Actuel / Le Grand Ralentissement
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Nos voisins français ont beaucoup parlé du «grand remplacement» de la population par l’afflux des migrants. Vrai ou faux? A eux d’en juger. Mais ils feraient bien de s’interroger aussi sur «le grand ralentissement». Et pas eux seulement, en Allemagne, en Suisse, on assiste aussi à une tendance profonde: ralentir notre vie quotidienne, si possible travailler moins, s’enfoncer dans notre cocon, fuir le bruit.
Nombre de villes y pensent: limiter la vitesse du trafic la journée à 30 km/h. Non pas pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, ce qui ne se produit pas, mais pour rendre les rues moins bruyantes. Alors que les véhicules modernes ne cessent de diminuer leurs émanations sonores. Lausanne est résolue à imposer cette restriction de jour comme de nuit «dès que ce sera légalement possible». La cité vaudoise ne se distingue pourtant pas par son vacarme. Mais on l’y craint comme la peste. Indice de cette obsession pour rire (jaune): si vous invitez une cinquantaine d’amis ou de clients à un cocktail dans les salons d’un palace lausannois, si vous prévoyez la présence de deux musiciens, la police de commerce doit donner son feu vert, impose une limite aux décibels… et vous envoie une facture de 60 francs pour la lettre comminatoire.
A Berlin – huit fois la superficie de Paris – où les artères sont longues et larges, souvent boisées, le Sénat du Land, à majorité rose-verte, pense aussi au 30 km/h généralisé. S’il tarde, c’est parce que là, c’est la machine politique qui a singulièrement ralenti… Son élection, en septembre 2021, a été chaotique. Les bulletins qui portaient sur plusieurs objets étaient si longs à remplir que nombre d’électeurs, après d’interminables queues, n’ont pas pu voter. Une première historique: les Berlinois devront tout recommencer, retourner aux urnes en février prochain, sur injonction du Tribunal constitutionnel du fait de la pagaille.
Plus généralement, beaucoup constatent, comme le journal Die Welt, que tout dans la ville est ralenti. Pas seulement les bagnoles, déjà soumises à maintes tracasseries. Le commerce se languit, les lieux de loisirs et de culture ne retrouvent pas l’élan d’avant la pandémie, nombre de bars et de restaurants ferment définitivement. La capitale allemande, hier bouillonnante, paraît en voie de s’assoupir. Et pas elle seulement. Un exemple parmi tant d’autres: des touristes ont eu la surprise, en Forêt noire, de constater que l’hôtel chic où ils logeaient pour profiter des bains ne nourrit ses hôtes que quatre jours par semaine, avec dernière commande à 19h30. Faute de personnel. Les employés ont préféré réduire leur temps de travail… ou donner leur congé.
En France, la flemme s’installe. Notre confrère Richard Werly, de Blick, a pris connaissance des travaux de Jérôme Fourquet et de la Fondation Jean Jaurès. Il en sort effaré. «Beaucoup a été dit et écrit quant à l’apathie dans laquelle se lovait la société française depuis la crise sanitaire, écrivent les auteurs. Cette apathie, qui prend parfois la forme d’un ramollissement généralisé chez les individus, touche à la fois la sphère privée et la sphère collective et démocratique.» De citer encore l’enquête: «L’appel du canapé semble très puissant». Signe des temps, Le Petit Robert a annoncé que le terme chiller (de l’anglais to chill: prendre du bon temps à ne rien faire) fera son apparition dans son édition 2023.
Certes une grande part de la population voisine travaille encore dur, et se plaint d’ailleurs de surcharge. Par ailleurs une frange non négligeable de la société s’appauvrit de jour en jour. A preuve les queues devant les lieux de distribution caritative de repas. La statistique fait apparaître près de deux millions de personnes dans une «extrême pauvreté». Richard Werly estime que celles-ci, à bout de ressources bien avant la fin du mois, perdent toute envie, toute «niaque», et se replient chez elles. «Canapé et pauvreté», les deux maux de la France, conclut cet observateur averti.
Le phénomène du repli sur sa sphère privée, de l’aspiration à travailler moins, à sortir moins, à voyager moins, n’est pas aussi manifeste en Suisse, mais pas absent pour autant. La croisade contre le bruit est un signe parmi d’autres d’un nouvel état d’esprit, du changement des attentes. Il n’y a pas de jugement moral à porter. Mais il faut bien voir que cette tendance à lever le pied – dans tous les sens du terme! – ne restera pas sans conséquences sur notre situation économique. Car au-delà de l’Europe, on est loin, très loin du ralentissement. Les pans émergents du globe, en Asie surtout, accélèrent au contraire le pas. L’énergie de ces peuples combattifs n’a pas fini de bousculer le vieux monde. Cette différence d’attitudes se note aussi au sein de l’Europe. A l’est, en Pologne par exemple, personne ne songe à ralentir le trafic et le rythme du travail. En Espagne non plus. En raison de la précarité des salaires bien sûr mais aussi parce que ces pays se considèrent en phase de rattrapage par rapport à d’autres. Ils ont ce qu’on pourrait appeler «la pêche».
Les chantres roses-verts prétendent au caractère social de leur politique. Or ils endorment la société. A coups de milliards pour ce qu’ils appellent la «transition» et les fonctionnaires chargés de veiller au programme. Ce qui ne dérange pas les plus aisés mais finira par mettre les plus modestes sur la paille. Ils n’ont qu’un mot à la bouche: l’avenir. Lequel? De la planète? Ce serait à voir de plus près… Les solutions concrètes seront plus utiles que la valse des interdictions. Le nôtre? Celui des humains? Ils le croient confit dans la prospérité. Ils conjuguent en fait leur discours au présent. L’avenir de nos vies se nourrira plutôt de l’audace, de l’esprit d’entreprise, du travail, de tous les élans. Avec aussi des rencontres chaudes, des moments de fête, parfois bruyante et tant mieux. Il se fera dans la croissance réfléchie et non la décroissance suicidaire. S’alanguir sur le canapé en se regardant le nombril, fenêtres fermées pour échapper à la rumeur de la ville, en attendant le lit d’hôpital et le cercueil, ce n’est pas la sagesse, c’est préparer le déclin d’une civilisation.
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Si une telle décision est confirmée, on imagine la turbulence chez les sympathisant de Georgescu…</span></p> <p><span>Si au contraire celui-ci est élu, qu’arrivera-t-il? On peut le prédire en regardant ses vidéos (sous-titrées en français). Au sein de l’UE, il se joindra à Orbán (Hongrie) et Fico (Slovaquie) pour contrebalancer l’engagement de Mme von der Leyen et les autres pour l’appui à l’Ukraine. Versant OTAN, il donnera aussi de la voix. Car nombre de Roumains, même à l’opposé de ses opinions politiques, s’inquiètent de voir l’alliance atlantique renforcer sa base de Constanța, sur la mer Noire, plus grande encore que celle de Ramstein en Allemagne. Ils n’apprécient guère non plus la présence de 1'000 soldats français (il en est promis 5'000) sur leur territoire. Ces soutiens militaires sont vus davantage comme un danger qu’une garantie de tranquillité. </span></p> <p><span>Côté budget, ce serait le grand chambardement. Georgescu tempête contre les 6,5 milliards tout récemment votés pour l’achat de 35 avions F-35 alors que la part de l’éducation dans le budget (3,3%) est inférieure à la moyenne européenne et même à certains pays d’Afrique. Il promet de développer enfin la santé publique, très défaillante. Sans argent pour le privé, il est difficile de se soigner, les Roumains le savent trop bien. Il se tournera aussi, vu sa formation, vers la petite paysannerie qui souffre comme ailleurs. Plus que les grandes entreprises agricoles, largement aux mains de sociétés étrangères. </span></p> <p><span>Georgescu, qui a beaucoup fréquenté l’ONU et d’autres institutions internationales, qui connaît les rouages de son Etat, ne cassera pas la baraque. 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C'est une évolution pour laquelle il n'y pas lieu d'avoir une position morale en fustigeant tout un peuple qui se languirait sur son canapé... Je connais tout un monde qui se donne pour la garde des enfants, qui offre du temps aux aînés, qui s'adonne à la lecture et qui ne veut travailler au maximum qu'à 80% pour, en étant sobre dans sa consommation, vivre mieux ses intérêts et ses contacts sociaux. Interpréter le 30 km/h en ville comme une régression c'est faire preuve d'une idéologie des 30 glorieuses: croissance économique à tout prix. Mais c'est fini. Nous devons collectivement ralentir ou périr. Je vous renvoie à l'excellent ouvrage de Timothée Parrique. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
8 Commentaires
@Qovadis 09.12.2022 | 02h16
«Merci M. Pilet. Très bien observé. A Lausanne, il n’y a pas que les voitures qui ralentissent, mais aussi le chantier de rénovation de la gare. La faute aux études complémentaires sur la statique de l’ouvrage. »
@Apitoyou 09.12.2022 | 08h20
«Je croyais que le J.Pilet d’aujourd’hui avait tourné la page de celui de l’hebdo. Hé bien non. Progressif en étant réactionnaire est toujours sa formule.»
@Latombe 09.12.2022 | 10h22
«Bon cette fois J. Pilet tombe dans le piège du "C'était mieux avant". L'évolution vers un ralentissement qui s'observe en France ou autour de nous va dans le sens de la prise ne compte de notre mode de vie qui va dans le mur. C'est une évolution pour laquelle il n'y pas lieu d'avoir une position morale en fustigeant tout un peuple qui se languirait sur son canapé...
Je connais tout un monde qui se donne pour la garde des enfants, qui offre du temps aux aînés, qui s'adonne à la lecture et qui ne veut travailler au maximum qu'à 80% pour, en étant sobre dans sa consommation, vivre mieux ses intérêts et ses contacts sociaux. Interpréter le 30 km/h en ville comme une régression c'est faire preuve d'une idéologie des 30 glorieuses: croissance économique à tout prix.
Mais c'est fini. Nous devons collectivement ralentir ou périr. Je vous renvoie à l'excellent ouvrage de Timothée Parrique. Allez Jacques secouez-vous!»
@Philemon 09.12.2022 | 11h23
«Je fais partie des personnes qui vont de moins en moins au restaurant, dans les magasins, non pas pour rester sur mon canapé, mais parce que je ne supporte plus le bruit (car en tant que musicien amateur j'ai de la peine à appeler cela de la musique!) qui y est diffusé. Le silence est aujourd'hui un produit de luxe. Les apathiques qui vivent sur un canapé ont certainement un smartphone dans leur mains et des écouteurs dans leurs oreilles. Peut-être que réapprendre le silence nous redonnerait de la "niaque"?»
@Roger R. 09.12.2022 | 13h31
«Prendre le thème du souhait d’une limitation générale à 30 km/h dans certaines villes pour asseoir toute une population sur un canapé apporte une note certes originale, mais dénuée de réalisme.
Un bon point pour l’originalité de votre prise de position mais un mauvais pour le respect de tous les travailleurs au quotidien, des parents qui doivent collecter deux salaires pour nouer les deux bouts, et, entre autres exemples : les auxiliaires de santé qui doivent faire plus vite, plus rapide tout en se faisant incriminer parfois par les bénéficiaires qui eux-même n’ont plus toute leur tête, pour les ouvriers de chantiers qui travaillent au froid pour construire les EMS de demain (et lol); les policiers qui travaillent aussi la nuit pour votre sécurité, les urgentistes, les médecins et personnel soignant dispo 24/24 7/7, les éboueurs tôt le matin, les artisans boulangers, etc etc, la liste pourrait être longue.
Reste peut-être quelques journalistes qui se tirent des flûtes !!! (ce sera mon ironie du jour) mais je vous l’accorde ce n’est pas votre cas.
PS : mea culpa à toutes les travailleuses et travavailleurs qui n’ont pas pu être mentionnés pour des raisons évidentes de place.
»
@Marianne W. 10.12.2022 | 05h07
«Jacques Pilet, il y a ralentissement et ralentissement ! On peut souhaiter - lorsqu’on habite Lausanne - retrouver un peu de place en tant que piéton; pouvoir circuler plus calmement quand on est cycliste; traverser sans devoir se presser, notamment quand on est âgé... On peut et on doit le souhaiter, ne vous en déplaise Monsieur Pilet ! Ce qui ne veut pas dire que TOUT doit ralentir ! Vous avez fait là un article facile, non sans faire un tacle sournois mais bien lisible aux « chantres roses-verts »... Pas très brillant.»
@Maryvon 10.12.2022 | 12h36
«Je ne me permettrais pas de parler à la place de M. Pilet mais je ne pense pas qu'il ait voulu dire que les gens travaillent moins qu'avant. Je pense plutôt qu'il a voulu exprimer un manque de motivation générale au sein de la population. Les mesures qui ont été prises pendant la pandémie ont eu un impact très négatif sur le moral de beaucoup de gens. Qu'elles aient été justifiées ou non, ce n'est pas la question. Nous avons été infantilisés en permanence, ce qui a affecté sérieusement nos capacités cognitives. Malheureusement, cela recommence avec la crise énergétique, nous sommes assommés de conseils stériles. J'ajouterai que certains thèmes sont devenus obsessionnels, les limitations de vitesse par exemple. Nos Autorités manquent singulièrement d'ambition, se perdent dans des détails et dès lors n'ont plus une vision globale de la situation.»
@Maze 12.12.2022 | 08h51
«Mauvais article, réactionnaire, rempli de confusions et raccourcis hasardeux. Monsieur Pilet, avez-vous écrit cet article avec la gueule de bois du lendemain de votre soirée mondaine dans un palace lausanois? Il aurait été utile de ralentir un peu et prendre le temps de la réflexion. On a été habitué à mieux. »