Actuel / La genèse de Mai 68
Cette année, en 68, certains jeunes étaient sur le terrain, ils ont maintenant publié des livres sur leur vécu et Yves Tenret les a interviewés à ce sujet. Ce qui suit est donc un mélange de leurs vécus, de leurs analyses et de sa propre expérience. © DR
Cette genèse n’a eu lieu ni dans des universités parisiennes ni dans des locaux de groupuscules gauchistes du haut de Belleville mais bien en province et au sein d’une mouvance informelle. Dans les témoignages de cette mouvance radicale, ce qui revient tout le temps, c’est qu’il y avait de nombreuses personnes qui voulaient changer de vie mais qui ne voulaient absolument pas s’embrigader dans des mouvements déjà constitués et que l’influence des situationnistes et leurs critiques des mœurs, de l’aliénation dans la vie quotidienne, de leur «Ne travaillez jamais» fut pour eux fondamentale.
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Cependant, à Strasbourg, un groupe d’étudiants contestataires, placé sous l’influence des situationnistes et dont les sympathies allaient aux anarchistes, à Max Stirner, à Makhno et à Durruti (<em>voir encadrés</em>), mais aussi aux surréalistes et aux dadaïstes, ont œuvré à libérer la vie quotidienne de l’aliénation du travail salarié, afin de «vivre sans temps morts et jouir sans entraves». </p><p>Tout a commencé le 14 mai 1966, lors d’un conseil administratif de l’AFGES (Association fédérative générale des étudiants de Strasbourg), branche locale de l’UNEF, où six de ces étudiants profitant du total désintéressement des étudiants pour leurs syndicats, se firent élire à la tête de son nouveau bureau. C’est aussi durant l’été 1966, que quelques étudiants, amis des nouveaux élus de l’AFGES, sont reçus par les membres parisiens de l’Internationale Situationniste afin de demander des conseils pour «définir au mieux l’activité qui pourrait correspondre à leur bonne volonté subversive». 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Son extrême aliénation ne peut être contestée que par la contestation de la société tout entière.» Les professeurs sont des pantins nostalgiques de la vieille université libérale bourgeoise et les modernistes de gauche, ceux qui désirent une réforme structurelle de l’Université pour la réinsérer dans la vie sociale et économique, sont assimilés aux tenants de la future «Université cybernétisée» adaptée aux exigences modernes du système d’exploitation capitaliste. </p><h3>Nantes </h3><p>En mai 1967, c’est au tour d’une poignée d’étudiants nantais, suivant en cela l’exemple de leurs camarades strasbourgeois, de s’emparer du bureau syndical local. Nantes, bourgeoise et catholique, héritière de la traite négrière, c’est aussi Saint-Nazaire, vivace foyer de l’anarcho-syndicalisme. Et là, contrairement à Strasbourg ou à Paris, il va y être possible de fraterniser avec une base ouvrière et paysanne. Les étudiants invitent leurs leaders à venir parler dans les universités et ils viennent! C’est la ville de France où il y aura les manifestations les plus violentes et en 68, ces manifestants attaqueront la préfecture et le préfet demandera l’autorisation de tirer sur la foule, autorisation qui heureusement lui sera refusée par le ministre de l’intérieur. A Sud-Aviation les ouvriers séquestrent leur direction pendant deux semaines… </p><h3>Bordeaux</h3><p>Ville tenue par une vieille bourgeoise liée à la vigne, comme Strasbourg, Bordeaux n’est pas non plus une ville industrielle. En revanche, c’est une ville de solide tradition anarchiste avec une population relativement conséquente de réfugiés espagnols. Et c’est cette ville qui va organiser un premier festival du film érotique et lancer les prémisses des revendications à une révolution sexuelle et devenir le principal pôle français de la contre-culture avec son festival Sigma, festival qui invite en 1967 le Living Theatre, troupe d’anars américains qui aura une forte influence sur tous ceux qui avaient 20 ans à cette époque et voulaient en découdre. </p><h3>La question sexuelle</h3><p>La question sexuelle va occuper une place fondamentale, avec entre autres celle de l’homosexualité. Les revendications ne sont pas parcellaires, sexistes comme elles le seront plus tard pour le MLF. Elles sont globales et articulées sur la lutte des classes. </p><p>Le sexe n’était pas réduit au seul aspect sexuel, mais étendu à tous ses aspects relationnels et sociaux. Il était question là de rapports de classe, d’exploitation et de ce que ces rapports engendraient comme nuisances ou bienfaits dans les mœurs. Ce n’était pas les mœurs pour les mœurs mais comment l’exploitation capitaliste nous faisait vivre. Non seulement, on nous volait notre temps de travail mais on nous volait aussi tout le reste. On essayait de mettre fin aux rapports hiérarchiques, partout, tout le temps d’où, entre autres, le refus de toutes les bureaucraties gauchistes et syndicales. De changer les rapports des hommes avec les femmes, des adultes avec les enfants et aussi les rapports amoureux. L’idée était de ne pas mener des luttes parcellaires et morcelées. Ça n’avait pas pour nous de sens de se battre en tant qu’homosexuel, nain ou femme. Clairement, on était sur un combat global. </p><p>Nous étions violemment opposés à toutes les revendications sectorielles et nous ne disions pas «la communauté» − ça c’était la misère −, on disait qu’on habitait en groupe, pour être un groupe d’action. Entre l’Action et la Libération, il y avait plus qu’une nuance. </p><h3>«Ne travaillez jamais»</h3><p>Il s’agit là, bien sûr, de la critique d’un type d’activité très précis: le salariat. «Ne travaillez jamais» était le mot d’ordre archétypique de cette époque. Aujourd’hui, cela paraît bien dérisoire parce que dire «ne travaillez jamais» à des gens qui n’auront sans doute jamais de travail, ça fait un drôle d’effet. A l’époque, on pouvait choisir de travailler huit jours et de vivre un mois avec l’argent ainsi gagné. On pouvait sortir d’une entreprise et entrer dans une autre dans la même journée. L’idée était néanmoins de ne pas perdre sa vie à la gagner. De ne pas être enfermé huit heures par jour dans quelque chose qui nous aliénait, nous rendait étrangers à nous même. </p><h3>Tout le pouvoir aux conseils ouvriers. </h3><p>Dans le mot autogestion, il y a gestion. Au début, on pensait que les échecs yougoslave ou algérien étaient dus au fait que là-bas, c’est l’Etat qui gérait ça. Nous, notre génération, ceux qui désiraient le changement, nous nous disions qu’avec nous, avec une autogestion prise en charge la base, les travailleurs eux-mêmes, cela aurait été complètement différent. </p><p>On avait vu, dans le premier quart du vingtième siècle, une pratique qui était celle du soviet, du conseil ouvrier qui permettait de prendre des décisions collectives et de s’auto organiser pour produire, vivre et lutter. En 1936, en Espagne, l’organisation sociale, mise en place en campagne comme en ville, était tout à fait du même ordre. </p> <h3>Vivre sans temps morts</h3><p>A la fin des années soixante, la critique de la vie quotidienne était constante. L’idée était que la politique, c’était les mœurs! Tout ce qui était perçu comme un enfermement ou une limitation était sévèrement et inlassablement critiqué, du couple monogame à l’institution psychiatrique. </p><p>Il y avait cette idéologie que la folie n’existait pas, que c’était juste une forme de révolte plus poussée. L’école, l’armée, notre enfance, telle que nous les avions vécus dans les années 50 et 60, tout nous semblait être carcéral. Aujourd’hui, on a de la peine à imaginer ce qu’était l’école avec les châtiments corporels et les punitions comme unique pédagogie, avec le formatage constant que nous subissions de la naissance à notre entrée dans le monde du travail. L’enseignement secondaire formait de bons petits exploités et l’université de bons petits cadres. </p><p>Nous, nous refusions la division des tâches et du travail, qui fondement même du capitalisme. Nous refusions toutes les divisions entre intellectuel et manuel, entre homme et femme, entre jeune et vieux, etc. </p><h3>La reprise</h3><p>Il y aurait encore tant et tant de choses à raconter, à commenter, à analyser sur le sujet… Mais peut-être peut-on conclure en disant que la reprise fut difficile, très difficile et qu’un film magnifique en est témoin. Film qui a aussi le mérite de nous rappeler, puisque nous avons commencé en parlant de Strasbourg, que les syndicats ouvriers exercèrent une fonction policière constante pendant toute la durée des événements et, ceci de 1966 à 1968. Ce film nous montre en juin 1968, la reprise du travail aux usines Wonder à Saint-Ouen après trois semaines de grève. Deux membres du bureau CGT de la ville essaient de convaincre les salariés qu'il s'agit d'une victoire et qu'il faut reprendre le travail dans l'unité après le vote qui a donné 560 voix à la reprise contre 260 pour continuer la grève. </p><p>Mais une jeune femme crie que «C'est saboté le vote! Ils ont fait ça à la saloperie. Puis hurle: Non, je rentrerai pas là-dedans. Je mettrai plus les pieds dans cette taule. Vous rentrez-y, vous! Allez voir quel bordel que c'est!» </p><p>Et c’est exactement ce que pour la plupart d’entre nous, nous avons fait, nous n’y sommes pas retournés, nous avons quitté champs et usines, bureaux et atelier, nous nous sommes efforcés de nous évader à tout prix de notre misérable classe d’origine, de l’univers étriqué de nos parents et de toutes les anciennes appartenances claniques. Cela a duré une décennie, le temps qu’il a fallu aux DRH pour trouver de nouvelles méthodes pour nous remettre dans les fers, les virtuels donc… </p><p>Oui, nos années 70 furent euphoriques et libertaires. Ce sont donc les années 80 qui nous ramèneront dans les rangs avec leur nouveau management du travail, sa société du loisir généralisé, sa culture de l’entreprise et son formidable développement de la micro informatique, ses ordinateurs et ses téléphones portables. </p><p></p><hr><p></p><h4><a href="http://aligrefm.org/programmes/les-emissions/la-vie-est-un-roman/la-vie-est-roman-27-fevrier-2018.html">Lola Miesseroff sur Aligre-Fm</a><br><br><br><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1524236553_trimards_couv1.jpg" width="363" height="525">Claire Auzias, Trimards – «Pègre» et mauvais garçon de Mai 68, Atelier Création Libertaire, 2018</h4><h4><br></h4><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1524236526_img188.jpg" width="387" height="592">André Bertrand & André Schneider, Le Scandale de Strasbourg mis à nu par ses célibataires, même, L’Insomniaque éd., 2018.</h4><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1524236462_arton12514e9ec.jpg" width="303" height="499"><a href="http://aligrefm.org/programmes/les-emissions/la-vie-est-un-roman/la-vie-est-roman-27-fevrier-2018.html">Lola Miesseroff, Voyage en outre-gauche, Libertalia éd., 2018.</a></h4><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1524383053_mai687ok2.jpg" width="313" height="405">Philippe Artières et Emmanuelle Giry, (sous la direction de), 68 LES ARCHIVES DU POUVOIR, L’iconoclaste Éditions, 2018 </h4><p></p><hr><p></p><br><h2>Max Stirner (1806-1856)</h2><p>Il représente avec Bakounine et Proudhon, l’un des trois phares-pôles de l’anarchisme. Il est l'auteur, en 1844, de L'Unique et sa propriété, livre halluciné et hallucinant qui connaît un grand retentissement à sa sortie. Il n’y a que trois personnes à son enterrement. </p> <h2>Nestor Makhno (1889-1934)</h2><p>Ukrainien. En 1918, après la signature du Traité de Brest-Litovsk qui livre l'Ukraine à l'Allemagne, il organise un mouvement de résistance armée. En 1919, ses groupes de guérilla se transforment en une véritable armée, la Makhnovchtchina qui compte jusqu'à 50’000 hommes. Il s'allie avec l'Armée rouge qui se retourne finalement contre lui en 1920. En 1921, vaincu, il fuit la Russie. Il s'installe en 1925 à Paris, où il travaille comme ouvrier chez Renault à Boulogne-Billancourt. Il meurt le 25 juillet 1934 et est incinéré au cimetière du Père-Lachaise en présence de centaines de personnes, dont Voline qui prononce son éloge funèbre. </p> <h2>Buenaventura Durruti (1896-1936)</h2><p>Lors du coup d'Etat du 18 juillet 1936, il organise la résistance contre les nationalistes à Barcelone. Le 24 juillet, il rejoint le front d'Aragon avec une colonne de 3000 hommes, la Colonne Durruti. Durant cette campagne, il encourage la collectivisation des terres. Le 13 novembre 1936, il est appelé avec sa colonne à défendre Madrid. Il y meurt le 19. Le 23, son enterrement à Barcelone rassemble plus de 250’000 personnes. </p> <h2>L’Internationale situationniste (1957-1972)</h2><p>70 membres, 63 hommes et 7 femmes, de 16 nationalités. Pendant ses 12 ans et 6 mois d’existence, elle a exclut 45 de ses membres. Rejet de l’intelligentsia, état-major sans troupe, joyeuse tentative de synthèse entre Karl Marx et le Facteur Cheval, Louis II de Bavière et Max Stirner, Durruti et Joachim de Flore. 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L’IS leur propose de rédiger et de publier un texte de critique générale du mouvement étudiant et de la société. </p><p>La rentrée universitaire à Strasbourg se déroule dans une ambiance qui laisse présager le «scandale». Nos étudiants prositus commencent, dès octobre 1966, à répandre dans l’Université un climat de contestation. Ainsi au début du mois de novembre, l’affichage d’un tract, sous la forme d’une affiche en bandes dessinées, conçue par André Bertrand, «Le retour de la colonne Durruti», attire l’attention des étudiants et provoque, par la dérision du ton employé, exaspération et indignation. </p><p>Le 22 novembre 1966, les étudiants du bureau de l’AFGES, profitent de la cérémonie d’ouverture annuelle du Palais Universitaire, pour distribuer la brochure: «De la misère en milieu étudiant considérée sous ses aspects économique, politique, psychologique, sexuel et notamment intellectuel et de quelques moyens pour y remédier». 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Son extrême aliénation ne peut être contestée que par la contestation de la société tout entière.» Les professeurs sont des pantins nostalgiques de la vieille université libérale bourgeoise et les modernistes de gauche, ceux qui désirent une réforme structurelle de l’Université pour la réinsérer dans la vie sociale et économique, sont assimilés aux tenants de la future «Université cybernétisée» adaptée aux exigences modernes du système d’exploitation capitaliste. </p><h3>Nantes </h3><p>En mai 1967, c’est au tour d’une poignée d’étudiants nantais, suivant en cela l’exemple de leurs camarades strasbourgeois, de s’emparer du bureau syndical local. Nantes, bourgeoise et catholique, héritière de la traite négrière, c’est aussi Saint-Nazaire, vivace foyer de l’anarcho-syndicalisme. Et là, contrairement à Strasbourg ou à Paris, il va y être possible de fraterniser avec une base ouvrière et paysanne. Les étudiants invitent leurs leaders à venir parler dans les universités et ils viennent! C’est la ville de France où il y aura les manifestations les plus violentes et en 68, ces manifestants attaqueront la préfecture et le préfet demandera l’autorisation de tirer sur la foule, autorisation qui heureusement lui sera refusée par le ministre de l’intérieur. A Sud-Aviation les ouvriers séquestrent leur direction pendant deux semaines… </p><h3>Bordeaux</h3><p>Ville tenue par une vieille bourgeoise liée à la vigne, comme Strasbourg, Bordeaux n’est pas non plus une ville industrielle. En revanche, c’est une ville de solide tradition anarchiste avec une population relativement conséquente de réfugiés espagnols. Et c’est cette ville qui va organiser un premier festival du film érotique et lancer les prémisses des revendications à une révolution sexuelle et devenir le principal pôle français de la contre-culture avec son festival Sigma, festival qui invite en 1967 le Living Theatre, troupe d’anars américains qui aura une forte influence sur tous ceux qui avaient 20 ans à cette époque et voulaient en découdre. </p><h3>La question sexuelle</h3><p>La question sexuelle va occuper une place fondamentale, avec entre autres celle de l’homosexualité. Les revendications ne sont pas parcellaires, sexistes comme elles le seront plus tard pour le MLF. Elles sont globales et articulées sur la lutte des classes. </p><p>Le sexe n’était pas réduit au seul aspect sexuel, mais étendu à tous ses aspects relationnels et sociaux. Il était question là de rapports de classe, d’exploitation et de ce que ces rapports engendraient comme nuisances ou bienfaits dans les mœurs. Ce n’était pas les mœurs pour les mœurs mais comment l’exploitation capitaliste nous faisait vivre. Non seulement, on nous volait notre temps de travail mais on nous volait aussi tout le reste. On essayait de mettre fin aux rapports hiérarchiques, partout, tout le temps d’où, entre autres, le refus de toutes les bureaucraties gauchistes et syndicales. De changer les rapports des hommes avec les femmes, des adultes avec les enfants et aussi les rapports amoureux. L’idée était de ne pas mener des luttes parcellaires et morcelées. Ça n’avait pas pour nous de sens de se battre en tant qu’homosexuel, nain ou femme. Clairement, on était sur un combat global. </p><p>Nous étions violemment opposés à toutes les revendications sectorielles et nous ne disions pas «la communauté» − ça c’était la misère −, on disait qu’on habitait en groupe, pour être un groupe d’action. Entre l’Action et la Libération, il y avait plus qu’une nuance. </p><h3>«Ne travaillez jamais»</h3><p>Il s’agit là, bien sûr, de la critique d’un type d’activité très précis: le salariat. «Ne travaillez jamais» était le mot d’ordre archétypique de cette époque. Aujourd’hui, cela paraît bien dérisoire parce que dire «ne travaillez jamais» à des gens qui n’auront sans doute jamais de travail, ça fait un drôle d’effet. A l’époque, on pouvait choisir de travailler huit jours et de vivre un mois avec l’argent ainsi gagné. On pouvait sortir d’une entreprise et entrer dans une autre dans la même journée. L’idée était néanmoins de ne pas perdre sa vie à la gagner. De ne pas être enfermé huit heures par jour dans quelque chose qui nous aliénait, nous rendait étrangers à nous même. </p><h3>Tout le pouvoir aux conseils ouvriers. </h3><p>Dans le mot autogestion, il y a gestion. Au début, on pensait que les échecs yougoslave ou algérien étaient dus au fait que là-bas, c’est l’Etat qui gérait ça. Nous, notre génération, ceux qui désiraient le changement, nous nous disions qu’avec nous, avec une autogestion prise en charge la base, les travailleurs eux-mêmes, cela aurait été complètement différent. </p><p>On avait vu, dans le premier quart du vingtième siècle, une pratique qui était celle du soviet, du conseil ouvrier qui permettait de prendre des décisions collectives et de s’auto organiser pour produire, vivre et lutter. En 1936, en Espagne, l’organisation sociale, mise en place en campagne comme en ville, était tout à fait du même ordre. </p> <h3>Vivre sans temps morts</h3><p>A la fin des années soixante, la critique de la vie quotidienne était constante. L’idée était que la politique, c’était les mœurs! Tout ce qui était perçu comme un enfermement ou une limitation était sévèrement et inlassablement critiqué, du couple monogame à l’institution psychiatrique. </p><p>Il y avait cette idéologie que la folie n’existait pas, que c’était juste une forme de révolte plus poussée. L’école, l’armée, notre enfance, telle que nous les avions vécus dans les années 50 et 60, tout nous semblait être carcéral. Aujourd’hui, on a de la peine à imaginer ce qu’était l’école avec les châtiments corporels et les punitions comme unique pédagogie, avec le formatage constant que nous subissions de la naissance à notre entrée dans le monde du travail. L’enseignement secondaire formait de bons petits exploités et l’université de bons petits cadres. </p><p>Nous, nous refusions la division des tâches et du travail, qui fondement même du capitalisme. Nous refusions toutes les divisions entre intellectuel et manuel, entre homme et femme, entre jeune et vieux, etc. </p><h3>La reprise</h3><p>Il y aurait encore tant et tant de choses à raconter, à commenter, à analyser sur le sujet… Mais peut-être peut-on conclure en disant que la reprise fut difficile, très difficile et qu’un film magnifique en est témoin. Film qui a aussi le mérite de nous rappeler, puisque nous avons commencé en parlant de Strasbourg, que les syndicats ouvriers exercèrent une fonction policière constante pendant toute la durée des événements et, ceci de 1966 à 1968. Ce film nous montre en juin 1968, la reprise du travail aux usines Wonder à Saint-Ouen après trois semaines de grève. Deux membres du bureau CGT de la ville essaient de convaincre les salariés qu'il s'agit d'une victoire et qu'il faut reprendre le travail dans l'unité après le vote qui a donné 560 voix à la reprise contre 260 pour continuer la grève. </p><p>Mais une jeune femme crie que «C'est saboté le vote! Ils ont fait ça à la saloperie. Puis hurle: Non, je rentrerai pas là-dedans. Je mettrai plus les pieds dans cette taule. Vous rentrez-y, vous! Allez voir quel bordel que c'est!» </p><p>Et c’est exactement ce que pour la plupart d’entre nous, nous avons fait, nous n’y sommes pas retournés, nous avons quitté champs et usines, bureaux et atelier, nous nous sommes efforcés de nous évader à tout prix de notre misérable classe d’origine, de l’univers étriqué de nos parents et de toutes les anciennes appartenances claniques. Cela a duré une décennie, le temps qu’il a fallu aux DRH pour trouver de nouvelles méthodes pour nous remettre dans les fers, les virtuels donc… </p><p>Oui, nos années 70 furent euphoriques et libertaires. Ce sont donc les années 80 qui nous ramèneront dans les rangs avec leur nouveau management du travail, sa société du loisir généralisé, sa culture de l’entreprise et son formidable développement de la micro informatique, ses ordinateurs et ses téléphones portables. </p><p></p><hr><p></p><h4><a href="http://aligrefm.org/programmes/les-emissions/la-vie-est-un-roman/la-vie-est-roman-27-fevrier-2018.html">Lola Miesseroff sur Aligre-Fm</a><br><br><br><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1524236553_trimards_couv1.jpg" width="363" height="525">Claire Auzias, Trimards – «Pègre» et mauvais garçon de Mai 68, Atelier Création Libertaire, 2018</h4><h4><br></h4><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1524236526_img188.jpg" width="387" height="592">André Bertrand & André Schneider, Le Scandale de Strasbourg mis à nu par ses célibataires, même, L’Insomniaque éd., 2018.</h4><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1524236462_arton12514e9ec.jpg" width="303" height="499"><a href="http://aligrefm.org/programmes/les-emissions/la-vie-est-un-roman/la-vie-est-roman-27-fevrier-2018.html">Lola Miesseroff, Voyage en outre-gauche, Libertalia éd., 2018.</a></h4><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1524383053_mai687ok2.jpg" width="313" height="405">Philippe Artières et Emmanuelle Giry, (sous la direction de), 68 LES ARCHIVES DU POUVOIR, L’iconoclaste Éditions, 2018 </h4><p></p><hr><p></p><br><h2>Max Stirner (1806-1856)</h2><p>Il représente avec Bakounine et Proudhon, l’un des trois phares-pôles de l’anarchisme. Il est l'auteur, en 1844, de L'Unique et sa propriété, livre halluciné et hallucinant qui connaît un grand retentissement à sa sortie. Il n’y a que trois personnes à son enterrement. </p> <h2>Nestor Makhno (1889-1934)</h2><p>Ukrainien. En 1918, après la signature du Traité de Brest-Litovsk qui livre l'Ukraine à l'Allemagne, il organise un mouvement de résistance armée. En 1919, ses groupes de guérilla se transforment en une véritable armée, la Makhnovchtchina qui compte jusqu'à 50’000 hommes. Il s'allie avec l'Armée rouge qui se retourne finalement contre lui en 1920. En 1921, vaincu, il fuit la Russie. Il s'installe en 1925 à Paris, où il travaille comme ouvrier chez Renault à Boulogne-Billancourt. 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Oui, de porter une attention soutenue à ce qui nous environne, car si le dessin, comme il l’écrit, déplie le visible, cela ne peut être que pour le pénétrer plus intensément.</p> <h3>Les débuts</h3> <p>Le dessin est une activité solitaire, peinture des jours de pluie, enfermé dans une pièce et l’infini plaisir de n’avoir à faire que ça, ok, d’accord, mais c’est avec sa main dans le bac à sable que Philippe Comar a commencé à dessiner, ou avec un doigt sur des meubles couverts de poussière, sur des vitres embuées, dans de la farine, de la pâte à tarte, en piétinant la neige, en courant dans le sable. Il a dessiné dans le noir avec la pointe de sa langue dans le creux de sa main. En crachant sur les murs, en envoyant gicler des gouttes à la brosse à dent, à la craie sur les trottoirs, au canif sur les arbres. Il a dessiné sur ses mains avec un stylo à bille et comme Léonard de Vinci, il a aimé contempler sans penser à rien les tâches fortuites sur les murs, les traces de moisissure. Il a eu une période labyrinthes, dédales, passerelles, escaliers dérobés, tout un monde à la Piranèse. Il s’est essayé à l’anamorphose, aux dessins étirés, gonflés, dilatés. Pour lui, le dessin n’est jamais au service de quelque chose d’autre. Il est une fin en soi, un moment de grâce durant lequel on peut enfin s’abandonner à un afflux de sensations. Bien sûr, croyant observer, on ne fait qu’effleurer ce qu’on voit et c’est en cela que l’acte de dessiner est plus important que le dessin fini. Comme l’écrivait en 1971 le célèbre historien d’art John Berger, il s’agit de voir le voir. Et même en dessinant d’après nature, de trouver non pas ce que l’on voit mais ce que l’on sent.</p> <h3>Les fluides</h3> <p>Ces <i>Premiers traits</i>, indiqués dans le titre de ce nouvel opus, sont ceux que tracent, depuis l’enfance, tous les fluides qui s’écoulent du corps: salive, lait, larmes, urine. A l’école primaire, un jour, la maitresse le sermonne: il a couvert pendant des mois son bureau de centaines de petits dessins. Et pourquoi pas faire pipi sur les pupitres, s’exclame-t-elle. Toute la classe se gondole et en guise de punition, le petit Philippe est enfermé toute une longue et interminable journée dans les toilettes, et ceci sans manger ni boire et sans lumière. D’où que depuis ce jour-là, il associe l’acte d’uriner et le dessin. Et effectivement, tel Gargantua, du haut des tours de Notre-Dame, il adore dessiner ainsi sur le sable. Et encore aujourd’hui, quand il use de l’encre, il le vit comme quelque chose qui fuit de lui.</p> <p>Vers l’âge de douze ans, découvrant l’urinoir de Duchamp, il se met à collectionner des reproductions de peintures représentant un ou des pots de chambre car oui, entre le XVème et le XVIIIème siècle, l’urine est un thème fréquent dans la peinture de genre.</p> <p>L’auteur se souvient encore d’avoir dessiné à l’école maternelle une femme aux seins pendants se prolongeant par un pointillé évoquant du lait qui s’écoule. Honteux, il l’a déchiré et jeté, pour recommencer aussitôt. Les pointillé l’excitent. Et cela s’est confirmé lorsqu’il a étudié la géométrie descriptive dans laquelle les axes et les lignes de construction d’un solide sont représentés justement par des pointillés, notation tout autant symbolique qu’imagée. Répétons-le: pour lui, il ne s’agit pas d’imiter mais de traduire un ressenti.</p> <h3>Le trait, la tache</h3> <p>Lorsqu’il a sept ans, sensible à l’application qu’il met à copier des tableaux, ceux du Greco par exemple, ses parents l’inscrivent dans une Académie dite «du Jeudi». Les enfants y peignent debout et n’y apprennent rien mais pratiquent assidument la chose. Et notre jeune futur artiste y prend plaisir à tracer des lignes parallèles et à s’y s’entraîner à tracer des lignes régulières, à main levée ou à la règle. C’est une technique qu’il connaît par les illustrations exécutées au burin figurant dans ses livres de classe. Dans son ouvrage, après une vibrante apologie de la gomme, il enchaîne avec celle d’une roulotte de bohémiens, de leur osier tressé pour les paniers, et de la petite bohémienne, pieds nus et cheveux sales pour laquelle il ressent une forte attirance physique. Sujet à sa première érection spontanée, il apprend ce jour-là que le sale et le sexuel ont affaire ensemble et que la découverte de l’outil peut précéder la connaissance de sa fonction. D’un côté, le trait aigu qui cerne. De l’autre, la tâche qui bave. Deux bornes: idéalisme et réalisme. Rodin, dans ses dessins érotiques, associe d’ailleurs ces deux démarches.</p> <h3>Le dessin: une habitude</h3> <p>Notre artiste, cent pour cent sédentaire, habitant depuis cinquante ans la même maison, homme d’habitudes, retrouve ce trait de caractère dans l’acte même de dessiner: le désir de retenir à tout prix, de saisir ce qui fuit. Très tôt sensible au pouvoir du dessin et des mots, la frontière entre les deux n’étant pas aussi nette qu’il y paraît, pour lui les mots ne sont pas que des signes arbitraires. Leur graphie suggère des figures. Ne parle-on pas en typographie de corps de la lettre, de jambage et d’empattement.</p> <h3>Palimpsestes, copies et détournements</h3> <p>En 1961, un sigle <i>OAS</i> ayant été transformé dans son quartier en <i>ONASSIS</i>, nom de l’amant de la Callas et de l’époux de Jacqueline Kennedy, il découvre l’art du détournement. On peut donc masquer le mot originel sans le rayer ou le biffer. Dès lors, il s’applique à faire disparaître ses propres dessins obscènes sous des dessins anodins. Ces palimpsestes sont suivis du détournement de photos de magazines sur lesquelles il modifie le sens d’une image sans que la retouche y soit visible. Il devient aussi, très tôt, faussaire. A dix, onze ans, il réalise déjà de faux tickets d’autobus et de faux timbres-poste, chaque ticket lui demandant plusieurs heures de travail. Une bonne copie doit être plus allusive que descriptive, pas trop précise pour ne pas se faire remarquer. Et petit-à-petit, il se met à remplacer la Marianne sur les lettres et cartes postales par des fragments de corps nus de dame. Oblitéré par la Poste, le timbre devient œuvre.</p> <h3>S'auto créer par et pour le dessin</h3> <p>Ses parents n’ont pas une sensualité marquée, son père lui inflige des fessées pantalon baissé, sa mère répugne au contact physique avec ses enfants et lui, il dessine en cachette des femmes nues, dessins qu’il détruit ensuite. Il rêve aussi d’auto-fellation et de s’auto-dévorer lui-même et retrouve cela dans un personnage de Saul Steinberg, personnage s’auto-dessinant et dans certains dessins de Hans Bellmer, un corps s’auto-dessinant également; et finit par penser que le phantasme d’auto-engendrement est l’essence même de l’art.</p> <h3>Dessin d'enfant</h3> <p>Les dessins d’enfant permettent-ils de retracer les fondements d’une œuvre à venir? Rien n’est moins certain, tant les choix individuels et les partis pris d’un artiste ne se dégagent que lentement des archétypes propres aux dessins d’enfant. Tout en tentant de saisir ce qui, dans ses premières expériences graphiques, a nourri sa pratique actuelle de dessinateur, Philippe Comar n’est guère porté à leur attribuer plus d’attention qu’ils n’en méritent. </p> <p>Pourtant, le XXème siècle a préféré cette naïveté à tous les savoirs. Lui, à l’inverse, défend la maitrise du dessin en tant que plaisir originel secondant phantasme jouissance et hédonisme. Il n’angélise rien, goûte à tout, nous raconte ses émois les plus anciens, scatologie et signes fortement sexués. Oui, décidément, dessiner, c’est voir et voir mieux.</p> <h3>Epitaphe</h3> <p>Très tôt, il a été obnubilé par la représentation des rayons lumineux. Fasciné donc par tout ce qui trace, que ce soit droit ou courbe, une ligne dans l’air, sans écran, ni feuille de papier: étoile filante, sillage d’avion, etc. Les traités de balistique en sont pleins. Un trait est un signe, une abstraction, les rayons de soleil, la ligne d’horizon en sont aussi mais dans la nature rien n’est parfait et tout a une dimension charnelle. Aux lignes droites qu’il observe dans le ciel s’ajoutent les cercles concentriques entourant le caillou qu’il vient de jeter dans l’eau. Et la courbe que trace en l’air, écrit-il, le jet mictionnel et qui se retrouve chez les peintres Lorenzo Lotto, Jean Cousin, Titien, Rubens, Rembrandt, Guido Remi et tant d’autres encore. Et les coquillages, les vignes, les crosses de fougère. Mais de toutes les lignes, celles qui l’ont le plus fasciné sont les herbes. Toutes les sortes d’herbes qui existent, le gazon dru, le chiendent, les hautes graminées et la <i>Grande touffe d’herbes </i>de Dürer lui paraît être le plus beau dessin jamais exécuté. Une douzaine d’espèces d’herbacés y sont représentées. A l’âge adulte, de la pousse native jusqu’à la pourriture, il a lui aussi tenté de relever le défi et exécuté plusieurs séries de cet inépuisable sujet. 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Les salles suivantes retracent l'ensemble de son parcours artistique, des carnets y côtoyant des planches dessinées et de grands formats peints, mêlant fantasmes et plongées dans l'intime. Dans les dernières salles, partant d’annonces de sites de rencontre, Dominique Goblet et Kai Pfeiffer, les deux auteurs du <i>Jardin des candidats</i>, imbriquent leurs dessins, décloisonnent les disciplines et incluent dans leur scénographie installations et fresques murales.</p> <p>Par ailleurs, dans une vidéo qui figure sur le site du musée, on peut entrapercevoir Dominique Goblet pleine de vie et d’énergie pétillante bloquant un tram à Bâle pour laisser passer la fanfare invitée en l’honneur de son show.</p> <h3>Le livre</h3> <p><i>Le</i> <i>Jardin des Candidats</i> est totalement convaincant et on ne peut qu’en vanter l’indéniable réussite plastique. Toutes les expérimentations formelles y sont au service d'une écriture et tout y est rendu comme étant nécessaire et parfait.</p> <p>En ouverture, un paon déclare dans une bulle: «cherche relation suivie pour moments câlins dans le jardin». <i>Aléa jacta es</i>, les dés sont jetés, toutes les citations sont issues de véritables textes de profils sur des sites de rencontre, apprend-t-on ensuite. Il y a ainsi de la végétation et une voix, celle de la Mère, figure mythique de l’adoration. Elle est «La Grande Absence». Elle possède un amas de livres détrempés et une piscine inachevée. Elle est l’Unique Divin Problème et quand il fait soleil ou quand il pleut, c’est parce qu’elle en a besoin. Les candidats repérés sur internet sont rassemblés dans le parc parmi des buissons, des vases, des paons, des trous et un barbecue. Ils y errent, ils y besognent, jardinent ou se délassent. 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Oui, dans ce monde d’attente, ce monde édénique où rien ne se vit, tout est étonnamment vivant.</p> <h3>Les hommes</h3> <p>Les hommes s’y décrivent de façon récurrente comme étant en manque, et de façon plus occasionnelle, comme étant sensibles, doux, caressants, aimables, gentils, respectueux, espérant être à la hauteur de vos attentes, chauds et infatigables, pratiquant tout ou presque, très fiables, aimant le faire dans la nature, maitrisant leur force masculine, jeunes et dynamiques, donnant le vrai plaisir, sympas tranquilles mignons et grands, du signe du poisson, et donc un tantinet mystérieux et romantiques, entièrement disposés à satisfaire vos envies de filles et de femmes libérées, dominants, très discrets, de nature calme et aimant prendre leur temps, au physique athlétique, pouvant donner beaucoup et devenir ultra sévères si nécessaire, passionnés, ouverts à toutes extravagances, aimant aller au bowling, appelant un chat, un chat, mini doux et ayant un trop plein d’amour à offrir.</p> <h3>Et quand il n'y en a plus, il y en a encore</h3> <p>Ces mots et ces idées assemblés n’étant pas sans rappeler <i>L'Eternité par les astres</i> d’Auguste Blanqui, et au milieu de tous ces prétendants, message subliminal, on perçoit bien que nos deux artistes ont décrypté l’essence même du désir du fervent sportif, de l’amateur de cartes, de l’attachant, du très séduisant, du non photogénique, du très intimidant mais fiable, de l’endurant et coquin célibataire prêt à mettre son corps à votre entière disposition.</p> <h3>Leur quête</h3> <p>Nous avons donc affaire à des hommes cherchant un plan rapide, sans prise de tête, avec une femme sexy, mignonne et sans pression, des rencontres discrètes avec une femme cougar, un flirt discret avec une âme sœur belle et propre, et le tour de force de ce livre est d’arriver avec ces désirs-là à ne jamais tomber dans le sordide, de rester amical avec ces mâles qui aimeraient que les femmes qu’ils désirent rencontrer soient plus âgées, matures, avec des formes généreuses, charmantes, des mères de famille, un peu jalouses et possessives, en bas ou en collants, discrètes, disponibles, actives au lit, vraiment gentilles, très coquines, très humbles, cool et respectueuses, en détresse, sensibles et timides, douces, propres et belles, romantiques, sensuelles, intelligentes, diplomates, câlines.</p> <h3>Les métiers des candidats</h3> <p>Nous dérivons donc avec ces demandeurs de rencontres qui dans leur vie ont un très large éventail d’occupations allant des métiers de col bleu, des métiers manuels, comme teinturier, nettoyeur à sec, ouvrier polyvalent, installateur de chaudière, chocolatier-confiseur, serrurier, bagagiste, machiniste, grutier, monteur d’appareils électro-ménager, éclairagiste, cueilleur, affuteur, et bien sûr l’hyper pertinent et bienvenu, masseur. 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Quand il fait soleil ou quand il pleut, c’est parce qu’Elle en a besoin.</p> <p>Des hommes en manque comme s’il en pleuvait, se soumettent avec docilité à tous ses caprices, elle leur demande de creuser, ils creusent. Des hommes avec des cheveux frisés, des cheveux raides, chauves, des casquettes, des lunettes, des cravates, des hommes nus, des hommes en pierre, en terre, assis, couchés, debout, enlacés entre eux, sur un banc, en tablier devant un barbecue, des paons, une centaine de candidats corvéables à merci. Nous avons aussi un code couleur, blanc, noir, vert, dans une multitude de dégradés, vingt maisons, vingt trous, quarante vases, vingt bols, dix assiettes, des sexes en érection, des sexes au repos, des larmes, beaucoup de visages d’hommes en larmes, un jardin enchanté et bouleversant de quotidienneté sublimée, une gifle, des enlacements de substitution entre hommes, une femme seule entre deux âges, un site de rencontre, un semblant d’ordre monastique avec ses règles propres, un monde fantasmatique avec sa trivialité d’une infinité de possibles et elle en maîtresse de ce grand jeu érotique, donc deux récits parallèles, le sien, le leur, ni libertinage, ni misère sexuelle, juste la langue du désir, avec ses lourdeurs, ses légèretés, ses lapsus, ses aveux, ses refoulements, ses grossièretés, ses finesses.</p> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1710927703_jardin_couverture_rgbbassedef.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="200" height="262" /></p> <h4>«Le Jardin des Candidats», Dominique Goblet et Kai Pfeiffer, Editions FRMK, 256 pages.</h4> <h4>Le livre accompagne la <a href="https://cartoonmuseum.ch/ausstellungen/dominique-goblet" target="_blank" rel="noopener">rétrospective Dominique Goblet</a> au Cartoonmuseum à Bâle qui a lieu du 2 mars au 26 mai.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'dominique-goblet-un-livre-envoutant-et-une-exposition-a-bale', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 47, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 2107, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4791, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Le roman noir en France, incarnations diverses', 'subtitle' => 'Roman gothique anglais, roman-feuilleton, roman à énigme, roman prolétarien, fait divers criminel, «hardboiled» américain, roman réaliste, Série noire, néo-polar, les racines du roman policier français sont multiples et chaque génération a les siennes. «Le roman noir: une histoire française» de Natacha Levet retrace, avec une constante acuité critique et une érudition consciencieuse, l’histoire plus que centenaire du roman policier français.', 'subtitle_edition' => 'Roman gothique anglais, roman-feuilleton, roman à énigme, roman prolétarien, fait divers criminel, «hardboiled» américain, roman réaliste, Série noire, néo-polar, les racines du roman policier français sont multiples et chaque génération a les siennes. «Le roman noir: une histoire française» de Natacha Levet retrace, avec une constante acuité critique et une érudition consciencieuse, l’histoire plus que centenaire du roman policier français.', 'content' => '<h3>Réalisme et naturalisme</h3> <p>Emile Gaboriau et Gaston Leroux sont les chroniqueurs judiciaires tout autant des petites transgressions des normes sociales que des moments de brusque déséquilibre dans l’ordre des choses. La majeure partie des faits divers relatés par la presse du XIXème siècle ne sont pas des crimes spectaculaires, de grandes affaires retentissantes, mais de minuscules incidents de la vie quotidienne, des crimes sans éclats.</p> <p>Le roman réaliste et naturaliste, Dostoïevski, Flaubert et Balzac, ce sont eux, l’héritage revendiqué du roman noir. Il s’agit de représenter la réalité sociale et, comme le disait Zola dans la préface de <i>L’Assommoir</i>, de rédiger une œuvre de vérité qui ait la vitalité et l’odeur du peuple.</p> <h3>Prolétaires et classes moyennes</h3> <p>Le roman dit prolétarien ne sera pas grand-chose et, contrairement à Céline, n’usant pas de la vraie langue du peuple, il ne rencontrera jamais son public. 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Pas mal de vitres cassées remplacées par des morceaux de carton, des tuyaux de poêle pointant par diverses ouvertures, du linge étendu sur des barres d’appuis. On dirait une enquête de Zola, mais lui, Malet, a tout inventé et en ne s’inspirant non pas de Dashiell Hammett ou de <i>Scarface</i>, mais d’Arsène Lupin, Fantômas et Fu Manchu d’où est tiré le patronyme Burma; et en usant de nombreux emprunts à l’anglais: trench-coats, cop, docks, drugstore, building, policemen, barmaid ou knock-out.</p> <h3>La Série noire</h3> <p>En 1964, Sartre, dans son autobiographie, <i>Les Mots</i>, déclare qu’il lit plus volontiers un <i>Série</i> <i>noire</i> que Wittgenstein. Cette nouvelle collection a été lancée par Gallimard en 1945, pour publier des romans <i>hardboiled</i>. Peu de titres au début mais dès 1948 la collection entre dans l’ère fordiste des littératures de genre, standardisation et mode de fabrication contraints aussi bien dans la matérialité des volumes que dans l’identité des textes, avec imprimé sur les rabats de la jaquette. Donnés comme les traits principaux des ces ouvrages: l’immoralité, l’anticonformisme, l’action, la violence, la tension, l’humour et l’angoisse.</p> <p>En 1953, six titres français paraissent. Albert Simonin avec <i>Touchez pas au grisbi!</i> remporte un énorme succès, <i></i>100'000 exemplaires vendus. 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Leur contre-société est pour eux la seule communauté qui existe. Ils nomment leur milieu le Milieu et ils se nomment eux-mêmes les Hommes. Le reste de la société n’étant qu’un ramassis de pue-la-sueur soumis aux politiciens et craignant les flics.</p> <h3>Ultragauche, le néo-polar</h3> <p>Après Mai 68, le roman noir français reconvertit le genre en acte critique, en radiographie politique de la société et de ses institutions, en instrument d’intervention sociale. Le néo-polar intègre dans ses récits les banlieues, les grands ensembles, les HLM, et décrit de nouveaux espaces tels les caves, les terrains vagues, les cages d’escaliers. La violence sociale n’y est plus un écart mais la norme et toute révolte individuelle y est, par nature, vouée à échouer. Paranoïa et haine de soi y dominent.</p> <p>Jean-Patrick Manchette, invité à l'émission <i>Apostrophes</i> par Bernard Pivot, en utilisant le terme de néo-polar devant des millions de spectateurs, rend son usage universel. L’époque est aux positions tranchées mais c’est A.D.G., sympathisant du Front national, qui brosse avec tendresse des portraits de hippies contestataires, et Manchette qui endosse dans ses livres le point de vue des fascistes.</p> <p>Sur les seize auteurs pratiquant ce nouveau genre, dix ont un passé de militants de gauche, dans des organisations telles que les Jeunesses communistes, le PCF, la Gauche prolétarienne ou Lutte ouvrière, tous, nés après 1945, sont des <i>baby-boomers</i>, ayant fait des études supérieures, et ayant des bac +4, ou +5. Ils sont journalistes, scénaristes, traducteurs, éditeurs ou cinéastes. 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De même, la série Brigade spéciale associe toujours l’acte sexuel à des coups et de la torture, d’un racisme appuyé, elle use de termes comme «bougnoule», «négresse» et est riche en descriptions de traitements dégradants. </p> <p>Les années 1980 voient l’entrée en scène de l’amateur érudit et naissent des almanachs, des chroniques, des fanzines, des revues spécialisées vendues en kiosque, comme <i>Gang</i>, <i>Polar</i> ou <i>813</i>, un Festival du roman et du film policier, une exposition au Centre Pompidou, l’ouverture en 1983 de la Bilipo, Bibliothèque des littératures policières à Paris, des thèses sur le sujet sont soutenues et en 1994 paraissent 471 nouveaux titres, en 1995, 700, en 2001, 1'709. </p> <p>Lors du cinquantième anniversaire de la <i>Série noire</i>, Patrick Raynal en devient directeur. <i>Œdipe roi</i> de Sophocle y est publié, Jean-Claude Izzo et Maurice G. Dantec sont recrutés, les ventes repartent à la hausse.</p> <h3>Féminisation du roman noir</h3> <p>Dans les années 1990, on assiste à une entrée progressive d’auteurs femmes et ensuite, au siècle suivant, massive, à la fois comme productrices d’ouvrages et comme lectrices de ceux-ci, la lecture de roman devenant une activité de plus en plus essentiellement féminine.</p> <p>En 2024, 60% des acheteurs et du lectorat de romans policiers sont des acheteuses et des lectrices. Il paraît beaucoup d’articles sur les femmes auteures de polars dont certaines avaient néanmoins choisi un pseudonyme androgyne, telles Fred Vargras, Dominique Manotti ou Claude Amoz. La plus célèbre de toutes, Virginie Despentes, décrit des personnages qui n’ont rien de victimes soumises, ni de douceur féminine et retourne, avec brio, la violence contre les hommes dans des récits urbains, violents, crus et nihilistes.</p> <h3>Auteurs enquêteurs, profs, journalistes et policiers</h3> <p>Le polar du XXIème siècle marque l’avènement d’une prise de parole qui n’est ni le fruit d’un engagement ni le résultat d’une déception militante.</p> <p>Chercheurs, enseignants-chercheurs, journalistes, documentaristes, médecins, psychanalystes, avocats pénalistes, policiers, ils sont très nombreux à exercer ou avoir exercé des professions qui relèvent du paradigme indiciaire. Beaucoup d’auteurs travaillent dans l’audiovisuel, sont profs ou policiers – généralement des officiers. D’autres sont journalistes, donc précarisés ou en voie de l’être, et trouvent dans le polar une liberté dont ne disposent plus les médias d’information. Par le polar, ils peuvent raconter tout ce qu’ils ne peuvent plus dire par le journalisme. Ils utilisent dans l’écriture leur méthodologie d’investigation: collecte de données, recueil de témoignages, enquête de terrain, étude d’archives.</p> <p>Carlos Ginsburg dans <i>Signes, traces et pistes,</i> son article paru en 1980, article faisant lui-même référence à l’article <i>Attribution</i> d’Enrico Castelnuovo paru en 1968 dans l’Encyclopédie Universalis: en 1876, il y a beaucoup de fausses attributions dans les musées, G. Morelli postule que pour distinguer les originaux des copies, il ne faut pas se baser sur les caractères les plus apparents et, par conséquent, les plus faciles à imiter mais examiner les détails les plus négligeables: les lobes des oreilles, les ongles, la forme des doigts des mains et des pieds. 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Et on a affaire aussi bien à l’amitié franche et virile qui existe entre Asger Jorn et Christian Dotremont qu’à l’amitié décharnée et ascétique entre Samuel Beckett et Bram van Velde, à l’amitié sensuelle et libertine entre Marcel Duchamp et Henri-Pierre Roché qu’à l’amitié tendre et fidèle entre Pier Paolo Pasolini et Silvana Mauri.</p> <h3>L'amitié entre femmes</h3> <p>Rachel Carson et Dorothy Freeman, l’une théoricienne de l’écologie, biologiste, auteur du <i>Printemps silencieux</i> qui aboutit à l’interdiction du DDT aux Etats-Unis, l’autre, enseignante dans un institut d’agriculture, ont dans les 45 ans quand elles se rencontrent, un été, sur une île, et sont ravies d’avoir enfin trouvé quelqu’un à qui parler, quelqu’un avec qui partager ses intérêts et sentiments. Après deux années d’échanges, Rachel signe ses lettres d’un <i>ILY</i> (I Love You). C’est chaud. Elle lui écrit tous les jours. Le soir, de son lit. Le matin, avant d’aller travailler. En fin d’après-midi, dans le train, après avoir été travailler. Elle signe aussi <i>Always</i> <i>Rachel</i>. Elle le fera pendant les onze ans de leur correspondance, un échange de 900 lettres. Conscientes que celles-ci pourraient être rendues publiques, elles inventent un code, avec deux possibles, <i>Darling</i> et <i>Dearest</i>, les premières strictement intimes, les secondes pouvant être lues par la famille de Dorothy. </p> <p>Hannah Arendt et Mary McCarthy ont entretenu 26 années de correspondance entre 1949 et 1975. Là, la barre est très haute car ces deux déracinées cosmopolites sont géniales. Née en Allemagne en 1906, l'une était juive, réfugiée aux Etats-Unis en 1940 après avoir fui l'Europe sept ans plus tôt et vivait à New York une vie d'intellectuelle déracinée. L'autre était née à Seattle en 1912 dans une famille catholique et s'était installée à New York en 1936, bien décidée à y faire une carrière de critique et d'écrivain. 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Pensez-vous qu’un homme qui connait sa valeur accorde à quiconque le droit de critiquer ne serait-ce que ses traits de caractère les plus insignifiants? Qui serait-il donc, celui qui aurait ce droit? En quoi serait-il meilleur? Oui, me critiquer derrière mon dos, il y a là beaucoup de place, c’est loisible à chacun. Mais si je l’apprends, il est alors à ma merci, livré à mes représailles.»</p> <h3>En Belgique dans les années 20</h3> <p>En 1922, le jeune Henri Michaux, complètement paumé, se cherche un parrain littéraire et en Belgique, ça ne court pas vraiment les rues. Il tombe sur Franz Hellens, de 20 ans son ainé, auteur d’un récit onirique, <i>Mélusine</i>, récit qu’il l’a ébloui. Loin de l’homme sans concession qu’il deviendra, à ce moment-là, Michaux manquant de tout, même de livres, aspire à des mondanités, a le souci de parvenir, de trouver une place et de réussir dans la milieu littéraire parisien. Et ça marche, Hellens le prend dans sa revue<i> Le Disque vert</i>. 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Frieda qui est divorcée et lingère dans une clinique psychiatrique lui sert aussi d’archiviste et de bibliothécaire car Walser n’a jamais possédé de bibliothèque ni conservé quoi que ce soit. Elle satisfait fidèlement ses nombreuses demandes de vivres – fromage, beurre, saucisson, thé. Leur relation épistolaire est entrecoupée de rencontres épisodiques. Walser effectue souvent à pied le trajet entre Bienne et l’asile de Bellelay. Il donne toujours du «vous» à sa «chère Madame Mermet» tout en embrassant l’ourlet de sa ravissante petite culotte et parfois, il joue avec l'idée de l'épouser: «J'aimerais être dès demain matin votre mari, serviable, sage en tout temps, économe, solide, fidèle, toujours, bien sûr», lui écrit-il.</p> <hr /> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1707986152_correspondancescouverture1046x1536.jpg" class="img-responsive img-fluid left " width="200" height="294" /></p> <h4>«L’amitié dans tous ses états. 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J’avais 20 ans en 1968 mais c’est seulement en 1971 que je rentrais de plain-pied dans toute cette problématique et ceci en lisant d’un coup les douze volumes reliés de la revue de l’Internationale situationniste. D’autres que moi étaient, dans la deuxième partie des années 60, sur le terrain. Cette année, certains d’entre eux ont publié des livres sur leur vécu et je les ai interviewés à ce sujet. Ce qui suit est donc un mélange de leurs vécus, de leurs analyses et de ma propre expérience.
La province
Il y a eu partout, entre autres à Strasbourg, Nantes, Lyon et Bordeaux, à Lausanne ou à Bruxelles même, des individus, des réseaux, des revues et des groupes radicaux dont les positions et les activités ont été largement occultées. Anarchistes non fédérés, communistes libertaires, conseillistes, communistes de gauche, sympathisants d’ultragauche, situationnistes et apparentés, voyous désœuvrés, trimards lyonnais, katangais banlieusards du neuf-trois, chez tous, la révolte grondait.
De 1968 en France, on ne retient en général que des clichés chocs ou chics: les barricades au Quartier latin, les voitures qui brûlent, la pénurie d’essence, les soixante-huitards baba cool et ceux qui ont depuis fait carrière: les Bernard Kouchner et les Serge July. On oublie que Mai 68 n’a été que le point culminant d’un mouvement de révolte des ouvriers et des jeunes qui a débuté bien avant le mois de mai 1968 et s’est prolongé largement au-delà, que ce mouvement a été très actif loin de la capitale française et que les étudiants n’en ont été que la composante la plus visible, tout comme les groupuscules maoïstes et trotskistes.
Oui, aux quatre points cardinaux de l’hexagone, et même au-delà, des espérances chantaient et grondaient, le vieux monde allait enfin finir.
Des tas de choses n’ont pas été connues du public et ne le sont toujours pas. Le courant qui fut le facteur déclenchant à l’époque, on n’en parle pas parce qu’il est le fait de gens qui ne se montraient pas à la presse, ne causaient pas à la télévision, refusaient les voyeurs et les badauds de passage. Pour participer à leurs actions, il fallait avoir été introduit par une connaissance commune. La presse était donc refusée partout où il se passait vraiment quelque chose. A Censier, par exemple, université parisienne située dans un quartier qui alors était encore populaire, lieu de moult assemblées générales mêlant ouvriers et étudiants, ceux-ci ont refusé qu’un cinéaste connu, William Klein, vienne les filmer et que Jean Genet parle devant l’une de leurs assemblées.
Strasbourg
En 1966, le milieu étudiant français était particulièrement inerte comparativement aux étudiants états-uniens, japonais ou allemands. Cependant, à Strasbourg, un groupe d’étudiants contestataires, placé sous l’influence des situationnistes et dont les sympathies allaient aux anarchistes, à Max Stirner, à Makhno et à Durruti (voir encadrés), mais aussi aux surréalistes et aux dadaïstes, ont œuvré à libérer la vie quotidienne de l’aliénation du travail salarié, afin de «vivre sans temps morts et jouir sans entraves».
Tout a commencé le 14 mai 1966, lors d’un conseil administratif de l’AFGES (Association fédérative générale des étudiants de Strasbourg), branche locale de l’UNEF, où six de ces étudiants profitant du total désintéressement des étudiants pour leurs syndicats, se firent élire à la tête de son nouveau bureau. C’est aussi durant l’été 1966, que quelques étudiants, amis des nouveaux élus de l’AFGES, sont reçus par les membres parisiens de l’Internationale Situationniste afin de demander des conseils pour «définir au mieux l’activité qui pourrait correspondre à leur bonne volonté subversive». L’IS leur propose de rédiger et de publier un texte de critique générale du mouvement étudiant et de la société.
La rentrée universitaire à Strasbourg se déroule dans une ambiance qui laisse présager le «scandale». Nos étudiants prositus commencent, dès octobre 1966, à répandre dans l’Université un climat de contestation. Ainsi au début du mois de novembre, l’affichage d’un tract, sous la forme d’une affiche en bandes dessinées, conçue par André Bertrand, «Le retour de la colonne Durruti», attire l’attention des étudiants et provoque, par la dérision du ton employé, exaspération et indignation.
Le 22 novembre 1966, les étudiants du bureau de l’AFGES, profitent de la cérémonie d’ouverture annuelle du Palais Universitaire, pour distribuer la brochure: «De la misère en milieu étudiant considérée sous ses aspects économique, politique, psychologique, sexuel et notamment intellectuel et de quelques moyens pour y remédier». Tous les représentants des autorités de Strasbourg, de l’évêque au préfet, du général au recteur sont présents et reçoivent le pamphlet, distribué le lendemain sur l’ensemble de l’université.
La brochure s’attaque au milieu universitaire: «Esclave stoïcien, l’étudiant se croit d’autant plus libre que toutes les chaînes de l’autorité le lient. Comme sa nouvelle famille, l’Université, il se prend pour l’être social le plus “autonome” alors qu’il relève directement et conjointement des deux systèmes les plus puissants de l’autorité sociale: la famille et l’Etat. Il est leur enfant rangé et reconnaissant. Suivant la même logique de l’enfant soumis, il participe à toutes les valeurs et mystifications du système, et les concentre en lui. Ce qui était illusions imposées aux employés devient idéologie intériorisée et véhiculée par la masse des futurs petits cadres.» Il n’y a pas à s’y tromper, «l’étudiant est un produit de la société moderne, au même titre que Godard et le Coca-Cola. Son extrême aliénation ne peut être contestée que par la contestation de la société tout entière.» Les professeurs sont des pantins nostalgiques de la vieille université libérale bourgeoise et les modernistes de gauche, ceux qui désirent une réforme structurelle de l’Université pour la réinsérer dans la vie sociale et économique, sont assimilés aux tenants de la future «Université cybernétisée» adaptée aux exigences modernes du système d’exploitation capitaliste.
Nantes
En mai 1967, c’est au tour d’une poignée d’étudiants nantais, suivant en cela l’exemple de leurs camarades strasbourgeois, de s’emparer du bureau syndical local. Nantes, bourgeoise et catholique, héritière de la traite négrière, c’est aussi Saint-Nazaire, vivace foyer de l’anarcho-syndicalisme. Et là, contrairement à Strasbourg ou à Paris, il va y être possible de fraterniser avec une base ouvrière et paysanne. Les étudiants invitent leurs leaders à venir parler dans les universités et ils viennent! C’est la ville de France où il y aura les manifestations les plus violentes et en 68, ces manifestants attaqueront la préfecture et le préfet demandera l’autorisation de tirer sur la foule, autorisation qui heureusement lui sera refusée par le ministre de l’intérieur. A Sud-Aviation les ouvriers séquestrent leur direction pendant deux semaines…
Bordeaux
Ville tenue par une vieille bourgeoise liée à la vigne, comme Strasbourg, Bordeaux n’est pas non plus une ville industrielle. En revanche, c’est une ville de solide tradition anarchiste avec une population relativement conséquente de réfugiés espagnols. Et c’est cette ville qui va organiser un premier festival du film érotique et lancer les prémisses des revendications à une révolution sexuelle et devenir le principal pôle français de la contre-culture avec son festival Sigma, festival qui invite en 1967 le Living Theatre, troupe d’anars américains qui aura une forte influence sur tous ceux qui avaient 20 ans à cette époque et voulaient en découdre.
La question sexuelle
La question sexuelle va occuper une place fondamentale, avec entre autres celle de l’homosexualité. Les revendications ne sont pas parcellaires, sexistes comme elles le seront plus tard pour le MLF. Elles sont globales et articulées sur la lutte des classes.
Le sexe n’était pas réduit au seul aspect sexuel, mais étendu à tous ses aspects relationnels et sociaux. Il était question là de rapports de classe, d’exploitation et de ce que ces rapports engendraient comme nuisances ou bienfaits dans les mœurs. Ce n’était pas les mœurs pour les mœurs mais comment l’exploitation capitaliste nous faisait vivre. Non seulement, on nous volait notre temps de travail mais on nous volait aussi tout le reste. On essayait de mettre fin aux rapports hiérarchiques, partout, tout le temps d’où, entre autres, le refus de toutes les bureaucraties gauchistes et syndicales. De changer les rapports des hommes avec les femmes, des adultes avec les enfants et aussi les rapports amoureux. L’idée était de ne pas mener des luttes parcellaires et morcelées. Ça n’avait pas pour nous de sens de se battre en tant qu’homosexuel, nain ou femme. Clairement, on était sur un combat global.
Nous étions violemment opposés à toutes les revendications sectorielles et nous ne disions pas «la communauté» − ça c’était la misère −, on disait qu’on habitait en groupe, pour être un groupe d’action. Entre l’Action et la Libération, il y avait plus qu’une nuance.
«Ne travaillez jamais»
Il s’agit là, bien sûr, de la critique d’un type d’activité très précis: le salariat. «Ne travaillez jamais» était le mot d’ordre archétypique de cette époque. Aujourd’hui, cela paraît bien dérisoire parce que dire «ne travaillez jamais» à des gens qui n’auront sans doute jamais de travail, ça fait un drôle d’effet. A l’époque, on pouvait choisir de travailler huit jours et de vivre un mois avec l’argent ainsi gagné. On pouvait sortir d’une entreprise et entrer dans une autre dans la même journée. L’idée était néanmoins de ne pas perdre sa vie à la gagner. De ne pas être enfermé huit heures par jour dans quelque chose qui nous aliénait, nous rendait étrangers à nous même.
Tout le pouvoir aux conseils ouvriers.
Dans le mot autogestion, il y a gestion. Au début, on pensait que les échecs yougoslave ou algérien étaient dus au fait que là-bas, c’est l’Etat qui gérait ça. Nous, notre génération, ceux qui désiraient le changement, nous nous disions qu’avec nous, avec une autogestion prise en charge la base, les travailleurs eux-mêmes, cela aurait été complètement différent.
On avait vu, dans le premier quart du vingtième siècle, une pratique qui était celle du soviet, du conseil ouvrier qui permettait de prendre des décisions collectives et de s’auto organiser pour produire, vivre et lutter. En 1936, en Espagne, l’organisation sociale, mise en place en campagne comme en ville, était tout à fait du même ordre.
Vivre sans temps morts
A la fin des années soixante, la critique de la vie quotidienne était constante. L’idée était que la politique, c’était les mœurs! Tout ce qui était perçu comme un enfermement ou une limitation était sévèrement et inlassablement critiqué, du couple monogame à l’institution psychiatrique.
Il y avait cette idéologie que la folie n’existait pas, que c’était juste une forme de révolte plus poussée. L’école, l’armée, notre enfance, telle que nous les avions vécus dans les années 50 et 60, tout nous semblait être carcéral. Aujourd’hui, on a de la peine à imaginer ce qu’était l’école avec les châtiments corporels et les punitions comme unique pédagogie, avec le formatage constant que nous subissions de la naissance à notre entrée dans le monde du travail. L’enseignement secondaire formait de bons petits exploités et l’université de bons petits cadres.
Nous, nous refusions la division des tâches et du travail, qui fondement même du capitalisme. Nous refusions toutes les divisions entre intellectuel et manuel, entre homme et femme, entre jeune et vieux, etc.
La reprise
Il y aurait encore tant et tant de choses à raconter, à commenter, à analyser sur le sujet… Mais peut-être peut-on conclure en disant que la reprise fut difficile, très difficile et qu’un film magnifique en est témoin. Film qui a aussi le mérite de nous rappeler, puisque nous avons commencé en parlant de Strasbourg, que les syndicats ouvriers exercèrent une fonction policière constante pendant toute la durée des événements et, ceci de 1966 à 1968. Ce film nous montre en juin 1968, la reprise du travail aux usines Wonder à Saint-Ouen après trois semaines de grève. Deux membres du bureau CGT de la ville essaient de convaincre les salariés qu'il s'agit d'une victoire et qu'il faut reprendre le travail dans l'unité après le vote qui a donné 560 voix à la reprise contre 260 pour continuer la grève.
Mais une jeune femme crie que «C'est saboté le vote! Ils ont fait ça à la saloperie. Puis hurle: Non, je rentrerai pas là-dedans. Je mettrai plus les pieds dans cette taule. Vous rentrez-y, vous! Allez voir quel bordel que c'est!»
Et c’est exactement ce que pour la plupart d’entre nous, nous avons fait, nous n’y sommes pas retournés, nous avons quitté champs et usines, bureaux et atelier, nous nous sommes efforcés de nous évader à tout prix de notre misérable classe d’origine, de l’univers étriqué de nos parents et de toutes les anciennes appartenances claniques. Cela a duré une décennie, le temps qu’il a fallu aux DRH pour trouver de nouvelles méthodes pour nous remettre dans les fers, les virtuels donc…
Oui, nos années 70 furent euphoriques et libertaires. Ce sont donc les années 80 qui nous ramèneront dans les rangs avec leur nouveau management du travail, sa société du loisir généralisé, sa culture de l’entreprise et son formidable développement de la micro informatique, ses ordinateurs et ses téléphones portables.
Lola Miesseroff sur Aligre-Fm
Claire Auzias, Trimards – «Pègre» et mauvais garçon de Mai 68, Atelier Création Libertaire, 2018
André Bertrand & André Schneider, Le Scandale de Strasbourg mis à nu par ses célibataires, même, L’Insomniaque éd., 2018.
Lola Miesseroff, Voyage en outre-gauche, Libertalia éd., 2018.
Philippe Artières et Emmanuelle Giry, (sous la direction de), 68 LES ARCHIVES DU POUVOIR, L’iconoclaste Éditions, 2018
Max Stirner (1806-1856)
Il représente avec Bakounine et Proudhon, l’un des trois phares-pôles de l’anarchisme. Il est l'auteur, en 1844, de L'Unique et sa propriété, livre halluciné et hallucinant qui connaît un grand retentissement à sa sortie. Il n’y a que trois personnes à son enterrement.
Nestor Makhno (1889-1934)
Ukrainien. En 1918, après la signature du Traité de Brest-Litovsk qui livre l'Ukraine à l'Allemagne, il organise un mouvement de résistance armée. En 1919, ses groupes de guérilla se transforment en une véritable armée, la Makhnovchtchina qui compte jusqu'à 50’000 hommes. Il s'allie avec l'Armée rouge qui se retourne finalement contre lui en 1920. En 1921, vaincu, il fuit la Russie. Il s'installe en 1925 à Paris, où il travaille comme ouvrier chez Renault à Boulogne-Billancourt. Il meurt le 25 juillet 1934 et est incinéré au cimetière du Père-Lachaise en présence de centaines de personnes, dont Voline qui prononce son éloge funèbre.
Buenaventura Durruti (1896-1936)
Lors du coup d'Etat du 18 juillet 1936, il organise la résistance contre les nationalistes à Barcelone. Le 24 juillet, il rejoint le front d'Aragon avec une colonne de 3000 hommes, la Colonne Durruti. Durant cette campagne, il encourage la collectivisation des terres. Le 13 novembre 1936, il est appelé avec sa colonne à défendre Madrid. Il y meurt le 19. Le 23, son enterrement à Barcelone rassemble plus de 250’000 personnes.
L’Internationale situationniste (1957-1972)
70 membres, 63 hommes et 7 femmes, de 16 nationalités. Pendant ses 12 ans et 6 mois d’existence, elle a exclut 45 de ses membres. Rejet de l’intelligentsia, état-major sans troupe, joyeuse tentative de synthèse entre Karl Marx et le Facteur Cheval, Louis II de Bavière et Max Stirner, Durruti et Joachim de Flore. Malheureusement éclipsée aujourd’hui au seul profit de la gloire posthume de Guy-Ernst Debord.
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Ce qui suit est donc un mélange de leurs vécus, de leurs analyses et de ma propre expérience. </p><h3>La province </h3><p>Il y a eu partout, entre autres à Strasbourg, Nantes, Lyon et Bordeaux, à Lausanne ou à Bruxelles même, des individus, des réseaux, des revues et des groupes radicaux dont les positions et les activités ont été largement occultées. Anarchistes non fédérés, communistes libertaires, conseillistes, communistes de gauche, sympathisants d’ultragauche, situationnistes et apparentés, voyous désœuvrés, trimards lyonnais, katangais banlieusards du neuf-trois, chez tous, la révolte grondait. </p><p>De 1968 en France, on ne retient en général que des clichés chocs ou chics: les barricades au Quartier latin, les voitures qui brûlent, la pénurie d’essence, les soixante-huitards baba cool et ceux qui ont depuis fait carrière: les Bernard Kouchner et les Serge July. On oublie que Mai 68 n’a été que le point culminant d’un mouvement de révolte des ouvriers et des jeunes qui a débuté bien avant le mois de mai 1968 et s’est prolongé largement au-delà, que ce mouvement a été très actif loin de la capitale française et que les étudiants n’en ont été que la composante la plus visible, tout comme les groupuscules maoïstes et trotskistes. </p><p>Oui, aux quatre points cardinaux de l’hexagone, et même au-delà, des espérances chantaient et grondaient, le vieux monde allait enfin finir. </p><p>Des tas de choses n’ont pas été connues du public et ne le sont toujours pas. Le courant qui fut le facteur déclenchant à l’époque, on n’en parle pas parce qu’il est le fait de gens qui ne se montraient pas à la presse, ne causaient pas à la télévision, refusaient les voyeurs et les badauds de passage. Pour participer à leurs actions, il fallait avoir été introduit par une connaissance commune. La presse était donc refusée partout où il se passait vraiment quelque chose. A Censier, par exemple, université parisienne située dans un quartier qui alors était encore populaire, lieu de moult assemblées générales mêlant ouvriers et étudiants, ceux-ci ont refusé qu’un cinéaste connu, William Klein, vienne les filmer et que Jean Genet parle devant l’une de leurs assemblées. </p><h3>Strasbourg </h3><p>En 1966, le milieu étudiant français était particulièrement inerte comparativement aux étudiants états-uniens, japonais ou allemands. Cependant, à Strasbourg, un groupe d’étudiants contestataires, placé sous l’influence des situationnistes et dont les sympathies allaient aux anarchistes, à Max Stirner, à Makhno et à Durruti (<em>voir encadrés</em>), mais aussi aux surréalistes et aux dadaïstes, ont œuvré à libérer la vie quotidienne de l’aliénation du travail salarié, afin de «vivre sans temps morts et jouir sans entraves». </p><p>Tout a commencé le 14 mai 1966, lors d’un conseil administratif de l’AFGES (Association fédérative générale des étudiants de Strasbourg), branche locale de l’UNEF, où six de ces étudiants profitant du total désintéressement des étudiants pour leurs syndicats, se firent élire à la tête de son nouveau bureau. C’est aussi durant l’été 1966, que quelques étudiants, amis des nouveaux élus de l’AFGES, sont reçus par les membres parisiens de l’Internationale Situationniste afin de demander des conseils pour «définir au mieux l’activité qui pourrait correspondre à leur bonne volonté subversive». L’IS leur propose de rédiger et de publier un texte de critique générale du mouvement étudiant et de la société. </p><p>La rentrée universitaire à Strasbourg se déroule dans une ambiance qui laisse présager le «scandale». Nos étudiants prositus commencent, dès octobre 1966, à répandre dans l’Université un climat de contestation. Ainsi au début du mois de novembre, l’affichage d’un tract, sous la forme d’une affiche en bandes dessinées, conçue par André Bertrand, «Le retour de la colonne Durruti», attire l’attention des étudiants et provoque, par la dérision du ton employé, exaspération et indignation. </p><p>Le 22 novembre 1966, les étudiants du bureau de l’AFGES, profitent de la cérémonie d’ouverture annuelle du Palais Universitaire, pour distribuer la brochure: «De la misère en milieu étudiant considérée sous ses aspects économique, politique, psychologique, sexuel et notamment intellectuel et de quelques moyens pour y remédier». Tous les représentants des autorités de Strasbourg, de l’évêque au préfet, du général au recteur sont présents et reçoivent le pamphlet, distribué le lendemain sur l’ensemble de l’université. </p><p>La brochure s’attaque au milieu universitaire: «Esclave stoïcien, l’étudiant se croit d’autant plus libre que toutes les chaînes de l’autorité le lient. Comme sa nouvelle famille, l’Université, il se prend pour l’être social le plus “autonome” alors qu’il relève directement et conjointement des deux systèmes les plus puissants de l’autorité sociale: la famille et l’Etat. Il est leur enfant rangé et reconnaissant. Suivant la même logique de l’enfant soumis, il participe à toutes les valeurs et mystifications du système, et les concentre en lui. Ce qui était illusions imposées aux employés devient idéologie intériorisée et véhiculée par la masse des futurs petits cadres.» Il n’y a pas à s’y tromper, «l’étudiant est un produit de la société moderne, au même titre que Godard et le Coca-Cola. Son extrême aliénation ne peut être contestée que par la contestation de la société tout entière.» Les professeurs sont des pantins nostalgiques de la vieille université libérale bourgeoise et les modernistes de gauche, ceux qui désirent une réforme structurelle de l’Université pour la réinsérer dans la vie sociale et économique, sont assimilés aux tenants de la future «Université cybernétisée» adaptée aux exigences modernes du système d’exploitation capitaliste. </p><h3>Nantes </h3><p>En mai 1967, c’est au tour d’une poignée d’étudiants nantais, suivant en cela l’exemple de leurs camarades strasbourgeois, de s’emparer du bureau syndical local. Nantes, bourgeoise et catholique, héritière de la traite négrière, c’est aussi Saint-Nazaire, vivace foyer de l’anarcho-syndicalisme. Et là, contrairement à Strasbourg ou à Paris, il va y être possible de fraterniser avec une base ouvrière et paysanne. Les étudiants invitent leurs leaders à venir parler dans les universités et ils viennent! C’est la ville de France où il y aura les manifestations les plus violentes et en 68, ces manifestants attaqueront la préfecture et le préfet demandera l’autorisation de tirer sur la foule, autorisation qui heureusement lui sera refusée par le ministre de l’intérieur. A Sud-Aviation les ouvriers séquestrent leur direction pendant deux semaines… </p><h3>Bordeaux</h3><p>Ville tenue par une vieille bourgeoise liée à la vigne, comme Strasbourg, Bordeaux n’est pas non plus une ville industrielle. En revanche, c’est une ville de solide tradition anarchiste avec une population relativement conséquente de réfugiés espagnols. Et c’est cette ville qui va organiser un premier festival du film érotique et lancer les prémisses des revendications à une révolution sexuelle et devenir le principal pôle français de la contre-culture avec son festival Sigma, festival qui invite en 1967 le Living Theatre, troupe d’anars américains qui aura une forte influence sur tous ceux qui avaient 20 ans à cette époque et voulaient en découdre. </p><h3>La question sexuelle</h3><p>La question sexuelle va occuper une place fondamentale, avec entre autres celle de l’homosexualité. Les revendications ne sont pas parcellaires, sexistes comme elles le seront plus tard pour le MLF. Elles sont globales et articulées sur la lutte des classes. </p><p>Le sexe n’était pas réduit au seul aspect sexuel, mais étendu à tous ses aspects relationnels et sociaux. Il était question là de rapports de classe, d’exploitation et de ce que ces rapports engendraient comme nuisances ou bienfaits dans les mœurs. Ce n’était pas les mœurs pour les mœurs mais comment l’exploitation capitaliste nous faisait vivre. Non seulement, on nous volait notre temps de travail mais on nous volait aussi tout le reste. On essayait de mettre fin aux rapports hiérarchiques, partout, tout le temps d’où, entre autres, le refus de toutes les bureaucraties gauchistes et syndicales. De changer les rapports des hommes avec les femmes, des adultes avec les enfants et aussi les rapports amoureux. L’idée était de ne pas mener des luttes parcellaires et morcelées. Ça n’avait pas pour nous de sens de se battre en tant qu’homosexuel, nain ou femme. Clairement, on était sur un combat global. </p><p>Nous étions violemment opposés à toutes les revendications sectorielles et nous ne disions pas «la communauté» − ça c’était la misère −, on disait qu’on habitait en groupe, pour être un groupe d’action. Entre l’Action et la Libération, il y avait plus qu’une nuance. </p><h3>«Ne travaillez jamais»</h3><p>Il s’agit là, bien sûr, de la critique d’un type d’activité très précis: le salariat. «Ne travaillez jamais» était le mot d’ordre archétypique de cette époque. Aujourd’hui, cela paraît bien dérisoire parce que dire «ne travaillez jamais» à des gens qui n’auront sans doute jamais de travail, ça fait un drôle d’effet. A l’époque, on pouvait choisir de travailler huit jours et de vivre un mois avec l’argent ainsi gagné. On pouvait sortir d’une entreprise et entrer dans une autre dans la même journée. L’idée était néanmoins de ne pas perdre sa vie à la gagner. De ne pas être enfermé huit heures par jour dans quelque chose qui nous aliénait, nous rendait étrangers à nous même. </p><h3>Tout le pouvoir aux conseils ouvriers. </h3><p>Dans le mot autogestion, il y a gestion. Au début, on pensait que les échecs yougoslave ou algérien étaient dus au fait que là-bas, c’est l’Etat qui gérait ça. Nous, notre génération, ceux qui désiraient le changement, nous nous disions qu’avec nous, avec une autogestion prise en charge la base, les travailleurs eux-mêmes, cela aurait été complètement différent. </p><p>On avait vu, dans le premier quart du vingtième siècle, une pratique qui était celle du soviet, du conseil ouvrier qui permettait de prendre des décisions collectives et de s’auto organiser pour produire, vivre et lutter. En 1936, en Espagne, l’organisation sociale, mise en place en campagne comme en ville, était tout à fait du même ordre. </p> <h3>Vivre sans temps morts</h3><p>A la fin des années soixante, la critique de la vie quotidienne était constante. L’idée était que la politique, c’était les mœurs! Tout ce qui était perçu comme un enfermement ou une limitation était sévèrement et inlassablement critiqué, du couple monogame à l’institution psychiatrique. </p><p>Il y avait cette idéologie que la folie n’existait pas, que c’était juste une forme de révolte plus poussée. L’école, l’armée, notre enfance, telle que nous les avions vécus dans les années 50 et 60, tout nous semblait être carcéral. Aujourd’hui, on a de la peine à imaginer ce qu’était l’école avec les châtiments corporels et les punitions comme unique pédagogie, avec le formatage constant que nous subissions de la naissance à notre entrée dans le monde du travail. L’enseignement secondaire formait de bons petits exploités et l’université de bons petits cadres. </p><p>Nous, nous refusions la division des tâches et du travail, qui fondement même du capitalisme. Nous refusions toutes les divisions entre intellectuel et manuel, entre homme et femme, entre jeune et vieux, etc. </p><h3>La reprise</h3><p>Il y aurait encore tant et tant de choses à raconter, à commenter, à analyser sur le sujet… Mais peut-être peut-on conclure en disant que la reprise fut difficile, très difficile et qu’un film magnifique en est témoin. Film qui a aussi le mérite de nous rappeler, puisque nous avons commencé en parlant de Strasbourg, que les syndicats ouvriers exercèrent une fonction policière constante pendant toute la durée des événements et, ceci de 1966 à 1968. Ce film nous montre en juin 1968, la reprise du travail aux usines Wonder à Saint-Ouen après trois semaines de grève. Deux membres du bureau CGT de la ville essaient de convaincre les salariés qu'il s'agit d'une victoire et qu'il faut reprendre le travail dans l'unité après le vote qui a donné 560 voix à la reprise contre 260 pour continuer la grève. </p><p>Mais une jeune femme crie que «C'est saboté le vote! Ils ont fait ça à la saloperie. Puis hurle: Non, je rentrerai pas là-dedans. Je mettrai plus les pieds dans cette taule. Vous rentrez-y, vous! Allez voir quel bordel que c'est!» </p><p>Et c’est exactement ce que pour la plupart d’entre nous, nous avons fait, nous n’y sommes pas retournés, nous avons quitté champs et usines, bureaux et atelier, nous nous sommes efforcés de nous évader à tout prix de notre misérable classe d’origine, de l’univers étriqué de nos parents et de toutes les anciennes appartenances claniques. Cela a duré une décennie, le temps qu’il a fallu aux DRH pour trouver de nouvelles méthodes pour nous remettre dans les fers, les virtuels donc… </p><p>Oui, nos années 70 furent euphoriques et libertaires. 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Ce qui suit est donc un mélange de leurs vécus, de leurs analyses et de ma propre expérience. </p><h3>La province </h3><p>Il y a eu partout, entre autres à Strasbourg, Nantes, Lyon et Bordeaux, à Lausanne ou à Bruxelles même, des individus, des réseaux, des revues et des groupes radicaux dont les positions et les activités ont été largement occultées. Anarchistes non fédérés, communistes libertaires, conseillistes, communistes de gauche, sympathisants d’ultragauche, situationnistes et apparentés, voyous désœuvrés, trimards lyonnais, katangais banlieusards du neuf-trois, chez tous, la révolte grondait. </p><p>De 1968 en France, on ne retient en général que des clichés chocs ou chics: les barricades au Quartier latin, les voitures qui brûlent, la pénurie d’essence, les soixante-huitards baba cool et ceux qui ont depuis fait carrière: les Bernard Kouchner et les Serge July. On oublie que Mai 68 n’a été que le point culminant d’un mouvement de révolte des ouvriers et des jeunes qui a débuté bien avant le mois de mai 1968 et s’est prolongé largement au-delà, que ce mouvement a été très actif loin de la capitale française et que les étudiants n’en ont été que la composante la plus visible, tout comme les groupuscules maoïstes et trotskistes. </p><p>Oui, aux quatre points cardinaux de l’hexagone, et même au-delà, des espérances chantaient et grondaient, le vieux monde allait enfin finir. </p><p>Des tas de choses n’ont pas été connues du public et ne le sont toujours pas. Le courant qui fut le facteur déclenchant à l’époque, on n’en parle pas parce qu’il est le fait de gens qui ne se montraient pas à la presse, ne causaient pas à la télévision, refusaient les voyeurs et les badauds de passage. Pour participer à leurs actions, il fallait avoir été introduit par une connaissance commune. La presse était donc refusée partout où il se passait vraiment quelque chose. A Censier, par exemple, université parisienne située dans un quartier qui alors était encore populaire, lieu de moult assemblées générales mêlant ouvriers et étudiants, ceux-ci ont refusé qu’un cinéaste connu, William Klein, vienne les filmer et que Jean Genet parle devant l’une de leurs assemblées. </p><h3>Strasbourg </h3><p>En 1966, le milieu étudiant français était particulièrement inerte comparativement aux étudiants états-uniens, japonais ou allemands. Cependant, à Strasbourg, un groupe d’étudiants contestataires, placé sous l’influence des situationnistes et dont les sympathies allaient aux anarchistes, à Max Stirner, à Makhno et à Durruti (<em>voir encadrés</em>), mais aussi aux surréalistes et aux dadaïstes, ont œuvré à libérer la vie quotidienne de l’aliénation du travail salarié, afin de «vivre sans temps morts et jouir sans entraves». </p><p>Tout a commencé le 14 mai 1966, lors d’un conseil administratif de l’AFGES (Association fédérative générale des étudiants de Strasbourg), branche locale de l’UNEF, où six de ces étudiants profitant du total désintéressement des étudiants pour leurs syndicats, se firent élire à la tête de son nouveau bureau. C’est aussi durant l’été 1966, que quelques étudiants, amis des nouveaux élus de l’AFGES, sont reçus par les membres parisiens de l’Internationale Situationniste afin de demander des conseils pour «définir au mieux l’activité qui pourrait correspondre à leur bonne volonté subversive». L’IS leur propose de rédiger et de publier un texte de critique générale du mouvement étudiant et de la société. </p><p>La rentrée universitaire à Strasbourg se déroule dans une ambiance qui laisse présager le «scandale». Nos étudiants prositus commencent, dès octobre 1966, à répandre dans l’Université un climat de contestation. Ainsi au début du mois de novembre, l’affichage d’un tract, sous la forme d’une affiche en bandes dessinées, conçue par André Bertrand, «Le retour de la colonne Durruti», attire l’attention des étudiants et provoque, par la dérision du ton employé, exaspération et indignation. </p><p>Le 22 novembre 1966, les étudiants du bureau de l’AFGES, profitent de la cérémonie d’ouverture annuelle du Palais Universitaire, pour distribuer la brochure: «De la misère en milieu étudiant considérée sous ses aspects économique, politique, psychologique, sexuel et notamment intellectuel et de quelques moyens pour y remédier». 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Son extrême aliénation ne peut être contestée que par la contestation de la société tout entière.» Les professeurs sont des pantins nostalgiques de la vieille université libérale bourgeoise et les modernistes de gauche, ceux qui désirent une réforme structurelle de l’Université pour la réinsérer dans la vie sociale et économique, sont assimilés aux tenants de la future «Université cybernétisée» adaptée aux exigences modernes du système d’exploitation capitaliste. </p><h3>Nantes </h3><p>En mai 1967, c’est au tour d’une poignée d’étudiants nantais, suivant en cela l’exemple de leurs camarades strasbourgeois, de s’emparer du bureau syndical local. Nantes, bourgeoise et catholique, héritière de la traite négrière, c’est aussi Saint-Nazaire, vivace foyer de l’anarcho-syndicalisme. Et là, contrairement à Strasbourg ou à Paris, il va y être possible de fraterniser avec une base ouvrière et paysanne. Les étudiants invitent leurs leaders à venir parler dans les universités et ils viennent! 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Et c’est cette ville qui va organiser un premier festival du film érotique et lancer les prémisses des revendications à une révolution sexuelle et devenir le principal pôle français de la contre-culture avec son festival Sigma, festival qui invite en 1967 le Living Theatre, troupe d’anars américains qui aura une forte influence sur tous ceux qui avaient 20 ans à cette époque et voulaient en découdre. </p><h3>La question sexuelle</h3><p>La question sexuelle va occuper une place fondamentale, avec entre autres celle de l’homosexualité. Les revendications ne sont pas parcellaires, sexistes comme elles le seront plus tard pour le MLF. Elles sont globales et articulées sur la lutte des classes. </p><p>Le sexe n’était pas réduit au seul aspect sexuel, mais étendu à tous ses aspects relationnels et sociaux. Il était question là de rapports de classe, d’exploitation et de ce que ces rapports engendraient comme nuisances ou bienfaits dans les mœurs. Ce n’était pas les mœurs pour les mœurs mais comment l’exploitation capitaliste nous faisait vivre. Non seulement, on nous volait notre temps de travail mais on nous volait aussi tout le reste. On essayait de mettre fin aux rapports hiérarchiques, partout, tout le temps d’où, entre autres, le refus de toutes les bureaucraties gauchistes et syndicales. De changer les rapports des hommes avec les femmes, des adultes avec les enfants et aussi les rapports amoureux. L’idée était de ne pas mener des luttes parcellaires et morcelées. Ça n’avait pas pour nous de sens de se battre en tant qu’homosexuel, nain ou femme. Clairement, on était sur un combat global. </p><p>Nous étions violemment opposés à toutes les revendications sectorielles et nous ne disions pas «la communauté» − ça c’était la misère −, on disait qu’on habitait en groupe, pour être un groupe d’action. 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L’école, l’armée, notre enfance, telle que nous les avions vécus dans les années 50 et 60, tout nous semblait être carcéral. Aujourd’hui, on a de la peine à imaginer ce qu’était l’école avec les châtiments corporels et les punitions comme unique pédagogie, avec le formatage constant que nous subissions de la naissance à notre entrée dans le monde du travail. L’enseignement secondaire formait de bons petits exploités et l’université de bons petits cadres. </p><p>Nous, nous refusions la division des tâches et du travail, qui fondement même du capitalisme. Nous refusions toutes les divisions entre intellectuel et manuel, entre homme et femme, entre jeune et vieux, etc. </p><h3>La reprise</h3><p>Il y aurait encore tant et tant de choses à raconter, à commenter, à analyser sur le sujet… Mais peut-être peut-on conclure en disant que la reprise fut difficile, très difficile et qu’un film magnifique en est témoin. Film qui a aussi le mérite de nous rappeler, puisque nous avons commencé en parlant de Strasbourg, que les syndicats ouvriers exercèrent une fonction policière constante pendant toute la durée des événements et, ceci de 1966 à 1968. Ce film nous montre en juin 1968, la reprise du travail aux usines Wonder à Saint-Ouen après trois semaines de grève. Deux membres du bureau CGT de la ville essaient de convaincre les salariés qu'il s'agit d'une victoire et qu'il faut reprendre le travail dans l'unité après le vote qui a donné 560 voix à la reprise contre 260 pour continuer la grève. </p><p>Mais une jeune femme crie que «C'est saboté le vote! Ils ont fait ça à la saloperie. Puis hurle: Non, je rentrerai pas là-dedans. Je mettrai plus les pieds dans cette taule. Vous rentrez-y, vous! Allez voir quel bordel que c'est!» </p><p>Et c’est exactement ce que pour la plupart d’entre nous, nous avons fait, nous n’y sommes pas retournés, nous avons quitté champs et usines, bureaux et atelier, nous nous sommes efforcés de nous évader à tout prix de notre misérable classe d’origine, de l’univers étriqué de nos parents et de toutes les anciennes appartenances claniques. Cela a duré une décennie, le temps qu’il a fallu aux DRH pour trouver de nouvelles méthodes pour nous remettre dans les fers, les virtuels donc… </p><p>Oui, nos années 70 furent euphoriques et libertaires. Ce sont donc les années 80 qui nous ramèneront dans les rangs avec leur nouveau management du travail, sa société du loisir généralisé, sa culture de l’entreprise et son formidable développement de la micro informatique, ses ordinateurs et ses téléphones portables. </p><p></p><hr><p></p><h4><a href="http://aligrefm.org/programmes/les-emissions/la-vie-est-un-roman/la-vie-est-roman-27-fevrier-2018.html">Lola Miesseroff sur Aligre-Fm</a><br><br><br><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1524236553_trimards_couv1.jpg" width="363" height="525">Claire Auzias, Trimards – «Pègre» et mauvais garçon de Mai 68, Atelier Création Libertaire, 2018</h4><h4><br></h4><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1524236526_img188.jpg" width="387" height="592">André Bertrand & André Schneider, Le Scandale de Strasbourg mis à nu par ses célibataires, même, L’Insomniaque éd., 2018.</h4><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1524236462_arton12514e9ec.jpg" width="303" height="499"><a href="http://aligrefm.org/programmes/les-emissions/la-vie-est-un-roman/la-vie-est-roman-27-fevrier-2018.html">Lola Miesseroff, Voyage en outre-gauche, Libertalia éd., 2018.</a></h4><h4><img class="img-responsive " src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1524383053_mai687ok2.jpg" width="313" height="405">Philippe Artières et Emmanuelle Giry, (sous la direction de), 68 LES ARCHIVES DU POUVOIR, L’iconoclaste Éditions, 2018 </h4><p></p><hr><p></p><br><h2>Max Stirner (1806-1856)</h2><p>Il représente avec Bakounine et Proudhon, l’un des trois phares-pôles de l’anarchisme. 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Oui, de porter une attention soutenue à ce qui nous environne, car si le dessin, comme il l’écrit, déplie le visible, cela ne peut être que pour le pénétrer plus intensément.</p> <h3>Les débuts</h3> <p>Le dessin est une activité solitaire, peinture des jours de pluie, enfermé dans une pièce et l’infini plaisir de n’avoir à faire que ça, ok, d’accord, mais c’est avec sa main dans le bac à sable que Philippe Comar a commencé à dessiner, ou avec un doigt sur des meubles couverts de poussière, sur des vitres embuées, dans de la farine, de la pâte à tarte, en piétinant la neige, en courant dans le sable. Il a dessiné dans le noir avec la pointe de sa langue dans le creux de sa main. En crachant sur les murs, en envoyant gicler des gouttes à la brosse à dent, à la craie sur les trottoirs, au canif sur les arbres. Il a dessiné sur ses mains avec un stylo à bille et comme Léonard de Vinci, il a aimé contempler sans penser à rien les tâches fortuites sur les murs, les traces de moisissure. Il a eu une période labyrinthes, dédales, passerelles, escaliers dérobés, tout un monde à la Piranèse. Il s’est essayé à l’anamorphose, aux dessins étirés, gonflés, dilatés. Pour lui, le dessin n’est jamais au service de quelque chose d’autre. Il est une fin en soi, un moment de grâce durant lequel on peut enfin s’abandonner à un afflux de sensations. Bien sûr, croyant observer, on ne fait qu’effleurer ce qu’on voit et c’est en cela que l’acte de dessiner est plus important que le dessin fini. Comme l’écrivait en 1971 le célèbre historien d’art John Berger, il s’agit de voir le voir. Et même en dessinant d’après nature, de trouver non pas ce que l’on voit mais ce que l’on sent.</p> <h3>Les fluides</h3> <p>Ces <i>Premiers traits</i>, indiqués dans le titre de ce nouvel opus, sont ceux que tracent, depuis l’enfance, tous les fluides qui s’écoulent du corps: salive, lait, larmes, urine. A l’école primaire, un jour, la maitresse le sermonne: il a couvert pendant des mois son bureau de centaines de petits dessins. Et pourquoi pas faire pipi sur les pupitres, s’exclame-t-elle. Toute la classe se gondole et en guise de punition, le petit Philippe est enfermé toute une longue et interminable journée dans les toilettes, et ceci sans manger ni boire et sans lumière. D’où que depuis ce jour-là, il associe l’acte d’uriner et le dessin. Et effectivement, tel Gargantua, du haut des tours de Notre-Dame, il adore dessiner ainsi sur le sable. Et encore aujourd’hui, quand il use de l’encre, il le vit comme quelque chose qui fuit de lui.</p> <p>Vers l’âge de douze ans, découvrant l’urinoir de Duchamp, il se met à collectionner des reproductions de peintures représentant un ou des pots de chambre car oui, entre le XVème et le XVIIIème siècle, l’urine est un thème fréquent dans la peinture de genre.</p> <p>L’auteur se souvient encore d’avoir dessiné à l’école maternelle une femme aux seins pendants se prolongeant par un pointillé évoquant du lait qui s’écoule. Honteux, il l’a déchiré et jeté, pour recommencer aussitôt. Les pointillé l’excitent. Et cela s’est confirmé lorsqu’il a étudié la géométrie descriptive dans laquelle les axes et les lignes de construction d’un solide sont représentés justement par des pointillés, notation tout autant symbolique qu’imagée. Répétons-le: pour lui, il ne s’agit pas d’imiter mais de traduire un ressenti.</p> <h3>Le trait, la tache</h3> <p>Lorsqu’il a sept ans, sensible à l’application qu’il met à copier des tableaux, ceux du Greco par exemple, ses parents l’inscrivent dans une Académie dite «du Jeudi». Les enfants y peignent debout et n’y apprennent rien mais pratiquent assidument la chose. Et notre jeune futur artiste y prend plaisir à tracer des lignes parallèles et à s’y s’entraîner à tracer des lignes régulières, à main levée ou à la règle. C’est une technique qu’il connaît par les illustrations exécutées au burin figurant dans ses livres de classe. Dans son ouvrage, après une vibrante apologie de la gomme, il enchaîne avec celle d’une roulotte de bohémiens, de leur osier tressé pour les paniers, et de la petite bohémienne, pieds nus et cheveux sales pour laquelle il ressent une forte attirance physique. Sujet à sa première érection spontanée, il apprend ce jour-là que le sale et le sexuel ont affaire ensemble et que la découverte de l’outil peut précéder la connaissance de sa fonction. D’un côté, le trait aigu qui cerne. De l’autre, la tâche qui bave. Deux bornes: idéalisme et réalisme. Rodin, dans ses dessins érotiques, associe d’ailleurs ces deux démarches.</p> <h3>Le dessin: une habitude</h3> <p>Notre artiste, cent pour cent sédentaire, habitant depuis cinquante ans la même maison, homme d’habitudes, retrouve ce trait de caractère dans l’acte même de dessiner: le désir de retenir à tout prix, de saisir ce qui fuit. Très tôt sensible au pouvoir du dessin et des mots, la frontière entre les deux n’étant pas aussi nette qu’il y paraît, pour lui les mots ne sont pas que des signes arbitraires. Leur graphie suggère des figures. 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Et petit-à-petit, il se met à remplacer la Marianne sur les lettres et cartes postales par des fragments de corps nus de dame. Oblitéré par la Poste, le timbre devient œuvre.</p> <h3>S'auto créer par et pour le dessin</h3> <p>Ses parents n’ont pas une sensualité marquée, son père lui inflige des fessées pantalon baissé, sa mère répugne au contact physique avec ses enfants et lui, il dessine en cachette des femmes nues, dessins qu’il détruit ensuite. Il rêve aussi d’auto-fellation et de s’auto-dévorer lui-même et retrouve cela dans un personnage de Saul Steinberg, personnage s’auto-dessinant et dans certains dessins de Hans Bellmer, un corps s’auto-dessinant également; et finit par penser que le phantasme d’auto-engendrement est l’essence même de l’art.</p> <h3>Dessin d'enfant</h3> <p>Les dessins d’enfant permettent-ils de retracer les fondements d’une œuvre à venir? Rien n’est moins certain, tant les choix individuels et les partis pris d’un artiste ne se dégagent que lentement des archétypes propres aux dessins d’enfant. Tout en tentant de saisir ce qui, dans ses premières expériences graphiques, a nourri sa pratique actuelle de dessinateur, Philippe Comar n’est guère porté à leur attribuer plus d’attention qu’ils n’en méritent. </p> <p>Pourtant, le XXème siècle a préféré cette naïveté à tous les savoirs. Lui, à l’inverse, défend la maitrise du dessin en tant que plaisir originel secondant phantasme jouissance et hédonisme. Il n’angélise rien, goûte à tout, nous raconte ses émois les plus anciens, scatologie et signes fortement sexués. Oui, décidément, dessiner, c’est voir et voir mieux.</p> <h3>Epitaphe</h3> <p>Très tôt, il a été obnubilé par la représentation des rayons lumineux. Fasciné donc par tout ce qui trace, que ce soit droit ou courbe, une ligne dans l’air, sans écran, ni feuille de papier: étoile filante, sillage d’avion, etc. Les traités de balistique en sont pleins. Un trait est un signe, une abstraction, les rayons de soleil, la ligne d’horizon en sont aussi mais dans la nature rien n’est parfait et tout a une dimension charnelle. Aux lignes droites qu’il observe dans le ciel s’ajoutent les cercles concentriques entourant le caillou qu’il vient de jeter dans l’eau. Et la courbe que trace en l’air, écrit-il, le jet mictionnel et qui se retrouve chez les peintres Lorenzo Lotto, Jean Cousin, Titien, Rubens, Rembrandt, Guido Remi et tant d’autres encore. Et les coquillages, les vignes, les crosses de fougère. Mais de toutes les lignes, celles qui l’ont le plus fasciné sont les herbes. 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Les salles suivantes retracent l'ensemble de son parcours artistique, des carnets y côtoyant des planches dessinées et de grands formats peints, mêlant fantasmes et plongées dans l'intime. Dans les dernières salles, partant d’annonces de sites de rencontre, Dominique Goblet et Kai Pfeiffer, les deux auteurs du <i>Jardin des candidats</i>, imbriquent leurs dessins, décloisonnent les disciplines et incluent dans leur scénographie installations et fresques murales.</p> <p>Par ailleurs, dans une vidéo qui figure sur le site du musée, on peut entrapercevoir Dominique Goblet pleine de vie et d’énergie pétillante bloquant un tram à Bâle pour laisser passer la fanfare invitée en l’honneur de son show.</p> <h3>Le livre</h3> <p><i>Le</i> <i>Jardin des Candidats</i> est totalement convaincant et on ne peut qu’en vanter l’indéniable réussite plastique. Toutes les expérimentations formelles y sont au service d'une écriture et tout y est rendu comme étant nécessaire et parfait.</p> <p>En ouverture, un paon déclare dans une bulle: «cherche relation suivie pour moments câlins dans le jardin». <i>Aléa jacta es</i>, les dés sont jetés, toutes les citations sont issues de véritables textes de profils sur des sites de rencontre, apprend-t-on ensuite. Il y a ainsi de la végétation et une voix, celle de la Mère, figure mythique de l’adoration. Elle est «La Grande Absence». Elle possède un amas de livres détrempés et une piscine inachevée. Elle est l’Unique Divin Problème et quand il fait soleil ou quand il pleut, c’est parce qu’elle en a besoin. Les candidats repérés sur internet sont rassemblés dans le parc parmi des buissons, des vases, des paons, des trous et un barbecue. Ils y errent, ils y besognent, jardinent ou se délassent. Ils y attendent. </p> <p>Le récit est non linéaire, avançant dans une gratuité et un arbitraire paradoxalement archi gratifiant. Nous ne sommes pas dans une bande dessinée, dans une histoire avec un début et une fin, mais dans un espace où nous nous évadons et gambadons d’image en image, sautillant de page en page, passant vite là, nous attardant ici, flânant ailleurs et retournant en arrière là.</p> <p>La dialectique entre textes et images et le jeu entre les échelles des dessins sont subtils, tendus, perpétuellement inventifs et renouvelés. Il en nait une musique visuelle avec ses thèmes obsédants. 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Des métiers demandant un grand engagement physique comme maître-nageur, guide chasse et pêche, sauveteur, interprète en langue des signes, souffleur, voix off, choriste, professeur de yoga. Et du côté col blanc, nous avons un game designer, un ministre du culte, un greffier, un fiscaliste, un échevin, un architecte de jardin, un humoriste, un acarologue, un acousticien, un fiscaliste, un diamantaire, un médecin légiste, un dénicheur de talent et un très utile dermatologue, l’un possédant une webcam et un autre avouant que cela suffit à son bonheur.</p> <h3>Les objets, les animaux, les décors, la Mère</h3> <p>On l’appelle «La Mère» et elle est «La Grande Absence». Sa maison est envahie par des amas de livres détrempés et son jardin contient une piscine inachevée. Mais tout en étant l’Unique Divin Problème, elle n’a pas de problème. Quand il fait soleil ou quand il pleut, c’est parce qu’Elle en a besoin.</p> <p>Des hommes en manque comme s’il en pleuvait, se soumettent avec docilité à tous ses caprices, elle leur demande de creuser, ils creusent. Des hommes avec des cheveux frisés, des cheveux raides, chauves, des casquettes, des lunettes, des cravates, des hommes nus, des hommes en pierre, en terre, assis, couchés, debout, enlacés entre eux, sur un banc, en tablier devant un barbecue, des paons, une centaine de candidats corvéables à merci. 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La majeure partie des faits divers relatés par la presse du XIXème siècle ne sont pas des crimes spectaculaires, de grandes affaires retentissantes, mais de minuscules incidents de la vie quotidienne, des crimes sans éclats.</p> <p>Le roman réaliste et naturaliste, Dostoïevski, Flaubert et Balzac, ce sont eux, l’héritage revendiqué du roman noir. Il s’agit de représenter la réalité sociale et, comme le disait Zola dans la préface de <i>L’Assommoir</i>, de rédiger une œuvre de vérité qui ait la vitalité et l’odeur du peuple.</p> <h3>Prolétaires et classes moyennes</h3> <p>Le roman dit prolétarien ne sera pas grand-chose et, contrairement à Céline, n’usant pas de la vraie langue du peuple, il ne rencontrera jamais son public. C’est ce que lui a raté que le roman noir va réussir, avec des auteurs paradoxalement issus de la grande bourgeoisie: Boris Vian et José Giovanni; ou avec des auteurs qui n’ont fréquenté que l’école primaire, comme Léo Malet, Auguste Le Breton, George Simenon et Albert Simonin.</p> <h3>Dur à cuire</h3> <p>1943 est l’année de l’adaptation en France du <i>hardboiled</i> <i>made in USA</i> avec la naissance de Nestor Burma dans le <i>120, rue de la Gare </i>de Léo Mallet, récit tissé d’effets de réel, d’écriture à la première personne, de notations de détails sans fonction, d’enracinement dans tel ou tel quartier. Mallet décrit la cité Jeanne-d’Arc, ilot insalubre, ruisseau central, trottoirs inexistants, poubelles débordantes d’immondices jamais enlevées et assiégées par des chats, des chiens et des rats. Maisons étayées par de gros madriers goudronnés. Ça pue les latrines bouchées. Pas mal de vitres cassées remplacées par des morceaux de carton, des tuyaux de poêle pointant par diverses ouvertures, du linge étendu sur des barres d’appuis. On dirait une enquête de Zola, mais lui, Malet, a tout inventé et en ne s’inspirant non pas de Dashiell Hammett ou de <i>Scarface</i>, mais d’Arsène Lupin, Fantômas et Fu Manchu d’où est tiré le patronyme Burma; et en usant de nombreux emprunts à l’anglais: trench-coats, cop, docks, drugstore, building, policemen, barmaid ou knock-out.</p> <h3>La Série noire</h3> <p>En 1964, Sartre, dans son autobiographie, <i>Les Mots</i>, déclare qu’il lit plus volontiers un <i>Série</i> <i>noire</i> que Wittgenstein. Cette nouvelle collection a été lancée par Gallimard en 1945, pour publier des romans <i>hardboiled</i>. Peu de titres au début mais dès 1948 la collection entre dans l’ère fordiste des littératures de genre, standardisation et mode de fabrication contraints aussi bien dans la matérialité des volumes que dans l’identité des textes, avec imprimé sur les rabats de la jaquette. Donnés comme les traits principaux des ces ouvrages: l’immoralité, l’anticonformisme, l’action, la violence, la tension, l’humour et l’angoisse.</p> <p>En 1953, six titres français paraissent. Albert Simonin avec <i>Touchez pas au grisbi!</i> remporte un énorme succès, <i></i>100'000 exemplaires vendus. 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Leur contre-société est pour eux la seule communauté qui existe. Ils nomment leur milieu le Milieu et ils se nomment eux-mêmes les Hommes. Le reste de la société n’étant qu’un ramassis de pue-la-sueur soumis aux politiciens et craignant les flics.</p> <h3>Ultragauche, le néo-polar</h3> <p>Après Mai 68, le roman noir français reconvertit le genre en acte critique, en radiographie politique de la société et de ses institutions, en instrument d’intervention sociale. Le néo-polar intègre dans ses récits les banlieues, les grands ensembles, les HLM, et décrit de nouveaux espaces tels les caves, les terrains vagues, les cages d’escaliers. La violence sociale n’y est plus un écart mais la norme et toute révolte individuelle y est, par nature, vouée à échouer. Paranoïa et haine de soi y dominent.</p> <p>Jean-Patrick Manchette, invité à l'émission <i>Apostrophes</i> par Bernard Pivot, en utilisant le terme de néo-polar devant des millions de spectateurs, rend son usage universel. 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Dantec sont recrutés, les ventes repartent à la hausse.</p> <h3>Féminisation du roman noir</h3> <p>Dans les années 1990, on assiste à une entrée progressive d’auteurs femmes et ensuite, au siècle suivant, massive, à la fois comme productrices d’ouvrages et comme lectrices de ceux-ci, la lecture de roman devenant une activité de plus en plus essentiellement féminine.</p> <p>En 2024, 60% des acheteurs et du lectorat de romans policiers sont des acheteuses et des lectrices. Il paraît beaucoup d’articles sur les femmes auteures de polars dont certaines avaient néanmoins choisi un pseudonyme androgyne, telles Fred Vargras, Dominique Manotti ou Claude Amoz. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
5 Commentaires
@Sidonie 01.05.2018 | 09h31
«Judicieux rappel... Excellent article...
»
@andycap 05.05.2018 | 23h20
«BRAVO!
Bon résumé des cheminements décisifs qui ont mené à mai 68...
Bien à toi Yves.
André Schneider»
@stef 21.05.2018 | 14h47
«Les multinationales corporatistes ont malheureusement réussi à ramener dans le rang les utopies de ces années-là. Il n’en reste finalement plus grand chose, à part les revendications féministes.»
@Lagom 27.05.2018 | 09h11
«Excellent article qui a le mérite de rappeler que Dany le rouge n'est pas l'inventeur des contestations mais un imitateur de génie qui a fait trembler à 23 ans tout un pays. Merci pour votre éclairage M. Tenret»
@YvesT 24.06.2018 | 22h15
«@andycap je viens de voir ton message - merci ! amitiés...»