Actuel / La vague qui monte
Meeting de Marine Le Pen à Lille le dimanche 26 mars 2017 pour l'élection présidentielle. © Jérémy-Günther-Heinz Jähnick
D’où monte donc cette vague droitiste, aux couleurs nuancées, partout en Europe. En France, elle est au bord du pouvoir. Elle triomphe dans plusieurs pays. Et en Suisse? Le tableau que dresse le jeune essayiste Nicolas Jutzet dans son livre intitulé non sans humour «La Suisse n’existe plus» pose des questions subtiles, trop rarement formulées.
Quel adjectif accoler, loin des polémiques, au RN de Le Pen/Bardella? Méfions-nous des slogans. Populiste? Au sens propre, qui n’a pas toujours été péjoratif, sans doute. Comme dit Wikipedia, le mot populisme désigne une approche politique qui a tendance à opposer le peuple aux élites politiques, économiques ou médiatiques. En l’occurence le RN fait bel et bien partie du cirque public mais il est vrai qu’on ne l’a pas encore vu au pouvoir. Fasciste? Q’il y ait dans les tréfonds de l’ADN de ce parti, comme au sein de l’AfD allemande, quelques vieux nostalgiques de Hitler et de Mussolini, bien sûr. Ils sont bannis aujourd’hui dans le discours. Mais il reste bien des élus et candidats de ce parti qui laissent filtrer des remugles néo-pétainistes… Aucune des formations dites d’extrême droite en Europe ne veut la fin de la construction démocratique – quitte à la détourner dans les faits – et la remplacer par un «ordre nouveau». Raciste, le RN? Ses responsables s’en défendent. Mais dans une effrayante ambiguïté. Distinguant les droits des nationaux «de souche» et d’autre part les plus récents, les double-nationaux, les étrangers de tous poils, régularisés ou en attente. Le fait est que son discours, même apparemment policé, libère la parole raciste. Les insultes et les incidents se multiplient, causés par des exaltés de ce camp.
Nationaliste? Evidemment. Le mot nation est beau, il vient du latin «nescor», naître. Le grand journaliste Pascal Décaillet le dit ainsi: «La nation. La souveraineté politique. La souveraineté agricole et industrielle. La sécurité des personnes et des biens. Une régulation draconienne de l'immigration. C'est cela, ces jours en France, qui est au centre de tout. Des idées pour le pays, et non des hommes ni des femmes, ni telle ou telle star politique, tel cacique des états-majors.» Le problème, c’est que le nationalisme a mis tant de fois le feu à l’Europe. Comme depuis toujours les peuples voisins – dont certains d’Afrique! – tendent à s’entremêler quelque peu, sans forcément modifier en profondeur l’identité des hôtes. L’immigration peut être plus ou moins ralentie, pas stoppée. A combien de générations faut-il remonter pour se dire «de souche»? On est là dans l’aberration.
En France cette fièvre a été exacerbée par la détestation d’un Président arrogant, narcissique, symbole de l’élite internationale. Mais la droite classique a aussi ignoré le malaise, à court de visions crédibles. Et la gauche s’est engloutie dans les discours «woke» et climatiques au point de se couper des vraies inquiétudes populaires. Le terrain était ainsi prêt.
La fascination d’une si grande part des populations pour le mythe nationaliste – à ne pas confondre avec le patriotisme – a une autre explication. L’internationalisation de nos vies, dont l’adhésion à l’Union européenne n’est qu’une facette. L’économie est mondialisée, qu’on le veuille ou non. Les grands acteurs du digital sont américains et parfois même chinois. Qui n’entre pas dans le jeu, peu ou prou, se trouve exclu. Frustration floue qui s’ajoute à celles, diablement concrètes, du quotidien, de la paupérisation rampante. S’imaginer que bâtir toutes sortes de barrières rendra à un peuple une totale souveraineté et en prime la prospérité pour tous, c’est l’illusion la plus folle. Et la plus vénéneuse.
La Suisse, si bien imbriquée dans le commerce international, n’en est pas là. Nicolas Jutzet a tâté de la politique, au PLR. Aujourd’hui, à l’action immédiate et ponctuelle il préfère la réflexion sur notre société. Au sens large, à long terme. Il commence par décrire, documenté et clair, ce qui a fait le succès incomparable de ce petit pays sans guère de ressources naturelles. Il loue nos institutions. Puis il fait place à des préoccupations plus troublantes. Citation.
«Malheureusement, depuis les années 1990, diverses évolutions mettent en danger cette réussite. La politique s’est éloignée des citoyens en devenant "professionnelle" et l’économie, en s’internationalisant, s’est désintéressée de la politique. L’éloignement de plus en plus visible entre ces trois acteurs (population, politique, économie) qui étaient auparavant liés, entraîne des conséquences. Etatisation de la vie des citoyens, explosion de la bureaucratie et mise en danger de notre réussite.»
Entré très jeune dans la vie active, les pieds sur terre et la tête bien remplie, Jutzet en a gros contre ces politiciens qui n’ont jamais connu l’entreprise, portés par les appareils de parti, accrochés à leurs sièges. De dérogation en dérogation à la limite des mandats. Ce sont eux, avec des bataillons de juristes et des représentants d’associations qui font le gros de l’assemblée. Une élite en effet, fort éloignée des simples pékins. L’auteur sous-estime le rôle des lobbies mais voit bien les limites de la démocratie directe tant portée aux nues. Les gouvernants savent la détourner. Et celle-ci ne résout en tout cas pas des casse-têtes comme celui du coût devenu fou de la santé publique.
Jutzet se veut optimiste. Il va jusqu’à formuler des propositions originales. Comme le tirage au sort des élus parmi une liste gagnante! D’autres encore à découvrir. Une recommandation surtout: d’abord débattre, réfléchir, et puis dépoussiérer les mythes, réinventer certains bouts de la machine. Sans brailler: vive la nation.
Ce réflexe à la mode ne durera pas selon notre ami et collaborateur de BPLT… et de La Nation (au sens vaudois du terme!), David Laufer. Il nous écrit: «C’est un réflexe plus qu’une politique. La nation est une expérience extrêmement courte à l’échelle de l’histoire humaine, une expérimentation moins de deux fois centenaire qui a provoqué les plus effroyables conflits à travers la planète. Ma conviction est que nous assistons à un renouveau momentané des nations, qui n’en sont plus en réalité que la coquille folklo-touristique, mais dénuée de toute souveraineté ou réalité politique. La permanence et la résistance des grands empires est plus probable à l’avenir. L’histoire humaine, c’est celle de la constitution et de la déliquescence des empires. Nous y revenons, il me semble.»
Le débat est ouvert. A vous d’apporter votre grain de sel.
«La Suisse n’existe plus», Nicolas Jutzet, Editions Slatkine, 152 pages.
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Il va jusqu’à promettre une ambassade à Jérusalem… où l’on n’est guère convaincu par ce nouvel allié proclamé. Ses seuls ennemis, dit-il, ce sont l’Iran et le Hezbollah. Et n’a pas un mot quant aux bombes israéliennes qui pleuvent sur son territoire ni sur la présence de Tsahal aux portes de Damas. Silence aussi devant les exactions et les assassinats commis par ses partisans, rapportés sur le net, image à l’appui. En outre, il est prévu de mijoter une nouvelle constitution. La «République arabe syrienne» devrait s’appeler «Etat islamique de Syrie».</p> <p>On peut comprendre la satisfaction des Américains et des Européens voyant que la Russie et l’Iran sont bannis des lieux. Mais comment peuvent-ils peindre ainsi en rose la nouvelle situation? Sans penser aux désastreux précédents de l’Irak, de la Libye?</p> <p>En fait, ce n’est pas totalement surprenant. Lorsque la guerre civile fut déclenchée en 2011, ce sont les mêmes forces islamistes qui prirent très tôt le relais des manifestants qui réclamaient la démocratie, brutalisés par la police d’Assad. Elles furent soutenues aveuglément, des années durant, par plusieurs pays arabes et européens. Ce fut atroce. Un demi-million de morts, dit-on. Sous le double feu du dictateur criminel, certes, et celui des insurgés barbus. Des dizaines de millions d’exilés fuyant la fureur des uns et des autres.</p> <p>N’entrons pas ici dans les spéculations sur l’avenir, sur les desseins des puissances qui, de fait, s’emparent du pays, qui s’agitent au fil de leurs ambitions géopolitiques et économiques. Sans parler du pétrole, exploité par les Américains sur la partie kurde… Qu’il nous soit permis d’évoquer plutôt un souvenir. Cinq ans avant la guerre, un voyage inoubliable en Syrie. Un prêtre nous faisait visiter Alep, tous les quartiers, animés et relativement prospères. Nous parlions avec tous. 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Des contingents étrangers sont sur place, notamment avec environ 1000 soldats français. </p> <p>Alors évidemment Georgescu est un gêneur. Il ne veut pas quitter l’OTAN, mais considère que l’intérêt de la Roumanie, c’est l’arrêt au plus vite de la guerre. Ce qui lui vaut aussitôt chez nous l’étiquette de pro-russe. Il s’oppose aussi à une dépense prévue de 6,5 milliards de dollars pour l’achat d’une flotte de FA-35 dans un pays où le quart de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. On voit dès lors qui veut sa peau, au-delà des appareils politiques locaux accrochés à leurs pouvoirs et leurs privilèges. </p> <p>L’impertinent aggrave encore son cas avec sa revendication d’un meilleur contrôle et d’une plus forte imposition des sociétés internationales (notamment américaines, françaises, autrichiennes, kazakhs, émiratis... et russes) qui exploitent les considérables ressources minières de la Roumanie, pétrole et gaz en tête. Le discours nationaliste passe bien ailleurs et fort mal là… A noter qu’il ne souhaite nullement la sortie de l’UE mais souhaite y défendre mieux les intérêts de son pays. Comme à peu près tous. </p> <h3><strong>Portrait d’un personnage peu banal</strong></h3> <p>L’image caricaturale qui nous est proposée de ce personnage peu banal est à côté de la plaque. Cet ingénieur agronome écologiste a fait carrière dans les institutions de son pays et aux Nations Unies (avec un passage à Genève). Il maîtrise son propos, plutôt mesuré. Mais avec le sens de la formule. Par exemple, à propos des partis traditionnels qui ont connu bien des cas de magouilles et de corruptions: «ils essuient leurs bottes sales sur le visage de la démocratie!»</p> <p>C’est un conservateur comme on en trouve en France, en Allemagne. Avec en plus des préoccupations sociales, en particulier dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la condition paysanne. Et aussi des manies, il est vrai, une fixation sur l’affreux Davos, le redoutable Soros. Un penchant religieux aussi et même mystique. Grand défenseur de la famille traditionnelle, mais pas opposé à l’avortement et aux couples homosexuels. Attentif, et c’est rare, aux minorités, tels les Hongrois sur sol roumain ou les Roms. Ses refrains préférés tournent autour de la défense du peuple roumain, du rassemblement de tous, du redressement d’un pays resté pauvre malgré de réels progrès économiques aux bénéfices trop inégalement répartis. On apprécie ou pas le bonhomme, mais pas de quoi le maudire… ou l’enfermer, ou l’exiler comme en rêvent les plus exaltés de ses adversaires. Certains sont allés jusqu’à couper l’eau et l’électricité de son domicile. A quoi Georgescu réagit avec le sourire et rassure, il restera sur internet et le débat, le combat continueront. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
2 Commentaires
@Maryvon 07.07.2024 | 12h03
«Force est de constater que le Rassemblement National en France a atteint un score inédit lors des deux derniers suffrages. Il y a bien entendu plusieurs raisons à ce succès sans précédent. L'ancien Ministre français, Monsieur Luc Ferry qui ne votera pas pour ce parti insiste néanmoins sur le fait que les membres du Rassemblement National sont les seuls qui ne méprisent pas les travailleurs, ceux qui se lèvent tôt le matin pour se rendre à un travail souvent pénible et mal rétribué. Il faut tout de même se souvenir du Président Holland, socialiste, qui qualifiait ce peuple défavorisé de "sans dent". Plus d'un tiers de nos voisins sont excédés par ces élites totalement déconnectées du peuple et de la réalité sur le terrain. »
@stef 02.08.2024 | 16h14
«Comme le dit si bien @Maryvon, les élites sont de plus en plus déconnectées du peuple, mais en Suisse de plus en plus aussi, malheureusement »