Actuel / La victoire de Trump, une bonne nouvelle (paradoxale) pour les Européens?
Donald Trump lors d'un meeting électoral à Glendale (Arizona), en août 2024. © Gage Skidmore - CC BY-SA 2.0
La victoire de Donald Trump pourrait représenter le coup de fouet dont les Européens ont besoin pour renforcer significativement leur unité et moins dépendre de l’éternel protecteur d’outre-Atlantique.
La victoire de Donald Trump II, qui est aussi celle du nationalisme et de l’isolationnisme, a plongé la majeure partie des leaders européens dans la consternation. Durant toute la campagne, c’était l’élection de Kamala Harris que les Européens avaient espérée, souhaitée et appelée de leurs vœux. Seuls les dirigeants eurosceptiques du Vieux continent, Viktor Orban en tête, ont salué l’élection du Républicain comme 47e président des États-Unis.
Le retour de Trump à la Maison Blanche, doublée de la prise par les Républicains du Sénat et de leur probable maintien en tant que premier parti à la Chambre des représentants, annonce la mise en œuvre, au cours des quatre prochaines années, d’un programme politique et diplomatique aux antipodes des objectifs européens en matière de climat, de coopération internationale et de liens transatlantiques.
Toutefois, éclairés par la présidence Trump I et instruits par les crises actuelles, les Européens ont les moyens d’exploiter les opportunités ouvertes par une présidence Trump II. À condition d’agir ensemble et vite ! Les Européens ne sont pas condamnés à subir. Ils peuvent faire du prochain mandat américain une chance pour leur autonomie stratégique. Sous certaines conditions.
Dans l’antichambre des peurs européennes
L’élection de Donald Trump peut assurément devenir un cauchemar pour les Européens. Au vu de son premier mandat et de ses déclarations durant la campagne, ils savent déjà que plusieurs objectifs transatlantiques communs ne résisteront pas à son retour au pouvoir.
Le lien transatlantique redeviendra sous peu un rapport de force transactionnel : pour Donald Trump, les grandes alliances historiques des États-Unis issues de la Seconde Guerre mondiale, en Europe et en Asie, sont à la fois des fardeaux et des leviers d’action pour extorquer des concessions économiques aux Européens. N’a-t-il pas constamment accusé le Japon, l’Allemagne et l’OTAN en général de profiter indûment de la police d’assurance géopolitique américaine ? Loin de renforcer les partenariats, il cherchera à inquiéter, à diviser et à provoquer les Européens, qu’il traitera en clients, et non en alliés. Et l’UE risque de voir se creuser des clivages internes importants entre ceux qui voudront se concilier les faveurs de Trump II et ceux qui voudront y résister au prix de pressions économiques et politiques brutales. Que les Européens s’en souviennent : Trump II n’aura plus d’alliés mais des obligés régulièrement intimidés.
Cela aura une conséquence directe sur ce qui cimente l’OTAN et l’UE à l’heure actuelle : le soutien économique, militaire et diplomatique à l’Ukraine. Le candidat Trump a été très clair sur ses intentions : couper les crédits à l’Ukraine (80 milliards de dollars depuis 2022), se positionner en médiateur avec la Russie et obtenir une paix fondée sur un troc consistant en l’abandon par l’Ukraine de ses territoires de l’Est du pays en contrepartie de la fin de l’invasion russe. Là encore, la culture du rapport de force cèdera la place à l’animation du réseau d’alliés. La sécurité et la sérénité des Européens seront beaucoup moins bien garanties par une présidence Trump II sur les flancs orientaux et méridionaux du continent. La présidence Trump II estimera ne pas avoir de responsabilités à assumer, mais seulement des intérêts à promouvoir.
La cohésion de l’Occident sera également entamée dans les institutions internationales issues de la Seconde Guerre mondiale. Trump II continuera à afficher ses affinités avec des leaders en rupture avec l’Europe : Vladimir Poutine, Recep Tayyip Erdogan, Benyamin Nétanyahou, etc. Ce sera la fin du front uni à l’ONU sur l’Iran, sur la Corée du Nord ou encore sur le climat. Comme durant la première présidence Trump. Et les Européens risquent de se retrouver isolés, à mener des combats d’arrière-garde afin de préserver ce qui reste des mécanismes de coopération internationaux contestés par le Sud Global dans ses différents forums (G20, BRICS, OCS, etc.).
Quant au volet commercial, il sera marqué par la hausse des droits de douane à la fois pour le partenaire rival chinois et pour l’allié européen : Donald Trump les placera sur un pied d’égalité en raison du déficit commercial massif envers l’un et envers l’autre.
Les risques inhérents à une présidence Trump II sont massifs et immédiats pour les Européens : désinformation, intimidation, désunion, isolement et insécurité aux frontières seront le pain quotidien des prochaines années pour les Européens. Ces dangers sont, en outre, accentués par l’affaiblissement des leaders de grands pays tels que la France et l’Allemagne – qui avaient endigué le premier tsunami trumpien. La résignation est-elle pour autant de mise ?
Ne pas manquer une occasion historique
En géopolitique comme en économie, une crise peut devenir une opportunité, à condition de la prévoir, de l’anticiper, de la préparer et de la traiter. C’est ce que vient de faire le premier ministre polonais Donald Tusk en qualifiant la victoire de Donald Trump d’oraison funèbre de la « sous-traitance géopolitique ».
Le choc de Trump II peut être paradoxalement salutaire pour les Européens. Mais cette potentielle thérapie de choc ne peut réussir que sous certaines conditions très difficiles à remplir. Que les Européens oublient un instant leurs craintes justifiées et leur déception amère !
Pour exploiter la crise géopolitique que provoque dès maintenant l’élection du candidat ouvertement nationaliste du MAGA, les Européens doivent s’imposer une discipline de fer en matière de coordination sur les principaux dossiers sécuritaires (Ukraine, Israël), économiques (IA, énergie, tarifs douaniers) et diplomatiques (sanctions, dialogue avec le Sud, organisations multilatérales).
La moindre faille dans cette coordination serait funeste car exploitée en même temps par Washington, Moscou et Pékin. Les mécanismes de coordination existent, même s’ils sont lents. Les leaders sont en place malgré leurs talons d’Achille, qu’il s’agisse de Mark Rutte à l’OTAN ou d’Ursula von der Leyen à l’UE… Cet atout est renforcé par le décalage des calendriers électoraux : l’UE est en phase de lancement de sa nouvelle mandature alors que la nouvelle administration Trump ne prendra ses fonctions qu’en janvier. Les Européens disposent de quelques semaines pour prendre position à l’avance sur tous les sujets de dissensus.
L’autre atout des Européens tient au contenu de leurs intérêts. En Ukraine, à eux de prendre le relais de l’aide américaine notamment militaire et de proposer rapidement un plan de cessez-le-feu et de négociation qui prendra de court la présidence Trump et coupera court aux plans de paix, très favorables à Moscou, avancés par le Sud Global. Dans les rapports avec la Chine, à eux de proposer une autre voie que la guerre tarifaire annoncée par Trump. Tenir un cap ferme mais moins belliqueux que Washington sera finalement aisé avec Pékin : l’UE n’est que le partenaire, pas le rival de la RPC.
Sur les rapports avec le Sud Global, les Européens doivent jouer la carte de la différence : ne pas hésiter à proposer une option alternative aux États-Unis, oser les concurrencer au Moyen-Orient par un bras de fer avec Israël, appeler une fois encore à une maîtrise par la négociation du programme nucléaire iranien, etc. La crédibilité des Européens dans le Sud sera objectivement favorisée par le discrédit que les États-Unis risquent fort de subir dans ces régions sous Trump II.
Enfin, face à une administration américaine sans complexe pour intimider ses partenaires européens, il faudra identifier des points sur lesquels ne pas céder : sur la gestion des données, sur l’IA, sur la diversification des sources d’énergie.
Aujourd’hui, avec une coordination renforcée et un agenda européen bien identifié, les Européens sont capables non seulement de résister mais aussi d’en imposer à une administration Trump II.
En attendant Trump
Pour les Européens, la période de transition jusqu’au 20 janvier 2025 sera un test de cohésion, de rapidité et de sang froid. Durant ces deux mois, l’administration Biden passera le relais à l’administration Trump. Et, pendant ce temps, le candidat devenu président élu sans être président au sens plein multipliera les prises de position d’autant plus tonitruantes qu’elles ne seront pas traduites dans la réalité.
Aux Européens de le prendre de vitesse et de se positionner sur l’Ukraine, le Moyen-Orient, le commerce international et les organisations multilatérales avant et par différence avec lui. Ne perdons pas de temps : l’élection de Donald Trump peut précipiter la maturité européenne.
Cyrille Bret, Géopoliticien, Sciences Po
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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Que les Européens oublient un instant leurs craintes justifiées et leur déception amère !</p> <p>Pour exploiter la crise géopolitique que provoque dès maintenant l’élection du candidat ouvertement nationaliste du MAGA, les Européens doivent s’imposer une discipline de fer en matière de coordination sur les principaux dossiers sécuritaires (Ukraine, Israël), économiques (IA, énergie, tarifs douaniers) et diplomatiques (sanctions, dialogue avec le Sud, organisations multilatérales).</p> <p>La moindre faille dans cette coordination serait funeste car exploitée en même temps par Washington, Moscou et Pékin. Les mécanismes de coordination existent, même s’ils sont lents. 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Durant ces deux mois, l’administration Biden passera le relais à l’administration Trump. Et, pendant ce temps, le candidat devenu président élu sans être président au sens plein multipliera les prises de position d’autant plus tonitruantes qu’elles ne seront pas traduites dans la réalité.</p> <p>Aux Européens de le prendre de vitesse et de se positionner sur l’Ukraine, le Moyen-Orient, le commerce international et les organisations multilatérales avant et par différence avec lui. 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La présidence Trump II estimera ne pas avoir de responsabilités à assumer, mais seulement des intérêts à promouvoir.</p> <p>La cohésion de l’Occident sera également entamée dans les institutions internationales issues de la Seconde Guerre mondiale. Trump II continuera à afficher ses affinités avec des leaders en rupture avec l’Europe : Vladimir Poutine, Recep Tayyip Erdogan, Benyamin Nétanyahou, etc. Ce sera la fin du front uni à l’ONU sur l’Iran, sur la Corée du Nord ou encore sur le climat. Comme durant la première présidence Trump. 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Ces dangers sont, en outre, accentués par l’affaiblissement des leaders de grands pays tels que la France et l’Allemagne – qui avaient endigué le premier tsunami trumpien. La résignation est-elle pour autant de mise ?</p> <h3>Ne pas manquer une occasion historique</h3> <p>En géopolitique comme en économie, une crise peut devenir une opportunité, à condition de la prévoir, de l’anticiper, de la préparer et de la traiter. C’est ce que vient de faire le premier ministre polonais Donald Tusk en qualifiant la victoire de Donald Trump d’oraison funèbre de la « sous-traitance géopolitique ».</p> <p>Le choc de Trump II peut être paradoxalement salutaire pour les Européens. Mais cette potentielle thérapie de choc ne peut réussir que sous certaines conditions très difficiles à remplir. Que les Européens oublient un instant leurs craintes justifiées et leur déception amère !</p> <p>Pour exploiter la crise géopolitique que provoque dès maintenant l’élection du candidat ouvertement nationaliste du MAGA, les Européens doivent s’imposer une discipline de fer en matière de coordination sur les principaux dossiers sécuritaires (Ukraine, Israël), économiques (IA, énergie, tarifs douaniers) et diplomatiques (sanctions, dialogue avec le Sud, organisations multilatérales).</p> <p>La moindre faille dans cette coordination serait funeste car exploitée en même temps par Washington, Moscou et Pékin. Les mécanismes de coordination existent, même s’ils sont lents. Les leaders sont en place malgré leurs talons d’Achille, qu’il s’agisse de Mark Rutte à l’OTAN ou d’Ursula von der Leyen à l’UE… Cet atout est renforcé par le décalage des calendriers électoraux : l’UE est en phase de lancement de sa nouvelle mandature alors que la nouvelle administration Trump ne prendra ses fonctions qu’en janvier. Les Européens disposent de quelques semaines pour prendre position à l’avance sur tous les sujets de dissensus.</p> <p>L’autre atout des Européens tient au contenu de leurs intérêts. En Ukraine, à eux de prendre le relais de l’aide américaine notamment militaire et de proposer rapidement un plan de cessez-le-feu et de négociation qui prendra de court la présidence Trump et coupera court aux plans de paix, très favorables à Moscou, avancés par le Sud Global. Dans les rapports avec la Chine, à eux de proposer une autre voie que la guerre tarifaire annoncée par Trump. Tenir un cap ferme mais moins belliqueux que Washington sera finalement aisé avec Pékin : l’UE n’est que le partenaire, pas le rival de la RPC.</p> <p>Sur les rapports avec le Sud Global, les Européens doivent jouer la carte de la différence : ne pas hésiter à proposer une option alternative aux États-Unis, oser les concurrencer au Moyen-Orient par un bras de fer avec Israël, appeler une fois encore à une maîtrise par la négociation du programme nucléaire iranien, etc. La crédibilité des Européens dans le Sud sera objectivement favorisée par le discrédit que les États-Unis risquent fort de subir dans ces régions sous Trump II.</p> <p>Enfin, face à une administration américaine sans complexe pour intimider ses partenaires européens, il faudra identifier des points sur lesquels ne pas céder : sur la gestion des données, sur l’IA, sur la diversification des sources d’énergie.</p> <p>Aujourd’hui, avec une coordination renforcée et un agenda européen bien identifié, les Européens sont capables non seulement de résister mais aussi d’en imposer à une administration Trump II.</p> <h3>En attendant Trump</h3> <p>Pour les Européens, la période de transition jusqu’au 20 janvier 2025 sera un test de cohésion, de rapidité et de sang froid. Durant ces deux mois, l’administration Biden passera le relais à l’administration Trump. Et, pendant ce temps, le candidat devenu président élu sans être président au sens plein multipliera les prises de position d’autant plus tonitruantes qu’elles ne seront pas traduites dans la réalité.</p> <p>Aux Européens de le prendre de vitesse et de se positionner sur l’Ukraine, le Moyen-Orient, le commerce international et les organisations multilatérales avant et par différence avec lui. 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Si la commission d'experts a envisagé cette alternative – ce que peu d'éléments permettent d'affirmer –, elle aurait dû se demander dans quel domaine on dépense le plus d'argent pour ce à quoi on pourrait aisément renoncer. Chez les particuliers ou dans le secteur public?</p> <h3>Le dispensable dans les dépenses privées</h3> <p>La réponse est facile à trouver. Il suffit de faire du shopping à Zurich ou d'ouvrir n'importe quel journal et de lire à quoi les riches dépensent leur argent. 2'400 francs par mois pour un box à chevaux, environ 100 millions de francs pour la résidence principale ou secondaire de Federer avec son hangar à bateaux au bord du lac de Zurich, 10'000 francs pour une bouteille de champagne dans un night-club exclusif.</p> <p>En comparaison, les «gaspillages» d'argent public découverts par la commission d'experts sont, au mieux, des broutilles. La Suisse est certes encore relativement bien dotée en biens publics, mais s'il y a un vrai gaspillage, c'est surtout dans les dépenses privées.</p> <p>On peut aussi aborder la question de manière systématique. Le revenu total des ménages s'élève à environ 560 milliards de francs, dont au moins 360 milliards reviennent aux 40% les plus riches. Si ces derniers devaient payer à eux seuls les 4,5 milliards, leur revenu diminuerait de 1,25%. En contrepartie, ils ne devraient renoncer à rien. Ils devraient simplement réduire leur taux d'épargne de 36 à 34% de leur revenu brut.</p> <p>Même à l'âge de la retraite, les 40% les plus aisés pourraient encore mettre de côté un bon dixième de leur revenu. En bas de l'échelle des revenus, un couple avec enfants perd rapidement un dixième ou plus de son revenu disponible, déjà modeste, lorsque les subventions publiques pour les crèches sont réduites. 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Loin de correspondre aux stéréotypes du violeur marginal, malade et/ou étranger, les coaccusés du procès de Mazan se distinguent paradoxalement par leur <a href="https://www.la-croix.com/france/au-proces-des-viols-de-mazan-des-accuses-a-la-banalite-derangeante-20241007">« banalité dérangeante »</a>. 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En se focalisant sur la façon dont les relations entre les hommes et les femmes sont culturellement façonnées par le patriarcat, de nombreux contenus journalistiques défendent aujourd’hui une approche sociologique du sujet, jusqu’alors <a href="https://revue.surlejournalisme.com/slj/article/view/611">globalement discréditée</a> au sein des rédactions en raison du stigmate militant associé.</p> <p>Le recours de plus en plus fréquent à ce concept sociologique pour expliquer les causes du viol résulte d’un long processus discontinu et inachevé de désindividualisation et de déprivatisation du sujet, observé dans le cadre de ma thèse en science politique. À travers cette enquête, j’ai souhaité étudier et expliquer l’évolution des représentations relayées par la presse écrite imprimée française sur le crime sexuel. 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La résonance internationale de l’arrestation en 1996 de Marc Dutroux en Belgique conduit les rédactions françaises à examiner les dispositifs médicaux visant à évaluer et contenir <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1997/03/04/on-peut-soigner-avec-succes-les-delinquants-sexuels_3765849_1819218.html">« la dangerosité criminologique »</a> des auteurs d’infraction sexuelle. 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Cherchant à identifier les causes de la sérialité de ces viols, nombre d’articles évaluent les conditions de travail et de vie des enseignants et des prêtres accusés : faiblesse des moyens alloués à l’École, ou encore <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/2002/03/23/clerge-pedophile-et-celibat-du-pretre_4211546_1819218.html">célibat et isolement des ecclésiastiques</a> figurent parmi les hypothèses les plus fréquemment envisagées. Pour autant, si l’inaction des membres et dirigeants de ces deux institutions est <a href="https://www.liberation.fr/france/2001/02/16/eglise-et-ecole-les-grandes-muettes_354839/">vivement critiquée dans la presse</a>, seule la responsabilité individuelle des agresseurs permettrait d’expliquer leurs comportements. 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C’est parce qu’ils évoluent au sein de milieux économiquement et culturellement défavorisés, qu’ils partagent des visions du monde et croyances similaires, que des parents et voisins précaires auraient incestué et prostitué leur progéniture (dossiers d’<a href="https://www.liberation.fr/societe/2002/01/11/pedophilie-le-quartier-de-l-horreur-a-outreau_389990/">Outreau</a> et d’<a href="https://www.leparisien.fr/faits-divers/violeurs-de-pere-en-fils-11-03-2005-2005770560.php">Angers</a>), ou que de jeunes hommes d’origine étrangère auraient <a href="https://www.lexpress.fr/societe/l-humiliation-des-filles_490400.html">violé en réunion des adolescentes de leur quartier</a>. S’opère dès lors une désindividualisation partielle du viol : bien qu’ils demeurent responsables devant la loi, les mis en cause auraient, aux yeux des journalistes, fatalement hérité de mœurs propres à leur environnement – distinctes, cependant, des normes socialement dominantes.</p> <h3>Depuis 2011 : femmes et enfants, victimes du mâle dominant</h3> <p>Il faut peu ou prou attendre les accusations visant <a href="https://shs.cairn.info/revue-raisons-politiques-2012-2-page-13">Dominique Strauss-Kahn</a> et <a href="https://www.lepoint.fr/politique/30-05-11-l-affaire-tron-revelatrice-du-machisme-francais-30-05-2011-1336618_20.php">Georges Tron</a> en mai 2011 pour que l’analyse en termes de rapports de genre soit proposée par certains journaux. <a href="https://www.liberation.fr/france/2011/05/31/etre-une-femme-politique-c-est-pas-si-facile_739455/">La mobilisation d’élues</a> et de <a href="https://www.liberation.fr/france/2011/05/21/quand-l-interview-politique-tourne-cour_737321/">femmes journalistes politiques</a> contraint les rédactions à s’emparer du <a href="https://www.lexpress.fr/informations/sexisme-en-politique-le-temps-de-la-revolte_1289875.html">sexisme en politique</a>. Le viol n’est dorénavant plus exclusivement appréhendé au prisme de la pathologie ou de l’appartenance communautaire, mais de <a href="https://www.liberation.fr/france/2011/05/17/ou-l-abus-de-pouvoir-caracterise_736198/">l’abus de pouvoir</a> – Dominique Strauss-Kahn étant accusé par une femme de ménage guinéenne ; Georges Tron, par deux anciennes employées municipales.</p> <p><a href="https://www.senat.fr/leg/ppl11-540.html">L’abrogation en 2012 de l’article 222-33 du code pénal</a> relatif au harcèlement sexuel, suivie par la <a href="https://www.leparisien.fr/laparisienne/actualites/he-t-es-bonne-quand-la-ville-de-paris-s-attaque-au-harcelement-de-rue-25-11-2016-6375684.php">campagne de sensibilisation au « harcèlement de rue »</a> en 2016, incitent la presse à traiter plus généralement du sexisme observé au sein de la société entière. L’ampleur prise en octobre 2017 par le mouvement #MeToo favorise par la suite l’imposition d’un cadrage universalisant du viol, conçu comme l’une des formes possibles des « violences faites aux femmes », aussi bien perpétrées dans le cadre professionnel, qu’amical ou encore familial.</p> <p>Parallèlement à l’attention prêtée à la cause des femmes, des personnalités publiques s’engagent à partir de la seconde moitié des années 2010 pour dénoncer la « pédocriminalité ». <a href="https://www.livredepoche.com/livre/la-consolation-9782253180067">Flavie Flament</a>, <a href="https://www.grasset.fr/livre/le-consentement-9782246822691/">Vanessa Springora</a>, <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-familia-grande-camille-kouchner/9782021472660">Camille Kouchner</a>, <a href="https://www.lavoixdesarah.org/un-si-long-silence/">Sarah Abitbol</a>, ou plus récemment <a href="https://www.lisez.com/livre-grand-format/a-corps-ouvert/9782221274941">Vahina Giocante</a>, <a href="https://www.cnc.fr/series-tv/actualites/judith-godreche---icon-of-french-cinema-vient-dun-desir-creatif-autant-que-dune-necessite-vitale_2092280">Judith Godrèche</a>, <a href="https://www.denoel.fr/catalogue/dire-vrai/9782207182123">Isild Le Besco</a> racontent les violences respectivement imposées par un photographe réputé, un écrivain de renom, un beau-père, un entraîneur sportif, un père, ou encore un réalisateur de cinéma. En plus de poser la question des délais de prescription des viols sur mineurs, ces témoignages ont été l’occasion de réaffirmer la contrainte morale systématiquement exercée par les adultes sur les enfants, incapables de consentir sexuellement.</p> <h3>Incarner le viol au risque de le (re)singulariser ?</h3> <p>L’évolution du traitement médiatique du viol ces quarante dernières années se caractérise ainsi par un double mouvement discontinu et inachevé : de désindividualisation des causes du problème, les journalistes considérant dorénavant davantage la dimension sociale des violences sexuelles, jusqu’alors généralement traitées comme des « faits divers » épars ; de déprivatisation des circonstances, les rédactions nationales prêtant plus attention aux agressions commises dans le cadre dit « privé », qu’elles soient incestueuses ou conjugales.</p> <p>Ces transformations éditoriales coexistent néanmoins avec d’autres types de cadrage médiatique, qui tendent au contraire à souligner la particularité de chaque situation. L’intérêt accru depuis #MeToo pour les récits impliquant des personnalités publiques contribue à ce titre d’une certaine façon au maintien d’une lecture singularisante du problème, analysé à l’aune de la « puissance » accumulée par des hommes riches et célèbres, plutôt qu’en termes de domination masculine.</p> <p>L’actualité récente montre plus généralement combien la tentation d’imputer la responsabilité des violences sexuelles à un groupe d’individus spécifique demeure grande. Alors que nombre d’articles dénoncent depuis deux mois les inégalités fondées sur le sexe et le genre à la faveur du procès des viols de Mazan, les médias soulignent tous le caractère « hors normes » d’une « affaire » mêlant des accusés « à double facette » bien qu’« ordinaires ». Le recours à la figure du dédoublement comme ultime tentative d’altérisation du mal, ou l’impossible acceptation de sa banalité.<img src="https://counter.theconversation.com/content/240881/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <p> </p> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/claire-ruffio-1153719">Claire Ruffio</a>, Doctorante en science politique, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/universite-paris-1-pantheon-sorbonne-2193">Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/40-ans-de-traitement-mediatique-du-viol-du-fait-divers-au-proces-de-la-domination-masculine-240881">article original</a>.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => '40-ans-de-traitement-mediatique-du-viol-du-fait-divers-au-proces-de-la-domination-masculine', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 71, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => 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1 Commentaire
@simone 10.11.2024 | 18h45
«Puissiez-vous être lu et entendu!»