Actuel / Les démocrates tétanisés face à l’insolente réussite économique de Donald Trump
Peu après son élection, Donald Trump était moqué. Aujourd’hui, plus personne ne rit. © Wikimédia
Jean-Éric Branaa, Auteurs fondateurs The Conversation France
Qui aurait pu penser, le 8 novembre 2016, que le candidat milliardaire venant d’être élu à la Maison Blanche allait réussir à déployer une politique économique si solide qu’elle en deviendrait son meilleur argument de campagne pour une éventuelle réélection?
Pourtant, lors de sa première campagne électorale, en 2015-2016, Donald Trump s’était contenté de parler de son expérience de businessman, en assurant que cela suffirait pour faire une politique et qu’il n’avait pas besoin d’indiquer dans le détail où il porterait ses efforts. Il a donc joué cette carte plutôt osée et proposé à ses compatriotes de renouer avec le «rêve américain», du moins avec sa propre version de ce rêve, à travers des punchlines fracassantes:
«Vous allez tellement gagner avec moi que vous en aurez marre de gagner.»
«Je serai le plus grand créateur d’emploi que Dieu ai jamais créé.»
Cela faisait rire à l’époque. Donald Trump était moqué. Aujourd’hui, plus personne ne rit.
Croissance, délocalisations: des promesses à la réalité
Les marchés financiers ont, pour leur part, immédiatement salué l’élection de Donald Trump en novembre 2016 ou, plus exactement, ils ont manifesté leur soulagement après une forte période d’incertitude. Comme cela se passe très souvent après une forte tension, le mouvement est parti très vite en sens inverse, et l’embellie économique s’est rapidement transformée en euphorie.
C’est l’attitude de Donald Trump qui a entraîné cette vague plus que surprenante d’après-élection, en créant le mythe qui manquait lors sa campagne. Le 29 novembre 2016, alors que Trump n’avait pas encore officiellement pris ses fonctions, l’Amérique éberluée apprenait dans un de ses tweets que le nouveau Président avait déjà sauvé 1400 emplois: l’entreprise Carrier, qui fabrique des chaudières à Huntington, près d’Indianapolis, confirmait en effet qu’elle renonçait à délocaliser sa production.
Dix jours plus tôt, Trump assurait déjà avoir convaincu Ford de renoncer à délocaliser au Mexique son usine de Louisville (Kentucky), après avoir multiplié les menaces contre le constructeur américain, promettant notamment de taxer les voitures à hauteur de 40% à l’entrée aux États-Unis si Ford persistait à vouloir construire une usine de l’autre côté du Rio Grande.
À lire aussi: Trois clés pour comprendre le phénomène Trump
Ces deux événements ont permis au nouveau président de vanter son plan de patriotisme économique et d’insister sur la relocalisation attendue des entreprises, tout en dénonçant les accords de libre-échange, notamment celui en vigueur avec le Mexique.
Le monde de la finance a considéré qu’il était en réalité un homme pragmatique et responsable. La dynamique boursière s’est alors orientée clairement à la hausse et les marchés lui ont donné leur confiance. Ils se sont mis à croire, à leur tour, en un avenir où se conjugueraient reprise de la consommation et de la croissance avec le retour des emplois. Ses promesses de relance de l’investissement public et de diminution des impôts, ainsi que les annonces répétées concernant l’assouplissement de la régulation financière ont – semble-t-il – fini de convaincre les plus sceptiques. Au fil des mois, le Dow Jones a battu des records absolus et continue à en battre aujourd’hui.
Le 3 décembre 2016, c’est une tempête de tweets qui s’est abattue sur l’Amérique et Donald Trump a vigoureusement mis en garde les entreprises américaines contre toute délocalisation à l’étranger, visant plus particulièrement le groupe Rexnord, qui voulait déménager son usine d’Indianapolis et ses 300 employés.
C’est bien à ce moment précis que la légende de Donald Trump s’est établie. L’opinion en a gardé l’impression que son intervention était magique et que son pouvoir de persuasion était illimité. «Il peut tout», «ça va changer», «ils ont peur de lui» sont quelques-unes des réactions qui ont été enregistrées et relayées par les journalistes dans leurs très nombreux reportages de l’époque.
Dès lors, aux yeux de beaucoup, conformément à ses promesses, ce président allait pouvoir rapatrier emplois et capitaux aux États-Unis. Au bout de six mois de mandat, les Américains semblaient penser que Trump avait déjà réussi puisqu’ils étaient 69% à déclarer que le pays se portait bien et qu’ils avaient confiance que cela allait continuer ainsi. Pourtant, sa cote personnelle ne bougeait pas.
Une réforme fiscale menée au pas de charge
Au même moment, les entreprises annonçaient des bonus très généreux vis-à-vis de leurs employés: parfois jusqu’à 1000 dollars par personne. Mais, paradoxalement, la cote de popularité du président ne bougeait toujours pas.
La grande réussite de Donald Trump a été indéniablement de pouvoir conduire une réforme fiscale en quelques mois à peine: en moins d’un an, il a ainsi pu imposer et faire voter ses propositions de baisses massives des impôts, tant pour les entreprises – dont le taux d’imposition a été ramené de 35 à 21% – que pour les ménages.
Ces baisses d’impôts, décidées en un temps record dans le cadre de la plus grande réforme fiscale jamais menée aux États-Unis, ont fait extrêmement peur aux démocrates, car son impact politique pouvait se révéler destructeur: «Les baisses concernant l’impôt sur le revenu bénéficient en priorité aux plus riches», ont alors claironné les opposants à Donald Trump. Et d’insister sur le fait que ce sont eux, les riches, qui payant le plus d’impôt seraient le plus impactés par la baisse annoncée.
Trump a donc fait un pari fou, espérant ainsi doper la croissance au-delà des 3%. Adoptée formellement par le Congrès, le 19 décembre 2017, la réforme fiscale a été le « plus beau cadeau de Noël qui soit pour les Américains», selon la formule trouvée par le président des États-Unis lui-même, transformée en maxime, tweetée et retweetée.
Des démocrates inaudibles
Il est vrai que cette réforme était particulièrement ambitieuse, prévoyant une baisse des impôts de quelque 1456 milliards de dollars. Les démocrates se sont empressés de critiquer ce trou dans le budget, qui alourdit immanquablement la dette du pays et qu’il faut assumer sur la période 2018-2027. Mais qu’est-ce que la dette nationale pour un Américain moyen dans son quotidien? Les démocrates sont vite devenus inaudibles sur ce sujet.
Des spécialistes de l’économie sont certes montés en première ligne pour expliquer qu’en raison des contraintes structurelles liées au vieillissement de la population, d’une main-d’œuvre de plus en plus réduite et d’une croissance de la production ralentie, il serait très difficile, voire impossible, d’atteindre l’objectif de 3%, ou encore des 4% de croissance du PIB évoqué par Donald Trump. En effet, les baisses d’impôts risquaient de provoquer, à très court terme, une hausse des taux d’intérêt et une relance de l’inflation, qui ralentiraient alors mécaniquement la croissance du pays.
Les anti-Trump ont retenu que les baisses d’impôts risquaient de ne pas être si bonnes que cela pour l’économie. Et le Parti démocrate a persisté dans sa stratégie à combattre les réformes engagées par Donald Trump en jouant sur l’émotion, grandement aidé par des économistes de renom n’adhérant pas aux solutions préconisées par le 45e président. Ainsi, l’économiste et prix Nobel Paul Krugman avait signé une tribune dans le New York Times dès le 9 novembre 2016, dans laquelle il prédisait une récession à venir dans les prochains mois, causée par Donald Trump et sa politique.
C’est toujours l’économie, idiot!
Ce faisant, ils ont tous joué un jeu dangereux car la liste des promesses tenues par Donald Trump n’a cessé de s’allonger et a mis dans l’embarras ses opposants les plus virulents. Et peu à peu, de plus en plus d’Américains se sont dit que Trump n’était pas simplement un clown, comme on le leur avait répété pendant des mois, mais qu’il développait un programme, d'abord emprunté au Tea Party, avant d’être calqué sur celui des groupes conservateurs et des évangéliques. Mois après mois, les chiffres n’ont cessé de s’améliorer, bluffant tous ses opposants.
De fait, son plan à base de dérégulations, de baisses massives d’impôts et des charges et de réindustrialisation a fonctionné: plus de cinq millions d’emplois ont été créés dans les deux années qui ont suivi son élection, dont encore 244'000 le mois dernier (alors que les analystes tablaient encore sur 160'000). Le chômage est tombé en dessous de 4%, soit le plein-emploi. Un tel résultat n’avait pas été enregistré depuis la fin des années 1960 aux États-Unis.
Donald Trump a aussi, entre-temps, renégocié l’ALENA, le traité de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, pour le remplacer par l’USMCA, un traité qui donne quelques avantages supplémentaires à son pays, certes limités, mais bien suffisants pour le faire apparaître comme un vainqueur.
Les chiffres de la croissance sont dans le vert aujourd’hui. Le PIB augmente plus que les analystes ne le prévoyaient pour atteindre 3,5% en 2018, après une année précédente à 1,2%. Il faut donc croire que Trump a réussi à relever son défi. Au second semestre de 2018, l’embellie a été telle que la croissance avait même atteint 4,3% au second trimestre, faisant taire toutes les critiques sur les «maigres capacités» en matière économique de Trump.
Les démocrates ont alors changé de sujet et se sont plus avantageusement repositionnés sur le terrain de la morale et des valeurs, qui leur a donné de nombreuses occasions de faire éclater leur courroux. Ils ont beaucoup reparlé du Trump «scandaleux», «brouillon», «incompétent», qui dégraderait la fonction présidentielle… On a aussi beaucoup reparlé de ses tweets.
Toujours l’économie… mais pas seulement
La grande peur de tous les candidats démocrates alignés sur la ligne de départ dans la course à la présidentielle est pourtant bien de se retrouver écrasés par les questions économiques.
On ne le sait que trop: les ménages regardent d’abord leur pouvoir d’achat. L’économie est devenue un épouvantail dans cette campagne, que tous les observateurs surveillent en sachant qu’il s’agit bien du point fort de Donald Trump, lui permettant potentiellement d’être réélu pour un second mandat. Même le Washington Post ou le New york Times s’y mettent avec les mêmes inquiétudes exprimées dans leurs pages sur le sort du camp démocrate.
Or, l’hôte de la Maison Blanche n’en a pas l’air aussi convaincu qu’eux. Déjà en 2018, avec des chiffres aussi bons qu’aujourd’hui, Trump a choisi de pousser l’immigration comme premier thème de campagne. Cela a beaucoup surpris. Et il recommence aujourd’hui. En fin politicien, il sait que Barack Obama n’a pas été élu en 2008 puis réélu en 2012 pour ses promesses puis ses résultats économiques. Le premier président noir a soufflé un vent d’espoir avec son slogan sur toutes les lèvres en 2008: «Yes we can». Rien à voir avec l’économie. George W. Bush a quant à lui été réélu grâce à l’élan patriotique suscité par les attentats du 11 septembre 2001. L’économie, là encore, n’a pas joué le moindre rôle.
Ainsi, le vote est une construction subtile, qui ne s’adosse pas à une thématique unique, fut-elle économique. C’est bien ce qu’on appelle de la politique et que les uns et les autres ont laissé de côté pendant ces deux dernières années, aveuglés par le trumpisme, l’anti-trumpisme, et l’économie.
Des électeurs qui attendent autre chose
Donald Trump semble à première vue bien placé pour gagner: il doit bien entendu parvenir à conserver jusqu’au bout le noyau dur de son électorat, qui se situe autour de 45%, pour espérer aller chercher des indécis et passer la barre qui lui permettra d’être devant dans chacun des États qu’il convoitera en 2020, selon les règles électorales américaines. N’importe quel observateur admettra que c’est là quelque chose qui est largement à sa portée.
Mais pas grâce à l’économie! Car, si on y songe un instant, ce n’est pas tant sur le terrain économique qu’il pourra faire la différence et gagner ces quelques points qui lui manquent: les résultats sont déjà là, et sa cote continue à invariablement stagner depuis de très long mois.
C’est donc bien que les électeurs qu’il lui faut séduire attendent autre chose. Tout le travail reste à faire, pour lui, comme pour les démocrates. Mais un constat semble d’ores et déjà s’imposer: ce n’est pas l’économie qui fera perdre ou gagner cette élection 2020.
Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines (Paris 2 Panthéon-Assas), Auteurs fondateurs The Conversation France
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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Il a donc joué cette carte plutôt osée et proposé à ses compatriotes de renouer avec le «rêve américain», du moins avec sa propre version de ce rêve, à travers des <em>punchlines</em> fracassantes:</p> <blockquote> <p><a href="https://www.24heures.ch/monde/caucus-iowa-ted-cruz-lemporte-cote-republicain/story/20519428">«Vous allez tellement gagner avec moi que vous en aurez marre de gagner.»</a></p> <p><a href="https://www.nouvelobs.com/topnews/20170111.AFP5128/trump-dit-qu-il-sera-le-plus-grand-createur-d-emplois-que-dieu-ait-cree.html">«Je serai le plus grand créateur d’emploi que Dieu ai jamais créé.»</a></p> </blockquote> <p>Cela faisait rire à l’époque. Donald Trump était moqué. Aujourd’hui, plus personne ne rit.<br /><br /></p> <h2>Croissance, délocalisations: des promesses à la réalité</h2> <p>Les marchés financiers ont, pour leur part, immédiatement salué l’élection de Donald Trump en novembre 2016 ou, plus exactement, <a href="https://www.lejdd.fr/Economie/Trump-elu-les-bourses-mondiales-s-effondrent-823195">ils ont manifesté leur soulagement après une forte période d’incertitude</a>. Comme cela se passe très souvent après une forte tension, le mouvement est parti très vite en sens inverse, et l’embellie économique s’est rapidement transformée en euphorie.</p> <p>C’est l’attitude de Donald Trump qui a entraîné cette vague plus que surprenante d’après-élection, en créant le mythe qui manquait lors sa campagne. Le 29 novembre 2016, alors que Trump n’avait pas encore officiellement pris ses fonctions, l’Amérique éberluée apprenait dans un de ses tweets que le nouveau Président avait déjà <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/trump-menace-de-consequences-les-entreprises-qui-quittent-les-etats-unis_1856261.html">sauvé 1400 emplois</a>: l’entreprise Carrier, qui fabrique des chaudières à Huntington, près d’Indianapolis, confirmait en effet qu’elle renonçait <a href="https://www.wsj.com/articles/carrier-corp-agrees-to-keep-about-1-000-jobs-at-indiana-plant-1480469875">à délocaliser sa production</a>.</p> <p>Dix jours plus tôt, Trump assurait déjà avoir convaincu Ford de renoncer à délocaliser au Mexique son usine de Louisville (Kentucky), après avoir multiplié les menaces contre le constructeur américain, promettant notamment de taxer les voitures à hauteur de 40% à l’entrée aux États-Unis <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/automobile/pourquoi-l-industrie-automobile-americaine-ne-doit-pas-craindre-donald-trump-615326.html">si Ford persistait à vouloir construire une usine de l’autre côté du Rio Grande</a>.</p> <hr /> <p style="text-align: center;"><em><strong> À lire aussi: <a href="http://theconversation.com/trois-cles-pour-comprendre-le-phenomene-trump-68118">Trois clés pour comprendre le phénomène Trump</a></strong></em></p> <hr /> <p>Ces deux événements ont permis au nouveau président de vanter son plan de patriotisme économique et d’insister sur la relocalisation attendue des entreprises, tout en dénonçant les accords de libre-échange, notamment celui en vigueur avec le Mexique.</p> <p>Le monde de la finance a considéré qu’il était en réalité un homme pragmatique et responsable. La dynamique boursière s’est alors orientée clairement à la hausse et les <a href="https://www.boursorama.com/bourse/actualites/effet-trump-quel-impact-sur-les-taux-et-la-bourse-30b76c16fe56936a5aac504749cfc94a">marchés lui ont donné leur confiance</a>. Ils se sont mis à croire, à leur tour, en un avenir où se conjugueraient reprise de la consommation et de la croissance avec le retour des emplois. Ses promesses de relance de l’investissement public et de diminution des impôts, ainsi que les annonces répétées concernant l’assouplissement de la régulation financière ont – semble-t-il – fini de convaincre les plus sceptiques. Au fil des mois, le <a href="https://www.la-croix.com/Economie/Monde/Wall-Street-dope-leffet-Trump-bilan-dObama-2017-01-26-1200820288">Dow Jones a battu des records absolus et continue à en battre aujourd’hui</a>.</p> <p>Le 3 décembre 2016, c’est une tempête de tweets <a href="https://twitter.com/realdonaldtrump/status/804884532671430658">qui s’est abattue sur l’Amérique</a> et Donald Trump a vigoureusement mis en garde les entreprises américaines contre toute délocalisation à l’étranger, visant plus particulièrement le <a href="https://www.rexnord.com/home">groupe Rexnord</a>, qui voulait déménager son usine d’Indianapolis et ses 300 employés.</p> <p>C’est bien à ce moment précis que la légende de Donald Trump s’est établie. L’opinion en a gardé l’impression que son intervention était magique et que son pouvoir de persuasion était illimité. «Il peut tout», «ça va changer», «ils ont peur de lui» sont quelques-unes des réactions qui ont été enregistrées et relayées par les journalistes dans leurs très nombreux reportages de l’époque.</p> <p>Dès lors, aux yeux de beaucoup, conformément à ses promesses, ce président allait pouvoir rapatrier emplois et capitaux aux États-Unis. Au bout de six mois de mandat, les Américains semblaient penser que Trump avait déjà réussi puisqu’ils étaient 69% à déclarer que le pays se portait bien et qu’ils avaient <a href="https://www.cbsnews.com/news/trumps-approval-ratings-remain-low-while-his-ratings-on-economy-rise/">confiance que cela allait continuer ainsi</a>. 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Mais, paradoxalement, la cote de popularité du président ne bougeait toujours pas.</p> <p>La grande réussite de Donald Trump a été indéniablement de pouvoir conduire une réforme fiscale en quelques mois à peine: en moins d’un an, il a ainsi pu imposer et faire voter ses propositions de baisses massives des impôts, tant pour les entreprises – dont le taux d’imposition a été ramené de 35 à 21% – que pour les ménages.</p> <p>Ces baisses d’impôts, décidées en un temps record dans le cadre de la plus grande réforme fiscale jamais menée aux États-Unis, ont fait extrêmement peur aux démocrates, car son impact politique pouvait se révéler destructeur: <a href="https://www.vox.com/policy-and-politics/2018/7/11/17560704/tax-cuts-rich-san-francisco-fed">«Les baisses concernant l’impôt sur le revenu bénéficient en priorité aux plus riches»</a>, ont alors claironné les opposants à Donald Trump. Et d’insister sur le fait que ce sont eux, les riches, qui payant le plus d’impôt seraient le plus impactés par la baisse annoncée.</p> <p>Trump a donc fait un pari fou, espérant ainsi doper la croissance au-delà des 3%. Adoptée formellement par le Congrès, le 19 décembre 2017, la réforme fiscale a été le « <a href="https://edition.cnn.com/videos/politics/2017/11/02/trump-tax-cuts-christmas-ip-sot.cnn">plus beau cadeau de Noël qui soit pour les Américains», selon la formule trouvée par le président des États-Unis lui-même</a>, transformée en maxime, tweetée et retweetée.<br /><br /></p> <h2>Des démocrates inaudibles</h2> <p>Il est vrai que cette réforme était particulièrement ambitieuse, prévoyant une baisse des impôts de <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/economie/etats-unis/201712/19/01-5147660-etats-unis-la-baisse-dimpots-adoptee-au-senat.php">quelque 1456 milliards de dollars</a>. Les démocrates se sont empressés de critiquer ce trou dans le budget, qui alourdit immanquablement la dette du pays et qu’il faut assumer sur la période 2018-2027. Mais qu’est-ce que la dette nationale pour un Américain moyen dans son quotidien? Les démocrates sont vite devenus inaudibles sur ce sujet.</p> <p>Des spécialistes de l’économie sont certes montés en première ligne pour expliquer qu’en raison des contraintes structurelles liées au vieillissement de la population, d’une main-d’œuvre de plus en plus réduite et d’une croissance de la production ralentie, il serait très difficile, voire impossible, d’atteindre l’objectif de 3%, ou encore des 4% de croissance du PIB évoqué par Donald Trump. En effet, les baisses d’impôts risquaient de provoquer, à très court terme, une hausse des taux d’intérêt et une relance de l’inflation, qui ralentiraient alors mécaniquement la croissance du pays.</p> <p>Les anti-Trump ont retenu que les baisses d’impôts risquaient de ne pas être si bonnes que cela pour l’économie. Et le Parti démocrate a persisté dans sa stratégie à combattre les réformes engagées par Donald Trump en jouant sur l’émotion, grandement aidé par des économistes de renom n’adhérant pas aux solutions préconisées par le 45<sup>e</sup> président. Ainsi, l’économiste et prix Nobel Paul Krugman avait signé une tribune dans le <em>New York Times</em> dès le 9 novembre 2016, dans laquelle il prédisait une récession à venir <a href="https://www.nytimes.com/interactive/projects/cp/opinion/election-night-2016/paul-krugman-the-economic-fallout">dans les prochains mois</a>, causée par Donald Trump et sa politique.<br /><br /></p> <h2>C’est toujours l’économie, idiot!</h2> <p>Ce faisant, ils ont tous joué un jeu dangereux car la liste des promesses tenues par Donald Trump n’a cessé de s’allonger et a mis dans l’embarras ses opposants les plus virulents. Et peu à peu, de plus en plus d’Américains se sont dit que Trump <a href="https://www.20minutes.fr/monde/1659691-20150730-donald-trump-troll-terrorise-republicains">n’était pas simplement un clown</a>, comme on le leur avait répété pendant des mois, mais qu’il développait un programme, d'<a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2013-2-page-105.htm">abord emprunté au <em>Tea Party</em></a>, <a href="https://baripedia.org/wiki/La_r%C3%A9action_conservatrice_aux_%C3%89tats-Unis_:_1980_-_2000,_vers_une_soci%C3%A9t%C3%A9_polaris%C3%A9e">avant d’être calqué sur celui des groupes conservateurs et des évangéliques</a>. Mois après mois, les chiffres n’ont cessé de s’améliorer, bluffant tous ses opposants.</p> <p>De fait, son plan à base de dérégulations, de baisses massives d’impôts et des charges et de réindustrialisation a fonctionné: plus de cinq millions d’emplois ont été créés dans les deux années qui ont suivi son élection, dont encore <a href="https://investir.lesechos.fr/marches/actualites/les-etats-unis-ont-cree-224-000-emplois-en-juin-plus-que-prevu-160-000-selon-bloomberg-le-taux-de-chomage-a-3-7-pas-de-poussee-des-salaires-3-1-sur-un-an-1860034.php">244'000 le mois dernier (alors que les analystes tablaient encore sur 160'000)</a>. Le chômage est tombé en dessous de 4%, soit le plein-emploi. Un tel résultat n’avait pas été enregistré depuis la fin des années 1960 aux États-Unis.</p> <p>Donald Trump a aussi, entre-temps, renégocié l’ALENA, le traité de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, pour le remplacer <a href="https://www.letemps.ch/economie/mexique-ratifie-nouveau-traite-libreechange-nordamericain">par l’USMCA</a>, un traité qui donne quelques avantages supplémentaires à son pays, certes limités, mais bien suffisants pour le faire apparaître comme un vainqueur.</p> <p>Les chiffres de la croissance sont dans le vert aujourd’hui. Le PIB augmente plus que les analystes ne le prévoyaient pour atteindre 3,5% en 2018, après une année précédente à 1,2%. Il faut donc croire que Trump a réussi à relever son défi. Au second semestre de 2018, l’embellie a été telle que la croissance avait même atteint 4,3% au second trimestre, faisant taire toutes les critiques sur les «maigres capacités» en matière économique de Trump.</p> <p>Les démocrates ont alors changé de sujet et se sont plus avantageusement repositionnés sur le terrain de la morale et des valeurs, qui leur a donné de nombreuses occasions de faire éclater leur courroux. Ils ont beaucoup reparlé du Trump «scandaleux», «brouillon», «incompétent», qui dégraderait la fonction présidentielle… On a aussi beaucoup reparlé de ses tweets.<br /><br /></p> <h2>Toujours l’économie… mais pas seulement</h2> <p>La grande peur de tous les candidats démocrates alignés sur la ligne de départ dans la course à la présidentielle est pourtant bien de se retrouver écrasés par les questions économiques.</p> <p>On ne le sait que trop: les ménages regardent d’abord leur pouvoir d’achat. L’économie est devenue un épouvantail dans cette campagne, que tous les observateurs surveillent en sachant qu’il s’agit bien du point fort de Donald Trump, lui permettant potentiellement d’être réélu pour un second mandat. Même le <em>Washington Post</em> ou le <em>New york Times</em> s’y mettent avec les mêmes inquiétudes exprimées dans leurs pages sur le sort du camp démocrate.</p> <p>Or, l’hôte de la Maison Blanche n’en a pas l’air aussi convaincu qu’eux. Déjà en 2018, avec des chiffres aussi bons qu’aujourd’hui, Trump a choisi de pousser l’immigration comme premier thème de campagne. Cela a beaucoup surpris. Et il recommence aujourd’hui. En fin politicien, il sait que Barack Obama n’a pas été élu en 2008 puis réélu en 2012 pour ses promesses puis ses résultats économiques. Le premier président noir a soufflé un vent d’espoir avec son slogan sur toutes les lèvres en 2008: «Yes we can». Rien à voir avec l’économie. George W. 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C’est bien ce qu’on appelle de la politique et que les uns et les autres ont laissé de côté pendant ces deux dernières années, aveuglés par le trumpisme, l’anti-trumpisme, et l’économie.<br /><br /></p> <h2>Des électeurs qui attendent autre chose</h2> <p>Donald Trump semble à première vue bien placé pour gagner: il doit bien entendu parvenir à conserver jusqu’au bout le noyau dur de son électorat, qui se situe autour de 45%, pour espérer aller chercher des indécis et passer la barre qui lui permettra d’être devant dans chacun des États qu’il convoitera en 2020, selon les règles électorales américaines. N’importe quel observateur admettra que c’est là quelque chose qui est largement à sa portée.</p> <p>Mais pas grâce à l’économie! Car, si on y songe un instant, ce n’est pas tant sur le terrain économique qu’il pourra faire la différence et gagner ces quelques points qui lui manquent: les résultats sont déjà là, et sa cote continue à invariablement stagner depuis de très long mois.</p> <p>C’est donc bien que les électeurs qu’il lui faut séduire attendent autre chose. Tout le travail reste à faire, pour lui, comme pour les démocrates. 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Il a donc joué cette carte plutôt osée et proposé à ses compatriotes de renouer avec le «rêve américain», du moins avec sa propre version de ce rêve, à travers des <em>punchlines</em> fracassantes:</p> <blockquote> <p><a href="https://www.24heures.ch/monde/caucus-iowa-ted-cruz-lemporte-cote-republicain/story/20519428">«Vous allez tellement gagner avec moi que vous en aurez marre de gagner.»</a></p> <p><a href="https://www.nouvelobs.com/topnews/20170111.AFP5128/trump-dit-qu-il-sera-le-plus-grand-createur-d-emplois-que-dieu-ait-cree.html">«Je serai le plus grand créateur d’emploi que Dieu ai jamais créé.»</a></p> </blockquote> <p>Cela faisait rire à l’époque. Donald Trump était moqué. Aujourd’hui, plus personne ne rit.<br /><br /></p> <h2>Croissance, délocalisations: des promesses à la réalité</h2> <p>Les marchés financiers ont, pour leur part, immédiatement salué l’élection de Donald Trump en novembre 2016 ou, plus exactement, <a href="https://www.lejdd.fr/Economie/Trump-elu-les-bourses-mondiales-s-effondrent-823195">ils ont manifesté leur soulagement après une forte période d’incertitude</a>. Comme cela se passe très souvent après une forte tension, le mouvement est parti très vite en sens inverse, et l’embellie économique s’est rapidement transformée en euphorie.</p> <p>C’est l’attitude de Donald Trump qui a entraîné cette vague plus que surprenante d’après-élection, en créant le mythe qui manquait lors sa campagne. Le 29 novembre 2016, alors que Trump n’avait pas encore officiellement pris ses fonctions, l’Amérique éberluée apprenait dans un de ses tweets que le nouveau Président avait déjà <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/trump-menace-de-consequences-les-entreprises-qui-quittent-les-etats-unis_1856261.html">sauvé 1400 emplois</a>: l’entreprise Carrier, qui fabrique des chaudières à Huntington, près d’Indianapolis, confirmait en effet qu’elle renonçait <a href="https://www.wsj.com/articles/carrier-corp-agrees-to-keep-about-1-000-jobs-at-indiana-plant-1480469875">à délocaliser sa production</a>.</p> <p>Dix jours plus tôt, Trump assurait déjà avoir convaincu Ford de renoncer à délocaliser au Mexique son usine de Louisville (Kentucky), après avoir multiplié les menaces contre le constructeur américain, promettant notamment de taxer les voitures à hauteur de 40% à l’entrée aux États-Unis <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/automobile/pourquoi-l-industrie-automobile-americaine-ne-doit-pas-craindre-donald-trump-615326.html">si Ford persistait à vouloir construire une usine de l’autre côté du Rio Grande</a>.</p> <hr /> <p style="text-align: center;"><em><strong> À lire aussi: <a href="http://theconversation.com/trois-cles-pour-comprendre-le-phenomene-trump-68118">Trois clés pour comprendre le phénomène Trump</a></strong></em></p> <hr /> <p>Ces deux événements ont permis au nouveau président de vanter son plan de patriotisme économique et d’insister sur la relocalisation attendue des entreprises, tout en dénonçant les accords de libre-échange, notamment celui en vigueur avec le Mexique.</p> <p>Le monde de la finance a considéré qu’il était en réalité un homme pragmatique et responsable. La dynamique boursière s’est alors orientée clairement à la hausse et les <a href="https://www.boursorama.com/bourse/actualites/effet-trump-quel-impact-sur-les-taux-et-la-bourse-30b76c16fe56936a5aac504749cfc94a">marchés lui ont donné leur confiance</a>. Ils se sont mis à croire, à leur tour, en un avenir où se conjugueraient reprise de la consommation et de la croissance avec le retour des emplois. Ses promesses de relance de l’investissement public et de diminution des impôts, ainsi que les annonces répétées concernant l’assouplissement de la régulation financière ont – semble-t-il – fini de convaincre les plus sceptiques. Au fil des mois, le <a href="https://www.la-croix.com/Economie/Monde/Wall-Street-dope-leffet-Trump-bilan-dObama-2017-01-26-1200820288">Dow Jones a battu des records absolus et continue à en battre aujourd’hui</a>.</p> <p>Le 3 décembre 2016, c’est une tempête de tweets <a href="https://twitter.com/realdonaldtrump/status/804884532671430658">qui s’est abattue sur l’Amérique</a> et Donald Trump a vigoureusement mis en garde les entreprises américaines contre toute délocalisation à l’étranger, visant plus particulièrement le <a href="https://www.rexnord.com/home">groupe Rexnord</a>, qui voulait déménager son usine d’Indianapolis et ses 300 employés.</p> <p>C’est bien à ce moment précis que la légende de Donald Trump s’est établie. L’opinion en a gardé l’impression que son intervention était magique et que son pouvoir de persuasion était illimité. «Il peut tout», «ça va changer», «ils ont peur de lui» sont quelques-unes des réactions qui ont été enregistrées et relayées par les journalistes dans leurs très nombreux reportages de l’époque.</p> <p>Dès lors, aux yeux de beaucoup, conformément à ses promesses, ce président allait pouvoir rapatrier emplois et capitaux aux États-Unis. Au bout de six mois de mandat, les Américains semblaient penser que Trump avait déjà réussi puisqu’ils étaient 69% à déclarer que le pays se portait bien et qu’ils avaient <a href="https://www.cbsnews.com/news/trumps-approval-ratings-remain-low-while-his-ratings-on-economy-rise/">confiance que cela allait continuer ainsi</a>. Pourtant, sa cote personnelle ne bougeait pas.<br /><br /></p> <h2>Une réforme fiscale menée au pas de charge</h2> <p>Au même moment, les entreprises annonçaient <a href="https://www.cnbc.com/2017/12/20/tax-reform-reaction-att-is-giving-bonuses-to-200000-employees.html">des bonus très généreux</a> vis-à-vis de leurs employés: parfois jusqu’à 1000 dollars par personne. Mais, paradoxalement, la cote de popularité du président ne bougeait toujours pas.</p> <p>La grande réussite de Donald Trump a été indéniablement de pouvoir conduire une réforme fiscale en quelques mois à peine: en moins d’un an, il a ainsi pu imposer et faire voter ses propositions de baisses massives des impôts, tant pour les entreprises – dont le taux d’imposition a été ramené de 35 à 21% – que pour les ménages.</p> <p>Ces baisses d’impôts, décidées en un temps record dans le cadre de la plus grande réforme fiscale jamais menée aux États-Unis, ont fait extrêmement peur aux démocrates, car son impact politique pouvait se révéler destructeur: <a href="https://www.vox.com/policy-and-politics/2018/7/11/17560704/tax-cuts-rich-san-francisco-fed">«Les baisses concernant l’impôt sur le revenu bénéficient en priorité aux plus riches»</a>, ont alors claironné les opposants à Donald Trump. 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Les démocrates se sont empressés de critiquer ce trou dans le budget, qui alourdit immanquablement la dette du pays et qu’il faut assumer sur la période 2018-2027. Mais qu’est-ce que la dette nationale pour un Américain moyen dans son quotidien? Les démocrates sont vite devenus inaudibles sur ce sujet.</p> <p>Des spécialistes de l’économie sont certes montés en première ligne pour expliquer qu’en raison des contraintes structurelles liées au vieillissement de la population, d’une main-d’œuvre de plus en plus réduite et d’une croissance de la production ralentie, il serait très difficile, voire impossible, d’atteindre l’objectif de 3%, ou encore des 4% de croissance du PIB évoqué par Donald Trump. En effet, les baisses d’impôts risquaient de provoquer, à très court terme, une hausse des taux d’intérêt et une relance de l’inflation, qui ralentiraient alors mécaniquement la croissance du pays.</p> <p>Les anti-Trump ont retenu que les baisses d’impôts risquaient de ne pas être si bonnes que cela pour l’économie. Et le Parti démocrate a persisté dans sa stratégie à combattre les réformes engagées par Donald Trump en jouant sur l’émotion, grandement aidé par des économistes de renom n’adhérant pas aux solutions préconisées par le 45<sup>e</sup> président. Ainsi, l’économiste et prix Nobel Paul Krugman avait signé une tribune dans le <em>New York Times</em> dès le 9 novembre 2016, dans laquelle il prédisait une récession à venir <a href="https://www.nytimes.com/interactive/projects/cp/opinion/election-night-2016/paul-krugman-the-economic-fallout">dans les prochains mois</a>, causée par Donald Trump et sa politique.<br /><br /></p> <h2>C’est toujours l’économie, idiot!</h2> <p>Ce faisant, ils ont tous joué un jeu dangereux car la liste des promesses tenues par Donald Trump n’a cessé de s’allonger et a mis dans l’embarras ses opposants les plus virulents. Et peu à peu, de plus en plus d’Américains se sont dit que Trump <a href="https://www.20minutes.fr/monde/1659691-20150730-donald-trump-troll-terrorise-republicains">n’était pas simplement un clown</a>, comme on le leur avait répété pendant des mois, mais qu’il développait un programme, d'<a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2013-2-page-105.htm">abord emprunté au <em>Tea Party</em></a>, <a href="https://baripedia.org/wiki/La_r%C3%A9action_conservatrice_aux_%C3%89tats-Unis_:_1980_-_2000,_vers_une_soci%C3%A9t%C3%A9_polaris%C3%A9e">avant d’être calqué sur celui des groupes conservateurs et des évangéliques</a>. 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Au second semestre de 2018, l’embellie a été telle que la croissance avait même atteint 4,3% au second trimestre, faisant taire toutes les critiques sur les «maigres capacités» en matière économique de Trump.</p> <p>Les démocrates ont alors changé de sujet et se sont plus avantageusement repositionnés sur le terrain de la morale et des valeurs, qui leur a donné de nombreuses occasions de faire éclater leur courroux. Ils ont beaucoup reparlé du Trump «scandaleux», «brouillon», «incompétent», qui dégraderait la fonction présidentielle… On a aussi beaucoup reparlé de ses tweets.<br /><br /></p> <h2>Toujours l’économie… mais pas seulement</h2> <p>La grande peur de tous les candidats démocrates alignés sur la ligne de départ dans la course à la présidentielle est pourtant bien de se retrouver écrasés par les questions économiques.</p> <p>On ne le sait que trop: les ménages regardent d’abord leur pouvoir d’achat. L’économie est devenue un épouvantail dans cette campagne, que tous les observateurs surveillent en sachant qu’il s’agit bien du point fort de Donald Trump, lui permettant potentiellement d’être réélu pour un second mandat. Même le <em>Washington Post</em> ou le <em>New york Times</em> s’y mettent avec les mêmes inquiétudes exprimées dans leurs pages sur le sort du camp démocrate.</p> <p>Or, l’hôte de la Maison Blanche n’en a pas l’air aussi convaincu qu’eux. Déjà en 2018, avec des chiffres aussi bons qu’aujourd’hui, Trump a choisi de pousser l’immigration comme premier thème de campagne. Cela a beaucoup surpris. Et il recommence aujourd’hui. En fin politicien, il sait que Barack Obama n’a pas été élu en 2008 puis réélu en 2012 pour ses promesses puis ses résultats économiques. Le premier président noir a soufflé un vent d’espoir avec son slogan sur toutes les lèvres en 2008: «Yes we can». Rien à voir avec l’économie. George W. Bush a quant à lui été réélu grâce à l’élan patriotique suscité par les attentats du 11 septembre 2001. L’économie, là encore, n’a pas joué le moindre rôle.</p> <figure><iframe frameborder="0" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/OiskE1Jsr6A?wmode=transparent&start=0" width="440"></iframe></figure> <p>Ainsi, le vote est une construction subtile, qui ne s’adosse pas à une thématique unique, fut-elle économique. C’est bien ce qu’on appelle de la politique et que les uns et les autres ont laissé de côté pendant ces deux dernières années, aveuglés par le trumpisme, l’anti-trumpisme, et l’économie.<br /><br /></p> <h2>Des électeurs qui attendent autre chose</h2> <p>Donald Trump semble à première vue bien placé pour gagner: il doit bien entendu parvenir à conserver jusqu’au bout le noyau dur de son électorat, qui se situe autour de 45%, pour espérer aller chercher des indécis et passer la barre qui lui permettra d’être devant dans chacun des États qu’il convoitera en 2020, selon les règles électorales américaines. N’importe quel observateur admettra que c’est là quelque chose qui est largement à sa portée.</p> <p>Mais pas grâce à l’économie! Car, si on y songe un instant, ce n’est pas tant sur le terrain économique qu’il pourra faire la différence et gagner ces quelques points qui lui manquent: les résultats sont déjà là, et sa cote continue à invariablement stagner depuis de très long mois.</p> <p>C’est donc bien que les électeurs qu’il lui faut séduire attendent autre chose. Tout le travail reste à faire, pour lui, comme pour les démocrates. Mais un constat semble d’ores et déjà s’imposer: ce n’est pas l’économie qui fera perdre ou gagner cette élection 2020.</p> <hr /> <p><img src="https://counter.theconversation.com/content/120262/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/jean-eric-branaa-247669">Jean-Éric Branaa</a>, Maître de conférences politique et société américaines (Paris 2 Panthéon-Assas), <em><a href="http://theconversation.com/institutions/auteurs-fondateurs-the-conversation-france-3785">Auteurs fondateurs The Conversation France</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="http://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. 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C’est lui qui est parti avec la première maîtresse qu’il s’est autorisée.</p> <p>Mais Pierre a changé.</p> <p>Nous nous sommes connus dans une manifestation contre le racisme alors que nous avions vingt-sept ans. Il était graphiste tandis que moi j’enseignais le français à des réfugiés dans un centre géré par l’Eglise protestante. Je l’avais déjà remarqué à d’autres occasions au fil des ans – Lausanne est une petite ville – notamment lors d’une soirée chez Jean-Luc, lequel a été mon amant lorsque j’avais vingt ans et que j’hésitais entre le trotskisme et l’écologie politique. Lorsque Jean-Luc, figure de proue des trotskistes locaux, m’avait quittée pour une camarade d’origine kurde plus valorisante pour lui, j’avais renoncé aux principes de la Quatrième Internationale et milité pour la sauvegarde de la planète, jusqu’à ma rencontre avec un zapatiste belge avec qui je suis partie au Mexique où j’ai attrapé une infection sexuellement transmissible. De retour en Suisse, j’ai soigné ma salpingite et terminé mes études de lettres. Entre deux amants de passage, je traversais de longues périodes d’abstinence sexuelle sans que cela me coûte. A la manif, j’ai trouvé Pierre très beau avec sa moustache et sa barbe de cinq jours. Et je l’ai trouvé irrésistible lorsqu’il a jeté une bouteille vide en direction des forces de l’ordre qui voulaient nous empêcher d’accéder à la salle où se déroulait une assemblée de l’UDC, ce parti d’extrême droite honni par nous. Pierre s’est fait réprimander par les camarades communistes qui assuraient le service d’ordre et il a fini par en venir aux mains avec eux. J’ai spontanément pris sa défense, nous nous sommes faits bousculer et avons quitté la manifestation, lui avec une arcade sourcilière fendue, moi avec un fort désir pour lui. Je l’ai emmené chez moi pour soigner sa blessure et nous avons fait l’amour toute la nuit. Deux semaines plus tard nous emménagions ensemble; nous ne nous sommes plus quittés.</p> <p>L’autre soir, alors que nous avions des invités à la maison, il m’a semblé reconnaître chez Pierre les signes d’une tension extrême. Depuis le temps, je le connais bien. Serge et Mireille, nos invités, l’ont eux aussi sentie, cette tension. Ce sont tout à la fois des amis et des clients. Des amis parce que comme nous ils sont de centre gauche, des clients car ils font appel à notre agence de communication pour promouvoir leur commerce. Après avoir été de grands voyageurs, Serge et Mireille vendent aujourd’hui des produits venus d’Asie, principalement d’Inde mais aussi de Birmanie et du Cambodge. Ils sélectionnent avec soins les artisans, privilégiant les structures coopératives respectueuses de l’environnement et du bien-être des populations locales. Nous gérons leur site internet et leur publicité, et tournons même pour eux des clips promotionnels. Pierre est devenu agressif avec Mireille lorsque celle-ci a déclaré que les néo-féministes exagéraient et que #MeToo décourageait toute tentative de séduction de la part des hommes. «Je n’ai pas peur de le dire, j’aime bien que l’on me tienne la porte et que les hommes me fassent sentir qu’ils me désirent…» Pierre lui a rétorqué que le patriarcat était une forme de fascisme et qu’en tant que progressiste nous devions tout faire pour l’abattre. J’ai essayé de dévier la conversation sur la nourriture bio mais très vite c’est l’écriture inclusive qui a fait s’échauffer les esprits. Serge, qui se pique d’aimer la littérature, a déclaré que le français était en danger, qu’il fallait le sauver des points médians et des réformes de l’orthographe. Pierre a rétorqué que pour rester vivantes les langues devaient changer, que les normes les étouffaient, que les règles orthographiques avaient été inventées pour empêcher les pauvres d’accéder aux études. «Etes-vous allés récemment au cinéma?» ai-je incidemment demandé à Mireille?</p> <p>Le lendemain, elle m’a appelée. «Avec Serge, on se demande si Pierre n’est pas en train devenir woke…» Mon sang s’est figé dans mes veines, une sourde angoisse est montée de mon estomac jusque dans ma gorge. «Non, non… Vous vous trompez… Vous avez bien vu, il continue de manger de la viande», ai-je rassuré Mireille. Mais le doute s’était instillé en moi, je me suis mise à mieux observer Pierre et, pour la première fois, j’ai fouillé dans ses poches et ses agendas, même dans son ordinateur. 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En jeu, rien de moins que les causes de la crise de la pollution plastique et les solutions appropriées pour y remédier.</p> <ul> <li> <p>D’un côté, la <a href="https://hactoendplasticpollution.org/fr/">Coalition de haute ambition</a> (HAC), les activistes du «zéro déchet» et de <a href="https://theconversation.com/traite-mondial-contre-la-pollution-plastique-en-coulisses-le-regard-des-scientifiques-francais-presents-234046">nombreux scientifiques</a> insistent sur la nécessité d’une <a href="https://hactoendplasticpollution.org/hac-member-states-ministerial-joint-statement-for-inc-5/">approche globale portant sur l’ensemble du cycle de vie des plastiques</a>, y compris leur production.</p> </li> <li> <p>De l’autre côté, une <a href="https://medium.com/points-of-order/spoiler-alert-f737a24292e6">petite minorité d’Etats</a> ainsi que l’industrie pétrochimique ont à de nombreuses reprises détourné l’attention de cette question de la production des plastiques. 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Il s’agit des travailleurs qui récupèrent, réutilisent ou revendent les plastiques, les textiles, l’aluminium et d’autres matériaux précieux issus des déchets.</p> <p>Dans le cadre du traité sur les plastiques, pour que ces travailleurs informels soient reconnus, que leurs conditions de travail puissent être améliorées et qu’ils puissent bénéficient d’une transition écologique plus équitable, les solutions politiques doivent aller au-delà des mécanismes économiques basés sur le seul marché et des stratégies axées sur le profit.</p> <p>Si ce n’est pas le cas, les efforts en faveur d’un recyclage plus inclusif et du développement de l’économie circulaire risquent de renforcer les injustices mêmes qu’ils prétendent combattre.</p> <h3>Qui sont les ramasseurs informels de déchets?</h3> <p>Les collecteurs de déchets – et les autres personnes travaillant avec eux dans un cadre informel et coopératif – effectuent une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344924001824#sec0021">grande partie du travail de recyclage à l’échelle mondiale</a>. Ils réduisent de manière significative la quantité de plastique qui se retrouve dans les océans.</p> <p>Malgré cela, et parce qu’ils font un travail salissant et vivent dans des endroits sales, ils sont souvent tenus pour responsables du problème de la pollution plastique. Dans les discours politiques des villes et des Etats, leur travail a longtemps été <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956247816657302">tourné en dérision, considéré comme non qualifié et inefficace</a>. <a href="https://www.undp.org/blog/unsung-heroes-four-things-policymakers-can-do-empower-informal-waste-workers">L’absence de reconnaissance officielle</a> de leur travail rend leurs revenus particulièrement instables et précaires. 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Il a été demandé que leurs contributions historiques à la réduction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu’un objectif explicite de transition juste soit intégré au traité sur les plastiques.</p> <h3>Avec l’économie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3> <p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe défendu par les groupes de travailleurs et les défenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition écologique protègent, améliorent et compensent équitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communautés affectés par l’environnement.</p> <p>Les ramasseurs de déchets ont utilisé ce terme pour réclamer que le traité comprenne des dispositions pour améliorer leurs conditions de travail et de sécurité. Mais également pour que le traité intègre davantage les travailleurs informels aux systèmes de gestion des déchets, et pour exiger que les systèmes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-elargie-du-producteur-67766">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP) soutiennent aussi les travailleurs du secteur des déchets, en particulier les <a href="https://www.wiego.org/gender-waste-project">femmes et d’autres groupes vulnérables</a>.</p> <p>Etonnamment, ces demandes ont obtenu le soutien d’un large éventail de parties prenantes puissantes. Par exemple la <a href="https://www.businessforplasticstreaty.org/vision-statement#Key-elements">Business Coalition for a Plastics Treaty</a>, les <a href="https://news.un.org/en/story/2024/10/1156301">dirigeants des Nations unies</a> et même <a href="https://resolutions.unep.org/resolutions/uploads/american_chemistry_council.pdf">l’industrie pétrochimique</a>.</p> <p>Certaines de ces demandes ont été intégrées aux projets de traité sur les plastiques discutés au cours des négociations, ce qui représente une victoire majeure pour les travailleurs du secteur informel des déchets.</p> <p>Un consensus se dégage sur le fait qu’une économie circulaire inclusive peut être bénéfique à la fois pour l’environnement, l’économie et les travailleurs en améliorant la gestion de la pollution, les moyens de subsistance et les opportunités de croissance économique pour les entreprises.</p> <p>Ces promesses demandent toutefois à être vérifiées sur le terrain. Et c’est là que les choses se compliquent.</p> <h3>« Gagnant-gagnant », mais la victoire de qui ?</h3> <p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j’examine comment les efforts de recyclage inclusif ont été mis en œuvre à Bengaluru, l’une des plus grandes villes de l’Inde.</p> <figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span></span></figcaption> </figure> <p>Dans cet ouvrage, je défends que l’intégration dans des programmes d’économie circulaire basés sur le marché n’est pas une solution miracle aux injustices ancrées dans les systèmes de production, de consommation et de production des déchets.</p> <p>La plupart des politiques d’économie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des mécanismes de marché, partant du principe que la création de marchés pour les déchets incitera les acteurs du marché à récupérer efficacement les déchets et à les convertir en ressources.</p> <p>Pour remplir leurs obligations en matière de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s’engager à acheter des plastiques recyclés et à financer la collecte des déchets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">crédits plastique</a>.</p> <p>Cette approche vise à améliorer le prix des déchets, à augmenter les salaires et à encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l’amélioration des infrastructures et des technologies.</p> <p>Cependant, les mécanismes fondés sur le marché aggravent les inégalités existantes en matière d’accès au marché. 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Souvent issus de milieux éduqués et privilégiés, les employés de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p> <p>A l’inverse, les femmes et les membres des minorités ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorité des travailleurs des économies informelles des déchets, sont confrontés à des obstacles supplémentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancrés</a> qui limitent leur capacité à participer sur un pied d’égalité à ces marchés émergents. 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Une étude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l’économie circulaire restent ad-hoc et informels et ne bénéficient pas des garanties d’un emploi décent.</p> <p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confrontés à un choix difficile: soit ils acceptent d’être exploités au sein des circuits de traitements des déchets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre complètement leurs moyens de subsistance.</p> <p>Les systèmes actuels de production et de consommation du plastique déplacent donc la charge des déchets sur des communautés autochtones ou ethniques marginalisées, créant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifiées</a>. Ce déplacement permet de maintenir la rentabilité, tout en perpétuant les atteintes à l’environnement et les inégalités sociales.</p> <p>En promouvant des technologies de <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57087908">recyclage chimique</a> non éprouvées et en étendant les marchés du plastique, les entreprises <a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">pétrochimiques</a> et de matières plastiques <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/21/2/121/97367/Future-Proofing-Capitalism-The-Paradox-of-the">s’approprient le langage de l’économie circulaire</a>. Cela leur permet de donner un vernis écologique à leurs propositions, tout en maintenant le <em>statu quo</em> sur les inégalités.</p> <p>Pendant ce temps, la HAC, plusieurs ONG et même certains ramasseurs de déchets invoquent également l’économie circulaire comme solution à la crise du plastique, en mettant l’accent sur le réemploi et le recyclage inclusif.</p> <h3>Demander des comptes aux pollueurs plutôt que compter sur l’efficacité du marché</h3> <p>Pour que l’économie circulaire aille au-delà de la simple protection du capitalisme fossile, elle doit prendre en compte les collecteurs de déchets et recycleurs informels dans le Sud et reconnaître les limites des mécanismes basés sur le marché. C’est vrai aussi bien pour le traité international sur la pollution plastique que pour d’autres démarches régionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire</a>.</p> <p>En effet, toute stratégie de lutte contre la pollution plastique basée sur le marché et axée sur le profit est susceptible de reproduire ces schémas d’inégalité. Et par la même occasion, de pérenniser les injustices systémiques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunité de croissance économique ou de profit.</p> <p>Au contraire, nous avons besoin d’une approche centrée sur la réparation. Il faut d’abord, pour cela, reconnaître les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les préjudices qu’ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touchées et créer des systèmes qui donnent la priorité à la restauration de l’environnement et à la justice sociale plutôt qu’au profit des entreprises.</p> <p>Une économie circulaire bien financée devrait d’abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis améliorer les capacités des infrastructures et réduire la concentration de ces déchets en produits chimiques toxiques, plutôt que de s’appuyer sur des solutions basées sur le marché qui aggravent les inégalités.</p> <p>Les vraies solutions consistent à demander des comptes aux pollueurs et à adopter des approches circulaires fondées sur la sobriété et la réparation, et non sur l’efficacité du marché.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique-244065">article original</a>.</h4> </div>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 42, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5283, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les Etats-Unis financent un collectif international de journalistes', 'subtitle' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'subtitle_edition' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'content' => '<p style="text-align: center;"><strong>Urs P. 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Parmi eux, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Panama_Papers"><em>The Panama Papers</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Pandora_Papers"><em>Pandora Papers</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Suisse_Secrets"><em>Suisse Secrets</em></a><em>, </em><a href="https://www.occrp.org/en/project/narcofiles-the-new-criminal-order"><em>Narco Files</em></a><em>, </em><a href="https://www.occrp.org/en/project/the-pegasus-project/about-the-project"><em>Pegasus Project</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Cyprus_Confidential"><em>Cyprus Confidential </em></a>et la série <a href="https://de.wikipedia.org/wiki/Die_Geldw%C3%A4scherei"><em>Laundromat</em></a>, qui a révélé les systèmes de blanchiment d'argent des élites dirigeantes en Azerbaïdjan et en Russie.</p> <h3><strong>Non sans conditions</strong></h3> <p>Les agences gouvernementales américaines ne financent pas l'OCCRP sans contrepartie: l'<a href="https://www.usaid.gov/"> U.S. Agency for International Development</a> dispose d'un droit de veto sur la nomination des dirigeants de l'OCCRP. De plus, l'agence gouvernementale américaine interdit d'utiliser son argent pour mettre au jour la corruption aux Etats-Unis.</p> <p>Certaines subventions étaient même affectées à un but précis: le Department of State, par exemple, a versé 173 000 dollars à l'OCCRP pour «détecter et combattre la corruption au Venezuela». Ou l'<a href="https://www.usaid.gov/">Agence pour le développement international (USAID)</a> a versé plus de deux millions de dollars dans le but de «mettre au jour la criminalité et la corruption à Malte et à Chypre».</p> <p>Le journal en ligne français indépendant <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">« Mediapart »</a> en a parlé le 2 décembre 2024 <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">.</a></p> <p>Le fondateur de l'OCCRP est un ancien employé <a href="https://www.rockwellautomation.com/de-ch.html">de Rockwell</a> devenu journaliste: <a href="https://www.occrp.org/en/staff/drew-sullivan">Drew Sullivan</a>. L'OCCRP a été créé à l'instigation de fonctionnaires du gouvernement américain. Selon Mediapart, Sullivan a reçu pour cela, en 2008, un financement de départ de 1,7 million de dollars du <a href="https://www.state.gov/bureaus-offices/under-secretary-for-civilian-security-democracy-and-human-rights/bureau-of-international-narcotics-and-law-enforcement-affairs/">Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs</a>(INL). Il s'agit d'une agence d'application de la loi du Département d'Etat américain.</p> <p>L'OCCRP s'appuie souvent sur des documents divulgués provenant de sources non identifiées. La qualité des recherches et des révélations de l'OCCRP n'est pas mise en doute. L'orientation unilatérale des recherches et le manque de transparence des informations sur le financement donnent lieu à des critiques.</p> <p>L'ampleur des liens personnels et financiers de l'OCCRP avec le gouvernement américain va à l'encontre de «tous les principes de l'éthique journalistique». C'est ce qu'a déclaré Leonard Novy, directeur de l'Institut allemand des médias et de la politique de communication, à la chaîne NDR. Cela laisse supposer que les journalistes peuvent être utilisés ou instrumentalisés à des fins politiques.</p> <p>Sullivan et l'OCCRP ont également laissé les médias partenaires et leurs lecteurs dans l'ignorance de leur proximité avec le gouvernement américain. Selon Leonard Novy, l'organisation a ainsi dépassé les limites.</p> <h3><strong>Sullivan n'a pas voulu parler clairement aujourd'hui encore</strong></h3> <p>Sullivan a d'abord affirmé à la chaîne NDR que l'OCCRP avait «un groupe de donateurs largement répandu», parmi lesquels «aucun donateur individuel ne domine». Il a ajouté que «le gouvernement américain [...] est l'un des plus grands donateurs, mais ce n'est pas un pourcentage énorme». Confronté aux dernières découvertes, il a finalement reconnu l'importance du financement de Washington: «C'est le plus grand bailleur de fonds de l'OCCRP, oui, et ce depuis presque le début de notre histoire. [...] Je suis très reconnaissant au gouvernement américain.»</p> <p>Par écrit, Sullivan a renchéri: «Nous avons dû décider si nous voulions accepter de l'argent du gouvernement ou ne pas exister.» Sur le site web de l'OCCRP, les montants des sponsors ne sont pas indiqués.</p> <h3><strong>Conditions posées</strong></h3> <p>Sullivan a confirmé à la NDR le pouvoir d'influence des autorités américaines: «Dans le cadre d'accords de coopération que nous n'aimons pas conclure, ils ont un droit de regard sur le choix des personnes [...] Ils peuvent mettre leur veto sur quelqu'un [...] Ils n'ont jamais mis leur veto sur quelqu'un.»</p> <p>L'OCCRP ne peut pas enquêter sur des affaires américaines avec l'argent fourni par Washington. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Sullivan à la NDR. «Je pense que le gouvernement américain ne le permet pas. Mais même dans d'autres pays où ces dispositions n'existent pas, nous ne le faisons pas parce que cela vous place dans une situation de conflit d'intérêts et que vous préférez rester à l'écart de telles situations.»</p> <p>Ainsi, le paradis fiscal américain du Delaware n'a jamais fait l'objet de toutes les recherches sur l'évasion fiscale et l'argent de la corruption.</p> <p>L'OCCRP a tout de même effectué des recherches isolées aux Etats-Unis: par exemple sur les <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/meet-the-florida-duo-helping-giuliani-investigate-for-trump-in-ukraine">hommes d'affaires</a> qui avaient soutenu l'avocat de Donald Trump pour nuire à Joe Biden, ou sur la manière dont le Pentagone a dépensé des sommes énormes pour <a href="https://www.occrp.org/en/project/making-a-killing/revealed-the-pentagon-is-spending-up-to-22-billion-on-soviet-style-arms-for-syrian-rebels">fournir des armes</a> à des groupes rebelles en Syrie, ou encore sur un <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/flight-of-the-monarch-us-govt-contracted-airline-once-owned-by-criminals-with-ties-to-russian-mob">contrat</a> entre le gouvernement américain et une compagnie aérienne dont les propriétaires sont liés au crime organisé en Russie.</p> <p>Ces recherches ont manifestement respecté une autre condition imposée par les autorités américaines à l'OCCRP: l'activité doit être «en accord avec la politique étrangère et les intérêts économiques des Etats-Unis et les promouvoir.» (<a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/COMPS-1071/pdf/COMPS-1071.pdf">US Foreign Assistance Act</a>).</p> <h3><strong>Voici comment la «NZZ» et Tamedia ont présenté la source OCCRP</strong></h3> <p><strong>«NZZ» du 19 juillet 2023</strong></p> <p>«L'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) est un réseau d'organisations journalistiques fondé en 2006, basé dans de nombreux pays différents et fonctionnant sous cette forme en tant que filiale du Journalism Development Network à but non lucratif, dont le siège est dans le Maryland.»</p> <p><strong>«Tages-Anzeiger» du 21 juin 2023</strong></p> <p>«Grâce à l'organisation OCCRP, des journalistes femmes de plusieurs pays ont pu étudier ces données, dont <em>Der Standard</em> en Autriche et <em>Der Spiegel</em> en Allemagne. Pour la Suisse, le bureau de recherche de Tamedia et Paper Trail Media était de la partie.»</p> <h3><strong>Informations complémentaires</strong></h3> <p><strong>22 décembre 2022</strong> <a href="https://www.infosperber.ch/politik/welt/twitter-diente-jahrelang-als-gehilfe-des-pentagons/">Twitter a servi pendant des années d'auxiliaire au Pentagone</a>. Elon Musk a partiellement révélé les outils internes de Twitter. Ils prouvent des services d'hommes de main pour la propagande de l'armée américaine à l'étranger.</p> <p><strong>12 février 2009</strong> <a href="https://www.tagesanzeiger.ch/27-000-pr-berater-polieren-image-der-usa-631302390683">27 000 conseillers en relations publiques polissent l'image des Etats-Unis</a>. Des faits presque incroyables sur le travail de relations publiques du Pentagone.</p> <p><strong>20 avril 2008</strong> <a href="https://www.spiegel.de/kultur/gesellschaft/gekaufte-meinung-pentagon-beschaeftigt-pr-armee-fuer-us-tv-a-548519.html">Le Pentagone emploie une armée de RP pour la télévision américaine</a>. 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