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Kundera a admirablement évoqué «L’Insoutenable légèreté de l’être». Qui évoquera l’insoutenable légèreté du pouvoir? Les propos bellicistes d’Emmanuel Macron et de son Premier ministre tenus à Paris ces jours sont ahurissants. Et l’Assemblée nationale d’approuver un accord jusqu’auboutiste avec l’Ukraine, un gazouillis peu réfléchi. A l’exception du Parti communiste, de la France insoumise, devant Marine Le Pen et les siens qui s’abstiennent. De quoi tout cela est-il le signe?



En lançant, au coin de la table, face à un choix de partenaires européens, l’idée d’envoyer des troupes sur le champ de bataille ukrainien, Emmanuel Macron s’est mis à peu près tous les alliés occidentaux à dos. Protestations assorties en douce de sarcasmes au vu du poids réel de l’armée française. Ce Président a divisé l’Europe. Allant même, lors d’un discours à Prague, jusqu’à traiter de «lâches» les pays qui renâclent devant son jusqu’au-boutisme. Visant sans le nommer le Chancelier allemand qui refuse de livrer des missiles à longue portée, manifestement promis à frapper en profondeur le territoire russe. La relation franco-allemande, sur maints sujets, est exécrable depuis des mois. Et Paris en rajoute une couche. Quiconque croit à la nécessité d’une union de l’Europe, au moins sur l’essentiel, ne peut que s’alarmer. L’entente de ces deux pays est le pilier-même du projet lancé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Mais les leaders macronistes ont-ils la moindre idée du poids de l’histoire?

On peut en douter à entendre Gabriel Attal conclure son discours par ces mots célèbres: «Slava Ukraïni», «gloire à l’Ukraine». Le slogan des ultra-nationalistes de Bandera, dans les années quarante, qui massacraient Juifs et Polonais à l’appui des nazis du Troisième Reich. Ce jeune Premier ministre a-t-il lu quelques livres? Il a mené ses études au pas de marche puis s’est engagé au même rythme dans une carrière politique, sans aucune expérience professionnelle hors des cabinets ministériels, manifestement sans beaucoup réfléchir à la complexité du monde. Il veut seulement faire mouche. Marquer des points en vue des élections européennes. Quitte à dire n’importe quoi, par exemple lorsqu’il promet qu’en cas de victoire de la Russie (laquelle?), les prix de l’alimentation et de l’énergie grimperont en France. Comme si celle-ci n’était pas déjà bien frappée à cet égard. Comme si la fin de l’escalade belliqueuse ne permettait pas d’espérer au contraire une amorce de détente et d’accord avec la Russie propice à toutes les parties.

Voir émerger de très jeunes dirigeants est réjouissant à l’heure où tant de vieux, de très vieux Présidents s’accrochent sans fin au pouvoir. Quel plaisir ainsi d’entendre le jeune chef d’Etat du Chili, Gabriel Boric (38 ans), réinventer la gauche latino-américaine en la débarrassant de ses scories idéologiques. Mais il émerge aussi des freluquets. Sans expérience de vie, sans profondeur, sans réel parcours démocratique. Brûlant d’abord et avant tout d’ambition politicienne. Dans la catégorie des poids légers français, il y en a un qui fait plutôt pitié. L’ex-conjoint de Gabriel Attal, Stéphane Séjourné (38 ans), promis au rang de ministre de l’Europe et des Affaires étrangères. A l’oral le malheureux multiplie les fautes grossières de français. Il doit rester collé au texte du discours que ses conseillers lui ont filé. Et dire que le brillant Dominique de Villepin a porté le même titre…

La tête de liste du parti de Macron aux élections européennes de juin prochain, Valérie Hayer, députée au Parlement européen, s’échauffe joyeusement à l’idée de voir l’Ukraine entrer bientôt dans l’UE et dans l’OTAN. Légère, légère, elle aussi. En outre, elle se pique d’histoire. Mais se fait épingler par les historiens. Elle crut bon de lancer: «Hier Daladier et Chamberlain, aujourd’hui Le Pen et Orbán. Les mêmes mots, les mêmes arguments, les mêmes débats. Nous sommes à Munich, en 1938». Or le Président français de l’époque, s’il a admis avoir signé l’accord en question à contre-cœur, s’était montré bien plus dur que le Britannique. Il fut d’ailleurs arrêté par Pétain et déporté en Allemagne en 1943. A quel traître, à quel lâche cette dame va-t-elle comparer le pape François qui ose souhaiter un accord de paix?

Professeur d’histoire et auteur de plusieurs ouvrages démontant les mythes historiques et leur instrumentalisation politique, l’historien Christophe Naudin ne mâche pas ses mots: «Faut arrêter avec les parallèles historiques à la con, à droite comme à gauche, 1914 comme 1938. Et plus encore quand on n’y connaît rien».

Vladimir Poutine, lui, la connaît, l’histoire. Elle l’obsède même. Au point de commencer son interview avec l’Américain Tucker Carlson par une leçon de vingt minutes. Il y soulève des points fondés et intéressants, notamment sur les refus répétés des Occidentaux d’arrimer la Russie à leur bateau après l’effondrement de l’URSS. Il ose condamner le pacte germano-soviétique d’août 1939. Mais il manipule les faits quand il accuse les Polonais d’avoir poussé Hitler à lancer l’offensive vers l’est, en raison des incidents provoqués par eux autour de Dantzig qui était alors une ville allemande. Une broutille au regard de l’ambition folle du Troisième Reich. Le pire, c’est que Poutine paraît y croire.

L’histoire se prête à toutes les manipulations. Mais l’ignorer est une faute lourde aussi de conséquences. On ne comprend rien à la guerre Russie-Ukraine sans la connaître. Rien non plus à la tragédie Israël-Palestine. Rien enfin aux tensions sourdes, plus menaçantes qu’il n’y paraît, qui minent l’entente au cœur du Vieux-Continent.

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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

10 Commentaires

@AlbertD576 15.03.2024 | 10h11

«Merci pour cet article. Il est, en effet, assez terrifiant de constater que la vie de millions d'être humains dépendent de quelques clowns qui font un spectacle en quête de pouvoir.

Je ne prendrai pas position sur le fond afin d'éviter la polémique "pro" ou "anti" Poutine.

Restons en donc aux obervations sur la forme.

Les débats a l'Assemblée Nationale sur ce sujet sont affligeants: langage ordurier, amalgame, imprécisions, mensonges, fake news, appel à la division et à la haine, insulte, etc.

Chaque personne dans l'hémicycle a été élue et représente donc une partie du peuple. Le manque de respect est donc un manque de respect de la démocratie.

Un comportement digne est attendu de chaque élu mais on attend d'un premier ministre ou d'un membre du gouvernement qu'il se comporte comme un modèle

Or ils se comportent comme des gamins donnant ainsi une piètre image du pays.

Quand on compare le niveau avec celui du discours historique de Villepin sur la Guerre du Golfe, quand la France avait refusé d'envoyer des hommes en Irak malgré la pression des USA. Non seulement l'histoire lui a donné raison car les fameuses preuves justifiant l'intervention se sont révélées fausses mais la guerre n'a rien résolu. Bien au contraire elle a fait le lit de l'Etat Islamique.

Nous avions alors en face de nous un véritable Homme d'Etat. On pouvait ne pas être d'accord mais il y avait une qualité et une finesse dans l'analyse ainsi qu'une profondeur liée à l'expérience dans le personnage.

Quelle dégringolade: le discours hier de Macron osait parler de "crédibilité", mais avec des tels dirigeants, la France n'en a plus aucune.»


@JoelSutter 15.03.2024 | 10h16

«Bravo et merci Jacques pour cette analyse de la situation.
Mais que faire face à cette situation? Tendre l’autre joue, comme dit le dessin de Pitch dans le point du jour Heidi News d’aujourd’hui 15 mars?
Personnellement, j’ai toujours pensé que la meilleure solution est diplomatique, donc une discussion. Mais que faire quand l’interlocuteur est sourd et/ou ne veut rien entendre?
Si j’ose dire: cette remarque est valable pour n’importe quel conflit, l’Ukraine, Gaza, ou… une cour de récréation! »


@Alice F. 15.03.2024 | 11h40

«Une chose que l'on apprend en éduquant des enfants, c'est qu'il est difficile de leur demander de faire quelque chose si nous ne donnons pas l'exemple.

Durant la Covid, Boris Johnson avait imposé un confinement dur aux Anglais avec de nombreux sacrifices mais faisait des fêtes privées avec ses amis et parlementaires.

Alors, pourquoi suivre Macron, qui traite les pacifistes de lâches et d'infiltrés de l'ennemi, alors qu'il n'a pas fait son service militaire et qu'il n'a pas d'enfants donc aucune idée de ce représente qu'un tel sacrifice ? Il en va de même pour son 1er ministre, le ministre des affaires étrangères et son porte parole.

Macron restera bien tranquille dans son palais à faire la fête avec ses ministres pendant que les jeunes iront au front. Il a cependant prévu le coup en augmentant le budget de l'Elysée pour améliorer le quotidien de ses agapes.

La générosité, ce n'est pas de distribuer l'argent des autres mais le sien. Le courage, ce n'est pas sacrifier les autres mais de commencer par soi-même.

Les lâches ne sont pas ceux que l'on croit. La lâcheté c'est être faible avec les forts et forts avec les faibles.»


@Marta Z. 15.03.2024 | 11h55

«Permettez une petite rectification: de 1920 à 1939, Gdańsk (Dantzig), était une ville libre, une cité-État sous la protection de la Société des Nations. C'est bien ce qui dérangeait Hitler, et c'est ainsi qu'elle est redevenue allemande après l'agression de la Pologne et ce jusqu'en 1945...»


@Qovadis 16.03.2024 | 03h47

«Autres temps, autres mœurs: Un bel exemple de « collaboration » musicale franco-russe: les Tableaux d’une exposition de Modeste Moussorgski, orchestrés par Maurice Ravel. Écoutez le dernier mouvement, la Grande Porte de Kiev. Grandiose.»


@willoft 16.03.2024 | 05h58

«Hahaha, lady gaga.
Je voulais voir.
Bon, je suis conscient »


@simone 16.03.2024 | 18h47

«Une fois de plus, merci! Mais comment faire entendre la voix de la raison? "Vaincre la Russie"!! Est-ce de l'aveuglement ou un ego suicidaire et meurtrier?»


@mariec 17.03.2024 | 20h14

«Merci à Marta Z. pour cette nécessaire précision. Dantzig était en effet une « ville libre » après le Seconde guerre mondiale, selon le Traité de Versailles.. Mais peuplée principalement d’Allemands. En fait les heurts et les tensions se concentraient sur le « corridor de Dantzig », une bande de terre qui permettait de désenclaver la Pologne, privée d’accès à la mer Baltique puisque le rivage était occupé par l’Allemagne et son prolongement, la Prusse orientale. Les Allemands voulaient l’utiliser aussi. Un accord entre les deux pays, en 1934, calma la situation, mais dès 1938, Hitler en fit à nouveau un thème de sa campagne belliqueuse. Avant d’envahir toute la Pologne et de commencer ainsi la Seconde guerre mondiale.
Jacques Pilet»


@willoft 19.03.2024 | 23h29

«Il ne s'agit pas de l'histoire, mais du présent, car seule l'histoire fait référence aux vieux.

La réalité est que seule une WWWIII (guerre mondiale) peut solder la dette américaine avec sa planche à billet illimitée, française, européenne
Pour rappel, dette américaine, on ne sait pas bien si c'est 35'000 milliards de USD, comme les chiffres ont cinq ans de retard
La dette française, 3'ooo miliards et je suis gentil, 3.3 avec l'aide à l'Ukraine.

On ne peut que penser que les européens sont des cons de n'avoir pas pensé que les russes sont des européens, NON?

L'histoire ne juge jamais, je trouve ça cool...

Si vous ne me croyez pas, regardez les simagrées sur France 5, le général Tartemppion, le pion du cinquième chasseur, la présentatrice habillée par... on vous laisse le choix:)
En espérant que vous dormiez bien :)»


@stef 23.03.2024 | 17h59

«Brillante analyse, merci »