Actuel / Les tongs, un succès mondial aux pieds de tous
La boutique éphémère havaianas sur les Champs-Élysées à Paris. Kristen Pelou pour Havaianas
Les tongs sont plus universelles que les baskets. Les ventes mondiales de ces nu-pieds qui séparent le gros orteil des autres dépassent celles des sneakers. Symbole des vacances d’été à la plage, les tongs sont aussi les premières chaussures des hommes et des femmes qui vivent très pauvrement dans les pays en voie de développement, les va-nu-pieds, disait-on autrefois. Car la tong est à la fois une chaussure récréative et indispensable; en résumé, un bienfait où que l’on habite sur terre.
François Lévêque, Mines Paris - PSL
Les tongs sont plus universelles que les baskets. Les ventes mondiales de ces nu-pieds qui séparent le gros orteil des autres dépassent celles des sneakers. Symbole des vacances d’été à la plage, les tongs sont aussi les premières chaussures des hommes et des femmes qui vivent très pauvrement dans les pays en voie de développement, les va-nu-pieds, disait-on autrefois. Car la tong est à la fois une chaussure récréative et indispensable ; en résumé, un bienfait où que l’on habite sur terre.
Les appellations de ces sandales ordinaires témoignent de leur ubiquité. Chaque pays les a baptisées à sa manière. En référence souvent au bruit qu’elles font quand on avance ainsi chaussé. Cela donne du flip-flop aux États-Unis et au Royaume-Uni, du chip-chip en Egypte, clic-clac au Québec, tapettes au Cameroun. Sous d’autres latitudes, le nom fait plutôt référence à l’écartement entre les orteils, d’où les infradito en Italie, ou Zehentrenner en Allemagne.
Du Vietnam aux États-Unis
En France, le nom « tong » dérive de thong, lanière en anglais, le premier nom des flip-flops américaines… rapportées de la guerre du Vietnam. Elle ne doit pas être confondue avec la claquette, cette sandale avec une bande sur le dessus arborant le plus souvent un logo ostentatoire. Ce nu-pied pour maîtres-nageurs n’aurait jamais dû se répandre hors des piscines. Trop moches, comme les Crocs, dont nous parlerons dans un prochain article.
Dans nos pays, les tongs symbolisent la détente et l’insouciance. Elles côtoient les serviettes de plage et accompagnent les apéritifs entre amis. L’été, on les voit partout aux pieds. Derrière un caddie et en ville, comme à la piscine et au camping. Même sur les pédales de vélo – au risque de s’écorcher –, et de conduite de voiture – un comportement passible d’amende.
Populaire et sophistiquée, c’est selon vos moyens
Peu répandues avant les années 1960, la tong n’a pas pris place dans les Mythologies de Roland Barthes et pourtant, elles y auraient eu toute leur place. Parions qu’elle aurait incarné le mythe de la simplicité. Une semelle de caoutchouc et une lanière plastique en Y pour se dépouiller des habits de la civilisation. Il aurait sans doute aussi souligné que cette simplicité accessible à tous n’abolissait pas les différences sociales : par les styles et les modèles choisis, les tongs signalent les conditions de ceux et celles qui les portent, comme en témoigne ce modèle siglé par une célèbre maison de couture, rue Cambon à Paris. Barthes aurait enfin repéré malicieusement l’érotisme de cette chaussure qui dévoile la nudité du pied, habituellement caché.
Des tongs camélia de la maison Chanel. site Internet Corner Luxe
Mais nous ne sommes pas sémiologue, mais plus platement économiste. À quoi ressemble donc l’économie de la tong ? Le marché mondial de la tong est plus grand que celui des baskets avons-nous affirmé en préambule. Le point est avancé par l’autrice de Flip-Flop ), un livre sur la mondialisation des tongs paru en 2014. Elle en a offert un résumé dans ces colonnes. Citons quelques chiffres d’aujourd’hui pour donner des éléments de comparaison : la consommation annuelle de chaussures s’élève à environ 20 milliards de paires dont le quart de sneakers, et ce pour des chiffres d’affaires respectivement d’environ 400 et 75 milliards de dollars.
Il est en réalité difficile d’être catégorique dans le match sneakers contre tongs par manque de données précises pour ces dernières. La production et la revente des tongs sont trop déconcentrées et disséminées pour le statisticien. Elles sont fabriquées partout dans le monde et à toutes les échelles. En Chine bien sûr, mais pas seulement. Le produit est peu technique, le procédé n’exige pas de machines sophistiquées et les composants sont facilement disponibles : des granulés de caoutchoucs et plastiques aux noms de berger grec, quoique d’origine pétrochimique. Polyuréthane principalement pour la lanière et Éthylène Acétate de Vinyle majoritairement pour la semelle.
De petits ateliers français
Elles peuvent être aussi bien façonnées en petit atelier qu’en usine. En France, les tongs de la marque bretonne Jo Bigorneau – je n’invente pas – proviennent d’un atelier isérois, Couleur Tong. Il compte quelques personnes produisant quelques dizaines de paires par jour. À l’opposé, le premier producteur mondial fabrique quotidiennement près d’un million de paires dans la plus grande de ses usines.
Vous en portez d’ailleurs peut-être aux pieds. Elles sont facilement reconnaissables par le petit drapeau brésilien qui orne leur lanière. Vous en connaissez aussi sans doute le nom : des Havaianas. Comprenez des Hawaïennes (et non les Havanaises de Cuba). Fabriquées par Alpargatas S.A. pendant très longtemps en un seul modèle, elles chaussaient anonymement les habitants des favelas pour quelques reals. Puis le marketing de la mode est passé par là. La coupe du monde de foot de 1998 (petit rappel : France 3 Brésil 0 en finale) a lancé le logo jaune et vert et de grands couturiers ont donné leur nom à des séries limitées d’Havaianas, tout comme Coca Cola et Walt Disney le leur à des modèles de promotion.
Grand écart entre le prix de vente et le coût de production
Montée en gamme et profusion de modèles, forte valeur-produit par l’image, économie d’échelle en fabrication. Le tour est joué pour faire le grand écart entre le coût de production et le prix de vente, le but étant de rapprocher ce dernier du consentement à payer des différents segments de clientèle. Ou comment engranger des profits démesurés avec un produit basique. Attention, cette stratégie gagnante est plus facile à énoncer qu’à mettre en œuvre avec succès. Alpargatas S.A. est la seule entreprise au monde à y être parvenue sur le marché des tongs. Elle domine aujourd’hui une flopée de concurrents, tous très loin derrière elle.
La plupart, qu’ils soient localisés en Chine ou ailleurs, sont restés sur la production de tongs bon marché. Celles que vous trouvez à 2 euros chez Décathlon, par exemple, ou à quelques centimes d’euros sur les marchés africains, et même sur Amazon France à 4 centimes d’euros (plus 7 euros à ajouter pour la livraison).
Le monde compte plusieurs centaines de millions d’hommes, femmes et enfants qui vont nu-pieds. Malgré son gentillet côté bucolique et ancestral vu parfois de ce côté de la planète, la marche sans chaussures est tout sauf recommandable. Coupures, œdèmes, inflammations, infections par des vers parasites du sol sont quelques-uns des problèmes rencontrés quand les pieds des pauvres des bidonvilles ou des zones rurales ne sont pas protégés.
Les tongs ne sont pas les chaussures idéales notamment pour marcher avec tous les jours et sur de longues distances, comme on le voit trop souvent en Afrique. Mais pour les populations trop pauvres pour s’acheter d’autres chaussures, cela vaut incomparablement mieux que d’aller pieds nus.
Tout en plastique et d’une grande plasticité
La tong, objet le plus ordinaire qui soit, se révèle ainsi d’une plasticité planétaire. Elle peut combler ici une nécessité vitale et procurer ailleurs un petit bonheur de consommation. Joindre l’indispensable et l’agréable. Finalement, elle contribue incroyablement au bien-être social des Terriens. Ce n’est pas rien pour une simple semelle retenue par une bride. Bref, un bienfait pour l’humanité, ce que nous ne prétendrons pas dans un prochain article au sujet des Crocs.
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Mais la tong n’est pas qu’habit de vertu. Elle contribue tout au long de son cycle du berceau à la tombe à la dégradation de la planète. Tout comme les autres fabrications et usages du plastique : émissions de CO2 de la pétrochimie, déchets de fabrication, décharges non contrôlées, pollution des océans, etc. Avec la particularité d’un gaspillage plus grand encore en raison du prix modique.
Dans les pays riches, les tongs se présentent aussi comme des chaussures jetables. Abandon en bord de mer et de chemin, sans souci ni regret pour leurs propriétaires. Achat de surconsommation pour disposer de nombreuses paires assorties aux couleurs de ses différentes tenues ou pour se procurer les nouveautés de l’année.
Même si, malgré de premières initiatives tant au Nord qu’au Sud, la circularité complète de la tong n’est pas pour demain, ses bienfaits sont toutefois trop immenses et universels pour la rayer de la carte du monde. Accros des tongs ou simples amateurs, Parisiens ou visiteurs, vous avez jusqu’au 31 août pour vous rendre au magasin éphémère d’Havaianas, avenue des Champs-Elysées.
Pour acheter ou seulement rêver devant les images projetées en boucle de la plage de Copacabana située en bas de favelas que l’on ne voit pas. Un parfait résumé de la dualité de la tong.
François Lévêque, Professeur d’économie, Mines Paris - PSL
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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Les ventes mondiales de ces nu-pieds qui séparent le gros orteil des autres dépassent celles des sneakers. Symbole des vacances d’été à la plage, les tongs sont aussi les premières chaussures des hommes et des femmes qui vivent très pauvrement dans les pays en voie de développement, les va-nu-pieds, disait-on autrefois. Car la tong est à la fois une chaussure récréative et indispensable ; en résumé, un bienfait où que l’on habite sur terre.</p> <p>Les appellations de ces sandales ordinaires témoignent de leur ubiquité. Chaque pays les a baptisées à sa manière. En référence souvent au bruit qu’elles font quand on avance ainsi chaussé. Cela donne du flip-flop aux États-Unis et au Royaume-Uni, du chip-chip en Egypte, clic-clac au Québec, tapettes au Cameroun. 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Même sur les pédales de vélo – au risque de s’écorcher –, et de conduite de voiture – un comportement passible d’amende.</p> <h3>Populaire et sophistiquée, c’est selon vos moyens</h3> <p>Peu répandues avant les années 1960, la tong n’a pas pris place dans les Mythologies de Roland Barthes et pourtant, elles y auraient eu toute leur place. Parions qu’elle aurait incarné le mythe de la simplicité. Une semelle de caoutchouc et une lanière plastique en Y pour se dépouiller des habits de la civilisation. Il aurait sans doute aussi souligné que cette simplicité accessible à tous n’abolissait pas les différences sociales : par les styles et les modèles choisis, les tongs signalent les conditions de ceux et celles qui les portent, comme en témoigne ce modèle siglé par une célèbre maison de couture, rue Cambon à Paris. Barthes aurait enfin repéré malicieusement l’érotisme de cette chaussure qui dévoile la nudité du pied, habituellement caché.</p> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/610823/original/file-20240801-17-yroxuj.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="" /></h4> <h4 style="text-align: center;"><em>Des tongs camélia de la maison Chanel. site Internet Corner Luxe</em></h4> <p>Mais nous ne sommes pas sémiologue, mais plus platement économiste. À quoi ressemble donc l’économie de la tong ? Le marché mondial de la tong est plus grand que celui des baskets avons-nous affirmé en préambule. Le point est avancé par <a href="https://www.plutobooks.com/9780745334110/flip-flop/">l’autrice de Flip-Flop</a> ), un livre sur la mondialisation des tongs paru en 2014. Elle en a offert un résumé <a href="https://theconversation.com/how-your-flip-flops-reveal-the-dark-side-of-globalisation-96769">dans ces colonnes</a>. 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Le produit est peu technique, le procédé n’exige pas de machines sophistiquées et les composants sont facilement disponibles : des granulés de caoutchoucs et plastiques aux noms de berger grec, quoique d’origine pétrochimique. Polyuréthane principalement pour la lanière et Éthylène Acétate de Vinyle majoritairement pour la semelle.</p> <h3>De petits ateliers français</h3> <p>Elles peuvent être aussi bien façonnées en petit atelier qu’en usine. En France, les tongs de la marque bretonne Jo Bigorneau – <a href="https://jobigorneau.fr">je n’invente pas</a> – proviennent d’un atelier isérois, <a href="https://www.couleurtong.fr">Couleur Tong</a>. Il compte quelques personnes produisant quelques dizaines de paires par jour. 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La coupe du monde de foot de 1998 (petit rappel : France 3 Brésil 0 en finale) a lancé le logo jaune et vert et de grands couturiers ont donné leur nom à des séries limitées d’Havaianas, tout comme Coca Cola et Walt Disney le leur à des modèles de promotion.</p> <h3>Grand écart entre le prix de vente et le coût de production</h3> <p>Montée en gamme et profusion de modèles, forte valeur-produit par l’image, économie d’échelle en fabrication. Le tour est joué pour faire le grand écart entre le coût de production et le prix de vente, le but étant de rapprocher ce dernier du consentement à payer des différents segments de clientèle. Ou comment engranger des profits démesurés avec un produit basique. Attention, cette stratégie gagnante est plus facile à énoncer qu’à mettre en œuvre avec succès. Alpargatas S.A. est la seule entreprise au monde à y être parvenue sur le marché des tongs. Elle domine aujourd’hui une flopée de concurrents, tous très loin derrière elle.</p> <p>La plupart, qu’ils soient localisés en Chine ou ailleurs, sont restés sur la production de tongs bon marché. Celles que vous trouvez à 2 euros chez Décathlon, par exemple, ou à quelques centimes d’euros sur les marchés africains, et même sur Amazon France à 4 centimes d’euros (plus 7 euros à ajouter pour la livraison).</p> <p>Le monde compte plusieurs centaines de millions d’hommes, femmes et enfants qui vont nu-pieds. Malgré son gentillet côté bucolique et ancestral vu parfois de ce côté de la planète, la marche sans chaussures est tout sauf recommandable. Coupures, œdèmes, inflammations, infections par des vers parasites du sol sont quelques-uns des problèmes rencontrés quand les pieds des pauvres des bidonvilles ou des zones rurales ne sont pas protégés.</p> <p>Les tongs ne sont pas les chaussures idéales notamment pour marcher avec tous les jours et sur de longues distances, comme on le voit trop souvent en Afrique. Mais pour les populations trop pauvres pour s’acheter d’autres chaussures, cela vaut incomparablement mieux que d’aller pieds nus.</p> <h3>Tout en plastique et d’une grande plasticité</h3> <p>La tong, objet le plus ordinaire qui soit, se révèle ainsi d’une plasticité planétaire. Elle peut combler ici une nécessité vitale et procurer ailleurs un petit bonheur de consommation. Joindre l’indispensable et l’agréable. Finalement, elle contribue incroyablement au bien-être social des Terriens. Ce n’est pas rien pour une simple semelle retenue par une bride. 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Achat de surconsommation pour disposer de nombreuses paires assorties aux couleurs de ses différentes tenues ou pour se procurer les nouveautés de l’année.</p> <p>Même si, malgré de premières initiatives tant au Nord qu’au Sud, la circularité complète de la tong n’est pas pour demain, ses bienfaits sont toutefois trop immenses et universels pour la rayer de la carte du monde. Accros des tongs ou simples amateurs, Parisiens ou visiteurs, vous avez jusqu’au 31 août pour vous rendre au magasin éphémère d’Havaianas, <a href="https://fr.fashionnetwork.com/news/Havaianas-investit-les-champs-elysees,1643982.html">avenue des Champs-Elysées</a>.</p> <p>Pour acheter ou seulement rêver devant les images projetées en boucle de la plage de Copacabana située en bas de favelas que l’on ne voit pas. 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Elles côtoient les serviettes de plage et accompagnent les apéritifs entre amis. L’été, on les voit partout aux pieds. Derrière un caddie et en ville, comme à la piscine et au camping. Même sur les pédales de vélo – au risque de s’écorcher –, et de conduite de voiture – un comportement passible d’amende.</p> <h3>Populaire et sophistiquée, c’est selon vos moyens</h3> <p>Peu répandues avant les années 1960, la tong n’a pas pris place dans les Mythologies de Roland Barthes et pourtant, elles y auraient eu toute leur place. Parions qu’elle aurait incarné le mythe de la simplicité. Une semelle de caoutchouc et une lanière plastique en Y pour se dépouiller des habits de la civilisation. Il aurait sans doute aussi souligné que cette simplicité accessible à tous n’abolissait pas les différences sociales : par les styles et les modèles choisis, les tongs signalent les conditions de ceux et celles qui les portent, comme en témoigne ce modèle siglé par une célèbre maison de couture, rue Cambon à Paris. Barthes aurait enfin repéré malicieusement l’érotisme de cette chaussure qui dévoile la nudité du pied, habituellement caché.</p> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/610823/original/file-20240801-17-yroxuj.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="" /></h4> <h4 style="text-align: center;"><em>Des tongs camélia de la maison Chanel. site Internet Corner Luxe</em></h4> <p>Mais nous ne sommes pas sémiologue, mais plus platement économiste. À quoi ressemble donc l’économie de la tong ? Le marché mondial de la tong est plus grand que celui des baskets avons-nous affirmé en préambule. Le point est avancé par <a href="https://www.plutobooks.com/9780745334110/flip-flop/">l’autrice de Flip-Flop</a> ), un livre sur la mondialisation des tongs paru en 2014. Elle en a offert un résumé <a href="https://theconversation.com/how-your-flip-flops-reveal-the-dark-side-of-globalisation-96769">dans ces colonnes</a>. Citons quelques chiffres d’aujourd’hui pour donner des éléments de comparaison : la consommation annuelle de chaussures s’élève à environ <a href="https://runrepeat.com/shoe-consumption-statistics">20 milliards de paires</a> dont le quart de sneakers, et ce pour des chiffres d’affaires respectivement <a href="https://www.statista.com/outlook/cmo/footwear/sneakers/worldwide#revenue">d’environ 400 et 75 milliards de dollars</a>.</p> <p>Il est en réalité difficile d’être catégorique dans le match sneakers contre tongs par manque de données précises pour ces dernières. La production et la revente des tongs sont trop déconcentrées et disséminées pour le statisticien. Elles sont fabriquées partout dans le monde et à toutes les échelles. En Chine bien sûr, mais pas seulement. Le produit est peu technique, le procédé n’exige pas de machines sophistiquées et les composants sont facilement disponibles : des granulés de caoutchoucs et plastiques aux noms de berger grec, quoique d’origine pétrochimique. Polyuréthane principalement pour la lanière et Éthylène Acétate de Vinyle majoritairement pour la semelle.</p> <h3>De petits ateliers français</h3> <p>Elles peuvent être aussi bien façonnées en petit atelier qu’en usine. En France, les tongs de la marque bretonne Jo Bigorneau – <a href="https://jobigorneau.fr">je n’invente pas</a> – proviennent d’un atelier isérois, <a href="https://www.couleurtong.fr">Couleur Tong</a>. Il compte quelques personnes produisant quelques dizaines de paires par jour. À l’opposé, le premier producteur mondial fabrique quotidiennement près d’un million de paires dans la plus grande de ses usines.</p> <figure><iframe frameborder="0" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/2-qa1t0kMII?wmode=transparent&start=0" width="440"></iframe></figure> <p>Vous en portez d’ailleurs peut-être aux pieds. Elles sont facilement reconnaissables par le petit drapeau brésilien qui orne leur lanière. Vous en connaissez aussi sans doute le nom : des Havaianas. Comprenez des Hawaïennes (et non les Havanaises de Cuba). Fabriquées par Alpargatas S.A. pendant très longtemps en un seul modèle, elles chaussaient anonymement les habitants des favelas pour quelques reals. Puis le marketing de la mode est passé par là. La coupe du monde de foot de 1998 (petit rappel : France 3 Brésil 0 en finale) a lancé le logo jaune et vert et de grands couturiers ont donné leur nom à des séries limitées d’Havaianas, tout comme Coca Cola et Walt Disney le leur à des modèles de promotion.</p> <h3>Grand écart entre le prix de vente et le coût de production</h3> <p>Montée en gamme et profusion de modèles, forte valeur-produit par l’image, économie d’échelle en fabrication. Le tour est joué pour faire le grand écart entre le coût de production et le prix de vente, le but étant de rapprocher ce dernier du consentement à payer des différents segments de clientèle. Ou comment engranger des profits démesurés avec un produit basique. Attention, cette stratégie gagnante est plus facile à énoncer qu’à mettre en œuvre avec succès. Alpargatas S.A. est la seule entreprise au monde à y être parvenue sur le marché des tongs. Elle domine aujourd’hui une flopée de concurrents, tous très loin derrière elle.</p> <p>La plupart, qu’ils soient localisés en Chine ou ailleurs, sont restés sur la production de tongs bon marché. Celles que vous trouvez à 2 euros chez Décathlon, par exemple, ou à quelques centimes d’euros sur les marchés africains, et même sur Amazon France à 4 centimes d’euros (plus 7 euros à ajouter pour la livraison).</p> <p>Le monde compte plusieurs centaines de millions d’hommes, femmes et enfants qui vont nu-pieds. Malgré son gentillet côté bucolique et ancestral vu parfois de ce côté de la planète, la marche sans chaussures est tout sauf recommandable. Coupures, œdèmes, inflammations, infections par des vers parasites du sol sont quelques-uns des problèmes rencontrés quand les pieds des pauvres des bidonvilles ou des zones rurales ne sont pas protégés.</p> <p>Les tongs ne sont pas les chaussures idéales notamment pour marcher avec tous les jours et sur de longues distances, comme on le voit trop souvent en Afrique. Mais pour les populations trop pauvres pour s’acheter d’autres chaussures, cela vaut incomparablement mieux que d’aller pieds nus.</p> <h3>Tout en plastique et d’une grande plasticité</h3> <p>La tong, objet le plus ordinaire qui soit, se révèle ainsi d’une plasticité planétaire. Elle peut combler ici une nécessité vitale et procurer ailleurs un petit bonheur de consommation. Joindre l’indispensable et l’agréable. Finalement, elle contribue incroyablement au bien-être social des Terriens. Ce n’est pas rien pour une simple semelle retenue par une bride. Bref, un bienfait pour l’humanité, ce que nous ne prétendrons pas dans un prochain article au sujet des Crocs.</p> <p><em>[Déjà plus de 120 000 abonnements aux newsletters</em> The Conversation. <em>Et vous ? <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/subscribe/?promoted=la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a> pour mieux comprendre les grands enjeux du monde.]</em></p> <p>Mais la tong n’est pas qu’habit de vertu. Elle contribue tout au long de son cycle du berceau à la tombe à la dégradation de la planète. Tout comme les autres fabrications et usages du plastique : émissions de CO<sub>2</sub> de la pétrochimie, déchets de fabrication, décharges non contrôlées, pollution des océans, etc. Avec la particularité d’un gaspillage plus grand encore en raison du prix modique.</p> <p>Dans les pays riches, les tongs se présentent aussi comme des chaussures jetables. Abandon en bord de mer et de chemin, sans souci ni regret pour leurs propriétaires. Achat de surconsommation pour disposer de nombreuses paires assorties aux couleurs de ses différentes tenues ou pour se procurer les nouveautés de l’année.</p> <p>Même si, malgré de premières initiatives tant au Nord qu’au Sud, la circularité complète de la tong n’est pas pour demain, ses bienfaits sont toutefois trop immenses et universels pour la rayer de la carte du monde. Accros des tongs ou simples amateurs, Parisiens ou visiteurs, vous avez jusqu’au 31 août pour vous rendre au magasin éphémère d’Havaianas, <a href="https://fr.fashionnetwork.com/news/Havaianas-investit-les-champs-elysees,1643982.html">avenue des Champs-Elysées</a>.</p> <p>Pour acheter ou seulement rêver devant les images projetées en boucle de la plage de Copacabana située en bas de favelas que l’on ne voit pas. Un parfait résumé de la dualité de la tong.<img src="https://counter.theconversation.com/content/235984/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/francois-leveque-196391">François Lévêque</a>, Professeur d’économie, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/mines-paris-psl-2266">Mines Paris - PSL</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/les-tongs-un-succes-mondial-aux-pieds-de-tous-235984">article original</a>.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'les-tongs-un-succes-mondial-aux-pieds-de-tous', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 75, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => 'https://theconversation.com/les-tongs-un-succes-mondial-aux-pieds-de-tous-235984', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Edition) {} ], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 4 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 5 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5147, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Le Conseil national suisse au service de la propagande de guerre étrangère', 'subtitle' => 'La tradition humanitaire de la Suisse est en grand danger. 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Visiblement, il entretient un lien direct avec certains parlementaires.</p> <h3>Des enfants morts comme des numéros</h3> <p>Il y a quelques jours, je me suis entretenue par Zoom avec un médecin travaillant à Gaza et trois autres qui y ont travaillé pendant un certain temps. Leurs récits étaient tout simplement horribles. Des enfants gravement blessés lors de bombardements, que l'on ne pouvait pas identifier, n'attribuer à aucune famille et qui mouraient comme des numéros. Des blessés et des malades qui meurent par manque de moyens les plus élémentaires. Des enfants qui arrivent à l'hôpital pour boire de l'eau dans les toilettes. Et oui, tous sont malades. On craint l'épidémie de poliomyélite, et on ne la combat que pour éviter qu'elle ne s'étende à Israël. Israël interdit toujours de parler de génocide, mais il n'y a pas d'autre mot.</p> <h3>Il ne savait pas</h3> <p>Le conseiller national (UDC) David Zuberbühler, qui s'est exprimé au parlement, prétendra peut-être un jour qu'il ne «savait pas». Aux autres votant-e-s qui se sont exprimé-e-s contre l'envoi de l'aide d'urgence, je laisse le bénéfice du doute, sûrement ils et elles ne sont que des suiveurs-ses.</p> <p>Le plus à blâmer reste le conseiller fédéral Cassis, même s'il a reconnu qu'il ne fallait pas couper son financement à l'UNRWA précisément au moment où éclatait la plus grande crise humanitaire que l'office ait eue à gérer. Cassis a pourtant bien œuvré au démantèlement de l'UNRWA depuis son entrée en fonction, a répété à Trump qu'elle faisait «partie du problème», n'a pas soutenu le directeur Pierre Krähenbühl lorsqu'il a été contraint de démissionner après avoir été calomnié. Il a refusé à Philippe Lazzarini le soutien dont il avait besoin et a obéi aveuglément aux exigences israéliennes. Cassis semble n'avoir jamais compris le rôle de la Suisse en tant qu'Etat dépositaire de la Convention de Genève, ni l'avantage en termes de réputation internationale de voir des Suisses à la tête de l'agence humanitaire en tant que commissaires généraux.</p> <p>Cette dernière a été fondée par la communauté internationale pour accueillir les réfugiés expulsés par Israël lors de la création de l'Etat. Pour inciter les pays environnants à accueillir les réfugiés, les soulager et les apaiser, c'est-à-dire pour protéger Israël.</p> <p>Malgré cela, Israël travaille depuis des décennies au démantèlement de l'UNRWA en utilisant toutes les accusations possibles et imaginables, le plus souvent inventées de toutes pièces. Cela s'explique par le fait que le statut de réfugié garantit aux Palestiniens un droit au retour. 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Ce traité scientifique et pratique du XII<sup>e</sup> siècle, qui décrit les règles à suivre dans les relations amoureuses, définit l’amour comme une passion innée, qui naît de la contemplation de la beauté et d’une obsession envers l’être aimé.</p> <p>Capellanus énumère différents types d’amour : l’amour vrai, entre personnes de même rang social ; l’amour vulgaire, ou charnel ; l’amour impossible ; et l’amour malhonnête (que l’auteur condamne car il est contraire aux préceptes moraux).</p> <p><a href="https://images.theconversation.com/files/602539/original/file-20240624-17-k8ly0n.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/602539/original/file-20240624-17-k8ly0n.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="Au Moyen Âge, on définissait l’amour de différentes manières. 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Cet excès expliquait le lien entre les mots « amour » et « amer ». Selon lui, la maladie frappait le cerveau et pouvait provoquer des pensées et des inquiétudes intenses chez l’amant. Dans le même ordre d’idées, la thèse de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Boissier_de_Sauvages_de_Lacroix">Boissier de Sauvages</a> associe le mal d’amour à la mélancolie.</p> <p>Selon le <a href="https://patrimoniodigital.ucm.es/s/patrimonio/item/639079"><em>Lilium Medicinae</em> de Bernardo De Gordonio</a>, cette pathologie, causée par « l’amour des femmes », pouvait conduire à la mort du malade. Il était entendu que l’homme était obsédé par les images de sa bien-aimée. Dans ces conditions, la température du corps, le flux sanguin et le désir sexuel augmentaient. 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Lucrèce consacre le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/De_rerum_natura">livre IV du <em>De Rerum Natura</em></a> au thème de l’amour, le considérant comme une maladie dangereuse pour l’équilibre mental de l’être humain. Pour Garcilaso de la Vega, cet état peut conduire à la folie et à la mort. Dans son <a href="https://www.poemas-del-alma.com/garcilaso-de-la-vega-soneto-xiv.htm">sonnet XIV</a>, il explique comment sa passion amoureuse l’a conduit au désespoir, où il ne trouve ni paix ni repos.</p> <p>On constate aussi que la maladie afflige des personnages littéraires bien connus. Le <em>Livre du Bon Amour</em> de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Archipr%C3%AAtre_de_Hita">archiprêtre de Hita</a> montre la lutte entre l’esprit chrétien et l’amour de Dieu, d’un côté, et « l’ amour fou » qui ronge l’amant, de l’autre. Dans <a href="https://es.wikipedia.org/wiki/El_Corbacho"><em>El Corbacho</em></a> de l’archiprêtre de Talavera, l’« amour fou » est décrit comme la cause directe de l’aliénation mentale et même de la mort.</p> <h4 style="text-align: center;"><a href="https://images.theconversation.com/files/602537/original/file-20240624-17-m51n2s.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/602537/original/file-20240624-17-m51n2s.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="Première édition de _La Célestine ou tragicomédie de Calixte et de Mélibée_ de Fernando de Rojas. Burgos, 1499" /></a></h4> <h4 style="text-align: center;"><em><span>La Célestine ou tragicomédie de Calixte et de Mélibée_ de Fernando de Rojas. Burgos, 1499.</span> <span><a href="https://www.cervantesvirtual.com/obra/comedia-de-calisto-y-melibea--0/">Cervantes Virtual</a></span></em></h4> <p>Leriano, le héros de <a href="https://www.fayard.fr/livre/prison-damour-9782213607542/"><em>La Prison d’amour</em> de Diego de San Pedro</a>, souffre lui aussi du « mal d’amour », une passion profonde pour Laureola qui lui fait perdre l’appétit et le sommeil, et manque de le tuer.</p> <p>Dans <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/La_C%C3%A9lestine"><em>La Célestine</em></a>, Calixte manifeste un désir sexuel démesuré qui le conduit à la folie amoureuse. Sans oublier que l’objectif final du Don Quichotte de Miguel de Cervantes est de faire connaître <a href="https://www.cervantesvirtual.com/obra-visor/el-ingenioso-hidalgo-don-quijote-de-la-mancha-6/html/05f86699-4b53-4d9b-8ab8-b40ab63fb0b3_5.html">l’étendue de sa passion</a> à sa bien-aimée, Dulcinée.</p> <p>Dans <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Tirant_le_Blanc"><em>Tirant le Blanc</em> de Joanot Martorell</a>, l’attirance du protagoniste pour Carmésine occasionne un manque d’appétit, des crises d’insomnie, des pleurs et des soupirs. De même, dans <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Espill"><em>Espill</em> de Jaume Roig</a>, le sage Salomon diagnostique dans les rêves du protagoniste un maladie d’amour dee à une passion amoureuse démesurée.</p> <h3>Existait-t-il un remède au mal d’amour ?</h3> <p>La guérison passait par une double recommandation : régime alimentaire et discipline morale. Le <a href="http://www.cairn.info/revue-cahiers-d-etudes-hispaniques-medievales-2015-1-page-29.htm">régime prescriptif</a> consistait à éviter le vin, la viande rouge, le lait, les œufs, les légumes et les aliments de couleur rouge, qui incitent au mouvement du sang et au désir sexuel. Le malade d’amour devait manger de la viande blanche, du poisson et boire de l’eau ou du vinaigre. Il était également nécessaire de bien transpirer et de prendre un bain avant de manger.</p> <p>Il convenait aussi de dominer ses pulsions charnelles afin de soumettre la volonté, en posant une plaque de fer froid sur les reins (berceau supposé du désir), en dormant sur un oreiller rempli d’orties, en se baignant dans l’eau froide, etc.</p> <p>Les instincts charnels étaient la cause principale de tous ces maux. Une vie vertueuse, éloignée de la passion excessive, permettait de trouver l’harmonie entre le corps et l’âme, car le mal d’amour pouvait conduire à la mort et, pire encore, à la damnation de l’âme.<img src="https://counter.theconversation.com/content/234964/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/anna-peirats-1491377">Anna Peirats</a>, IVEMIR-UCV, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/universidad-catolica-de-valencia-5465">Universidad Católica de Valencia</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. 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Ce n’est pas en étant tous d’accord que nous permettrons à la réflexion de progresser, ce n’est pas en refusant l’altérité. Il arrive que certains de nos articles dérangent des lecteurs et des lectrices, nous l’assumons. <strong>Notre but n’est pas de vous plaire, il est de vous donner matière à penser. </strong></p> <p>Economiquement, nous sommes <strong>totalement indépendants</strong>, nous ne vivons que de vos abonnements et de vos dons, n’avons <strong>ni sponsors ni annonces publicitaires</strong>. Nous pouvons le faire car la majorité de nos contributeurs sont bénévoles, comme notre comité de direction; nous sommes toutes et tous <strong>animés par la passion pour le journalisme d'information et de réflexion</strong>. 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Le handicap et son récit prennent souvent le pas sur la performance sportive en elle-même. Le problème ? Tous les handicaps et toutes les disciplines paralympiques ne seraient pas considérés comme inspirants par les personnes non handicapées ; de ce fait, certains parasportifs se retrouvent délaissés par les sponsors.</p> <p>C’est ce qui ressort d’une <a href="https://www.paraperf-ldt3.fr/">enquête</a> menée auprès de 15 sportifs paralympiques, présélectionnés pour les derniers Jeux de Tokyo, et de 42 membres de leurs staffs (directeurs sportifs, entraîneurs, kinésithérapeutes, préparateurs physiques et mentaux, médecins, assistants sportifs, guides, membres de la famille).</p> <h3>Une vision du parasportif déformée par les biais</h3> <p>Les entretiens menés pour l’enquête mettent en évidence que l’accès aux sponsors n’est pas uniquement – ni même principalement – lié à la performance sportive ; il est fortement dépendant du handicap, et surtout du type de reconnaissance qui lui est associé.</p> <p>Deux catégories de parasportifs ont ainsi plus de chance d’être sponsorisés, comme le résume l’un des athlètes interviewés :</p> <blockquote> <p>« En général, ce sont des amputés qui font très valides. 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Tandis que le second consiste à percevoir « toutes les différences comme autant de manques, toutes les altérités comme autant de moindre-être ».</p> <p><em>[Déjà plus de 120 000 abonnements aux newsletters</em> The Conversation. <em>Et vous ? <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/subscribe/?promoted=la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a> pour mieux comprendre les grands enjeux du monde.]</em></p> <p>À l’intersection de ces deux biais, se situe <a href="https://doi.org/10.4324/9781003196747-23">« l’inspiration porn »</a> : il s’agit de la tendance des personnes non handicapées à être inspirées par les personnes en situation de handicap, sur la base de leurs moindres faits et gestes, considérés comme exceptionnels, compte-tenu d’une situation de handicap elle-même supposée tragique.</p> <h4><iframe frameborder="0" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/SxrS7-I_sMQ?wmode=transparent&start=0" width="440"></iframe></h4> <h4><em>Conférence de la comédienne, journaliste et militante australienne des droits des personnes handicapées Stella Young sur l’inspiration porn et l’objectivation du handicap, TEDxSydney 2014.</em></h4> <p>L’inspiration porn combine ainsi le misérabilisme, qui présuppose que la vie des sportifs en situation de handicap est nécessairement plus dure et malheureuse que celle des sportifs non handicapés, et le populisme, qui transforme des personnes et des faits ordinaires en héros et actions exceptionnelles.</p> <h3>Un biais rejeté : le misérabilisme</h3> <p>Dans le parasport de haut niveau, le misérabilisme se retrouve par exemple dans les photos publiées dans les médias : d’après une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/17430437.2011.557271">étude</a> de 2011 menée dans cinq pays européens, les sportifs paralympiques aux Jeux de Sydney (en 2000), d’Athènes (en 2004) ou de Pékin (en 2008), étaient photographiés dans des postures beaucoup moins actives que les athlètes non handicapés, renforçant ainsi la vision misérabiliste qui présente les personnes en situation de handicap comme des individus faibles et inactifs.</p> <p>Si l’attendrissement et la compassion associés au misérabilisme peuvent encourager certains sponsors à financer des sportifs, ce biais est nettement dénoncé et rejeté par les athlètes et leur staff : certains regrettent que les médias dramatisent leur histoire et négligent leur parcours sportif, d’autres considèrent que les parasportifs sont souvent présentés comme des athlètes nécessairement malheureux, d’autres encore veulent avant tout être considérés comme des sportifs de haut niveau.</p> <p>Le misérabilisme peut en outre avoir un effet contre-productif sur l’accès au sponsoring et nuirait même à certaines disciplines, comme la boccia – un sport qui s’apparente à la pétanque, mais se joue en fauteuil roulant, par équipe mixte, avec des balles en cuir. La raison ? L’intérêt engendré par le misérabilisme diminuerait lorsque le degré d’invalidité augmente. Autrement dit, un handicap léger vaut mieux, en termes d’intérêt et de sponsoring, qu’un handicap plus lourd et plus visible.</p> <p>À cela s’ajoute le fait que la boccia n’a pas d’équivalent chez les personnes non handicapées, et qu’elle se révèle ainsi moins « inspirante » pour les valides : n’intégrant pas l’inspiration porn, ce sport est donc moins digne d’intérêt… et de financements.</p> <h3>Un biais risqué : le populisme</h3> <p>Échappatoire possible au misérabilisme : le rapprochement avec l’imaginaire du sportif cyborg, équipé de technologies de mobilité (fauteuil, prothèses).</p> <p><a href="https://doi.org/10.1177/0038038511413421">Une étude</a>, publiée en 2011, estimait d’ailleurs que plus le corps d’un sportif paralympique est éloigné de cet idéal, plus il est probable qu’un imaginaire tragique – plutôt qu’héroïque – se développe à propos de ce sportif, et que ce dernier soit victime de misérabilisme.</p> <p>D’après <a href="https://doi.org/10.1177/21674795231158542">l’enquête de l’INSEP et de l’Université de Montpellier</a>, les sportifs paralympiques perçus en tant que cyborgs seraient en revanche bien préservés d’une représentation médiatique misérabiliste… mais l’exaltation autour de leurs capacités surhumaines les exposerait davantage à une représentation populiste de leur pratique.</p> <p>L’étude de 2011 sur la couverture médiatique des parasportifs, évoquée précédemment, révélait d’ailleurs aussi une surreprésentation, dans les photos publiées, des athlètes en fauteuil roulant et/ou disposant de prothèses, et une sous-représentation des sportifs ayant des déficiences moins technologisées.</p> <p>Au-delà des récits de sportifs cyborgs, une autre vision populiste des athlètes paralympiques consiste à les considérer comme des « supercrips » : des athlètes faisant un <a href="https://www.liberation.fr/sports/jeux-olympiques/jeux-paralympiques-2024-teddy-riner-qualifie-les-para-athletes-de-super-heros-et-se-prend-un-ippon-20240822_3QGMORH3IBFW7NLH4SPL54LI6Q/">usage héroïque et performant</a> de leur corps handicapé.</p> <p>La thématique de la résilience par le sport est alors souvent mise en avant, autour d’un récit qui raconte et glorifie les qualités extraordinaires et héroïques d’un sportif paralympique – ainsi que ses exploits très spéciaux au-delà et malgré son handicap.</p> <p>Un biais aux multiples risques : il prétend que les efforts individuels permettent de tout accomplir et gomme ainsi les injustices et les inégalités de chances entre sportifs non handicapés et handicapés.</p> <p>Il répand en outre l’idée que seules les personnes extraordinaires peuvent réussir dans le parasport. Une vision loin d’être réaliste et qui retombe dans l’inspiration porn : les personnes non handicapées ont du mal à évaluer les capacités réelles des parasportifs, et projettent sur ces derniers des attentes souvent faibles, suscitant ainsi des éloges injustifiés.</p> <h3>Les parasportifs à la fois victimes et acteurs des biais</h3> <p>L’enquête dévoile cependant que les sportifs eux-mêmes, via la présentation qu’ils proposent aux médias, aux entreprises ou dans leurs publications sur les réseaux sociaux, ne cherchent pas forcément à s’opposer au populisme ou à l’inspiration porn… puisque ces biais leur permettent d’accéder aux sponsors.</p> <p>« En fait mes résultats, ils s’en fichent un peu, c’est vraiment le sacrifice que je fais tous les jours qui a l’air de plus les intéresser », témoigne par exemple un nageur paralympique.</p> <p>L’athlète se retrouve ainsi confronté à l’inspiration porn et est obligé de l’accepter puisque cette trame narrative de l’histoire est celle que les sponsors souhaitent vendre. Le dépassement de soi, l’aspect héroïque de la vie malgré le handicap, sont les sujets attendus par les sponsors et qu’ils préfèrent financer… et donc que mettent en scène les parasportifs.</p> <p>Pour ces derniers, la question se pose ainsi : les sponsors leur attribuent-ils de l’argent en raison de l’admiration qu’ils éprouvent par rapport à leur expérience sportive malgré leur handicap, ou le financement récompense-t-il les efforts auxquels ils s’astreignent quotidiennement dans leur quête de médailles ?</p> <p>L’étude met finalement en évidence deux résultats importants : d’une part, les normes sociales excluent les parasportifs les moins inspirants de l’accès aux sponsors ; d’autre part, elles les obligent à mettre en avant leur handicap plutôt que leurs performances sportives.</p> <h3>Un changement de prisme s’impose</h3> <p>Pour changer cette vision déformée par le misérabilisme, le populisme et l’inspiration porn, les sportifs interviewés ont des idées. À commencer par la suppression de la distinction entre sport et handisport. « L’objectif, c’est d’arriver au même niveau… enfin de devenir un sport. Pas un sport handicap, pas du handisport […], mais de devenir un sport comme les autres, explique par exemple un membre d’une équipe nationale de rugby-fauteuil. D’être au même niveau que les autres, qu’on puisse bénéficier des mêmes choses. » Il plaide également pour que le handicap devienne la norme.</p> <p>Développer une « politique de la prise en compte de la différence » permettrait selon les chercheurs de l’Insep et de l’Université de Montpellier de reconnaître non pas seulement les parasports qui sont inspirants pour les personnes non handicapées, mais l’ensemble des parasports sur la base de l’unique expérience sportive.</p> <p>En attendant un tel changement de perspective, la publication des sociologues ouvre déjà la voie à de nouvelles études. 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