Actuel / Les moulins à vent de Jair Bolsonaro
Jair Bolsonaro, un "messie" impuissant et imprudent face à la crise politique et sanitaire qui secoue le Brésil. Conférence de presse du 18 mars 2020. © Palácio do Planalto
Les petites phrases du chef de l’État brésilien qu’il faut retenir cette semaine : C’est moi qui commande! Hélas pour lui, il n’est pas obéi. Et: Je suis un messie [une allusion à son second prénom, Jair Messias Bolsonaro], mais je ne peux rien faire! Et bien, gouvernez président, lui répond un éditorialiste! Reprenons dans l’ordre.
Jean-Jacques Fontaine, journaliste, auteur du blog Vision Brésil
Acte un, vendredi 24 avril 2020. Jair Bolsonaro renvoie le directeur de la Police fédérale Mauricio Valeixo, officiellement «pour mettre à sa tête un homme qui puisse lui donner des informations sur les enquêtes en cours.» Réaction immédiate de Sergio Moro, le ministre de la Justice, autorité de tutelle de la Police fédérale, il annonce sa démission avec fracas le lendemain. C’est lui qui avait nommé Mauricio Valeixo à son poste, c’était l’un de ses proches collaborateurs lorsqu’il était juge à Curitiba, chargé des enquêtes sur l’affaire de corruption Lava Jato.
Un renvoi au parfum sulfureux
Sergio Moro convoque la presse pour expliquer les raisons de son départ. Jair Bolsonaro lui aurait confirmé que l’éviction de Mauricio Valeixo «était politique», il en détient la trace sur sa messagerie Whatshapp et se dit prêt à en apporter la preuve. Derrière ces raisons politiques, il y aurait des enquêtes, menées par la Police fédérale, qui visent deux des fils du président: Flavio, l’aîné, sénateur, soupçonné d’avoir octroyé des faveurs aux milices paramilitaires de Rio de Janeiro pour la construction et la revente d’immeubles édifiés illégalement, dont il aurait utilisé une partie des fonds pour financer sa campagne électorale de 2018.
Mais aussi Carlos, le second, député municipal de Rio de Janeiro, soupçonné d’être l’instigateur de ce qu’on appelle au Brésil la fabrique des fakenews, autrement dit, l’usine à tweets de Jair Bolsonaro. Le Tribunal suprême a décidé de se pencher sur les déclarations de l’ex-ministre, qu’il considère comme graves.
Lire aussi: Bolsonaro et les trois petits fistons
Valse-hésitation à la tête de la Police fédérale
Entre temps, Jair Bolsonaro désigne à la tête de la Police fédérale, en remplacement de Mauricio Valeixo, Alexandre Ramagem, jusqu’alors chef des services secrets. C’est un ami proche de la famille, plus précisément un intime de Carlos Bolsonaro. Alexandre de Morais, juge au Tribunal suprême, barre cette nomination pour raison majeure : risque de collusion entre les parties.
Fou de rage, le président accuse Alexandre de Morais de bafouer son autorité, c’est moi qui commande. Il est tout de même contraint de s’incliner devant les institutions. Il cherche désormais un remplaçant provisoire à Alexandre Ramagem, mais n’a pas renoncé à le confirmer ensuite à ce poste.
La confession de Sergio Moro
Acte deux, samedi 2 mai 2020. Sergio Moro est entendu, pendant près de 8 heures, par trois enquêteurs de la Police fédérale, à la demande du Tribunal suprême. Selon la revue Veja, il fournit toutes les preuves de ses déclarations en mettant à disposition des enquêteurs la totalité de la mémoire de son téléphone portable. La suite dépend maintenant de l’appréciation du juge du Tribunal fédéral chargé du dossier, José Celso de Mello Filho.
Sergio Moro pourrait être inculpé de diffamation si ses déclarations ne sont pas étayées par des faits, au contraire, l’enquête pourrait se poursuivre contre Jair Bolsonaro si le Tribunal suprême estime qu’il a outrepassé ses devoirs de fonction en démettant Mauricio Valeixo. Cela pourrait éventuellement conduire au lancement d’une procédure de destitution devant l’Assemblée fédérale.
Prémisse d'un impeachment?
C’est un cas de figure très peu probable. Il est en effet constitutionnellement de la compétence du chef de l’État de nommer les hauts fonctionnaires, dont celui qui dirige la Police fédérale. Il n’est pas non plus certain que sa volonté d’être informé des enquêtes en cours viole l’indépendance de cette institution et du pouvoir judiciaire.
S’il y a une qualité qu’on peut toutefois reconnaître à Jair Bolsonaro, c’est son instinct politique sans faille. Il multiplie les provocations, certes, à la manière de Donald Trump son mentor, mais, comme lui, il sait s’arrêter à temps. C’est pourquoi il a reculé — provisoirement — dans l’affaire de la nomination du chef de la Police fédérale1.
Covid-19: Bolsonaro, Messie impuissant
Acte trois, mardi 28 avril. La crise sanitaire explose au Brésil qui annonce 5 083 morts officiels du Covid-19, 1 000 de plus que la veille. Selon plusieurs spécialistes, le chiffre est largement sous-estimé. En cause, le fait que beaucoup de décès liés à des syndromes respiratoires ne sont pas attribués au coronavirus. On n’en est pas sûr, mais il pourrait y avoir plus de 10 000 morts et 1 million de personnes infectées au Brésil.
Interrogé par un journaliste sur cette explosion des décès, Jair Bolsonaro répond: «Et alors?» Il poursuit: «Je suis un messie, comme mon nom le précise, mais je ne peux pas faire des miracles». Réponse du tac au tac d’un éditorialiste: «Et bien gouvernez, Président!» Jair Bolsonaro apparaît de plus en plus dépassé par la pandémie. Il multiplie les faux pas, en prenant régulièrement des bains de foule, sans masque et sans distance sociale, estimant toujours que cette maladie n’est qu’une petite grippette et que le confinement va tuer plus de monde que la maladie.
Des bons mots à rebours du bon sens
Depuis l’apparition de la première victime de la maladie, il multiplie les bons mots, tous plus décalés les uns que les autres. Le 19 avril, Manaus (ville du nord-ouest du Brésil, ndlr) creuse frénétiquement des tombes communes pour enterrer ses morts, Jair Bolsonaro déclare: «Fossoyeur, ce n’est pas mon métier.» Le 24 mars, alors qu’on en est encore qu’au début de la pandémie: «J’ai plus de 60 ans, mais, vu ma constitution d’athlète il ne m’arrivera rien.»
Deux jours plus tard, le 26 mars, il y a 30 morts de plus que la veille. «Il faut étudier le Brésilien. Quand il plonge dans un égout, il nage et en ressort indemne. Je pense que beaucoup de gens ont déjà été infectés au Brésil, qu’ils ont des anticorps et que le virus ne va pas se propager.» Le 2 mai, on en est à 6 412 décès officiels et les chiffres ne cessent de grimper.
Un pandémonium de la guerre politique
«En seize mois de gouvernement, Bolsonaro est parvenu à faire de son cabinet un gigantesque pandémonium que la pandémie du coronavirus a transformé en théâtre d’une guerre ouverte», écrit Jean-Yves Carfantan sur son blog Istoé Brésil. Le chef de l’État «est aux soins politiques intensifs», poursuit Jean-Yves Carfantan, «il y aura probablement deux périodes dans la Présidence Bolsonaro. La première a commencé à l’investiture, en janvier 2019, la seconde démarre maintenant. Il n’est pas certain qu’elle soit aussi longue que la première.»
Acte quatre, dimanche 3 mai 2020. Conscient de l’isolement politique dans lequel il est en train de s’enfoncer, Jair Bolsonaro cherche une issue en direction du marais des partis du centre parlementaire pour se construire un semblant de majorité présidentielle. Ce faisant, il renoue avec les pratiques de la vieille politique qu’il avait tellement fustigée durant sa campagne électorale de 2018: des faveurs gouvernementales contre des appuis à l’assemblée. Pour y arriver, toujours la même méthode, il menace l’ensemble de ses ministres réticents à accorder de telles faveurs de les démissionner.
Le marais en ligne de mire
Ce Centrão, auquel le chef de l’État a appartenu durant ses 27 ans de vie parlementaire, regroupe 200 députés. S’il arrive à en faire le plein, Jair Bolsonaro bénéficierait d’une majorité confortable. 172 votes en effet sont nécessaires pour bloquer l’ouverture d’une procédure de destitution. Pas sûr que ça marche, ses supporters potentiels à l’Assemblée sont très divisés. Pas sûr non plus que cela échoue, l’opposition est aussi totalement éclatée…
Acte cinq, dimanche 3 mai 2020. Pour le 5ème dimanche de suite depuis le début de l’épidémie de coronavirus, Jair Bolsonaro prend un bain de foule dans les rues de Brasilia, sans masque et sans respecter les distances sociales. Il annonce à ses supporters qu’il cogite tout de même de nommer son poulain Alexandre Ramagem à la tête de la Police fédérale, malgré l’interdit prononcé par le juge Alexandre de Morais du tribunal suprême.
Mais finalement, il choisit une fois de plus de biaiser, il désigne Roberto de Souza, adjoint direct d’Alexandre Ramagem à l’ABIN, les services secrets brésiliens, en annonçant que cette fois, il n’admettrait plus «de nouvelles interférences dans son gouvernement». Fin provisoire du feuilleton…
Les tragédies classiques s’écrivaient en cinq actes, Jean-Yves Carfantan va nous en offrir un sixième. Il nous promet une suite sur son blog Istoé Brésil ; Bolsonaro (2), à suivre… jusqu’en 2022 ?
1 Pour mieux comprendre les rouages de la politique institutionnelle brésilienne, ce dossier (en espagnol) du site en ligne The Conversation.
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C’est pourquoi il a reculé — provisoirement — dans l’affaire de la nomination du chef de la Police fédérale<sup>1</sup>. </p> <h3>Covid-19: Bolsonaro, Messie impuissant</h3> <p><u>Acte trois, mardi 28 avril.</u> La crise sanitaire explose au Brésil qui annonce 5 083 morts officiels du Covid-19, 1 000 de plus que la veille. Selon plusieurs spécialistes, le chiffre est largement sous-estimé. En cause, le fait que beaucoup de décès liés à des syndromes respiratoires ne sont pas attribués au coronavirus. On n’en est pas sûr, mais il pourrait y avoir plus de 10 000 morts et 1 million de personnes infectées au Brésil. </p> <p>Interrogé par un journaliste sur cette explosion des décès, Jair Bolsonaro répond: «Et alors?» Il poursuit: «Je suis un messie, comme mon nom le précise, mais je ne peux pas faire des miracles». Réponse du tac au tac d’un éditorialiste: «Et bien gouvernez, Président!» Jair Bolsonaro apparaît de plus en plus dépassé par la pandémie. 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Je pense que beaucoup de gens ont déjà été infectés au Brésil, qu’ils ont des anticorps et que le virus ne va pas se propager.» </i>Le 2 mai, on en est à 6 412 décès officiels et les chiffres ne cessent de grimper. </p> <h3>Un <em>pandémonium</em> de la guerre politique</h3> <p>«En seize mois de gouvernement, Bolsonaro est parvenu à faire de son cabinet un gigantesque pandémonium que la pandémie du coronavirus a transformé en théâtre d’une guerre ouverte», écrit Jean-Yves Carfantan sur son blog <i><a href="https://www.istoebresil.org" target="_blank" rel="noopener">Istoé Brésil</a>.</i> Le chef de l’État «est aux soins politiques intensifs», poursuit Jean-Yves Carfantan, «il y aura probablement deux périodes dans la Présidence Bolsonaro. La première a commencé à l’investiture, en janvier 2019, la seconde démarre maintenant. Il n’est pas certain qu’elle soit aussi longue que la première.» </p> <p><u>Acte quatre, dimanche 3 mai 2020.</u> Conscient de l’isolement politique dans lequel il est en train de s’enfoncer, Jair Bolsonaro cherche une issue en direction du <em>marais</em> des partis du centre parlementaire pour se construire un semblant de majorité présidentielle. Ce faisant, il renoue avec les pratiques de la <i>vieille politique</i> qu’il avait tellement fustigée durant sa campagne électorale de 2018: des faveurs gouvernementales contre des appuis à l’assemblée. Pour y arriver, toujours la même méthode, il menace l’ensemble de ses ministres réticents à accorder de telles faveurs de les démissionner. </p> <h3>Le <em>marais</em> en ligne de mire</h3> <p>Ce <i>Centrão</i>, auquel le chef de l’État a appartenu durant ses 27 ans de vie parlementaire, regroupe 200 députés. S’il arrive à en faire le plein, Jair Bolsonaro bénéficierait d’une majorité confortable. 172 votes en effet sont nécessaires pour bloquer l’ouverture d’une procédure de destitution. Pas sûr que ça marche, ses supporters potentiels à l’Assemblée sont très divisés. Pas sûr non plus que cela échoue, l’opposition est aussi totalement éclatée… </p> <p><u>Acte cinq, dimanche 3 mai 2020.</u> Pour le 5<sup>ème</sup> dimanche de suite depuis le début de l’épidémie de coronavirus, Jair Bolsonaro prend un bain de foule dans les rues de Brasilia, sans masque et sans respecter les distances sociales. Il annonce à ses supporters qu’il cogite tout de même de nommer son poulain Alexandre Ramagem à la tête de la Police fédérale, malgré l’interdit prononcé par le juge Alexandre de Morais du tribunal suprême.</p> <p>Mais finalement, il choisit une fois de plus de biaiser, il désigne Roberto de Souza, adjoint direct d’Alexandre Ramagem à l’ABIN, les services secrets brésiliens, en annonçant que cette fois, il n’admettrait plus «de nouvelles interférences dans son gouvernement». Fin provisoire du feuilleton…</p> <p>Les tragédies classiques s’écrivaient en cinq actes, Jean-Yves Carfantan va nous en offrir un sixième. Il nous promet une suite sur son blog <i>Istoé Brésil</i> ;<i> Bolsonaro (2), à suivre… jusqu’en 2022 ?</i></p> <hr /> <h4><sup>1</sup> Pour mieux comprendre les rouages de la politique institutionnelle brésilienne, <a href="https://theconversation.com/coronavirus-la-singularidad-del-brasil-de-bolsonaro-137574" target="_blank" rel="noopener">ce dossier</a> (en espagnol) du site en ligne <i>The Conversation.</i></h4>', 'content_edition' => null, 'slug' => 'les-moulins-a-vent-de-jair-bolsonaro', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-6', 'like' => (int) 457, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 2315, 'homepage_order' => (int) 2555, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4937, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Géopolitique du sport: l’affrontement entre la Russie et l’Ukraine', 'subtitle' => 'Impossible apolitisme du sport mondial face à la guerre en Ukraine. 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Cette déclaration est catégorique : « La guerre non provoquée et injustifiable de la Russie contre l’Ukraine, soutenue par le gouvernement biélorusse, est répugnante et constitue une violation flagrante de ses obligations internationales. » Ainsi, du point de vue sportif et diplomatique, la Russie se retrouve isolée.</p> <h3>La création d’un nouvel ordre mondial du sport ?</h3> <p>Dans les paroles et les actions, le pouvoir russe privilégie depuis le début de l’invasion la création d’un pôle sportif alternatif à l’échelle mondiale pour contrer les institutions sportives internationales traditionnelles telles que le CIO ou la Fifa.</p> <p>En pratique, cela impliquerait de se passer du sport mondial, de le remplacer ou de rivaliser avec lui. En Russie, par exemple, l’idée de diviser le mouvement olympique gagne du terrain. Il s’agirait de séparer les Jeux en deux parties : à l’Ouest, les Jeux occidentaux, et à l’Est, les Jeux russes « traditionnels ». Ces Jeux à la russe se dérouleraient en été en Crimée et en hiver à Sotchi. Ils puiseraient leur légitimité dans les liens historiques plus ou moins confirmés de ces régions avec la Grèce antique. En 2007, pour obtenir les Jeux de Sotchi, Vladimir Poutine avait rappelé aux membres du CIO que « les Grecs anciens ont vécu près de Sotchi. J’ai vu le rocher près de Sotchi où, selon la légende, Prométhée était enchaîné. Prométhée qui a donné le feu aux hommes, le feu qui est finalement la flamme olympique ». Depuis, l’argument du mythe est souvent utilisé pour évoquer cette région russe, composée du Caucase et de la péninsule de Crimée. 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Concomitante à une dynamique plus générale de désoccidentalisation du monde, cette influence dépasse très largement le cadre sportif.</p> <h3>Le sport ukrainien, c’est la guerre avec les balles</h3> <p>Depuis le 24 février 2022, pour Volodymyr Zelensky et l’Ukraine, le sport, c’est la <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/culturesmonde/le-sport-c-est-la-guerre-les-fusils-en-moins-g-orwell-1945-2-4-la-guerre-un-sport-comme-les-autres-7282852">guerre avec les balles</a>. En effet, à l’heure du conflit russo-ukrainien, le domaine sportif en Ukraine a subi une transformation significative.</p> <p>Initialement, au lendemain de l’invasion et sur une période de moins de deux mois, les autorités nationales ont suspendu l’ensemble des activités sportives en Ukraine. L’accent était alors mis sur l’effort de guerre, et les installations sportives ont été utilisées par les militaires ukrainiens comme bases de repli ou de déploiement. Cela explique pourquoi les installations sportives, telles que les stades ou les gymnases, sont souvent la cible des forces russes, car elles pourraient potentiellement abriter des unités ukrainiennes entières.</p> <p>Par la suite, lorsque l’armée russe a commencé à faire du surplace voire à reculer sur le terrain, le secteur sportif ukrainien a pris une nouvelle orientation. Certains clubs de football ont obtenu la permission de jouer des matchs de charité à l’étranger, malgré la loi martiale interdisant aux hommes âgés de 18 à 60 ans de quitter le territoire. Ces matchs visaient à sensibiliser à la cause ukrainienne. De même, les athlètes en préparation pour d’importantes compétitions ont pu s’entraîner à l’étranger.</p> <p>Par exemple, l’équipe nationale de football a été autorisée à s’entraîner en Slovénie pendant un mois en mai 2022 en vue des qualifications pour la Coupe du monde de football 2022 au Qatar. Ainsi, le soft power sportif a contribué symboliquement à l’effort de guerre. Les autorités estimaient qu’un athlète ukrainien était plus utile sur le terrain sportif que sur le front militaire. Selon elles, il offrait un double avantage en donnant à l’Ukraine une visibilité internationale et en pouvant potentiellement rehausser le moral des troupes déployées sur le terrain. Cette dimension ne doit pas être sous-estimée : une victoire sportive pour un athlète ukrainien procurait aux soldats, qui suivaient régulièrement les matchs et les résultats, un certain espoir et un regain de moral.</p> <p>À partir de la mi-juin 2022, le sport à l’échelle nationale a progressivement retrouvé sa place, bien que dans des conditions exceptionnelles. Par exemple, la Première Ligue ukrainienne de football a obtenu l’autorisation de débuter la saison 2022-2023 fin août. Toutefois, les règles ont été adaptées à la situation du moment. Les spectateurs ne sont plus autorisés à assister aux matchs, et ceux-ci nécessitent une autorisation systématique de l’administration militaire pour avoir lieu. Si une alerte de raid aérien potentiel retentit dans un rayon de moins de 500 mètres, le match est interrompu et les joueurs se réfugient dans les vestiaires, ce qui se produit régulièrement. Après un an et demi de guerre, aucun footballeur ukrainien n’a été blessé. Cependant, certains matchs ont duré plus de cinq heures au total.</p> <p>Paradoxalement, l’Ukraine continue de participer activement aux événements sportifs européens et mondiaux. Chaque compétition internationale offre l’opportunité aux autorités de promouvoir les intérêts du pays dans un contexte de guerre. De plus, certains clubs ukrainiens sont accueillis par les alliés géopolitiques les plus proches de l’Ukraine. Par exemple, le Dynamo Kyiv s’entraîne et joue certains de ses matchs à Cracovie, en Pologne. Dnipro, quant à lui, joue et s’entraîne à Košice, en Slovaquie, de manière permanente. En général, de nombreux athlètes et entraîneurs ukrainiens, actifs ou non, ont choisi de rejoindre le front dans l’est de l’Ukraine, mettant leur carrière en suspens. Le cas emblématique est peut-être celui de Yuriy Vernydub, entraîneur ukrainien du Sheriff Tiraspol, qui est parti au front dès le lendemain de l’invasion. Il est important de noter que ces professionnels du sport proviennent souvent de divisions sportives moins importantes. En effet, les athlètes de renom préfèrent généralement contribuer à l’effort de guerre d’un point de vue sportif et symbolique.</p> <p>Le cas des supporters des clubs ukrainiens est également notable. Depuis 2014 et surtout depuis l’invasion russe en Ukraine, de nombreux ultras ont rejoint le front pour combattre ensemble, mettant de côté leur rivalité sportive. En temps de paix rivaux, les supporters du Shakhtar Donetsk et du Dynamo Kyiv combattent ensemble contre leur ennemi commun.</p> <h3>La stratégie politique et sportive de Volodymyr Zelensky après l’invasion russe</h3> <p>Depuis le 24 février 2022, la stratégie internationale de Volodymyr Zelensky s’est intensifiée dans le domaine sportif, trouvant écho dans l’espace médiatique mondial. Les ministères, les organisations privées et le comité olympique ukrainien, tous les organes politiques, économiques et sportifs du pays sont mobilisés pour transmettre un message : l’exclusion de la Russie doit durer tant que l’invasion se poursuit.</p> <figure><iframe frameborder="0" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/YQiSJ3AO5CI?wmode=transparent&start=0" width="440"></iframe></figure> <p>Le hashtag #boycottrussiansport en est devenu le symbole. De manière concrète, les arguments ukrainiens peuvent être résumés en cinq points. La Russie devrait être exclue des événements sportifs mondiaux et des Jeux olympiques de Paris 2024 car elle est un État envahisseur et terroriste ; les athlètes russes sont de quelque manière liés à l’État russe ou à l’armée russe ; le régime de Vladimir Poutine exploite le sport à des fins de propagande ; dans de telles conditions, l’équité des compétitions sportives (Jeux olympiques, Coupe du monde, etc.) ne peut être maintenue ; les athlètes ukrainiens perdent la vie au front ou ne peuvent pas s’entraîner convenablement pour les grandes compétitions internationales, par conséquent la Russie et la Biélorussie ne devraient pas être autorisés à y participer.</p> <p>Pour diffuser ces arguments, le gouvernement ukrainien utilise divers canaux. Tout comme Volodymyr Zelensky utilise son smartphone pour communiquer avec différentes générations, les principaux porte-parole du sport ukrainien exploitent les canaux et les codes contemporains pour diffuser leur message. Les réseaux sociaux tels que TikTok, Facebook ou Instagram sont fréquemment utilisés pour diffuser des propos politiques liés au sport. On peut souvent voir circuler des vidéos de quelques secondes transmettant un message percutant. Par exemple, l’une de ces vidéos virales montre un athlète russe lançant un javelot dans les airs. Le javelot se transforme ensuite en obus, suit la trajectoire de l’athlète et finit par s’écraser sur un bâtiment ukrainien. Un message s’affiche alors à l’écran : « Boycott Russian Sport. »</p> <h4 style="text-align: center;"><a href="https://images.theconversation.com/files/592021/original/file-20240503-16-h8q7b1.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/592021/original/file-20240503-16-h8q7b1.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a></h4> <h4 style="text-align: center;"><em><span>Ces extraits sont issus de « La Guerre du sport. 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Lire l’<a href="https://theconversation.com/geopolitique-du-sport-laffrontement-entre-la-russie-et-lukraine-229262">article original</a>.</h4> <h4><em>Lukas Aubin, directeur de recherche à l’IRIS, spécialiste de la géopolitique de la Russie et du sport et membre associé du Centre de Recherches Pluridisciplinaires Multilingues (CRPM) à l’université Paris-Nanterre, et Jean-Baptiste Guégan, expert en géopolitique du sport et enseignant à Sciences Po Paris, viennent de publier aux éditions Tallandier</em> <a href="https://www.tallandier.com/livre/la-guerre-du-sport/">La Guerre du Sport, une nouvelle géopolitique</a>, <em>un ouvrage complet qui met en lumière l’influence des grands enjeux internationaux sur un un monde du sport à l’apolitisme de plus en plus illusoire. 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Il y voyait un moyen efficace de lutter contre les maladies dues à une carence en vitamine A, très répandues en Asie du Sud-Est et qui peuvent entraîner la cécité, voire la mort. Potrykus était alors loin de se douter qu'un tribunal philippin retoquerait son invention un an et demi après son autorisation.</p> <h3>Syngenta acquiert des droits de brevet</h3> <p>La route a été longue jusqu'à la première récolte du riz doré: en 1999 déjà, Potrykus et son collègue Peter Beyer avaient présenté un prototype. Celui-ci contenait des gènes de jonquille qui produisaient de la provitamine A dans le grain de riz et le faisaient ainsi briller d'un jaune doré. En 2005, les chercheurs avaient développé une deuxième variante en collaboration avec le géant de l'agroalimentaire Syngenta. 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En effet, le corps humain n'utiliserait la provitamine A que s'il dispose de suffisamment de graisse, ce qui, selon Greenpeace, n'est souvent pas le cas chez ces personnes. De plus, il y aurait un risque que le riz génétiquement modifié, une fois introduit dans le champ, se reproduise de manière autonome, se propage et contamine ainsi d'autres variétés de riz. En raison de ces doutes, il a fallu attendre 16 ans de plus pour que les autorités philippines en charge de la biosécurité donnent finalement le feu vert à la culture du riz doré en 2021.</p> <h3>Le tribunal révoque l’autorisation</h3> <p>Mais aujourd'hui, une nouvelle décision de justice met déjà un frein à la propagation de la variété de riz transgénique. Ainsi, une Cour d'appel philippine a révoqué l'autorisation le 17 avril dernier en se référant au principe de précaution: «En l'absence de consensus scientifique sur la sécurité du riz doré, il ne devrait plus être cultivé à des fins commerciales». L'interdiction s'étend en outre à la culture d'une aubergine génétiquement modifiée. La culture commerciale de ces variétés n'est pas autorisée «jusqu'à ce que les autorités gouvernementales concernées apportent la preuve de la sécurité et du respect de toutes les exigences légales», précise le tribunal.</p> <p>Le tribunal a aussi relevé que le gouvernement n'avait pas mis en place de mécanismes de surveillance pour assurer la sécurité de la culture et de la consommation du riz doré. Le jugement met donc pour l'instant à l’arrêt de nouveaux essais menés en plein champ, dans des serres ou des champs ouverts.</p> <p>Ce jugement intervient après que l'association d'agriculteurs philippins MASIPAG a porté plainte, avec d'autres organisations, contre l'autorisation de cultiver du riz doré. La plainte, déposée en 2022, se base sur un instrument juridique philippin appelé Writ of Kalikasan. Celui-ci protège le droit constitutionnel à une «écologie équilibrée et saine» et stipule que ce droit prévaut sur les activités humaines susceptibles de nuire à l'environnement.</p> <h3>Un recours porterait-il ses fruits?</h3> <p>Comme l'explique Aldrich Fitz Dy, avocat et consultant philippin interrogé par la revue <em>Science</em>, le gouvernement a désormais deux possibilités. Il peut soit faire appel, soit porter le jugement devant la Cour suprême. Selon Dy, la première solution est peu probable, la seconde prendrait au moins deux ans.</p> <p>Adrian Dubock, membre du Golden Rice Humanitarian Board, voit les choses différemment. Il s'attend à ce que le gouvernement philippin fasse appel auprès de la Cour: «Je suppose que l'appel sera couronné de succès», estime Dubock auprès de la plateforme scientifique <em>New Scientist</em>.</p> <p>Il reste à voir si l'interdiction actuelle de cultiver le riz doré peut encore être remise en question. En attendant, ce jugement devrait inspirer les mouvements qui, dans d'autres pays, s'opposent à l'introduction du riz doré et d'autres variétés génétiquement modifiées. 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1 Commentaire
@stef 07.06.2020 | 08h45
«Très bon résumé de la situation, merci»