Actuel / Les singuliers mariages du Chablais
«Mariage en Suisse en 1803». Franz Niklaus König, gravure colorisée. Collection Gugelmann. Bibliothèque nationale suisse/Wikimedia Commons
Le Code d’Aigle de 1770 fait référence à l’amour conjugal. C’est une première. Il présente aussi des traits originaux en matière de coutumes matrimoniales.
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Par ce jugement, la CEDH semble vouloir enterrer toute démarche rationnelle appuyée sur des faits pour favoriser des croyances.</p> <p>Accrochées à un mouvement généralisé autour du climat, qui favorise la foi d’une construction sociale de la réalité, à l’instar de la «justice climatique», ces plaignantes semblent avoir banni de leur plaidoyer tout ce qui pourrait résister au contrôle humain de la météo du jour, sans égards aux résultats scientifiques et leurs immenses incertitudes concernant les climats futurs. Les plaignantes ont accusé en substance les autorités suisses de mener une politique climatique aux objectifs et aux mesures insuffisantes, «en violation de leur droit à la vie», arguant de la vulnérabilité des personnes âgées face aux effets des changements en cours, et en particulier aux vagues de chaleur. Ce qui est visé, selon le jugement, serait l’incapacité de la Suisse à fournir une estimation des émissions de gaz à effet de serre futures afin de limiter «le réchauffement climatique» au fameux 1,5°C de l’Accord de Paris, valeur pourtant parfaitement arbitraire et dont les conséquences néfastes restent difficiles à identifier.</p> <p>Mais qu’en est-il vraiment? Que disent les données des études démographiques sur la «violation du droit à la vie» que ce soit sous les climats helvétiques ou mondiaux? Le «réchauffement climatique» met-il réellement en péril le «droit à la vie» des femmes âgées de Suisse?</p> <p>Premier constat, d’après les données de l’Office Fédéral de la Statistique (OFS), l’espérance de vie à la naissance des femmes suisses est passée de 79,3 ans en 1982 à 85,4 ans en 2022, et ce malgré «l’urgence climatique», soit un gain de 56 jours par an depuis 1982. Sur la même période, l’espérance de vie à 65 ans, âge minimal de ces militantes, est passée de 18,4 à 22,5 années. Il ne semble pas que «le climat» ait eu des conséquences fâcheuses sur leur droit à la vie.</p> <p>En recoupant les données de l’OFS et de Météosuisse, on peut observer la nature cyclique du nombre de décès par semaine des personnes de plus de 65 ans en Suisse, de 2010 à 2024 (Figure).</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1713434705_capturedcran2024041812.04.17.png" class="img-responsive img-fluid center " width="784" height="554" /></p> <p>La courbe noire pleine montre que les périodes hivernales restent les plus fatales, toutes causes confondues, pouvant parfois accroître la mortalité de 72% par rapport aux périodes estivales. Bien que les variabilités démographiques soient complexes à appréhender avec précision (comme les «effets moisson» ou les crises sanitaires telles la Covid-19), cette nature cyclique confirme simplement que «le froid tue».</p> <p>Pour s’en convaincre, s’affichent en gris sur la figure et à titre d’exemple, les températures <i>maximales </i>quotidiennes de la station de Neuchâtel montrant de larges amplitudes au cours de l’année. A partir du printemps 2020, la courbe des décès-toutes-causes subit les perturbations du Coronavirus et ses conséquences, rendant hasardeuse toute interprétation de détail. Mais la forte anti-corrélation entre décès et saisonnalité demeure. Nous supportons bien plus aisément les températures non-optimales chaudes que froides. Une étude récente<strong><sup>1</sup></strong> publiée dans <i>The Lancet</i> sur les excès de mortalité dans les villes européennes entre 2000 et 2019, dus cette fois uniquement aux températures non-optimales chaudes ou froides, confirme la tendance générale: entre 65 et 74 ans, le froid tue en Suisse 3 fois plus que le chaud, entre 75 et 84 ans, 6 fois plus, et au-dessus de 85 ans, 7,6 fois davantage. Dans une autre étude du <i>Lancet</i><strong><sup>2</sup></strong> sur les températures non-optimales entre 2000 et 2019 au niveau mondial, le constat est identique: le taux mondial de surmortalité liée au froid a baissé de 0,5% alors que celui lié à la chaleur aurait augmenté de 0,2%, conduisant à une réduction nette du ratio mondial des décès liés aux températures extrêmes. Mais ces pourcentages ne touchent pas le même nombre de personnes, bien plus nombreuses à décéder durant les hivers, ce qui amplifie davantage le bénéfice d’un réchauffement climatique. Ces militantes du climat semblent donc avoir convaincu la CEDH de porter la justice dans un monde fantasmé, où seules les températures excessivement chaudes président à la destinée des femmes, en invitant la Suisse à rejeter la réalité des faits.</p> <p>Pourtant, dans le monde réel, faut-il le rappeler, l’espérance de vie des Suissesses n’a cessé d’augmenter, et ce malgré le «dérèglement climatique», et grâce, pour l’essentiel, aux énergies fossiles. De plus, les décès directement liés aux températures non-optimales s’amenuisent grâce en grande partie à des hivers plus cléments.</p> <p>Dans le monde réel, un pays riche comme la Suisse permet à sa population de s’adapter aisément aux inconforts météorologiques (chauffage ou climatisation, isolations, facilité d’accès aux soins, énergie toujours disponible, etc.). A cela peut s’ajouter une topographie bienveillante durant les étés avec de nombreux lacs et rivières, et une fraicheur montagnarde accessible.</p> <p>Dans le monde réel, la Suisse a diminué de près de 40% ses émissions de CO<sub>2</sub> par habitant depuis 1980 et 91% de sa production électrique est bas-carbone. D’après la Banque Mondiale, les émissions de CO<sub>2</sub> par dollar de parité de pouvoir d’achat de PIB (ce qui ramène tous les pays du monde à une échelle comparable) placent la Suisse au 4ème<sup>.</sup>rang sur 181 pays, démontrant son efficience énergétique tout en maintenant des conditions de vie exceptionnelles, devant la Suède 6ème, la France 28ème, l’Allemagne 74ème (illustrant l’échec de l’<i>Energiewende</i>), les USA 126ème et la Chine 170ème.</p> <p>Dans le monde réel, si la Suisse devait poursuivre ses émissions de CO<sub>2</sub> au niveau de 2019, elle ne contribuerait en 2100 qu’à une élévation de la température mondiale de quelques millièmes de degrés Celsius suivant les formules fournies par le GIEC. Ces valeurs restent non-mesurables et insignifiantes.</p> <p>Mais les militantes du climat ne vivent pas dans le monde réel. 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Un article de Lise Favre
paru dans le mensuel romand d'histoire et d'archéologie Passé simple (janvier)
Le Code d’Aigle l’affirme: «Les maris ne pourront donner à leur femme entre vifs, ni les femmes à leur mari, pour ne pas mettre à prix leur amour & leur union». Nous sommes en 1770. Il se pourrait bien que ce soit la première et la seule fois, en tout cas en Suisse, qu’un texte juridique fasse ainsi allusion à l’amour conjugal. Cette référence s’explique probablement par l’esprit du temps. Le rédacteur du Code avait-il lu Rousseau? En tout cas, l’esprit des Lumières a dû inspirer, quoique timidement, le ou les auteurs de ce texte.
Ce n’est pas la seule caractéristique surprenante du Code d’Aigle, un recueil de droit coutumier du XVIIIe siècle, en vigueur dans la région du Chablais entre 1770 et 1820. Ce texte est en effet original et moderne par plusieurs autres aspects. Ainsi, outre la référence étonnamment moderne à l’amour conjugal, l’absence d’obligation pour les parents de doter leur fille, le traitement égalitaire des filles et des fils dans la succession de leurs parents, le partage du bénéfice réalisé pendant le mariage, constituent trois points majeurs qui distinguent le Code d’Aigle de la plupart des autres coutumes en vigueur à la même époque en Pays de Vaud.
La ville d’Aigle entre 1780 et 1800, à l’époque où elle était régie par son code. Jean-Antoine Linck, gravure colorisée à la gouache. © Collection Gugelmann. Bibliothèque nationale suisse/Wikimedia Commons.
Le Chablais, soit la région comprise entre La Tour-de-Peilz et le défilé de Saint-Maurice, sur la rive droite du Rhône, est possession bernoise depuis 1475. Berne s’en est emparé pendant les Guerres de Bourgogne, 50 ans avant la conquête du Pays de Vaud. Les Bernois y font rédiger, fort tard, les coutumes locales. Le Code d’Aigle, dont on ignore le rédacteur, est promulgué à la fin du XVIIIe siècle après son approbation par leurs Excellences de Berne (LL. EE.). Il s’applique aux trois mandements d’Aigle, d’Ollon et de Bex, à l’exclusion des Ormonts, qui ont leurs propres coutumes.
La dot
Premier point à mentionner pour souligner combien le Code d’Aigle diffère des règles applicables au Pays de Vaud en matière matrimoniale, les parents chablaisiens n’ont aucune obligation légale de doter leurs filles lorsqu’elles se marient. Les parents sont «maîtres de faire tels biens à leurs enfans qu’il leur plaira». Cette liberté n’est cependant pas entière. Si le père est veuf ou la mère veuve, le survivant est obligé de verser à la fille ou au fils sa part des biens du parent décédé. En outre, les parents sont tenus de fournir des «aliments», donc d’entretenir, celui de leurs enfants qui, s’étant marié avec le consentement parental, n’aurait pas de quoi subsister. Fille et fils sont donc traités de façon identique. L’absence d’obligation de doter, qui apparaît au premier abord comme discriminatoire envers les filles, est en réalité une disposition égalitaire qui place sur le même pied les enfants des deux sexes.
Bien entendu, rien n’empêchait les parents qui le souhaitaient de doter leur fille lors du mariage de celle-ci. La pratique semble cependant avoir été restrictive à cet égard. Les contrats de mariage notariés de la région d’Aigle au XVIIIe siècle ne prévoient que rarement la constitution d’une dot par les parents en faveur de l’épouse. Cela ne signifie pas que les filles n’avaient aucun droit à une part de la fortune parentale. Le Code d’Aigle prévoit que même si la fille a renoncé par contrat aux biens de ses parents, elle peut obtenir sa part, sa «légitime», sur les biens paternels et maternels, part dont la valeur est calculée au moment de la renonciation et non au moment du décès des parents. Là encore, fille et garçon sont traités de la même manière. Il n’y a pas de privilège de masculinité, contrairement à ce qui est le cas dans beaucoup de coutumes d’Ancien Régime.
Communauté de bien
Les règles matrimoniales de l’époque prévoyaient très généralement que la femme n’était pas responsable des dettes conjugales, mais aussi qu’elle n’avait aucune part aux bénéfices éventuels réalisés par le mari pendant le mariage. C’est ce qu’exprimait l’adage «Le bien de la femme ne croît ni ne décroît». Contrairement à cette coutume répandue, le Code d’Aigle – troisième et dernière caractéristique remarquable de ce texte – prévoit que les bénéfices et les pertes réalisés pendant le mariage se partagent également entre les époux: «… les profits & pertes, accroîts & décroîts pendant le mariage, sont communs entr’eux, & en conséquence toutes les dettes, qui se font durant le mariage, sont communes.» Cette disposition est très proche de la règle de la participation aux acquêts, introduite dans le Code civil suisse depuis 1988 et présentée à l’époque comme une nouveauté, à cette nuance importante près que l’épouse chablaisienne participe également au déficit éventuel. Cette règle est cependant favorable à la femme, puisqu’elle participe au bénéfice de l’union conjugale, pour autant qu’il y en ait un. Si la situation financière du ménage évolue favorablement, les époux en profitent ensemble. Dans quelle proportion? Le Code ne le précise pas, mais la pratique comprenait évidemment ce texte comme une règle de partage par moitié. Au reste, le Code d’Aigle semble n’avoir fait dans ce domaine que cristalliser la coutume antérieurement en vigueur dans les Trois Mandements. De nombreux contrats de mariage chablaisiens du XVIIIe siècle contiennent ainsi une clause à cet effet. Par exemple, quatre ans avant la promulgation du Code d’Aigle, le notaire aiglon Jean-Jacques de Loes inscrit dans une convention matrimoniale du 6 août 1766 la clause suivante: «A été convenu entre Parties contractantes que les profits qu’ils pourroient faire durant leur conjonction par un effet de la bénédiction céleste, se partageront entr’eux par moitié, de même aussi que les décroîts si contr’espérance ils en faisoient.» Le notaire exprime ici l’idée, combien protestante, que la «bénédiction céleste» se manifeste de façon très concrète. Si, par malheur, l’union conjugale se solde par un déficit, alors l’épouse y participe au même titre que son mari. Encore une règle égalitaire, encore une règle surprenante dans un environnement coutumier où la femme est généralement traitée en éternelle mineure.
Moderne?
Il ne faudrait cependant pas faire du Code d’Aigle une législation totalement progressiste et originale. Là comme ailleurs, c’est le mari qui «régit ou gouverne» tous les biens de l’épouse, avec pour seule obligation de «l’entretenir convenablement avec les enfans». S’il souhaite vendre un immeuble appartenant à sa femme, il doit obtenir le consentement de celle-ci «duement autorisée par deux parens» (sic). Il faut donc nuancer la modernité attribuée au Code d’Aigle. Elle coexiste avec les préjugés habituels concernant les incapacités féminines. Il n’empêche que ce texte contient plusieurs dispositions originales et novatrices, qui tranchent avec celles en vigueur dans le reste du Pays de Vaud et préfigurent, au moins partiellement, les dispositions actuelles du Code civil suisse en matière de droit matrimonial.
Pour en savoir davantage:
Lise Favre, «Le droit matrimonial dans le Code civil d’Aigle, une originalité chablaisienne», L’arbre de la méthode et ses fruits civils. Recueil de travaux en l’honneur du Professeur Suzette Sandoz, sous la direction de Denis Piotet et Denis Tappy, Genève, 2006, p. 13-25.
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(2021) <i>Lancet Planet Health</i>, vol. 5, e415-425</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'la-cour-europeenne-des-droits-de-l-homme-cedh-aurait-elle-engage-une-guerre-contre-le-monde-des-realites', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 6, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 8, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4878, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Cuba entre famine et abondance', 'subtitle' => 'La situation économique à Cuba est catastrophique. 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