Actuel / Le fétichisme des milliards
Injecter des milliards pour relancer l'économie, d'accord. A condition de relancer aussi l'esprit d'entreprise et le goût du risque, dans l'UE comme en Suisse. © Pixabay
Les fétiches que les sorciers agitent au village pour le préserver des mauvais sorts ont leur utilité. On aurait tort de s’en moquer. D’autant plus que nous avons les nôtres. Les puissants dressent le doigt vers le ciel et il pleut des milliards. Partout. Pour conjurer le trou d’air économique. Mais tant d’eau sur le sol peut s’écouler sans effet, ou le fertiliser. Qu’en sera-t-il?
Il est fort raisonnable d’aider les entreprises les plus fragiles à préserver les emplois, à éviter leur faillite. Un peu moins en les arrosant de dettes qui se rappelleront au souvenir à d’autres mauvais moments. Est-il permis, sans passer pour un néolibéral ou un complotiste, de s’interroger sur le sens de ces sommes astronomiques déversées en toute hâte dans un moment de peur? Il était en tout cas troublant de voir ces Sages bien suisses, d’ordinaire près de leurs sous, longtemps obsédés par l’équilibre des comptes, qui soudain changent d’échelle. On parlait hier de millions, de deux-trois milliards par-ci et par-là, et avec des mines douloureuses. Or face à cette crise, on jongle avec des dizaines milliards. Au moins une centaine au niveau de la seule Confédération. Pourquoi pas? Mais quelle révolution des mentalités!
Cet argent, surgi de quelques clics, servira-t-il seulement à tenir le coup dans une mauvaise passe? Ou sera-t-il investi pour l’avenir? Où? Et comment?
Les plus euro-grincheux devraient le reconnaître: l’Union européenne s’est posé la question. Emmanuel Macron, Angela Merkel et Ursula van der Leyen ont conçu un plan de relance qui semble passer la rampe des 27 en dépit de l’opposition des «frugal four», des «quatre radins» (Danemark, Suède, Pays-Bas et Autriche). Notons au passage que les pays de l’est, d’ordinaire si critiques envers «Bruxelles», ne bronchent pas. Ils trouvent l’idée bonne, n’ayant jamais dédaigné les milliards des fonds structurels, financés par les pays riches au nom de la solidarité continentale.
Il s’agit donc d’une première: l’UE ne s’est jamais endettée. Elle le fera, dans le cadre de son budget, pour aider les régions les plus frappées par la crise. Le remboursement ne se fera pas au prorata des sommes reçues mais selon la clé habituelle de répartition des charges communautaires. Pour les Allemands, c’est un pas énorme, tant est grande leur réticence à soutenir les budgets des pays qu’ils considèrent comme excessivement dépensiers.
Les porteurs de cette initiative précisent deux points importants. D’abord ils rappellent la nécessité, pour compenser l’effort, d’enfin imposer les profiteurs gigantesques (GAFA & Co). Ensuite ils soulignent que ces ressources devront servir à l’investissement, au futur. Plus qu’à combler les trous immédiats. Ils citent ainsi la nécessité de meilleurs équipements hospitaliers, de la transition énergétique, de la recherche. Fort bien, mais les Etats sont d’abord préoccupés à panser les plaies sociales, à financer le chômage qui progresse partout, explose même en France. Ce qui est louable. Mais si l’on ne veut pas que les cohortes de sans-emplois s’enfoncent à long terme dans le désespoir, il s’agira bel et bien de créer de nouvelles activités.
Cette réflexion a été peu présente dans les discours des dirigeants suisses. Quelques vagues allusions à l’avenir. Des mots, des bonnes intentions. Rien de précis en fait. Or ce qui peut faire redémarrer la machine économique et sociale, ce sont des projets concrets. Des plus modestes aux plus ambitieux. Où sont-ils? A quand le souffle renouvelé de l’esprit d’entreprise? On ne le sent guère frémir ces temps-ci. Comment oser? Comment se projeter en avant? Quand toute une société est obsédée par les précautions, en quête de retenue et de repli…
A force de se prévenir contre tous les risques, celui du virus, celui de la récession, celui de la dépendance de l’étranger, celui du changement climatique, on tue le goût-même du risque. Et sans lui, ce sera la régression. Les vitrines abandonnées de nos rues, les hôtels à moitié vides, les industries souffreteuses. A quoi bon repeindre le restau si la clientèle craint de s’y rendre? A quoi bon se mettre en quatre pour vendre les produits de la ferme au marché si tout est fait pour renforcer les géants de la distribution? A quoi bon s’obstiner à développer une start-up si c’est la corde de la dette au cou? A quoi bon miser sur la technologie de l’hydrogène si les politiciens verdis ne pensent qu’à faire place au vélo?
Seuls les banquiers, en toute circonstance, garderont le sourire, occupés à brasser les milliards. Les classes moyennes paieront au bout du compte via les impôts. Les plus fortunés, eux, n’ont guère de souci à se faire. Et il y aura moins de bruit au bout des jardins de leurs villas, des jets privés au cas où les compagnies d’aviation s’étioleraient.
Aider les victimes est un devoir. Imaginer les lendemains et les façonner l’est aussi. Pour cela, la grande trouille aide peu.
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A l’initiative d’un infatigable, le Cheikh Khaled Bentounes, algérien, leader de la fraction minoritaire, humaniste et pacifiste de l’islam, le soufisme (300 millions de fidèles). Depuis quarante ans, explique-t-il, il parcourt le monde pour promouvoir le dialogue interreligieux, l’égalité hommes-femmes, la protection de l’environnement et la paix. Juste de beaux discours? </span></p> <p><span>Il a connu bien des échecs. Comme dans sa tentative de faire débattre des rabbins et des imams, comme dans ses espoirs de désamorcer l’interminable hostilité entre l’Algérie et le Maroc, ses deux patries. Il voit bien qu’un peu partout, c’est l’intérêt géopolitique qui l’emporte, camouflé ou pas sous des antagonismes religieux. Quelle patience! Mais la force de la pensée fait tourner la roue, pense-t-il. La reconnaissance de la dignité humaine, certes tant bafouée aujourd’hui, a aussi progressé au fil du temps. 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Informer les enfants sur la sexualité, d’accord, mais pourquoi pas aussi sur nos comportements individuels et collectifs entre tensions et rapprochements? Autrement dit, apprendre à se parler pour de bon. Se dire, pour citer le chef soufi, que «la paix, c’est plus que l’absence de guerre» ou «passer du je au nous». Mais évidemment il y a plusieurs façons d’interpréter le mot. Comme le faisait remarquer la vice-maire de Genève, Christina Kitsos: «Quand on prétend chercher la paix en prolongeant la guerre, c’est paradoxal!»</span></p> <p><span>Au Palais des Nations le débat volait haut. Mené par le cinéaste romand Philippe Nicolet, avec des intervenants et intervenantes d’horizons très divers. Entre autres Jakob Kellenberger, ex-diplomate et ex-président du CICR, fort de son expérience de négociateur («une négociation n’a de chance que si elle a le droit d’échouer»), penché sur la façon de «déradicaliser» un conflit, insistant sur la crédibilité des efforts dans la durée. 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Syndicats et autorités politiques ont pourtant tout fait pour sauver l’entreprise historique, aux mains d’une multinationale qui compare avantages et inconvénients de chaque lieu de production. Ici, hauts salaires, franc fort et dans ce cas, retard technologique. Donc, départ. Chapeau aux travailleurs qui cherchaient des solutions, des innovations. Les voilà licenciés. Les messages de solidarité font du bien mais n’assurent pas leur avenir. Qu’ils puissent être aidés à rebondir.</span></p> <p><span>Est-ce à dire que notre pays est menacé de désindustrialisation comme il en est beaucoup question chez nos voisins? Gare aux réponses trop simples. Les faits. Face au secteur des services comptant les banques et les assurances, le tourisme, le commerce de gros et de détail, l'administration publique et les assurances sociales, qui pèse pour 75% du PIB, l’industrie résiste, avec environ 24% (contre moins de 14% en France!). 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Ou leur politique dite verte conduira-t-elle à la décroissance? La concentration des efforts sur la course aux armements et l’aide à l’Ukraine, telle qu’elle est brandie aujourd’hui, peut aider certains secteurs industriels mais coûtera extrêmement cher. On articule à Bruxelles le chiffre de 100 milliards à cette fin d’ici 2029. Ce sera forcément au détriment d’autres attentes, dans les infrastructures, l’éducation, la recherche, la cohésion sociale. Sans compter que la transition écologique, nous assure-t-on, nécessitera en plus une pluie de milliards. Quelles priorités fixera le nouveau Parlement? Selon les choix, les retombées sur l’économie suisse seront différentes. Le surarmement de l’Europe ne nous rapporte quasiment rien, sa santé économique et sociale nous est bien plus bien profitable.</span></p> <p><span>Deuxième point. Le fonctionnement même de l’Union. Deux tendances s’affrontent. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
2 Commentaires
@marenostrum 01.06.2020 | 20h46
«Il y a quand même eu le scandaleux interview dans "Pardonnez-moi" du Mouton Rochebin avec le loup Maurer; le premier tout exciter à séduire le second et à le servir ... tout ça pour communiquer au pays que cette dette va être payée par le contribuable et qu'ils faut se résoudre à une continuation de l'état de crise économique ... un échange détendus comme au bistrot, une confidence chuchotée comme une évidence !»
@Fandeski 10.06.2020 | 17h25
«Je ne suis pas bien malin, mais je me demande où tout cet argent déversé par "l'hélicoptère" va-t-il aller? Va-t-il enfin servir à l'amélioration de l'ensemble des humains, ou va-t-il aller, comme d'habitude, remplir la poche de riches. Parce que cet argent, ce sont les banques qui vont le gérer. Et comme elles n'ont pas envie de le perdre, elles ne vont le prêter qu'aux riches... qui eux-seuls sont capables de le garantir. Les riches - qui ne sont pas riches pour rien - ne voudront pas perdre cet argent qu'on leur confie et où vont-ils l'investir? Beaucoup à la Bourse qui ainsi va offrir des grandes liquidités aux sociétés. Ces sociétés "bourrées" de fric vont racheter leurs actions en Bourse, ce qui fera grimper le prix de leurs actions! Bingo! Et en plus, avec le surplus de monnaie, les directeurs des sociétés (côtées en Bourse), soit les riches, vont s'allouer des salaires toujours plus mirobolants... À nouveau Bingo pour les riches. Ah! si j'étais riche, je me réjouirait de la situation actuelle. Maintenant, la grosse question est: qui peut changer ce schéma quasi inéluctable?»