Actuel / Netflix, Amazon, Tesla… Derrière les modèles d’abonnements et de location, les déboires des clients
Les services en ligne contribuent notamment à accroître le niveau de dépenses contraint des ménages. Bicanski/Pixnio, CC BY-SA
Les années 2010 ont consacré l’âge de l’accès: fût-ce à travers l’abonnement ou la location, les consommateurs ont progressivement pris l’habitude – et même décidé – de se passer des droits de propriété que leur transférait le producteur à l’achat d’un bien. En d’autres termes, la valeur d’usage des biens et services a progressivement supplanté la valeur d’échange de ces derniers.
Loïc Plé, IÉSEG School of Management
Se sont ainsi développés des services aussi divers que ceux de streaming audio ou vidéo (location d’un catalogue auquel l’accès ne tient que tant que l’utilisateur est abonné au service – Netflix, Spotify, Deezer, etc.), l’accès à un véhicule à tout moment (Uber), à des vêtements (le Closet, Rent the Runway), ou même la location de couches lavables (Popopidoux, Coco couche).
Au-delà de l’accès au bien lui-même a aussi émergé, grâce à l’Internet des Objets (IoT pour « Internet of Things »), qui renvoie à la connectivité dont peut être doté tout type d’objet afin de se connecter à d’autres objets ou systèmes applicatifs), un accès de plus en plus fin à certaines caractéristiques du bien.
Revenus récurrents
Cela a généré de nouveaux types de business models, directement inspirés du fonctionnement des smartphones et de leurs écosystèmes d’applications mobiles (j’achète mon smartphone, et j’achète ensuite auprès du fabricant ou d’autres entreprises des applications qui vont en démultiplier sa valeur d’usage). Par exemple, les constructeurs automobiles proposent maintenant des options à la demande disponibles uniquement sur abonnement : le client achète son véhicule, et peut ensuite décider s’il active ou non les sièges ou le volant chauffants, l’auto-pilote, etc.
Ce type de modèle économique comporte de multiples avantages. Pour les entreprises, tout d’abord, il permet de sécuriser des revenus récurrents et complémentaires (l’argent continue à rentrer après la vente du bien). Les clients, quant à eux, peuvent tester des options, en vérifier l’adéquation à leurs besoins (usages), et enrichir progressivement leur bien selon l’évolution de leurs revenus ou du progrès technique (achat ultérieur d’options inabordables ou inexistantes au moment de l’achat).
Enfin, l’environnement a également à y gagner : une simple mise à jour durant la vie du produit permet de l’améliorer, d’en prolonger l’existence ou d’en rectifier d’éventuels défauts sans nécessairement devoir le remplacer, ce qui est bien plus écologique.
Au secours, ma porte ne me laisse plus sortir!
Décrits de la sorte, de tels produits et modèles économiques semblent une panacée, au vu des problèmes que permet indéniablement de résoudre l’accroissement de leur valeur d’usage. Toutefois, ils portent en leur sein de nombreuses limites, dont certaines restent fortement sous-estimées. Or, ces dernières peuvent être à l’origine de ce que nous avions qualifié, dans un article de recherche publié en 2017, de destruction de valeur pour le client.
En premier lieu, les clients ne sont pas tous prêts à entendre que le produit qu’ils ont acheté est complet, mais qu’ils ne peuvent en retirer le plein usage qu’à condition de payer à nouveau – et ce, potentiellement pendant toute la durée de vie du produit. Outre que ce point n’est pas toujours d’une immense clarté à l’achat, cela contribue à accroître le niveau de dépenses contraint, non sans conséquences sur le pouvoir d’achat et le niveau d’endettement des consommateurs.
Ensuite, ceci provoque un changement radical de la relation entre un client et son fournisseur. En dépit d’un transfert des droits de propriété du second au premier, ces modèles économiques créent des asymétries en donnant un pouvoir très fort au fournisseur.
Philippe K. Dick l’illustre à la perfection dans son roman Ubik. Écrit en 1966 et publié en 1969 aux États-Unis, il y décrit la situation ubuesque de Joe Chip, un technicien dont l’endettement est tel qu’il ne peut plus sortir de chez lui, n’ayant plus les crédits nécessaires au paiement de chaque ouverture et fermeture de la porte de son logement. S’ensuit un dialogue savoureusement saugrenu entre lui et… sa porte, celle-ci étant automatisée et dotée de parole (et de capacité de prise de décision) grâce à une intelligence artificielle.
Surréaliste ? Tiré par les cheveux ? Vraisemblablement pas, quand on sait que Tesla a déjà retiré à distance, en 2020, une fonctionnalité d’autopilote à un propriétaire ayant acheté son véhicule d’occasion, au motif qu’il n’avait pas payé le constructeur pour cette fonctionnalité lors de l’achat à l’ancien propriétaire – lequel en avait pourtant fait l’acquisition.
En 2020, le constructeur Tesla avait retiré à distance une fonctionnalité d’autopilote à un propriétaire de véhicule. Matti Blume/Wikimedia, CC BY-SA
De même, Amazon a, par le passé, supprimé des ouvrages des Kindle (liseuse électronique) de certains clients. La question est donc de savoir jusqu’où peuvent aller des entreprises dont les revenus reposent sur ces modèles économiques.
Ces transformations s’accompagnent donc d’une double nécessité. Tout d’abord, plus de transparence et de clarté de la part des entreprises. Elles ne doivent plus se limiter à une accumulation de pages de conditions d’utilisation, formulées en des termes abscons dans lesquelles se noient leurs clients, mais à l’inverse expliquer clairement jusqu’où elles peuvent aller en termes de modification du produit après son achat – ou durant sa location.
Situations invraisemblables
Cependant, cette transparence ne pourra faire l’économie d’un accroissement simultané de la régulation, qui semble indispensable pour au moins deux raisons. La première, pour éviter des situations aussi extrêmes et (en apparence) invraisemblables que celle vécue par Joe Chip, dont on ne peut pourtant s’empêcher de penser qu’elles pourraient bien survenir un jour.
Imaginons un immeuble en feu qui refuserait de laisser sortir ses occupants au prétexte qu’ils n’auraient pas de quoi payer l’ouverture de leur porte ! La seconde raison relève de l’accès aux données personnelles sur lesquelles s’appuient les entreprises pour leurs offres actuelles et futures, et qui renseignent sur le comportement, les préférences, les usages, etc. de leurs clients.
Outre les risques liés à des piratages ou fuites, ces données utilisées dans le cadre de modèles économiques reposant sur l’usage doivent faire l’objet d’une protection accrue, et être rendues aux clients lorsqu’ils les réclament, au risque que les entreprises ne s’en servent pour encore plus enfermer leurs clients au sein de leur écosystème d’usage – posant de gros problèmes de concurrence. Il suffit de changer (ou d’essayer de changer) de service de streaming musical et de vouloir refaire ses playlists ou autres listes d’albums pour saisir la nature du problème.
Loïc Plé, DIrecteur de la Pédagogie - Full Professor, IÉSEG School of Management
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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Les clients, quant à eux, peuvent tester des options, en vérifier l’adéquation à leurs besoins (usages), et enrichir progressivement leur bien selon l’évolution de leurs revenus ou du progrès technique (achat ultérieur d’options inabordables ou inexistantes au moment de l’achat).</p> <p>Enfin, l’environnement a également à y gagner : une simple mise à jour durant la vie du produit permet de l’améliorer, d’en prolonger l’existence ou d’en rectifier d’éventuels défauts sans nécessairement devoir le remplacer, ce qui est bien plus écologique.</p> <h3>Au secours, ma porte ne me laisse plus sortir!</h3> <p>Décrits de la sorte, de tels produits et modèles économiques semblent une panacée, au vu des problèmes que permet indéniablement de résoudre l’accroissement de leur valeur d’usage. Toutefois, ils portent en leur sein de nombreuses limites, dont certaines restent fortement sous-estimées. Or, ces dernières peuvent être à l’origine de ce que nous avions qualifié, dans un article de recherche publié en 2017, de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/2394964317726451?journalCode=jcva">destruction de valeur</a> pour le client.</p> <p>En premier lieu, les clients ne sont pas tous prêts à entendre que le produit qu’ils ont acheté est complet, mais qu’ils ne peuvent en retirer le plein usage qu’à condition de payer à nouveau – et ce, potentiellement pendant toute la durée de vie du produit. Outre que ce point n’est pas toujours d’une immense clarté à l’achat, cela contribue à accroître le niveau de dépenses contraint, non sans conséquences sur le pouvoir d’achat et le niveau d’endettement des consommateurs.</p> <p>Ensuite, ceci provoque un changement radical de la relation entre un client et son fournisseur. 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Il suffit de changer (ou d’essayer de changer) de service de streaming musical et de vouloir refaire ses playlists ou autres listes d’albums pour saisir la nature du problème.<img src="https://counter.theconversation.com/content/195841/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/lo-c-ple-368682">Loïc Plé</a>, DIrecteur de la Pédagogie - Full Professor, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/ieseg-school-of-management-2453">IÉSEG School of Management</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. 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Mais rien ne permet d’abandonner l’idée que la parole reste « le propre de l’homme », c’est-à-dire la capacité à articuler avec sa bouche des sons distinctifs qui peuvent se combiner à l’infini pour donner une infinité de sens.</p> <p>C’est sans doute à cette spécificité que la question de l’émergence de la parole dans l’évolution humaine doit d’être restée à travers les âges au cœur de recherches dans le domaine de la philosophie, de la linguistique et, plus récemment, de l’éthologie, de la psychologie et des neurosciences. Cette question renvoie à la fois à l’existence des capacités cognitives adaptées à l’émergence du langage, qu’il soit parlé ou non, et à l’existence de capacités physiques de la bouche et des lèvres pour structurer et articuler les unités sonores qui seront les vecteurs acoustiques du langage, via la parole.</p> <p>Cognitivement, le <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rstb.2011.0295">langage renvoie fondamentalement à la capacité d’abstraction</a>. C’est la raison pour laquelle la fabrication d’outils, la maîtrise du feu, les peintures pariétales, la structuration de l’habitat sont autant d’étapes de l’évolution humaine qui ont fréquemment été utilisées comme des marqueurs potentiels de l’émergence de la capacité au langage. Il n’y a pas de consensus sur l’émergence de la parole. Nos travaux visent à contribuer à ces débats, en étudiant si les capacités des hominines fossiles (les Néandertaliens qui sont proches de nous comme leurs ancêtres, les H. heidelbergensis datant de 500 000 ans voire les Australopithèques qui sont beaucoup plus anciens et appartiennent à un autre genre) leur permettaient d’articuler suffisamment de sons distinctifs pour constituer la base du langage parlé.</p> <h3>Depuis quand peut-on articuler ?</h3> <p>Sur le plan physique, c’est l’usage de la bouche qui est au cœur de la capacité à parler. <a href="https://www.youtube.com/watch?v=XVE4B6TxlfM">Le célèbre ethnologue français André Leroi-Gourhan</a> (1911-1986) voyait dans le passage de la quadrupédie à la bipédie une étape essentielle dans l’émergence du langage parlé : permettant l’usage de la main pour des gestes de préhension jusqu’alors effectués par la bouche, la bipédie a « libéré » la mandibule, les lèvres et la langue pour leur permettre d’exécuter un répertoire gestuel riche et structuré, capable de transmettre le langage via le son.</p> <p>Quand est apparue la capacité physique à articuler des sons distinctifs ? C’est lorsque l’ensemble de cartilages marqué par la pomme d’Adam, qu’on appelle le larynx, est suffisamment descendu dans le cou, répondit le <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.164.3884.1185">chercheur américain Philip Lieberman</a> (1934-2022) dans le journal Science en 1969. Cette descente du larynx aurait, selon lui, offert à la langue un espace vertical nouveau, suffisamment large pour qu’elle puisse se déformer, se bomber ou s’aplatir pour générer une variété de formes et de sons appropriée à la richesse combinatoire du langage.</p> <p>Cette hypothèse, qui a fonctionné pendant plusieurs décennies, en sclérosant quelque peu la recherche dans ce domaine, a depuis lors été fortement contestée. Le chercheur <a href="https://theconversation.com/la-parole-ne-serait-pas-apparue-avec-homo-sapiens-et-ce-sont-les-singes-qui-nous-le-disent-128708">Louis-Jean Boë et ses collègues</a> ont en effet montré que les cris de babouins, dont le larynx est élevé et la langue plate, contiennent des sons proches du « a », du « ou » et du « i », les trois voyelles qui constituent la base fondamentale des systèmes vocaliques des langues du monde.</p> <p>De même, Fitch, pourtant disciple de Lieberman, et ses collègues, <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.1600723">dans un article paru dans <em>Science Advances</em> en 2016</a>, ont montré, à partir de radiographies de la gueule de macaques au cours de la déglutition, que malgré leur larynx élevé, ces primates pouvaient générer des formes de langue compatibles avec la production de voyelles suffisamment variées et distinctes pour constituer les bases sonores d’un langage parlé. La descente du larynx ne semble donc pas constituer un marqueur fiable de l’émergence de la capacité physique à parler au cours de l’évolution humaine, et le mystère reste entier.</p> <p>Pour tenter de le percer, notre projet <a href="https://iscd.sorbonne-universite.fr/research/sponsored-junior-teams/origins-of-speech/">« Origins of Speech »</a>, s’est proposé d’élaborer des modèles biomécaniques de langue d’humains fossiles.</p> <p>Un modèle biomécanique est un modèle numérique, sur ordinateur, qui représente une partie du corps humain, avec son anatomie, ses structures osseuses, ses tissus mous, ses muscles, et est capable de rendre compte des mécanismes physiques qui régissent leurs mouvements et leurs déformations sous l’action d’activations musculaires. Pour la langue, de tels modèles permettent d’étudier comment les muscles linguaux influencent la forme et la position de la langue dans la bouche. Ainsi, pour les fossiles, ces modèles offriraient la possibilité d’étudier, quantitativement et systématiquement, leur capacité à produire des sons de parole.</p> <h3>Prédire la langue des humains fossiles à partir des os de la tête</h3> <p>Mais sur quoi s’appuyer pour élaborer de tels modèles ? Aucune donnée anatomique n’existe. En effet, les tissus mous de langue, des parois de la bouche, et du visage ne fossilisent pas. Seuls restent les os, plus ou moins abîmés par les sévices du temps.</p> <p>C’est l’idée originale de notre projet, présentée dans <a href="https://journals.plos.org/ploscompbiol/article?id=10.1371/journal.pcbi.1011808">notre article récent</a> publié dans le journal <em>PLoS Computational Biology</em> porté par les jeunes chercheurs de notre équipe, Pablo Alvarez, Marouane El Mouss et Maxime Calka.</p> <h4><a href="https://images.theconversation.com/files/590916/original/file-20240429-20-zn36pe.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/590916/original/file-20240429-20-zn36pe.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="" /></a><em><span>Processus permettant la génération d’un modèle biomécanique de langue de babouin par la transformation d’un modèle de référence élaboré sur un humain actuel. Cette transformation s’appuie sur la modélisation mathématique des différences morphologiques entre les structures osseuses crâniennes de l’humain actuel et du babouin.</span> <span><span>Fourni par l'auteur</span></span></em></h4> <p>Elle consiste à exploiter les structures osseuses fossilisées pour prédire la forme et l’anatomie de la langue de ces humains disparus. Pour cela, nous utilisons comme référence le modèle biomécanique de langue d’un humain vivant, que nous avons soigneusement conçu dans nos laboratoires grenoblois GIPSA-lab et TIMC au cours de près de 3 décennies de recherches coordonnées.</p> <p>Ce modèle rend compte fidèlement de la morphologie de la langue, de ses structures musculaires, des caractéristiques mécaniques de ses tissus mous, et de ses interactions mécaniques avec la mandibule, le palais et l’os hyoïde, un petit os mobile qui relie la langue… au larynx.</p> <h4 style="text-align: center;"><iframe frameborder="0" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Pz0A5HTYFeM?wmode=transparent&start=0" width="440"></iframe><em><span>Modèle de langue TIMC et Gipsa lab Grenoble.</span></em></h4> <p>C’est en modifiant la géométrie du modèle de référence que nous générerons des modèles biomécaniques pour les langues fossiles. Pour cela, en nous appuyant sur des outils mathématiques combinant des transformations géométriques complexes, nous déterminons tout d’abord la transformation géométrique optimale qui permet de passer de la géométrie du crâne et de la mandibule de l’humain actuel à celle du crâne et de la mandibule de l’humain fossile.</p> <p>Puis nous appliquons cette transformation géométrique au modèle de langue du premier pour le déformer et en faire un modèle de langue pour le second, avec sa forme spécifique, ses structures musculaires, et ses interactions avec la mandibule, le palais et l’os hyoïde…</p> <p>Mais dans quelle mesure peut-on faire confiance à une transformation géométrique basée sur les structures osseuses pour prédire les tissus mous de la langue ? Pour répondre à cette question, cruciale pour valider la méthode, nous avons choisi d’évaluer leur méthode sur la génération d’un modèle biomécanique de langue de babouin, un primate non-humain dont la morphologie de la tête est très différente de celle d’un Homo Sapiens.</p> <p>Notre hypothèse en la matière consiste à dire que si cette méthode marche pour un tel primate, alors il est vraisemblable qu’elle sera fiable pour la prédiction de la langue de tous les humains fossiles dont les crânes sont moins différents de celui d’un Homo Sapiens, que ne l’est celui d’un babouin.Nous avons alors généré deux modèles de langue de babouin. Le premier a été conçu en utilisant une transformation géométrique optimale déterminée en prenant en compte les structures osseuses et les tissus mous de la tête. Comme on peut s’y attendre, la complétude des informations morphologiques prises en compte permet d’obtenir un modèle qui décrit avec une grande précision la morphologie de la langue du babouin.</p> <p>Puis nous avons généré un second modèle, en déterminant la transformation géométrique optimale sur la seule base des informations sur les structures osseuses, ignorant celles sur les tissus mous. Ce second modèle s’est avéré être très proche du premier et la fiabilité de cette prédiction a été validée par des outils statistiques de quantification des incertitudes développés par Anca Belme à l’Institut Jean Le Rond d’Alembert de Sorbonne Université. Nous avons alors pu conclure que notre méthode est fiable pour générer, à partir des seules structures osseuses, des modèles biomécaniques réalistes pour les langues de primates, qu’ils soient humains ou non humains, qu’ils soient vivants ou (bientôt car les analyses sont en cours) fossiles.</p> <p>C’est en exploitant cette méthode, que nous travaillons actuellement à la génération de modèles biomécaniques de la langue d’humains fossiles, tels que les <em>Homo Heidelbergensis</em> connus en Europe à partir de 600 000 ans ou les Néandertaliens de 70-50 000 ans, à partir respectivement des ossements d’Arago 21 (grotte à proximité de Perpignan) et de ceux de La Ferrassie 1 en Dordogne. Notre but est d’explorer systématiquement les conséquences des activations des muscles de la langue dans ces modèles, d’observer le spectre des formes de la bouche qui peuvent ainsi être générées et d’analyser les caractéristiques des sons qui seraient ainsi produits par les fossiles, en faisant l’hypothèse qu’ils possédaient des cordes vocales et des capacités pulmonaires similaires à celles des Homo Sapiens. Il sera aussi possible de tester quantitativement, en jouant sur la position de l’os hyoïde, connecté au larynx, dans quelle mesure la position, plus ou moins haute, du larynx est susceptible d’influencer la richesse des formes de bouches et des sons produits.</p> <p>C’est la méthodologie de recherche que nous avons choisie pour percer le mystère de l’émergence au cours de l’évolution humaine de la capacité à produire avec la bouche des sons suffisamment variés pour constituer la base d’un langage utilisant l’acoustique pour véhiculer des idées entre congénères…<img src="https://counter.theconversation.com/content/226977/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/pascal-perrier-1528361">Pascal Perrier</a>, Professeur en Mathématiques du Signal - Modèles biomécaniques orofociaux - Modèlisation du contrôle moteur de la production de la parole, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/institut-polytechnique-de-grenoble-grenoble-inp-2428">Institut polytechnique de Grenoble (Grenoble INP)</a></em>; <a href="https://theconversation.com/profiles/amelie-vialet-1528373">Amélie Vialet</a>, Maître de conférences en paléoanthropologie, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/museum-national-dhistoire-naturelle-mnhn-2191">Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)</a></em> et <a href="https://theconversation.com/profiles/yohan-payan-1528354">Yohan Payan</a>, Chercheur en biomécanique des tissus mous, laboratoire TIMC (CNRS, Univ. 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Lire l’<a href="https://theconversation.com/emergence-du-langage-dans-levolution-humaine-des-chercheurs-font-parler-les-structures-osseuses-fossilisees-226977">article original</a>.</h4> </div>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'emergence-du-langage-dans-l-evolution-humaine-des-chercheurs-font-parler-les-structures-osseuses-fossilisees', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 6, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => 'https://theconversation.com/emergence-du-langage-dans-levolution-humaine-des-chercheurs-font-parler-les-structures-osseuses-fossilisees-226977', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 10, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4881, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) aurait-elle engagé une guerre contre le monde des réalités?', 'subtitle' => 'Avec le jugement favorable à la plainte de l’association KlimaSeniorinnen Schweiz, la CEDH ouvre la voie à la sanction des Etats en se fondant sur des arguments façonnés dans un monde imaginaire. Pour la première fois, les juges laissent libre cours au développement d’une sorte de solipsisme radical, qui estime non seulement que la description des climats de la Terre peut se résumer à des impressions subjectives, mais qu’en plus ces climats peuvent être soumis à la seule volonté humaine.', 'subtitle_edition' => 'Avec le jugement favorable à la plainte de l’association KlimaSeniorinnen Schweiz, la CEDH ouvre la voie à la sanction des Etats en se fondant sur des arguments façonnés dans un monde imaginaire. Pour la première fois, les juges laissent libre cours au développement d’une sorte de solipsisme radical.', 'content' => '<p style="text-align: center;">Dr <strong>Eric Verrecchia</strong>, biogéochimiste</p> <hr /> <p>Ce solipsisme contribue à la construction d’une illusion de masse encouragée par la substitution de modèles numériques virtuels à la réalité du monde. Par ce jugement, la CEDH semble vouloir enterrer toute démarche rationnelle appuyée sur des faits pour favoriser des croyances.</p> <p>Accrochées à un mouvement généralisé autour du climat, qui favorise la foi d’une construction sociale de la réalité, à l’instar de la «justice climatique», ces plaignantes semblent avoir banni de leur plaidoyer tout ce qui pourrait résister au contrôle humain de la météo du jour, sans égards aux résultats scientifiques et leurs immenses incertitudes concernant les climats futurs. Les plaignantes ont accusé en substance les autorités suisses de mener une politique climatique aux objectifs et aux mesures insuffisantes, «en violation de leur droit à la vie», arguant de la vulnérabilité des personnes âgées face aux effets des changements en cours, et en particulier aux vagues de chaleur. Ce qui est visé, selon le jugement, serait l’incapacité de la Suisse à fournir une estimation des émissions de gaz à effet de serre futures afin de limiter «le réchauffement climatique» au fameux 1,5°C de l’Accord de Paris, valeur pourtant parfaitement arbitraire et dont les conséquences néfastes restent difficiles à identifier.</p> <p>Mais qu’en est-il vraiment? Que disent les données des études démographiques sur la «violation du droit à la vie» que ce soit sous les climats helvétiques ou mondiaux? Le «réchauffement climatique» met-il réellement en péril le «droit à la vie» des femmes âgées de Suisse?</p> <p>Premier constat, d’après les données de l’Office Fédéral de la Statistique (OFS), l’espérance de vie à la naissance des femmes suisses est passée de 79,3 ans en 1982 à 85,4 ans en 2022, et ce malgré «l’urgence climatique», soit un gain de 56 jours par an depuis 1982. Sur la même période, l’espérance de vie à 65 ans, âge minimal de ces militantes, est passée de 18,4 à 22,5 années. Il ne semble pas que «le climat» ait eu des conséquences fâcheuses sur leur droit à la vie.</p> <p>En recoupant les données de l’OFS et de Météosuisse, on peut observer la nature cyclique du nombre de décès par semaine des personnes de plus de 65 ans en Suisse, de 2010 à 2024 (Figure).</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1713434705_capturedcran2024041812.04.17.png" class="img-responsive img-fluid center " width="784" height="554" /></p> <p>La courbe noire pleine montre que les périodes hivernales restent les plus fatales, toutes causes confondues, pouvant parfois accroître la mortalité de 72% par rapport aux périodes estivales. Bien que les variabilités démographiques soient complexes à appréhender avec précision (comme les «effets moisson» ou les crises sanitaires telles la Covid-19), cette nature cyclique confirme simplement que «le froid tue».</p> <p>Pour s’en convaincre, s’affichent en gris sur la figure et à titre d’exemple, les températures <i>maximales </i>quotidiennes de la station de Neuchâtel montrant de larges amplitudes au cours de l’année. A partir du printemps 2020, la courbe des décès-toutes-causes subit les perturbations du Coronavirus et ses conséquences, rendant hasardeuse toute interprétation de détail. Mais la forte anti-corrélation entre décès et saisonnalité demeure. Nous supportons bien plus aisément les températures non-optimales chaudes que froides. Une étude récente<strong><sup>1</sup></strong> publiée dans <i>The Lancet</i> sur les excès de mortalité dans les villes européennes entre 2000 et 2019, dus cette fois uniquement aux températures non-optimales chaudes ou froides, confirme la tendance générale: entre 65 et 74 ans, le froid tue en Suisse 3 fois plus que le chaud, entre 75 et 84 ans, 6 fois plus, et au-dessus de 85 ans, 7,6 fois davantage. Dans une autre étude du <i>Lancet</i><strong><sup>2</sup></strong> sur les températures non-optimales entre 2000 et 2019 au niveau mondial, le constat est identique: le taux mondial de surmortalité liée au froid a baissé de 0,5% alors que celui lié à la chaleur aurait augmenté de 0,2%, conduisant à une réduction nette du ratio mondial des décès liés aux températures extrêmes. Mais ces pourcentages ne touchent pas le même nombre de personnes, bien plus nombreuses à décéder durant les hivers, ce qui amplifie davantage le bénéfice d’un réchauffement climatique. Ces militantes du climat semblent donc avoir convaincu la CEDH de porter la justice dans un monde fantasmé, où seules les températures excessivement chaudes président à la destinée des femmes, en invitant la Suisse à rejeter la réalité des faits.</p> <p>Pourtant, dans le monde réel, faut-il le rappeler, l’espérance de vie des Suissesses n’a cessé d’augmenter, et ce malgré le «dérèglement climatique», et grâce, pour l’essentiel, aux énergies fossiles. De plus, les décès directement liés aux températures non-optimales s’amenuisent grâce en grande partie à des hivers plus cléments.</p> <p>Dans le monde réel, un pays riche comme la Suisse permet à sa population de s’adapter aisément aux inconforts météorologiques (chauffage ou climatisation, isolations, facilité d’accès aux soins, énergie toujours disponible, etc.). A cela peut s’ajouter une topographie bienveillante durant les étés avec de nombreux lacs et rivières, et une fraicheur montagnarde accessible.</p> <p>Dans le monde réel, la Suisse a diminué de près de 40% ses émissions de CO<sub>2</sub> par habitant depuis 1980 et 91% de sa production électrique est bas-carbone. D’après la Banque Mondiale, les émissions de CO<sub>2</sub> par dollar de parité de pouvoir d’achat de PIB (ce qui ramène tous les pays du monde à une échelle comparable) placent la Suisse au 4ème<sup>.</sup>rang sur 181 pays, démontrant son efficience énergétique tout en maintenant des conditions de vie exceptionnelles, devant la Suède 6ème, la France 28ème, l’Allemagne 74ème (illustrant l’échec de l’<i>Energiewende</i>), les USA 126ème et la Chine 170ème.</p> <p>Dans le monde réel, si la Suisse devait poursuivre ses émissions de CO<sub>2</sub> au niveau de 2019, elle ne contribuerait en 2100 qu’à une élévation de la température mondiale de quelques millièmes de degrés Celsius suivant les formules fournies par le GIEC. Ces valeurs restent non-mesurables et insignifiantes.</p> <p>Mais les militantes du climat ne vivent pas dans le monde réel. Elles séjournent dans un univers peuplé d’illusions où seules les impressions du sujet construisent son milieu, où les slogans inconsistants balaient les données factuelles, où la Suisse parviendrait par sa «politique climatique» à influencer la régulation des climats de la Terre. Oui, la CEDH a bien approuvé la guerre contre la réalité menée par le climatisme, nouvelle religion de certaines classes aisées des pays les plus riches.</p> <hr /> <h4><sup>1</sup>Masselot et al. (2023) <i>Lancet Planet Health</i>, vol. 7, e-271-281</h4> <h4><sup>2</sup>Zhao et al. (2021) <i>Lancet Planet Health</i>, vol. 5, e415-425</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'la-cour-europeenne-des-droits-de-l-homme-cedh-aurait-elle-engage-une-guerre-contre-le-monde-des-realites', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 51, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 8, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4878, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Cuba entre famine et abondance', 'subtitle' => 'La situation économique à Cuba est catastrophique. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
1 Commentaire
@Christophe Mottiez 09.12.2022 | 11h43
«un exemple flagrant de cette dérive dangereuse est la difficulté de nos jours à trouver dans les magasins un magnétoscope qui permette d'enregistrer des programmes télévisuels et de les transférer ensuite vers un support mobile tel que stick usb ou disque dur externe. la plupart des magnétoscopes en vente dans les magasins ne permettent pas le transfert du magnétoscope vers un support mobile.»