qui la dit? selon quels critères?) peut être, aussi, parfois, l’ennemi de la réconciliation, celle-ci étant par nature toujours un peu artificielle. Disons que l’intérêt de la paix l’emporte à un moment donné sur l’intérêt de la guerre, surtout dans une configuration de conflit civil.</p> <h3>Les pieds dans le plat</h3> <p>Très vite apparaît la nécessité de l’amnistie, pour étouffer des braises dont chacun a cependant conscience qu’elle ne seront jamais tout à fait éteintes. Ce fut vrai après une relative brève période d’épuration en France en 1944-45. Vrai entre la France et l’Algérie à l’indépendance en 1962. Vrai encore en 1999, lorsque le président algérien Abdelaziz Bouteflika fit voter la loi dite de concorde civile, qui mit fin par un plébiscite à la guerre civile.</p> <p>Cela nous amène à la France d’aujourd’hui, celle, d’après, espérons-le, les attentats islamistes. Attentats? Islamistes? D’emblée, les pieds dans le plat. La somme de «ce qui est arrivé en France ces dernières années» pèse son poids de non-dits. Cette situation présente des similitudes avec les conflits évoqués plus haut. Mais elle a comme quelque chose d’inextricable. Ce n’est pas encourageant.</p> <h3>Quand le bourreau redevient l'égal de la victime</h3> <p>Alors, quelles similitudes entre l’après-attentats et ces précédents après-guerres? La première de toutes, la plus importante: la nécessité de l’amnistie, avons-nous vu, par quoi on cesse de juger ceux qu’on sait coupables, par quoi on passe à autre chose. Comme la victime, le bourreau doit pouvoir reprendre une vie normale. Sauf que toute amnistie suppose un vainqueur reconnu comme tel, autrement dit un juste faisant offrande de son pardon au vaincu. L’amnistie, qui comporte une part d’amnésie volontaire, permet le retour à la paix dans des sociétés qui se sont entredéchirées.</p> <p>Toute la difficulté en France – on le voit avec les polémiques entourant l’adoption en cours de la loi confortant le respect des principes républicains, initialement intitulée contre le séparatisme islamiste – tient dans l’énoncé et dans le sens attribué à des faits qui ont ensanglanté la métropole comme jamais depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.</p> <h3>Déni de réalité</h3> <p>Dire ce qui s’est passé contient un enjeu de pouvoir politique et culturel pour le présent et pour l’avenir. Il y a là un rapport de force, d’autant plus à l’œuvre que la qualification de ces attentats n’est pas claire pour tous, ou doit rester équivoque, manière de manœuvre dilatoire. On est alors proche du déni de réalité. Laquelle? Oui, on peut jouer longtemps sur les mots.</p> <p>La meilleure façon de tirer un trait sur cette période serait effectivement de dire que l’islamisme n’existe pas et que par conséquent il n’y a pas eu d’attentats, tout attentat ayant une motivation idéologique. Il y aurait eu une sorte d’explosion de violence spontanée.</p> <h3>Désigner une idéologie, c'est désigner des idéologues</h3> <p>Retenir la qualification d’attentats, qui plus est islamistes, ce qu’ils ont bel et bien été, c’est désigner une idéologie. L’idéologie islamiste, donc: soit un projet de conquête civilisationnelle dirigé contre l’Occident jugé décadent et en bout de course. Toute la littérature djihadiste, s’inspirant de l’islamisme, est faite de cela.</p> <p>Désigner une idéologie potentiellement violente, c’est désigner des idéologues et des compagnons de route. C’est vouloir occuper le pouvoir à leur place, là où on pense qu’ils l’occupent, dans certaines parties de l’université, par exemple. C’est désigner un problème: «l’islamo-gauchisme», soit une convergence plus ou moins solide entre matérialisme et religion en vue de renverser l’ordre bourgeois, lequel s’oppose à la fois à l’égalité et à une saine vision de l’existence – notons que le fidèle musulman n’érigeant pas sa religion en cause politique, et cela fait du monde, n’a que faire de ces sollicitations révolutionnaires.</p> <h3>La France insoumise visée et visant à son tour</h3> <p>Sur la défensive, se sentant visée par une entreprise épuratrice post-islamiste, par quoi il s’agit d’empêcher, du moins de s’opposer frontalement aux conditions de production de l’islamisme, la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon refuse de faire la différence entre islamisme et islam, accuse le gouvernement de persécution envers les musulmans. 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Pourquoi? On a tenté de répondre à cette question. Indice: l’image, pas terrible, du «voisin français». ', 'subtitle_edition' => null, 'content' => '<p>«C’est la petite Gilberte, Gilberte de Courgenay…» La Mob, c’était mieux avant. Il y avait alors de vraies frontières. Pas comme aujourd’hui avec Schengen qui les a toutes effacées, ce qui est bien pratique aussi, il faut le dire. Mais parfois une votation – ou une pandémie – suffit à les rétablir. C’est ce qui s’est passé dimanche avec la «burqa», l’initiative interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, acceptée à 51,2% par le peuple. Un score relativement modeste qui cache de fortes disparités. Sans le vote des métropoles, favorables au non, le texte aurait été approuvé bien plus largement. En Suisse romande, les communes frontalières de la France ont plébiscité le oui. Qu’est-ce que cela révèle de ce vote, à cet endroit bien précis, celui des limites géographiques et politiques d’un pays, en sa partie francophone?</p> <p>A Courgenay, dans cette Ajoie s’enfonçant tel un saillant dans les départements français du Doubs et du Territoire de Belfort, 65,4% des habitants ont voté en faveur de l’initiative soutenue par l’UDC et une partie de la gauche (<a href="https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/votations/20210307/initiative-populaire-oui-a-l-interdiction-de-se-dissimuler-le-visage.html" target="_blank" rel="noopener">cliquez ici</a> pour avoir accès à la carte interactive). 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Un <i>mansplaining</i> en mode solidaire, bien sûr. Je serais même tenté d’y voir un peu plus que cela: un <i>manembracing</i> virant au <i>manembarrassing</i>. Autrement dit: une défense à ce point appuyée qu’elle en devient gênante.</p> <p>Gabriel Bender a le zèle du converti. Du converti au féminisme. C’est l’impression qu’il donne. Comme s’il devait montrer, à lui-même et au monde, qu’il est du bon côté. Celui des dominés, en l’occurrence des dominées. Militantisme et sociologie – sa discipline – ne font plus qu’un dans un certain nombre de domaines de recherche. En première année de «socio», on apprenait pourtant à distinguer le discours de l’acteur de celui de l’observateur.</p> <p>Ce précieux conseil, qui permet d’entretenir la veille démocratique, ne semble plus partagé par tous les observateurs des phénomènes de société. La prose «féministe» de Gabriel Bender rend compte d’une confusion des statuts certainement volontaire. Chez lui, les termes du combat paraissent ne pas devoir être discutés, celui de patriarcat, par exemple. Or ce n’est pas parce que le patriarcat existe en tant que phénomène historique que le mot n’est pas utilisé dans la période actuelle comme une ressource discursive mise au service d’un intérêt.</p> <p>Contrairement à quelques-uns éprouvant le besoin d’exposer leur vertu, je n’ai pas pour habitude de dire dans un texte ce que je pense profondément. Parce que je me dis qu’un individu, au hasard, un lecteur, une lectrice, peut parfaitement faire crédit à un autre individu de son appartenance à la bonne part de l’humanité même si ce dernier dévie, autrement dit s’accorde le droit de questionner des tendances. Le fait de dévier, de pouvoir le faire, est gage de bonne santé démocratique. Cela ne veut pas dire qu’on est en droit d’imposer son point de vue aux autres. 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Voilà pour ce que je pense.</p> <p>Maintenant, ce que je comprends. C’est plus pudique et de mon point de vue, plus intéressant, même si je peux parfaitement concevoir la nécessité et l’intérêt de récits à la première personne. Mon article sur le site de <i>Marianne</i> ne porte pas sur les faits présumés de harcèlement révélés par <i>Le Temps</i>. Je renvoie d’ailleurs dès le premier paragraphe à l’enquête du quotidien romand datée du 29 octobre. Il me semble que beaucoup, en France aussi, savent de quoi il retourne avec cette «Tour».</p> <p>Non, l’angle de mon article porte sur une action politique, menée essentiellement par des femmes, lesquelles exercent une pression dans un rapport de force en vue de l’obtention d’un résultat. On dirait que cette approche universelle a rendu Gabriel Bender tout drôle. Que comprendre en creux de ses arguments à lui? 1) Qu’un combat mené par des femmes se doit d’être protégé, parce que tout combat féminin serait empreint de fragilité. 2) Que des femmes sont au fond incapables de tactique, qu’elles sont toujours «entières», comme si parler de manœuvre à leur sujet, c’était implicitement en référer aux vieux schémas de ruse, de rouerie, voire de sorcellerie associés aux femmes durant des siècles.</p> <p>Mais on est de son temps ou on ne l’est pas. Il s’agit bien pour des femmes de la RTS, et pour des hommes avec elles, de tirer parti, c’est-à-dire avantage d’une situation à l’origine défavorable. C’est ce qui s’appelle faire de la politique. Mais encore une fois, tout combat politique conduit par des femmes devrait-il être assimilé seulement à du «militantisme», notion contenant en elle un statut de dominé, et par-là échapper à la critique ordinaire? Ne serait-ce pas là jouer sur les «deux tableaux», celui de la victime à qui réparation est due et celui du citoyen à qui tout revient une fois la victoire acquise? Aussi je propose qu’on laisse la démocratie trancher sur les reformes sociétales voulues par le «collectif du 14 juin». Et que le droit remplisse son office pour les cas de harcèlement et mobbing présumés.</p> <p>Il y a de la mauvaise foi dans le texte de Gabriel Bender. A tout le moins des imprécisions. J’en veux pour preuve ce passage où il comprend de travers ce qui est pourtant clair: personne, parmi les salariés de la RTS, ne pousse, contrairement à ce qu’il affirme, la femme que je cite anonymement à produire un «faux témoignage», soit des accusations de harcèlement qu’elle n’aurait pas subi. 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A son arrivée au Conseil national, en décembre 2011, le docteur Pierre-Alain Fridez s’est retrouvé, sans l’avoir demandé, dans la Commission de politique de sécurité. Lui qui rêvait de s’occuper de santé… En réalité, cet ancien partisan de l’abolition de l’armée – il avait voté « oui » en 1989 – a tout de suite « croché » à cette matière. D’emblée, il a été membre d’une commission d’enquête parlementaire relative à la procédure d’acquisition des avions de combat Gripen. Quelque chose de très concret, d’assez excitant. Et maintenant, de sa part, un livre programmatique dans un domaine devenu familier.
A quel moment avez-vous décidé d’écrire ce livre?
Cela date de ma participation, en 2014, à l’émission «Infrarouge» de la RTS dans le cadre de la campagne pro et anti-Gripen, justement. Sur le plateau, je faisais figure d’opposant face au chef du Département de la défense Ueli Maurer. Qui, à l’appui de son plaidoyer, m’invitait à aller voir en Ukraine, à 2000 km de chez nous, où la guerre sévissait. Ma réponse avait été très mauvaise. J’ai alors commencé à potasser le sujet. Après ma réélection en 2015, je suis entré au Conseil de l’Europe. Ce fut comme un déclic. Roger Nordmann, président du groupe socialiste au parlement fédéral, qui a préfacé mon livre, m’a proposé de rédiger une sorte de « livre blanc » sur les affaires de défense à l’attention du Parti socialiste.
Le PS a une culture antimilitariste…
Je n’ignore pas que le PS est historiquement abolitionniste. Mais voilà, à Berne se votent les crédits, c’est là qu’on essaie d’améliorer les choses. Je me suis donc lancé dans ce travail. J’ai lu une cinquantaine de bouquins. J’ai rédigé en 2017 un rapport d’une quarantaine de pages, devenu l’année suivante une base idéologique du groupe parlementaire socialiste sur ces aspects.
De 140'000 à 60'000 hommes
Quelle armée préconisez-vous?
Je propose de réduire les effectifs. Ils passeraient de 140'000 à 60'000 hommes. Ce nombre comprendrait une réserve d’environ 30'000 hommes, mobilisables quelques années encore après la fin de leur service pour parer à des coups durs, un peu sur le modèle du système «Sentinelle» mis sur pied en France suite aux attentats djihadistes. Le budget annuel de l’armée, lui, passerait de 5 à 4 milliards de francs.
Un milliard en moins?
Ce milliard d’économisé ne serait pas perdu, si j’ose dire. Cinq cents millions serviraient, premièrement, à renforcer les effectifs policiers cantonaux et municipaux de 3000 postes sur un total aujourd’hui de plus de 20 000, à étoffer de 10% le nombre actuel de 2000 garde-frontières. Le demi-milliard restant serait ventilé de la manière suivante: 100 millions permettraient, d’une part, de doubler, à 500 hommes, le contingent déployé à l’étranger dans des missions de promotion de la paix, pour l’heure principalement au Kosovo ; d’autre part, de renforcer les centres de la Confédération à vocation internationale établis à Genève, actifs dans la politique de sécurité, le déminage et le contrôle démocratique des forces armées. L’idée maîtresse étant que la paix générée dans le monde, c’est autant de paix chez nous.
Il reste 400 millions à distribuer.
Ces derniers 400 millions abonderaient l’aide publique au développement, à destination de l’Afrique essentiellement. D’un peu moins de 0,5% en 2020, la part du PIB suisse consacré à ce secteur passerait à 0,7%. Le principe étant, là aussi, qu’en oeuvrant à la diminution des tensions sur le continent africain, la Suisse contribue au maintien des populations sur place et par conséquent à la diminution des migrations, qui sont parfois facteurs de drames et de crispations.
«Le grand mythe national est celui de la dernière guerre»
On voit bien ce que vous voudriez faire de ce milliard gagné sur le budget ordinaire. Mais quelles seraient les missions de l’autre armée, celle à 4 milliards de francs?
Attardons-nous sur ses missions actuelles. Elles sont de défendre tous azimuts le pays, son rôle de toujours. Le grand mythe national qui guide l’armée est celui de la dernière guerre. Des forces massives étaient positionnées aux frontières et auraient de la sorte empêché une invasion. Je tiens à affirmer tout mon respect pour les militaires de l’époque, mais nous savons bien que l’Allemagne n’avait pas besoin de nous envahir pour satisfaire ses plans de conquêtes. Nous avons collaboré avec elle, légèrement de façon active, si je puis dire, en lui fournissant des devises contre de l’or et en permettant à une partie de ses matériels de transiter par notre territoire. Puis est venue la guerre froide. Les hommes suisses entre 20 et 50 se tinrent sur le pied de guerre, suivant cette logique très westphalienne d’un Etat indépendant mettant tout en œuvre pour parer une attaque d’un Etat à ses portes.
L’ancien ministre de la Défense Adolf Ogi a brisé cette logique dans les années 1990.
La chute du mur de Berlin a en effet marqué une rupture avec cette doctrine, mais pas complètement. Les effectifs de l’armée sont certes descendus, par paliers, de 500 000 à 140 000 hommes, dont une réserve de 40 000, mais la mission dans son acception traditionnelle est restée : défendre le pays, comme si nous étions seuls contre tous, selon la théorie de l’Alleingang, la voie solitaire. Or, les choses ont énormément changé. C’est ce que j’ai voulu montrer dans mon livre au terme d’un analyse géostratégique.
La doctrine suisse en matière d’armement est de disposer de la panoplie la plus complète, tant pour les Forces terrestres que pour les Forces aériennes. C’est cela que vous contestez.
Je le conteste d’autant plus que la plupart de nos armements sont obsolètes et que cela coûterait à la Suisse des sommes considérables pour les mettre à niveau. Nous venons de racheter des lance-mines pour 200 millions de francs, nous voulons à présent réparer pour 500 millions des chars Leopard, d’autres acquisitions encore sont prévues. Nous sommes à la croisée des chemins, c’est le moment de faire les bons choix d’armement, à partir d’une analyse réelle des risques auxquels notre pays pourrait être confronté.
L’armée en soutien des forces de police
Quels sont ces risques?
Ils sont hybrides: le terrorisme, les cyber-attaques, la criminalité aux frontières, à quoi il faut ajouter les risques liés au réchauffement climatique et aux pandémies. Les personnels devant être mis en première ligne sont à mon avis les forces de police, ainsi que le corps des garde-frontières, aidés par le renseignement. L’armée serait déployée de manière subsidiaire, en soutien, si les choses devaient devenir chaotiques. Il y a ensuite les menaces venant de l’espace aérien. On pense à des missiles balistiques, de croisière, à des attaques par drones. Ce sont là des armes du faible, que des terroristes ou des Etats comme l’Iran, entre autres, pourraient utiliser, même si le pays cité n’a pas l’intention de s’en prendre à la Suisse. Le Conseil fédéral le dit bien d’ailleurs: la Suisse n’a pas d’ennemis identifiables.
Soit, mais quelle place resterait à la défense conventionnelle?
Prenons les Forces terrestres. L’armée redimensionnée garderait des forces combattantes mécanisées, des troupes du génie, un peu d’artillerie et un peu de tanks. Le nombre d’hélicoptères, matériel très utile dans une topographie comme la nôtre, devrait être augmenté en passant de 45 actuellement à 20 ou 30 de plus.
«Le char, un monstre aux pieds d’argile»
Les blindés, au rebut?
Le problème du blindé, c’est qu’il s’inscrit dans un combat de nature ancienne. Son rôle est de tirer sur d’autres blindés. C’est une arme qui a fait très peur par le passé. Mais depuis, il y a eu la découverte de la charge creuse qui perce les blindages. Pour y remédier, on a créé un monstre, avec double couche de blindage, d’où un poids plus important et une vitesse réduite, qui ne peut plus progresser sur tous les terrains, d’autant moins dans un pays comme la Suisse, avec ses cours d’eau, ses zones escarpées et boueuses. Cette arme qui coûte très cher est une cible idéale, dont la seule fonction, en fait, est son canon. Et les armes pour le détruire sont aujourd’hui légion. C’est bien un monstre aux pieds d’argile, dont l’avenir est certainement compromis.
Le char d’assaut n’en reste pas moins une arme de projection terrestre, plus offensive que défensive. Du temps de la guerre froide, les Leopard suisses, aujourd’hui au nombre de 134 dans leur version modernisée, étaient censés aller à la rencontre de l’ennemi, au-delà des frontières nationales.
Oui, mais comme il n’y aura pas d’invasion à l’avenir et vu que cette arme est devenue d’une fragilité extrême, elle n’a plus beaucoup de sens. Les guerres de demain – les Américains et les Israéliens nous en donnent un aperçu – emploieront des armes dites chirurgicales. Désormais aussi, le but des armées, c’est d’épargner au maximum la vie des soldats, une denrée rare et peut-être devenue très précieuse.
Combien de blindés resteraient d’«attaque»? Combien de Leopard, d’obusiers M-109, de chars de grenadiers 2000?
Quelques pièces, pour l’entraînement et donc la préparation à un combat hypothétique. Il y a des personnes plus compétentes que moi pour répondre à ces question chiffrées. Le principal est d’acquérir des matériels légers, pouvant acheminer rapidement des soldats en renfort des forces de police. Je prévois aussi une force commando comprenant entre 500 et 1000 hommes.
«Je propose l’achat d’une vingtaine de chasseurs italiens Aermacchi M-346»
En septembre, le peuple suisse se prononcera sur une dépense de 6 milliards de francs pour remplacer les avions de combat F/A-18 vieillissants. Vous, comme le reste du PS, êtes opposé à ce crédit d’armement. Pourquoi?
La dépense réelle pour ces futurs avions, peut-être une trentaine, ne sera pas de 6 milliards de francs, mais de trois à quatre fois plus. Rien que les coûts d’entretien se monteraient à 300 millions de francs par an, soit 9 milliards sur 30 ans. A quoi s’ajouteraient les coûts des mises à niveau, six milliards de plus. On arrive à un prix total dépassant les 20 milliards. Une dépense folle.
Que proposez-vous à la place?
Je propose une modernisation de nos 30 F/A-18. Plus l’achat d’une vingtaine de chasseurs italiens Aermacchi M-346, plus légers, plus petits et nettement moins chers que le chasseur ultrasophistiqué F-35 de l’Américain Lockheed Martin, le Rafale de Dassault ou l’Eurofighter dont l’armée suisse pourrait vouloir se doter.
Des missiles sol-air de type Patriot
Quelles seraient les missions de cette chasse aérienne?
Reprenons les choses à la base. La défense aérienne repose sur deux piliers. L’aviation et le système sol-air. Or, notre système sol-air est complètement obsolète. Nous sommes nuls en ce domaine. Nous sommes à la merci de missiles. Il s’agirait de mettre sur pied un système radar de détection précoce couplé à une batterie de différentes sortes de missiles sol-air, à longue distance, de type Patriot, par exemple, pour intercepter des missiles, ou à plus courte distance, de type Stinger, pour un combat plus rapproché contre des hélicoptères de combat, entre autres. L’idée centrale ici n’est plus le combat en vol, chasseurs contre chasseurs, mais le combat sol-air.
Dès lors, à quoi bon conserver des avions de combat?
Un avion de combat ne peut rien faire contre un missile tiré depuis l’Iran, par exemple. Mais les avions de chasse peuvent en revanche servir de police aérienne en temps de paix. Selon la convention de La Haye, dont la Suisse est signataire, notre pays est responsable de la police de l’air de son espace. Pour assurer cette mission multiple (identifier, intercepter, porter secours à un aéronef, sécuriser une partie de l’espace aérien lors d’un événement international), la Suisse n’a pas besoin d’une star de l’aviation de combat.
Cinquante avions ne sont peut-être pas nécessaires à cette mission de police, non?
Cette mission de police serait remplie par les Aermacchi M-346, armés. Ces avions volent à la vitesse maximum de Mach 1, soit un peu plus vite qu’un avion civil standard. Cela nous permettrait de faire durer les F/A-18, acquis à la fin des années 90. Les partisans de l’achat d’un nouvel avion de combat prétendent que les F/A-18 sont moribonds. Or après le refus du Gripen en 2014, et alors que la durée de vie d’un F/A-18 était théoriquement de 5000 heures, celle-ci a été augmentée à 6000 heures par le Conseil fédéral qui a déboursé des centaines de millions de francs pour ce faire. Aux Etats-Unis, on les fait voler jusqu’à 8000 heures. Il faudrait garder les F/A-18 pour, là encore, des missions plus dangereuses, de type conventionnel, qui pourraient survenir, et je mets à cette survenance un point d’interrogation. La seule utilité possible de trente avions de combat superperformants réside dans un combat contre une flottille d’avions de chasse ennemis qui envahiraient la Suisse. Et dans ce cas de figure inimaginable, cela voudrait dire que l’Otan aurait été battu.
«L’Otan est objectivement notre camp»
On pourrait imaginer que les F/A-18 soient la dot aérienne de la Suisse à un partenariat de défense en Europe.
Par exemple. Mais n’en parlons pas, nous sommes neutres…
Neutres jusqu’à ce que survienne une attaque, d’on ne sait qui, visant l’Europe et la Suisse aussi…
Nous entrerions alors dans l’Otan, c’est clair. Cette fausse pudeur ne date pas d’aujourd’hui. Dans mon livre, je fais référence à un accord secret de 1955 entre le chef du Département militaire Paul Chaudet et l’Otan. En cas de nouvelle guerre mondiale, la Suisse se serait alignée sur l’Otan contre le bloc de l’Est. Nous avions choisi notre camp, celui de l’Otan, et c’est objectivement toujours le nôtre, pour l’heure encore le plus puissant du monde. La Suisse est le passager clandestin de l’Otan. Ce n’est pas pour rien si nous sommes membres du Partenariat pour la paix du Traité de l'Atlantique Nord, où la Suisse devrait, à mon sens, jouer un plus grand rôle. Nous bénéficions, il faut bien le dire, d’une protection d’office à l’endroit où nous nous trouvons en Occident.
N’est-ce pas étrange, dans ces conditions, de maintenir le principe de la neutralité?
Il faut conserver cette neutralité, elle est constitutive de notre ADN. Mais elle ne doit pas nous rendre passifs. La neutralité nous oblige à un certain engagement, essentiellement moral. Nous devons continuer d’agir avec nos bons offices, avec la Croix-Rouge. Nous sommes respectés pour cela. C’est une manière de payer notre dû aux pays qui nous entourent et qui, de fait, nous protègent. Je suis pour une neutralité active et favorable à l’entrée de la Suisse dans le Conseil de sécurité de l’ONU (en tant que membre non-permanent, pour la période 2023-2024, ndlr). Nous devons être, non une puissance armée, mais une puissance de paix.
«La sécurité est un droit»
L’armée que vous souhaitez n’est-elle pas celle d’un Etat policier? Avec une défense conventionnelle, préparée pour une guerre conventionnelle, on a au moins l’assurance que l’armée restera dans ses casernes, même si en Suisse, comme ailleurs, l’armée a parfois prêté main-forte à l’autorité civile et tiré sur la foule, comme en 1932 à Genève. Votre armée ressemble beaucoup à une force supplétive des forces de l’ordre, non? Les chars de grenadiers, on les voit déjà positionnés à des carrefours…
Mais nous sommes en Suisse, et c’est très différent d’ailleurs. La police, chez nous, est un instrument qui a très fortement évolué. Dans ma jeunesse, j’étais un militant qui a manifesté à Berne, en 1978 sauf erreur, contre la Police fédérale de sécurité voulue par le conseiller fédéral Kurt Furgler. J’étais moi-même fiché à cette l’époque. Si, aujourd’hui, je suis favorable à un service de renseignement fort, je suis tout aussi favorable à contrôle démocratique fort de ce service. Ensuite, chez nous toujours, les polices sont cantonales. Nos policiers ont appris, beaucoup plus, peut-être, que dans un système français, à être avec les gens et à les défendre. Nous n’avons en Suisse quasiment pas d’émeutes. La police est respectée. De plus, la sécurité est un droit. Face à la criminalité organisée, face au terrorisme, le citoyen doit accepter de perdre une toute petite part de sa souveraineté pour pouvoir vivre en paix dans un pays qui le protège.
La gauche pacifiste ne va pas vous louper…
Oui, je m’attends à des critiques sur un soi-disant renforcement de l’« Etat policier ». Moi, socialiste ancien antimilitariste, ayant participé à des comités de soldats, on va me reprocher d’être devenu, avec l’âge, quelqu’un de très pragmatique. Or je ne fais que prendre en compte le besoin de sécurité. Demander, aujourd’hui, l’abolition de l’armée a quelque chose de très fleur bleue.
L’autre reproche auquel vous risquez d’être confronté, à droite bien sûr, mais aussi à gauche pour des raisons inverses, est relatif au maintien d’un budget encore bien rondelet pour la sécurité proprement dite, défense redimensionnée et promotion de la paix réunies, moins la rallonge à l’aide au développement: 4,6 milliards de francs. Pourquoi pas 3 milliards, pourquoi pas 2?
Comme parlementaire à Berne et comme membre du Conseil de l’Europe, j’ai acquis une certaine expérience, ce que j’appelle un pragmatisme ou un réalisme. Je propose quelque chose qui se veut une voie du consensus entre, d'un côté, la volonté de l’armée d’augmenter progressivement les dépenses à 6 milliards par année et, de l'autre côté, la gauche abolitionniste. En effet, à partir de 2021, le budget de la Défense augmentera de 1,4% par an, ce qui fera un milliard supplémentaire dans une douzaine d’années. Actuellement, sur 5 milliards, trois vont au fonctionnement, un autre milliard à l’achat de nouveaux armements et le milliard restant aux travaux d’étude, à l’entretien des bâtiments, à la munition, etc. Les militaires voudraient passer de un milliard d’achat d’armement à deux milliards. Le risque est grand que cela se fasse au détriment des dépenses sociales.
«Notre démocratie directe permet d’amortir les chocs sociétaux»
On constate ces dernières années une défiance envers les institutions, presse comprise, qui se traduit par une prolifération de vérités alternatives. Emergent aussi, principalement à gauche, un nouvel antiracisme, un néo-féminisme, un activisme pro-climat qui entendent refonder les hiérarchies, qui parfois ne reconnaissent plus comme légitimes des décisions politiques ou judiciaires découlant pourtant du cadre démocratique mais jugées non conformes aux « urgences ». Sans oublier l’extrême droite, ne sont-ce pas là également des menaces pour la cohésion sociale, autrement dit pour la sécurité du pays?
En dehors des risques liés au terrorisme djihadiste et aux cyber-attaques, les services de renseignement suisses surveillent les milieux d’extrême-droite. Les milieux d’extrême-gauche aussi, mais surtout l’extrême-droite. En Suisse, il y a beaucoup de combats. Notre système de démocratie directe, ouverte aux propositions, dont celles émanant des courants sociétaux que vous décrivez, permet d’amortir les chocs. Je ne ressens pas du tout ces forces progressistes comme dangereuses. Le fait d’avoir une police respectée, une armée redimensionnée et beaucoup plus ouverte sur le monde, tout cela ne peut que contribuer à la paix sociale dans notre pays, de manière globale à ce que le Parti socialiste appelle la sécurité humaine.
Quelles leçons sécuritaires tirez-vous de la pandémie du Covid-19, dont la Suisse et le monde ne sont toujours pas sortis?
Une pandémie, le passé nous renseigne à ce sujet, peut provoquer de grandes déstructurations politiques. La maladie, la notion de mort, la détresse sociale que cela engendre peut rebattre les valeurs. Nous avons donc tout intérêt à utiliser notre argent comme l’a fait le Conseil fédéral, pour soutenir l’appareil économique et par conséquents les citoyens. La paix sociale est à ce prix, cela en vaut le peine.
Savez-vous si vos thèses convainquent dans l’armée?
Il y a des personnes dans l’institution militaire qui partagent mes idées, mais il faut comprendre que les militaires ont un autre logiciel que le mien. Ils sont le produit d’une éducation et de valeurs difficiles à faire bouger. Feu le commandant de corps Christophe Keckeis disait de moi que j’étais un « socialiste intelligent ». Certes, à ses yeux, je n’avais pas tout compris sur tout. Mais il reconnaissait que mon intention, contrairement à ce que d’autres ne se priveront pas d’affirmer, n’était pas de démolir la maison militaire, mais d’en modifier l’arrangement.
Propos recueillis par Antoine Menusier
Pierre-Alain Fridez, Sécurité et défense de la Suisse. Casser les tabous, oser les solutions, éditions Favre, 169 pages.
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Roger Nordmann, président du groupe socialiste au parlement fédéral, qui a préfacé mon livre, m’a proposé de rédiger une sorte de « livre blanc » sur les affaires de défense à l’attention du Parti socialiste.</p> <p><em><strong>Le PS a une culture antimilitariste…</strong></em></p> <p>Je n’ignore pas que le PS est historiquement abolitionniste. Mais voilà, à Berne se votent les crédits, c’est là qu’on essaie d’améliorer les choses. Je me suis donc lancé dans ce travail. J’ai lu une cinquantaine de bouquins. J’ai rédigé en 2017 un rapport d’une quarantaine de pages, devenu l’année suivante une base idéologique du groupe parlementaire socialiste sur ces aspects.</p> <h3>De 140'000 à 60'000 hommes</h3> <p><em><strong>Quelle armée préconisez-vous?</strong></em></p> <p>Je propose de réduire les effectifs. Ils passeraient de 140'000 à 60'000 hommes. Ce nombre comprendrait une réserve d’environ 30'000 hommes, mobilisables quelques années encore après la fin de leur service pour parer à des coups durs, un peu sur le modèle du système «Sentinelle» mis sur pied en France suite aux attentats djihadistes. Le budget annuel de l’armée, lui, passerait de 5 à 4 milliards de francs.</p> <p><em><strong>Un milliard en moins?</strong></em></p> <p>Ce milliard d’économisé ne serait pas perdu, si j’ose dire. Cinq cents millions serviraient, premièrement, à renforcer les effectifs policiers cantonaux et municipaux de 3000 postes sur un total aujourd’hui de plus de 20 000, à étoffer de 10% le nombre actuel de 2000 garde-frontières. Le demi-milliard restant serait ventilé de la manière suivante: 100 millions permettraient, d’une part, de doubler, à 500 hommes, le contingent déployé à l’étranger dans des missions de promotion de la paix, pour l’heure principalement au Kosovo ; d’autre part, de renforcer les centres de la Confédération à vocation internationale établis à Genève, actifs dans la politique de sécurité, le déminage et le contrôle démocratique des forces armées. L’idée maîtresse étant que la paix générée dans le monde, c’est autant de paix chez nous.</p> <p><em><strong>Il reste 400 millions à distribuer.</strong></em></p> <p>Ces derniers 400 millions abonderaient l’aide publique au développement, à destination de l’Afrique essentiellement. D’un peu moins de 0,5% en 2020, la part du PIB suisse consacré à ce secteur passerait à 0,7%. Le principe étant, là aussi, qu’en oeuvrant à la diminution des tensions sur le continent africain, la Suisse contribue au maintien des populations sur place et par conséquent à la diminution des migrations, qui sont parfois facteurs de drames et de crispations.</p> <h3>«Le grand mythe national est celui de la dernière guerre»</h3> <p><em><strong>On voit bien ce que vous voudriez faire de ce milliard gagné sur le budget ordinaire. Mais quelles seraient les missions de l’autre armée, celle à 4 milliards de francs?</strong></em></p> <p>Attardons-nous sur ses missions actuelles. Elles sont de défendre tous azimuts le pays, son rôle de toujours. Le grand mythe national qui guide l’armée est celui de la dernière guerre. Des forces massives étaient positionnées aux frontières et auraient de la sorte empêché une invasion. Je tiens à affirmer tout mon respect pour les militaires de l’époque, mais nous savons bien que l’Allemagne n’avait pas besoin de nous envahir pour satisfaire ses plans de conquêtes. Nous avons collaboré avec elle, légèrement de façon active, si je puis dire, en lui fournissant des devises contre de l’or et en permettant à une partie de ses matériels de transiter par notre territoire. Puis est venue la guerre froide. Les hommes suisses entre 20 et 50 se tinrent sur le pied de guerre, suivant cette logique très westphalienne d’un Etat indépendant mettant tout en œuvre pour parer une attaque d’un Etat à ses portes.</p> <p><em><strong>L’ancien ministre de la Défense Adolf Ogi a brisé cette logique dans les années 1990.</strong></em></p> <p>La chute du mur de Berlin a en effet marqué une rupture avec cette doctrine, mais pas complètement. Les effectifs de l’armée sont certes descendus, par paliers, de 500 000 à 140 000 hommes, dont une réserve de 40 000, mais la mission dans son acception traditionnelle est restée : défendre le pays, comme si nous étions seuls contre tous, selon la théorie de l’<i>Alleingang</i>, la voie solitaire. Or, les choses ont énormément changé. C’est ce que j’ai voulu montrer dans mon livre au terme d’un analyse géostratégique.</p> <p><em><strong>La doctrine suisse en matière d’armement est de disposer de la panoplie la plus complète, tant pour les Forces terrestres que pour les Forces aériennes. C’est cela que vous contestez.</strong></em></p> <p>Je le conteste d’autant plus que la plupart de nos armements sont obsolètes et que cela coûterait à la Suisse des sommes considérables pour les mettre à niveau. Nous venons de racheter des lance-mines pour 200 millions de francs, nous voulons à présent réparer pour 500 millions des chars Leopard, d’autres acquisitions encore sont prévues. Nous sommes à la croisée des chemins, c’est le moment de faire les bons choix d’armement, à partir d’une analyse réelle des risques auxquels notre pays pourrait être confronté.</p> <h3>L’armée en soutien des forces de police</h3> <p><em><strong>Quels sont ces risques?</strong></em></p> <p>Ils sont hybrides: le terrorisme, les cyber-attaques, la criminalité aux frontières, à quoi il faut ajouter les risques liés au réchauffement climatique et aux pandémies. Les personnels devant être mis en première ligne sont à mon avis les forces de police, ainsi que le corps des garde-frontières, aidés par le renseignement. L’armée serait déployée de manière subsidiaire, en soutien, si les choses devaient devenir chaotiques. Il y a ensuite les menaces venant de l’espace aérien. On pense à des missiles balistiques, de croisière, à des attaques par drones. Ce sont là des armes du faible, que des terroristes ou des Etats comme l’Iran, entre autres, pourraient utiliser, même si le pays cité n’a pas l’intention de s’en prendre à la Suisse. Le Conseil fédéral le dit bien d’ailleurs: la Suisse n’a pas d’ennemis identifiables.</p> <p><em><strong>Soit, mais quelle place resterait à la défense conventionnelle? </strong></em></p> <p>Prenons les Forces terrestres. L’armée redimensionnée garderait des forces combattantes mécanisées, des troupes du génie, un peu d’artillerie et un peu de tanks. Le nombre d’hélicoptères, matériel très utile dans une topographie comme la nôtre, devrait être augmenté en passant de 45 actuellement à 20 ou 30 de plus.</p> <h3>«Le char, un monstre aux pieds d’argile»</h3> <p><em><strong>Les blindés, au rebut?</strong></em></p> <p>Le problème du blindé, c’est qu’il s’inscrit dans un combat de nature ancienne. Son rôle est de tirer sur d’autres blindés. C’est une arme qui a fait très peur par le passé. Mais depuis, il y a eu la découverte de la charge creuse qui perce les blindages. Pour y remédier, on a créé un monstre, avec double couche de blindage, d’où un poids plus important et une vitesse réduite, qui ne peut plus progresser sur tous les terrains, d’autant moins dans un pays comme la Suisse, avec ses cours d’eau, ses zones escarpées et boueuses. Cette arme qui coûte très cher est une cible idéale, dont la seule fonction, en fait, est son canon. Et les armes pour le détruire sont aujourd’hui légion. C’est bien un monstre aux pieds d’argile, dont l’avenir est certainement compromis.</p> <p><em><strong>Le char d’assaut n’en reste pas moins une arme de projection terrestre, plus offensive que défensive. Du temps de la guerre froide, les Leopard suisses, aujourd’hui au nombre de 134 dans leur version modernisée, étaient censés aller à la rencontre de l’ennemi, au-delà des frontières nationales.</strong></em></p> <p>Oui, mais comme il n’y aura pas d’invasion à l’avenir et vu que cette arme est devenue d’une fragilité extrême, elle n’a plus beaucoup de sens. Les guerres de demain – les Américains et les Israéliens nous en donnent un aperçu – emploieront des armes dites chirurgicales. Désormais aussi, le but des armées, c’est d’épargner au maximum la vie des soldats, une denrée rare et peut-être devenue très précieuse.</p> <p><em><strong>Combien de blindés resteraient d’«attaque»? Combien de Leopard, d’obusiers M-109, de chars de grenadiers 2000? </strong></em></p> <p>Quelques pièces, pour l’entraînement et donc la préparation à un combat hypothétique. Il y a des personnes plus compétentes que moi pour répondre à ces question chiffrées. Le principal est d’acquérir des matériels légers, pouvant acheminer rapidement des soldats en renfort des forces de police. Je prévois aussi une force commando comprenant entre 500 et 1000 hommes.</p> <h3>«Je propose l’achat d’une vingtaine de chasseurs italiens Aermacchi M-346»</h3> <p><em><strong>En septembre, le peuple suisse se prononcera sur une dépense de 6 milliards de francs pour remplacer les avions de combat F/A-18 vieillissants. Vous, comme le reste du PS, êtes opposé à ce crédit d’armement. Pourquoi?</strong></em></p> <p>La dépense réelle pour ces futurs avions, peut-être une trentaine, ne sera pas de 6 milliards de francs, mais de trois à quatre fois plus. Rien que les coûts d’entretien se monteraient à 300 millions de francs par an, soit 9 milliards sur 30 ans. A quoi s’ajouteraient les coûts des mises à niveau, six milliards de plus. On arrive à un prix total dépassant les 20 milliards. Une dépense folle.</p> <p><strong><em>Que proposez-vous à la place?</em></strong></p> <p>Je propose une modernisation de nos 30 F/A-18. Plus l’achat d’une vingtaine de chasseurs italiens Aermacchi M-346, plus légers, plus petits et nettement moins chers que le chasseur ultrasophistiqué F-35 de l’Américain Lockheed Martin, le Rafale de Dassault ou l’Eurofighter dont l’armée suisse pourrait vouloir se doter.</p> <h3>Des missiles sol-air de type Patriot</h3> <p><em><strong>Quelles seraient les missions de cette chasse aérienne? </strong></em></p> <p>Reprenons les choses à la base. La défense aérienne repose sur deux piliers. L’aviation et le système sol-air. Or, notre système sol-air est complètement obsolète. Nous sommes nuls en ce domaine. Nous sommes à la merci de missiles. Il s’agirait de mettre sur pied un système radar de détection précoce couplé à une batterie de différentes sortes de missiles sol-air, à longue distance, de type Patriot, par exemple, pour intercepter des missiles, ou à plus courte distance, de type Stinger, pour un combat plus rapproché contre des hélicoptères de combat, entre autres. L’idée centrale ici n’est plus le combat en vol, chasseurs contre chasseurs, mais le combat sol-air.</p> <p><em><strong>Dès lors, à quoi bon conserver des avions de combat?</strong></em></p> <p>Un avion de combat ne peut rien faire contre un missile tiré depuis l’Iran, par exemple. Mais les avions de chasse peuvent en revanche servir de police aérienne en temps de paix. Selon la convention de La Haye, dont la Suisse est signataire, notre pays est responsable de la police de l’air de son espace. Pour assurer cette mission multiple (identifier, intercepter, porter secours à un aéronef, sécuriser une partie de l’espace aérien lors d’un événement international), la Suisse n’a pas besoin d’une star de l’aviation de combat.</p> <p><em><strong>Cinquante avions ne sont peut-être pas nécessaires à cette mission de police, non?</strong></em></p> <p>Cette mission de police serait remplie par les Aermacchi M-346, armés. Ces avions volent à la vitesse maximum de Mach 1, soit un peu plus vite qu’un avion civil standard. Cela nous permettrait de faire durer les F/A-18, acquis à la fin des années 90. Les partisans de l’achat d’un nouvel avion de combat prétendent que les F/A-18 sont moribonds. Or après le refus du Gripen en 2014, et alors que la durée de vie d’un F/A-18 était théoriquement de 5000 heures, celle-ci a été augmentée à 6000 heures par le Conseil fédéral qui a déboursé des centaines de millions de francs pour ce faire. Aux Etats-Unis, on les fait voler jusqu’à 8000 heures. Il faudrait garder les F/A-18 pour, là encore, des missions plus dangereuses, de type conventionnel, qui pourraient survenir, et je mets à cette survenance un point d’interrogation. La seule utilité possible de trente avions de combat superperformants réside dans un combat contre une flottille d’avions de chasse ennemis qui envahiraient la Suisse. Et dans ce cas de figure inimaginable, cela voudrait dire que l’Otan aurait été battu.</p> <h3>«L’Otan est objectivement notre camp»</h3> <p><em><strong>On pourrait imaginer que les F/A-18 soient la dot aérienne de la Suisse à un partenariat de défense en Europe.</strong></em></p> <p>Par exemple. Mais n’en parlons pas, nous sommes neutres…</p> <p><em><strong>Neutres jusqu’à ce que survienne une attaque, d’on ne sait qui, visant l’Europe et la Suisse aussi…</strong></em></p> <p>Nous entrerions alors dans l’Otan, c’est clair. Cette fausse pudeur ne date pas d’aujourd’hui. Dans mon livre, je fais référence à un accord secret de 1955 entre le chef du Département militaire Paul Chaudet et l’Otan. En cas de nouvelle guerre mondiale, la Suisse se serait alignée sur l’Otan contre le bloc de l’Est. Nous avions choisi notre camp, celui de l’Otan, et c’est objectivement toujours le nôtre, pour l’heure encore le plus puissant du monde. La Suisse est le passager clandestin de l’Otan. Ce n’est pas pour rien si nous sommes membres du Partenariat pour la paix <span>du Traité de l'Atlantique Nord</span>, où la Suisse devrait, à mon sens, jouer un plus grand rôle. Nous bénéficions, il faut bien le dire, d’une protection d’office à l’endroit où nous nous trouvons en Occident.</p> <p><em><strong>N’est-ce pas étrange, dans ces conditions, de maintenir le principe de la neutralité?</strong></em></p> <p>Il faut conserver cette neutralité, elle est constitutive de notre ADN. Mais elle ne doit pas nous rendre passifs. La neutralité nous oblige à un certain engagement, essentiellement moral. Nous devons continuer d’agir avec nos bons offices, avec la Croix-Rouge. Nous sommes respectés pour cela. C’est une manière de payer notre dû aux pays qui nous entourent et qui, de fait, nous protègent. Je suis pour une neutralité active et favorable à l’entrée de la Suisse dans le Conseil de sécurité de l’ONU (en tant que membre non-permanent, pour la période 2023-2024, <em>ndlr</em>). Nous devons être, non une puissance armée, mais une puissance de paix.</p> <h3>«La sécurité est un droit»</h3> <p><em><strong>L’armée que vous souhaitez n’est-elle pas celle d’un Etat policier? Avec une défense conventionnelle, préparée pour une guerre conventionnelle, on a au moins l’assurance que l’armée restera dans ses casernes, même si en Suisse, comme ailleurs, l’armée a parfois prêté main-forte à l’autorité civile et tiré sur la foule, comme en 1932 à Genève. Votre armée ressemble beaucoup à une force supplétive des forces de l’ordre, non? Les chars de grenadiers, on les voit déjà positionnés à des carrefours…</strong></em></p> <p>Mais nous sommes en Suisse, et c’est très différent d’ailleurs. La police, chez nous, est un instrument qui a très fortement évolué. Dans ma jeunesse, j’étais un militant qui a manifesté à Berne, en 1978 sauf erreur, contre la Police fédérale de sécurité voulue par le conseiller fédéral Kurt Furgler. J’étais moi-même fiché à cette l’époque. Si, aujourd’hui, je suis favorable à un service de renseignement fort, je suis tout aussi favorable à contrôle démocratique fort de ce service. Ensuite, chez nous toujours, les polices sont cantonales. Nos policiers ont appris, beaucoup plus, peut-être, que dans un système français, à être avec les gens et à les défendre. Nous n’avons en Suisse quasiment pas d’émeutes. La police est respectée. De plus, la sécurité est un droit. Face à la criminalité organisée, face au terrorisme, le citoyen doit accepter de perdre une toute petite part de sa souveraineté pour pouvoir vivre en paix dans un pays qui le protège.</p> <p><em><strong>La gauche pacifiste ne va pas vous louper…</strong></em></p> <p>Oui, je m’attends à des critiques sur un soi-disant renforcement de l’« Etat policier ». Moi, socialiste ancien antimilitariste, ayant participé à des comités de soldats, on va me reprocher d’être devenu, avec l’âge, quelqu’un de très pragmatique. Or je ne fais que prendre en compte le besoin de sécurité. Demander, aujourd’hui, l’abolition de l’armée a quelque chose de très fleur bleue.</p> <p><em><strong>L’autre reproche auquel vous risquez d’être confronté, à droite bien sûr, mais aussi à gauche pour des raisons inverses, est relatif au maintien d’un budget encore bien rondelet pour la sécurité proprement dite, défense redimensionnée et promotion de la paix réunies, moins la rallonge à l’aide au développement: 4,6 milliards de francs. Pourquoi pas 3 milliards, pourquoi pas 2?</strong></em></p> <p>Comme parlementaire à Berne et comme membre du Conseil de l’Europe, j’ai acquis une certaine expérience, ce que j’appelle un pragmatisme ou un réalisme. Je propose quelque chose qui se veut une voie du consensus entre, d'un côté, la volonté de l’armée d’augmenter progressivement les dépenses à 6 milliards par année et, de l'autre côté, la gauche abolitionniste. En effet, à partir de 2021, le budget de la Défense augmentera de 1,4% par an, ce qui fera un milliard supplémentaire dans une douzaine d’années. Actuellement, sur 5 milliards, trois vont au fonctionnement, un autre milliard à l’achat de nouveaux armements et le milliard restant aux travaux d’étude, à l’entretien des bâtiments, à la munition, etc. Les militaires voudraient passer de un milliard d’achat d’armement à deux milliards. Le risque est grand que cela se fasse au détriment des dépenses sociales.</p> <h3>«Notre démocratie directe permet d’amortir les chocs sociétaux»</h3> <p><strong><em>On constate ces dernières années une défiance envers les institutions, presse comprise, qui se traduit par une prolifération de vérités alternatives. Emergent aussi, principalement à gauche, un nouvel antiracisme, un néo-féminisme, un activisme pro-climat qui entendent refonder les hiérarchies, qui parfois ne reconnaissent plus comme légitimes des décisions politiques ou judiciaires découlant pourtant du cadre démocratique mais jugées non conformes aux « urgences ». Sans oublier l’extrême droite, ne sont-ce pas là également des menaces pour la cohésion sociale, autrement dit pour la sécurité du pays?</em></strong></p> <p>En dehors des risques liés au terrorisme djihadiste et aux cyber-attaques, les services de renseignement suisses surveillent les milieux d’extrême-droite. Les milieux d’extrême-gauche aussi, mais surtout l’extrême-droite. En Suisse, il y a beaucoup de combats. Notre système de démocratie directe, ouverte aux propositions, dont celles émanant des courants sociétaux que vous décrivez, permet d’amortir les chocs. Je ne ressens pas du tout ces forces progressistes comme dangereuses. Le fait d’avoir une police respectée, une armée redimensionnée et beaucoup plus ouverte sur le monde, tout cela ne peut que contribuer à la paix sociale dans notre pays, de manière globale à ce que le Parti socialiste appelle la sécurité humaine.</p> <p><em><strong>Quelles leçons sécuritaires tirez-vous de la pandémie du Covid-19, dont la Suisse et le monde ne sont toujours pas sortis?</strong></em></p> <p>Une pandémie, le passé nous renseigne à ce sujet, peut provoquer de grandes déstructurations politiques. La maladie, la notion de mort, la détresse sociale que cela engendre peut rebattre les valeurs. Nous avons donc tout intérêt à utiliser notre argent comme l’a fait le Conseil fédéral, pour soutenir l’appareil économique et par conséquents les citoyens. La paix sociale est à ce prix, cela en vaut le peine.</p> <p><em><strong>Savez-vous si vos thèses convainquent dans l’armée?</strong></em></p> <p>Il y a des personnes dans l’institution militaire qui partagent mes idées, mais il faut comprendre que les militaires ont un autre logiciel que le mien. Ils sont le produit d’une éducation et de valeurs difficiles à faire bouger. Feu le commandant de corps Christophe Keckeis disait de moi que j’étais un « socialiste intelligent ». Certes, à ses yeux, je n’avais pas tout compris sur tout. Mais il reconnaissait que mon intention, contrairement à ce que d’autres ne se priveront pas d’affirmer, n’était pas de démolir la maison militaire, mais d’en modifier l’arrangement.</p> <hr /> <h4>Propos recueillis par Antoine Menusier</h4> <h4><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1594912753_couverturedfinitivefridez260x99999.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="210" height="327" /></h4> <h4>Pierre-Alain Fridez, <em>Sécurité et défense de la Suisse. 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Après ma réélection en 2015, je suis entré au Conseil de l’Europe. Ce fut comme un déclic. Roger Nordmann, président du groupe socialiste au parlement fédéral, qui a préfacé mon livre, m’a proposé de rédiger une sorte de « livre blanc » sur les affaires de défense à l’attention du Parti socialiste.</p> <p><em><strong>Le PS a une culture antimilitariste…</strong></em></p> <p>Je n’ignore pas que le PS est historiquement abolitionniste. Mais voilà, à Berne se votent les crédits, c’est là qu’on essaie d’améliorer les choses. Je me suis donc lancé dans ce travail. J’ai lu une cinquantaine de bouquins. J’ai rédigé en 2017 un rapport d’une quarantaine de pages, devenu l’année suivante une base idéologique du groupe parlementaire socialiste sur ces aspects.</p> <h3>De 140'000 à 60'000 hommes</h3> <p><em><strong>Quelle armée préconisez-vous?</strong></em></p> <p>Je propose de réduire les effectifs. Ils passeraient de 140'000 à 60'000 hommes. Ce nombre comprendrait une réserve d’environ 30'000 hommes, mobilisables quelques années encore après la fin de leur service pour parer à des coups durs, un peu sur le modèle du système «Sentinelle» mis sur pied en France suite aux attentats djihadistes. Le budget annuel de l’armée, lui, passerait de 5 à 4 milliards de francs.</p> <p><em><strong>Un milliard en moins?</strong></em></p> <p>Ce milliard d’économisé ne serait pas perdu, si j’ose dire. Cinq cents millions serviraient, premièrement, à renforcer les effectifs policiers cantonaux et municipaux de 3000 postes sur un total aujourd’hui de plus de 20 000, à étoffer de 10% le nombre actuel de 2000 garde-frontières. Le demi-milliard restant serait ventilé de la manière suivante: 100 millions permettraient, d’une part, de doubler, à 500 hommes, le contingent déployé à l’étranger dans des missions de promotion de la paix, pour l’heure principalement au Kosovo ; d’autre part, de renforcer les centres de la Confédération à vocation internationale établis à Genève, actifs dans la politique de sécurité, le déminage et le contrôle démocratique des forces armées. L’idée maîtresse étant que la paix générée dans le monde, c’est autant de paix chez nous.</p> <p><em><strong>Il reste 400 millions à distribuer.</strong></em></p> <p>Ces derniers 400 millions abonderaient l’aide publique au développement, à destination de l’Afrique essentiellement. D’un peu moins de 0,5% en 2020, la part du PIB suisse consacré à ce secteur passerait à 0,7%. Le principe étant, là aussi, qu’en oeuvrant à la diminution des tensions sur le continent africain, la Suisse contribue au maintien des populations sur place et par conséquent à la diminution des migrations, qui sont parfois facteurs de drames et de crispations.</p> <h3>«Le grand mythe national est celui de la dernière guerre»</h3> <p><em><strong>On voit bien ce que vous voudriez faire de ce milliard gagné sur le budget ordinaire. Mais quelles seraient les missions de l’autre armée, celle à 4 milliards de francs?</strong></em></p> <p>Attardons-nous sur ses missions actuelles. Elles sont de défendre tous azimuts le pays, son rôle de toujours. Le grand mythe national qui guide l’armée est celui de la dernière guerre. Des forces massives étaient positionnées aux frontières et auraient de la sorte empêché une invasion. Je tiens à affirmer tout mon respect pour les militaires de l’époque, mais nous savons bien que l’Allemagne n’avait pas besoin de nous envahir pour satisfaire ses plans de conquêtes. Nous avons collaboré avec elle, légèrement de façon active, si je puis dire, en lui fournissant des devises contre de l’or et en permettant à une partie de ses matériels de transiter par notre territoire. Puis est venue la guerre froide. Les hommes suisses entre 20 et 50 se tinrent sur le pied de guerre, suivant cette logique très westphalienne d’un Etat indépendant mettant tout en œuvre pour parer une attaque d’un Etat à ses portes.</p> <p><em><strong>L’ancien ministre de la Défense Adolf Ogi a brisé cette logique dans les années 1990.</strong></em></p> <p>La chute du mur de Berlin a en effet marqué une rupture avec cette doctrine, mais pas complètement. Les effectifs de l’armée sont certes descendus, par paliers, de 500 000 à 140 000 hommes, dont une réserve de 40 000, mais la mission dans son acception traditionnelle est restée : défendre le pays, comme si nous étions seuls contre tous, selon la théorie de l’<i>Alleingang</i>, la voie solitaire. Or, les choses ont énormément changé. C’est ce que j’ai voulu montrer dans mon livre au terme d’un analyse géostratégique.</p> <p><em><strong>La doctrine suisse en matière d’armement est de disposer de la panoplie la plus complète, tant pour les Forces terrestres que pour les Forces aériennes. C’est cela que vous contestez.</strong></em></p> <p>Je le conteste d’autant plus que la plupart de nos armements sont obsolètes et que cela coûterait à la Suisse des sommes considérables pour les mettre à niveau. Nous venons de racheter des lance-mines pour 200 millions de francs, nous voulons à présent réparer pour 500 millions des chars Leopard, d’autres acquisitions encore sont prévues. 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Ce sont là des armes du faible, que des terroristes ou des Etats comme l’Iran, entre autres, pourraient utiliser, même si le pays cité n’a pas l’intention de s’en prendre à la Suisse. Le Conseil fédéral le dit bien d’ailleurs: la Suisse n’a pas d’ennemis identifiables.</p> <p><em><strong>Soit, mais quelle place resterait à la défense conventionnelle? </strong></em></p> <p>Prenons les Forces terrestres. L’armée redimensionnée garderait des forces combattantes mécanisées, des troupes du génie, un peu d’artillerie et un peu de tanks. Le nombre d’hélicoptères, matériel très utile dans une topographie comme la nôtre, devrait être augmenté en passant de 45 actuellement à 20 ou 30 de plus.</p> <h3>«Le char, un monstre aux pieds d’argile»</h3> <p><em><strong>Les blindés, au rebut?</strong></em></p> <p>Le problème du blindé, c’est qu’il s’inscrit dans un combat de nature ancienne. Son rôle est de tirer sur d’autres blindés. C’est une arme qui a fait très peur par le passé. Mais depuis, il y a eu la découverte de la charge creuse qui perce les blindages. Pour y remédier, on a créé un monstre, avec double couche de blindage, d’où un poids plus important et une vitesse réduite, qui ne peut plus progresser sur tous les terrains, d’autant moins dans un pays comme la Suisse, avec ses cours d’eau, ses zones escarpées et boueuses. Cette arme qui coûte très cher est une cible idéale, dont la seule fonction, en fait, est son canon. Et les armes pour le détruire sont aujourd’hui légion. C’est bien un monstre aux pieds d’argile, dont l’avenir est certainement compromis.</p> <p><em><strong>Le char d’assaut n’en reste pas moins une arme de projection terrestre, plus offensive que défensive. 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Le principal est d’acquérir des matériels légers, pouvant acheminer rapidement des soldats en renfort des forces de police. Je prévois aussi une force commando comprenant entre 500 et 1000 hommes.</p> <h3>«Je propose l’achat d’une vingtaine de chasseurs italiens Aermacchi M-346»</h3> <p><em><strong>En septembre, le peuple suisse se prononcera sur une dépense de 6 milliards de francs pour remplacer les avions de combat F/A-18 vieillissants. Vous, comme le reste du PS, êtes opposé à ce crédit d’armement. Pourquoi?</strong></em></p> <p>La dépense réelle pour ces futurs avions, peut-être une trentaine, ne sera pas de 6 milliards de francs, mais de trois à quatre fois plus. Rien que les coûts d’entretien se monteraient à 300 millions de francs par an, soit 9 milliards sur 30 ans. A quoi s’ajouteraient les coûts des mises à niveau, six milliards de plus. On arrive à un prix total dépassant les 20 milliards. Une dépense folle.</p> <p><strong><em>Que proposez-vous à la place?</em></strong></p> <p>Je propose une modernisation de nos 30 F/A-18. Plus l’achat d’une vingtaine de chasseurs italiens Aermacchi M-346, plus légers, plus petits et nettement moins chers que le chasseur ultrasophistiqué F-35 de l’Américain Lockheed Martin, le Rafale de Dassault ou l’Eurofighter dont l’armée suisse pourrait vouloir se doter.</p> <h3>Des missiles sol-air de type Patriot</h3> <p><em><strong>Quelles seraient les missions de cette chasse aérienne? </strong></em></p> <p>Reprenons les choses à la base. La défense aérienne repose sur deux piliers. L’aviation et le système sol-air. Or, notre système sol-air est complètement obsolète. Nous sommes nuls en ce domaine. Nous sommes à la merci de missiles. Il s’agirait de mettre sur pied un système radar de détection précoce couplé à une batterie de différentes sortes de missiles sol-air, à longue distance, de type Patriot, par exemple, pour intercepter des missiles, ou à plus courte distance, de type Stinger, pour un combat plus rapproché contre des hélicoptères de combat, entre autres. L’idée centrale ici n’est plus le combat en vol, chasseurs contre chasseurs, mais le combat sol-air.</p> <p><em><strong>Dès lors, à quoi bon conserver des avions de combat?</strong></em></p> <p>Un avion de combat ne peut rien faire contre un missile tiré depuis l’Iran, par exemple. Mais les avions de chasse peuvent en revanche servir de police aérienne en temps de paix. Selon la convention de La Haye, dont la Suisse est signataire, notre pays est responsable de la police de l’air de son espace. Pour assurer cette mission multiple (identifier, intercepter, porter secours à un aéronef, sécuriser une partie de l’espace aérien lors d’un événement international), la Suisse n’a pas besoin d’une star de l’aviation de combat.</p> <p><em><strong>Cinquante avions ne sont peut-être pas nécessaires à cette mission de police, non?</strong></em></p> <p>Cette mission de police serait remplie par les Aermacchi M-346, armés. Ces avions volent à la vitesse maximum de Mach 1, soit un peu plus vite qu’un avion civil standard. Cela nous permettrait de faire durer les F/A-18, acquis à la fin des années 90. Les partisans de l’achat d’un nouvel avion de combat prétendent que les F/A-18 sont moribonds. Or après le refus du Gripen en 2014, et alors que la durée de vie d’un F/A-18 était théoriquement de 5000 heures, celle-ci a été augmentée à 6000 heures par le Conseil fédéral qui a déboursé des centaines de millions de francs pour ce faire. Aux Etats-Unis, on les fait voler jusqu’à 8000 heures. Il faudrait garder les F/A-18 pour, là encore, des missions plus dangereuses, de type conventionnel, qui pourraient survenir, et je mets à cette survenance un point d’interrogation. La seule utilité possible de trente avions de combat superperformants réside dans un combat contre une flottille d’avions de chasse ennemis qui envahiraient la Suisse. Et dans ce cas de figure inimaginable, cela voudrait dire que l’Otan aurait été battu.</p> <h3>«L’Otan est objectivement notre camp»</h3> <p><em><strong>On pourrait imaginer que les F/A-18 soient la dot aérienne de la Suisse à un partenariat de défense en Europe.</strong></em></p> <p>Par exemple. Mais n’en parlons pas, nous sommes neutres…</p> <p><em><strong>Neutres jusqu’à ce que survienne une attaque, d’on ne sait qui, visant l’Europe et la Suisse aussi…</strong></em></p> <p>Nous entrerions alors dans l’Otan, c’est clair. Cette fausse pudeur ne date pas d’aujourd’hui. Dans mon livre, je fais référence à un accord secret de 1955 entre le chef du Département militaire Paul Chaudet et l’Otan. En cas de nouvelle guerre mondiale, la Suisse se serait alignée sur l’Otan contre le bloc de l’Est. Nous avions choisi notre camp, celui de l’Otan, et c’est objectivement toujours le nôtre, pour l’heure encore le plus puissant du monde. La Suisse est le passager clandestin de l’Otan. Ce n’est pas pour rien si nous sommes membres du Partenariat pour la paix <span>du Traité de l'Atlantique Nord</span>, où la Suisse devrait, à mon sens, jouer un plus grand rôle. Nous bénéficions, il faut bien le dire, d’une protection d’office à l’endroit où nous nous trouvons en Occident.</p> <p><em><strong>N’est-ce pas étrange, dans ces conditions, de maintenir le principe de la neutralité?</strong></em></p> <p>Il faut conserver cette neutralité, elle est constitutive de notre ADN. Mais elle ne doit pas nous rendre passifs. La neutralité nous oblige à un certain engagement, essentiellement moral. Nous devons continuer d’agir avec nos bons offices, avec la Croix-Rouge. Nous sommes respectés pour cela. C’est une manière de payer notre dû aux pays qui nous entourent et qui, de fait, nous protègent. Je suis pour une neutralité active et favorable à l’entrée de la Suisse dans le Conseil de sécurité de l’ONU (en tant que membre non-permanent, pour la période 2023-2024, <em>ndlr</em>). Nous devons être, non une puissance armée, mais une puissance de paix.</p> <h3>«La sécurité est un droit»</h3> <p><em><strong>L’armée que vous souhaitez n’est-elle pas celle d’un Etat policier? Avec une défense conventionnelle, préparée pour une guerre conventionnelle, on a au moins l’assurance que l’armée restera dans ses casernes, même si en Suisse, comme ailleurs, l’armée a parfois prêté main-forte à l’autorité civile et tiré sur la foule, comme en 1932 à Genève. Votre armée ressemble beaucoup à une force supplétive des forces de l’ordre, non? Les chars de grenadiers, on les voit déjà positionnés à des carrefours…</strong></em></p> <p>Mais nous sommes en Suisse, et c’est très différent d’ailleurs. La police, chez nous, est un instrument qui a très fortement évolué. Dans ma jeunesse, j’étais un militant qui a manifesté à Berne, en 1978 sauf erreur, contre la Police fédérale de sécurité voulue par le conseiller fédéral Kurt Furgler. J’étais moi-même fiché à cette l’époque. Si, aujourd’hui, je suis favorable à un service de renseignement fort, je suis tout aussi favorable à contrôle démocratique fort de ce service. Ensuite, chez nous toujours, les polices sont cantonales. Nos policiers ont appris, beaucoup plus, peut-être, que dans un système français, à être avec les gens et à les défendre. Nous n’avons en Suisse quasiment pas d’émeutes. La police est respectée. De plus, la sécurité est un droit. Face à la criminalité organisée, face au terrorisme, le citoyen doit accepter de perdre une toute petite part de sa souveraineté pour pouvoir vivre en paix dans un pays qui le protège.</p> <p><em><strong>La gauche pacifiste ne va pas vous louper…</strong></em></p> <p>Oui, je m’attends à des critiques sur un soi-disant renforcement de l’« Etat policier ». Moi, socialiste ancien antimilitariste, ayant participé à des comités de soldats, on va me reprocher d’être devenu, avec l’âge, quelqu’un de très pragmatique. Or je ne fais que prendre en compte le besoin de sécurité. Demander, aujourd’hui, l’abolition de l’armée a quelque chose de très fleur bleue.</p> <p><em><strong>L’autre reproche auquel vous risquez d’être confronté, à droite bien sûr, mais aussi à gauche pour des raisons inverses, est relatif au maintien d’un budget encore bien rondelet pour la sécurité proprement dite, défense redimensionnée et promotion de la paix réunies, moins la rallonge à l’aide au développement: 4,6 milliards de francs. Pourquoi pas 3 milliards, pourquoi pas 2?</strong></em></p> <p>Comme parlementaire à Berne et comme membre du Conseil de l’Europe, j’ai acquis une certaine expérience, ce que j’appelle un pragmatisme ou un réalisme. Je propose quelque chose qui se veut une voie du consensus entre, d'un côté, la volonté de l’armée d’augmenter progressivement les dépenses à 6 milliards par année et, de l'autre côté, la gauche abolitionniste. En effet, à partir de 2021, le budget de la Défense augmentera de 1,4% par an, ce qui fera un milliard supplémentaire dans une douzaine d’années. Actuellement, sur 5 milliards, trois vont au fonctionnement, un autre milliard à l’achat de nouveaux armements et le milliard restant aux travaux d’étude, à l’entretien des bâtiments, à la munition, etc. Les militaires voudraient passer de un milliard d’achat d’armement à deux milliards. Le risque est grand que cela se fasse au détriment des dépenses sociales.</p> <h3>«Notre démocratie directe permet d’amortir les chocs sociétaux»</h3> <p><strong><em>On constate ces dernières années une défiance envers les institutions, presse comprise, qui se traduit par une prolifération de vérités alternatives. Emergent aussi, principalement à gauche, un nouvel antiracisme, un néo-féminisme, un activisme pro-climat qui entendent refonder les hiérarchies, qui parfois ne reconnaissent plus comme légitimes des décisions politiques ou judiciaires découlant pourtant du cadre démocratique mais jugées non conformes aux « urgences ». Sans oublier l’extrême droite, ne sont-ce pas là également des menaces pour la cohésion sociale, autrement dit pour la sécurité du pays?</em></strong></p> <p>En dehors des risques liés au terrorisme djihadiste et aux cyber-attaques, les services de renseignement suisses surveillent les milieux d’extrême-droite. Les milieux d’extrême-gauche aussi, mais surtout l’extrême-droite. En Suisse, il y a beaucoup de combats. Notre système de démocratie directe, ouverte aux propositions, dont celles émanant des courants sociétaux que vous décrivez, permet d’amortir les chocs. Je ne ressens pas du tout ces forces progressistes comme dangereuses. Le fait d’avoir une police respectée, une armée redimensionnée et beaucoup plus ouverte sur le monde, tout cela ne peut que contribuer à la paix sociale dans notre pays, de manière globale à ce que le Parti socialiste appelle la sécurité humaine.</p> <p><em><strong>Quelles leçons sécuritaires tirez-vous de la pandémie du Covid-19, dont la Suisse et le monde ne sont toujours pas sortis?</strong></em></p> <p>Une pandémie, le passé nous renseigne à ce sujet, peut provoquer de grandes déstructurations politiques. La maladie, la notion de mort, la détresse sociale que cela engendre peut rebattre les valeurs. Nous avons donc tout intérêt à utiliser notre argent comme l’a fait le Conseil fédéral, pour soutenir l’appareil économique et par conséquents les citoyens. La paix sociale est à ce prix, cela en vaut le peine.</p> <p><em><strong>Savez-vous si vos thèses convainquent dans l’armée?</strong></em></p> <p>Il y a des personnes dans l’institution militaire qui partagent mes idées, mais il faut comprendre que les militaires ont un autre logiciel que le mien. Ils sont le produit d’une éducation et de valeurs difficiles à faire bouger. Feu le commandant de corps Christophe Keckeis disait de moi que j’étais un « socialiste intelligent ». Certes, à ses yeux, je n’avais pas tout compris sur tout. 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Né en 1950 à Constantine, issu de la communauté juive algérienne, partie avec les pieds-noirs à l’indépendance en 1962, Stora était investi d’une mission réconciliatrice par le président de la République. A la fin de son travail, l’historien émet une série de préconisations. Et l’on entre alors dans le vif du sujet: l’action.</p> <p>La première de ces préconisations, qui rappelle la Commission Vérité et Réconciliation en Afrique du Sud, l’Instance Vérité et Dignité en Tunisie, est la constitution d’une «Commission "Mémoires et vérité" chargée d’impulser des initiatives communes entre la France et l’Algérie sur les questions de mémoires». La <em>vérité</em>. Pas de réconciliation sans vérité sur les exactions passées, croit-on.</p> <p>Mais la vérité n’est pas seulement question de faits, elle intéresse aussi le sens. Or deux sens ne peuvent cohabiter. Pas d’en-même-temps possible: la douleur d’un camp ne peut valoir celle de l’autre. Celle de l’Allemand de la Seconde Guerre mondiale ne vaut pas celle de l’Allié. On touche probablement ici à la limite du rapport Stora: le colon ne peut pas faire valoir sa douleur au même titre que le colonisé. Sinon, toute la hiérarchie, établie selon une échelle de valeurs qui accorde au colonisé la légitimité de sa révolte, est rebattue. Et pourtant, se dit-on, il faut tendre vers la reconnaissance des souffrances de part et d’autre, pour pouvoir la faire, cette réconciliation. Comme c’est compliqué…</p> <h3>Les choses ont un sens que la paix peut ignorer</h3> <p>Seul le sens permet d’y voir clair. Mais le problème du sens, qui dit qui avait raison, qui avait tort, c’est qu’il ne permet pas toujours de refermer les plaies, puisque personne ne veut être en tort, ou avoir tous les torts. 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Disons que l’intérêt de la paix l’emporte à un moment donné sur l’intérêt de la guerre, surtout dans une configuration de conflit civil.</p> <h3>Les pieds dans le plat</h3> <p>Très vite apparaît la nécessité de l’amnistie, pour étouffer des braises dont chacun a cependant conscience qu’elle ne seront jamais tout à fait éteintes. Ce fut vrai après une relative brève période d’épuration en France en 1944-45. Vrai entre la France et l’Algérie à l’indépendance en 1962. Vrai encore en 1999, lorsque le président algérien Abdelaziz Bouteflika fit voter la loi dite de concorde civile, qui mit fin par un plébiscite à la guerre civile.</p> <p>Cela nous amène à la France d’aujourd’hui, celle, d’après, espérons-le, les attentats islamistes. Attentats? Islamistes? D’emblée, les pieds dans le plat. La somme de «ce qui est arrivé en France ces dernières années» pèse son poids de non-dits. Cette situation présente des similitudes avec les conflits évoqués plus haut. 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L’amnistie, qui comporte une part d’amnésie volontaire, permet le retour à la paix dans des sociétés qui se sont entredéchirées.</p> <p>Toute la difficulté en France – on le voit avec les polémiques entourant l’adoption en cours de la loi confortant le respect des principes républicains, initialement intitulée contre le séparatisme islamiste – tient dans l’énoncé et dans le sens attribué à des faits qui ont ensanglanté la métropole comme jamais depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.</p> <h3>Déni de réalité</h3> <p>Dire ce qui s’est passé contient un enjeu de pouvoir politique et culturel pour le présent et pour l’avenir. Il y a là un rapport de force, d’autant plus à l’œuvre que la qualification de ces attentats n’est pas claire pour tous, ou doit rester équivoque, manière de manœuvre dilatoire. On est alors proche du déni de réalité. Laquelle? 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Tout comme la guerre civile algérienne des années 90 fut avant cela la poursuite, déjà, de cette même guerre, dont le terme fut sanctionné davantage par une forme d’armistice que par une paix durable.</p> <p>Les morts de Samuel Paty, le professeur égorgé l’an dernier, celle du commandant de gendarmerie Beltrame, en 2018, sont des morts encombrantes. Les maires, plutôt de droite, qui veulent donner leurs noms à des places et des rues, en inscrivant sous leurs patronymes: «Victimes du terrorisme islamiste», désignent implicitement une idéologie ennemie. Non pas extérieure à la France mais présente en France.</p> <p>Cette désignation un peu lourde de sens, c’est le cas de le dire, ne contribue pas à la recherche de la paix, dont l’oubli est l’une des composantes, pourrait-on penser. Mais «en face», là où tout est social et colonial, on ne baisse pas pavillon. La déconstruction du modèle occidental et capitaliste – visé par l’islamisme revanchard – doit se poursuivre. 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Un <i>mansplaining</i> en mode solidaire, bien sûr. Je serais même tenté d’y voir un peu plus que cela: un <i>manembracing</i> virant au <i>manembarrassing</i>. Autrement dit: une défense à ce point appuyée qu’elle en devient gênante.</p> <p>Gabriel Bender a le zèle du converti. Du converti au féminisme. C’est l’impression qu’il donne. Comme s’il devait montrer, à lui-même et au monde, qu’il est du bon côté. Celui des dominés, en l’occurrence des dominées. Militantisme et sociologie – sa discipline – ne font plus qu’un dans un certain nombre de domaines de recherche. En première année de «socio», on apprenait pourtant à distinguer le discours de l’acteur de celui de l’observateur.</p> <p>Ce précieux conseil, qui permet d’entretenir la veille démocratique, ne semble plus partagé par tous les observateurs des phénomènes de société. La prose «féministe» de Gabriel Bender rend compte d’une confusion des statuts certainement volontaire. Chez lui, les termes du combat paraissent ne pas devoir être discutés, celui de patriarcat, par exemple. Or ce n’est pas parce que le patriarcat existe en tant que phénomène historique que le mot n’est pas utilisé dans la période actuelle comme une ressource discursive mise au service d’un intérêt.</p> <p>Contrairement à quelques-uns éprouvant le besoin d’exposer leur vertu, je n’ai pas pour habitude de dire dans un texte ce que je pense profondément. Parce que je me dis qu’un individu, au hasard, un lecteur, une lectrice, peut parfaitement faire crédit à un autre individu de son appartenance à la bonne part de l’humanité même si ce dernier dévie, autrement dit s’accorde le droit de questionner des tendances. Le fait de dévier, de pouvoir le faire, est gage de bonne santé démocratique. Cela ne veut pas dire qu’on est en droit d’imposer son point de vue aux autres. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
6 Commentaires
@Chuck50 18.07.2020 | 10h43
«Chaque pays a une armée. Si ce n'est pas la sienne, c'est celle de son voisin ou aussi pour la paix il faut préparer sa défense.
Sans défense de l'espace aérien, il nous faudra juste des troupes de ravitaillement, sanitaire et génie pour déblayer les rues.
»
@Danyb 19.07.2020 | 11h45
«Pff !!!
Parfait!!!
J’adhère!!!
Merci»
@Qovadis 20.07.2020 | 13h57
«Il sera aussi intéressant de voir comment l’OTAN réagira à la menace posée par les nouveaux missiles russes Avangard volant à 33´000 km/h et capable d’atteindre n’importe quel objectif dans le monde.»
@Milon09 20.07.2020 | 14h32
«Notre armée veut un nouvel avion. Mais pour se battre contre qui ? Le grand voisin au-delà de l'Ukraine ? La Russie a un PIB légèrement supérieur à celui de l'Espagne. Elle n'a pas les moyens financiers d'arriver jusqu'à nous, sauf via des missiles. Mais là nos avions ne serviraient à rien. Et enfin, on ne voit pas que la Suisse soit un objectif pour les "ex-rouges" ou pour d'autres. Engageons nos ressources de manière intelligente, pour parer les vrais dangers et non ceux (nébuleux) qui sont restés gravés dans les cerveaux militaires depuis les années 50.»
@ctolusso 24.07.2020 | 16h57
«Je me lancerais bien dans un débat sur l’utilité d’un avion de combat destiné à conserver/obtenir la supériorité aérienne pour faire la police du ciel. Ou de la mise à niveau du Léopard II (char 87…), alors que la Turquie a retiré les siens de Syrie, victimes toutes désignées qu’ils étaient d’armes antichars portables de dernière génération.
Mais je m’intéresse plus à l’obligation de servir inscrite dans notre constitution. La relation citoyen-ne/Etat ne doit/peut pas se limiter au paiement de l’impôt.Je pense que cette obligation de servir ne devrait pas se cantonner à un service militaire et devrait être étendue aux femmes.
J’aimerais bien que nous nous posions la question de la constitution d’une réserve stratégique autre que militaire. Les femmes et les hommes de notre pays pourraient en effet tou-te-s accomplir un service obligatoire dans une sécurité civile non armée et non policière. Le but de cette sécurité civile serait d’assurer toutes les formes de sécurité ne relevant pas de l’armée et de la police ; éventuellement de façon subsidiaire, mais avant tout sur demande des autorités civiles et en coordination avec elles.
L’histoire nous enseigne que les armées professionnelles sont enclines à faire la guerre à leurs concitoyen-ne-s si on ne les utilise pas dans des aventures militaires lointaines. Donc pas d’armée professionnelle, mais une extension du système de milice à une obligation de servir pour toutexs dans une sorte de sécurité civile.
Ce qui n’empêcherait évidemment pas de maintenir une armée d’un niveau suffisant en cas de conflit avec d’autres entités du même acabit.
Ni de nous demander s’il ne serait pas utile de disposer d’hélicoptères de combat et/ou d’avions «légers» aptes à l’attaque au sol et à des missions de polices du ciel moins «pointues» que les avions dits de supériorité aérienne.»
@stef 28.07.2020 | 23h02
«Bravo »