Actuel / «L’Allemagne de l’Ouest a annexé l’Allemagne de l’Est»
Ostalgie: une boutique de souvenirs DDR, Ilmenau. © Antoine Menusier
Deuxième et dernier volet de notre reportage à Ilmenau, en ex-RDA. Les habitants de cette ville rhabillée de neuf se remémorent les heures décisives, affirment leur identité.
En sport, Ilmenau est réputée pour ses lugeurs, 7 champions olympiques, surtout avant la chute du mur, des héros sous la RDA. Un sport dangereux, passion intacte de Roland Hollaschke, ancien lugeur lui-même et entraineur des plus grands, conservateur d’un musée dédié à la luge et au bob qui devrait s’agrandir prochainement. La ville le lui a promis. La RDA réapparaît dans des boutiques de souvenirs, dans cette roulotte rouge datant de 1974, que Dietmar Kersten, 36 ans, sympathisant de la CDU et magicien à ses heures, a retapée de ses mains. Il y vend notamment des cornets «Softeis», des glaces sans crème, «Original DDR.»
Musée de la luge et du bob, Ilmenau. © Antoine Menusier
Un vieil homme tout massif, barbe et cheveux d'Ancien Testament, s’approche: «Je hais les Verts», éructe-t-il à la vue d’une pancarte électorale fixée à un lampadaire. Bûcheron à la retraite, il fustige les limites posées par les écologistes, formation plutôt modeste en ex-RDA, perçue comme un «parti de l’Ouest», contrairement à Die Linke et l’AfD. Pour notre Moïse des bois, pas de doute, l’exploitation forestière, c’était mieux avant.
«L’Allemagne de l’Ouest a annexé l’Allemagne de l’Est», balance Peter Scharff, recteur de l’Université technique (TU) d’Ilmenau, l’ex-Hochschule, autant d’étudiants originaires de l’Ouest que de l’Est de l’Allemagne, les Chinois formant le contingent étranger le plus fourni. En poste depuis 2004, affichant une bonhommie d’aubergiste, ce chimiste originaire de Basse-Saxe, enfonce le clou: «La Treuhand, l’organe tout-puissant chargé de restructurer l’économie est-allemande après la Wende, rachetait des usines au prix d’un euro symbolique et les fermait aussitôt pour ne pas faire de concurrence à des entreprises à l’Ouest.» Venant d’un représentant de cet Ouest qui a tout payé, tout changé et, au passage, coupé pas mal de têtes aussi, l’autocritique a tout d’une formule de politesse.
Dans une pièce du rectorat, deux «Allemands de l’Est» ayant échappé aux purges se sont joints à Peter Scharff: le vice-recteur Jürgen Petzoldt, en veston standard de prof, et, tout de jean vêtu, Ralf Weber, membre d’un conseil culturel entre autres chargé d’élaborer des événements pour les étudiants. «Je me sens un peu perdu aujourd’hui, il y avait autrefois plus de structure», ose Ralf Weber. «Certes, il fallait se méfier des voisins, se protéger, mais entre nous, il y avait de l’entraide, de la solidarité», enchaîne Petzoldt – ces mots d’entraide et de solidarité, que de fois les aurai-je entendus à Ilmenau, en opposition à la montée des «égoïsmes». «L’esprit est de longue date au rassemblement», ponctue le recteur, soucieux d’un bon esprit.
«Marxismus Leninismus»
En septembre 1990, Michael et Isolde Schäfer reçurent un appel alarmiste de Berlin-Est: le changement de régime pouvait leur être fatal. Les Schäfer n’étaient pas membres de la Stasi, la Sécurité d’Etat synonyme de flicage généralisé et de carrières brisées, mais ils avaient leur carte au parti communiste, le SED. De plus, ils appartenaient au groupe «Marxismus Leninismus» de la Technische Hochschule. Elle traitait de littérature, lui de peinture. Art et propagande, en somme. Leur sort était scellé. Mais ce fut pour eux moins grave que redouté. Ils perdirent certes leurs emplois respectifs à la Hochschule mais ils en retrouvèrent un très vite, à la caisse d’épargne pour elle, dans l’administration locale pour lui.
Ils me racontent ces moments décisifs les yeux brillant d’une émotion de retrouvailles. Ils tirent d’une enveloppe des photos noir et blanc. «Il me semble le reconnaître», fais-je à propos d’un individu moustachu. «C’est moi», coupe Michael Schäfer en rigolant. Et là, à l’arrière, c’est Isolde Schäfer. Devant, accroupi, ma pomme. Cette photo de groupe immortalise le séjour linguistique de 1983, l’année où l’ouest-allemande Nena cartonna à Ilmenau et ailleurs avec son tube 99 Luftballons. Aujourd’hui retraités, à l’époque la trentaine fringante, les Schäfer en étaient les méticuleux organisateurs.
Cantine de l'université d'Ilmenau, déjà là en 1983. © Antoine Menusier
Je découvre le fin mot de cette manifestation de la fraternité Est-Ouest dans un Etat qui ne cessait de fournir des preuves d’amour à l’URSS à grand renfort de banderoles: «L’Allemagne de l’Est avait besoin de devises. La création, en 1978, d’un cours d’allemand de trois semaines en juillet s’adressant en priorité à des Occidentaux s’inscrivait dans cette optique, révèle, amusé, Michaël Schäfer. Nous avions consigne de vous mettre le moins possible au contact d’Allemands de l’Est.» Consigne moyennement suivie. Je me rappelle d’une jeune femme prête à beaucoup, qui cherchait à se marier pour pouvoir sortir du pays. «Des étrangers nous demandaient pourquoi nous ne pouvions pas voyager à l’Ouest et je ne savais pas quoi leur répondre», se remémore Michael Schäfer, talonné par ce souvenir.
Michaël et Isolde Schäfer, organisateurs du séjour linguistique de 1983 à la Technische Hochschule d'Ilmenau. © Antoine Menusier
La chute du Mur parut irréelle au couple Schäfer. «Je n’ai pas saisi la dimension de ce qui se passait», avoue l’épouse. Mais deux jours plus tard, sortis de leur torpeur, Michael et Isolde, comme tant d’Allemands de l’Est, mirent le cap à l’Ouest. Avec leurs deux enfants à l’arrière de la Trabant, voiture culte de la RDA et marqueur de l’égalité prolétarienne, ils se rendirent à la frontière bavaroise, près de Cobourg, n’y restant que quelques heures. Ils n’oublieront pas l’accueil sous les vivats de leurs futurs compatriotes, le retour à Ilmenau couverts de plaques de chocolat, le jouet offert aux enfants, un camion. S’ils regrettent quelque chose, c’est d’avoir contribué à «prolonger l’agonie» d’un régime à bout de souffle. S’ils sont nostalgiques, c’est de leur jeunesse.
Parti de la saucisse
Certains en RDA ne voulaient pas d’une réunification rapide signant l’arrêt de mort du «socialisme». C’était le cas du docteur Helmut Krause. Désormais à la retraite, élu des Grünen au conseil d’arrondissement de l’Ilm, il appartenait en 1989 à l’ancêtre des Verts est-allemands, la plateforme Neues Forum, rebaptisée Bündnis 90 l’année suivante. Avec d’autres, il prônait un «socialisme démocratique», une troisième voie illusoire. Un vote départagea les «réalos» et les «fundis» au sein de son mouvement. «Les réalos ont gagné, nous avons perdu», relate-t-il, beau joueur, barbe blanche, déjà en tenue de cycliste tôt le matin.
Qui pourrait imaginer que le professeur Gunther Kreuzberger, 51 ans, conseiller municipal d’Ilmenau, assis au chaud dans un salon de thé, fine doudoune matelassée, blond, svelte et lunetté comme un cadre bancaire, fut un tenant, lui aussi, de la troisième voie? Cet enseignant à l’Université d’Ilmenau dans le département des sciences de la communication, pendant occidental de la dialectique marxiste, était en 1989 un jeune lieutenant de l’armée populaire nationale de la RDA. Il commandait à des soldats originaires du Sud du pays, où des manifestants entendaient faire plier le régime aux cris de «Nous sommes le peuple», un slogan récupéré aujourd’hui sans vergogne par l’AfD. «Je craignais de recevoir l’ordre de tirer sur la foule, se souvient-il. J’avais dit à mes hommes que si cet ordre était donné, ils auraient le droit d’invoquer leur conscience pour ne pas le suivre. Par chance, il n’est jamais venu.»
Gunther Kreuzberger, conseiller municipal Pro-Bockwurst, Ilmenau, ancien lieutenant de l'armée de la RDA lors de la chute du Mur. © Antoine Menusier
Avec l’Oberbürgermeister Daniel Schultheiß, le maire de la communauté de communes d’Ilmenau, Gunther Kreuzberger a créé le mouvement Pro-Bockwurst, un genre de macronisme qui a fait son trou sans toutefois tuer les formations classiques. «Bockwurst» est le nom d’une saucisse écoulée par tonnes dans ces baraques en bois égayant les rues allemandes. On ne saurait faire plus œcuménique.
L'enfant-roi
Ce pragmatisme local plaît bien à Kati Thiele, gérante du café-restaurant Zucker & Zymt (sucre et cannelle), peut-être le seul lieu bobo d’Ilmenau, où tout ce qui se consomme est bio, y compris le café, 2,20 euros la tasse. A l’échelon du Land, cette jeune femme de 29 ans, t-shirt gris clair et tablier vert olive, couleurs et tenues du personnel, soutient la coalition de gauche sortante.
Kati Thiele, gérante du café-restaurant Zucker & Zymt à Ilmenau. © Antoine Menusier
Elle est fière de son beau-père impliqué dans la cause des réfugiés. Christian Schaft, candidat de Die Linke qui se représentait aux élections régionales, un an de moins qu’elle, frange gothique sur le front, est un client régulier.
La Thuringeoise Kati Tiehle, qui n’a rien connu du régime est-allemand, en a hérité, pourrait-on dire, certaines valeurs, où la jérémiade n’a pas sa place. Pendant un temps, elle fut professeur en primaire, comme sa mère. Elle a déchanté. La réunification a importé l’enfant-roi en ex-RDA, regrette-t-elle. «Il fallait en permanence ménager les élèves, je devais en référer à ma hiérarchie pour toute sortie éducative avec eux à la campagne. Ces enfants-là, conclut-elle, ne sont pas armés pour affronter les contrariétés de la vie.» Il semblerait que le niveau de l’école allemande soit en baisse, les signaux seraient au rouge, d’après la CDU qui a fait campagne sur ce thème en Thuringe. La jeunesse a la tête ailleurs, à l’AfD ou encore au climat: Erfurt, la grande ville, sacrifie aux «Fridays For Future» de Greta Thunberg.
Ilmenau, Genève, Bienne
Retour à Ilmenau. Beaucoup qui en étaient partis pour tenter leur chance dans les «anciens Länder» de l’Ouest, sont réapparus, nous dit-on. Pour eux, la greffe n’a pas pris. Certains sont allés travailler à l’étranger, en Suisse notamment, tel ce jeune homme qui a pris part à la construction du CEVA entre Genève et Annemasse, ainsi qu’à la réparation de tramways à Bienne. Ils sont revenus définitivement ou continuent de faire des allers-retours.
Le chanteur autrichien Andreas Gabalier animant une fête pour les 25 ans de l'ouverture à Ilmenau du CityKaufhaus. © Antoine Menusier
En ces derniers jours de septembre, le CityKaufhaus, un grand magasin du centre-ville, fête ses 25 ans d’existence – 25% de rabais sur tous les articles. Son ouverture en 1994 à Ilmenau fut comme l’irruption du clinquant de l’Ouest dans la mocheté organisée. Alors aujourd’hui et pour toute une semaine, c’est réellement la fête. On a repoussé les portants des vêtements pour faire de la place à un chanteur autrichien de «schlager» en culotte de peau. Une fontaine à bière coule en abondance. Troisième âge et jeunes métalleux de noir vêtus, peut-être des sympathisants de l’AfD, peut-être pas, s’accrochent par le coude et chaloupent de gauche à droite, de droite à gauche, au son de mélodies entraînantes. La mairie d’Ilmenau n’a pas prévu de commémorer la chute du mur de Berlin.
A lire aussi:
Retour à Ilmenau, la première partie du reportage d'Antoine Menusier en ex-RDA.
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Avec leurs deux enfants à l’arrière de la Trabant, voiture culte de la RDA et marqueur de l’égalité prolétarienne, ils se rendirent à la frontière bavaroise, près de Cobourg, n’y restant que quelques heures. Ils n’oublieront pas l’accueil sous les vivats de leurs futurs compatriotes, le retour à Ilmenau couverts de plaques de chocolat, le jouet offert aux enfants, un camion. S’ils regrettent quelque chose, c’est d’avoir contribué à «prolonger l’agonie» d’un régime à bout de souffle. S’ils sont nostalgiques, c’est de leur jeunesse.</p> <h3>Parti de la saucisse</h3> <p>Certains en RDA ne voulaient pas d’une réunification rapide signant l’arrêt de mort du «socialisme». C’était le cas du docteur Helmut Krause. Désormais à la retraite, élu des Grünen au conseil d’arrondissement de l’Ilm, il appartenait en 1989 à l’ancêtre des Verts est-allemands, la plateforme Neues Forum, rebaptisée Bündnis 90 l’année suivante. 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Troisième âge et jeunes métalleux de noir vêtus, peut-être des sympathisants de l’AfD, peut-être pas, s’accrochent par le coude et chaloupent de gauche à droite, de droite à gauche, au son de mélodies entraînantes. La mairie d’Ilmenau n’a pas prévu de commémorer la chute du mur de Berlin.</p> <hr /> <h3>A lire aussi:</h3> <p><a href="https://bonpourlatete.com/actuel/retour-a-ilmenau-1-2" target="_blank" rel="noopener"><em>Retour à Ilmenau</em></a>, la première partie du reportage d'Antoine Menusier en ex-RDA. </p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'l-allemagne-de-l-ouest-a-annexe-l-allemagne-de-l-est', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-12', 'like' => (int) 619, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1989, 'homepage_order' => (int) 2239, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 830, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'attachments' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, 'relatives' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) {} ], 'embeds' => [], 'images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'audios' => [], 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'author' => 'Antoine Menusier', 'description' => 'Deuxième et dernier volet de notre reportage à Ilmenau, en ex-RDA. 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En poste depuis 2004, affichant une bonhommie d’aubergiste, ce chimiste originaire de Basse-Saxe, enfonce le clou: «La Treuhand, l’organe tout-puissant chargé de restructurer l’économie est-allemande après la <i>Wende</i>, rachetait des usines au prix d’un euro symbolique et les fermait aussitôt pour ne pas faire de concurrence à des entreprises à l’Ouest.» Venant d’un représentant de cet Ouest qui a tout payé, tout changé et, au passage, coupé pas mal de têtes aussi, l’autocritique a tout d’une formule de politesse.</p> <p>Dans une pièce du rectorat, deux «Allemands de l’Est» ayant échappé aux purges se sont joints à Peter Scharff: le vice-recteur Jürgen Petzoldt, en veston standard de prof, et, tout de jean vêtu, Ralf Weber, membre d’un conseil culturel entre autres chargé d’élaborer des événements pour les étudiants. «Je me sens un peu perdu aujourd’hui, il y avait autrefois plus de structure», ose Ralf Weber. «Certes, il fallait se méfier des voisins, se protéger, mais entre nous, il y avait de l’entraide, de la solidarité», enchaîne Petzoldt – ces mots d’entraide et de solidarité, que de fois les aurai-je entendus à Ilmenau, en opposition à la montée des «égoïsmes». «L’esprit est de longue date au rassemblement», ponctue le recteur, soucieux d’un bon esprit.</p> <h3>«Marxismus Leninismus»</h3> <p>En septembre 1990, Michael et Isolde Schäfer reçurent un appel alarmiste de Berlin-Est: le changement de régime pouvait leur être fatal. Les Schäfer n’étaient pas membres de la Stasi, la Sécurité d’Etat synonyme de flicage généralisé et de carrières brisées, mais ils avaient leur carte au parti communiste, le SED. De plus, ils appartenaient au groupe «Marxismus Leninismus» de la Technische Hochschule. Elle traitait de littérature, lui de peinture. Art et propagande, en somme. Leur sort était scellé. Mais ce fut pour eux moins grave que redouté. Ils perdirent certes leurs emplois respectifs à la Hochschule mais ils en retrouvèrent un très vite, à la caisse d’épargne pour elle, dans l’administration locale pour lui.</p> <p>Ils me racontent ces moments décisifs les yeux brillant d’une émotion de retrouvailles. Ils tirent d’une enveloppe des photos noir et blanc. «Il me semble le reconnaître», fais-je à propos d’un individu moustachu. «C’est moi», coupe Michael Schäfer en rigolant. Et là, à l’arrière, c’est Isolde Schäfer. Devant, accroupi, ma pomme. Cette photo de groupe immortalise le séjour linguistique de 1983, l’année où l’ouest-allemande <a href="https://www.youtube.com/watch?v=La4Dcd1aUcE" target="_blank" rel="noopener">Nena</a> cartonna à Ilmenau et ailleurs avec son tube <em>99 Luftballons</em>. Aujourd’hui retraités, à l’époque la trentaine fringante, les Schäfer en étaient les méticuleux organisateurs.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1572861434_uniddr.jpeg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Cantine de l'université d'Ilmenau, déjà là en 1983. © Antoine Menusier</h4> <p>Je découvre le fin mot de cette manifestation de la fraternité Est-Ouest dans un Etat qui ne cessait de fournir des preuves d’amour à l’URSS à grand renfort de banderoles: «L’Allemagne de l’Est avait besoin de devises. La création, en 1978, d’un cours d’allemand de trois semaines en juillet s’adressant en priorité à des Occidentaux s’inscrivait dans cette optique, révèle, amusé, Michaël Schäfer. Nous avions consigne de vous mettre le moins possible au contact d’Allemands de l’Est.» Consigne moyennement suivie. Je me rappelle d’une jeune femme prête à beaucoup, qui cherchait à se marier pour pouvoir sortir du pays. «Des étrangers nous demandaient pourquoi nous ne pouvions pas voyager à l’Ouest et je ne savais pas quoi leur répondre», se remémore Michael Schäfer, talonné par ce souvenir.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1572861079_img4225.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Michaël et Isolde Schäfer, organisateurs du séjour linguistique de 1983 à la Technische Hochschule d'Ilmenau. © Antoine Menusier</h4> <p>La chute du Mur parut irréelle au couple Schäfer. «Je n’ai pas saisi la dimension de ce qui se passait», avoue l’épouse. Mais deux jours plus tard, sortis de leur torpeur, Michael et Isolde, comme tant d’Allemands de l’Est, mirent le cap à l’Ouest. Avec leurs deux enfants à l’arrière de la Trabant, voiture culte de la RDA et marqueur de l’égalité prolétarienne, ils se rendirent à la frontière bavaroise, près de Cobourg, n’y restant que quelques heures. Ils n’oublieront pas l’accueil sous les vivats de leurs futurs compatriotes, le retour à Ilmenau couverts de plaques de chocolat, le jouet offert aux enfants, un camion. S’ils regrettent quelque chose, c’est d’avoir contribué à «prolonger l’agonie» d’un régime à bout de souffle. S’ils sont nostalgiques, c’est de leur jeunesse.</p> <h3>Parti de la saucisse</h3> <p>Certains en RDA ne voulaient pas d’une réunification rapide signant l’arrêt de mort du «socialisme». C’était le cas du docteur Helmut Krause. Désormais à la retraite, élu des Grünen au conseil d’arrondissement de l’Ilm, il appartenait en 1989 à l’ancêtre des Verts est-allemands, la plateforme Neues Forum, rebaptisée Bündnis 90 l’année suivante. Avec d’autres, il prônait un «socialisme démocratique», une troisième voie illusoire. Un vote départagea les «réalos» et les «fundis» au sein de son mouvement. «Les réalos ont gagné, nous avons perdu», relate-t-il, beau joueur, barbe blanche, déjà en tenue de cycliste tôt le matin.</p> <p>Qui pourrait imaginer que le professeur Gunther Kreuzberger, 51 ans, conseiller municipal d’Ilmenau, assis au chaud dans un salon de thé, fine doudoune matelassée, blond, svelte et lunetté comme un cadre bancaire, fut un tenant, lui aussi, de la troisième voie? Cet enseignant à l’Université d’Ilmenau dans le département des sciences de la communication, pendant occidental de la dialectique marxiste, était en 1989 un jeune lieutenant de l’armée populaire nationale de la RDA. Il commandait à des soldats originaires du Sud du pays, où des manifestants entendaient faire plier le régime aux cris de «<em>Nous sommes le peuple</em>», un slogan récupéré aujourd’hui sans vergogne par l’AfD. «Je craignais de recevoir l’ordre de tirer sur la foule, se souvient-il. J’avais dit à mes hommes que si cet ordre était donné, ils auraient le droit d’invoquer leur conscience pour ne pas le suivre. Par chance, il n’est jamais venu.» </p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1572860608_img4186.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Gunther Kreuzberger, conseiller municipal Pro-Bockwurst, Ilmenau, ancien lieutenant de l'armée de la RDA lors de la chute du Mur. © Antoine Menusier</h4> <p>Avec l’Oberbürgermeister Daniel Schultheiß, le maire de la communauté de communes d’Ilmenau, Gunther Kreuzberger a créé le mouvement Pro-Bockwurst, un genre de macronisme qui a fait son trou sans toutefois tuer les formations classiques. «Bockwurst» est le nom d’une saucisse écoulée par tonnes dans ces baraques en bois égayant les rues allemandes. 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Christian Schaft, candidat de Die Linke qui se représentait aux élections régionales, un an de moins qu’elle, frange gothique sur le front, est un client régulier. </p> <p>La Thuringeoise Kati Tiehle, qui n’a rien connu du régime est-allemand, en a hérité, pourrait-on dire, certaines valeurs, où la jérémiade n’a pas sa place. Pendant un temps, elle fut professeur en primaire, comme sa mère. Elle a déchanté. La réunification a importé l’enfant-roi en ex-RDA, regrette-t-elle. «Il fallait en permanence ménager les élèves, je devais en référer à ma hiérarchie pour toute sortie éducative avec eux à la campagne. Ces enfants-là, conclut-elle, ne sont pas armés pour affronter les contrariétés de la vie.» Il semblerait que le niveau de l’école allemande soit en baisse, les signaux seraient au rouge, d’après la CDU qui a fait campagne sur ce thème en Thuringe. La jeunesse a la tête ailleurs, à l’AfD ou encore au climat: Erfurt, la grande ville, sacrifie aux «Fridays For Future» de Greta Thunberg.</p> <h3>Ilmenau, Genève, Bienne</h3> <p>Retour à Ilmenau. Beaucoup qui en étaient partis pour tenter leur chance dans les «anciens Länder» de l’Ouest, sont réapparus, nous dit-on. Pour eux, la greffe n’a pas pris. Certains sont allés travailler à l’étranger, en Suisse notamment, tel ce jeune homme qui a pris part à la construction du CEVA entre Genève et Annemasse, ainsi qu’à la réparation de tramways à Bienne. 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Troisième âge et jeunes métalleux de noir vêtus, peut-être des sympathisants de l’AfD, peut-être pas, s’accrochent par le coude et chaloupent de gauche à droite, de droite à gauche, au son de mélodies entraînantes. La mairie d’Ilmenau n’a pas prévu de commémorer la chute du mur de Berlin.</p> <hr /> <h3>A lire aussi:</h3> <p><a href="https://bonpourlatete.com/actuel/retour-a-ilmenau-1-2" target="_blank" rel="noopener"><em>Retour à Ilmenau</em></a>, la première partie du reportage d'Antoine Menusier en ex-RDA. </p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'l-allemagne-de-l-ouest-a-annexe-l-allemagne-de-l-est', 'headline' => false, 'homepage' => 'col-md-12', 'like' => (int) 619, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1989, 'homepage_order' => (int) 2239, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 830, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 3918, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'En finir avec Hanouna, mais après?', 'subtitle' => 'Gros clash jeudi soir dans «Touche pas à mon poste!», sur C8. 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Jeudi, comme souvent dans ce rendez-vous formaté pour le buzz, il s’est passé <a href="https://twitter.com/LeDevBreton/status/1590817814059044864?s=20&t=4TWr6vsi3CFKbFwoMHZdVw" target="_blank" rel="noopener">quelque chose de fort</a> sur le plateau de «Touche pas à mon poste!», l’émission animée par Cyril Hanouna sur la chaîne C8 du groupe Bolloré – le nom à l’origine du clash de jeudi soir. Pour La France insoumise (LFI), ce parti de la gauche radicale siégeant à l’Assemblée nationale, un dilemme à présent se pose: faut-il encore aller à TPMP, là où bat le cœur de la France antisystème, où les électorats lepénistes et mélenchonistes s’invectivent, mais surtout, se parlent comme nulle part ailleurs?</p> <p>Que s’est-il passé de si grave ou plutôt de si révélateur? Alors que le débat portait sur l’accueil par la France de 234 migrants se trouvant à bord du bateau Ocean Viking, le jeune député LFI Louis Boyard, qui fut autrefois chroniqueur rétribué à TPMP, a mis les pieds dans son ancienne gamelle en parlant d’un procès menaçant «Bolloré» pour déforestation au Cameroun. 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Né en 1950 à Constantine, issu de la communauté juive algérienne, partie avec les pieds-noirs à l’indépendance en 1962, Stora était investi d’une mission réconciliatrice par le président de la République. A la fin de son travail, l’historien émet une série de préconisations. Et l’on entre alors dans le vif du sujet: l’action.</p> <p>La première de ces préconisations, qui rappelle la Commission Vérité et Réconciliation en Afrique du Sud, l’Instance Vérité et Dignité en Tunisie, est la constitution d’une «Commission "Mémoires et vérité" chargée d’impulser des initiatives communes entre la France et l’Algérie sur les questions de mémoires». La <em>vérité</em>. Pas de réconciliation sans vérité sur les exactions passées, croit-on.</p> <p>Mais la vérité n’est pas seulement question de faits, elle intéresse aussi le sens. Or deux sens ne peuvent cohabiter. Pas d’en-même-temps possible: la douleur d’un camp ne peut valoir celle de l’autre. Celle de l’Allemand de la Seconde Guerre mondiale ne vaut pas celle de l’Allié. On touche probablement ici à la limite du rapport Stora: le colon ne peut pas faire valoir sa douleur au même titre que le colonisé. Sinon, toute la hiérarchie, établie selon une échelle de valeurs qui accorde au colonisé la légitimité de sa révolte, est rebattue. Et pourtant, se dit-on, il faut tendre vers la reconnaissance des souffrances de part et d’autre, pour pouvoir la faire, cette réconciliation. Comme c’est compliqué…</p> <h3>Les choses ont un sens que la paix peut ignorer</h3> <p>Seul le sens permet d’y voir clair. Mais le problème du sens, qui dit qui avait raison, qui avait tort, c’est qu’il ne permet pas toujours de refermer les plaies, puisque personne ne veut être en tort, ou avoir tous les torts. Le cas franco-algérien renvoie à la spécificité de la guerre d’Algérie, plus sensible sur un plan mémoriel que les guerres franco-allemandes.</p> <p>La guerre d’Algérie, combat décolonial, lutte pour la libération, fut probablement moins une guerre classique entre deux nations qu’une guerre civile à l’intérieur d’un même territoire. Opposant deux populations d’inégal statut, certes, et ce n’est pas rien, mais ayant toute deux un caractère civil. De là, sans doute, le refus, longtemps, de nommer par le terme de guerre ce qui était appelé sous le nom d’événements.</p> <p>C’est pourquoi la vérité (qui la dit? selon quels critères?) peut être, aussi, parfois, l’ennemi de la réconciliation, celle-ci étant par nature toujours un peu artificielle. Disons que l’intérêt de la paix l’emporte à un moment donné sur l’intérêt de la guerre, surtout dans une configuration de conflit civil.</p> <h3>Les pieds dans le plat</h3> <p>Très vite apparaît la nécessité de l’amnistie, pour étouffer des braises dont chacun a cependant conscience qu’elle ne seront jamais tout à fait éteintes. Ce fut vrai après une relative brève période d’épuration en France en 1944-45. Vrai entre la France et l’Algérie à l’indépendance en 1962. Vrai encore en 1999, lorsque le président algérien Abdelaziz Bouteflika fit voter la loi dite de concorde civile, qui mit fin par un plébiscite à la guerre civile.</p> <p>Cela nous amène à la France d’aujourd’hui, celle, d’après, espérons-le, les attentats islamistes. Attentats? Islamistes? D’emblée, les pieds dans le plat. La somme de «ce qui est arrivé en France ces dernières années» pèse son poids de non-dits. Cette situation présente des similitudes avec les conflits évoqués plus haut. Mais elle a comme quelque chose d’inextricable. Ce n’est pas encourageant.</p> <h3>Quand le bourreau redevient l'égal de la victime</h3> <p>Alors, quelles similitudes entre l’après-attentats et ces précédents après-guerres? La première de toutes, la plus importante: la nécessité de l’amnistie, avons-nous vu, par quoi on cesse de juger ceux qu’on sait coupables, par quoi on passe à autre chose. Comme la victime, le bourreau doit pouvoir reprendre une vie normale. Sauf que toute amnistie suppose un vainqueur reconnu comme tel, autrement dit un juste faisant offrande de son pardon au vaincu. L’amnistie, qui comporte une part d’amnésie volontaire, permet le retour à la paix dans des sociétés qui se sont entredéchirées.</p> <p>Toute la difficulté en France – on le voit avec les polémiques entourant l’adoption en cours de la loi confortant le respect des principes républicains, initialement intitulée contre le séparatisme islamiste – tient dans l’énoncé et dans le sens attribué à des faits qui ont ensanglanté la métropole comme jamais depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.</p> <h3>Déni de réalité</h3> <p>Dire ce qui s’est passé contient un enjeu de pouvoir politique et culturel pour le présent et pour l’avenir. Il y a là un rapport de force, d’autant plus à l’œuvre que la qualification de ces attentats n’est pas claire pour tous, ou doit rester équivoque, manière de manœuvre dilatoire. On est alors proche du déni de réalité. Laquelle? Oui, on peut jouer longtemps sur les mots.</p> <p>La meilleure façon de tirer un trait sur cette période serait effectivement de dire que l’islamisme n’existe pas et que par conséquent il n’y a pas eu d’attentats, tout attentat ayant une motivation idéologique. Il y aurait eu une sorte d’explosion de violence spontanée.</p> <h3>Désigner une idéologie, c'est désigner des idéologues</h3> <p>Retenir la qualification d’attentats, qui plus est islamistes, ce qu’ils ont bel et bien été, c’est désigner une idéologie. L’idéologie islamiste, donc: soit un projet de conquête civilisationnelle dirigé contre l’Occident jugé décadent et en bout de course. Toute la littérature djihadiste, s’inspirant de l’islamisme, est faite de cela.</p> <p>Désigner une idéologie potentiellement violente, c’est désigner des idéologues et des compagnons de route. C’est vouloir occuper le pouvoir à leur place, là où on pense qu’ils l’occupent, dans certaines parties de l’université, par exemple. C’est désigner un problème: «l’islamo-gauchisme», soit une convergence plus ou moins solide entre matérialisme et religion en vue de renverser l’ordre bourgeois, lequel s’oppose à la fois à l’égalité et à une saine vision de l’existence – notons que le fidèle musulman n’érigeant pas sa religion en cause politique, et cela fait du monde, n’a que faire de ces sollicitations révolutionnaires.</p> <h3>La France insoumise visée et visant à son tour</h3> <p>Sur la défensive, se sentant visée par une entreprise épuratrice post-islamiste, par quoi il s’agit d’empêcher, du moins de s’opposer frontalement aux conditions de production de l’islamisme, la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon refuse de faire la différence entre islamisme et islam, accuse le gouvernement de persécution envers les musulmans. Comme si l’islamisme n’existait pas ou n’avait pas existé, en France et ailleurs, comme si – autre façon de hiérarchiser la donne historique – les coupables de ce qu’il faut quand même bien appeler des attentats, n’étaient pas à chercher parmi des musulmans, population opprimée, mais chez leurs oppresseurs, autrement dit dans l’Occident capitaliste, colon un jour, colon toujours…</p> <h3>La poursuite de la guerre d'Algérie</h3> <p>On retrouve ici la matière du rapport Stora sur les conséquences de la guerre d’Algérie. En quoi on pourrait affirmer que les attentats islamistes qui ont frappé la France ces dernières années sont en partie, en partie seulement, la poursuite d’une guerre d’Algérie qui n’a pas réellement pris fin. Tout comme la guerre civile algérienne des années 90 fut avant cela la poursuite, déjà, de cette même guerre, dont le terme fut sanctionné davantage par une forme d’armistice que par une paix durable.</p> <p>Les morts de Samuel Paty, le professeur égorgé l’an dernier, celle du commandant de gendarmerie Beltrame, en 2018, sont des morts encombrantes. Les maires, plutôt de droite, qui veulent donner leurs noms à des places et des rues, en inscrivant sous leurs patronymes: «Victimes du terrorisme islamiste», désignent implicitement une idéologie ennemie. Non pas extérieure à la France mais présente en France.</p> <p>Cette désignation un peu lourde de sens, c’est le cas de le dire, ne contribue pas à la recherche de la paix, dont l’oubli est l’une des composantes, pourrait-on penser. Mais «en face», là où tout est social et colonial, on ne baisse pas pavillon. La déconstruction du modèle occidental et capitaliste – visé par l’islamisme revanchard – doit se poursuivre. 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Qu’est-ce que cela révèle de ce vote, à cet endroit bien précis, celui des limites géographiques et politiques d’un pays, en sa partie francophone?</p> <p>A Courgenay, dans cette Ajoie s’enfonçant tel un saillant dans les départements français du Doubs et du Territoire de Belfort, 65,4% des habitants ont voté en faveur de l’initiative soutenue par l’UDC et une partie de la gauche (<a href="https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/votations/20210307/initiative-populaire-oui-a-l-interdiction-de-se-dissimuler-le-visage.html" target="_blank" rel="noopener">cliquez ici</a> pour avoir accès à la carte interactive). 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Un <i>mansplaining</i> en mode solidaire, bien sûr. Je serais même tenté d’y voir un peu plus que cela: un <i>manembracing</i> virant au <i>manembarrassing</i>. Autrement dit: une défense à ce point appuyée qu’elle en devient gênante.</p> <p>Gabriel Bender a le zèle du converti. Du converti au féminisme. C’est l’impression qu’il donne. Comme s’il devait montrer, à lui-même et au monde, qu’il est du bon côté. Celui des dominés, en l’occurrence des dominées. Militantisme et sociologie – sa discipline – ne font plus qu’un dans un certain nombre de domaines de recherche. En première année de «socio», on apprenait pourtant à distinguer le discours de l’acteur de celui de l’observateur.</p> <p>Ce précieux conseil, qui permet d’entretenir la veille démocratique, ne semble plus partagé par tous les observateurs des phénomènes de société. La prose «féministe» de Gabriel Bender rend compte d’une confusion des statuts certainement volontaire. Chez lui, les termes du combat paraissent ne pas devoir être discutés, celui de patriarcat, par exemple. Or ce n’est pas parce que le patriarcat existe en tant que phénomène historique que le mot n’est pas utilisé dans la période actuelle comme une ressource discursive mise au service d’un intérêt.</p> <p>Contrairement à quelques-uns éprouvant le besoin d’exposer leur vertu, je n’ai pas pour habitude de dire dans un texte ce que je pense profondément. Parce que je me dis qu’un individu, au hasard, un lecteur, une lectrice, peut parfaitement faire crédit à un autre individu de son appartenance à la bonne part de l’humanité même si ce dernier dévie, autrement dit s’accorde le droit de questionner des tendances. Le fait de dévier, de pouvoir le faire, est gage de bonne santé démocratique. Cela ne veut pas dire qu’on est en droit d’imposer son point de vue aux autres. 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Ne serait-ce pas là jouer sur les «deux tableaux», celui de la victime à qui réparation est due et celui du citoyen à qui tout revient une fois la victoire acquise? Aussi je propose qu’on laisse la démocratie trancher sur les reformes sociétales voulues par le «collectif du 14 juin». Et que le droit remplisse son office pour les cas de harcèlement et mobbing présumés.</p> <p>Il y a de la mauvaise foi dans le texte de Gabriel Bender. A tout le moins des imprécisions. J’en veux pour preuve ce passage où il comprend de travers ce qui est pourtant clair: personne, parmi les salariés de la RTS, ne pousse, contrairement à ce qu’il affirme, la femme que je cite anonymement à produire un «faux témoignage», soit des accusations de harcèlement qu’elle n’aurait pas subi. 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1 Commentaire
@stef 23.12.2019 | 22h48
«Merci pour ce très intéressant reportage »