Actuel / Le cauchemar brésilien et nous
Le Président Jair Bolsonaro (au centre), lors d'une visite à la fête de São João de Caruaru en juin dernier. © Isac Nóbrega/PR/Source officielle.
Le duel Lula-Bolsonaro, au coude à coude, va bien au-delà d’une péripétie électorale. L’avenir du Brésil aura des répercussions écologiques, économiques et politiques dans le monde. Si la gauche alliée au centre et à la droite raisonnable gagne, on peut espérer que cessent la déforestation massive de l’Amazonie, la paupérisation galopante du sous-continent et la violence mafieuse. Rien n’est moins sûr. Bolsonaro a proclamé qu’il n’accepterait pas sa défaite. Il s’attaque à la démocratie. Et le fera aussi s’il est élu. Une tentation que l’on trouve jusqu’en Europe.
La campagne est navrante. Insultes, vociférations, accusations croisées de corruption et d’incompétence, mais aucun programme concret de part et d’autre. Une jeune nation (moyenne d’âge: 33 ans) livrée à l’affrontement enflammé de deux hommes plus tournés vers le passé que vers l’avenir. Bolsonaro (67 ans, atteint dans sa santé) défend son bilan, jugé affligeant par ses adversaires à tant d’égards, notamment à propos de la gestion de la pandémie, particulièrement meurtrière au Brésil. Lula (76 ans, visiblement fatigué) évoque surtout les mérites de sa présidence d’hier (2003-2010), bien réels au plan social, moins reluisants au plan politique où la majorité parlementaire était souvent achetée.
Le pire est ailleurs. Bolsonaro a touillé plus qu’aucun autre dans les plus sombres penchants, longtemps refoulés, des Brésiliens. Un racisme latent, anti-Noirs, anti-Indiens, et même, pour une part, dirigé contre les pauvres, les habitants des favelas, des régions défavorisées comme le Nordeste, accusés de vivre aux crochets de l’Etat. Et un mépris total des questions environnementales. Pour beaucoup, les terres, les forêts, les fleuves sont là pour produire le plus possible et basta. Cette ignorance et cette inconscience, on les trouve dans les discours du dit Bolsonaro. Qui en plus affiche son mépris des institutions démocratiques. Son obsession, c’est mettre la justice sous la coupe du pouvoir. Se soustraire ainsi à tout contrôle. Et s’il gagne, il est bien parti pour ce faire: il dispose déjà de la majorité du Congrès et des gouverneurs de régions. Ce qui d’ailleurs, en cas de succès de Lula, constituera un frein considérable.
Cette journée du 30 octobre sera celle de toutes les tensions. Bolsonaro recommande à ses sympathisants de rester dans les locaux où sont disposées les urnes électroniques. Dans le but d’intimider les électeurs adverses. Et l’on se souvient de sa formule: «Pour moi il n’y a que trois avenirs possibles, la victoire, la mort ou la prison… que j’exclus de toutes façons!»
Comment ce semeur de haine pourrait-il entraîner le chaos en cas de défaite sur le fil? En jetant les foules dans la rue. En poussant au crime les nombreuses milices armées qui lui sont favorables et terrorisent depuis des années des quartiers entiers. Et quels quartiers! La Baixada fluminense, cet immense banlieue de Rio de Janeiro (à elle seule 4 millions d’habitants) est déjà de fait sous leur contrôle. Avec la complicité de la police officielle. Des massacres y ont eu lieu à diverses reprises avec l’engagement des «escadrons de la mort». Le constat est frappant: en dépit de son extrême paupérisation, en dépit de ce qu’il faut bien appeler une famine grandissante, un large pan de la population la plus pauvre est favorable à Bolsonaro. Parce qu’il a arrosé les familles d’aides financières en vue de l’élection. Parce que cette couche de la société est manipulée par les innombrables églises évangéliques qui applaudissent le slogan (pas seulement brésilien!) «Dieu, Patrie et Famille». La gauche n’a certes pas totalement perdu pied sur ce terrain mais elle n’a pas su capter les aspirations identitaires et donner à celles-ci une expression respectueuse des droits de l’homme. Son soutien aux mouvances LGBT est aussi très mal passé dans un pays bien moins ouvert aux mœurs fantaisistes que ne le suggèrent les images du carnaval. Lula a beau rétropédaler sur le sujet, insister sur son respect de toutes les fois chrétiennes, sa parole – fort enrouée! – passe mal la rampe.
Ces perspectives chaotiques inquiètent une partie de la droite d’affaires, pourtant acquise en majorité à Bolsonaro. Elle craint, comme dans le cas de la déforestation de l’Amazonie, des pressions internationales, des restrictions à l’exportation. Quant à l’armée, où le régime sortant a bien des faveurs, il est douteux qu’elle aille vers un coup d’Etat classique, comme le Brésil l’a connu en 1964. Elle craint la réprobation annoncée des Etats-Unis.
L’influence de Washington reste cependant quasiment nulle sur le scrutin. Telle est la donne géostratégique nouvelle. Lula et Bolsonaro sont d’accord sur un point, sans le constater ouvertement d’ailleurs: tous deux revendiquent l’indépendance face aux grandes puissances, Etats-Unis, Russie et Chine. En fait, les seuls qui dans cette donne marquent discrètement des points, ce sont les Chinois, à travers les échanges commerciaux et les investissements.
Et l’Europe? Ce continent si proche par la culture, l’histoire, les échanges humains, détourne les yeux. L’Amérique du Sud n’est plus à la mode. Alors qu’ y apparaissent aussi des phénomènes encourageants, notamment avec l’émergence d’une gauche repensée, plus ouverte et dynamique que la vieille rengaine marxiste, notamment au Chili et en Colombie. Ce n’est pas le discours aberrant du commissaire de l’UE aux Affaires étrangères, Josep Borrell, qui restaurera les amitiés: ce bureaucrate désigne l’Europe – ardemment dressée contre la Russie – comme le «jardin» des libertés face à «la jungle» du reste du monde. Cette vantardise, ignorante de l’histoire et des contradictions, est le plus sûr moyen de mettre les Sud-Américains, comme bien d’autres, d’une humeur exécrable à notre endroit.
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Il va jusqu’à promettre une ambassade à Jérusalem… où l’on n’est guère convaincu par ce nouvel allié proclamé. Ses seuls ennemis, dit-il, ce sont l’Iran et le Hezbollah. Et n’a pas un mot quant aux bombes israéliennes qui pleuvent sur son territoire ni sur la présence de Tsahal aux portes de Damas. Silence aussi devant les exactions et les assassinats commis par ses partisans, rapportés sur le net, image à l’appui. En outre, il est prévu de mijoter une nouvelle constitution. La «République arabe syrienne» devrait s’appeler «Etat islamique de Syrie».</p> <p>On peut comprendre la satisfaction des Américains et des Européens voyant que la Russie et l’Iran sont bannis des lieux. Mais comment peuvent-ils peindre ainsi en rose la nouvelle situation? Sans penser aux désastreux précédents de l’Irak, de la Libye?</p> <p>En fait, ce n’est pas totalement surprenant. Lorsque la guerre civile fut déclenchée en 2011, ce sont les mêmes forces islamistes qui prirent très tôt le relais des manifestants qui réclamaient la démocratie, brutalisés par la police d’Assad. Elles furent soutenues aveuglément, des années durant, par plusieurs pays arabes et européens. Ce fut atroce. Un demi-million de morts, dit-on. Sous le double feu du dictateur criminel, certes, et celui des insurgés barbus. Des dizaines de millions d’exilés fuyant la fureur des uns et des autres.</p> <p>N’entrons pas ici dans les spéculations sur l’avenir, sur les desseins des puissances qui, de fait, s’emparent du pays, qui s’agitent au fil de leurs ambitions géopolitiques et économiques. Sans parler du pétrole, exploité par les Américains sur la partie kurde… Qu’il nous soit permis d’évoquer plutôt un souvenir. Cinq ans avant la guerre, un voyage inoubliable en Syrie. Un prêtre nous faisait visiter Alep, tous les quartiers, animés et relativement prospères. Nous parlions avec tous. Conscients d’être dans une dictature, nous constations que chacun exprimait sans peur sa foi, son appartenance. Nous avions visité l’admirable mosquée des Omeyyades à Damas. Nous nous sommes étonnés auprès de deux jeunes filles de voir tant de monde, des familles en sortie, un dimanche et non un vendredi. Elles éclatèrent de rire: «Mais c’est le jour de Pâques!». Comme Noël, les jours de fêtes chrétiennes sont officiellement fériés en Syrie. Jusqu’à quand?</p> <p>Le prêtre d’Alep, devenu un ami, qui vit aujourd’hui en France, n’a pas le cœur à applaudir le tournant actuel. Il s’est exilé avec les siens après que sa fille de dix-huit ans ait été débarquée d’un bus, violée et assassinée parce qu’elle portait une croix autour du cou. Par des «rebelles modérés» comme on disait à l’époque. 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Des contingents étrangers sont sur place, notamment avec environ 1000 soldats français. </p> <p>Alors évidemment Georgescu est un gêneur. Il ne veut pas quitter l’OTAN, mais considère que l’intérêt de la Roumanie, c’est l’arrêt au plus vite de la guerre. Ce qui lui vaut aussitôt chez nous l’étiquette de pro-russe. Il s’oppose aussi à une dépense prévue de 6,5 milliards de dollars pour l’achat d’une flotte de FA-35 dans un pays où le quart de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. On voit dès lors qui veut sa peau, au-delà des appareils politiques locaux accrochés à leurs pouvoirs et leurs privilèges. </p> <p>L’impertinent aggrave encore son cas avec sa revendication d’un meilleur contrôle et d’une plus forte imposition des sociétés internationales (notamment américaines, françaises, autrichiennes, kazakhs, émiratis... et russes) qui exploitent les considérables ressources minières de la Roumanie, pétrole et gaz en tête. Le discours nationaliste passe bien ailleurs et fort mal là… A noter qu’il ne souhaite nullement la sortie de l’UE mais souhaite y défendre mieux les intérêts de son pays. Comme à peu près tous. </p> <h3><strong>Portrait d’un personnage peu banal</strong></h3> <p>L’image caricaturale qui nous est proposée de ce personnage peu banal est à côté de la plaque. Cet ingénieur agronome écologiste a fait carrière dans les institutions de son pays et aux Nations Unies (avec un passage à Genève). Il maîtrise son propos, plutôt mesuré. Mais avec le sens de la formule. Par exemple, à propos des partis traditionnels qui ont connu bien des cas de magouilles et de corruptions: «ils essuient leurs bottes sales sur le visage de la démocratie!»</p> <p>C’est un conservateur comme on en trouve en France, en Allemagne. Avec en plus des préoccupations sociales, en particulier dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la condition paysanne. Et aussi des manies, il est vrai, une fixation sur l’affreux Davos, le redoutable Soros. Un penchant religieux aussi et même mystique. Grand défenseur de la famille traditionnelle, mais pas opposé à l’avortement et aux couples homosexuels. Attentif, et c’est rare, aux minorités, tels les Hongrois sur sol roumain ou les Roms. Ses refrains préférés tournent autour de la défense du peuple roumain, du rassemblement de tous, du redressement d’un pays resté pauvre malgré de réels progrès économiques aux bénéfices trop inégalement répartis. On apprécie ou pas le bonhomme, mais pas de quoi le maudire… ou l’enfermer, ou l’exiler comme en rêvent les plus exaltés de ses adversaires. Certains sont allés jusqu’à couper l’eau et l’électricité de son domicile. A quoi Georgescu réagit avec le sourire et rassure, il restera sur internet et le débat, le combat continueront. 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Certes, Biden n’est plus en état de lire le livre de Christopher Clark, mais il est douteux que Trump connaisse toutes les dimensions du mot somnambule.</p> <p><strong>En Ukraine</strong>, le président Zelensky, si porteur d’espoir à son élection, devenu un héros à la suite de l’agression russe, titube aujourd’hui. Enfermé dans son discours, il ne sait comment répondre au désir de paix, au ras-le-bol de son peuple devant les souffrances endurées, sous un régime de surcroît corrompu et autoritaire. Aucune guerre ne peut se prolonger lorsque des policiers doivent pourchasser dans les rues les hommes qui se cachent pour ne pas prendre les armes. Certes, Zelensky vient de faire un pas vers l’idée de négociation, mais son obsession du rattachement à l’OTAN la condamne d’avance. </p> <p><strong>Même en Pologne</strong>, le gouvernement de centre-droit de Donald Tusk fait sa petite crise de somnambulisme. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
5 Commentaires
@willoft 21.10.2022 | 00h17
«Pour vivre depuis plus de quinze en Uruguay (entre le Brésil et l'Argentine pour les ignares et pas le Paraguay), ce petit pays encore qualifié de Suisse d'Amérique latine, ce qui n'est pas faux accueillant tous les narcos et autres voyous en blanchiment, l'Amérique latine sera le dernier continent à émerger. Ou peut-être à submerger?»
@Eggi 22.10.2022 | 19h42
«Comme de coutume, Monsieur Pilet procède à une analyse journalistique correcte, qu'il ne peut s'empêcher de parsemer d'incises déconcertantes, voire provoquantes: "... mouvances LGBT (=) mœurs fantaisistes"; "Josep Borrell, ce bureaucrate (qui) désigne l’Europe comme le jardin des libertés face à la jungle du reste du monde"; " L'Europe ardemment dressée contre la Russie".»
@Bogner Shiva 212 23.10.2022 | 14h02
«Et hop ...un grand coup de fartage qui va joyeusement accélérer la destruction du poumon de la planète. Donnant un sérieux "coup de pouce" à cette 5 ème extinction déjà bien lancée...and the winner's for the unique and first place, the Human race...Bravooooooooooooooooooo !
Cette espèce dont à mon grand regret, je fais partie, participant direct et responsable, comme nous toutes et tous, de son inéluctable disparition me révolte profondemment et en même temps je me sens soulagé, hé oui, cela pourrait aller très vite maintenant. Très vite à notre échelle pour une fois, cela se déglingue partout en accéléré.
On le voit dans nos comportements actuels, semblables à ceux des lemmings...c'est la merde ? Ouaiiiiiiiiiiis on fonce ...!
Les plus équipés de notre espèce en gènes responsables de l'avidité et de l'agressivité, on les appelle des "alphas", se montrent particulièrement créatifs en ce moment dans ce monde en fin de vie ...Je n'ai pas besoin de les nommer, et ceci dans tous les domaines où ils excellent.
La partie en cours est comme dans une partie de flipper, à trop secouer la machine c'est TILT ! Game Over !
Reset factory ? Restauration système ? NON ! Mais les "joueurs" actuels s'en tappent complétement, ils sont déjà morts depuis longtemps, le nombre de neurones que leurs cerveaux malades contient, ceux dévolus à l'empathie, la survie, la simple intelligence est ce que Mc Do est à la cuisine...
De plus leurs espérances de vie est des plus faible donc...FTW !
Dommage, mais Sapiens avais déjà signé son arrêt de mort dès le moment où il a traqué, tué et mangé Cro Magnon et Néanderthal...»
@stef 24.10.2022 | 18h29
«Excellent commentaire, Bogner Shiva, merci !»
@rogeroge 26.10.2022 | 12h11
«les facistes sont partout.»