Actuel / Les intellectuels têtes de listes apportent-ils un souffle nouveau?
Les deux hommes élèvent-ils le niveau du débat politique français? © Wikipedia/Facebook
François-Xavier Bellamy, à droite et Raphaël Glucksmann, à gauche, les penseurs français redonnent de la voix dans le débat politique de leur pays, avec des fortunes diverses. Mais c’est fou ce qu’ils ressemblent à leurs concurrents!
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Il préfère parler d’Europe, ce qui, après tout, est le thème de la campagne.</p> <p>Le jeune philosophe au regard myosotis nous débite alors son prudent credo: libéral, mais pas trop. Dans le sillage de Tocqueville et pas celui de Bill Gates. Protectionniste, mais juste ce qu’il faut pour défendre l’Europe et la France de leurs déloyaux concurrents. Européen, mais avec un zest de souverainisme: oui à l’Europe des Nations, non au fédéralisme. Ajoutez un doigt – un petit doigt – d’écologie devenue figure obligée et une grosse louche contre «l’immigration illégale, avec une double frontière, celle de Schengen et celle des Etats». Il faut bien prendre des voix à Marine Le Pen.</p> <p>Une position fiscale résume parfaitement l’idéologie de ce Bellamy de la droite «comme il faut»: il est opposé aux taxes sur les successions. Pour lui, il ne s’agit pas de transformer la société mais d’assurer les transmissions au fil des générations. Mon grand-père disait déjà la même chose. 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Toutefois, si, selon les dernières informations sur le sujet, chaque événement devrait avoir sa cérémonie d’ouverture et de clôture, le paralympisme et l’olympisme semblent plus étroitement associés que jamais.</p> <p>Pourtant cela était loin d’être évident. L’histoire des Jeux paralympiques est complexe, posant la question de la définition du handicap. À partir de Jeux sportifs uniquement organisés pour des personnes blessées de la colonne vertébrale en fauteuil roulant (créés en 1948), ils concernent peu à peu, à partir des années 1970, des personnes ayant d’autres types de déficiences.</p> <p>La forme retenue pour les épreuves parisiennes de cet été avec 22 parasports (les sports au programme des Jeux paralympiques) résulte d’un long processus <a href="https://theconversation.com/les-jeux-paralympiques-comment-tout-commenca-il-y-a-70-ans-99390#:%7E:text=Les%20premiers%20Jeux%20de%20Stoke,un%20bus%20de%20transport%20adapt%C3%A9">qui commence le 29 juillet 1948</a>, quand est donné à Londres le coup d’envoi de la XIV<sup>e</sup> olympiade. À cette date, le <a href="https://www.dicolympique.fr/guttmann-ludwig-1899-1980-allemagne-grande-bretagne/">neurochirurgien Ludwig Guttmann</a> organise à l’hôpital de Stoke Mandeville tout proche une compétition de tir à l’arc entre 16 blessés de la colonne vertébrale en fauteuil roulant, vétérans de la Seconde Guerre mondiale.</p> <p>D’origine allemande, Guttmann est l’inventeur de pratiques rééducatives à partir de jeux sportifs. Au fil des années 1950, ses Jeux de Stoke rassemblent de plus en plus de participants et commencent à s’internationaliser. Réservés aux paralysés en fauteuil roulant, ils se tiennent chaque été au sein de l’enceinte hospitalière. En 1952, ils accueillent une délégation néerlandaise, avec 5 compétitions au programme : tir à l’arc, netball, javelot, tennis de table et billard ; la natation fait l’objet de démonstrations. En 1953, des <a href="https://hal.science/hal-01681465">Français, Australiens, Canadiens, Finlandais, Israéliens et Sud-Africains rejoignent l’événement</a>.</p> <p>Ces Jeux de Stoke continuent de s’inscrire dans une logique rééducative et Guttmann organise à cette occasion un congrès médical annuel <a href="https://theconversation.com/les-jeux-paralympiques-comment-tout-commenca-il-y-a-70-ans-99390">sur les avancées dans le traitement des blessés de la colonne vertébrale</a>.</p> <h3>Logique médicale persistante</h3> <p>C’est leur délocalisation à Rome en 1960, dans la foulée des JO, qui va partiellement changer la donne. Si la dimension sportive s’affirme davantage, ils restent inscrits dans l’univers de la rééducation des blessés de la colonne vertébrale. Cette délocalisation est rendue possible grâce aux liens entre Ludwig Guttmann et Antonio Maglio, un confrère italien qui a fondé un centre de rééducation pour paraplégiques proche de la capitale italienne. 400 sportifs, tous en fauteuil, originaires de 23 pays, concourent dans huit disciplines. Bénéficiant des infrastructures olympiques, ils quittent l’univers hospitalier, mais restent encadrés par une logique médicale. En témoignent les ministres venus soutenir les sportifs. Ces « Jeux para-olympiques » s’ouvrent en présence du ministre de la santé italien mais sans le ministre des sports. Ce sera la même chose quatre ans plus tard à Tokyo. Reste qu’une dynamique est alors enclenchée : elle aboutira en 1989 à la création du Comité international paralympique (CIP).</p> <p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p> <p>Les Jeux paralympiques désignent alors un événement reconnu par le CIO impliquant des athlètes ayant divers types d’incapacités (en réalité « capable autrement »). Le para ne signifie plus « pour les paralysés », <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1466424007077348">mais « parallèles » aux Jeux olympiques</a>.</p> <p>Mais avant d’en arriver là, bien des querelles devront être dépassées.</p> <h3>Dynamique compétitive</h3> <p>En effet, dans les années 60, des voix s’élèvent en faveur de l’ouverture aux amputés et aux aveugles, ce que désapprouve la fédération de Stoke qui reste centrée sur le sport en fauteuil roulant des personnes blessées de la colonne vertébrale. En 1964 à Tokyo, une rencontre sportive « tous handicaps » a lieu, en marge des Jeux para-olympiques, pour les non paralysés. En 1968, les Jeux para-olympiques ont lieu à Tel-Aviv et restent encore réservés aux seuls paralysés en fauteuil. Cependant, peu à peu l’objectif initial de rééducation cède la place au désir de se rapprocher du schéma compétitif olympique et de l’image du champion.</p> <p>Bien que Guttmann soit opposé à cette perspective compétitive pour tous les types de déficience, l’objectif des athlètes et de certaines fédérations nationales – dont la France – s’oriente inexorablement vers la mise à distance de la tutelle médicale afin de se rapprocher de l’univers sportif et de ses instances nationales et internationales.</p> <h3>Rapprochements progressifs</h3> <p>Les années 1970 confirment ce basculement, les compétitions accueillant progressivement de nouveaux types de déficiences en catégorisant les athlètes selon leurs capacités.</p> <p>Il s’agit de permettre leur participation, tout en assurant l’égalité des chances et la logique compétitive du sport. Ainsi, l’intégration de nouveaux sportifs dotés de caractéristiques spécifiques implique une réflexion sur la mise en place de classifications fonctionnelles au regard de leurs capacités et de l’incidence qu’elles ont sur leurs performances.</p> <p>En 1972, lors des Jeux paralympiques de Heidelberg (les JO se déroulent à Munich), les déficients visuels sont autorisés à participer <a href="https://www.handisport.org/les-29-sports/goalball/">à des épreuves d’exhibition en goalball</a> et au 100 mètres sprint. Parallèlement, des amputés entrent sur le stade pour manifester leur mécontentement, comme le rappelle feu <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/09523367.2014.931842">l’entraîneur d’athlétisme Christian Paillard</a> de la fédération française : « Qu’est-ce que je vois arriver ? Des amputés avec de grandes banderoles ! Ils ont fait un sit-in sur la piste en disant : « Nous aussi, on veut participer aux Jeux ! »</p> <p>Il faudra attendre quatre années supplémentaires et les Jeux de Toronto en 1976 pour qu’amputés et déficients visuels soient officiellement autorisés à concourir. Soucieuse de visibilité, chaque catégorie de handicap fonde sa propre fédération internationale et en 1982, un comité (ICC) est créé pour les coordonner et opérer un rapprochement avec le Comité international olympique (CIO).</p> <p>Aux JO de Los Angeles en 1984, des épreuves en fauteuil hors compétition figurent au programme, dans le but de promouvoir le sport pour handicapés. Cette première représentation des pratiques paralympiques lors des Jeux olympiques provoque la colère des amputés qui se sentent exclus. Elle fait planer un risque de scission sur le mouvement.</p> <p>Malgré une situation de crise, les Jeux paralympiques sont maintenus en 1984, mais ils scindés en deux : les sportifs en fauteuils concourent à New York, et tous les autres à Stoke. En 1986, deux fédérations internationales s’agrègent au mouvement : celle des sportifs sourds et celles pour les sportifs ayant des déficiences intellectuelles.</p> <p>Plus de deux décennies après Tokyo (1964), les Jeux de Séoul (1988) sont l’occasion de réunir de nouveau les JO et les Jeux paralympiques sur un même site. Du jamais vu depuis 1964.</p> <p>En 1989, la création du Comité international paralympique (CIP) achève l’alignement sur l’olympisme et la projection vers un événement unique organisé en partenariat avec le CIO : les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) se tiendront désormais obligatoirement sur le même site. Cette obligation ne sera finalement appliquée qu’à partir de 1996 à Atlanta, les Jeux paralympiques de 1992 se déroulant à la fois à Barcelone (pour les déficients physiques) et à Madrid (pour les déficients intellectuels), alors que les JO se tenaient à Barcelone.</p> <h3>Un désir de pratiquer comme les autres</h3> <p>Le mouvement d’intégration n’est pourtant pas achevé et reste un motif de tensions. En 1995, la fédération des sportifs sourds fait le choix de se retirer pour préférer une pratique entre personnes sourdes affirmant leur culture singulière, ou, pour les plus performantes, au sein des JO. Les sourds n’ont finalement jamais participé aux Jeux paralympiques.</p> <p>Parallèlement, si des déficients intellectuels intègrent pour la première fois les épreuves paralympiques en 1992, leur participation n’est pas sans poser problème. Lors du tournoi de basket-ball de Sydney (2000), il s’avère que plusieurs joueurs de l’équipe espagnole ayant remporté le tournoi <a href="https://www.liberation.fr/sports/2000/11/25/de-faux-handicapes-pour-de-vraies-medailles_345658/">n’ont en réalité pas de déficience cognitive</a>. La médaille d’or est restituée et, ne sachant pas comment assurer une sélection fiable de ce type de sportifs, le CIP suspend leur participation. Il faudra attendre Londres (2012) pour qu’ils soient réintégrés.</p> <p>Le désir de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=tuAPPeRg3Nw">pratiquer « comme les autres »</a> produit une force agrégative qui conduit peu à peu à rompre le lien avec le monde médical. L’aspiration à la norme oblige, paradoxalement, à inventer des épreuves adaptées dans lesquelles chacun peut mettre en valeur ses capacités.<img src="https://counter.theconversation.com/content/222714/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <p> </p> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/sylvain-ferez-492612">Sylvain Ferez</a>, Maître de conférences (HDR), sociologie, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/universite-de-montpellier-2403">Université de Montpellier</a></em> et <a href="https://theconversation.com/profiles/sebastien-ruffie-1508656">Sébastien Ruffie</a>, Professeur des Universités en sciences sociales, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/universite-des-antilles-3481">Université des Antilles</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/jeux-paralympiques-de-la-reeducation-des-blesses-de-guerre-a-la-celebration-de-la-diversite-222714">article original</a>.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'jeux-paralympiques-de-la-reeducation-des-blesses-de-guerre-a-la-celebration-de-la-diversite', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 15, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => 'https://theconversation.com/jeux-paralympiques-de-la-reeducation-des-blesses-de-guerre-a-la-celebration-de-la-diversite-222714', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 11, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4804, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Des tardigrades sont-ils en train de coloniser la Lune?', 'subtitle' => 'Le 22 février 2019, une sonde spatiale, c’est-à-dire sans équipage, était mise en orbite autour de la Lune avec comme objectif d’alunir. 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La vitesse était trop grande pour être suffisamment ralentie de sorte qu’elle s’écrasa à plus de 3 000 km/h sur notre satellite.</p> <p>Le choc fut terrible et la sonde se dispersa sur une centaine de mètres. On le sait car l’impact a été photographié par le satellite LRO (Lunar Reconnaissance Orbiter) de la NASA.</p> <p><a href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File :Beresheet_Crash_Site_Spotted_LRO_02.gif"><img src="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/6/6b/Beresheet_Crash_Site_Spotted_LRO_02.gif/512px-Beresheet_Crash_Site_Spotted_LRO_02.gif" alt="Beresheet Crash Site Spotted LRO 02" width="512" /></a></p> <p>Que sont devenus les tardigrades ? Ont-ils survécus et si oui peuvent-ils coloniser la Lune ? La Lune est-elle contaminée ?</p> <h3>Des animaux à l'épreuve de (presque) tout</h3> <p>Les tardigrades sont des animaux microscopiques. Ils mesurent moins d’un millimètre de long. La plupart possèdent deux yeux, mais tous ont des neurones, un orifice buccal au bout d’une trompe rétractile, un intestin contenant un microbiote et quatre paires de pattes non articulées et terminées par des griffes. Ces animaux partagent un ancêtre commun avec les arthropodes comme les insectes ou les arachnides.</p> <p>La majorité se rencontre dans des environnements aquatiques, mais ils occupent tous les milieux, même urbains. <a href="https://biophysique.mnhn.fr/fr/annuaire/emmanuelle-delagoutte-9017">Emmanuelle Delagoutte</a>, chargée de recherche au CNRS, les récolte dans les mousses et les lichens du Jardin des plantes au Muséum à Paris. Les tardigrades ont besoin d’être entourés d’un film d’eau pour rester actifs, se nourrir de microalgues comme des chlorelles, grandir, se mouvoir et se reproduire. Ils se reproduisent de manière sexuée ou asexuée via la parthénogenèse, c’est-à-dire à partir d’un ovule non fécondé, ou l’hermaphrodisme lorsqu’un individu, qui possède à la fois des gamètes mâles et femelles, s’autoféconde. Après l’éclosion de l’œuf, la vie d’un tardigrade sous forme active dure de 3 à 30 mois. Au total, <a href="https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-319-95702-9">1265 espèces ont été décrites</a>, dont deux fossiles.</p> <p>Les tardigrades sont célèbres du fait de leur résistance à des conditions n’existant ni sur la Terre ni sur la Lune. Ils peuvent en effet mettre leur métabolisme à l’arrêt, notamment en perdant jusqu’à 95 % de leur eau corporelle. Certaines espèces synthétisent un sucre, le tréhalose, qui fait office d’antigel, d’autres des protéines dont on pense qu’elles incorporent les constituants cellulaires dans un réseau amorphe « vitreux », offrant ainsi résistance et protection à chaque cellule.</p> <p>La déshydratation déforme le corps dont la taille peut diminuer de moitié. Les pattes disparaissent, seules les griffes sont encore visibles. Cet état appelé cryptobiose persiste jusqu’à ce que les conditions redeviennent favorables.</p> <p>Cependant, selon les espèces, les individus ont besoin de plus ou moins de temps pour se déshydrater et tous les spécimens d’une même espèce ne parviennent pas à revenir à la vie active.</p> <p>Les adultes déshydratés survivent quelques minutes à des températures de – 272 °C ou 150 °C, et sur le long terme à des doses élevées de rayons gamma de 1 000 ou 4 400 Gray (Gy) selon l’espèce. À titre de comparaison, une dose de 10 Gy est mortelle pour un humain et 40 à 50 000 Gy stérilisent tout type de matériel. Cependant, quelle que soit la dose, l’irradiation tue les œufs. De plus, la protection conférée par la cryptobiose n’est pas toujours claire, comme chez l’espèce <em>Milnesium tardigradum</em> où l’irradiation affecte curieusement de la même manière les animaux aussi bien actifs que déshydratés.</p> <h3>Retour sur la Lune</h3> <p>Que sont devenus les tardigrades après le crash ? Certains sont-ils toujours viables, ensevelis sous le régolithe, la poussière lunaire dont la profondeur varie de quelques mètres à quelques dizaines de mètres ?</p> <p>Tout d’abord, il faut qu’ils aient survécu à l’impact. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33978458/">Des tests au laboratoire</a> ont montré que des spécimens congelés de l’espèce <em>Hypsibius dujardini</em> étaient intacts après un choc à 2600 km/h sous vide sur du sable mais étaient mutilés au-delà de 3000 km/h.</p> <p>Ils doivent ensuite résister à l’absence d’eau et supporter un froid de – 170 à -190 °C durant la nuit lunaire et une chaleur de 100 à 120 °C durant le jour. Un jour ou une nuit lunaire dure longtemps, soit un peu moins de 15 jours terrestres. 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Mais des spécimens sont sur le sol lunaire et leur présence pose des questions éthiques comme le souligne <a href="https://www.prindleinstitute.org/2019/09/the-ethics-of-sending-life-to-the-moon-and-beyond/">Matthew Silk</a> écologue à l’université d’Édimbourg. Parmi ces questions, il en est une sur le plan scientifique. A l’heure où l’exploration spatiale repart tous azimuts, contaminer d’autres planètes nous fera-t-il perdre la possibilité de chercher la vie extraterrestre ?</p> <hr /> <h4><em>L’auteur remercie chaleureusement Emmanuelle Delagoutte et Cédric Hubas du Muséum de Paris, ainsi que Robert Wimmer-Schweingruber de l’Université de Kiel, pour leur lecture critique du texte et leurs conseils.</em><img src="https://counter.theconversation.com/content/220910/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></h4> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/laurent-palka-1305597">Laurent Palka</a>, Maître de conférences, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/museum-national-dhistoire-naturelle-mnhn-2191">Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. 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C’est vrai également sur le plan économique. Le mot <a href="https://fr.wiktionary.org/wiki/capital"><em>capital</em></a> est ainsi dérivé du terme <em>cattle</em>, (<em>cheptel</em> en anglais), qui désigne des animaux de rente que l’on possède pour toute richesse, avec lesquels on noue des alliances, on règle des dots, on occupe du terrain.</p> <p>Mais si les vaches ont ainsi pu participer à façonner notre vision du monde, les êtres humains les ont aussi forgées en retour. La grande majorité des bovins qui de nos jours cohabitent avec l’être humain sont héritiers de lignées d’animaux de rente, sélectionnés d’abord et avant tout pour leurs traits productifs – quantité de lait, quantité de viande. Elles sont le fruit d’une longue histoire de co-évolution entre des générations de bovins d’élevage et leurs commensaux humains.</p> <p>L’histoire de la vache est donc celle d’une domestication, mais aussi d’une transformation des espèces bovines comme humaines au contact l’une de l’autre. Ni l’une ni l’autre ne sont « naturelles », au sens où chacune existerait en elle-même et par elle-même, indépendamment l’une de l’autre. Toutes deux, en revanche, sont très « naturelles » si on considère la nature comme un ensemble d’interdépendances et une notion fondamentalement relationnelle. 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Seul problème, cette espèce avait disparu, supplantée par sa lointaine cousine, transformée par des siècles de domestication en une nouvelle espèce, <em>Bos Taurus</em>, l’ancêtre de tout bovin domestiqué. Il s’est donc agi, pour les frères Heck, de « réensauvager » les bovidés avilis par leur contact avec la civilisation humaine, afin de retrouver la puissance et la vigueur de l’ancestralité primordiale.</p> <p>Pour ce faire, ils se sont livrés à une « rétro-ingénierie » (<em>back breeding</em>) de l’espèce bovine. Ils ont cherché à remonter le fil du chemin de l’évolution, à le parcourir à l’envers en quelque sorte. Bien sûr, l’auroch ayant disparu depuis belle lurette, ils étaient réduits à faire des suppositions sur ce que devaient être ses qualités, sa rusticité (la rusticité se dit d’une bonne résistance aux maladies et d’une bonne adaptabilité aux milieux inhospitaliers), sa vigueur, sa puissance. Faute d’avoir des spécimens sous la main, il a bien fallu composer avec les espèces de bovidés qui leur semblaient les plus proches de ce que devrait être un auroch.</p> <p>Les géographes <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/00045608.2015.1115332">Jamie Lorimer et Clemens Driessens ont montré dans leurs travaux les liens forts entre le régime nazi et cette entreprise</a> de « dés-extinction » d’une espèce animale disparue.</p> <p>Les frères Heck ont ainsi participé au projet piloté par le chef des SS Heinrich Himmler de Ahnenerbe (« héritage ancestral » en allemand) qui visait à la restauration de l’espace vital du peuple allemand, protégé des immixtions étrangères et rendu à son état de paradis originel – auroch compris, donc. Lorimer et Driessens montrent également les fortes connivences entre les deux frères biologistes et Hermann Goering, l’un des hauts dignitaires et chefs militaires du troisième Reich, et entre ce dernier et les bovins ainsi obtenus par voie de rétro-ingénierie. Goering leur vouait une admiration toute particulière, s’échinant – avec succès – à les protéger lorsque le front de guerre se rapprocha.</p> <p>La tentative des frères Heck était bien sûr expérimentale sur le plan biologique, puisqu’elle s’inscrivait dans une époque préalable à l’essor de la microbiologie et de la génétique moléculaire. Les biologistes ont ainsi <a href="https://www.smithsonianmag.com/history/when-nazis-tried-bring-animals-back-extinction-180962739/">prospecté différentes races bovines, d’Espagne à la Hongrie</a>, pour éliminer les caractéristiques qu’ils associaient à la domestication. S’inspirant aussi bien du bison européen, alors en voie d’extinction à l’état sauvage, que des peintures pariétales, ils ont cherché à fabriquer une race bovine affranchie de sa dépendance aux êtres humains, en privilégiant les caractères de rétivité, de rusticité, de taille ou de force, affirmant être parvenus à leurs fins dans les années 1930.</p> <p>Ont-ils réussi dans leur entreprise ? Cela dépend de comment on définit la réussite, et donc de l’idée qu’on se fait de « l’authenticité ». Selon que l’évaluation porte sur l’adéquation entre les caractères physiques de ces vaches et leurs caractères génétiques, sur leur apparence physique ou encore sur leur rôle dans les écosystèmes, la réponse variera. D’autant que la <a href="https://openquaternary.com/articles/10.5334/oq.25#the-dawn-of-de-extinction">recherche scientifique a montré depuis qu’il existait toute une diversité de races d’aurochs</a>, de provenances variées, dont ont hérité en zigzag différentes espèces bovines domestiquées, suivant les continents où elles se sont développées.</p> <p>Si l’on regarde leur rôle dans les écosystèmes, les travaux des frères Heck ont été un succès. Les descendants de ces aurochs reconstitués trouvent aujourd’hui à s’épanouir dans différentes réserves naturelles, notoirement dans le Oostvaardersplassen, aux Pays-Bas, dans les polders repris à la mer et aux marais, où ils sont prisés pour leurs qualités de rusticité et de maintien des écosystèmes moyennant des soins très minimaux – au point parfois de redevenir des espèces férales ou « réensauvagées ».</p> <h3>Et demain, la vache parfaite ?</h3> <p>Si l’exemple de l’auroch nazi est spectaculaire, il est aussi singulier par sa démarche de retour vers un passé idéalisé, sa quête de l’ancestralité, la pureté de la lignée, etc. Nos sociétés de <a href="https://www.jstor.org/stable/j.ctv12100qm">capitalisme tardif</a> nourrissent également une version figée de la nature et une image tout aussi idéalisée des bovins d’élevage. Depuis l’après-guerre, les vaches sont plutôt projetées vers le futur et investies d’une série de missions morales. La nature y est perçue comme pourvoyeuse de ressources et les animaux de rente considérés comme de la matière à produire. Ils sont ainsi <a href="https://www.quae.com/produit/1722/9782759234493/la-vache-globale">rationalisés, quantifiés, évalués</a>, etc., ce qui aura eu pour effet une explosion de la production. Un veau gras vaut son pesant de kilos de chair et une vache à lait les litres qu’elle pourra donner par le jeu de la <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/de_la_generation-9782359252613">reproduction, qui implique cette forme de nature « chosifiée »</a>.</p> <p>Toutefois, ce développement productif se heurte à différentes limites. En témoignent par exemple les maladies auxquelles l’élevage intensif expose les vaches ou encore leur vulnérabilité face aux stress climatiques. Un épisode de canicule peut ainsi susciter une baisse significative de la production ou des problèmes de fertilité. Les polémiques abondent sur les conséquences environnementales de l’élevage bovin, tant en ce qui concerne la production de méthane (un gaz à effet serre virulent mais à a rémanence moindre dans l’atmosphère que le CO<sub>2</sub>) ou d’azote.</p> <p>De nombreux scientifiques recherchent dès lors les caractères génétiques qui permettraient aux bovins de mieux résister aux coups de chaud, dans un contexte où ceux-ci sont appelés à se répéter et à s’intensifier. Existerait-il un gène de la résistance aux canicules ? Les questions de ce type abondent sur ce à quoi devrait ressembler la vache de demain. On voit se multiplier les idéaux auxquels elle devrait correspondre. Ainsi, en 2019, le célèbre magasine Wired faisait sa couverture sur les potentialités de l’édition du génome des vaches, haut lieu des promesses les plus variées : vache sans cornes, afin de protéger les éleveurs, vache résistante à la chaleur, au virus de la grippe…</p> <p>Avec mes collègues du projet de recherche <a href="https://www.spiral.uliege.be/cms/c_7654746/en/presentation-du-projet-de-recherche-the-body-societal-the-bos">The Body Societal</a>, nous menons l’enquête sur les différentes valeurs dont sont ainsi investis les corps bovins et leurs devenirs.</p> <p>À quoi ressemblera la vache du futur ? La seule certitude à ce stade, c’est que pour se plier à tous ces attendus, parfois contradictoires, elle devrait avant tout présenter des qualités de contorsionniste. Autant les frères Heck étaient à la recherche d’un modèle immuable et éternel, autant la vache de demain devrait se montrer flexible, et adaptable.</p> <p>Le point commun de ces projections, qu’elles regardent vers l’arrière ou vers l’avant, c’est de négliger les types de société qui accompagnent l’élevage bovin. En première ligne, bien sûr, on trouve les éleveurs, chargés de composer avec ces injonctions paradoxales dans des conditions historiquement difficiles, comme en témoigne la colère qui s’exprime actuellement. Eux aussi sont soumis à une logique impitoyable, contraints de s’adapter ou de disparaître, ni plus ni moins. Les lobbies promouvant la viande artificielle, développée en laboratoire, <a href="https://mooslawbook.com/the-book/">qualifient d’ailleurs l’élevage de « technologie obsolète »</a>.</p> <p>Les éleveurs, en attendant, font partie des agriculteurs les moins bien rémunérés malgré une charge de travail écrasante, des investissements lourds à supporter et des marges réduites, qui ne subsistent que par la perfusion de subsides publics. Avec de moins en moins de marge de manœuvre, leur profession est à la croisée des chemins, bien consciente d’une chose ; on ne regarde pas impunément passer le train de la modernité. 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Jean-Noël Cuénod, journaliste, écrivain et poète
auteur de son site personnel
La France renouerait-elle avec une de ses anciennes traditions, celle de la présence des intellectuels dans les luttes politiques? Depuis le rôle tenu par les Encyclopédistes dans la genèse de la Révolution jusqu’aux batailles idéologiques entre Jean-Paul Sartre et Raymond Aron, les philosophes et les sociologues ont tenu une place centrale dans le débat public. Puis, leur présence a progressivement diminué jusqu’à l’étiolement des sombres années Sarkozy-Hollande.
Aujourd’hui, deux essayistes à succès, François-Xavier Bellamy et Raphaël Glucksmann sont têtes de liste pour les élections au Parlement européen (dimanche 26 mai en France). Le premier emmène les candidats du parti Les Républicains (droite de gouvernement) et le second, ceux du Parti Socialiste, de Nouvelle Donne et de son propre mouvement Place Publique (gauche social-démocrate). Ces intellectuels qui mettent leurs mains dans le cambouis électoral apportent-ils un souffle nouveau? Elèvent-ils le niveau du débat politique français?
Le têtard de bénitier
Campagne oblige, j’ai assisté à deux déjeuners-débats organisés à Paris par Europresse. L’un avait pour invité-vedette François-Xavier Bellamy – le benjamin, 34 ans, avec sa frêle allure de têtard de bénitier – et l’autre, Raphaël Glucksmann, 40 ans, fort de sa gueule de pâtre grec, barbelée par une broussaille de trois jours, signe poilu de ralliement de la génération Bobo. A ma droite, un professeur de philosophie, ancienne tête pensante des manifs contre le mariage homosexuel; à ma gauche, un essayiste, ci-devant directeur de la rédaction du Nouveau Magazine Littéraire.
François-Xavier Bellamy prend garde de développer un conservatisme de bon aloi afin de faire oublier le rôle qu’il a joué dans l’implantation au sein du parti LR (Les Républicains) du mouvement Sens Commun, proches des intégristes catholiques. Et s’il est opposé à l’interruption volontaire de grossesse, c’est uniquement dans le secret de son cœur. Il s’énerverait presque lorsque surgit cette question. Mais il est trop bien élevé pour élever le ton. Il préfère parler d’Europe, ce qui, après tout, est le thème de la campagne.
Le jeune philosophe au regard myosotis nous débite alors son prudent credo: libéral, mais pas trop. Dans le sillage de Tocqueville et pas celui de Bill Gates. Protectionniste, mais juste ce qu’il faut pour défendre l’Europe et la France de leurs déloyaux concurrents. Européen, mais avec un zest de souverainisme: oui à l’Europe des Nations, non au fédéralisme. Ajoutez un doigt – un petit doigt – d’écologie devenue figure obligée et une grosse louche contre «l’immigration illégale, avec une double frontière, celle de Schengen et celle des Etats». Il faut bien prendre des voix à Marine Le Pen.
Une position fiscale résume parfaitement l’idéologie de ce Bellamy de la droite «comme il faut»: il est opposé aux taxes sur les successions. Pour lui, il ne s’agit pas de transformer la société mais d’assurer les transmissions au fil des générations. Mon grand-père disait déjà la même chose. Et j’ai septante ans.
Le pâtre grec
Si François-Xavier Bellamy veut estomper son engagement dans le catholicisme militant le plus droitier, Raphaël Glucksmann, lui, tente de faire oublier son tropisme libéral et atlantiste, lorsqu’il était la plume et le principal conseiller du président géorgien Saakachvili. Après avoir quitté la direction du Nouveau Magazine Littéraire, le fils du philosophe André Glucksmann (ex-maoïste et ex-bushiste) a créé le énième mouvement de la gauche française, Place Publique. Il tente de fédérer toute la gauche hors France Insoumise de Mélenchon, Ecologistes y compris. En vain. Sous l’intitulé «Envie d’Europe» – qui fait vieille pub d’Ovomaltine – il a tout de même réussi à se faire accepter comme tête de liste par ce qu'il reste du Parti Socialiste et le petit mouvement Nouvelle Donne. C’est mieux que rien. Mais ce n’est pas beaucoup plus que rien.
Lorsque Bellamy énumère ses propositions au compte-gouttes, Glucksmann fait crouler ses auditeurs sous le poids de ses 120 propositions pour l’Europe. Citons notamment, le «pacte Finance, Climat et biodiversité» assurant à la fois la transition écologique et la justice sociale. Il serait financé par la création monétaire de la Banque centrale européenne, par des impôts sur les dividendes des actionnaires, par une taxe européenne sur les bénéfices des grands groupes économiques. Il y a un os et même plusieurs: ces mesures ne dépendent pas du Parlement européen, objet de la prochaine élection. Qu’à cela ne tienne, Raphaël Glucksmann sort son atout: changer le rapport de force au sein du Parlement entre les conservateurs du Parti populaire européen (majoritaires) et les sociaux-démocrates du Parti socialiste européen (minoritaires) afin de rendre le Parlement compétent pour adopter ces réformes.
Un autre os apparaît: pour que ces belles idées prennent corps, il faudrait, entre autres, qu’elles soient partagées par le prochain président de la Commission européenne. Or, le candidat officiel du PSE, le très social-libéral Frans Timmermans, n’a que faire des propositions de Glucksmann. C’est pourquoi ce dernier espère que le Parti socialiste européen présentera une autre candidature, celle du Belge Paul Magnette. Cela fait beaucoup de «si». Le pacte «Finance, Climat et biodiversité» semble bien mal barré.
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Sur le plan strictement politicien, l’un paraît donc l’emporter sur l’autre, pour le moment. Mais pour en revenir à notre interrogation initiale, en tant qu’intellectuels renommés, ont-ils apporté un souffle nouveau? Ont-ils élevé le débat? En aucun cas. Bellamy débite son filet d’eau tiède comme l’ont fait avant lui des générations d’élus conservateurs. Glucksmann aligne les propositions infaisables pour tenter de donner des couleurs rouges à une gauche social-démocrate atone.
La broyeuse d’idées
Toutefois, il faut leur rendre cette justice, ils ne pouvaient que décevoir. La machinerie électorale broie les grandes idées. Il faut adapter sa rhétorique en fonction des parts de marché à grignoter, lancer des passerelles en vue d’éventuelles alliances avec tout ce que cela comporte de compromis, voire de compromission, adopter des éléments de langage qui doivent tout au marketing et rien à la philosophie. Le combat électoral n’est en aucun cas méprisable. Indispensable au développement de la démocratie, il n’est pas sans noblesse. Mais on ne saurait attendre de lui autre chose qu’une bonne administration quotidienne des êtres et des choses, dans le meilleur des cas.
Pour bien vivre, nous avons besoin de grandes voix qui nous rappellent l’essentiel et qui nous tirent vers le haut. Imaginerait-on Raymond Aron député ou Jean-Paul Sartre, sénateur? Si les intellectuels majeurs de jadis ont élevé le débat politique, c’est qu’ils sont restés sur leur propre terrain sans descendre dans l’arène.
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Toutefois, si, selon les dernières informations sur le sujet, chaque événement devrait avoir sa cérémonie d’ouverture et de clôture, le paralympisme et l’olympisme semblent plus étroitement associés que jamais.</p> <p>Pourtant cela était loin d’être évident. L’histoire des Jeux paralympiques est complexe, posant la question de la définition du handicap. À partir de Jeux sportifs uniquement organisés pour des personnes blessées de la colonne vertébrale en fauteuil roulant (créés en 1948), ils concernent peu à peu, à partir des années 1970, des personnes ayant d’autres types de déficiences.</p> <p>La forme retenue pour les épreuves parisiennes de cet été avec 22 parasports (les sports au programme des Jeux paralympiques) résulte d’un long processus <a href="https://theconversation.com/les-jeux-paralympiques-comment-tout-commenca-il-y-a-70-ans-99390#:%7E:text=Les%20premiers%20Jeux%20de%20Stoke,un%20bus%20de%20transport%20adapt%C3%A9">qui commence le 29 juillet 1948</a>, quand est donné à Londres le coup d’envoi de la XIV<sup>e</sup> olympiade. À cette date, le <a href="https://www.dicolympique.fr/guttmann-ludwig-1899-1980-allemagne-grande-bretagne/">neurochirurgien Ludwig Guttmann</a> organise à l’hôpital de Stoke Mandeville tout proche une compétition de tir à l’arc entre 16 blessés de la colonne vertébrale en fauteuil roulant, vétérans de la Seconde Guerre mondiale.</p> <p>D’origine allemande, Guttmann est l’inventeur de pratiques rééducatives à partir de jeux sportifs. Au fil des années 1950, ses Jeux de Stoke rassemblent de plus en plus de participants et commencent à s’internationaliser. Réservés aux paralysés en fauteuil roulant, ils se tiennent chaque été au sein de l’enceinte hospitalière. En 1952, ils accueillent une délégation néerlandaise, avec 5 compétitions au programme : tir à l’arc, netball, javelot, tennis de table et billard ; la natation fait l’objet de démonstrations. En 1953, des <a href="https://hal.science/hal-01681465">Français, Australiens, Canadiens, Finlandais, Israéliens et Sud-Africains rejoignent l’événement</a>.</p> <p>Ces Jeux de Stoke continuent de s’inscrire dans une logique rééducative et Guttmann organise à cette occasion un congrès médical annuel <a href="https://theconversation.com/les-jeux-paralympiques-comment-tout-commenca-il-y-a-70-ans-99390">sur les avancées dans le traitement des blessés de la colonne vertébrale</a>.</p> <h3>Logique médicale persistante</h3> <p>C’est leur délocalisation à Rome en 1960, dans la foulée des JO, qui va partiellement changer la donne. Si la dimension sportive s’affirme davantage, ils restent inscrits dans l’univers de la rééducation des blessés de la colonne vertébrale. Cette délocalisation est rendue possible grâce aux liens entre Ludwig Guttmann et Antonio Maglio, un confrère italien qui a fondé un centre de rééducation pour paraplégiques proche de la capitale italienne. 400 sportifs, tous en fauteuil, originaires de 23 pays, concourent dans huit disciplines. Bénéficiant des infrastructures olympiques, ils quittent l’univers hospitalier, mais restent encadrés par une logique médicale. En témoignent les ministres venus soutenir les sportifs. Ces « Jeux para-olympiques » s’ouvrent en présence du ministre de la santé italien mais sans le ministre des sports. Ce sera la même chose quatre ans plus tard à Tokyo. Reste qu’une dynamique est alors enclenchée : elle aboutira en 1989 à la création du Comité international paralympique (CIP).</p> <p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p> <p>Les Jeux paralympiques désignent alors un événement reconnu par le CIO impliquant des athlètes ayant divers types d’incapacités (en réalité « capable autrement »). Le para ne signifie plus « pour les paralysés », <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1466424007077348">mais « parallèles » aux Jeux olympiques</a>.</p> <p>Mais avant d’en arriver là, bien des querelles devront être dépassées.</p> <h3>Dynamique compétitive</h3> <p>En effet, dans les années 60, des voix s’élèvent en faveur de l’ouverture aux amputés et aux aveugles, ce que désapprouve la fédération de Stoke qui reste centrée sur le sport en fauteuil roulant des personnes blessées de la colonne vertébrale. En 1964 à Tokyo, une rencontre sportive « tous handicaps » a lieu, en marge des Jeux para-olympiques, pour les non paralysés. En 1968, les Jeux para-olympiques ont lieu à Tel-Aviv et restent encore réservés aux seuls paralysés en fauteuil. Cependant, peu à peu l’objectif initial de rééducation cède la place au désir de se rapprocher du schéma compétitif olympique et de l’image du champion.</p> <p>Bien que Guttmann soit opposé à cette perspective compétitive pour tous les types de déficience, l’objectif des athlètes et de certaines fédérations nationales – dont la France – s’oriente inexorablement vers la mise à distance de la tutelle médicale afin de se rapprocher de l’univers sportif et de ses instances nationales et internationales.</p> <h3>Rapprochements progressifs</h3> <p>Les années 1970 confirment ce basculement, les compétitions accueillant progressivement de nouveaux types de déficiences en catégorisant les athlètes selon leurs capacités.</p> <p>Il s’agit de permettre leur participation, tout en assurant l’égalité des chances et la logique compétitive du sport. Ainsi, l’intégration de nouveaux sportifs dotés de caractéristiques spécifiques implique une réflexion sur la mise en place de classifications fonctionnelles au regard de leurs capacités et de l’incidence qu’elles ont sur leurs performances.</p> <p>En 1972, lors des Jeux paralympiques de Heidelberg (les JO se déroulent à Munich), les déficients visuels sont autorisés à participer <a href="https://www.handisport.org/les-29-sports/goalball/">à des épreuves d’exhibition en goalball</a> et au 100 mètres sprint. Parallèlement, des amputés entrent sur le stade pour manifester leur mécontentement, comme le rappelle feu <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/09523367.2014.931842">l’entraîneur d’athlétisme Christian Paillard</a> de la fédération française : « Qu’est-ce que je vois arriver ? Des amputés avec de grandes banderoles ! Ils ont fait un sit-in sur la piste en disant : « Nous aussi, on veut participer aux Jeux ! »</p> <p>Il faudra attendre quatre années supplémentaires et les Jeux de Toronto en 1976 pour qu’amputés et déficients visuels soient officiellement autorisés à concourir. Soucieuse de visibilité, chaque catégorie de handicap fonde sa propre fédération internationale et en 1982, un comité (ICC) est créé pour les coordonner et opérer un rapprochement avec le Comité international olympique (CIO).</p> <p>Aux JO de Los Angeles en 1984, des épreuves en fauteuil hors compétition figurent au programme, dans le but de promouvoir le sport pour handicapés. Cette première représentation des pratiques paralympiques lors des Jeux olympiques provoque la colère des amputés qui se sentent exclus. Elle fait planer un risque de scission sur le mouvement.</p> <p>Malgré une situation de crise, les Jeux paralympiques sont maintenus en 1984, mais ils scindés en deux : les sportifs en fauteuils concourent à New York, et tous les autres à Stoke. En 1986, deux fédérations internationales s’agrègent au mouvement : celle des sportifs sourds et celles pour les sportifs ayant des déficiences intellectuelles.</p> <p>Plus de deux décennies après Tokyo (1964), les Jeux de Séoul (1988) sont l’occasion de réunir de nouveau les JO et les Jeux paralympiques sur un même site. Du jamais vu depuis 1964.</p> <p>En 1989, la création du Comité international paralympique (CIP) achève l’alignement sur l’olympisme et la projection vers un événement unique organisé en partenariat avec le CIO : les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) se tiendront désormais obligatoirement sur le même site. Cette obligation ne sera finalement appliquée qu’à partir de 1996 à Atlanta, les Jeux paralympiques de 1992 se déroulant à la fois à Barcelone (pour les déficients physiques) et à Madrid (pour les déficients intellectuels), alors que les JO se tenaient à Barcelone.</p> <h3>Un désir de pratiquer comme les autres</h3> <p>Le mouvement d’intégration n’est pourtant pas achevé et reste un motif de tensions. En 1995, la fédération des sportifs sourds fait le choix de se retirer pour préférer une pratique entre personnes sourdes affirmant leur culture singulière, ou, pour les plus performantes, au sein des JO. Les sourds n’ont finalement jamais participé aux Jeux paralympiques.</p> <p>Parallèlement, si des déficients intellectuels intègrent pour la première fois les épreuves paralympiques en 1992, leur participation n’est pas sans poser problème. Lors du tournoi de basket-ball de Sydney (2000), il s’avère que plusieurs joueurs de l’équipe espagnole ayant remporté le tournoi <a href="https://www.liberation.fr/sports/2000/11/25/de-faux-handicapes-pour-de-vraies-medailles_345658/">n’ont en réalité pas de déficience cognitive</a>. La médaille d’or est restituée et, ne sachant pas comment assurer une sélection fiable de ce type de sportifs, le CIP suspend leur participation. Il faudra attendre Londres (2012) pour qu’ils soient réintégrés.</p> <p>Le désir de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=tuAPPeRg3Nw">pratiquer « comme les autres »</a> produit une force agrégative qui conduit peu à peu à rompre le lien avec le monde médical. L’aspiration à la norme oblige, paradoxalement, à inventer des épreuves adaptées dans lesquelles chacun peut mettre en valeur ses capacités.<img src="https://counter.theconversation.com/content/222714/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <p> </p> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/sylvain-ferez-492612">Sylvain Ferez</a>, Maître de conférences (HDR), sociologie, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/universite-de-montpellier-2403">Université de Montpellier</a></em> et <a href="https://theconversation.com/profiles/sebastien-ruffie-1508656">Sébastien Ruffie</a>, Professeur des Universités en sciences sociales, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/universite-des-antilles-3481">Université des Antilles</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/jeux-paralympiques-de-la-reeducation-des-blesses-de-guerre-a-la-celebration-de-la-diversite-222714">article original</a>.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'jeux-paralympiques-de-la-reeducation-des-blesses-de-guerre-a-la-celebration-de-la-diversite', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 15, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => 'https://theconversation.com/jeux-paralympiques-de-la-reeducation-des-blesses-de-guerre-a-la-celebration-de-la-diversite-222714', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 11, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4804, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Des tardigrades sont-ils en train de coloniser la Lune?', 'subtitle' => 'Le 22 février 2019, une sonde spatiale, c’est-à-dire sans équipage, était mise en orbite autour de la Lune avec comme objectif d’alunir. 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La vitesse était trop grande pour être suffisamment ralentie de sorte qu’elle s’écrasa à plus de 3 000 km/h sur notre satellite.</p> <p>Le choc fut terrible et la sonde se dispersa sur une centaine de mètres. On le sait car l’impact a été photographié par le satellite LRO (Lunar Reconnaissance Orbiter) de la NASA.</p> <p><a href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File :Beresheet_Crash_Site_Spotted_LRO_02.gif"><img src="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/6/6b/Beresheet_Crash_Site_Spotted_LRO_02.gif/512px-Beresheet_Crash_Site_Spotted_LRO_02.gif" alt="Beresheet Crash Site Spotted LRO 02" width="512" /></a></p> <p>Que sont devenus les tardigrades ? Ont-ils survécus et si oui peuvent-ils coloniser la Lune ? La Lune est-elle contaminée ?</p> <h3>Des animaux à l'épreuve de (presque) tout</h3> <p>Les tardigrades sont des animaux microscopiques. Ils mesurent moins d’un millimètre de long. La plupart possèdent deux yeux, mais tous ont des neurones, un orifice buccal au bout d’une trompe rétractile, un intestin contenant un microbiote et quatre paires de pattes non articulées et terminées par des griffes. Ces animaux partagent un ancêtre commun avec les arthropodes comme les insectes ou les arachnides.</p> <p>La majorité se rencontre dans des environnements aquatiques, mais ils occupent tous les milieux, même urbains. <a href="https://biophysique.mnhn.fr/fr/annuaire/emmanuelle-delagoutte-9017">Emmanuelle Delagoutte</a>, chargée de recherche au CNRS, les récolte dans les mousses et les lichens du Jardin des plantes au Muséum à Paris. Les tardigrades ont besoin d’être entourés d’un film d’eau pour rester actifs, se nourrir de microalgues comme des chlorelles, grandir, se mouvoir et se reproduire. Ils se reproduisent de manière sexuée ou asexuée via la parthénogenèse, c’est-à-dire à partir d’un ovule non fécondé, ou l’hermaphrodisme lorsqu’un individu, qui possède à la fois des gamètes mâles et femelles, s’autoféconde. Après l’éclosion de l’œuf, la vie d’un tardigrade sous forme active dure de 3 à 30 mois. Au total, <a href="https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-319-95702-9">1265 espèces ont été décrites</a>, dont deux fossiles.</p> <p>Les tardigrades sont célèbres du fait de leur résistance à des conditions n’existant ni sur la Terre ni sur la Lune. Ils peuvent en effet mettre leur métabolisme à l’arrêt, notamment en perdant jusqu’à 95 % de leur eau corporelle. Certaines espèces synthétisent un sucre, le tréhalose, qui fait office d’antigel, d’autres des protéines dont on pense qu’elles incorporent les constituants cellulaires dans un réseau amorphe « vitreux », offrant ainsi résistance et protection à chaque cellule.</p> <p>La déshydratation déforme le corps dont la taille peut diminuer de moitié. Les pattes disparaissent, seules les griffes sont encore visibles. Cet état appelé cryptobiose persiste jusqu’à ce que les conditions redeviennent favorables.</p> <p>Cependant, selon les espèces, les individus ont besoin de plus ou moins de temps pour se déshydrater et tous les spécimens d’une même espèce ne parviennent pas à revenir à la vie active.</p> <p>Les adultes déshydratés survivent quelques minutes à des températures de – 272 °C ou 150 °C, et sur le long terme à des doses élevées de rayons gamma de 1 000 ou 4 400 Gray (Gy) selon l’espèce. 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Certains sont-ils toujours viables, ensevelis sous le régolithe, la poussière lunaire dont la profondeur varie de quelques mètres à quelques dizaines de mètres ?</p> <p>Tout d’abord, il faut qu’ils aient survécu à l’impact. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33978458/">Des tests au laboratoire</a> ont montré que des spécimens congelés de l’espèce <em>Hypsibius dujardini</em> étaient intacts après un choc à 2600 km/h sous vide sur du sable mais étaient mutilés au-delà de 3000 km/h.</p> <p>Ils doivent ensuite résister à l’absence d’eau et supporter un froid de – 170 à -190 °C durant la nuit lunaire et une chaleur de 100 à 120 °C durant le jour. Un jour ou une nuit lunaire dure longtemps, soit un peu moins de 15 jours terrestres. Même la sonde n’était pas prévue pour résister à de telles amplitudes et devait cesser toute activité après seulement quelques jours terrestres.</p> <p>Enfin, la surface de la Lune n’est pas protégée vis-à-vis des particules solaires et des rayons cosmiques, notamment gamma. Mais là les tardigrades seraient capables de résister. En effet, Robert Wimmer-Schweingruber, Professeur à l’Université de Kiel en Allemagne, et son équipe ont montré que les <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.aaz1334">doses de rayons gamma frappant la surface lunaire étaient permanentes mais faibles</a> par rapport aux doses citées précédemment. Selon lui, 10 années d’exposition aux rayons gamma correspondraient à une dose totale d’environ 1 Gy.</p> <p>Quoi qu’il en soit, sans eau ni oxygène ni microalgues, les tardigrades ne pourront jamais se réactiver. Ainsi la colonisation de la Lune par ces animaux est impossible. Mais des spécimens sont sur le sol lunaire et leur présence pose des questions éthiques comme le souligne <a href="https://www.prindleinstitute.org/2019/09/the-ethics-of-sending-life-to-the-moon-and-beyond/">Matthew Silk</a> écologue à l’université d’Édimbourg. Parmi ces questions, il en est une sur le plan scientifique. A l’heure où l’exploration spatiale repart tous azimuts, contaminer d’autres planètes nous fera-t-il perdre la possibilité de chercher la vie extraterrestre ?</p> <hr /> <h4><em>L’auteur remercie chaleureusement Emmanuelle Delagoutte et Cédric Hubas du Muséum de Paris, ainsi que Robert Wimmer-Schweingruber de l’Université de Kiel, pour leur lecture critique du texte et leurs conseils.</em><img src="https://counter.theconversation.com/content/220910/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></h4> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/laurent-palka-1305597">Laurent Palka</a>, Maître de conférences, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/museum-national-dhistoire-naturelle-mnhn-2191">Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. 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Les médias n'avaient que rarement confronté les gouvernements et les autorités à des arguments selon lesquels leurs mesures étaient disproportionnées ou même inutiles.»</span></p> <p><span>Le journaliste bernois vise particulièrement la <em>NZZ</em>. Donnant en exemple l’édition du 5 mars où paraissait une interview de l’ancien secrétaire général de l’OTAN Anders Fogh Rasmussen. Qui plaide pour des envois massifs d’armes et de missiles à longue portée Taurus. Les deux rédacteurs, Andreas Rüesch et Philipp Wolf, ne lui ont adressé aucun argument contradictoire, aucune question critique. 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C’est vrai également sur le plan économique. Le mot <a href="https://fr.wiktionary.org/wiki/capital"><em>capital</em></a> est ainsi dérivé du terme <em>cattle</em>, (<em>cheptel</em> en anglais), qui désigne des animaux de rente que l’on possède pour toute richesse, avec lesquels on noue des alliances, on règle des dots, on occupe du terrain.</p> <p>Mais si les vaches ont ainsi pu participer à façonner notre vision du monde, les êtres humains les ont aussi forgées en retour. La grande majorité des bovins qui de nos jours cohabitent avec l’être humain sont héritiers de lignées d’animaux de rente, sélectionnés d’abord et avant tout pour leurs traits productifs – quantité de lait, quantité de viande. Elles sont le fruit d’une longue histoire de co-évolution entre des générations de bovins d’élevage et leurs commensaux humains.</p> <p>L’histoire de la vache est donc celle d’une domestication, mais aussi d’une transformation des espèces bovines comme humaines au contact l’une de l’autre. Ni l’une ni l’autre ne sont « naturelles », au sens où chacune existerait en elle-même et par elle-même, indépendamment l’une de l’autre. Toutes deux, en revanche, sont très « naturelles » si on considère la nature comme un ensemble d’interdépendances et une notion fondamentalement relationnelle. Et à chaque époque sa vision du monde, de la nature et donc de la vache « idéale », de ce qu’elle devrait être et de ce qu’elle devrait, littéralement, « incarner ».</p> <h4 style="text-align: center;"><img src="https://images.theconversation.com/files/577267/original/file-20240222-20-djh19q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="" /><em><span>Salon de l’Agriculture de 2018.</span> <span><a href="https://www.flickr.com/photos/maitreyoda/39738977535/">Rog01/Flickr</a>, <a href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></em></h4> <h3>À la recherche de la vache originelle</h3> <p>Un des exemples les plus éloquents à cet égard est celui des frères Lutz et Heinz Heck dans l’Allemagne nazie. Dans les années 1930, ces deux biologistes ont poursuivi un rêve fou : celui de retrouver l’archétype de la vache originelle, l’auroch, <em>Bos primigenius</em> de son nom latin. Seul problème, cette espèce avait disparu, supplantée par sa lointaine cousine, transformée par des siècles de domestication en une nouvelle espèce, <em>Bos Taurus</em>, l’ancêtre de tout bovin domestiqué. Il s’est donc agi, pour les frères Heck, de « réensauvager » les bovidés avilis par leur contact avec la civilisation humaine, afin de retrouver la puissance et la vigueur de l’ancestralité primordiale.</p> <p>Pour ce faire, ils se sont livrés à une « rétro-ingénierie » (<em>back breeding</em>) de l’espèce bovine. Ils ont cherché à remonter le fil du chemin de l’évolution, à le parcourir à l’envers en quelque sorte. Bien sûr, l’auroch ayant disparu depuis belle lurette, ils étaient réduits à faire des suppositions sur ce que devaient être ses qualités, sa rusticité (la rusticité se dit d’une bonne résistance aux maladies et d’une bonne adaptabilité aux milieux inhospitaliers), sa vigueur, sa puissance. Faute d’avoir des spécimens sous la main, il a bien fallu composer avec les espèces de bovidés qui leur semblaient les plus proches de ce que devrait être un auroch.</p> <p>Les géographes <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/00045608.2015.1115332">Jamie Lorimer et Clemens Driessens ont montré dans leurs travaux les liens forts entre le régime nazi et cette entreprise</a> de « dés-extinction » d’une espèce animale disparue.</p> <p>Les frères Heck ont ainsi participé au projet piloté par le chef des SS Heinrich Himmler de Ahnenerbe (« héritage ancestral » en allemand) qui visait à la restauration de l’espace vital du peuple allemand, protégé des immixtions étrangères et rendu à son état de paradis originel – auroch compris, donc. Lorimer et Driessens montrent également les fortes connivences entre les deux frères biologistes et Hermann Goering, l’un des hauts dignitaires et chefs militaires du troisième Reich, et entre ce dernier et les bovins ainsi obtenus par voie de rétro-ingénierie. Goering leur vouait une admiration toute particulière, s’échinant – avec succès – à les protéger lorsque le front de guerre se rapprocha.</p> <p>La tentative des frères Heck était bien sûr expérimentale sur le plan biologique, puisqu’elle s’inscrivait dans une époque préalable à l’essor de la microbiologie et de la génétique moléculaire. Les biologistes ont ainsi <a href="https://www.smithsonianmag.com/history/when-nazis-tried-bring-animals-back-extinction-180962739/">prospecté différentes races bovines, d’Espagne à la Hongrie</a>, pour éliminer les caractéristiques qu’ils associaient à la domestication. S’inspirant aussi bien du bison européen, alors en voie d’extinction à l’état sauvage, que des peintures pariétales, ils ont cherché à fabriquer une race bovine affranchie de sa dépendance aux êtres humains, en privilégiant les caractères de rétivité, de rusticité, de taille ou de force, affirmant être parvenus à leurs fins dans les années 1930.</p> <p>Ont-ils réussi dans leur entreprise ? Cela dépend de comment on définit la réussite, et donc de l’idée qu’on se fait de « l’authenticité ». Selon que l’évaluation porte sur l’adéquation entre les caractères physiques de ces vaches et leurs caractères génétiques, sur leur apparence physique ou encore sur leur rôle dans les écosystèmes, la réponse variera. D’autant que la <a href="https://openquaternary.com/articles/10.5334/oq.25#the-dawn-of-de-extinction">recherche scientifique a montré depuis qu’il existait toute une diversité de races d’aurochs</a>, de provenances variées, dont ont hérité en zigzag différentes espèces bovines domestiquées, suivant les continents où elles se sont développées.</p> <p>Si l’on regarde leur rôle dans les écosystèmes, les travaux des frères Heck ont été un succès. Les descendants de ces aurochs reconstitués trouvent aujourd’hui à s’épanouir dans différentes réserves naturelles, notoirement dans le Oostvaardersplassen, aux Pays-Bas, dans les polders repris à la mer et aux marais, où ils sont prisés pour leurs qualités de rusticité et de maintien des écosystèmes moyennant des soins très minimaux – au point parfois de redevenir des espèces férales ou « réensauvagées ».</p> <h3>Et demain, la vache parfaite ?</h3> <p>Si l’exemple de l’auroch nazi est spectaculaire, il est aussi singulier par sa démarche de retour vers un passé idéalisé, sa quête de l’ancestralité, la pureté de la lignée, etc. Nos sociétés de <a href="https://www.jstor.org/stable/j.ctv12100qm">capitalisme tardif</a> nourrissent également une version figée de la nature et une image tout aussi idéalisée des bovins d’élevage. Depuis l’après-guerre, les vaches sont plutôt projetées vers le futur et investies d’une série de missions morales. La nature y est perçue comme pourvoyeuse de ressources et les animaux de rente considérés comme de la matière à produire. Ils sont ainsi <a href="https://www.quae.com/produit/1722/9782759234493/la-vache-globale">rationalisés, quantifiés, évalués</a>, etc., ce qui aura eu pour effet une explosion de la production. Un veau gras vaut son pesant de kilos de chair et une vache à lait les litres qu’elle pourra donner par le jeu de la <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/de_la_generation-9782359252613">reproduction, qui implique cette forme de nature « chosifiée »</a>.</p> <p>Toutefois, ce développement productif se heurte à différentes limites. En témoignent par exemple les maladies auxquelles l’élevage intensif expose les vaches ou encore leur vulnérabilité face aux stress climatiques. Un épisode de canicule peut ainsi susciter une baisse significative de la production ou des problèmes de fertilité. 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Ainsi, en 2019, le célèbre magasine Wired faisait sa couverture sur les potentialités de l’édition du génome des vaches, haut lieu des promesses les plus variées : vache sans cornes, afin de protéger les éleveurs, vache résistante à la chaleur, au virus de la grippe…</p> <p>Avec mes collègues du projet de recherche <a href="https://www.spiral.uliege.be/cms/c_7654746/en/presentation-du-projet-de-recherche-the-body-societal-the-bos">The Body Societal</a>, nous menons l’enquête sur les différentes valeurs dont sont ainsi investis les corps bovins et leurs devenirs.</p> <p>À quoi ressemblera la vache du futur ? La seule certitude à ce stade, c’est que pour se plier à tous ces attendus, parfois contradictoires, elle devrait avant tout présenter des qualités de contorsionniste. Autant les frères Heck étaient à la recherche d’un modèle immuable et éternel, autant la vache de demain devrait se montrer flexible, et adaptable.</p> <p>Le point commun de ces projections, qu’elles regardent vers l’arrière ou vers l’avant, c’est de négliger les types de société qui accompagnent l’élevage bovin. En première ligne, bien sûr, on trouve les éleveurs, chargés de composer avec ces injonctions paradoxales dans des conditions historiquement difficiles, comme en témoigne la colère qui s’exprime actuellement. Eux aussi sont soumis à une logique impitoyable, contraints de s’adapter ou de disparaître, ni plus ni moins. Les lobbies promouvant la viande artificielle, développée en laboratoire, <a href="https://mooslawbook.com/the-book/">qualifient d’ailleurs l’élevage de « technologie obsolète »</a>.</p> <p>Les éleveurs, en attendant, font partie des agriculteurs les moins bien rémunérés malgré une charge de travail écrasante, des investissements lourds à supporter et des marges réduites, qui ne subsistent que par la perfusion de subsides publics. Avec de moins en moins de marge de manœuvre, leur profession est à la croisée des chemins, bien consciente d’une chose ; on ne regarde pas impunément passer le train de la modernité. Il ne passe pas deux fois.<img src="https://counter.theconversation.com/content/224123/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/francois-thoreau-1475585">François Thoreau</a>, Sciences Techniques et Société, Humanités environnementales, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/universite-de-liege-2532">Université de Liège</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/leternelle-quete-de-la-vache-parfaite-de-lauroch-nazi-aux-bovins-sans-cornes-224123">article original</a>.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'l-eternelle-quete-de-la-vache-parfaite-de-l-auroch-nazi-aux-bovins-sans-cornes', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 34, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => 'https://theconversation.com/leternelle-quete-de-la-vache-parfaite-de-lauroch-nazi-aux-bovins-sans-cornes-224123', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 10, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [[maximum depth reached]], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' } ] $embeds = [] $images = [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) { 'id' => (int) 5500, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'name' => 'glucksman.jpg', 'type' => 'image', 'subtype' => 'jpeg', 'size' => (int) 120970, 'md5' => '6ac6214299fd4ffea00ad5513490b599', 'width' => (int) 1022, 'height' => (int) 676, 'date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'title' => '', 'description' => 'Les deux hommes élèvent-ils le niveau du débat politique français?', 'author' => '', 'copyright' => '© Wikipedia/Facebook', 'path' => '1557404586_glucksman.jpg', 'embed' => null, 'profile' => 'default', '_joinData' => object(Cake\ORM\Entity) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Attachments' } ] $audios = [] $comments = [] $author = 'Bon pour la tête' $description = 'François-Xavier Bellamy, à droite et Raphaël Glucksmann, à gauche, les penseurs français redonnent de la voix dans le débat politique de leur pays, avec des fortunes diverses. 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