Actuel / La nécessaire transformation de l’aide humanitaire internationale
Cette photo prise le 9 mars 2018 montre des véhicules des Nations unies et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) dans l'enclave de la Ghouta orientale, près de Damas, tenue par les rebelles, dans le cadre d'un convoi d'aide humanitaire fourni par le Croissant-Rouge syrien. © Stringer/AFP
Au-delà des grands discours compassionnels, le modèle économique de l’aide humanitaire ne peut pas faire l’impasse sur l’origine des sources de financement et ce qu’elles impliquent. Pierre Micheletti, médecin, co-responsable du master «Politiques et pratiques des organisations internationales» à l'Institut d'Etudes Politiques de Grenoble et président d'Action Contre la Faim analyse la situation et propose des pistes de changement.
Pierre Micheletti, Université Grenoble Alpes (UGA)
S’intéresser au modèle économique de l’aide humanitaire internationale ne peut se résumer à inventorier les sommes nécessaires et leurs destinations. Les sources de financement, leurs origines, les conditions posées par les financeurs et les choix prioritaires d’affectation sont également porteurs de sens et d’enjeux cruciaux.
La façon dont se déclinent les réponses aux points qui précèdent traduit des logiques politiques, des rapports de force entre puissances, des stratégies d’influence ou de domination. Au-delà des grands discours compassionnels, les chiffres nous dévoilent des mécanismes plus équivoques, en même temps qu’ils pointent d’urgentes pistes de changement.
Les inconvénients majeurs du système actuel
Tel qu’il se présente aujourd’hui, le financement de l’aide humanitaire internationale présente trois inconvénients majeurs:
-
Il n’arrive pas à réunir les sommes nécessaires pour couvrir les besoins identifiés chaque année par le Bureau de Coordination des Nations unies pour les Affaires humanitaires (OCHA).
-
Il expose l’aide humanitaire à différentes formes de limitation ou de subordination à la volonté politique des quelques pays qui dominent largement, via leurs contributions volontaires, l’enveloppe annuelle.
-
Il transfère aux principales ONG internationales la responsabilité de trouver des financements complémentaires à ceux des États. Il entraîne dès lors ces ONG vers des formes de marchandisation de leur mission, vers une quête incessante de performance pour réduire leurs frais de fonctionnement, et vers une dépendance à l’égard de la générosité de leurs donateurs individuels.
Le secrétaire général de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR), Jagan Chapagain (à gauche), et le président de la Fédération internationale de l’automobile (FIA), Jean Todt, assistent à une cérémonie de signature après que la FIA a remis un chèque de près de 2 millions d’euros à la FICR pour soutenir l’action mondiale de l’organisation humanitaire face à l’épidémie de Covid-19, le 22 juillet 2020 à Genève. © Fabrice Coffrini/AFP
Aussi, sortir d’un système de financement volontaire, concentré sur un nombre très restreint de pays, est désormais une priorité pour contourner les obstacles énoncés ci-dessus.
Un outil du soft power occidental ?
L’aide humanitaire non gouvernementale est actuellement dominée par un modèle d’organisation, des financements et une visibilité opérationnelle qui peuvent l’identifier comme un outil du soft power des pays occidentaux. Ce modèle touche ses limites en termes de crédibilité, d’efficacité et d’acceptabilité. Il est devenu anachronique par rapport aux évolutions internationales des dernières décennies, qui ont conduit à l’émergence d’un monde multipolaire.
Un écran affiche les mots « L’Amérique est un champion de la démocratie. Plus de 190 millions de dollars en nouvelle assistance humanitaire et médicale » derrière le secrétaire d’État Mike Pompeo alors qu’il s’exprime lors d’une conférence de presse au département d’État à Washington, DC le 10 juin 2020. © Andrew Harnik/AFP
L’humanitaire international, qui avait difficilement réussi à se définir un espace autonome en passant parfois à travers les mailles des souverainetés étatiques, et à agir localement avec efficacité, est de plus en plus gêné par la volonté explicite de l’inclure dans le cadre de politiques contre-insurrectionnelles visant à gagner la loyauté des communautés.
Ainsi, pour éviter une paralysie des secours, l’ensemble des parties prenantes dans un conflit doivent agir de façon concertée pour empêcher la manipulation de la démarche humanitaire à des fins politiques. À ce titre, les forces armées ne devraient plus faire usage de la symbolique ou de la rhétorique humanitaire dans des contextes où leurs arrière-pensées tactiques sont manifestes.
Après avoir constitué l’un des berceaux du mouvement humanitaire français, l’Afghanistan aura initié les prémices d’une paralysie à laquelle sont désormais confrontées les ONG internationales – mais aussi les autres acteurs – dans d’autres pays. Ces ONG se retrouvent fréquemment dans l’incapacité d’agir, dès lors qu’elles interviennent sur des terrains où une partie des belligérants remettent en cause leur neutralité ou leur indépendance.
La constellation hétérogène des ONG internationales
Par leur grand nombre, par leurs domaines de compétence très variés, par les rapports qu’elles entretiennent avec l’État dans leurs différents pays d’origine comme dans ceux où elles interviennent, et aussi par l’origine de leurs sources de financement, les ONG forment une constellation hétérogène.
Elles ont avec la guerre des liens étroits, anciens, et côtoient sur les terrains de conflit ces deux autres acteurs majeurs de l’aide internationale que sont les Nations unies, via leurs agences spécialisées, et le mouvement de la Croix-Rouge.
Ces deux dernières familles ont leurs propres cadres juridiques et financiers, et des mandats spécifiques. La formalisation de leurs rôles est plus précise que celle qui régit les modalités d’intervention des ONG internationales. Cette formalisation n’empêche pourtant pas complètement les tensions et divergences entre membres d’une même catégorie d’acteurs. L’Afghanistan, ou l’Irak pour les Nations unies, la Syrie pour le mouvement de la Croix-Rouge, ont été des crises récentes durant lesquelles ces tensions ont été explicites et perceptibles.
Peter Maurer (au centre), le président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), s’entretient avec des travailleurs humanitaires après leur arrivée dans l’enclave de Douma (Ghouta orientale, Syrie), tenue par les rebelles, avec un convoi transportant de l’aide alimentaire le 15 mars 2018. © Hamza Al-Ajweh/AFP
Les ONG, malgré leur large diversité, n’en apparaissent pas moins confrontées aujourd’hui, dans leur volonté de porter secours sur les zones de guerre où qu’elles soient, à un risque majeur de paralysie. Cet «empêchement» potentiel ou réel à agir résulte de mécanismes variés et intriqués qui traduisent une évolution du «regard de l’Autre» sur ce que sont et font les ONG internationales. Les humanitaires se confrontent à des réalités désormais différentes de celles des moments fondateurs du mouvement. La puissance symbolique et l’immunité tacite dont bénéficiaient les humanitaires ont vécu. Il y a, dans le mouvement humanitaire contemporain issu des «sociétés civiles», quatre mécanismes, quatre dynamiques, pour ne pas dire quatre «tentations», dont il apparaît qu’elles ont, pour les trois premières, des sources anciennes.
Les quatre tentations
La «tentation néolibérale» est présente dès l’apparition du concept d’ONG, en 1945, qui déjà mêlait sous cette appellation des entités très éloignées du concept français d’associations tel qu’il avait été théorisé par Alexis de Tocqueville au XIXe siècle.
Cette dynamique néolibérale est également perceptible dans le modèle financier global de l’aide humanitaire internationale qui repose, pour un quart, sur la générosité aléatoire de donateurs privés et, pour les trois autres quarts, sur la contribution optionnelle d’un nombre restreint d’États. La défaillance des financements publics pousse alors les humanitaires à s’engager sur les sentiers hasardeux – et parfois éthiquement discutables – du marketing émotionnel.
On retrouve dans la pratique des ONG internationales les ingrédients d’un libéralisme parfois nié, parfois revendiqué, parfois source de différends entre les différentes organisations : culte de la performance, apologie de l’argent privé comme gage de la «liberté d’entreprendre», défiance à l’égard du pouvoir des États, revendications de l’affranchissement vis-à-vis de toutes formes de régulation/coordination, propos parfois hostiles entre ONG à l’égard de la «concurrence».
La tentation de «l’occidentalo-centrisme» est patente, comme en témoignent les sources de financement et le quasi-monopole dans le domaine de l’aide humanitaire des ONG issues de pays d’Europe de l’ouest ou d’Amérique du Nord.
Le Sommet humanitaire mondial d’Istanbul de 2016, a, à ce jour, échoué à mettre en œuvre l’une de ses recommandations visant à donner plus de moyens aux ONG locales et nationales pour délivrer de l’aide. Les derniers chiffres disponibles montrent que l’enveloppe financière globale de près de 29 milliards de dollars annuels ne profite que très faiblement aux acteurs locaux, dans une proportion qui n’arrive pas à décoller de 2,5 % – là où le sommet d’Istanbul préconisait d’atteindre progressivement, à horizon 2020, la proportion de 20 %.
La «tentation sécuritaire» des principaux financeurs devient un sujet de préoccupation majeur. Elle instaure une logique de contrôles tatillons et intrusifs, et prétend instaurer un barrage dans la possibilité, sur les terrains de guerre, de négocier librement avec tous les protagonistes de la violence, amenant les ONG à cheminer sur une ligne de crête risquée. Elles deviennent soumises à des procédures administratives kafkaïennes, sont mises en situation d’agir selon des modalités qui mettent en péril les principes fondateurs de neutralité et d’indépendance théorisés par le Comité international de la Croix-Rouge, en même temps qu’émergent des questions éthiques telles que la demande insistante de certains financeurs que leur soient communiquées les listes des bénéficiaires, rupture majeure dans le code de déontologie des soignants en particulier.
La posture des financeurs est ambiguë: ils orientent majoritairement leurs dons vers des pays en guerre, souvent confrontés à la question du radicalisme religieux comme cofacteur de la violence; ils mandatent les ONGI pour mettre en œuvre des actions; mais ils sont réticents à ce que les humanitaires négocient avec tous les acteurs d’un conflit. Nous assistons ainsi à un évident transfert de risques de la part des pays donateurs vers les ONG. À ces dernières, la mise en œuvre des gestes de secours, la contribution aux financements, le rôle d’effectrices de volontés de pacification, le décompte des personnes blessées, kidnappées et tuées dans l’exercice de leurs missions. Aux gouvernements donateurs le bénéfice politique et stratégique, sur l’échiquier international, de l’aide fournie.
A ces enjeux préalables, dont certains étaient présents dès l’acte de naissance des différentes organisations, la pandémie de Covid-19 vient rajouter un danger supplémentaire: la «tentation de la rétraction».
L’épidémie virale, qui a commencé à se propager début 2020, provoque une forme d’injonction paradoxale. Elle a entraîné l’intervention massive de l’État, même dans les pays champions d’un capitalisme débridé, pour éviter la casse économique et sociale. On peut voir dans ces interventions le retour de l’État-providence. Chemin faisant, au-delà des réactions et stratégies de chaque pays, c’est, par inférence, la place des gouvernements dans le financement de l’aide humanitaire internationale qui est à nouveau questionnée.
Ces dix dernières années, de façon stable, les appels coordonnés des Nations unies ont fait apparaître un déficit de financements gouvernementaux de l’ordre de 40 % des sommes espérées. Cela représentait, pour l’année 2018, un manque d’environ 10 milliards de dollars. Ce montant apparaît brusquement dérisoire face aux moyens déployés par les pays développés pour préserver leurs économies. Il émerge une forte inquiétude: dans une situation économique mondiale très dégradée, se profile le spectre d’une réduction des fonds publics destinés à l’aide humanitaire internationale. Dans un scénario pessimiste, mais pas irréaliste, de baisse concomitante des fonds publics provenant des pays de l’OCDE – centrés sur le renforcement de leurs économies – et d’un «décrochage» des fonds privés réunis par les ONG, c’est toute la structure financière globale de l’aide humanitaire mondiale qui se trouverait alors dramatiquement affectée.
Plus d’une centaine de pays constituent le groupe défini par la Banque mondiale comme étant «à revenus élevés». Tous ensemble, ils ont généré en 2018 un Revenu national brut de 80 000 milliards de dollars. Si chacun de ces pays contribuait à hauteur de 0,03 % de son RNB, comme nous le proposons dans notre récent ouvrage, alors serait obtenue l’intégralité des sommes nécessaires pour faire face aux crises humanitaires internationales (à hauteur des besoins identifiés pour cette même année 2018). Il faut dès lors convaincre les Nations unies d’instaurer un système de contribution obligatoire des pays appartenant à ce groupe, pour abonder l’enveloppe financière annuelle mise à disposition des différents acteurs humanitaires.
Pour une contribution obligatoire des États à revenus élevés
Se retrouveraient ainsi contributeurs aussi bien les donateurs qui dominent aujourd’hui: les États-Unis et les pays de l’Union européenne en particulier, mais également la Russie, la Chine et le Brésil, pour ne citer que quelques pays supplémentaires parmi les grandes puissances existantes ou émergentes dont la contribution est aujourd’hui symbolique.
Le cas de la Russie est particulièrement emblématique du déséquilibre qui prévaut aujourd’hui. Cette grande puissance, membre du Conseil de sécurité, politiquement impliquée dans de nombreux conflits majeurs, représente annuellement un apport de 0,3 % des financements mobilisés pour l’aide d’urgence dans le monde.
Les modalités de répartition de l’enveloppe financière ainsi réunie devraient alors être confiées à une entité indépendante, en particulier à l’égard des membres du Conseil de sécurité, afin de protéger l’action humanitaire de toute volonté de manipulation et/ou de politisation dans le choix des pays et des crises prises en considération.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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Ce modèle touche ses limites en termes de crédibilité, d’efficacité et d’acceptabilité. Il est devenu anachronique par rapport aux évolutions internationales des dernières décennies, qui ont conduit à l’émergence d’un monde multipolaire.</p> <h4><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1600142649_file202009142017fkwcn.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " /></h4> <h4>Un écran affiche les mots « L’Amérique est un champion de la démocratie. Plus de 190 millions de dollars en nouvelle assistance humanitaire et médicale » derrière le secrétaire d’État Mike Pompeo alors qu’il s’exprime lors d’une conférence de presse au département d’État à Washington, DC le 10 juin 2020. © Andrew Harnik/AFP</h4> <p>L’humanitaire international, qui avait difficilement réussi à se définir un espace autonome en passant parfois à travers les mailles des souverainetés étatiques, et à agir localement avec efficacité, est de plus en plus gêné par la volonté explicite de l’inclure <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/09/09/au-sahel-l-humanitaire-une-autre-tactique-militaire_6051575_3212.html">dans le cadre de politiques contre-insurrectionnelles</a> visant à gagner la loyauté des communautés.</p> <p>Ainsi, pour éviter une paralysie des secours, l’ensemble des parties prenantes dans un conflit doivent agir de façon concertée pour empêcher la manipulation de la démarche humanitaire à des fins politiques. À ce titre, les forces armées ne devraient plus faire usage de la symbolique ou de la rhétorique humanitaire dans des contextes où leurs arrière-pensées tactiques sont manifestes.</p> <p>Après avoir constitué l’un des berceaux du mouvement humanitaire français, l’Afghanistan aura initié les prémices d’une paralysie à laquelle sont désormais confrontées les ONG internationales – mais aussi les <a href="https://books.google.fr/books?id=qyXWBQAAQBAJ">autres acteurs</a> – dans d’autres pays. Ces ONG se retrouvent fréquemment dans l’incapacité d’agir, dès lors qu’elles interviennent sur des terrains où une partie des belligérants remettent en cause leur neutralité ou leur indépendance.</p> <h3>La constellation hétérogène des ONG internationales</h3> <p>Par leur grand nombre, par leurs domaines de compétence très variés, par les rapports qu’elles entretiennent avec l’État dans leurs différents pays d’origine comme dans ceux où elles interviennent, et aussi par l’origine de leurs sources de financement, les ONG forment une constellation hétérogène.</p> <p>Elles ont avec la guerre des liens étroits, anciens, et côtoient sur les terrains de conflit ces deux autres acteurs majeurs de l’aide internationale que sont les Nations unies, via leurs agences spécialisées, et le mouvement de la Croix-Rouge.</p> <p>Ces deux dernières familles ont leurs propres cadres juridiques et financiers, et des mandats spécifiques. La formalisation de leurs rôles est plus précise que celle qui régit les modalités d’intervention des ONG internationales. Cette formalisation n’empêche pourtant pas complètement les tensions et divergences entre membres d’une même catégorie d’acteurs. L’Afghanistan, ou l’Irak pour les Nations unies, la Syrie pour le mouvement de la Croix-Rouge, ont été des crises récentes durant lesquelles ces tensions ont été explicites et perceptibles.</p> <h4><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1600142692_file202009141814x9u93.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " /></h4> <h4>Peter Maurer (au centre), le président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), s’entretient avec des travailleurs humanitaires après leur arrivée dans l’enclave de Douma (Ghouta orientale, Syrie), tenue par les rebelles, avec un convoi transportant de l’aide alimentaire le 15 mars 2018. © Hamza Al-Ajweh/AFP</h4> <p>Les ONG, malgré leur large diversité, n’en apparaissent pas moins confrontées aujourd’hui, dans leur volonté de porter secours sur les zones de guerre où qu’elles soient, à un risque majeur de paralysie. Cet «empêchement» potentiel ou réel à agir résulte de mécanismes variés et intriqués qui traduisent une évolution du «regard de l’Autre» sur ce que sont et font les ONG internationales. Les humanitaires se confrontent à des réalités désormais différentes de celles des moments fondateurs du mouvement. La puissance symbolique et l’immunité tacite dont bénéficiaient les humanitaires ont vécu. Il y a, dans le mouvement humanitaire contemporain issu des «sociétés civiles», quatre mécanismes, quatre dynamiques, pour ne pas dire quatre <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/08/19/les-ong-internationales-apparaissent-aujourd-hui-confrontees-a-un-risque-majeur-de-paralysie_6049313_3232.html">«tentations»</a>, dont il apparaît qu’elles ont, pour les trois premières, des sources anciennes.</p> <h3>Les quatre tentations</h3> <p>La <strong>«tentation néolibérale»</strong> est présente dès l’apparition du <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2004-3-page-373.htm">concept d’ONG</a>, en 1945, qui déjà mêlait sous cette appellation des entités <a href="https://www.persee.fr/doc/homso_0018-4306_1992_num_105_3_2662">très éloignées du concept français d’associations</a> tel qu’il avait été théorisé par Alexis de Tocqueville au XIX<sup>e</sup> siècle.</p> <p>Cette <a href="https://www.cetri.be/Les-ONG-instruments-du-neo?lang=fr">dynamique néolibérale</a> est également perceptible dans le modèle financier global de l’aide humanitaire internationale qui repose, pour un quart, sur la générosité aléatoire de donateurs privés et, pour les trois autres quarts, sur la contribution optionnelle d’un nombre restreint d’États. La défaillance des financements publics pousse alors les humanitaires à s’engager sur les sentiers hasardeux – et parfois éthiquement discutables – du <a href="http://stephanie.dupont3.free.fr/integral.pdf">marketing émotionnel</a>.</p> <p>On retrouve dans la pratique des <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/2005/01/04/medecins-sans-frontieres-suspend-sa-collecte-de-dons-pour-l-asie_392968_1819218.html">ONG internationales</a> les ingrédients d’un libéralisme parfois nié, parfois revendiqué, parfois source de différends entre les différentes organisations : culte de la performance, apologie de l’argent privé comme gage de la «liberté d’entreprendre», défiance à l’égard du pouvoir des États, revendications de l’affranchissement vis-à-vis de toutes formes de régulation/coordination, propos parfois hostiles entre ONG à l’égard de la <a href="https://www.liberation.fr/tribune/2005/01/11/solidarite-avec-les-ong_505784">«concurrence»</a>.</p> <p>La <strong>tentation de «l’occidentalo-centrisme»</strong> est patente, comme en témoignent les sources de financement et le <a href="http://devinit.org/wp-content/uploads/2019/09/GHA-report-2019.pdf">quasi-monopole</a> dans le domaine de l’aide humanitaire des ONG issues de pays d’Europe de l’ouest ou d’Amérique du Nord.</p> <p>Le <a href="https://www.un.org/press/fr/highlights/WorldHumanitarianSummit">Sommet humanitaire mondial d’Istanbul de 2016</a>, a, à ce jour, échoué à mettre en œuvre l’une de ses recommandations visant à donner plus de moyens aux ONG locales et nationales pour délivrer de l’aide. Les derniers chiffres disponibles montrent que l’enveloppe financière globale de près de 29 milliards de dollars annuels ne profite que très faiblement aux acteurs locaux, dans une proportion qui n’arrive pas à décoller de 2,5 % – là où le sommet d’Istanbul préconisait d’atteindre progressivement, à horizon 2020, la proportion de 20 %.</p> <p>La <strong><a href="https://www.chathamhouse.org/publication/recommendations-reducing-tensions-interplay-between-sanctions-counterterrorism-measures">«tentation sécuritaire»</a></strong> des principaux financeurs devient un sujet de préoccupation majeur. Elle instaure une logique de contrôles tatillons et intrusifs, et prétend instaurer un barrage dans la possibilité, sur les terrains de guerre, de négocier librement avec tous les protagonistes de la violence, amenant les ONG à cheminer sur une ligne de crête risquée. Elles deviennent soumises à des procédures administratives kafkaïennes, sont mises en situation d’agir selon des modalités qui mettent en péril les principes fondateurs de neutralité et d’indépendance théorisés par le Comité international de la Croix-Rouge, en même temps qu’émergent des questions éthiques telles que la demande insistante de certains financeurs que leur soient communiquées les listes des bénéficiaires, rupture majeure dans le code de déontologie des soignants en particulier.</p> <p>La posture des financeurs est ambiguë: ils orientent majoritairement leurs dons vers des pays en guerre, souvent confrontés à la question du radicalisme religieux comme cofacteur de la violence; ils mandatent les ONGI pour mettre en œuvre des actions; mais ils sont réticents à ce que les humanitaires négocient avec tous les acteurs d’un conflit. Nous assistons ainsi à un évident transfert de risques de la part des pays donateurs vers les ONG. À ces dernières, la mise en œuvre des gestes de secours, la contribution aux financements, le rôle d’effectrices de volontés de pacification, le décompte des personnes blessées, kidnappées et tuées dans l’exercice de leurs missions. Aux gouvernements donateurs le bénéfice politique et stratégique, sur l’échiquier international, de l’aide fournie.</p> <p>A ces enjeux préalables, dont certains étaient présents dès l’acte de naissance des différentes organisations, la pandémie de Covid-19 vient rajouter un danger supplémentaire: la <strong>«tentation de la rétraction»</strong>.</p> <figure><iframe frameborder="0" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/MWu5mtbYues?wmode=transparent&start=0" width="440"></iframe></figure> <p>L’épidémie virale, qui a commencé à se propager début 2020, provoque une forme d’injonction paradoxale. Elle a entraîné l’intervention massive de l’État, même dans les pays champions d’un capitalisme débridé, pour éviter la casse économique et sociale. On peut voir dans ces interventions le retour de l’État-providence. Chemin faisant, au-delà des réactions et stratégies de chaque pays, c’est, par inférence, la place des gouvernements dans le financement de l’aide humanitaire internationale qui est à nouveau questionnée.</p> <p>Ces dix dernières années, de façon stable, les appels coordonnés des Nations unies ont fait apparaître un <a href="http://devinit.org/wp-content/uploads/2019/09/GHA-report-2019.pdf">déficit de financements gouvernementaux</a> de l’ordre de 40 % des sommes espérées. Cela représentait, pour l’année 2018, un manque d’environ 10 milliards de dollars. Ce montant apparaît brusquement dérisoire face aux moyens déployés par les pays développés pour préserver leurs économies. Il émerge une forte inquiétude: dans une situation économique mondiale très dégradée, se profile le spectre d’une réduction des fonds publics destinés à l’aide humanitaire internationale. 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Si chacun de ces pays contribuait à hauteur de 0,03 % de son RNB, comme nous le proposons <a href="https://www.editions-parole.net/sortie-le-15-septembre-2020-de-003-pour-une-transformation-du-mouvement-humanitaire-international-de-pierre-micheletti/">dans notre récent ouvrage</a>, alors serait obtenue l’intégralité des sommes nécessaires pour faire face aux crises humanitaires internationales (à hauteur des besoins identifiés pour cette même année 2018). Il faut dès lors convaincre les Nations unies d’instaurer un système de <em>contribution obligatoire</em> des pays appartenant à ce groupe, pour abonder l’enveloppe financière annuelle mise à disposition des différents acteurs humanitaires.</p> <h3>Pour une contribution obligatoire des États à revenus élevés</h3> <p>Se retrouveraient ainsi contributeurs aussi bien les donateurs qui dominent aujourd’hui: les États-Unis et les pays de l’Union européenne en particulier, mais également la Russie, la Chine et le Brésil, pour ne citer que quelques pays supplémentaires parmi les grandes puissances existantes ou émergentes dont la contribution est aujourd’hui symbolique.</p> <p>Le cas de la Russie est particulièrement emblématique du déséquilibre qui prévaut aujourd’hui. 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Les sources de financement, leurs origines, les conditions posées par les financeurs et les choix prioritaires d’affectation sont également porteurs de sens et d’enjeux cruciaux.</p> <p>La façon dont se déclinent les réponses aux points qui précèdent traduit des logiques politiques, des rapports de force entre puissances, des stratégies d’influence ou de domination. Au-delà des grands discours compassionnels, les chiffres nous dévoilent des mécanismes plus équivoques, en même temps qu’ils pointent d’urgentes pistes de changement.</p> <h3>Les inconvénients majeurs du système actuel</h3> <p>Tel qu’il se présente aujourd’hui, le financement de l’aide humanitaire internationale présente trois inconvénients majeurs:</p> <ul> <li> <p>Il n’arrive pas à réunir les sommes nécessaires pour couvrir les besoins identifiés chaque année par le <a href="https://www.unocha.org/sites/unocha/files/this_is_ocha_2019_FR.pdf">Bureau de Coordination des Nations unies pour les Affaires humanitaires</a> (OCHA).</p> </li> <li> <p>Il expose l’aide humanitaire à différentes formes de limitation ou de subordination à la volonté politique des quelques pays qui dominent largement, via leurs contributions volontaires, l’enveloppe annuelle.</p> </li> <li> <p>Il transfère aux principales ONG internationales la responsabilité de trouver des financements complémentaires à ceux des États. 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Ce modèle touche ses limites en termes de crédibilité, d’efficacité et d’acceptabilité. Il est devenu anachronique par rapport aux évolutions internationales des dernières décennies, qui ont conduit à l’émergence d’un monde multipolaire.</p> <h4><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1600142649_file202009142017fkwcn.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " /></h4> <h4>Un écran affiche les mots « L’Amérique est un champion de la démocratie. Plus de 190 millions de dollars en nouvelle assistance humanitaire et médicale » derrière le secrétaire d’État Mike Pompeo alors qu’il s’exprime lors d’une conférence de presse au département d’État à Washington, DC le 10 juin 2020. © Andrew Harnik/AFP</h4> <p>L’humanitaire international, qui avait difficilement réussi à se définir un espace autonome en passant parfois à travers les mailles des souverainetés étatiques, et à agir localement avec efficacité, est de plus en plus gêné par la volonté explicite de l’inclure <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/09/09/au-sahel-l-humanitaire-une-autre-tactique-militaire_6051575_3212.html">dans le cadre de politiques contre-insurrectionnelles</a> visant à gagner la loyauté des communautés.</p> <p>Ainsi, pour éviter une paralysie des secours, l’ensemble des parties prenantes dans un conflit doivent agir de façon concertée pour empêcher la manipulation de la démarche humanitaire à des fins politiques. À ce titre, les forces armées ne devraient plus faire usage de la symbolique ou de la rhétorique humanitaire dans des contextes où leurs arrière-pensées tactiques sont manifestes.</p> <p>Après avoir constitué l’un des berceaux du mouvement humanitaire français, l’Afghanistan aura initié les prémices d’une paralysie à laquelle sont désormais confrontées les ONG internationales – mais aussi les <a href="https://books.google.fr/books?id=qyXWBQAAQBAJ">autres acteurs</a> – dans d’autres pays. Ces ONG se retrouvent fréquemment dans l’incapacité d’agir, dès lors qu’elles interviennent sur des terrains où une partie des belligérants remettent en cause leur neutralité ou leur indépendance.</p> <h3>La constellation hétérogène des ONG internationales</h3> <p>Par leur grand nombre, par leurs domaines de compétence très variés, par les rapports qu’elles entretiennent avec l’État dans leurs différents pays d’origine comme dans ceux où elles interviennent, et aussi par l’origine de leurs sources de financement, les ONG forment une constellation hétérogène.</p> <p>Elles ont avec la guerre des liens étroits, anciens, et côtoient sur les terrains de conflit ces deux autres acteurs majeurs de l’aide internationale que sont les Nations unies, via leurs agences spécialisées, et le mouvement de la Croix-Rouge.</p> <p>Ces deux dernières familles ont leurs propres cadres juridiques et financiers, et des mandats spécifiques. La formalisation de leurs rôles est plus précise que celle qui régit les modalités d’intervention des ONG internationales. Cette formalisation n’empêche pourtant pas complètement les tensions et divergences entre membres d’une même catégorie d’acteurs. L’Afghanistan, ou l’Irak pour les Nations unies, la Syrie pour le mouvement de la Croix-Rouge, ont été des crises récentes durant lesquelles ces tensions ont été explicites et perceptibles.</p> <h4><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1600142692_file202009141814x9u93.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " /></h4> <h4>Peter Maurer (au centre), le président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), s’entretient avec des travailleurs humanitaires après leur arrivée dans l’enclave de Douma (Ghouta orientale, Syrie), tenue par les rebelles, avec un convoi transportant de l’aide alimentaire le 15 mars 2018. © Hamza Al-Ajweh/AFP</h4> <p>Les ONG, malgré leur large diversité, n’en apparaissent pas moins confrontées aujourd’hui, dans leur volonté de porter secours sur les zones de guerre où qu’elles soient, à un risque majeur de paralysie. Cet «empêchement» potentiel ou réel à agir résulte de mécanismes variés et intriqués qui traduisent une évolution du «regard de l’Autre» sur ce que sont et font les ONG internationales. Les humanitaires se confrontent à des réalités désormais différentes de celles des moments fondateurs du mouvement. La puissance symbolique et l’immunité tacite dont bénéficiaient les humanitaires ont vécu. Il y a, dans le mouvement humanitaire contemporain issu des «sociétés civiles», quatre mécanismes, quatre dynamiques, pour ne pas dire quatre <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/08/19/les-ong-internationales-apparaissent-aujourd-hui-confrontees-a-un-risque-majeur-de-paralysie_6049313_3232.html">«tentations»</a>, dont il apparaît qu’elles ont, pour les trois premières, des sources anciennes.</p> <h3>Les quatre tentations</h3> <p>La <strong>«tentation néolibérale»</strong> est présente dès l’apparition du <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2004-3-page-373.htm">concept d’ONG</a>, en 1945, qui déjà mêlait sous cette appellation des entités <a href="https://www.persee.fr/doc/homso_0018-4306_1992_num_105_3_2662">très éloignées du concept français d’associations</a> tel qu’il avait été théorisé par Alexis de Tocqueville au XIX<sup>e</sup> siècle.</p> <p>Cette <a href="https://www.cetri.be/Les-ONG-instruments-du-neo?lang=fr">dynamique néolibérale</a> est également perceptible dans le modèle financier global de l’aide humanitaire internationale qui repose, pour un quart, sur la générosité aléatoire de donateurs privés et, pour les trois autres quarts, sur la contribution optionnelle d’un nombre restreint d’États. La défaillance des financements publics pousse alors les humanitaires à s’engager sur les sentiers hasardeux – et parfois éthiquement discutables – du <a href="http://stephanie.dupont3.free.fr/integral.pdf">marketing émotionnel</a>.</p> <p>On retrouve dans la pratique des <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/2005/01/04/medecins-sans-frontieres-suspend-sa-collecte-de-dons-pour-l-asie_392968_1819218.html">ONG internationales</a> les ingrédients d’un libéralisme parfois nié, parfois revendiqué, parfois source de différends entre les différentes organisations : culte de la performance, apologie de l’argent privé comme gage de la «liberté d’entreprendre», défiance à l’égard du pouvoir des États, revendications de l’affranchissement vis-à-vis de toutes formes de régulation/coordination, propos parfois hostiles entre ONG à l’égard de la <a href="https://www.liberation.fr/tribune/2005/01/11/solidarite-avec-les-ong_505784">«concurrence»</a>.</p> <p>La <strong>tentation de «l’occidentalo-centrisme»</strong> est patente, comme en témoignent les sources de financement et le <a href="http://devinit.org/wp-content/uploads/2019/09/GHA-report-2019.pdf">quasi-monopole</a> dans le domaine de l’aide humanitaire des ONG issues de pays d’Europe de l’ouest ou d’Amérique du Nord.</p> <p>Le <a href="https://www.un.org/press/fr/highlights/WorldHumanitarianSummit">Sommet humanitaire mondial d’Istanbul de 2016</a>, a, à ce jour, échoué à mettre en œuvre l’une de ses recommandations visant à donner plus de moyens aux ONG locales et nationales pour délivrer de l’aide. 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Depuis plusieurs semaines, Pierre correspondait avec une dizaine de personnes et toutes leurs conversations avaient pour sujet la critique du virilisme, la chasse au masculinisme, la volonté d’abattre le patriarcat «d’abord en nous». Rien que d’y penser, ça me donne envie de vomir. Je sais bien qu’une épidémie wokiste s’est abattue sur l’Occident mais je me pensais à l’abri. Eh bien, non! Cette épidémie a envahi mon salon, elle couche même dans mon lit! J’ai également découvert que Pierre me mentait. Alors qu’il prétendait aller jouer au badminton avec des copains, il participait à des <em>workshops</em> de déconstruction de virilité. «Je ne suis plus sûr de rien, écrivait-il sur le forum To-be-is-not-to-be-a-man. Suis-je un homme, une femme, un être mixte, double? Suis-je? 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Je l’ai tout de suite trouvé à mon goût mais je n’étais pas là pour ça. Nous nous étions donnés rendez-vous dans un tea-room du centre-ville, j’avais pris avec moi l’ordinateur portable de Pierre. Pierre qui prétendait être parti en séminaire professionnel à Zurich mais, je l’avais découvert sans peine, se trouvait en fait à Tolochenaz où avait lieu une rencontre avec un guru de la déconstruction masculine: «De viril à viriel».</p> <p>- Vous avez donc des doutes concernant votre mari? Expliquez-moi ce qui vous inquiète...</p> <p>Ce vouvoiement a sonné très agréablement à mes oreilles. Avec son col roulé, son blaser et sa coupe de cheveux tout à la fois stricte et décontractée, Emmanuel me fit me rendre compte qu’autour de moi, les hommes avaient depuis longtemps renoncé à leur élégance, privilégiant des tenues décontractées ne mettant plus du tout leurs atouts masculins en valeur.</p> <p>Oui, je dois l’avouer, à moi aussi les jeunes réactionnaires faisaient de l’effet. 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Pierre est déjà très perverti. Vous l’avez remarqué, dans ses messages il emploie l’écriture inclusive avec aisance. C’est la preuve que le mal a déjà atteint des couches profondes de sa conscience. De plus, il remet systématiquement en question les bienfaits de la civilisation occidentale dans le monde. Il milite pour la restitution des antiquités découvertes chez les peuples non-civilisés, il a participé au souillage de la statue de David de Pury à Neuchâtel, sous prétexte que celui-ci a participé à la traite d’esclaves…</p> <p>- Oui, je sais, c’est horrible. Tout ça alors que je le croyais occupé avec des clients. Les comptes de notre agence de communication sont dans le rouge. Cela fait des mois que Pierre ne prospecte plus de nouveaux clients et qu'il refuse les commandes au prétexte que la publicité est une aliénation capitalisto-patriarcale.</p> <p>- Et ça, Catherine, c’est très grave! S’attaquer à l’économie, c’est s’attaquer à nos valeurs premières. </p> <p>- Que faire? Mon Dieu, que faire?</p> <p>-Noël arrive, et je vois là une bonne occasion pour tenter quelque chose qui pourrait faire revenir votre mari à la raison. Il s’agit d’une thérapie de choc que je n’ai encore jamais utilisée mais que des camarades anti-wokes ont mise au point. Me faites-vous confiance, Catherine?</p> <p>Oui, bien sûr que je lui fais confiance à ce preux chevalier, à ce Lancelot des temps modernes, à ce nouveau croisé de la civilisation chrétienne. Même si, je le sais, ce qui va se passer à Noël chez nous va être excessivement éprouvant, et pas seulement pour Pierre…</p> <p style="text-align: right;"><em>Suite la semaine prochaine</em></p> <hr /> <h4>Pierre Ronpipal est l’auteur de<br /><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002707_damned01.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="133" height="184" /><br />«A moi de choisir ceux qui vont mourir»<br /> et de <br /><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002742_cover20242.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="130" height="175" /><br />«Le vert était rouge à l’intérieur»<br />aux <a href="https://nouvelleseditionshumus.ch/" target="_blank" rel="noopener">Nouvelles Editions Humus</a> </h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'un-bien-cruel-conte-de-noel-2', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 19, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5295, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Un bien cruel conte de Noël (1)', 'subtitle' => 'Catherine et Pierre forment un couple épanoui. 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La fidélité absolue est un concept éculé et hypocrite qui a pour but principal que les hommes soient certains que les enfants qui sortent des ventres de leur épouse soient bien le produit de leurs spermatozoïdes à eux. Transmettre ses gènes est un réflexe très animal, si Sapiens est vraiment un être supérieur, il devrait se détendre sur cette question. En plus, Pierre et moi n’avons pas fait d’enfants, trop concentrés sur nous-mêmes et nos vies à réussir. Marie, ma sœur, prétend que pour les femmes, l’importance de la fidélité n’a pas pour but la perpétuation de l’espèce mais plutôt la conservation à leur côté du mâle qui assure leur protection. Elle se trompe. Si Pierre et moi sommes toujours ensemble après trente-cinq ans de mariage, c’est justement parce que nous nous laissons la liberté d’aller de temps en temps voir ailleurs. Marie, elle, ne souhaitait plus de rapports sexuels tout en menaçant son mari de le quitter s’il la trompait. 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De retour en Suisse, j’ai soigné ma salpingite et terminé mes études de lettres. Entre deux amants de passage, je traversais de longues périodes d’abstinence sexuelle sans que cela me coûte. A la manif, j’ai trouvé Pierre très beau avec sa moustache et sa barbe de cinq jours. Et je l’ai trouvé irrésistible lorsqu’il a jeté une bouteille vide en direction des forces de l’ordre qui voulaient nous empêcher d’accéder à la salle où se déroulait une assemblée de l’UDC, ce parti d’extrême droite honni par nous. Pierre s’est fait réprimander par les camarades communistes qui assuraient le service d’ordre et il a fini par en venir aux mains avec eux. J’ai spontanément pris sa défense, nous nous sommes faits bousculer et avons quitté la manifestation, lui avec une arcade sourcilière fendue, moi avec un fort désir pour lui. Je l’ai emmené chez moi pour soigner sa blessure et nous avons fait l’amour toute la nuit. Deux semaines plus tard nous emménagions ensemble; nous ne nous sommes plus quittés.</p> <p>L’autre soir, alors que nous avions des invités à la maison, il m’a semblé reconnaître chez Pierre les signes d’une tension extrême. Depuis le temps, je le connais bien. Serge et Mireille, nos invités, l’ont eux aussi sentie, cette tension. Ce sont tout à la fois des amis et des clients. Des amis parce que comme nous ils sont de centre gauche, des clients car ils font appel à notre agence de communication pour promouvoir leur commerce. Après avoir été de grands voyageurs, Serge et Mireille vendent aujourd’hui des produits venus d’Asie, principalement d’Inde mais aussi de Birmanie et du Cambodge. Ils sélectionnent avec soins les artisans, privilégiant les structures coopératives respectueuses de l’environnement et du bien-être des populations locales. Nous gérons leur site internet et leur publicité, et tournons même pour eux des clips promotionnels. Pierre est devenu agressif avec Mireille lorsque celle-ci a déclaré que les néo-féministes exagéraient et que #MeToo décourageait toute tentative de séduction de la part des hommes. «Je n’ai pas peur de le dire, j’aime bien que l’on me tienne la porte et que les hommes me fassent sentir qu’ils me désirent…» Pierre lui a rétorqué que le patriarcat était une forme de fascisme et qu’en tant que progressiste nous devions tout faire pour l’abattre. J’ai essayé de dévier la conversation sur la nourriture bio mais très vite c’est l’écriture inclusive qui a fait s’échauffer les esprits. Serge, qui se pique d’aimer la littérature, a déclaré que le français était en danger, qu’il fallait le sauver des points médians et des réformes de l’orthographe. 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Ils réduisent de manière significative la quantité de plastique qui se retrouve dans les océans.</p> <p>Malgré cela, et parce qu’ils font un travail salissant et vivent dans des endroits sales, ils sont souvent tenus pour responsables du problème de la pollution plastique. Dans les discours politiques des villes et des Etats, leur travail a longtemps été <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956247816657302">tourné en dérision, considéré comme non qualifié et inefficace</a>. <a href="https://www.undp.org/blog/unsung-heroes-four-things-policymakers-can-do-empower-informal-waste-workers">L’absence de reconnaissance officielle</a> de leur travail rend leurs revenus particulièrement instables et précaires. 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Il a été demandé que leurs contributions historiques à la réduction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu’un objectif explicite de transition juste soit intégré au traité sur les plastiques.</p> <h3>Avec l’économie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3> <p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe défendu par les groupes de travailleurs et les défenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition écologique protègent, améliorent et compensent équitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communautés affectés par l’environnement.</p> <p>Les ramasseurs de déchets ont utilisé ce terme pour réclamer que le traité comprenne des dispositions pour améliorer leurs conditions de travail et de sécurité. Mais également pour que le traité intègre davantage les travailleurs informels aux systèmes de gestion des déchets, et pour exiger que les systèmes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-elargie-du-producteur-67766">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP) soutiennent aussi les travailleurs du secteur des déchets, en particulier les <a href="https://www.wiego.org/gender-waste-project">femmes et d’autres groupes vulnérables</a>.</p> <p>Etonnamment, ces demandes ont obtenu le soutien d’un large éventail de parties prenantes puissantes. Par exemple la <a href="https://www.businessforplasticstreaty.org/vision-statement#Key-elements">Business Coalition for a Plastics Treaty</a>, les <a href="https://news.un.org/en/story/2024/10/1156301">dirigeants des Nations unies</a> et même <a href="https://resolutions.unep.org/resolutions/uploads/american_chemistry_council.pdf">l’industrie pétrochimique</a>.</p> <p>Certaines de ces demandes ont été intégrées aux projets de traité sur les plastiques discutés au cours des négociations, ce qui représente une victoire majeure pour les travailleurs du secteur informel des déchets.</p> <p>Un consensus se dégage sur le fait qu’une économie circulaire inclusive peut être bénéfique à la fois pour l’environnement, l’économie et les travailleurs en améliorant la gestion de la pollution, les moyens de subsistance et les opportunités de croissance économique pour les entreprises.</p> <p>Ces promesses demandent toutefois à être vérifiées sur le terrain. Et c’est là que les choses se compliquent.</p> <h3>« Gagnant-gagnant », mais la victoire de qui ?</h3> <p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j’examine comment les efforts de recyclage inclusif ont été mis en œuvre à Bengaluru, l’une des plus grandes villes de l’Inde.</p> <figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span></span></figcaption> </figure> <p>Dans cet ouvrage, je défends que l’intégration dans des programmes d’économie circulaire basés sur le marché n’est pas une solution miracle aux injustices ancrées dans les systèmes de production, de consommation et de production des déchets.</p> <p>La plupart des politiques d’économie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des mécanismes de marché, partant du principe que la création de marchés pour les déchets incitera les acteurs du marché à récupérer efficacement les déchets et à les convertir en ressources.</p> <p>Pour remplir leurs obligations en matière de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s’engager à acheter des plastiques recyclés et à financer la collecte des déchets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">crédits plastique</a>.</p> <p>Cette approche vise à améliorer le prix des déchets, à augmenter les salaires et à encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l’amélioration des infrastructures et des technologies.</p> <p>Cependant, les mécanismes fondés sur le marché aggravent les inégalités existantes en matière d’accès au marché. Les efforts visant à donner la priorité à la traçabilité et à la transparence – dans le but d’améliorer l’efficacité du marché et le respect de la réglementation – désavantagent souvent les travailleurs informels.</p> <p>Ces derniers ne disposent pas des ressources et des capacités techniques nécessaires pour adopter des systèmes de suivi complexes basés sur les SIG ou la blockchain, et se retrouvent exclus des processus formalisés. Les start-up financées par le capital-risque et les grandes entreprises s’emparent alors du secteur du recyclage.</p> <p>Les multinationales préfèrent d’ailleurs les partenariats avec des start-up technologiques qui offrent des services à «valeur ajoutée» tels que des indicateurs et des tableaux de bord environnementaux, permettant aux entreprises de mettre en scène leur propre récit sur le développement durable. Souvent issus de milieux éduqués et privilégiés, les employés de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p> <p>A l’inverse, les femmes et les membres des minorités ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorité des travailleurs des économies informelles des déchets, sont confrontés à des obstacles supplémentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancrés</a> qui limitent leur capacité à participer sur un pied d’égalité à ces marchés émergents. 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Une étude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l’économie circulaire restent ad-hoc et informels et ne bénéficient pas des garanties d’un emploi décent.</p> <p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confrontés à un choix difficile: soit ils acceptent d’être exploités au sein des circuits de traitements des déchets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre complètement leurs moyens de subsistance.</p> <p>Les systèmes actuels de production et de consommation du plastique déplacent donc la charge des déchets sur des communautés autochtones ou ethniques marginalisées, créant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifiées</a>. 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Cela leur permet de donner un vernis écologique à leurs propositions, tout en maintenant le <em>statu quo</em> sur les inégalités.</p> <p>Pendant ce temps, la HAC, plusieurs ONG et même certains ramasseurs de déchets invoquent également l’économie circulaire comme solution à la crise du plastique, en mettant l’accent sur le réemploi et le recyclage inclusif.</p> <h3>Demander des comptes aux pollueurs plutôt que compter sur l’efficacité du marché</h3> <p>Pour que l’économie circulaire aille au-delà de la simple protection du capitalisme fossile, elle doit prendre en compte les collecteurs de déchets et recycleurs informels dans le Sud et reconnaître les limites des mécanismes basés sur le marché. C’est vrai aussi bien pour le traité international sur la pollution plastique que pour d’autres démarches régionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire</a>.</p> <p>En effet, toute stratégie de lutte contre la pollution plastique basée sur le marché et axée sur le profit est susceptible de reproduire ces schémas d’inégalité. Et par la même occasion, de pérenniser les injustices systémiques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunité de croissance économique ou de profit.</p> <p>Au contraire, nous avons besoin d’une approche centrée sur la réparation. Il faut d’abord, pour cela, reconnaître les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les préjudices qu’ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touchées et créer des systèmes qui donnent la priorité à la restauration de l’environnement et à la justice sociale plutôt qu’au profit des entreprises.</p> <p>Une économie circulaire bien financée devrait d’abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis améliorer les capacités des infrastructures et réduire la concentration de ces déchets en produits chimiques toxiques, plutôt que de s’appuyer sur des solutions basées sur le marché qui aggravent les inégalités.</p> <p>Les vraies solutions consistent à demander des comptes aux pollueurs et à adopter des approches circulaires fondées sur la sobriété et la réparation, et non sur l’efficacité du marché.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. 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Gasche</strong>, article publié sur <a href="https://www.infosperber.ch/medien/medienkritik/die-usa-finanzieren-internationales-journalisten-kollektiv/" target="_blank" rel="noopener"><em>Infosperber</em></a> le 5 décembre 2024, traduit par <em>Bon Pour La Tête</em></p> <hr /> <p>Parmi de nombreux autres médias, la <em>NZZ</em> et le <em>Tages-Anzeiger</em> ont diffusé à plusieurs reprises des révélations du réseau international de journalistes Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP). Ce faisant, ils n'ont pas rendu transparent le fait que les services gouvernementaux américains paient la moitié du budget de l'OCCRP. 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De plus, l'agence gouvernementale américaine interdit d'utiliser son argent pour mettre au jour la corruption aux Etats-Unis.</p> <p>Certaines subventions étaient même affectées à un but précis: le Department of State, par exemple, a versé 173 000 dollars à l'OCCRP pour «détecter et combattre la corruption au Venezuela». Ou l'<a href="https://www.usaid.gov/">Agence pour le développement international (USAID)</a> a versé plus de deux millions de dollars dans le but de «mettre au jour la criminalité et la corruption à Malte et à Chypre».</p> <p>Le journal en ligne français indépendant <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">« Mediapart »</a> en a parlé le 2 décembre 2024 <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">.</a></p> <p>Le fondateur de l'OCCRP est un ancien employé <a href="https://www.rockwellautomation.com/de-ch.html">de Rockwell</a> devenu journaliste: <a href="https://www.occrp.org/en/staff/drew-sullivan">Drew Sullivan</a>. L'OCCRP a été créé à l'instigation de fonctionnaires du gouvernement américain. Selon Mediapart, Sullivan a reçu pour cela, en 2008, un financement de départ de 1,7 million de dollars du <a href="https://www.state.gov/bureaus-offices/under-secretary-for-civilian-security-democracy-and-human-rights/bureau-of-international-narcotics-and-law-enforcement-affairs/">Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs</a>(INL). Il s'agit d'une agence d'application de la loi du Département d'Etat américain.</p> <p>L'OCCRP s'appuie souvent sur des documents divulgués provenant de sources non identifiées. La qualité des recherches et des révélations de l'OCCRP n'est pas mise en doute. L'orientation unilatérale des recherches et le manque de transparence des informations sur le financement donnent lieu à des critiques.</p> <p>L'ampleur des liens personnels et financiers de l'OCCRP avec le gouvernement américain va à l'encontre de «tous les principes de l'éthique journalistique». C'est ce qu'a déclaré Leonard Novy, directeur de l'Institut allemand des médias et de la politique de communication, à la chaîne NDR. Cela laisse supposer que les journalistes peuvent être utilisés ou instrumentalisés à des fins politiques.</p> <p>Sullivan et l'OCCRP ont également laissé les médias partenaires et leurs lecteurs dans l'ignorance de leur proximité avec le gouvernement américain. Selon Leonard Novy, l'organisation a ainsi dépassé les limites.</p> <h3><strong>Sullivan n'a pas voulu parler clairement aujourd'hui encore</strong></h3> <p>Sullivan a d'abord affirmé à la chaîne NDR que l'OCCRP avait «un groupe de donateurs largement répandu», parmi lesquels «aucun donateur individuel ne domine». Il a ajouté que «le gouvernement américain [...] est l'un des plus grands donateurs, mais ce n'est pas un pourcentage énorme». 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[...] Je suis très reconnaissant au gouvernement américain.»</p> <p>Par écrit, Sullivan a renchéri: «Nous avons dû décider si nous voulions accepter de l'argent du gouvernement ou ne pas exister.» Sur le site web de l'OCCRP, les montants des sponsors ne sont pas indiqués.</p> <h3><strong>Conditions posées</strong></h3> <p>Sullivan a confirmé à la NDR le pouvoir d'influence des autorités américaines: «Dans le cadre d'accords de coopération que nous n'aimons pas conclure, ils ont un droit de regard sur le choix des personnes [...] Ils peuvent mettre leur veto sur quelqu'un [...] Ils n'ont jamais mis leur veto sur quelqu'un.»</p> <p>L'OCCRP ne peut pas enquêter sur des affaires américaines avec l'argent fourni par Washington. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Sullivan à la NDR. «Je pense que le gouvernement américain ne le permet pas. Mais même dans d'autres pays où ces dispositions n'existent pas, nous ne le faisons pas parce que cela vous place dans une situation de conflit d'intérêts et que vous préférez rester à l'écart de telles situations.»</p> <p>Ainsi, le paradis fiscal américain du Delaware n'a jamais fait l'objet de toutes les recherches sur l'évasion fiscale et l'argent de la corruption.</p> <p>L'OCCRP a tout de même effectué des recherches isolées aux Etats-Unis: par exemple sur les <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/meet-the-florida-duo-helping-giuliani-investigate-for-trump-in-ukraine">hommes d'affaires</a> qui avaient soutenu l'avocat de Donald Trump pour nuire à Joe Biden, ou sur la manière dont le Pentagone a dépensé des sommes énormes pour <a href="https://www.occrp.org/en/project/making-a-killing/revealed-the-pentagon-is-spending-up-to-22-billion-on-soviet-style-arms-for-syrian-rebels">fournir des armes</a> à des groupes rebelles en Syrie, ou encore sur un <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/flight-of-the-monarch-us-govt-contracted-airline-once-owned-by-criminals-with-ties-to-russian-mob">contrat</a> entre le gouvernement américain et une compagnie aérienne dont les propriétaires sont liés au crime organisé en Russie.</p> <p>Ces recherches ont manifestement respecté une autre condition imposée par les autorités américaines à l'OCCRP: l'activité doit être «en accord avec la politique étrangère et les intérêts économiques des Etats-Unis et les promouvoir.» (<a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/COMPS-1071/pdf/COMPS-1071.pdf">US Foreign Assistance Act</a>).</p> <h3><strong>Voici comment la «NZZ» et Tamedia ont présenté la source OCCRP</strong></h3> <p><strong>«NZZ» du 19 juillet 2023</strong></p> <p>«L'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) est un réseau d'organisations journalistiques fondé en 2006, basé dans de nombreux pays différents et fonctionnant sous cette forme en tant que filiale du Journalism Development Network à but non lucratif, dont le siège est dans le Maryland.»</p> <p><strong>«Tages-Anzeiger» du 21 juin 2023</strong></p> <p>«Grâce à l'organisation OCCRP, des journalistes femmes de plusieurs pays ont pu étudier ces données, dont <em>Der Standard</em> en Autriche et <em>Der Spiegel</em> en Allemagne. Pour la Suisse, le bureau de recherche de Tamedia et Paper Trail Media était de la partie.»</p> <h3><strong>Informations complémentaires</strong></h3> <p><strong>22 décembre 2022</strong> <a href="https://www.infosperber.ch/politik/welt/twitter-diente-jahrelang-als-gehilfe-des-pentagons/">Twitter a servi pendant des années d'auxiliaire au Pentagone</a>. Elon Musk a partiellement révélé les outils internes de Twitter. Ils prouvent des services d'hommes de main pour la propagande de l'armée américaine à l'étranger.</p> <p><strong>12 février 2009</strong> <a href="https://www.tagesanzeiger.ch/27-000-pr-berater-polieren-image-der-usa-631302390683">27 000 conseillers en relations publiques polissent l'image des Etats-Unis</a>. 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