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Actuel / Le Tibet en plein boom... chinois

Bon pour la tête

5 octobre 2017

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Un groupe de Vaudois et Valaisans rentre d'un voyage de trois semaines en Chine et au Tibet – dont l'accès touristique vient d'ailleurs d'être à nouveau provisoirement fermé. Récit d'un des voyageurs, Jean-Pierre Pilet. Impressionné par le fort développement de la haute province. Et par la religiosité extrême de ses habitants.



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L’avion se pose entre une rangée interminable d’hélicoptères de combat d’un côté et de jets militaires de l’autre, pas vraiment accueillant.

Notre guide l’était. «Doucement, pas de stress, on a le temps…» Effectivement les 3600 mètres, ça essouffle, surtout pour la vingtaine de Vaudois et Valaisans de notre groupe, tout fiers de leurs «petites» montagnes.

L’aéroport se trouve dans la vallée de l’immense Brahmapoutre qui se prélasse d’un côté de la large vallée à l’autre comme le Rhône devait le faire avant qu’il soit endigué. L’efficacité chinoise nous rejoint par un pont de plusieurs kilomètres qui travers la vallée et l’on passe dans la vallée de Lhassa par un long tunnel tout récent. Ensuite une autoroute en construction, une douane où nous devons remettre passeport et permis d’entrée au Tibet. Tous les panneaux sont en tibétain et chinois, parfois en anglais.


Puis la ville chinoise moderne et ses blocs de cinq étages, le Potala qui trône sur sa colline et enfin la ville Tibétaine typique avec ses immeubles moins élevés, décorés de vives peintures et la file des pèlerins qui tournent dans le sens des aiguilles d’une montre autour du temple sacré.


Des fruits pour Bouddha

Une population si différente des Chinois, hommes au visage très brun et buriné, chapeau rond et petites tresses. Les femmes avec de longues jupes marron, un tablier, et un gilet de couleur. Ils ressemblent étrangement aux habitants des Andes. Leur religiosité est impressionnante. Les pèlerins ont tous un chapelet ou un moulin à prières à la main. Ils s’agenouillent et se couchent devant les temples remplis de Bouddhas et leur distribuent des fruits et des billets de banque. On pourrait les comparer avec les chrétiens du moyen âge devant leurs reliques.

Le guide nous parle des coutumes mortuaires au Tibet. Seuls les malfaiteurs sont enterrés, c’est la pire punition, ils ne pourront pas se réincarner. Pour tous les autres, deux méthodes dont nous avons vu les sites de loin. Dans la région de Lhassa, on dépose les corps sur une montagne qui surplombe un temple. Un «boucher» dépèce les corps pour offrir les morceaux aux vautours qui sont sacrés et aident à la réincarnation, même les os sont broyés pour que ceux-ci puissent les manger. On les a vus de loin, rassemblant leurs vols. Autre région, autre méthode. Le long du fleuve, une espèce d’hôtel recouvert de bandes de tissus avec des inscriptions de prières. Encore une fois on dépèce le corps, on broie les os et on confie le tout au fleuve pour que les poissons mangent le tout…

Salaires triplés


Peu de Chinois dans les rues, on les repère facilement, la plupart sont des touristes. Après les émeutes de 1985 contre l’administration chinoise, le gouvernement a changé ses méthodes et nommé un maximum de fonctionnaires tibétains. Il a également triplé leur salaire. Tibétains et Chinois se regardent en chien de faïence. Ces derniers mettent le paquet pour développer et intégrer le Tibet, seule région de Chine où toutes les écoles sont gratuites, y compris le logement, la nourriture et les livres. L’enseignement est obligatoire jusqu’à quinze ans. Les meilleurs élèves accèdent sans frais à l’université dans les meilleures académies de Chine. Le réseau routier est développé à grande vitesse. Non seulement l’Etat mais toutes les provinces chinoises doivent participer au développement de cette haute province dont le niveau de vie semble s’élever. Les temples et tous les édifices historiques sont entretenus et restaurés au frais de l’Etat, cela il est vrai après les lourdes destructions commises par les gardes rouges.

L’histoire de l’arrivée des Chinois, selon la version du guide originaire de Canton, est intéressante et a été manifestement déformée par la propagande américaine. Les deux peuples ont toujours été historiquement étroitement liés. Le dalaï-lama épousant une princesse chinoise, etc. La dernière dynastie mongole était très proche du Tibet et pratiquait le même bouddhisme.

© British Photography in Central Tibet 1920-1950


Jusqu’aux années 50, cette province vivait dans un système féodal, les terres appartenaient aux monastères et les paysans devaient nourrir la population des moines qui représentaient près d’un tiers de la population. L’actuel dalaï-lama s’est même fait construire un palais luxueux aux frais du gouvernement chinois qui voulait se le concilier. Les premières violentes manifestations contre les Chinois, à cette époque, ont été provoquées par la réforme agraire initiée par les autorités de Pékin. Ainsi les paysans tibétains auraient protesté contre la redistribution des terres, par parcelles individuelles, appartenant aux monastères. Si cela n’a pas été téléguidé par les autorités religieuses, c’est à n’y plus rien comprendre.

Succession et réincarnation

Le Tibet était divisé en deux entités. Le Haut Tibet, plus pauvre, avec pour capitale Gyantse couvrait toute la zone frontalière du Népal au Cachemire et une partie des provinces chinoise du Yunnan et du Sichuan, dirigé par le panchen-lama. Le Bas Tibet, plus riche, couvrait le nord et la province chinoise du Qinghai avec Lhassa pour capitale et le dalaï-lama pour dirigeant. Le dalaï-lama aurait voulu diriger les deux provinces et le panchen-lama a donc appelé les Chinois à la rescousse. Ceux-ci ne se sont pas fait prier…. Problème, le 14e dalaï-lama a 83 ans, il habite en Inde, y mourra vraisemblablement où il devrait être réincarné. Quant au panchen-lama, il se trouve en Chine. Et il est considéré par beaucoup comme une marionnette du pouvoir. La succession s’annonce compliquée. Qui sera réincarné? Qui régnera? Qui sera reconnu par les communautés tibétaines? Personne n’en sait rien.

© Google maps

La superficie du Tibet correspond plus ou moins à 3 fois la France avec 7'200'000 habitants pour le Tibet historique où 2'600'000 pour la région autonome. La Chine avec 1'382'000'000 d’habitants a désespérément besoin d’espace.

Des vieux et des enfants

Il est clair que les Chinois ne quitteront pas le Tibet. Ils misent sur l’éducation à leur manière, les villageois quittent en masse leur village pour les villes et seuls y restent les vieux et les petits enfants. Dès lors il est probable que la religiosité exacerbée qui lie le Tibet se désagrègera après une ou deux générations. Peut-être que la langue et l’écriture tibétaines proches du sanscrit et très différentes du chinois survivront.

Le train qui nous ramène en Chine se traîne le long d’immenses plateaux couverts d’herbe rase et de marais, au loin des sommets enneigés. Les yacks parsèment le paysage.


Cette ligne qui monte à 5200 mètres d’altitude a juste dix ans. Les wagons un peu délabrés aux toilettes puantes sont équipés de buses qui crachotent de l’oxygène. Un peu déçus, les touristes ne remarquent même pas le passage du col. On s’arrête fréquemment pour laisser passer des convois de marchandises et de camions militaires. Le lendemain, toute la journée on roule le long de grands lacs et des interminables plateaux de loess, une roche qui ressemble à la molasse et donne sa couleur au fleuve jaune. Puis ce sont des vallées fertiles et encaissées qui nous conduisent, après 34 heures de voyage jusqu’à Xian, ancienne capitale de la Chine impériale.

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