Actuel / La Russie est en train de faire le deuil de l’Europe
Moscou, décembre 2022. © Guy Mettan
Mi-décembre, j’ai eu l’occasion d’effectuer un bref voyage à Moscou et à Novosibirsk, capitale de la Sibérie située à 4000 kilomètres du front ukrainien. Soit assez de temps pour évaluer l’état d’esprit de la population russe après dix mois de guerre.
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Il n’en est rien.</p> <p>Dans les grandes villes, les rues regorgent de lumières et de décorations de Noël, les patinoires et les marchés de plein air sont pris d’assaut malgré le froid et la neige, les avenues sont toujours aussi encombrées de colonnes de 4X4 qui cherchent à se frayer un chemin dans les bouchons. Une atmosphère qui tranche avec les airs de <em>Blitz </em>de nos villes sans décorations, aux vitrines ternes et privées d’éclairage public par le couvre-feu imposé par la pénurie d’énergie.</p> <p>Cette normalité de la vie quotidienne est confirmée par les statistiques économiques qui montrent que le recul du PNB russe se limitera à 2,5-3% pour l’année 2022, soit moins que la perte enregistrée en 2020, lors de la première année de la crise du Covid. C’est à peine si, çà et là, on remarque des boutiques fermées, essentiellement des marques de luxe, et des affiches appelant à soutenir les soldats combattant en Ukraine, seul rappel qu’une guerre est en cours sur l’une des immenses frontières du pays.</p> <h3><strong>Un conflit qui dure</strong></h3> <p>Cette normalité n’est-elle qu’apparente? Cache-t-elle un désarroi profond de la population, une sourde hostilité au «régime», une peur de s’exprimer, comme on le suggère si souvent chez nous? Je n’en ai pas eu le sentiment non plus. Au contraire, j’ai eu l’impression que les Russes avaient pris conscience que le conflit en Ukraine s’installait dans la durée et que, de bonne ou mauvaise grâce, ils allaient devoir vivre avec pendant longtemps.</p> <p>Comme tout le monde, dans un premier temps, les Russes ont été surpris et sidérés par «l’opération militaire spéciale» en Ukraine, en particulier dans les très nombreuses familles ̶ on parle de dizaines de millions de personnes ̶ que ce conflit isolait ou coupait en deux parce qu’elles ont des attaches en Ukraine. Puis, le premier instant de stupeur passé, on a pensé que les combats trainaient en longueur mais ne s’éterniseraient pas. Les premiers revers, fin août, et surtout la mobilisation partielle de septembre ont douché ces espoirs. Plusieurs centaines de milliers de mobilisables se sont enfuis à l’étranger ̶ on estime leur nombre à 300/400’000 personnes en tenant compte des retours progressifs, soit 0,3% de la population ̶ tandis que l’inquiétude devenait palpable. Trois mois plus tard, celle-ci n’a pas disparu mais a beaucoup régressé.</p> <p>Sont-ils dupes de la propagande? Je ne le crois pas non plus. Comme me le confiait une amie active dans la culture: «Depuis l’ère soviétique, les Russes savent d’instinct décoder la propagande d’Etat et faire la part des choses. Ils n’y font même pas attention. Tandis que vous, à l’Ouest, vous faites tellement confiance à vos dirigeants et à vos institutions que n’êtes même pas conscients de leur propagande.» A méditer!</p> <h3><strong>Mobilisation pour les soldats</strong></h3> <p>Dans tous les cas, la cote de Vladimir Poutine n’a pas varié depuis fin février et demeure très élevée, à environ 70% d’opinions favorables, celles-ci étant d’autant plus positives qu’on s’éloigne des trois plus grandes villes, Moscou, Saint-Pétersbourg et Iekaterinbourg. Quant au soutien aux soldats sur le front, sinon à l’armée, il s’est même accru. Les Russes ne sont pas dupes des incompétences de certains commandants opérationnels, comme on vient de le voir dans la tragédie de Mareevka la nuit du Nouvel An, ni de la gabegie logistique qui ont marqué les premières semaines de guerre et ils n’ont pas ménagé leurs critiques en privé. Ils savent qu’ils doivent d’abord compter sur eux-mêmes et ne rien attendre de l’Etat.</p> <p>Dans tous les cas, les mauvaises nouvelles n’ont pas altéré leur soutien à l’opération militaire et ils sont désormais derrière leurs soldats, quitte à court-circuiter les hiérarchies. Il est remarquable de constater que, du fin fond des villages sibériens, des centaines de civils se mobilisent pour organiser des convois et apporter des vivres, du chocolat, des habits chauds, des colis aux soldats qui se battent contre les forces de l’OTAN en Ukraine. De même, à l’inverse des conscrits urbains réticents, le nombre d’engagés volontaires n’a pas faibli.</p> <h3><strong>Une guerre contre l’Occident</strong></h3> <p>Depuis l’automne, la majorité des Russes est en train de comprendre que leur pays ne se bat pas seulement contre les nationalistes ukrainiens mais contre l’Occident tout entier regroupé sous la bannière de l’OTAN, et qu’il s’agit d’un combat vital, existentiel et de longue haleine pour la survie de leur mode de vie et de leur culture, même si celui-ci a été engagé à leur corps défendant. Cette prise de conscience que la guerre et les hostilités allaient durer a d’abord été le fait de l’armée, que les difficultés rencontrées sur le terrain ont obligée à se restructurer en profondeur. La stratégie a été complètement revue. On est passé du mode offensif improvisé au mode défensif organisé, sur des lignes de défense plus sûres, avec un commandement unifié et intégré, sous les ordres d’un général expérimenté, Serguei Sourovikine, et avec l’objectif d’épargner au maximum les ressources humaines et les équipements. A la retraite désordonnée de la région de Kharkov a succédé le retrait ordonné et réussi des troupes et du matériel de la région de Kherson. On a investi dans les drones et les petites unités mobiles.</p> <p>Les lignes logistiques ont été revues et les divisions de réserve réorganisées de façon à pouvoir réagir aux urgences. Le gros de l’armée se retranche et délègue ses capacités offensives aux forces de Wagner, aux pilotes de drones et aux lanceurs de missiles contre des cibles névralgiques ukrainiennes, en riposte aux attaques ukrainiennes contre les objectifs civils russes ̶ sabotage du gazoduc Nordstream, attentat contre le pont de Crimée, bombardements d’hôpitaux, d’écoles et de supermarchés dans le Donbass, avec des civils tués tous les jours mais jamais rapportés dans nos médias.</p> <p>La Russie a pris acte de la stratégie de l’OTAN et des Etats-Unis exprimée par le chef du Pentagone Lloyd Austin le printemps dernier, à savoir l’affaiblissement du pays jusqu’à ce qu’il ne puisse plus se relever, et cherche à la retourner en sa faveur. En se concentrant et en ménageant ses troupes, elle laisse les Ukrainiens et les mercenaires de l’OTAN épuiser leurs forces et leur matériel jusqu’à ce qu’ils se fatiguent. Plus que sur le Général Hiver, ce sont sur les Généraux Temps et Espace que mise désormais l’armée russe. Comme Souvorov et Bagration en leur temps, elle a appris à ses dépens que patience valait mieux que force et que rage si l’on voulait vaincre dans la durée.</p> <h3><strong>Sur le front économique</strong></h3> <p>Les milieux économiques ont eux aussi très rapidement pris conscience que l’ensemble des circuits de production et d’échanges devait être revu de fond en comble après la fermeture des frontières imposée par le partenaire naturel européen. On a beaucoup glosé en Europe sur les oligarques et leur supposée opposition à Poutine. En se trompant complètement. Les oligarques, même s’ils ont déploré le déclenchement des hostilités, ont rapidement compris que la séquestration de leurs biens et de leurs avoirs bancaires en Europe et aux Etats-Unis ̶ yachts, résidences de luxe, suites à Courchevel et à Saint-Moritz ̶ et les sanctions personnelles prises contre eux en faisaient des parias pour l’Occident et qu’ils seraient condamnés à tout perdre au cas où il leur prendrait la fantaisie de faire défection.</p> <p>Les sanctions et l’exclusion de la Russie du système de paiement SWIFT et des relations bancaires occidentales ont même eu un effet positif pour l’économie russe puisque, pour la première fois, elles ont coupé court à l’évasion des capitaux ̶ environ 100 milliards de dollars par an ̶ qui saignait l’économie depuis trente ans. Désormais, il faudra y réfléchir à deux fois avant de déposer son argent dans une banque suisse, européenne ou américaine.</p> <p>Depuis quelques mois, l’économie russe cherche donc à s’adapter aux nouvelles circonstances. Les circuits de distribution du pétrole, du gaz, des minerais, du blé et des engrais sont réorganisés vers l’Asie, la Chine, l’Inde, l’Iran, les Emirats et l’Arabie saoudite (à cause de l’OPEP+ et des facilités bancaires). On fait de même pour les circuits d’importation. Les importations parallèles se mettent en place pour approvisionner l’industrie en pièces détachées, en supraconducteurs et en puces, et la population en appareils ménagers, en vêtements, en produits de luxe, en ameublement et autres biens de consommation courante que l’économie russe ne sait pas produire en grandes quantités.</p> <p>L’exemple de la Biélorussie, coutumière des sanctions et qui a malgré tout enregistré la meilleure performance européenne dans sa gestion du Covid grâce à son système de soins et à ses ressources pharmaceutiques, montre que l’industrie russe est parfaitement capable de relever ce défi à condition de réorienter les investissements vers la reconversion industrielle et de cesser de se reposer paresseusement sur la rente pétrolière et gazière.</p> <p>Les succès spectaculaires enregistrés par l’agriculture, l’industrie agro-alimentaire, le secteur aérospatial et les industries d’armement à la suite des sanctions prises contre elles en 2014 militent aussi dans ce sens. Cette reconversion prendra quelques années et les experts s’attendent à deux ou trois ans de contraction et de vaches maigres avant que la croissance reparte à la hausse. Pas de quoi paniquer, surtout que l’on pourra compter sur des ressources énergétiques inépuisables et très bon marché, contrairement à l’Europe qui devra payer au prix fort ses importations d’énergie.</p> <h3><strong>Un sentiment d’humiliation</strong></h3> <p>Qu’en est-il de l’état d’esprit de la population? Comment s’adapte-t-elle à cette nouvelle donne? Pour résumer en une phrase, je dirais qu’elle fait contre mauvaise fortune bon cœur. Il faut savoir que la plupart des Russes ont très mal vécu les mesures prises contre la culture russe et contre eux-mêmes en Occident. Ils se sont sentis profondément humiliés par la censure des artistes, des musiciens, des sportifs et des scientifiques, par l’annulation des colloques académiques, la cessation brutale des échanges en dépit des liens personnels développés depuis longtemps, la réécriture de l’histoire concernant la contribution russe dans la victoire contre le nazisme, la culture d’annulation et même de destruction de monuments entreprise non seulement en Ukraine mais dans les pays baltes et en Pologne. Quand on a compté 26 millions de morts dans la lutte contre le nazisme, il est intolérable d’apprendre que c’est le débarquement en Normandie (50’000 morts) qui a été l’événement majeur de la Seconde guerre mondiale.</p> <p>Cet ostracisme et ces injustices ont laissé des traces amères dans la mémoire vive des Russes, que la fermeture des frontières et l’interdiction de facto de voyager en Occident suite à la suppression des vols directs ont encore aggravées. Ils peuvent comprendre que l’Europe critique l’intervention armée en Ukraine, mais ne voient pas pourquoi l’Europe qui se prétend civilisée s’en prend à Tchaikowski, à Tchekov, à des chefs d’orchestre et à la population en général, dans un mouvement de bannissement inédit dans l’histoire. De même, la censure de l’ensemble des médias russes dans un espace européen qui se targue de défendre ses «valeurs» démocratiques en Ukraine passe pour de la duplicité.</p> <h3><strong>Faire le deuil de l’Europe</strong></h3> <p>Chez nous, tout cela semble relever de détails, que nous nous sommes d’ailleurs empressés d’oublier. Mais pas pour les Russes qui s’étaient enfin sentis membres de la grande famille européenne depuis la chute du Rideau de fer. Ce rejet de la Russie et des Russes, en tant qu’êtres humains, depuis février dernier est douloureusement vécu. Le pays, notamment dans les villes, est en train d’apprendre dans la douleur qu’il doit faire le deuil de l’Europe parce que celle-ci en a décidé ainsi au terme d’une guerre, certes malheureuse et regrettable, mais qui n’a pourtant rien à voir avec l’ampleur des ravages suscités par les agressions armées de l’Occident en Afghanistan et en Irak, en Syrie, en Libye, au Yémen ou encore dans l’est du Congo (6 millions de victimes totalement ignorées par les médias occidentaux). Cette hypocrisie est très mal ressentie.</p> <p>Les premières failles étaient apparues à la conférence de Munich en 2007 et lors de la guerre imprudemment déclenchée par Saakhachvili en Géorgie en 2008, puis en 2014, avec le putsch de Maidan qui a renversé le président démocratiquement élu Yanoukovitch, la mise à ban des russophones du Donbass et la vague de sanctions prises en réponse à l’annexion de la Crimée. Mais ces divergences étaient restées d’ordre politique et géopolitique et ne s’étaient pas encore transformées en guerre culturelle, humaine, civilisationnelle. Désormais la coupure est nette, profonde, radicale.</p> <p>Jusqu’ici les élites dirigeantes russes avaient joué sur les deux tableaux, empruntant à l’Occident les principes du capitalisme néolibéral, son culte du progrès matériel et ses institutions démocratiques, tout en cultivant l’idée d’une Russie indépendante, souveraine et libre de développer ses valeurs propres ̶ inspirées de la tradition conservatrice ̶ et de choisir ses partenaires. La guerre a rendu cette double voie obsolète. Elle oblige à faire des choix clairs.</p> <p>Du point de vue russe, l’engagement croissant de l’OTAN derrière l’Ukraine et les propos de l’ancien président ukrainien Porochenko et de l’ancienne chancelière Angela Merkel, confirmés par François Hollande, sur le fait que ni l’Ukraine ni l’OTAN n’avaient l’intention de respecter les accords de Minsk et que ceux-ci n’étaient qu’un stratagème destiné à donner du temps à l’Ukraine pour se réarmer, ont rendu toute perspective de négociation aléatoire puisqu’il est devenu évident que ni la parole donnée ni les traités signés par les Occidentaux n’avaient de quelconque valeur.</p> <h3><strong>Le fossé se creuse avec l’Occident</strong></h3> <p>D’autre part, le fossé idéologique entre l’Europe et la Russie s’est creusé au point de devenir presque infranchissable. Les Russes, comme le reste du monde arabo-musulman, asiatique et africain, comprennent de moins en moins l’évolution sociétale occidentale. Le libéralisme prôné par l’Occident parait de plus en plus comme un subterfuge destiné à masquer ses ingérences permanentes dans les affaires des autres. Les dérives identitaires basées sur le sexe et le genre, l’antiracisme poussé jusqu’au racialisme, la dictature de minorités de plus en plus minces et extrémistes sur la majorité, le révisionnisme historique imposé par la «cancel culture», la multiplication des sexes préconisée dès le plus jeune âge, le wokisme et le rejet de la culture humaniste traditionnelle, tout cela est de plus en plus étranger à la culture russe et du Sud global en général.</p> <p>Le changement de ton des discours de Poutine depuis l’été dernier est d’ailleurs très significatif à cet égard. Pour la première fois, le président russe a fait des allusions directes aux valeurs traditionnelles, critiquant la mode occidentale des changements de sexe, des mères porteuses, du parent 1 et parent 2 pour désigner le père et la mère, militant pour un retour aux valeurs humanistes traditionnelles face aux tentations transhumanistes en vogue chez nous, et plaidant pour un monde multipolaire dans lequel chaque pays et chaque culture auraient des droits égaux à préserver leurs valeurs sans craindre d’être bombardés ou envahis parce que leurs choix déplairaient à l’Occident.</p> <p>Pour une majorité de Russes, cette séparation est vécue comme un drame car elle met fin à leur rêve d’être reconnus comme des Européens à part entière. Ils font le deuil de l’Europe dans la douleur mais sont résignés à en porter le fardeau quel qu’en soit le poids.</p> <hr /> <p> </p> <p><iframe frameborder="0" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/UYjKDk9WZ4M" title="YouTube video player" width="560"></iframe></p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'la-russie-est-en-train-de-faire-le-deuil-de-l-europe', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 532, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 5708, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'attachments' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, 'relatives' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) {} ], 'embeds' => [], 'images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'audios' => [], 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 4 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 5 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 6 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 7 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 8 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 9 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 10 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 11 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 12 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 13 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 14 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 15 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 16 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'author' => 'Guy Mettan', 'description' => 'Mi-décembre, j’ai eu l’occasion d’effectuer un bref voyage à Moscou et à Novosibirsk, capitale de la Sibérie située à 4000 kilomètres du front ukrainien. 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Le gros de l’armée se retranche et délègue ses capacités offensives aux forces de Wagner, aux pilotes de drones et aux lanceurs de missiles contre des cibles névralgiques ukrainiennes, en riposte aux attaques ukrainiennes contre les objectifs civils russes ̶ sabotage du gazoduc Nordstream, attentat contre le pont de Crimée, bombardements d’hôpitaux, d’écoles et de supermarchés dans le Donbass, avec des civils tués tous les jours mais jamais rapportés dans nos médias.</p> <p>La Russie a pris acte de la stratégie de l’OTAN et des Etats-Unis exprimée par le chef du Pentagone Lloyd Austin le printemps dernier, à savoir l’affaiblissement du pays jusqu’à ce qu’il ne puisse plus se relever, et cherche à la retourner en sa faveur. En se concentrant et en ménageant ses troupes, elle laisse les Ukrainiens et les mercenaires de l’OTAN épuiser leurs forces et leur matériel jusqu’à ce qu’ils se fatiguent. 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Les oligarques, même s’ils ont déploré le déclenchement des hostilités, ont rapidement compris que la séquestration de leurs biens et de leurs avoirs bancaires en Europe et aux Etats-Unis ̶ yachts, résidences de luxe, suites à Courchevel et à Saint-Moritz ̶ et les sanctions personnelles prises contre eux en faisaient des parias pour l’Occident et qu’ils seraient condamnés à tout perdre au cas où il leur prendrait la fantaisie de faire défection.</p> <p>Les sanctions et l’exclusion de la Russie du système de paiement SWIFT et des relations bancaires occidentales ont même eu un effet positif pour l’économie russe puisque, pour la première fois, elles ont coupé court à l’évasion des capitaux ̶ environ 100 milliards de dollars par an ̶ qui saignait l’économie depuis trente ans. Désormais, il faudra y réfléchir à deux fois avant de déposer son argent dans une banque suisse, européenne ou américaine.</p> <p>Depuis quelques mois, l’économie russe cherche donc à s’adapter aux nouvelles circonstances. Les circuits de distribution du pétrole, du gaz, des minerais, du blé et des engrais sont réorganisés vers l’Asie, la Chine, l’Inde, l’Iran, les Emirats et l’Arabie saoudite (à cause de l’OPEP+ et des facilités bancaires). On fait de même pour les circuits d’importation. Les importations parallèles se mettent en place pour approvisionner l’industrie en pièces détachées, en supraconducteurs et en puces, et la population en appareils ménagers, en vêtements, en produits de luxe, en ameublement et autres biens de consommation courante que l’économie russe ne sait pas produire en grandes quantités.</p> <p>L’exemple de la Biélorussie, coutumière des sanctions et qui a malgré tout enregistré la meilleure performance européenne dans sa gestion du Covid grâce à son système de soins et à ses ressources pharmaceutiques, montre que l’industrie russe est parfaitement capable de relever ce défi à condition de réorienter les investissements vers la reconversion industrielle et de cesser de se reposer paresseusement sur la rente pétrolière et gazière.</p> <p>Les succès spectaculaires enregistrés par l’agriculture, l’industrie agro-alimentaire, le secteur aérospatial et les industries d’armement à la suite des sanctions prises contre elles en 2014 militent aussi dans ce sens. Cette reconversion prendra quelques années et les experts s’attendent à deux ou trois ans de contraction et de vaches maigres avant que la croissance reparte à la hausse. Pas de quoi paniquer, surtout que l’on pourra compter sur des ressources énergétiques inépuisables et très bon marché, contrairement à l’Europe qui devra payer au prix fort ses importations d’énergie.</p> <h3><strong>Un sentiment d’humiliation</strong></h3> <p>Qu’en est-il de l’état d’esprit de la population? Comment s’adapte-t-elle à cette nouvelle donne? Pour résumer en une phrase, je dirais qu’elle fait contre mauvaise fortune bon cœur. Il faut savoir que la plupart des Russes ont très mal vécu les mesures prises contre la culture russe et contre eux-mêmes en Occident. Ils se sont sentis profondément humiliés par la censure des artistes, des musiciens, des sportifs et des scientifiques, par l’annulation des colloques académiques, la cessation brutale des échanges en dépit des liens personnels développés depuis longtemps, la réécriture de l’histoire concernant la contribution russe dans la victoire contre le nazisme, la culture d’annulation et même de destruction de monuments entreprise non seulement en Ukraine mais dans les pays baltes et en Pologne. Quand on a compté 26 millions de morts dans la lutte contre le nazisme, il est intolérable d’apprendre que c’est le débarquement en Normandie (50’000 morts) qui a été l’événement majeur de la Seconde guerre mondiale.</p> <p>Cet ostracisme et ces injustices ont laissé des traces amères dans la mémoire vive des Russes, que la fermeture des frontières et l’interdiction de facto de voyager en Occident suite à la suppression des vols directs ont encore aggravées. Ils peuvent comprendre que l’Europe critique l’intervention armée en Ukraine, mais ne voient pas pourquoi l’Europe qui se prétend civilisée s’en prend à Tchaikowski, à Tchekov, à des chefs d’orchestre et à la population en général, dans un mouvement de bannissement inédit dans l’histoire. De même, la censure de l’ensemble des médias russes dans un espace européen qui se targue de défendre ses «valeurs» démocratiques en Ukraine passe pour de la duplicité.</p> <h3><strong>Faire le deuil de l’Europe</strong></h3> <p>Chez nous, tout cela semble relever de détails, que nous nous sommes d’ailleurs empressés d’oublier. Mais pas pour les Russes qui s’étaient enfin sentis membres de la grande famille européenne depuis la chute du Rideau de fer. Ce rejet de la Russie et des Russes, en tant qu’êtres humains, depuis février dernier est douloureusement vécu. Le pays, notamment dans les villes, est en train d’apprendre dans la douleur qu’il doit faire le deuil de l’Europe parce que celle-ci en a décidé ainsi au terme d’une guerre, certes malheureuse et regrettable, mais qui n’a pourtant rien à voir avec l’ampleur des ravages suscités par les agressions armées de l’Occident en Afghanistan et en Irak, en Syrie, en Libye, au Yémen ou encore dans l’est du Congo (6 millions de victimes totalement ignorées par les médias occidentaux). Cette hypocrisie est très mal ressentie.</p> <p>Les premières failles étaient apparues à la conférence de Munich en 2007 et lors de la guerre imprudemment déclenchée par Saakhachvili en Géorgie en 2008, puis en 2014, avec le putsch de Maidan qui a renversé le président démocratiquement élu Yanoukovitch, la mise à ban des russophones du Donbass et la vague de sanctions prises en réponse à l’annexion de la Crimée. Mais ces divergences étaient restées d’ordre politique et géopolitique et ne s’étaient pas encore transformées en guerre culturelle, humaine, civilisationnelle. Désormais la coupure est nette, profonde, radicale.</p> <p>Jusqu’ici les élites dirigeantes russes avaient joué sur les deux tableaux, empruntant à l’Occident les principes du capitalisme néolibéral, son culte du progrès matériel et ses institutions démocratiques, tout en cultivant l’idée d’une Russie indépendante, souveraine et libre de développer ses valeurs propres ̶ inspirées de la tradition conservatrice ̶ et de choisir ses partenaires. La guerre a rendu cette double voie obsolète. Elle oblige à faire des choix clairs.</p> <p>Du point de vue russe, l’engagement croissant de l’OTAN derrière l’Ukraine et les propos de l’ancien président ukrainien Porochenko et de l’ancienne chancelière Angela Merkel, confirmés par François Hollande, sur le fait que ni l’Ukraine ni l’OTAN n’avaient l’intention de respecter les accords de Minsk et que ceux-ci n’étaient qu’un stratagème destiné à donner du temps à l’Ukraine pour se réarmer, ont rendu toute perspective de négociation aléatoire puisqu’il est devenu évident que ni la parole donnée ni les traités signés par les Occidentaux n’avaient de quelconque valeur.</p> <h3><strong>Le fossé se creuse avec l’Occident</strong></h3> <p>D’autre part, le fossé idéologique entre l’Europe et la Russie s’est creusé au point de devenir presque infranchissable. Les Russes, comme le reste du monde arabo-musulman, asiatique et africain, comprennent de moins en moins l’évolution sociétale occidentale. Le libéralisme prôné par l’Occident parait de plus en plus comme un subterfuge destiné à masquer ses ingérences permanentes dans les affaires des autres. Les dérives identitaires basées sur le sexe et le genre, l’antiracisme poussé jusqu’au racialisme, la dictature de minorités de plus en plus minces et extrémistes sur la majorité, le révisionnisme historique imposé par la «cancel culture», la multiplication des sexes préconisée dès le plus jeune âge, le wokisme et le rejet de la culture humaniste traditionnelle, tout cela est de plus en plus étranger à la culture russe et du Sud global en général.</p> <p>Le changement de ton des discours de Poutine depuis l’été dernier est d’ailleurs très significatif à cet égard. Pour la première fois, le président russe a fait des allusions directes aux valeurs traditionnelles, critiquant la mode occidentale des changements de sexe, des mères porteuses, du parent 1 et parent 2 pour désigner le père et la mère, militant pour un retour aux valeurs humanistes traditionnelles face aux tentations transhumanistes en vogue chez nous, et plaidant pour un monde multipolaire dans lequel chaque pays et chaque culture auraient des droits égaux à préserver leurs valeurs sans craindre d’être bombardés ou envahis parce que leurs choix déplairaient à l’Occident.</p> <p>Pour une majorité de Russes, cette séparation est vécue comme un drame car elle met fin à leur rêve d’être reconnus comme des Européens à part entière. Ils font le deuil de l’Europe dans la douleur mais sont résignés à en porter le fardeau quel qu’en soit le poids.</p> <hr /> <p> </p> <p><iframe frameborder="0" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/UYjKDk9WZ4M" title="YouTube video player" width="560"></iframe></p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'la-russie-est-en-train-de-faire-le-deuil-de-l-europe', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 532, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 5708, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Edition) {} ], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 4 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 5 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 4 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 5 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 6 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 7 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 8 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 9 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 10 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 11 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 12 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 13 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 14 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 15 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 16 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4903, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Accords de Genève de 1954: quand la diplomatie suisse brillait ', 'subtitle' => 'C'est par une bise glaciale que s'ouvrit, le 26 avril 1954, la plus importante conférence de paix que la Suisse ait connue dans son histoire. 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Dix jours après l'ouverture des négociations, la débâcle de Dien Bien Phu, le 7 mai 1954, devait d'ailleurs la convaincre d'abandonner la partie.</p> <p>C'est ainsi que, pendant trois mois, le Conseiller fédéral Max Petitpierre et le Conseil fédéral purent recevoir sans discontinuer le gratin des ministres et Premiers ministres des nations parmi les plus puissantes du monde: John Foster Dulles puis Walter Bedell Smith, Anthony Eden, Georges Bidault, Pierre Mendès France, Viatcheslav Molotov – qui se rendra même à Berne à la plus grande satisfaction des autorités et des médias suisses de l'époque – Chou en Lai, dont c'était la première visite en Europe, le délégué indien Krishna Menon, lui aussi encore inconnu, et enfin le premier ministre nord-vietnamien Pham Van Dong et l'empereur d'Annam Bao Dai, pour ne citer que les plus connus. </p> <p>On s'aperçut dès les deux premières semaines que les négociations sur la Corée n'aboutiraient pas. Les délégations coréennes ne cessaient de s'invectiver tandis que les Occidentaux menés par les Américains aussi bien que le camp communiste sous le leadership soviétique et chinois se montraient inflexibles. Les choses se présentaient beaucoup mieux pour l'Indochine, grâce à la défaire militaire française et à l'arrivée au pouvoir de Mendès France, fermement décidé à sortir du bourbier indochinois. Après deux mois d'âpres négociations, le 21 juillet, on parvint finalement à signer un accord de paix, qui est resté dans l'histoire sous le nom d'Accords de Genève. 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Les Vietnamiens du Nord et Sud avaient obtenu leur Etat, les Français s'étaient débarrassés de l'Indochine alors que l'Algérie était prête à s'enflammer, les Soviétiques avaient réussi à calmer le jeu et à se donner une aura pacifiste, les Chinois et les Indiens étaient ravis d'avoir été reconnus sur la scène internationale, de même que le tiers monde, à qui la défaite d'une grande puissance coloniale convenait fort bien, tandis que les Suisses étaient enchantés d'avoir enfin pu faire reconnaitre les mérites de la neutralité (contestée par l'Union soviétique après 1945) et leurs talents pour les bons offices. De plus, en quelques semaines, la Suisse avait pu se constituer un réseau diplomatique de premier ordre dans tous les camps, aussi bien à l'Ouest qu'à l'Est, et avait réussi à réinstaller Genève comme capitale multilatérale.</p> <p>Contrairement à ce qu'on peut penser, ce succès n'a pas été de soi et a exigé beaucoup d'opiniâtreté et de doigté. Il tient pour une bonne part à l'esprit du temps – la conviction que la neutralité était un instrument utile – et à l'adresse et à la fermeté de conviction d'un homme, Max Petitpierre, qui ne se laissa pas démonter lorsqu'on l'accusa de pactiser avec l'ennemi communiste. D'abord, la Suisse avait su rester neutre pendant la guerre de Corée, ce qui fut bien reçu par l'URSS et la Chine. Elle n'avait pas non plus adhéré à l'OTAN. Elle avait rapidement reconnu le gouvernement de Mao à Pékin. Et elle avait su démontrer que sa neutralité était utile aux Occidentaux qui avaient besoin d'un Etat neutre pour surveiller la ligne de démarcation en Corée. 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Cette réécriture de l'histoire et cette guerre mémorielle n'ont pas échappé aux gens du Donbass, qui, fidèles à leur devise «Ne jamais oublier, ne jamais pardonner», réagissent en redoublant de foi commémorative et de monuments aux héros tombés sur le champ d'honneur.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1713950996_capturedcran2024042411.28.54.png" class="img-responsive img-fluid center " width="529" height="716" /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>«Ne jamais oublier, ne jamais pardonner». Monument commémorant le massacre de la communauté juive de Lugansk. © G.M.</em></h4> <p>Le mémorial le plus troublant est sans doute celui du Puits de Mine 4/4 Bis à Donetsk. Je n'en avais jamais entendu parler et vous non plus je présume. Il ne figure dans aucun de nos livres d'histoire et il est introuvable sur Wikipedia. Or on estime que 75'000 à 102'000 personnes y ont été massacrées entre fin 1941 et 1943, soit deux fois à trois fois plus qu'à Babi Yar. L'ensemble de la communauté juive de la ville (appelée Stalino à l'époque) a été jetée dans cette fosse, ainsi que des dizaines de milliers de civils. Ce mémorial, ignoré par le gouvernement de Kiev après 1991 parce qu'il dérangeait le récit officiel et ne concernait que les russophones de l'est du pays, est en voie de réhabilitation depuis l'an dernier. Il suffit de se rendre sur ce site pour comprendre pourquoi les habitants du Donbass se sont soulevés en avril 2014 lorsque le régime issu de Maidan a voulu bannir leur langue et a envoyé les héritiers de leurs bourreaux pour les réprimer. </p> <p>On peut détruire les monuments mais pas le souvenir.</p> <p>A 70 kilomètres de Donetsk, dans la province de Horlivka, le monumental cénotaphe de Savur-Mohila est un autre témoignage des batailles du dernier siècle, érigé au sommet de la colline la plus haute du Donbass, sur l'emplacement de l'un des grands chocs de la Seconde guerre mondiale, qui eut lieu en juillet-août 1943, en même temps que la fameuse bataille de chars de Koursk qui devait briser la Wehrmacht. Une allée d'escaliers avec une immense flèche y avait été édifiée en 1963. 70 ans plus tard, en août 2014, la colline a fait l'objet d'une âpre bataille de position entre séparatistes et soldats kiéviens, avant d'être définitivement reprise par les républicains de Donetsk emmenés par leur prestigieux chef Alexandre Zakhartchenko. Les combats l'avaient saccagée. Après 2022, Poutine l'a fait reconstruire pour commémorer les deux guerres, la Grande Guerre patriotique de 1941-1945 et celle de la libération du Donbass de 2014-2022. De chaque côté de l'allée, de grandes stèles sculptées célèbrent les héros morts pour la liberté du Donbass entre 1941 et 2022.</p> <p>Mais c'est sans doute à Lougansk que ce choc mémoriel est le plus intense. J'y suis accueilli par Anna Soroka, historienne et combattante dans les régiments de la République dès 2014. Le premier monument commémore les 67 enfants tués par les miliciens ukrainiens des bataillons néonazis Kraken et Aïdar qui ont tenté de prendre la ville en 2014 et l'ont bombardée jusqu'en 2022. Il a été construit au milieu d'un parc qui sert de jardin d'enfants. Plusieurs gosses y ont été tués par un bombardement ciblé des Ukrainiens, les bâtiments avoisinants n'ayant pas été touchés. </p> <p>Les enfants sont en effet l'objet d'une guerre de l'information sans merci dans les deux camps. Les Ukrainiens ont déposé plainte pour crime de guerre contre les Russes et la Cour pénale internationale a inculpé Vladimir Poutine et la responsable russe de l'enfance pour kidnapping d'enfants ukrainiens. La propagande occidentale reprend en boucle ces accusations, au cinéma – le documentaire <em>ad hoc</em> vient de recevoir un Oscar – et dans les médias. Lesquels oublient naturellement de répercuter le point de vue des habitants du Donbass, pour lesquels ce sont les Ukrainiens qui prennent les enfants en otage. Il existe en effet en Ukraine une organisation de volontaires, appelés les Anges Blancs, calquée sur le modèle des fameux Casques Blancs syriens qui, on s'en souvient, étaient loin d'être des secouristes neutres et agissaient en fait pour le compte des groupes djihadistes. </p> <p>Ces détachements d'Anges Blancs (White Angels) ont été formés dès février 2022 par un certain Rustam Lukomsky. La presse anglo-saxonne les a mentionnés à quelques reprises. Pour ceux du Donbass, leur but consiste à forcer les parents des zones du front à se séparer de leurs enfants sous prétexte de les protéger. Les enfants sont donc isolés de leurs parents et «mis en sécurité» à l'arrière, où ils sont dès lors utilisés comme moyens de chantage contre leurs familles. Celles-ci se trouvent déchirées entre deux choix aussi insupportables l'un que l'autre: soit elles abandonnent leurs foyers pour rejoindre leurs enfants, soit elles y restent en se voyant forcées de collaborer avec l'armée ukrainienne qui les invite à dénoncer ou à saboter les mouvements de l'armée russe. On imagine la détresse des parents confrontés à un tel chantage. Des témoignages, comme ceux d'Olga V. Zubtsova de Bakhmut et d'Igor Litvinov d'Avdievka, confirment cette version des choses. Enfin, d'innombrables rumeurs circulent sur les réseaux sociaux, qui accusent ces prétendus Anges Blancs d'alimenter les réseaux de pédo-criminalité et le trafic d'enfants. Mais cela reste à prouver.</p> <p>Le deuxième monument se trouve dans un bois à la sortie de Lugansk. Comme le Puits de mine No 4 de Donetsk, il commémore le lieu du massacre de la communauté juive de Lugansk (environ 3'000 femmes et enfants essentiellement juifs) et de 8'000 adultes de diverses confessions pendant l'occupation nazie. «On ne peut pas comprendre pourquoi, aujourd'hui, Kiev honore les descendants de ceux qui ont tué tant des nôtres pendant la Deuxième Guerre mondiale», dit Anna Soroka. Abandonné aux ronces depuis 1991, le site a fait l'objet d'une restauration récente. 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Le 5 mai 2014, Ivan a été sorti de sa maison et exécuté pour l'exemple d'une balle dans la tête par les milices, parce que son fils s'était engagé auprès des républicains. Ses voisins avaient d'abord dû l'inhumer dans son jardin. Le site se trouve sur les lieux mêmes de la bataille et rend hommage aux 397 «victimes de l'agression ukrainienne» de cet été-là, ouvriers, creuseurs de tranchées, instituteurs, écoliers, médecins, infirmières, patients frappés par le bombardement de leur école et de leur hôpital (169 morts).</p> <p>En revenant en ville, nous passons devant le grand monument aux soldats soviétiques qui ont libéré la ville en 1943 et devant un char ukrainien décoré de fleurs posé sur un socle de béton en bordure de l'autoroute: les habitants du quartier l'ont posé là pour rappeler que ce char avait bombardé leurs maisons il y a dix ans. En contrebas, un champ toujours jonché de mines est fortement déconseillé aux promeneurs.</p> <p>Le dernier monument de ce tour de ville funèbre est sans doute le plus emblématique du destin tragique du Donbass durant ces dernières cent années. Il s'agit du mémorial de Hostra Mohyla posé sur une petite colline au sud-est de la ville. Plusieurs monuments de facture diverse y rappellent le souvenir des diverses communautés rayées de la carte au fil des décennies. Mais le plus grand, qui coiffe le sommet du complexe, donne la clé de la psychologie des habitants de la région. 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Il ne parlait pas un mot d'anglais et, sans faire de cas de mon russe misérable, il avait invité toute notre délégation à la noce. J'avais fait un petit discours de circonstance en l'honneur de la mariée et de ses parents. Depuis lors, Umar Ikromovitch est devenu un ami pour la vie, que ni la distance ni la fracture linguistique ne sauraient séparer. Une ou deux fois par an, aux fêtes importantes, il m'envoie des messages Telegram. En février, surprise, il me propose de me joindre à lui pour visiter ses réalisations dans le Donbass, dans lequel il n'était encore jamais allé. Umar emploie en effet quelques centaines d'ouvriers dans la région de Moscou et quelques dizaines dans la reconstruction du Donbass.</p> <p>Le 3 avril à trois heures du matin, il m'attendait donc avec Nikita, un de ses amis du ministère de la Défense, à la sortie de l'aéroport de Vnukovo, à Moscou, pour m'embarquer dans le Donbass. Nikita avait préparé le programme et fourni les autorisations nécessaires ainsi qu'un chauffeur aguerri, Volodia. Pendant dix heures d'affilée, avec une courte pause-café dans une station-service qui venait d'ouvrir, nous avons descendu à tombeau ouvert les 1'060 kilomètres de l'autoroute Prigogine qui relie Moscou à Rostov-sur-le-Don, celle-là même que le chef défunt de Wagner avait voulu remonter avec ses chars en juillet dernier.</p> <p>Rien n'est plus simple qu'une autoroute russe. C'est toujours tout droit, il n'y a pas un virage jusqu'à Rostov. Et comme celle-ci est impeccable, à part cinquante kilomètres de travaux peu avant Rostov, le trajet fut rapide et indolore, nous permettant de passer en quelques heures des dernières neiges moscovites aux douceurs du printemps de la mer d'Azov. 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Après Taganrog, la route longe la mer d'Azov et est encombrée par les convois de camions qui vont et viennent du Donbass. Elle est en plein travaux d'élargissement. Les véhicules militaires arborent un V ou un Z bien visibles. Checkpoints et contrôles divers se succèdent avant et après la frontière de la République de Donetsk. Sur les bas-côtés, de longues colonnes attendent la fouille. Grâce à nos laissez-passer, nous voici bientôt en territoire ex-ukrainien. Evgueni, un Russe de Vladivostok engagé volontaire auprès de la République de Donetsk, prend le relais. Il nous servira de guide et d'interprète tout au long de notre séjour. </p> <p>Peu avant midi, nous atteignons les faubourgs de Marioupol et entrons sur le territoire d'Azovstal, totalement dévasté. L'usine n'est plus que cheminées rouillées, entrelacs de tuyaux éventrés et de ferrailles tordues. Une vision d'apocalypse qui évoque immédiatement Stalingrad, l'usine de tracteurs, Vassili Grossmann et le <em>Voyage en Russie</em> de Steinbeck et Capa. Aucune des maisons et des immeubles d'habitation alentour n'a survécu. </p> <p>Le centre-ville a en revanche beaucoup mieux résisté, avec un taux de destruction qu'on peut estimer à cinquante pourcents à première vue. Il est en pleine rénovation. Sur la place centrale, la reconstruction du fameux théâtre – bombardé ou dynamité on ne sait trop – doit être achevée à la fin de l'année. Umar est content: les enfants et les jeunes mères se sont déjà emparés du parc et du terrain de jeux que son entreprise vient d'achever. Les lignes de bus, offerts par la ville de Saint-Pétersbourg, ont été rétablies. Les terrasses de café ont rouvert.</p> <p>Puis nous repartons pour l'ouest de la ville, qui offre un paysage très différent. Tout y est neuf. 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En bordure de mer, une nouvelle académie de la marine accueillera sa première volée de cadets à la rentrée de septembre. Salles de cours, internat, salles de sports, salles d'entrainement, quatre immeubles de verre et d'acier rutilants sont sortis de terre en dix mois. Prévus pour 560 élèves en uniforme de 11 à 17 ans, ils accueilleront principalement des orphelins des deux guerres du Donbass, celle de 2014-2022 et celle de 2022-2024, me dit-on. Six jours d'enseignement par semaine à raison de huit à dix heures par jour, on n'aura guère le temps de s'y ennuyer. A la fin du cursus, les élèves pourront soit parfaire leur formation dans la marine soit entrer dans une université civile.</p> <p>La seconde école est plus classique mais encore plus spectaculaire. C'est un collège expérimental comme on n'en encore jamais vu en Russie (ni en Suisse à ma connaissance). Le design, remarquable, est très étudié. 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Mais avec des produits garantis naturels, sans additifs et issus de la vaste steppe, cette contrainte est vite oubliée.</p> <p>A une journée de voiture et 800 kilomètres de là, Tachkent, capitale de l'Ouzbékistan, mène en deux heures de route à la station toute neuve d'Amirsoy, la plus récente de la région. Construite de zéro, la station a été inaugurée en décembre 2019 et offre une vingtaine de kilomètres de pistes entre 1'600 et 2'300 mètres d'altitude, dans un décor semi-désertique. C'est encore plus exotique que Shymbulak. 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Bien sûr que les dirigeants européens sont des corrompus (presque tous) qui ne pensent qu’à sauvegarder leurs intérêts. Mais je suis sûr que la corruption gangrène également Poutine et son entourage. J’estime pour ma part que si l’Europe avait vraiment usé de ses talents de diplomate afin de trouver une solution à cette guerre, la situation serait tout autre. Envoyer Macron pour négocier avec Poutine a été d’une maladresse insoutenable. Lorsque Poutine aura débarrassé le plancher, de nouveaux accords seront conclus avec notre voisin et nous aurons ainsi l’occasion de retrouver des matières premières à leur juste prix et nous aurons également l’occasion de diminuer fortement notre dépendance aux Etats-Unis. 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La première chose qui frappe les visiteurs étrangers, devenus rares depuis le 24 février 2022 et donc très courtisés par des Russes avides de savoir ce qu’on pense d’eux en Occident, est la quasi normalité de la vie quotidienne. A lire et à écouter nos médias, on a l’impression que les Russes vivent en état de siège et qu’ils passent leur temps à tenter de survivre à nos impitoyables sanctions économiques, à digérer leurs défaites militaires et à enterrer les innombrables morts que leur infligeraient les Ukrainiens victorieux. Il n’en est rien.
Dans les grandes villes, les rues regorgent de lumières et de décorations de Noël, les patinoires et les marchés de plein air sont pris d’assaut malgré le froid et la neige, les avenues sont toujours aussi encombrées de colonnes de 4X4 qui cherchent à se frayer un chemin dans les bouchons. Une atmosphère qui tranche avec les airs de Blitz de nos villes sans décorations, aux vitrines ternes et privées d’éclairage public par le couvre-feu imposé par la pénurie d’énergie.
Cette normalité de la vie quotidienne est confirmée par les statistiques économiques qui montrent que le recul du PNB russe se limitera à 2,5-3% pour l’année 2022, soit moins que la perte enregistrée en 2020, lors de la première année de la crise du Covid. C’est à peine si, çà et là, on remarque des boutiques fermées, essentiellement des marques de luxe, et des affiches appelant à soutenir les soldats combattant en Ukraine, seul rappel qu’une guerre est en cours sur l’une des immenses frontières du pays.
Un conflit qui dure
Cette normalité n’est-elle qu’apparente? Cache-t-elle un désarroi profond de la population, une sourde hostilité au «régime», une peur de s’exprimer, comme on le suggère si souvent chez nous? Je n’en ai pas eu le sentiment non plus. Au contraire, j’ai eu l’impression que les Russes avaient pris conscience que le conflit en Ukraine s’installait dans la durée et que, de bonne ou mauvaise grâce, ils allaient devoir vivre avec pendant longtemps.
Comme tout le monde, dans un premier temps, les Russes ont été surpris et sidérés par «l’opération militaire spéciale» en Ukraine, en particulier dans les très nombreuses familles ̶ on parle de dizaines de millions de personnes ̶ que ce conflit isolait ou coupait en deux parce qu’elles ont des attaches en Ukraine. Puis, le premier instant de stupeur passé, on a pensé que les combats trainaient en longueur mais ne s’éterniseraient pas. Les premiers revers, fin août, et surtout la mobilisation partielle de septembre ont douché ces espoirs. Plusieurs centaines de milliers de mobilisables se sont enfuis à l’étranger ̶ on estime leur nombre à 300/400’000 personnes en tenant compte des retours progressifs, soit 0,3% de la population ̶ tandis que l’inquiétude devenait palpable. Trois mois plus tard, celle-ci n’a pas disparu mais a beaucoup régressé.
Sont-ils dupes de la propagande? Je ne le crois pas non plus. Comme me le confiait une amie active dans la culture: «Depuis l’ère soviétique, les Russes savent d’instinct décoder la propagande d’Etat et faire la part des choses. Ils n’y font même pas attention. Tandis que vous, à l’Ouest, vous faites tellement confiance à vos dirigeants et à vos institutions que n’êtes même pas conscients de leur propagande.» A méditer!
Mobilisation pour les soldats
Dans tous les cas, la cote de Vladimir Poutine n’a pas varié depuis fin février et demeure très élevée, à environ 70% d’opinions favorables, celles-ci étant d’autant plus positives qu’on s’éloigne des trois plus grandes villes, Moscou, Saint-Pétersbourg et Iekaterinbourg. Quant au soutien aux soldats sur le front, sinon à l’armée, il s’est même accru. Les Russes ne sont pas dupes des incompétences de certains commandants opérationnels, comme on vient de le voir dans la tragédie de Mareevka la nuit du Nouvel An, ni de la gabegie logistique qui ont marqué les premières semaines de guerre et ils n’ont pas ménagé leurs critiques en privé. Ils savent qu’ils doivent d’abord compter sur eux-mêmes et ne rien attendre de l’Etat.
Dans tous les cas, les mauvaises nouvelles n’ont pas altéré leur soutien à l’opération militaire et ils sont désormais derrière leurs soldats, quitte à court-circuiter les hiérarchies. Il est remarquable de constater que, du fin fond des villages sibériens, des centaines de civils se mobilisent pour organiser des convois et apporter des vivres, du chocolat, des habits chauds, des colis aux soldats qui se battent contre les forces de l’OTAN en Ukraine. De même, à l’inverse des conscrits urbains réticents, le nombre d’engagés volontaires n’a pas faibli.
Une guerre contre l’Occident
Depuis l’automne, la majorité des Russes est en train de comprendre que leur pays ne se bat pas seulement contre les nationalistes ukrainiens mais contre l’Occident tout entier regroupé sous la bannière de l’OTAN, et qu’il s’agit d’un combat vital, existentiel et de longue haleine pour la survie de leur mode de vie et de leur culture, même si celui-ci a été engagé à leur corps défendant. Cette prise de conscience que la guerre et les hostilités allaient durer a d’abord été le fait de l’armée, que les difficultés rencontrées sur le terrain ont obligée à se restructurer en profondeur. La stratégie a été complètement revue. On est passé du mode offensif improvisé au mode défensif organisé, sur des lignes de défense plus sûres, avec un commandement unifié et intégré, sous les ordres d’un général expérimenté, Serguei Sourovikine, et avec l’objectif d’épargner au maximum les ressources humaines et les équipements. A la retraite désordonnée de la région de Kharkov a succédé le retrait ordonné et réussi des troupes et du matériel de la région de Kherson. On a investi dans les drones et les petites unités mobiles.
Les lignes logistiques ont été revues et les divisions de réserve réorganisées de façon à pouvoir réagir aux urgences. Le gros de l’armée se retranche et délègue ses capacités offensives aux forces de Wagner, aux pilotes de drones et aux lanceurs de missiles contre des cibles névralgiques ukrainiennes, en riposte aux attaques ukrainiennes contre les objectifs civils russes ̶ sabotage du gazoduc Nordstream, attentat contre le pont de Crimée, bombardements d’hôpitaux, d’écoles et de supermarchés dans le Donbass, avec des civils tués tous les jours mais jamais rapportés dans nos médias.
La Russie a pris acte de la stratégie de l’OTAN et des Etats-Unis exprimée par le chef du Pentagone Lloyd Austin le printemps dernier, à savoir l’affaiblissement du pays jusqu’à ce qu’il ne puisse plus se relever, et cherche à la retourner en sa faveur. En se concentrant et en ménageant ses troupes, elle laisse les Ukrainiens et les mercenaires de l’OTAN épuiser leurs forces et leur matériel jusqu’à ce qu’ils se fatiguent. Plus que sur le Général Hiver, ce sont sur les Généraux Temps et Espace que mise désormais l’armée russe. Comme Souvorov et Bagration en leur temps, elle a appris à ses dépens que patience valait mieux que force et que rage si l’on voulait vaincre dans la durée.
Sur le front économique
Les milieux économiques ont eux aussi très rapidement pris conscience que l’ensemble des circuits de production et d’échanges devait être revu de fond en comble après la fermeture des frontières imposée par le partenaire naturel européen. On a beaucoup glosé en Europe sur les oligarques et leur supposée opposition à Poutine. En se trompant complètement. Les oligarques, même s’ils ont déploré le déclenchement des hostilités, ont rapidement compris que la séquestration de leurs biens et de leurs avoirs bancaires en Europe et aux Etats-Unis ̶ yachts, résidences de luxe, suites à Courchevel et à Saint-Moritz ̶ et les sanctions personnelles prises contre eux en faisaient des parias pour l’Occident et qu’ils seraient condamnés à tout perdre au cas où il leur prendrait la fantaisie de faire défection.
Les sanctions et l’exclusion de la Russie du système de paiement SWIFT et des relations bancaires occidentales ont même eu un effet positif pour l’économie russe puisque, pour la première fois, elles ont coupé court à l’évasion des capitaux ̶ environ 100 milliards de dollars par an ̶ qui saignait l’économie depuis trente ans. Désormais, il faudra y réfléchir à deux fois avant de déposer son argent dans une banque suisse, européenne ou américaine.
Depuis quelques mois, l’économie russe cherche donc à s’adapter aux nouvelles circonstances. Les circuits de distribution du pétrole, du gaz, des minerais, du blé et des engrais sont réorganisés vers l’Asie, la Chine, l’Inde, l’Iran, les Emirats et l’Arabie saoudite (à cause de l’OPEP+ et des facilités bancaires). On fait de même pour les circuits d’importation. Les importations parallèles se mettent en place pour approvisionner l’industrie en pièces détachées, en supraconducteurs et en puces, et la population en appareils ménagers, en vêtements, en produits de luxe, en ameublement et autres biens de consommation courante que l’économie russe ne sait pas produire en grandes quantités.
L’exemple de la Biélorussie, coutumière des sanctions et qui a malgré tout enregistré la meilleure performance européenne dans sa gestion du Covid grâce à son système de soins et à ses ressources pharmaceutiques, montre que l’industrie russe est parfaitement capable de relever ce défi à condition de réorienter les investissements vers la reconversion industrielle et de cesser de se reposer paresseusement sur la rente pétrolière et gazière.
Les succès spectaculaires enregistrés par l’agriculture, l’industrie agro-alimentaire, le secteur aérospatial et les industries d’armement à la suite des sanctions prises contre elles en 2014 militent aussi dans ce sens. Cette reconversion prendra quelques années et les experts s’attendent à deux ou trois ans de contraction et de vaches maigres avant que la croissance reparte à la hausse. Pas de quoi paniquer, surtout que l’on pourra compter sur des ressources énergétiques inépuisables et très bon marché, contrairement à l’Europe qui devra payer au prix fort ses importations d’énergie.
Un sentiment d’humiliation
Qu’en est-il de l’état d’esprit de la population? Comment s’adapte-t-elle à cette nouvelle donne? Pour résumer en une phrase, je dirais qu’elle fait contre mauvaise fortune bon cœur. Il faut savoir que la plupart des Russes ont très mal vécu les mesures prises contre la culture russe et contre eux-mêmes en Occident. Ils se sont sentis profondément humiliés par la censure des artistes, des musiciens, des sportifs et des scientifiques, par l’annulation des colloques académiques, la cessation brutale des échanges en dépit des liens personnels développés depuis longtemps, la réécriture de l’histoire concernant la contribution russe dans la victoire contre le nazisme, la culture d’annulation et même de destruction de monuments entreprise non seulement en Ukraine mais dans les pays baltes et en Pologne. Quand on a compté 26 millions de morts dans la lutte contre le nazisme, il est intolérable d’apprendre que c’est le débarquement en Normandie (50’000 morts) qui a été l’événement majeur de la Seconde guerre mondiale.
Cet ostracisme et ces injustices ont laissé des traces amères dans la mémoire vive des Russes, que la fermeture des frontières et l’interdiction de facto de voyager en Occident suite à la suppression des vols directs ont encore aggravées. Ils peuvent comprendre que l’Europe critique l’intervention armée en Ukraine, mais ne voient pas pourquoi l’Europe qui se prétend civilisée s’en prend à Tchaikowski, à Tchekov, à des chefs d’orchestre et à la population en général, dans un mouvement de bannissement inédit dans l’histoire. De même, la censure de l’ensemble des médias russes dans un espace européen qui se targue de défendre ses «valeurs» démocratiques en Ukraine passe pour de la duplicité.
Faire le deuil de l’Europe
Chez nous, tout cela semble relever de détails, que nous nous sommes d’ailleurs empressés d’oublier. Mais pas pour les Russes qui s’étaient enfin sentis membres de la grande famille européenne depuis la chute du Rideau de fer. Ce rejet de la Russie et des Russes, en tant qu’êtres humains, depuis février dernier est douloureusement vécu. Le pays, notamment dans les villes, est en train d’apprendre dans la douleur qu’il doit faire le deuil de l’Europe parce que celle-ci en a décidé ainsi au terme d’une guerre, certes malheureuse et regrettable, mais qui n’a pourtant rien à voir avec l’ampleur des ravages suscités par les agressions armées de l’Occident en Afghanistan et en Irak, en Syrie, en Libye, au Yémen ou encore dans l’est du Congo (6 millions de victimes totalement ignorées par les médias occidentaux). Cette hypocrisie est très mal ressentie.
Les premières failles étaient apparues à la conférence de Munich en 2007 et lors de la guerre imprudemment déclenchée par Saakhachvili en Géorgie en 2008, puis en 2014, avec le putsch de Maidan qui a renversé le président démocratiquement élu Yanoukovitch, la mise à ban des russophones du Donbass et la vague de sanctions prises en réponse à l’annexion de la Crimée. Mais ces divergences étaient restées d’ordre politique et géopolitique et ne s’étaient pas encore transformées en guerre culturelle, humaine, civilisationnelle. Désormais la coupure est nette, profonde, radicale.
Jusqu’ici les élites dirigeantes russes avaient joué sur les deux tableaux, empruntant à l’Occident les principes du capitalisme néolibéral, son culte du progrès matériel et ses institutions démocratiques, tout en cultivant l’idée d’une Russie indépendante, souveraine et libre de développer ses valeurs propres ̶ inspirées de la tradition conservatrice ̶ et de choisir ses partenaires. La guerre a rendu cette double voie obsolète. Elle oblige à faire des choix clairs.
Du point de vue russe, l’engagement croissant de l’OTAN derrière l’Ukraine et les propos de l’ancien président ukrainien Porochenko et de l’ancienne chancelière Angela Merkel, confirmés par François Hollande, sur le fait que ni l’Ukraine ni l’OTAN n’avaient l’intention de respecter les accords de Minsk et que ceux-ci n’étaient qu’un stratagème destiné à donner du temps à l’Ukraine pour se réarmer, ont rendu toute perspective de négociation aléatoire puisqu’il est devenu évident que ni la parole donnée ni les traités signés par les Occidentaux n’avaient de quelconque valeur.
Le fossé se creuse avec l’Occident
D’autre part, le fossé idéologique entre l’Europe et la Russie s’est creusé au point de devenir presque infranchissable. Les Russes, comme le reste du monde arabo-musulman, asiatique et africain, comprennent de moins en moins l’évolution sociétale occidentale. Le libéralisme prôné par l’Occident parait de plus en plus comme un subterfuge destiné à masquer ses ingérences permanentes dans les affaires des autres. Les dérives identitaires basées sur le sexe et le genre, l’antiracisme poussé jusqu’au racialisme, la dictature de minorités de plus en plus minces et extrémistes sur la majorité, le révisionnisme historique imposé par la «cancel culture», la multiplication des sexes préconisée dès le plus jeune âge, le wokisme et le rejet de la culture humaniste traditionnelle, tout cela est de plus en plus étranger à la culture russe et du Sud global en général.
Le changement de ton des discours de Poutine depuis l’été dernier est d’ailleurs très significatif à cet égard. Pour la première fois, le président russe a fait des allusions directes aux valeurs traditionnelles, critiquant la mode occidentale des changements de sexe, des mères porteuses, du parent 1 et parent 2 pour désigner le père et la mère, militant pour un retour aux valeurs humanistes traditionnelles face aux tentations transhumanistes en vogue chez nous, et plaidant pour un monde multipolaire dans lequel chaque pays et chaque culture auraient des droits égaux à préserver leurs valeurs sans craindre d’être bombardés ou envahis parce que leurs choix déplairaient à l’Occident.
Pour une majorité de Russes, cette séparation est vécue comme un drame car elle met fin à leur rêve d’être reconnus comme des Européens à part entière. Ils font le deuil de l’Europe dans la douleur mais sont résignés à en porter le fardeau quel qu’en soit le poids.
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Il n’en est rien.</p> <p>Dans les grandes villes, les rues regorgent de lumières et de décorations de Noël, les patinoires et les marchés de plein air sont pris d’assaut malgré le froid et la neige, les avenues sont toujours aussi encombrées de colonnes de 4X4 qui cherchent à se frayer un chemin dans les bouchons. Une atmosphère qui tranche avec les airs de <em>Blitz </em>de nos villes sans décorations, aux vitrines ternes et privées d’éclairage public par le couvre-feu imposé par la pénurie d’énergie.</p> <p>Cette normalité de la vie quotidienne est confirmée par les statistiques économiques qui montrent que le recul du PNB russe se limitera à 2,5-3% pour l’année 2022, soit moins que la perte enregistrée en 2020, lors de la première année de la crise du Covid. C’est à peine si, çà et là, on remarque des boutiques fermées, essentiellement des marques de luxe, et des affiches appelant à soutenir les soldats combattant en Ukraine, seul rappel qu’une guerre est en cours sur l’une des immenses frontières du pays.</p> <h3><strong>Un conflit qui dure</strong></h3> <p>Cette normalité n’est-elle qu’apparente? Cache-t-elle un désarroi profond de la population, une sourde hostilité au «régime», une peur de s’exprimer, comme on le suggère si souvent chez nous? Je n’en ai pas eu le sentiment non plus. Au contraire, j’ai eu l’impression que les Russes avaient pris conscience que le conflit en Ukraine s’installait dans la durée et que, de bonne ou mauvaise grâce, ils allaient devoir vivre avec pendant longtemps.</p> <p>Comme tout le monde, dans un premier temps, les Russes ont été surpris et sidérés par «l’opération militaire spéciale» en Ukraine, en particulier dans les très nombreuses familles ̶ on parle de dizaines de millions de personnes ̶ que ce conflit isolait ou coupait en deux parce qu’elles ont des attaches en Ukraine. Puis, le premier instant de stupeur passé, on a pensé que les combats trainaient en longueur mais ne s’éterniseraient pas. Les premiers revers, fin août, et surtout la mobilisation partielle de septembre ont douché ces espoirs. Plusieurs centaines de milliers de mobilisables se sont enfuis à l’étranger ̶ on estime leur nombre à 300/400’000 personnes en tenant compte des retours progressifs, soit 0,3% de la population ̶ tandis que l’inquiétude devenait palpable. Trois mois plus tard, celle-ci n’a pas disparu mais a beaucoup régressé.</p> <p>Sont-ils dupes de la propagande? Je ne le crois pas non plus. Comme me le confiait une amie active dans la culture: «Depuis l’ère soviétique, les Russes savent d’instinct décoder la propagande d’Etat et faire la part des choses. Ils n’y font même pas attention. Tandis que vous, à l’Ouest, vous faites tellement confiance à vos dirigeants et à vos institutions que n’êtes même pas conscients de leur propagande.» A méditer!</p> <h3><strong>Mobilisation pour les soldats</strong></h3> <p>Dans tous les cas, la cote de Vladimir Poutine n’a pas varié depuis fin février et demeure très élevée, à environ 70% d’opinions favorables, celles-ci étant d’autant plus positives qu’on s’éloigne des trois plus grandes villes, Moscou, Saint-Pétersbourg et Iekaterinbourg. Quant au soutien aux soldats sur le front, sinon à l’armée, il s’est même accru. Les Russes ne sont pas dupes des incompétences de certains commandants opérationnels, comme on vient de le voir dans la tragédie de Mareevka la nuit du Nouvel An, ni de la gabegie logistique qui ont marqué les premières semaines de guerre et ils n’ont pas ménagé leurs critiques en privé. Ils savent qu’ils doivent d’abord compter sur eux-mêmes et ne rien attendre de l’Etat.</p> <p>Dans tous les cas, les mauvaises nouvelles n’ont pas altéré leur soutien à l’opération militaire et ils sont désormais derrière leurs soldats, quitte à court-circuiter les hiérarchies. Il est remarquable de constater que, du fin fond des villages sibériens, des centaines de civils se mobilisent pour organiser des convois et apporter des vivres, du chocolat, des habits chauds, des colis aux soldats qui se battent contre les forces de l’OTAN en Ukraine. De même, à l’inverse des conscrits urbains réticents, le nombre d’engagés volontaires n’a pas faibli.</p> <h3><strong>Une guerre contre l’Occident</strong></h3> <p>Depuis l’automne, la majorité des Russes est en train de comprendre que leur pays ne se bat pas seulement contre les nationalistes ukrainiens mais contre l’Occident tout entier regroupé sous la bannière de l’OTAN, et qu’il s’agit d’un combat vital, existentiel et de longue haleine pour la survie de leur mode de vie et de leur culture, même si celui-ci a été engagé à leur corps défendant. Cette prise de conscience que la guerre et les hostilités allaient durer a d’abord été le fait de l’armée, que les difficultés rencontrées sur le terrain ont obligée à se restructurer en profondeur. La stratégie a été complètement revue. On est passé du mode offensif improvisé au mode défensif organisé, sur des lignes de défense plus sûres, avec un commandement unifié et intégré, sous les ordres d’un général expérimenté, Serguei Sourovikine, et avec l’objectif d’épargner au maximum les ressources humaines et les équipements. A la retraite désordonnée de la région de Kharkov a succédé le retrait ordonné et réussi des troupes et du matériel de la région de Kherson. On a investi dans les drones et les petites unités mobiles.</p> <p>Les lignes logistiques ont été revues et les divisions de réserve réorganisées de façon à pouvoir réagir aux urgences. Le gros de l’armée se retranche et délègue ses capacités offensives aux forces de Wagner, aux pilotes de drones et aux lanceurs de missiles contre des cibles névralgiques ukrainiennes, en riposte aux attaques ukrainiennes contre les objectifs civils russes ̶ sabotage du gazoduc Nordstream, attentat contre le pont de Crimée, bombardements d’hôpitaux, d’écoles et de supermarchés dans le Donbass, avec des civils tués tous les jours mais jamais rapportés dans nos médias.</p> <p>La Russie a pris acte de la stratégie de l’OTAN et des Etats-Unis exprimée par le chef du Pentagone Lloyd Austin le printemps dernier, à savoir l’affaiblissement du pays jusqu’à ce qu’il ne puisse plus se relever, et cherche à la retourner en sa faveur. En se concentrant et en ménageant ses troupes, elle laisse les Ukrainiens et les mercenaires de l’OTAN épuiser leurs forces et leur matériel jusqu’à ce qu’ils se fatiguent. Plus que sur le Général Hiver, ce sont sur les Généraux Temps et Espace que mise désormais l’armée russe. Comme Souvorov et Bagration en leur temps, elle a appris à ses dépens que patience valait mieux que force et que rage si l’on voulait vaincre dans la durée.</p> <h3><strong>Sur le front économique</strong></h3> <p>Les milieux économiques ont eux aussi très rapidement pris conscience que l’ensemble des circuits de production et d’échanges devait être revu de fond en comble après la fermeture des frontières imposée par le partenaire naturel européen. On a beaucoup glosé en Europe sur les oligarques et leur supposée opposition à Poutine. En se trompant complètement. Les oligarques, même s’ils ont déploré le déclenchement des hostilités, ont rapidement compris que la séquestration de leurs biens et de leurs avoirs bancaires en Europe et aux Etats-Unis ̶ yachts, résidences de luxe, suites à Courchevel et à Saint-Moritz ̶ et les sanctions personnelles prises contre eux en faisaient des parias pour l’Occident et qu’ils seraient condamnés à tout perdre au cas où il leur prendrait la fantaisie de faire défection.</p> <p>Les sanctions et l’exclusion de la Russie du système de paiement SWIFT et des relations bancaires occidentales ont même eu un effet positif pour l’économie russe puisque, pour la première fois, elles ont coupé court à l’évasion des capitaux ̶ environ 100 milliards de dollars par an ̶ qui saignait l’économie depuis trente ans. Désormais, il faudra y réfléchir à deux fois avant de déposer son argent dans une banque suisse, européenne ou américaine.</p> <p>Depuis quelques mois, l’économie russe cherche donc à s’adapter aux nouvelles circonstances. Les circuits de distribution du pétrole, du gaz, des minerais, du blé et des engrais sont réorganisés vers l’Asie, la Chine, l’Inde, l’Iran, les Emirats et l’Arabie saoudite (à cause de l’OPEP+ et des facilités bancaires). On fait de même pour les circuits d’importation. Les importations parallèles se mettent en place pour approvisionner l’industrie en pièces détachées, en supraconducteurs et en puces, et la population en appareils ménagers, en vêtements, en produits de luxe, en ameublement et autres biens de consommation courante que l’économie russe ne sait pas produire en grandes quantités.</p> <p>L’exemple de la Biélorussie, coutumière des sanctions et qui a malgré tout enregistré la meilleure performance européenne dans sa gestion du Covid grâce à son système de soins et à ses ressources pharmaceutiques, montre que l’industrie russe est parfaitement capable de relever ce défi à condition de réorienter les investissements vers la reconversion industrielle et de cesser de se reposer paresseusement sur la rente pétrolière et gazière.</p> <p>Les succès spectaculaires enregistrés par l’agriculture, l’industrie agro-alimentaire, le secteur aérospatial et les industries d’armement à la suite des sanctions prises contre elles en 2014 militent aussi dans ce sens. Cette reconversion prendra quelques années et les experts s’attendent à deux ou trois ans de contraction et de vaches maigres avant que la croissance reparte à la hausse. Pas de quoi paniquer, surtout que l’on pourra compter sur des ressources énergétiques inépuisables et très bon marché, contrairement à l’Europe qui devra payer au prix fort ses importations d’énergie.</p> <h3><strong>Un sentiment d’humiliation</strong></h3> <p>Qu’en est-il de l’état d’esprit de la population? Comment s’adapte-t-elle à cette nouvelle donne? Pour résumer en une phrase, je dirais qu’elle fait contre mauvaise fortune bon cœur. Il faut savoir que la plupart des Russes ont très mal vécu les mesures prises contre la culture russe et contre eux-mêmes en Occident. Ils se sont sentis profondément humiliés par la censure des artistes, des musiciens, des sportifs et des scientifiques, par l’annulation des colloques académiques, la cessation brutale des échanges en dépit des liens personnels développés depuis longtemps, la réécriture de l’histoire concernant la contribution russe dans la victoire contre le nazisme, la culture d’annulation et même de destruction de monuments entreprise non seulement en Ukraine mais dans les pays baltes et en Pologne. Quand on a compté 26 millions de morts dans la lutte contre le nazisme, il est intolérable d’apprendre que c’est le débarquement en Normandie (50’000 morts) qui a été l’événement majeur de la Seconde guerre mondiale.</p> <p>Cet ostracisme et ces injustices ont laissé des traces amères dans la mémoire vive des Russes, que la fermeture des frontières et l’interdiction de facto de voyager en Occident suite à la suppression des vols directs ont encore aggravées. Ils peuvent comprendre que l’Europe critique l’intervention armée en Ukraine, mais ne voient pas pourquoi l’Europe qui se prétend civilisée s’en prend à Tchaikowski, à Tchekov, à des chefs d’orchestre et à la population en général, dans un mouvement de bannissement inédit dans l’histoire. De même, la censure de l’ensemble des médias russes dans un espace européen qui se targue de défendre ses «valeurs» démocratiques en Ukraine passe pour de la duplicité.</p> <h3><strong>Faire le deuil de l’Europe</strong></h3> <p>Chez nous, tout cela semble relever de détails, que nous nous sommes d’ailleurs empressés d’oublier. Mais pas pour les Russes qui s’étaient enfin sentis membres de la grande famille européenne depuis la chute du Rideau de fer. Ce rejet de la Russie et des Russes, en tant qu’êtres humains, depuis février dernier est douloureusement vécu. Le pays, notamment dans les villes, est en train d’apprendre dans la douleur qu’il doit faire le deuil de l’Europe parce que celle-ci en a décidé ainsi au terme d’une guerre, certes malheureuse et regrettable, mais qui n’a pourtant rien à voir avec l’ampleur des ravages suscités par les agressions armées de l’Occident en Afghanistan et en Irak, en Syrie, en Libye, au Yémen ou encore dans l’est du Congo (6 millions de victimes totalement ignorées par les médias occidentaux). Cette hypocrisie est très mal ressentie.</p> <p>Les premières failles étaient apparues à la conférence de Munich en 2007 et lors de la guerre imprudemment déclenchée par Saakhachvili en Géorgie en 2008, puis en 2014, avec le putsch de Maidan qui a renversé le président démocratiquement élu Yanoukovitch, la mise à ban des russophones du Donbass et la vague de sanctions prises en réponse à l’annexion de la Crimée. Mais ces divergences étaient restées d’ordre politique et géopolitique et ne s’étaient pas encore transformées en guerre culturelle, humaine, civilisationnelle. Désormais la coupure est nette, profonde, radicale.</p> <p>Jusqu’ici les élites dirigeantes russes avaient joué sur les deux tableaux, empruntant à l’Occident les principes du capitalisme néolibéral, son culte du progrès matériel et ses institutions démocratiques, tout en cultivant l’idée d’une Russie indépendante, souveraine et libre de développer ses valeurs propres ̶ inspirées de la tradition conservatrice ̶ et de choisir ses partenaires. La guerre a rendu cette double voie obsolète. 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Le libéralisme prôné par l’Occident parait de plus en plus comme un subterfuge destiné à masquer ses ingérences permanentes dans les affaires des autres. Les dérives identitaires basées sur le sexe et le genre, l’antiracisme poussé jusqu’au racialisme, la dictature de minorités de plus en plus minces et extrémistes sur la majorité, le révisionnisme historique imposé par la «cancel culture», la multiplication des sexes préconisée dès le plus jeune âge, le wokisme et le rejet de la culture humaniste traditionnelle, tout cela est de plus en plus étranger à la culture russe et du Sud global en général.</p> <p>Le changement de ton des discours de Poutine depuis l’été dernier est d’ailleurs très significatif à cet égard. Pour la première fois, le président russe a fait des allusions directes aux valeurs traditionnelles, critiquant la mode occidentale des changements de sexe, des mères porteuses, du parent 1 et parent 2 pour désigner le père et la mère, militant pour un retour aux valeurs humanistes traditionnelles face aux tentations transhumanistes en vogue chez nous, et plaidant pour un monde multipolaire dans lequel chaque pays et chaque culture auraient des droits égaux à préserver leurs valeurs sans craindre d’être bombardés ou envahis parce que leurs choix déplairaient à l’Occident.</p> <p>Pour une majorité de Russes, cette séparation est vécue comme un drame car elle met fin à leur rêve d’être reconnus comme des Européens à part entière. 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C’est à peine si, çà et là, on remarque des boutiques fermées, essentiellement des marques de luxe, et des affiches appelant à soutenir les soldats combattant en Ukraine, seul rappel qu’une guerre est en cours sur l’une des immenses frontières du pays.</p> <h3><strong>Un conflit qui dure</strong></h3> <p>Cette normalité n’est-elle qu’apparente? Cache-t-elle un désarroi profond de la population, une sourde hostilité au «régime», une peur de s’exprimer, comme on le suggère si souvent chez nous? Je n’en ai pas eu le sentiment non plus. Au contraire, j’ai eu l’impression que les Russes avaient pris conscience que le conflit en Ukraine s’installait dans la durée et que, de bonne ou mauvaise grâce, ils allaient devoir vivre avec pendant longtemps.</p> <p>Comme tout le monde, dans un premier temps, les Russes ont été surpris et sidérés par «l’opération militaire spéciale» en Ukraine, en particulier dans les très nombreuses familles ̶ on parle de dizaines de millions de personnes ̶ que ce conflit isolait ou coupait en deux parce qu’elles ont des attaches en Ukraine. Puis, le premier instant de stupeur passé, on a pensé que les combats trainaient en longueur mais ne s’éterniseraient pas. Les premiers revers, fin août, et surtout la mobilisation partielle de septembre ont douché ces espoirs. Plusieurs centaines de milliers de mobilisables se sont enfuis à l’étranger ̶ on estime leur nombre à 300/400’000 personnes en tenant compte des retours progressifs, soit 0,3% de la population ̶ tandis que l’inquiétude devenait palpable. Trois mois plus tard, celle-ci n’a pas disparu mais a beaucoup régressé.</p> <p>Sont-ils dupes de la propagande? Je ne le crois pas non plus. Comme me le confiait une amie active dans la culture: «Depuis l’ère soviétique, les Russes savent d’instinct décoder la propagande d’Etat et faire la part des choses. Ils n’y font même pas attention. Tandis que vous, à l’Ouest, vous faites tellement confiance à vos dirigeants et à vos institutions que n’êtes même pas conscients de leur propagande.» A méditer!</p> <h3><strong>Mobilisation pour les soldats</strong></h3> <p>Dans tous les cas, la cote de Vladimir Poutine n’a pas varié depuis fin février et demeure très élevée, à environ 70% d’opinions favorables, celles-ci étant d’autant plus positives qu’on s’éloigne des trois plus grandes villes, Moscou, Saint-Pétersbourg et Iekaterinbourg. Quant au soutien aux soldats sur le front, sinon à l’armée, il s’est même accru. Les Russes ne sont pas dupes des incompétences de certains commandants opérationnels, comme on vient de le voir dans la tragédie de Mareevka la nuit du Nouvel An, ni de la gabegie logistique qui ont marqué les premières semaines de guerre et ils n’ont pas ménagé leurs critiques en privé. Ils savent qu’ils doivent d’abord compter sur eux-mêmes et ne rien attendre de l’Etat.</p> <p>Dans tous les cas, les mauvaises nouvelles n’ont pas altéré leur soutien à l’opération militaire et ils sont désormais derrière leurs soldats, quitte à court-circuiter les hiérarchies. Il est remarquable de constater que, du fin fond des villages sibériens, des centaines de civils se mobilisent pour organiser des convois et apporter des vivres, du chocolat, des habits chauds, des colis aux soldats qui se battent contre les forces de l’OTAN en Ukraine. De même, à l’inverse des conscrits urbains réticents, le nombre d’engagés volontaires n’a pas faibli.</p> <h3><strong>Une guerre contre l’Occident</strong></h3> <p>Depuis l’automne, la majorité des Russes est en train de comprendre que leur pays ne se bat pas seulement contre les nationalistes ukrainiens mais contre l’Occident tout entier regroupé sous la bannière de l’OTAN, et qu’il s’agit d’un combat vital, existentiel et de longue haleine pour la survie de leur mode de vie et de leur culture, même si celui-ci a été engagé à leur corps défendant. Cette prise de conscience que la guerre et les hostilités allaient durer a d’abord été le fait de l’armée, que les difficultés rencontrées sur le terrain ont obligée à se restructurer en profondeur. La stratégie a été complètement revue. On est passé du mode offensif improvisé au mode défensif organisé, sur des lignes de défense plus sûres, avec un commandement unifié et intégré, sous les ordres d’un général expérimenté, Serguei Sourovikine, et avec l’objectif d’épargner au maximum les ressources humaines et les équipements. A la retraite désordonnée de la région de Kharkov a succédé le retrait ordonné et réussi des troupes et du matériel de la région de Kherson. On a investi dans les drones et les petites unités mobiles.</p> <p>Les lignes logistiques ont été revues et les divisions de réserve réorganisées de façon à pouvoir réagir aux urgences. Le gros de l’armée se retranche et délègue ses capacités offensives aux forces de Wagner, aux pilotes de drones et aux lanceurs de missiles contre des cibles névralgiques ukrainiennes, en riposte aux attaques ukrainiennes contre les objectifs civils russes ̶ sabotage du gazoduc Nordstream, attentat contre le pont de Crimée, bombardements d’hôpitaux, d’écoles et de supermarchés dans le Donbass, avec des civils tués tous les jours mais jamais rapportés dans nos médias.</p> <p>La Russie a pris acte de la stratégie de l’OTAN et des Etats-Unis exprimée par le chef du Pentagone Lloyd Austin le printemps dernier, à savoir l’affaiblissement du pays jusqu’à ce qu’il ne puisse plus se relever, et cherche à la retourner en sa faveur. En se concentrant et en ménageant ses troupes, elle laisse les Ukrainiens et les mercenaires de l’OTAN épuiser leurs forces et leur matériel jusqu’à ce qu’ils se fatiguent. Plus que sur le Général Hiver, ce sont sur les Généraux Temps et Espace que mise désormais l’armée russe. Comme Souvorov et Bagration en leur temps, elle a appris à ses dépens que patience valait mieux que force et que rage si l’on voulait vaincre dans la durée.</p> <h3><strong>Sur le front économique</strong></h3> <p>Les milieux économiques ont eux aussi très rapidement pris conscience que l’ensemble des circuits de production et d’échanges devait être revu de fond en comble après la fermeture des frontières imposée par le partenaire naturel européen. On a beaucoup glosé en Europe sur les oligarques et leur supposée opposition à Poutine. En se trompant complètement. Les oligarques, même s’ils ont déploré le déclenchement des hostilités, ont rapidement compris que la séquestration de leurs biens et de leurs avoirs bancaires en Europe et aux Etats-Unis ̶ yachts, résidences de luxe, suites à Courchevel et à Saint-Moritz ̶ et les sanctions personnelles prises contre eux en faisaient des parias pour l’Occident et qu’ils seraient condamnés à tout perdre au cas où il leur prendrait la fantaisie de faire défection.</p> <p>Les sanctions et l’exclusion de la Russie du système de paiement SWIFT et des relations bancaires occidentales ont même eu un effet positif pour l’économie russe puisque, pour la première fois, elles ont coupé court à l’évasion des capitaux ̶ environ 100 milliards de dollars par an ̶ qui saignait l’économie depuis trente ans. Désormais, il faudra y réfléchir à deux fois avant de déposer son argent dans une banque suisse, européenne ou américaine.</p> <p>Depuis quelques mois, l’économie russe cherche donc à s’adapter aux nouvelles circonstances. Les circuits de distribution du pétrole, du gaz, des minerais, du blé et des engrais sont réorganisés vers l’Asie, la Chine, l’Inde, l’Iran, les Emirats et l’Arabie saoudite (à cause de l’OPEP+ et des facilités bancaires). On fait de même pour les circuits d’importation. 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Ils se sont sentis profondément humiliés par la censure des artistes, des musiciens, des sportifs et des scientifiques, par l’annulation des colloques académiques, la cessation brutale des échanges en dépit des liens personnels développés depuis longtemps, la réécriture de l’histoire concernant la contribution russe dans la victoire contre le nazisme, la culture d’annulation et même de destruction de monuments entreprise non seulement en Ukraine mais dans les pays baltes et en Pologne. Quand on a compté 26 millions de morts dans la lutte contre le nazisme, il est intolérable d’apprendre que c’est le débarquement en Normandie (50’000 morts) qui a été l’événement majeur de la Seconde guerre mondiale.</p> <p>Cet ostracisme et ces injustices ont laissé des traces amères dans la mémoire vive des Russes, que la fermeture des frontières et l’interdiction de facto de voyager en Occident suite à la suppression des vols directs ont encore aggravées. Ils peuvent comprendre que l’Europe critique l’intervention armée en Ukraine, mais ne voient pas pourquoi l’Europe qui se prétend civilisée s’en prend à Tchaikowski, à Tchekov, à des chefs d’orchestre et à la population en général, dans un mouvement de bannissement inédit dans l’histoire. De même, la censure de l’ensemble des médias russes dans un espace européen qui se targue de défendre ses «valeurs» démocratiques en Ukraine passe pour de la duplicité.</p> <h3><strong>Faire le deuil de l’Europe</strong></h3> <p>Chez nous, tout cela semble relever de détails, que nous nous sommes d’ailleurs empressés d’oublier. Mais pas pour les Russes qui s’étaient enfin sentis membres de la grande famille européenne depuis la chute du Rideau de fer. Ce rejet de la Russie et des Russes, en tant qu’êtres humains, depuis février dernier est douloureusement vécu. Le pays, notamment dans les villes, est en train d’apprendre dans la douleur qu’il doit faire le deuil de l’Europe parce que celle-ci en a décidé ainsi au terme d’une guerre, certes malheureuse et regrettable, mais qui n’a pourtant rien à voir avec l’ampleur des ravages suscités par les agressions armées de l’Occident en Afghanistan et en Irak, en Syrie, en Libye, au Yémen ou encore dans l’est du Congo (6 millions de victimes totalement ignorées par les médias occidentaux). Cette hypocrisie est très mal ressentie.</p> <p>Les premières failles étaient apparues à la conférence de Munich en 2007 et lors de la guerre imprudemment déclenchée par Saakhachvili en Géorgie en 2008, puis en 2014, avec le putsch de Maidan qui a renversé le président démocratiquement élu Yanoukovitch, la mise à ban des russophones du Donbass et la vague de sanctions prises en réponse à l’annexion de la Crimée. Mais ces divergences étaient restées d’ordre politique et géopolitique et ne s’étaient pas encore transformées en guerre culturelle, humaine, civilisationnelle. Désormais la coupure est nette, profonde, radicale.</p> <p>Jusqu’ici les élites dirigeantes russes avaient joué sur les deux tableaux, empruntant à l’Occident les principes du capitalisme néolibéral, son culte du progrès matériel et ses institutions démocratiques, tout en cultivant l’idée d’une Russie indépendante, souveraine et libre de développer ses valeurs propres ̶ inspirées de la tradition conservatrice ̶ et de choisir ses partenaires. La guerre a rendu cette double voie obsolète. Elle oblige à faire des choix clairs.</p> <p>Du point de vue russe, l’engagement croissant de l’OTAN derrière l’Ukraine et les propos de l’ancien président ukrainien Porochenko et de l’ancienne chancelière Angela Merkel, confirmés par François Hollande, sur le fait que ni l’Ukraine ni l’OTAN n’avaient l’intention de respecter les accords de Minsk et que ceux-ci n’étaient qu’un stratagème destiné à donner du temps à l’Ukraine pour se réarmer, ont rendu toute perspective de négociation aléatoire puisqu’il est devenu évident que ni la parole donnée ni les traités signés par les Occidentaux n’avaient de quelconque valeur.</p> <h3><strong>Le fossé se creuse avec l’Occident</strong></h3> <p>D’autre part, le fossé idéologique entre l’Europe et la Russie s’est creusé au point de devenir presque infranchissable. Les Russes, comme le reste du monde arabo-musulman, asiatique et africain, comprennent de moins en moins l’évolution sociétale occidentale. Le libéralisme prôné par l’Occident parait de plus en plus comme un subterfuge destiné à masquer ses ingérences permanentes dans les affaires des autres. Les dérives identitaires basées sur le sexe et le genre, l’antiracisme poussé jusqu’au racialisme, la dictature de minorités de plus en plus minces et extrémistes sur la majorité, le révisionnisme historique imposé par la «cancel culture», la multiplication des sexes préconisée dès le plus jeune âge, le wokisme et le rejet de la culture humaniste traditionnelle, tout cela est de plus en plus étranger à la culture russe et du Sud global en général.</p> <p>Le changement de ton des discours de Poutine depuis l’été dernier est d’ailleurs très significatif à cet égard. Pour la première fois, le président russe a fait des allusions directes aux valeurs traditionnelles, critiquant la mode occidentale des changements de sexe, des mères porteuses, du parent 1 et parent 2 pour désigner le père et la mère, militant pour un retour aux valeurs humanistes traditionnelles face aux tentations transhumanistes en vogue chez nous, et plaidant pour un monde multipolaire dans lequel chaque pays et chaque culture auraient des droits égaux à préserver leurs valeurs sans craindre d’être bombardés ou envahis parce que leurs choix déplairaient à l’Occident.</p> <p>Pour une majorité de Russes, cette séparation est vécue comme un drame car elle met fin à leur rêve d’être reconnus comme des Européens à part entière. 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Dix jours après l'ouverture des négociations, la débâcle de Dien Bien Phu, le 7 mai 1954, devait d'ailleurs la convaincre d'abandonner la partie.</p> <p>C'est ainsi que, pendant trois mois, le Conseiller fédéral Max Petitpierre et le Conseil fédéral purent recevoir sans discontinuer le gratin des ministres et Premiers ministres des nations parmi les plus puissantes du monde: John Foster Dulles puis Walter Bedell Smith, Anthony Eden, Georges Bidault, Pierre Mendès France, Viatcheslav Molotov – qui se rendra même à Berne à la plus grande satisfaction des autorités et des médias suisses de l'époque – Chou en Lai, dont c'était la première visite en Europe, le délégué indien Krishna Menon, lui aussi encore inconnu, et enfin le premier ministre nord-vietnamien Pham Van Dong et l'empereur d'Annam Bao Dai, pour ne citer que les plus connus. </p> <p>On s'aperçut dès les deux premières semaines que les négociations sur la Corée n'aboutiraient pas. Les délégations coréennes ne cessaient de s'invectiver tandis que les Occidentaux menés par les Américains aussi bien que le camp communiste sous le leadership soviétique et chinois se montraient inflexibles. Les choses se présentaient beaucoup mieux pour l'Indochine, grâce à la défaire militaire française et à l'arrivée au pouvoir de Mendès France, fermement décidé à sortir du bourbier indochinois. Après deux mois d'âpres négociations, le 21 juillet, on parvint finalement à signer un accord de paix, qui est resté dans l'histoire sous le nom d'Accords de Genève. 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Les Vietnamiens du Nord et Sud avaient obtenu leur Etat, les Français s'étaient débarrassés de l'Indochine alors que l'Algérie était prête à s'enflammer, les Soviétiques avaient réussi à calmer le jeu et à se donner une aura pacifiste, les Chinois et les Indiens étaient ravis d'avoir été reconnus sur la scène internationale, de même que le tiers monde, à qui la défaite d'une grande puissance coloniale convenait fort bien, tandis que les Suisses étaient enchantés d'avoir enfin pu faire reconnaitre les mérites de la neutralité (contestée par l'Union soviétique après 1945) et leurs talents pour les bons offices. De plus, en quelques semaines, la Suisse avait pu se constituer un réseau diplomatique de premier ordre dans tous les camps, aussi bien à l'Ouest qu'à l'Est, et avait réussi à réinstaller Genève comme capitale multilatérale.</p> <p>Contrairement à ce qu'on peut penser, ce succès n'a pas été de soi et a exigé beaucoup d'opiniâtreté et de doigté. Il tient pour une bonne part à l'esprit du temps – la conviction que la neutralité était un instrument utile – et à l'adresse et à la fermeté de conviction d'un homme, Max Petitpierre, qui ne se laissa pas démonter lorsqu'on l'accusa de pactiser avec l'ennemi communiste. D'abord, la Suisse avait su rester neutre pendant la guerre de Corée, ce qui fut bien reçu par l'URSS et la Chine. Elle n'avait pas non plus adhéré à l'OTAN. Elle avait rapidement reconnu le gouvernement de Mao à Pékin. Et elle avait su démontrer que sa neutralité était utile aux Occidentaux qui avaient besoin d'un Etat neutre pour surveiller la ligne de démarcation en Corée. Petitpierre, en rusé diplomate, avait alors réussi à hisser la neutralité suisse au-dessus des autres en faisant accepter le mandat de surveillance suisse aussi bien par les Américains que par les Russes. </p> <p>Ce succès devait d'ailleurs se confirmer l'année suivante, lorsque Genève, en plein milieu de la guerre froide, réussit à accueillir le premier Sommet des Quatre Grands. Beaucoup d'autres devaient suivre, dont la rencontre Reagan-Gorbatchev en 1985 et le sommet Biden-Poutine en 2021.</p> <p>En somme, Petitpierre avait réussi le pari de prouver aux Suisses et au monde qu'il y avait un grand rôle pour les petits pays neutres, et cela même quand les rivalités entre superpuissances étaient à leur comble. Je doute qu'on parvienne à de tels résultats avec la très mal nommée «Conférence de paix sur l'Ukraine».</p>', 'content_edition' => 'Un an plus tôt, en juillet 1953, la guerre de Corée s'était achevée par un armistice sans paix. 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On fait semblant d'oublier que le camp de la mort de Treblinka était dirigé par une vingtaine de SS allemands et que l'extermination y était assurée par une centaine de gardiens ukrainiens et lituaniens.</p> <p>La célébration de l'Holodomor, du nom que les Ukrainiens donnent à la famine déclenchée par Staline contre la paysannerie en 1932, est un exemple typique de ces omissions volontaires. Elle attribue ce massacre par la disette aux seuls Russes et fait des Ukrainiens ses uniques victimes alors qu'il a aussi touché le sud de la Russie et le Kazakhstan et qu'il a été orchestré par un Géorgien, Staline, et exécuté par un Polonais, Kossior, qui dirigeait l'Ukraine à cette époque.</p> <p>Tous les jours des monuments sont abattus et d'autres édifiés à leur place, en catimini, dans le silence des médias occidentaux. Cette réécriture de l'histoire et cette guerre mémorielle n'ont pas échappé aux gens du Donbass, qui, fidèles à leur devise «Ne jamais oublier, ne jamais pardonner», réagissent en redoublant de foi commémorative et de monuments aux héros tombés sur le champ d'honneur.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1713950996_capturedcran2024042411.28.54.png" class="img-responsive img-fluid center " width="529" height="716" /></p> <h4 style="text-align: center;"><em>«Ne jamais oublier, ne jamais pardonner». Monument commémorant le massacre de la communauté juive de Lugansk. © G.M.</em></h4> <p>Le mémorial le plus troublant est sans doute celui du Puits de Mine 4/4 Bis à Donetsk. Je n'en avais jamais entendu parler et vous non plus je présume. Il ne figure dans aucun de nos livres d'histoire et il est introuvable sur Wikipedia. Or on estime que 75'000 à 102'000 personnes y ont été massacrées entre fin 1941 et 1943, soit deux fois à trois fois plus qu'à Babi Yar. L'ensemble de la communauté juive de la ville (appelée Stalino à l'époque) a été jetée dans cette fosse, ainsi que des dizaines de milliers de civils. Ce mémorial, ignoré par le gouvernement de Kiev après 1991 parce qu'il dérangeait le récit officiel et ne concernait que les russophones de l'est du pays, est en voie de réhabilitation depuis l'an dernier. 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Le premier monument commémore les 67 enfants tués par les miliciens ukrainiens des bataillons néonazis Kraken et Aïdar qui ont tenté de prendre la ville en 2014 et l'ont bombardée jusqu'en 2022. Il a été construit au milieu d'un parc qui sert de jardin d'enfants. Plusieurs gosses y ont été tués par un bombardement ciblé des Ukrainiens, les bâtiments avoisinants n'ayant pas été touchés. </p> <p>Les enfants sont en effet l'objet d'une guerre de l'information sans merci dans les deux camps. Les Ukrainiens ont déposé plainte pour crime de guerre contre les Russes et la Cour pénale internationale a inculpé Vladimir Poutine et la responsable russe de l'enfance pour kidnapping d'enfants ukrainiens. La propagande occidentale reprend en boucle ces accusations, au cinéma – le documentaire <em>ad hoc</em> vient de recevoir un Oscar – et dans les médias. Lesquels oublient naturellement de répercuter le point de vue des habitants du Donbass, pour lesquels ce sont les Ukrainiens qui prennent les enfants en otage. Il existe en effet en Ukraine une organisation de volontaires, appelés les Anges Blancs, calquée sur le modèle des fameux Casques Blancs syriens qui, on s'en souvient, étaient loin d'être des secouristes neutres et agissaient en fait pour le compte des groupes djihadistes. </p> <p>Ces détachements d'Anges Blancs (White Angels) ont été formés dès février 2022 par un certain Rustam Lukomsky. La presse anglo-saxonne les a mentionnés à quelques reprises. Pour ceux du Donbass, leur but consiste à forcer les parents des zones du front à se séparer de leurs enfants sous prétexte de les protéger. Les enfants sont donc isolés de leurs parents et «mis en sécurité» à l'arrière, où ils sont dès lors utilisés comme moyens de chantage contre leurs familles. Celles-ci se trouvent déchirées entre deux choix aussi insupportables l'un que l'autre: soit elles abandonnent leurs foyers pour rejoindre leurs enfants, soit elles y restent en se voyant forcées de collaborer avec l'armée ukrainienne qui les invite à dénoncer ou à saboter les mouvements de l'armée russe. On imagine la détresse des parents confrontés à un tel chantage. Des témoignages, comme ceux d'Olga V. Zubtsova de Bakhmut et d'Igor Litvinov d'Avdievka, confirment cette version des choses. Enfin, d'innombrables rumeurs circulent sur les réseaux sociaux, qui accusent ces prétendus Anges Blancs d'alimenter les réseaux de pédo-criminalité et le trafic d'enfants. Mais cela reste à prouver.</p> <p>Le deuxième monument se trouve dans un bois à la sortie de Lugansk. Comme le Puits de mine No 4 de Donetsk, il commémore le lieu du massacre de la communauté juive de Lugansk (environ 3'000 femmes et enfants essentiellement juifs) et de 8'000 adultes de diverses confessions pendant l'occupation nazie. «On ne peut pas comprendre pourquoi, aujourd'hui, Kiev honore les descendants de ceux qui ont tué tant des nôtres pendant la Deuxième Guerre mondiale», dit Anna Soroka. Abandonné aux ronces depuis 1991, le site a fait l'objet d'une restauration récente. 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Il ne parlait pas un mot d'anglais et, sans faire de cas de mon russe misérable, il avait invité toute notre délégation à la noce. J'avais fait un petit discours de circonstance en l'honneur de la mariée et de ses parents. Depuis lors, Umar Ikromovitch est devenu un ami pour la vie, que ni la distance ni la fracture linguistique ne sauraient séparer. Une ou deux fois par an, aux fêtes importantes, il m'envoie des messages Telegram. En février, surprise, il me propose de me joindre à lui pour visiter ses réalisations dans le Donbass, dans lequel il n'était encore jamais allé. Umar emploie en effet quelques centaines d'ouvriers dans la région de Moscou et quelques dizaines dans la reconstruction du Donbass.</p> <p>Le 3 avril à trois heures du matin, il m'attendait donc avec Nikita, un de ses amis du ministère de la Défense, à la sortie de l'aéroport de Vnukovo, à Moscou, pour m'embarquer dans le Donbass. Nikita avait préparé le programme et fourni les autorisations nécessaires ainsi qu'un chauffeur aguerri, Volodia. Pendant dix heures d'affilée, avec une courte pause-café dans une station-service qui venait d'ouvrir, nous avons descendu à tombeau ouvert les 1'060 kilomètres de l'autoroute Prigogine qui relie Moscou à Rostov-sur-le-Don, celle-là même que le chef défunt de Wagner avait voulu remonter avec ses chars en juillet dernier.</p> <p>Rien n'est plus simple qu'une autoroute russe. C'est toujours tout droit, il n'y a pas un virage jusqu'à Rostov. Et comme celle-ci est impeccable, à part cinquante kilomètres de travaux peu avant Rostov, le trajet fut rapide et indolore, nous permettant de passer en quelques heures des dernières neiges moscovites aux douceurs du printemps de la mer d'Azov. En chemin, des norias de camions, quelques convois militaires, mais assez peu en fin de compte.</p> <p>A Rostov, port animé et capitale embouteillée du sud russe, nous avons à peine pu poser nos bagages et faire trois pas que nous voilà partis pour notre première visite: une énorme station de pompage-turbinage des eaux du Don située à l'embouchure du fleuve, à une vingtaine de kilomètres de la ville. Des ouvriers s'activent encore à terminer les aménagements extérieurs. Deux gigantesques tuyaux, des dizaines de citernes de 20'000m<sup>3</sup> et huit stations de pompage de onze turbines chacune acheminent désormais l'eau douce de Rostov à Donetsk, située à deux cents kilomètres de là et privée d'eau potable à cause de l'embargo ukrainien. Tout est automatisé. 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Après Taganrog, la route longe la mer d'Azov et est encombrée par les convois de camions qui vont et viennent du Donbass. Elle est en plein travaux d'élargissement. Les véhicules militaires arborent un V ou un Z bien visibles. Checkpoints et contrôles divers se succèdent avant et après la frontière de la République de Donetsk. Sur les bas-côtés, de longues colonnes attendent la fouille. Grâce à nos laissez-passer, nous voici bientôt en territoire ex-ukrainien. Evgueni, un Russe de Vladivostok engagé volontaire auprès de la République de Donetsk, prend le relais. Il nous servira de guide et d'interprète tout au long de notre séjour. </p> <p>Peu avant midi, nous atteignons les faubourgs de Marioupol et entrons sur le territoire d'Azovstal, totalement dévasté. L'usine n'est plus que cheminées rouillées, entrelacs de tuyaux éventrés et de ferrailles tordues. Une vision d'apocalypse qui évoque immédiatement Stalingrad, l'usine de tracteurs, Vassili Grossmann et le <em>Voyage en Russie</em> de Steinbeck et Capa. Aucune des maisons et des immeubles d'habitation alentour n'a survécu. </p> <p>Le centre-ville a en revanche beaucoup mieux résisté, avec un taux de destruction qu'on peut estimer à cinquante pourcents à première vue. Il est en pleine rénovation. Sur la place centrale, la reconstruction du fameux théâtre – bombardé ou dynamité on ne sait trop – doit être achevée à la fin de l'année. Umar est content: les enfants et les jeunes mères se sont déjà emparés du parc et du terrain de jeux que son entreprise vient d'achever. Les lignes de bus, offerts par la ville de Saint-Pétersbourg, ont été rétablies. Les terrasses de café ont rouvert.</p> <p>Puis nous repartons pour l'ouest de la ville, qui offre un paysage très différent. Tout y est neuf. Les quartiers anciens ont déjà été rénovés et de nouveaux quartiers, des bouquets d'immeubles, une école, une crèche, un hôpital, y ont jailli de terre en moins d'une année. Une dame qui promène son chien nous explique qu'elle vient d'emménager dans son appartement tout neuf il y a quinze jours, après avoir vécu pendant des mois dans un taudis sans eau courante. </p> <p>Supervisés par une société publique du ministère de la Défense avec l'aide des villes et des provinces russes, les chantiers s'activent jour et nuit. Dix mille habitants ont déjà été relogés et la ville a retrouvé les deux tiers de sa population d'avant-guerre, soit 300'000 habitants. Durant l'après-midi, nous visiterons un second hôpital de 60 lits, entièrement neuf et démontable, très bien équipé et dirigé par des médecins volontaires provenant des différentes régions de Russie.</p> <p>Les constructions les plus spectaculaires concernent toutefois les écoles. En bordure de mer, une nouvelle académie de la marine accueillera sa première volée de cadets à la rentrée de septembre. Salles de cours, internat, salles de sports, salles d'entrainement, quatre immeubles de verre et d'acier rutilants sont sortis de terre en dix mois. Prévus pour 560 élèves en uniforme de 11 à 17 ans, ils accueilleront principalement des orphelins des deux guerres du Donbass, celle de 2014-2022 et celle de 2022-2024, me dit-on. Six jours d'enseignement par semaine à raison de huit à dix heures par jour, on n'aura guère le temps de s'y ennuyer. A la fin du cursus, les élèves pourront soit parfaire leur formation dans la marine soit entrer dans une université civile.</p> <p>La seconde école est plus classique mais encore plus spectaculaire. C'est un collège expérimental comme on n'en encore jamais vu en Russie (ni en Suisse à ma connaissance). Le design, remarquable, est très étudié. 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Seule difficulté, assure la directrice, celle de trouver des enseignants qui veuillent bien accepter de s'installer à Marioupol. Mais elle n'a pas l'air d'être du genre à s'effrayer devant la tâche.</p> <p>En fin d'après-midi, nous nous engageons sur l'autoroute toute neuve qui relie Marioupol à Donetsk, à 120 kilomètres, en faisant un petit arrêt dans la petite ville de Volnovakha, dont le palais de la culture a subi une frappe de HIMARS en novembre dernier. Le toit s'est écroulé et des échafaudages encombrent ce qui reste de la scène et de la salle. Par chance, la salve n'a fait ni mort ni blessé, le spectacle programmé ce jour-là ayant été déplacé à la dernière minute. Pour les habitants, pas de doute, les Ukrainiens cherchaient à tuer le plus de civils possibles. Mon guide m'explique qu'ils tirent toujours les HIMARS par groupe de trois: une première roquette pour percer le toit et les structures, une deuxième pour liquider les occupants et, vingt à vingt-cinq minutes plus tard, une troisième frappe pour tuer le maximum de pompiers, secouristes, parents, policiers, amis, voisins venus secourir les victimes. Ce récit me sera répété plusieurs fois.</p> <p>Donetsk est une grande ville d'un million d'habitants, très étendue, très animée, avec une circulation dense. On n'y voit que peu d'immeubles ou de façades détruites. En revanche, la ville vit au son du canon. Je n'y avais pas prêté attention à mon arrivée, à cause de la fatigue et des émotions de la journée. Mais en me réveillant à trois heures du matin, j'ai soudain été frappé par le son du canon. Toutes les deux à trois minutes, un coup part, faisant trembler les vitres et illuminant le ciel d'une lueur orangée: ce sont les artilleurs russes qui tirent sur les positions ukrainiennes, à quelques de kilomètres du centre-ville. Les Ukrainiens ripostent avec des missiles, des drones ou des roquettes HIMARS, ce qui enclenche les tirs de contre-batterie russes, à raison d'un ou deux par heure me semble-t-il.</p> <p>Le lendemain matin, on m'apprendra à distinguer les uns des autres. Les HIMARS sont silencieux jusqu'à l'explosion finale, les missiles SCALP français et Storm Shadow britanniques font un bourdonnement d'avion, de même que les missiles anti-missiles russes, tandis que les obus ordinaires tombent en sifflant. De toute façon, je n'ai aucun souci à me faire, m'assurent mes nouveaux amis. Ils m'ont logé dans le seul hôtel de la ville encore en mains américaines et jamais les Ukrainiens n'oseraient tirer sur une cible américaine. 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"la cote de vladimir poutine n’a pas varié depuis fin février et demeure très élevée, à environ 70% d’opinions favorables, celles-ci étant d’autant plus positives qu’on s’éloigne des trois plus grandes villes, moscou, saint-pétersbourg et iekaterinbourg": pour la simple et bonne raison que plus on s'éloigne des grandes villes, moins la population est informée de ce qu'il se passe réellement. 5. "il est remarquable de constater que, du fin fond des villages sibériens, des centaines de civils se mobilisent pour organiser des convois et apporter des vivres, du chocolat, des habits chauds, des colis aux soldats qui se battent contre les forces de l’otan en ukraine": les forces de l'otan ne se battent pas en ukraine. si tel était le cas, l'armée russe aurait été défaite depuis longtemps -à moins que poutine, pour ne pas être destitué et subir le sort qu'il mérite, ne passe à l'acte nucléaire… 6. "de même, à l’inverse des conscrits urbains réticents, le nombre d’engagés volontaires [du fin fond des villages sibériens] n’a pas faibli": évidemment, puisque c'est l'emploi le plus lucratif, si ce n'est le seul, que la russie actuelle leur offre. 7. "depuis l’automne, la majorité des russes est en train de comprendre que leur pays ne se bat pas seulement contre les nationalistes ukrainiens mais contre l’occident tout entier regroupé sous la bannière de l’otan, et qu’il s’agit d’un combat vital, existentiel et de longue haleine pour la survie de leur mode de vie et de leur culture, même si celui-ci a été engagé à leur corps défendant": faux. mettan relaie la propagande du régime russe qui prône un régime impérial et anachronique au détriment de toute démocratisation de la société. 8. "le gros de l’armée se retranche et délègue ses capacités offensives aux forces de wagner, aux pilotes de drones et aux lanceurs de missiles contre des cibles névralgiques ukrainiennes, en riposte aux attaques ukrainiennes contre les objectifs civils russes ̶ sabotage du gazoduc nordstream, attentat contre le pont de crimée, bombardements d’hôpitaux, d’écoles et de supermarchés dans le donbass, avec des civils tués tous les jours mais jamais rapportés dans nos médias": mettan relaie la propagande officielle russe prétendant que les ukrainiens sont des fauteurs de guerre et de méchants assassins qui s'en prennent aux russes et aux civils russophones du donbass ukrainien. 9. "les succès spectaculaires enregistrés par[…] les industries d’armement à la suite des sanctions prises contre elles en 2014": mettan n'est-il pas au courant de toutes les fermetures d'usines d'armement en russie suite aux sanctions anciennes ou nouvelles? 10. "la culture d’annulation et même de destruction de monuments entreprise non seulement en ukraine mais dans les pays baltes et en pologne": tout ce qui rappelle la domination russe subie pendant des décennies -voire, comme en ukraine, pendant des siècles- doit évidemment être supprimé de l'espace public. 11. "la censure de l’ensemble des médias russes dans un espace européen": fort heureusement, les organes de propagande 'russia today' et 'sputnik' ne constituent pas l'ensemble des médias russes. pourquoi mettan ne s'offusque-t-il pas de la fermeture de 'memorial' en russie? 12. "ce rejet de la russie et des russes": faux. nous aimons la russie et les russes, mais nous détestons le régime russe. 13. "le pays, notamment dans les villes, est en train d’apprendre dans la douleur qu’il doit faire le deuil de l’europe parce que celle-ci en a décidé ainsi": faux. c'est le régime russe qui en a décidé ainsi en ne voulant pas se démocratiser, puis en lançant sa croisade civilisationnelle contre l'occident, puis en violant l'ukraine. 14. "les agressions armées de l’occident […] dans l’est du congo (6 millions de victimes totalement ignorées par les médias occidentaux)": mettan insinue de manière fallacieuse que les six millions de morts au congo-kinshasa seraient le fait d'agressions armées de l'occident. 15. "le putsch de maidan": faux. c'était une révolution (populaire). les états-unis ont apporté un soutien, mais n'ont pas fomenté le soulèvement. 16. "la mise à ban des russophones du donbass": ôter à la langue russe son statut de langue officielle en ukraine peut se comprendre même si c'était une erreur politique de la part des nouvelles autorités ukrainiennes. cependant, il ne s'agissait pas d'une "mise à ban" des russophones du donbass. depuis la révolution orange de 2004-2005, les services secrets russes s'activent dans le donbass pour fomenter le séparatisme et ont, bien-sûr, instrumenté l'erreur commise par les autorités ukrainiennes. 17. "ni l’ukraine ni l’otan n’avaient l’intention de respecter les accords de minsk": les accords de minsk, injustes et inacceptables, ont été obtenus par le régime russe par la contrainte. 18. "il est devenu évident que ni la parole donnée ni les traités signés par les occidentaux n’avaient de quelconque valeur": en fomentant depuis 2005 le séparatisme dans le donbass, puis en annexant la crimée en 2014, le régime russe a violé le mémorandum de budapest (1994) qui garantissait à l'ukraine son intégrité territoriale en échange de sa dénucléarisation. 19. "plaidant pour un monde multipolaire dans lequel chaque pays et chaque culture auraient des droits égaux à préserver leurs valeurs sans craindre d’être bombardés ou envahis parce que leurs choix déplairaient à l’occident": le régime russe ne fait pas mieux. il bombarde la tchétchénie et anéantit 1/5 de la population tchétchène lorsque celle-ci veut devenir indépendante. 20. "pour une majorité de russes, cette séparation est vécue comme un drame car elle met fin à leur rêve d’être reconnus comme des européens à part entière. ils font le deuil de l’europe dans la douleur mais sont résignés à en porter le fardeau quel qu'en soit le poids": tout ceci n'est que transitoire. lorsque les élites russes feront le deuil d'une russie impériale et dominatrice, la russie et l'europe se retrouveront. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
17 Commentaires
@Apitoyou 06.01.2023 | 08h52
«Guy, tu nous fais de la propagande là ? Non ? J’ai eu de la difficulté à terminer ton article parce qu’une rumeur qui dit que tu es marié à une femme russe se superposait en même temps à ma lecture, Cela dit, sur le fond , bien sûr que cette guerre va éloigner la Russie de l’occident.»
@willoft 06.01.2023 | 12h17
«Que ça fait du bien de lire autre chose que "le bien contre le mal" occidental!»
@Susi 06.01.2023 | 12h27
«
Votre article reflète exactement ce que j’ai vu et perçu à Saint Petersbourg en septembre.
Je n’ai pas de liens familiaux avec ce pays, j’ai juste fait des études de russe il y a fort longtemps et connais ce pays depuis 1976.
Ce qui me sidère le plus en occident c’est la confiance aveugle que la majorité des gens ici a en son gouvernement et les médias…aucun esprit critique…
Les russes se renseignent partout et ne sont pas dupes de ce qui se passe et critiquent sans problèmes cette guerre.
Mais ils sont attachés à leur culture, leur histoire et déjà depuis les premières sanctions en 2014 ont compris que pour les occidentaux qui se sentent tellement supérieurs moralement ils sont en quelque sorte des gens de deuxième zone.
En plus l’occident vole le citoyen russe lambda:
Une amie russe vivant à Moscou avait acheté un petit appartement à Chypre il
Y a environ 5 ans. Comme cela devient trop compliqué et cher pour s’y rendre elle l’a mise en vente mais ne peut pas récupérer tout l’argent qui reste à la banque de Chypre: explication: depuis les dernières sanctions la banque n’a plus le droit de transférer de l’argent sur son compte.
Un jour cette attitude de la part des Occidentaux va se retourner contre eux-mêmes.
D’autres amis qui avaient l’habitude de venir en Europe m’ont dit que dorénavant ils n’allaient plus s’abaisser pour demander un visa Schengen. Ce ne sont pas nécessairement des gens qui soutiennent aveuglement leur gouvernement , mais aujourd’hui ils ont compris que le monde occidental déconsidère la population russe.
C’est triste mais c’est ainsi.
La Russie va poursuivre son propre chemin et elle a raison.
L’occident avec son sentiment de supériorité manque de clairvoyance et n’est plus capable de se remettre en question,
Dommage.
»
@Mipmip 06.01.2023 | 12h31
«Lorsque j'étais ado, j'avais le projet (à ce jour toujours pas réalisé) de traverser notre continent à bord de l'Orient Express avec pour seuls compagnons de voyage un crayon et un bloc de papier; le but était d'y gribouiller mes impressions sur les rencontres que je ferai, au gré du voyage, et ainsi, de prendre conscience de ma réalité subjective des choses.
Aujourd'hui, plus que jamais, je pense que la réalité objective ne peut être approchée que par la somme de toutes nos réalités subjectives.
Merci monsieur Mettan pour votre article qui m'a permis de faire un bout de chemin par procuration.
Pascale Michaillet»
@Revolawtion 06.01.2023 | 15h16
«Cher Guy, je suis à la fois heureux et intéressé de pouvoir lire un sentiment rapporté de l'intérieur, et perplexe sur les 'justifications' apportées. Les Russes, si tant est qu'un seul vocable puisse les rassembler tous, regrettent leur lien qui se reconstituait avec l'Occident ? Probablement. Mais justement : les peuples ont envie d'appartenance et de liens communs. Pas de se faire la guerre. Aucun des pays du Pacte de Varsovie n'a été forcé d'adhérer à l'Otan. L'Otan n'a jamais eu l'intention d'envahir la Russie. Que l'Ukraine accueille l'armée russe avec des fleurs pour être libérée des Nazis était invraisemblable, comme de ne pas en prendre acte aujourd'hui. Si les Russes doivent faire le deuil de l'Europe, ils le doivent à Poutine seul. Il n'est pas un président démocratiquement élu d'un Etat de droit dans lequel faire une guerre pourrait l'objet d'un libre débat politique et public. Tu es journaliste : tu sais mieux qui quiconque que la libre formation de l'opinion est nécessaire à la démocratie. Les Russes savent "naviguer" la propagande ? C'est vrai qu'ils y ont été entraînés... Mais pas tous. Pas en présence d'une absence d'information libre et objective sur ce qui se passe réellement ni sur les réelles intentions de l'Occident. Il demeure un agresseur et un agressé. La seule menace que l'Ukraine représentait pour Poutine était d'installer une démocratie, même imparfaite, même en devenir, aux portes d'un régime qui n'est rien moins qu'une dictature. En fin du compte, c'est Poutine qui, par un glissement que le monde libre n'a hélas pas su empêcher, a trahi la confiance que l'occident avait bel et bien essayé de placer en la Russie. Il s'est mué tout seul en le méchant que James Bond a continué à singer - au lieu de devenir un acteur responsable et fréquentable du monde international. L'Occident se passera, hélas aussi, mieux de la Russie que de l'inverse. Et je hasarde une hypothèse : tout ceci mènera à un éclatement définitif de la Fédération de Russie, et par-là à la fin du siège soviétique de membre permanent du Conseil de sécurité - dont la Russie ne pourra plus prétendre être le successeur. Ce jour-là, elle n'aura qu'à s'en prendre à elle-même. La seule chose que le monde entier puisse souhaiter est que ce régime tombe et que sur ses décombres renaisse non ce chaos, ce qui est une option, mais une reconstruction réellement démocratique. Bien à toi. Jean-Cédric»
@Christophe Mottiez 06.01.2023 | 15h18
«quelques remarques suite à ce nouveau texte de propagande pro-russe:
1.
"dans les grandes villes, les rues regorgent de lumières et de décorations de
noël":
tandis que dans des dizaines de milliers de petites localités règne une extrême pauvreté.
2.
"cette normalité de la vie quotidienne"…:
guy mettan encense la vie en russie alors que des centaines de milliers de jeunes russes instruits ont fui le pays.
3.
"sont-ils dupes de la propagande? je ne le crois pas non plus. comme me le confiait une amie active dans la culture: «depuis l’ère soviétique, les russes savent d’instinct décoder la propagande d’état et faire la part des choses":
la majorité des russes (surtout dans les campagnes) n'ont pas accès à des informations fiables et ne savent donc pas ce qu'il se passe réellement.
4.
"la cote de vladimir poutine n’a pas varié depuis fin février et demeure très élevée, à environ 70% d’opinions favorables, celles-ci étant d’autant plus positives qu’on s’éloigne des trois plus grandes villes, moscou, saint-pétersbourg et iekaterinbourg":
pour la simple et bonne raison que plus on s'éloigne des grandes villes, moins la population est informée de ce qu'il se passe réellement.
5.
"il est remarquable de constater que, du fin fond des villages sibériens, des centaines de civils se mobilisent pour organiser des convois et apporter des vivres, du chocolat, des habits chauds, des colis aux soldats qui se battent contre les forces de l’otan en ukraine":
les forces de l'otan ne se battent pas en ukraine. si tel était le cas, l'armée russe aurait été défaite depuis longtemps -à moins que poutine, pour ne pas être destitué et subir le sort qu'il mérite, ne passe à l'acte nucléaire…
6.
"de même, à l’inverse des conscrits urbains réticents, le nombre d’engagés volontaires [du fin fond des villages sibériens] n’a pas faibli":
évidemment, puisque c'est l'emploi le plus lucratif, si ce n'est le seul, que la russie actuelle leur offre.
7.
"depuis l’automne, la majorité des russes est en train de comprendre que leur pays ne se bat pas seulement contre les nationalistes ukrainiens mais contre l’occident tout entier regroupé sous la bannière de l’otan, et qu’il s’agit d’un combat vital, existentiel et de longue haleine pour la survie de leur mode de vie et de leur culture, même si celui-ci a été engagé à leur corps défendant":
faux. mettan relaie la propagande du régime russe qui prône un régime impérial et anachronique au détriment de toute démocratisation de la société.
8.
"le gros de l’armée se retranche et délègue ses capacités offensives aux forces de wagner, aux pilotes de drones et aux lanceurs de missiles contre des cibles névralgiques ukrainiennes, en riposte aux attaques ukrainiennes contre les objectifs civils russes ̶ sabotage du gazoduc nordstream, attentat contre le pont de crimée, bombardements d’hôpitaux, d’écoles et de supermarchés dans le donbass, avec des civils tués tous les jours mais jamais rapportés dans nos médias":
mettan relaie la propagande officielle russe prétendant que les ukrainiens sont des fauteurs de guerre et de méchants assassins qui s'en prennent aux russes et aux civils russophones du donbass ukrainien.
9.
"les succès spectaculaires enregistrés par[…] les industries d’armement à la suite des sanctions prises contre elles en 2014":
mettan n'est-il pas au courant de toutes les fermetures d'usines d'armement en russie suite aux sanctions anciennes ou nouvelles?
10.
"la culture d’annulation et même de destruction de monuments entreprise non seulement en ukraine mais dans les pays baltes et en pologne":
tout ce qui rappelle la domination russe subie pendant des décennies -voire, comme en ukraine, pendant des siècles- doit évidemment être supprimé de l'espace public.
11.
"la censure de l’ensemble des médias russes dans un espace européen":
fort heureusement, les organes de propagande 'russia today' et 'sputnik' ne constituent pas l'ensemble des médias russes.
pourquoi mettan ne s'offusque-t-il pas de la fermeture de 'memorial' en russie?
12.
"ce rejet de la russie et des russes":
faux. nous aimons la russie et les russes, mais nous détestons le régime russe.
13.
"le pays, notamment dans les villes, est en train d’apprendre dans la douleur qu’il doit faire le deuil de l’europe parce que celle-ci en a décidé ainsi":
faux. c'est le régime russe qui en a décidé ainsi en ne voulant pas se démocratiser, puis en lançant sa croisade civilisationnelle contre l'occident, puis en violant l'ukraine.
14.
"les agressions armées de l’occident […] dans l’est du congo (6 millions de victimes totalement ignorées par les médias occidentaux)":
mettan insinue de manière fallacieuse que les six millions de morts au congo-kinshasa seraient le fait d'agressions armées de l'occident.
15.
"le putsch de maidan":
faux. c'était une révolution (populaire). les états-unis ont apporté un soutien, mais n'ont pas fomenté le soulèvement.
16.
"la mise à ban des russophones du donbass":
ôter à la langue russe son statut de langue officielle en ukraine peut se comprendre même si c'était une erreur politique de la part des nouvelles autorités ukrainiennes. cependant, il ne s'agissait pas d'une "mise à ban" des russophones du donbass. depuis la révolution orange de 2004-2005, les services secrets russes s'activent dans le donbass pour fomenter le séparatisme et ont, bien-sûr, instrumenté l'erreur commise par les autorités ukrainiennes.
17.
"ni l’ukraine ni l’otan n’avaient l’intention de respecter les accords de minsk":
les accords de minsk, injustes et inacceptables, ont été obtenus par le régime russe par la contrainte.
18.
"il est devenu évident que ni la parole donnée ni les traités signés par les occidentaux n’avaient de quelconque valeur":
en fomentant depuis 2005 le séparatisme dans le donbass, puis en annexant la crimée en 2014, le régime russe a violé le mémorandum de budapest (1994) qui garantissait à l'ukraine son intégrité territoriale en échange de sa dénucléarisation.
19.
"plaidant pour un monde multipolaire dans lequel chaque pays et chaque culture auraient des droits égaux à préserver leurs valeurs sans craindre d’être bombardés ou envahis parce que leurs choix déplairaient à l’occident":
le régime russe ne fait pas mieux. il bombarde la tchétchénie et anéantit 1/5 de la population tchétchène lorsque celle-ci veut devenir indépendante.
20.
"pour une majorité de russes, cette séparation est vécue comme un drame car elle met fin à leur rêve d’être reconnus comme des européens à part entière.
ils font le deuil de l’europe dans la douleur mais sont résignés à en porter le fardeau quel qu'en soit le poids":
tout ceci n'est que transitoire. lorsque les élites russes feront le deuil d'une russie impériale et dominatrice, la russie et l'europe se retrouveront.
»
@Ricci 07.01.2023 | 06h53
«Tout d'abord un grand merci à Revolawtion et Christophe Mottiez pour leurs remarques très justes qui remet les choses en place suite à ce texte de propagande russe.»
@Susi 07.01.2023 | 11h21
«En parlant de la Russie je peux lite ceci; „ Pas en présence d'une absence d'information libre et objective sur ce qui se passe réellement ni sur les réelles intentions de l'Occident.“
Je suis choquée de lire ceci!
La personne qui affirme une telle chose est-elle réellement convaincue du fait que dans les médias occidentaux on informe objectivement?
Un tel aveuglement est juste effrayant.
Je relève également l‘affirmation
„ les réelles intentions de l‘occident“ et que le seul but de l‘occident serait de soutenir la démocratie en Ukraine comme en Syrie, Lybie etc dont nous connaissons le désastre.
Lisez le rapport de la „ Rand Corporation de 2019“ «
( Unextending and unbalancing Russia)
Think tank américain proche du gouvernement . Il serait egalement judicieux que ceux qui critiquent cet article se rendent en Russie et dans le Donbass… je parie qu’ils n’y ont jamais mis leur pied ni discuté avec des gens du Donbass qui se font bimbarder par le gouvrrnement ukrainien depuis 2014.
Regardez aussi le documentaire d’une journaliste française: https://m.youtube.com/watch?v=CWSYY4KL76E
Elle a perdu son travail depuis cette publication, car chuut… il ne faut pas parler de ce qu’on doit absolument cacher au citoyen lambda.
Donc tout article qui essaie d’expliquer un peu plus objectivement la situation est montré du doigt et considéré comme dangereux ici en occident. Chut… silence… ou alors la personne devient une propagandiste du Kremlin
et risque d’être listé , comme par exemple sur «
Mirotvorets »?
»
@simone 07.01.2023 | 12h20
«La confusion qui a été faite en Europe, entre la culture russe et l'invasion de l'Ukraine était d'une sottise dépassant tout ce que l'on pouvait imaginer. Merci de le rappeler.
Mais ôtez-moi d'un doute: la destruction du gazoduc est-elle un acte de sabotage ukrainien? C'est ce que j'ai cru comprendre en vous lisant. A-t-on donc terminé l'enquête?
Suzette Sandoz»
@Latombe 07.01.2023 | 16h12
«Tiens quand Guy Mettan publie son opinion il soulève le vent de l'approbation naïve ou de la réprobation implacable, ainsi il réveille tour à tour les épris de justice et les complotistes...
Il est temps de se faire à l'idée qu'il a abandonné depuis bien longtemps l’éthique d’un journaliste pour propager les thèses poutiniennes.
Dans cette invasion impérialiste de l’Etat ukrainien décrétée par un gouvernement russe autoritaire il n’y pas lieu de tergiverser sur les responsables, ainsi la Suisse historiquement neutre, a emboité le pas de la majorité des pays d’Europe pour condamner cette violation manifeste du droit international, droit longuement élaboré après deux guerres mondiales.
Il est légitime de chercher à comprendre les tenants et aboutissants de ce conflit très meurtrier à l’aide d’un travail journalistique approfondi, mais surtout pas en s’appuyant sur des concepts aussi réducteurs que « l’Occident » ou « la Russie » qui gomment toutes les différences entre les sensibilités et les cultures à l’intérieur aussi bien des pays atlantistes que ceux de la Fédération de Russie.
Procéder de la sorte c’est réduire la CEI à la Russie, la Russie à Moscou et Moscou à Poutine et parler à tout va, qui de russophobie, qui d’anti-occident. Méfions-nous de ces amalgames simplificateurs!
»
@willoft 07.01.2023 | 20h26
«Il est révélateur de voir la polarité des esprits.
Ceux critiquant les USA sont taxés d'antiaméricanisme.
Ceux relevant des côtés positifs de la Russie de poutiniens.
Ceux qui auront eu la patience de voir l'interview de Mr. Mettan à la fin de son commentaire, comme moi, verront qu'il aime la Russie, la connait bien et est même russe avec une fille russe, ainsi que son épouse et n'a rien d'un illuminé.
Alors stop à ces trolls qui n'ont pas conscience que toute cette opération profite aux USA, qui vendent du gaz (de schiste), du pétrole, des armes, au dollar et qui ont 30.000 milliards de dettes.
A-t-on conscience qu'ils offrent chaque mois des milliards à l'Ukraine, comme l'Europe, dont la dette est aussi abyssale?
A-t-on une transparence où vont ces sommes collosales, que l'Ukraine est aussi corrompue que la Russie.
Exxonmobil porte plainte contre l'Europe qui veut qu'elle paie des impôts, le monde marche sur la tête.
l'Europe est cuite pour n'avoir pas compris (ou par corruption comme Van den t'en guerre) que les USA redoutaient un rapprochement Europe-Russie.
Ceux qui en douteraient, à qui pensez-vous que profitent les quatre sabotages de nord-Stream 1+2, à un météorite?
Ce qui est sûr, c'est qu'on ne le saura jamais.
Avez-vous jamais lu, qui est le coupable de l'assassinat des frères kennedy????»
@Elissa 08.01.2023 | 10h16
«Merci pour cet article dont l'analyse de la situation russe se démarque de celle (unilatéralement diffusée par la presse occidentale en général) qui dépeint naïvement et sans nuance une Russie à genoux devant les sanctions européennes.»
@Baïka 08.01.2023 | 18h13
«À lire vos commentaires, on en vient à s’imaginer que le mal a changé de camp. Bien sûr que les dirigeants européens sont des corrompus (presque tous) qui ne pensent qu’à sauvegarder leurs intérêts. Mais je suis sûr que la corruption gangrène également Poutine et son entourage. J’estime pour ma part que si l’Europe avait vraiment usé de ses talents de diplomate afin de trouver une solution à cette guerre, la situation serait tout autre. Envoyer Macron pour négocier avec Poutine a été d’une maladresse insoutenable.
Lorsque Poutine aura débarrassé le plancher, de nouveaux accords seront conclus avec notre voisin et nous aurons ainsi l’occasion de retrouver des matières premières à leur juste prix et nous aurons également l’occasion de diminuer fortement notre dépendance aux Etats-Unis.
»
@Spark 10.01.2023 | 16h15
«Très bon article. Cette guerre était évitable par un seul moment de courage des "4 majeurs" européens. L'Allemagne, la France, la GB et l'Italie, qui auraient pu signer une lettre d'intention et de l'envoyer à la Russie confirmant leur véto permanant à l'entrée de l'Ukraine dans l'Otan. Il ne fallait pas plus. Tous ceux qui ont pris la peine de lire votre long article sont dégoutés par la propagande antirusse, mais cela ne suffit pas pour donner un blanc-seing au Président Poutine, pour sa double violation; et de l'état de paix en Europe et de la charte de l'ONU. Les antécédant étatsunien en matière de guerre ne peuvent pas lui servir d'excuse. Vous évoquez le drame du détachement de la Russie de son continent naturel, mais il y a pire pour nous; M. Poutine à poussé encore plus les européens dans les bras de l'Uncle Sam, au point que personne ici n'ose demander des comptes sur le sabotage des gazoducs. Leur perte occasionnera un saignement financier de plusieurs centaines de milliards par an. Notre continent est devenu comme un bateau politiquement ivre, qui ne sait pas ce qu'il fait ni où aller. »
@Qovadis 11.01.2023 | 21h20
«Concernant le sabotage des gazoducs Nordstream, d’après ce qu’on peut lire sur internet, l’enquête n’est pas terminée et ne le sera avant longtemps. Qui se cache derrière le sabotage? On le saura peut-être quand les archives seront déclassifiées, dans 50 ans ? 100 ans ? Ou plus tôt dans les wikileaks ? En attendant, on trouve sur internet le résultat de sondages au sujet des principaux suspects. Par exemple :
États-Unis 70%, Russie 21%, Ukraine 6%, Pologne 2%, Allemagne 1%.
Voir https://www.youtube.com/watch?v=Kx8haGwK_EI
Donc on en est au stade des probabilités et non de la certitude.
»
@Qovadis 12.01.2023 | 09h14
«PS: Autre site web donnant des informations intéressantes au sujet du sabotage des gazoducs Nordstream.
https://www.senat.fr/questions/base/2022/qSEQ221204072.html
Je relève la phrase suivante; "...ce sabotage pourrait bien constituer un acte de guerre, non pas seulement contre la Russie, mais potentiellement aussi contre l'Union européenne".
»
@marcello 27.01.2023 | 10h37
«Merci pour cet article. Enfin un article différent, un point de vue différent. Il est certain qu'en Europe on oublie de penser que la culture russophone est très différente de la notre.
Je suis juste sidéré qu'en Suisse dire les choses différemment , d'avoir un autre point de vue devient problématique.
Je vois une dictature pointé le bout de son nez. "Tous pour combattre le rouge", c'était au siècle passé non ?
Nous avons régressé, dans le sens qu'une personne lambda sera coupable de la politique de son gouvernement et peut subir des sanctions.»