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<p><i>The Queen has died</i>. L’annonce officielle est finalement tombée vers 18 heures ce même jour. La veille encore, des photographies en première page de <i>The Gardian </i>montraient la souveraine recevant Liz Truss dans ses salons de Buckingham pour la cérémonie du <em>kissing hand</em> la reconnaissant officiellement comme Premier ministre. Sur l’une d’entre elles, Elisabeth II se tenait seule entre deux sofas de couleur anis. Dans son dos, flambait un feu de cheminée. La tête légèrement inclinée sur le côté, ses mains agrippant le pommeau de sa canne (et son sac à main), dans cette attitude typique qu’ont les vieilles personnes lorsqu’elles sont contentes de votre visite et vous suivent des yeux pour vous regarder quitter la pièce, elle souriait. En l’espace d’un an, depuis la mort de son époux le Duc d’Edimbourg en avril 2021, mais peut-être encore davantage depuis la fin des festivités de son jubilé de platine durant ce printemps 2022, nous avions vu la silhouette d’Elisabeth II devenir celle d’une vieillarde. Les caricaturistes s’en donnaient à cœur joie. Ils la représentaient volontiers chaussée de confortables pantoufles, solidement appuyée sur son déambulateur labourant les tapis de Windsor, escortée par son habituelle meute d’impitoyables corgis, tandis qu’autour d’elle, Boris Johnson et ses ministres pris entre le scandale du Party gate et l’augmentation record du prix de l’énergie, faisaient valser les canettes de bière et les cotillons. La couronne était de plus en plus volumineuse et lourde sur la tête de la souveraine, son maquillage avait des airs de masque en carton pâte.</p>
<p>Sur les chaines de la BBC, jeudi soir, les journalistes cravatés de noir ont répété à l’envi d’une voix blanche qu’ils avaient vécu sous le règne d’un seul monarque: Elisabeth II. On sentait que, pour les plus âgés, sa mort les renvoyait à quelque chose d’éminemment personnel, comme le rappel de leur propre disparition. Et puis, les rectangles noirs reprenant des extraits de la déclaration officielle de Charles, le fils d’Elisabeth, et nouveau souverain, ont fait leur apparition à l’écran. Tous insistaient sur la volonté et le devoir de continuité malgré cette période de deuil et de changement. Il était également question du réconfort et du soutien ressentis par la famille royale sachant l’affection dont la reine avait fait l’objet de la part de ses sujets. Ils étaient précédés du titre «Sa Majesté le roi Charles III». Cette succession, qui était pourtant dans l’ordre des choses (après tout, la reine, sa mère mourut à quatre-vingt-seize ans…), avait quelque chose d’implacable, voire brutal.</p>
<p>Au même moment, mon amie S. m’écrivait depuis le Yorkshire: «Quoi que tu aies pu penser du dernier jubilé de la reine, tu vas bientôt pouvoir assister à un phénomène de pure folie britannique». Elle m’a ensuite décrit les foules de gens hagards, dévastés, se pressant aux gares de King’s Cross et Saint-Pancras les semaines qui avaient suivi la mort de la princesse Diana, pour pouvoir aller déposer des bouquets et rendre hommage devant les grilles de Kensington Palace. «Il ne faut pas s’attendre à moins», a-t-elle conclu…</p>
<h3 style="text-align: center;">***</h3>
<p>Vendredi, le lendemain de la mort de la reine, j’ai un rendez-vous à distance avec l’une de mes étudiantes B. en stage à Genève. Son visage s’affiche sur mon écran; je note sa mine chiffonné. Je l’interroge:</p>
<p>- Tu es au courant?</p>
<p>Elle a un sourire mélancolique.</p>
<p>- Oui, bien sûr.</p>
<p>B. a vingt-cinq ans. Elle fait partie, du moins par son âge, de la génération <i>woke </i>très virulente ici au Royaume-Uni:<i> </i>celle des luttes pour la reconnaissance des minorités raciales et sexuelles, le déboulonnement des statues d’esclavagistes, la fin du colonialisme, l’indignation contre l’utilisation des jets privés, et qui trouve également qu'Harry Styles, un ancien minet chanteur de boys’ band, frappe fort quand il pose en robe Gucci pour la couverture de <em>Vogue</em>. Je suis curieuse de savoir ce qu’elle pense de la mort de la reine.</p>
<p>- Comment dit-on «sad» en français? </p>
<p>- «Triste», on dit «triste».</p>
<p>- Oui, je suis triste, admet-elle. C’est la fin d’une époque.</p>
<p> Je pousse mes questions un peu plus loin. Que pense-t-elle de la monarchie?</p>
<p>- C’est une partie de notre histoire. Pour le jubilé, je ne serais certainement pas allée agiter des drapeaux devant Buckingham Palace ou assister aux parades. Cela ne me ressemblait pas. Et pourtant, j’ai senti que cela faisait partie de ce que nous sommes.</p>
<p>B. parle de ces célébrations comme de quelque chose de très lointain. Un autre temps. Un autre siècle. Quant à la monarchie, pour elle, c’est un synonyme de «La Reine Elisabeth II». <i>Never explain, never complain. </i>La manière qu’avait Elisabeth d’incarner le pays et certaines valeurs semble bel et bien balayée aujourd’hui par une manière de régner dont on ignore encore – même si Charles III ne cesse d’insister sur son devoir de continuité – la forme qu’elle pourra prendre. <i></i>Je ne perçois aucun enthousiasme, de la part de B., vis-à-vis des futurs monarques qui ne sont pourtant pas si éloignés de son âge. Quant au nouveau roi Charles III, pas un mot pour lui.</p>
<h3 style="text-align: center;">***</h3>
<p>Le jour suivant, samedi, j’ai rendez-vous avec A., qui a pu assister au service exceptionnel organisé en l’honneur de la reine à la cathédrale Saint Paul la veille au soir. Avant de la rencontrer, je décide d’aller faire un tour du côté de Buckingham Palace. Dans le bus, durant le trajet qui me mène au centre, j’aperçois quelques drapeaux de l’Union Jack exposés aux fenêtres des HLM de Camden et Kentish Town, ainsi que des portraits de la reine placardés aux devantures de salons de coiffure ou d’agences immobilières. Mais les hommages restent discrets. Entre Camden et Euston Road, un homme torse nu et visiblement ivre monte dans le bus pour aller s’installer dans l’espace destiné aux poussettes. Au bout d’un instant, il extirpe de son sac en plastique Marks&Spencer un journal avec, en première page, un grand portrait d’Elisabeth dans la fleur de l’âge et en tenue d’apparat. L’homme sourit à la cantonade, déplie ostensiblement son journal pour ensuite l’étaler au sol. Un nouveau regard vers l’assistance, puis il s’accroupit et et fait mine de déféquer sur le portrait de la reine morte. Les autres voyageurs s’efforcent de regarder ailleurs tandis que l’homme, ravi de son coup, tente de se relever sans encombres.</p>
<p>Il est midi quand j’arrive à Trafalgar Square. La place est relativement calme, contrairement à l’avenue de Whitehall fermée à la circulation: une manifestation avec des pancartes Black lives Matter la remonte depuis Westminster Abbaye. Autour de la statue équestre de Charles Ier, le traffic est bloqué. La foule provenant des stations de métro de Charring Cross et Embankment est de plus en plus dense, se presse sur les passages piétons qui mènent à The Mall, l’allée centrale de Saint James Park. Me voici prise dans le flux qui prend la direction de Buckingham Palace. Ceux qui portent des bouquets dans leurs bras tentent de les protéger d’un éventuel écrasement. Du haut des bus touristiques immobilisés sur le rond point, des femmes en hijab prennent des photographies de la foule.</p>
<p>The Mall est fermée, gardée par la police. Des ambulances ainsi que des postes de secours campent des deux cotés de l’allée. En plus de la multitude de visiteurs provenant de Trafalgar Square, des gens affluent en permanence des petites allées perpendiculaires qui débouchent sur the Mall: des familles avec des poussettes, des couples hétérosexuels ou homosexuels, certains endimanchés en costume et robes longues, d’autres venus avec leurs chiens en laisse, d’autres encore portant des paniers de pique-nique bien garnis, des groupes d’amis, comme ces trois gaillards en tenues de sport qui marchent juste devant moi, chacun tenant un bouquet de roses dans ses bras… L’un laisse échapper la carte qu’il a écrite à la main sur laquelle j’ai le temps de lire «<em>Thank you</em>» avant qu’il ne se précipite pour la ramasser. Des fleurs. Il y a beaucoup de fleurs, de plus en plus de fleurs: des bouquets pour la plupart emballés dans du plastique, achetés sans doute chez Sainsbury’s ou Marks& Spencer à la sortie du métro. Mais aussi des hortensias du jardin ou des fleurs en pot, comme cette orchidée bleue qui semble dodeliner de la tête au dessus de la foule à quelques pas de moi.</p>
<p>Nous sommes pris dans un premier goulot d’étranglement à hauteur des statues du roi George VI et de la Queen Mum. Certains commencent à comprendre qu’ils ne pourront pas rejoindre les grilles de Buckingham et décident de déposer les offrandes à leurs pieds. Une cinquantaine de mètres avant le monument dédié à la Reine Victoria, il est désormais évident que la foule n’avancera plus. Des grilles positionnées tout le long de Saint James Park et de Green Park empêchent l’accès à la place. On prend les enfants sur les épaules pour tenter de leur faire apercevoir les grilles du palais déjà chargées de bouquets, on brandit les téléphones portables aussi haut qu’on le peut. Une petite fille, exaspérée, ne comprend pas pourquoi elle doit s’arrêter là. Les adultes, déçus eux aussi, marmonnent des explications peu convaincantes et ne désespèrent pas de se frayer un passage. Dans un coin, postés derrière les baraques de la sécurité, trois aquarellistes, imperturbables, peignent le palais et les drapeaux de l’Union Jack en berne, tout en répondant patiemment aux questions que les visiteurs leur posent, comme s’ils faisaient partie du service d’ordre. Je quitte les lieux en prenant l’un des passages qui mènent à Clarence House et, parmi le flot, je distingue à nouveau, à quelques mètres devant moi, l’orchidée bleue en pot à la recherche d’un lieu de substitution. C’est bientôt chose faite: un immense platane de Green Park qui borde le passage a été choisi pour recevoir les offrandes qui n’ont pas pu accéder aux grilles du palais. Bougies, drapeaux, cartes, dessins, fleurs, ballons en forme de cœur: son pied est enseveli sous les témoignages et les vœux. A force de piétinement, l’herbe autour de lui a disparu. Il n’y a plus que la terre.</p>
<p>Il est temps que je file pour retrouver A. à qui j’ai donné rendez-vous du côté du palais de justice.</p>
<h3 style="text-align: center;">***</h3>
<p>A peine a-t-elle fini de cadenasser son vélo que je l‘interroge: «comment diable as-tu fait pour prendre part à ce service exceptionnel organisé la veille dans cathédrale Saint-Paul?»</p>
<p>A. habite au sud est de la Tamise, du côté de Canada Water. Vendredi matin, elle est partie un peu au hasard à vélo pour voir ce qui se passait à la City et Westminster après l’annonce de la mort d’Elisabeth. Elle se trouvait dans le quartier de la cathédrale quand un flash de Sky News s’est affiché sur son téléphone, indiquant que 2'000 places étaient ouvertes au public le soir même pour assister au service religieux de Saint Paul. Les premiers sur place se verraient remettre un bracelet pour assister à la cérémonie. L’information a été relayée par la BBC bien plus tard, ironise-t-elle.</p>
<p>Lorsqu’elle s’est présentée sur le parvis de Saint Paul pour faire la queue, l’atmosphère était très particulière: les gens ne croyaient pas qu’ils auraient une chance de pouvoir faire partie des 2'000 élus. Ordinairement, quand des places sont octroyées pour ce type d’évènements où les officiels sont présents, ceux qui obtiennent des entrées sont cooptés ou ont des relations. Dans la queue, il y avait des employés de la City en costumes, des Londoniens comme elle, qui se trouvaient là un peu par hasard, des touristes aussi, des policiers, des religieux… Tous ébahis de se dire qu’ils allaient peut-être participer à ce service exceptionnel sans pour autant faire partie d’une élite ou être nommément invités.</p>
<p>Je lui demande si c’est la première fois qu’elle avait décidé de participer à ce type de commémoration liées à la royauté. A. admet qu’elle ne s’était jamais vraiment intéressée à la monarchie avant la mort de la reine. Elle a même découvert la série <em>The Crown</em> bien après tout le monde et encore, seulement pour faire plaisir à ses amis… Seuls les premiers épisodes ont trouvé grâce à ses yeux. Ils sont consacrés à la jeunesse et aux premières années de règne d’Elisabeth II. </p>
<p>Je hasarde: «Et la mort de Lady Di?» Elle l’avoue mi-honteuse mi malicieuse, si elle s’est rendue à la cérémonie funéraire de la princesse Diana, à l’époque, c’était sans conviction, juste pour voir ce qui se passait, comment les autres, ceux qui éprouvaient quelque chose, se comportaient. En voyeuse, d’une certaine manière.</p>
<p>Quand les informations ont commencé à circuler sur l’état de santé préoccupant de la reine, A. échangeait, comme souvent, des messages sarcastiques sur l’attitude de la BBC, plaisantait avec ses amis sur le déroulement supposé des événements si la souveraine mourait, comme elle l’avait fait en juin quelques jours avant le jubilé. Et soudain, quand l’annonce de la mort est tombée, elle s’est trouvée saisie par l’émotion. D’une manière qu’elle n’aurait jamais pu anticiper. Tout en me disant cela, A. se trouble, tente de se contrôler puis se met à pleurer. Elle s’étonne d’être à nouveau touchée et s’excuse. «Ce n’était pas tellement le fait qu’elle soit morte, mais c’est la fin de quelque chose: ces valeurs qui aujourd’hui apparaissent obsolètes, comme le sens du service au peuple, la discrétion et la dignité». Des propos avec lesquels mon étudiante B. – qui doit avoir trente ans de moins qu’A. – pourrait sans doute être d’accord. «Je ne suis pas monarchiste, mais…» Combien de fois A. a-t-elle lu ou entendu cette phrase ces derniers jours parmi ses amis pourtant toujours prêts à pointer l’archaïsme du système? </p>
<p>Et sans transition apparente, A. me parle de la mort de sa mère survenue l’année dernière, en 2021, pendant le dernier confinement. Elle estime avoir eu beaucoup de chance, elle a pu visiter sa mère en soins palliatifs et être à ses côtés pour la dernière semaine de sa vie malgré les restrictions sanitaires toujours en vigueur. Mais les funérailles, elles, ne permettaient pas à plus de six personnes d'assister à la cérémonie. Un moment extrêmement sinistre me dit-elle. «Je n’ai pas pu dire adieu à mère comme je l’aurais souhaité. Je me suis sentie en quelque sorte volée de mes adieux. Obligée de faire les choses à la va-vite, discrètement. De les expédier, presque, pour ne pas représenter un danger pour les autres». Aussi, quand elle a reçu son bracelet de Saint Paul autour du poignet pour assister au service du soir, elle s’est dit: «Voilà, je vais être présente pour un moment historique, mais je vais aussi pouvoir avoir ce moment de deuil et de recueillement que je n’ai pas pu offrir à ma mère quand elle est morte. Et je le ferai dans ce lieu extraordinaire avec des personnes qui sans doute, elles aussi, penseront aux êtres chers qu’elles ont perdus et à qui elles n’ont pas pu rendre hommage comme ils le méritaient.»</p>
<p>A. me montre où elle se trouvait placée dans la cathédrale, à quelques mètres de l’autel et à la droite des rangs des officiels, dont Liz Truss. C’est une photographie de la BBC. On voit A. vêtue de noir, une écharpe drapée autour de ses épaules. Durant le service, elle a échangé quelques mots avec une femme qui se tenait dans le même rang qu’elle au sujet du nouveau souverain Charles III dont le discours a été retransmis. «Il s’est montré humain», se sont-elles étonnées. Lorsque, tout à la fin, elle s’est retrouvée à chanter l’hymne national appris à l’école il y a plus de cinquante ans, avec les 2'000 autres personnes présentes à la cérémonie, elle a eu un moment d’incrédulité: en l’espace d’une nuit il était devenu «God save the King».</p>',
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<p><i>The Queen has died</i>. L’annonce officielle est finalement tombée vers 18 heures ce même jour. La veille encore, des photographies en première page de <i>The Gardian </i>montraient la souveraine recevant Liz Truss dans ses salons de Buckingham pour la cérémonie du <em>kissing hand</em> la reconnaissant officiellement comme Premier ministre. Sur l’une d’entre elles, Elisabeth II se tenait seule entre deux sofas de couleur anis. Dans son dos, flambait un feu de cheminée. La tête légèrement inclinée sur le côté, ses mains agrippant le pommeau de sa canne (et son sac à main), dans cette attitude typique qu’ont les vieilles personnes lorsqu’elles sont contentes de votre visite et vous suivent des yeux pour vous regarder quitter la pièce, elle souriait. En l’espace d’un an, depuis la mort de son époux le Duc d’Edimbourg en avril 2021, mais peut-être encore davantage depuis la fin des festivités de son jubilé de platine durant ce printemps 2022, nous avions vu la silhouette d’Elisabeth II devenir celle d’une vieillarde. Les caricaturistes s’en donnaient à cœur joie. Ils la représentaient volontiers chaussée de confortables pantoufles, solidement appuyée sur son déambulateur labourant les tapis de Windsor, escortée par son habituelle meute d’impitoyables corgis, tandis qu’autour d’elle, Boris Johnson et ses ministres pris entre le scandale du Party gate et l’augmentation record du prix de l’énergie, faisaient valser les canettes de bière et les cotillons. La couronne était de plus en plus volumineuse et lourde sur la tête de la souveraine, son maquillage avait des airs de masque en carton pâte.</p>
<p>Sur les chaines de la BBC, jeudi soir, les journalistes cravatés de noir ont répété à l’envi d’une voix blanche qu’ils avaient vécu sous le règne d’un seul monarque: Elisabeth II. On sentait que, pour les plus âgés, sa mort les renvoyait à quelque chose d’éminemment personnel, comme le rappel de leur propre disparition. Et puis, les rectangles noirs reprenant des extraits de la déclaration officielle de Charles, le fils d’Elisabeth, et nouveau souverain, ont fait leur apparition à l’écran. Tous insistaient sur la volonté et le devoir de continuité malgré cette période de deuil et de changement. Il était également question du réconfort et du soutien ressentis par la famille royale sachant l’affection dont la reine avait fait l’objet de la part de ses sujets. Ils étaient précédés du titre «Sa Majesté le roi Charles III». Cette succession, qui était pourtant dans l’ordre des choses (après tout, la reine, sa mère mourut à quatre-vingt-seize ans…), avait quelque chose d’implacable, voire brutal.</p>
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<p>Vendredi, le lendemain de la mort de la reine, j’ai un rendez-vous à distance avec l’une de mes étudiantes B. en stage à Genève. Son visage s’affiche sur mon écran; je note sa mine chiffonné. Je l’interroge:</p>
<p>- Tu es au courant?</p>
<p>Elle a un sourire mélancolique.</p>
<p>- Oui, bien sûr.</p>
<p>B. a vingt-cinq ans. Elle fait partie, du moins par son âge, de la génération <i>woke </i>très virulente ici au Royaume-Uni:<i> </i>celle des luttes pour la reconnaissance des minorités raciales et sexuelles, le déboulonnement des statues d’esclavagistes, la fin du colonialisme, l’indignation contre l’utilisation des jets privés, et qui trouve également qu'Harry Styles, un ancien minet chanteur de boys’ band, frappe fort quand il pose en robe Gucci pour la couverture de <em>Vogue</em>. Je suis curieuse de savoir ce qu’elle pense de la mort de la reine.</p>
<p>- Comment dit-on «sad» en français? </p>
<p>- «Triste», on dit «triste».</p>
<p>- Oui, je suis triste, admet-elle. C’est la fin d’une époque.</p>
<p> Je pousse mes questions un peu plus loin. Que pense-t-elle de la monarchie?</p>
<p>- C’est une partie de notre histoire. Pour le jubilé, je ne serais certainement pas allée agiter des drapeaux devant Buckingham Palace ou assister aux parades. Cela ne me ressemblait pas. Et pourtant, j’ai senti que cela faisait partie de ce que nous sommes.</p>
<p>B. parle de ces célébrations comme de quelque chose de très lointain. Un autre temps. Un autre siècle. Quant à la monarchie, pour elle, c’est un synonyme de «La Reine Elisabeth II». <i>Never explain, never complain. </i>La manière qu’avait Elisabeth d’incarner le pays et certaines valeurs semble bel et bien balayée aujourd’hui par une manière de régner dont on ignore encore – même si Charles III ne cesse d’insister sur son devoir de continuité – la forme qu’elle pourra prendre. <i></i>Je ne perçois aucun enthousiasme, de la part de B., vis-à-vis des futurs monarques qui ne sont pourtant pas si éloignés de son âge. Quant au nouveau roi Charles III, pas un mot pour lui.</p>
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<p>Le jour suivant, samedi, j’ai rendez-vous avec A., qui a pu assister au service exceptionnel organisé en l’honneur de la reine à la cathédrale Saint Paul la veille au soir. Avant de la rencontrer, je décide d’aller faire un tour du côté de Buckingham Palace. Dans le bus, durant le trajet qui me mène au centre, j’aperçois quelques drapeaux de l’Union Jack exposés aux fenêtres des HLM de Camden et Kentish Town, ainsi que des portraits de la reine placardés aux devantures de salons de coiffure ou d’agences immobilières. Mais les hommages restent discrets. Entre Camden et Euston Road, un homme torse nu et visiblement ivre monte dans le bus pour aller s’installer dans l’espace destiné aux poussettes. Au bout d’un instant, il extirpe de son sac en plastique Marks&Spencer un journal avec, en première page, un grand portrait d’Elisabeth dans la fleur de l’âge et en tenue d’apparat. L’homme sourit à la cantonade, déplie ostensiblement son journal pour ensuite l’étaler au sol. Un nouveau regard vers l’assistance, puis il s’accroupit et et fait mine de déféquer sur le portrait de la reine morte. Les autres voyageurs s’efforcent de regarder ailleurs tandis que l’homme, ravi de son coup, tente de se relever sans encombres.</p>
<p>Il est midi quand j’arrive à Trafalgar Square. La place est relativement calme, contrairement à l’avenue de Whitehall fermée à la circulation: une manifestation avec des pancartes Black lives Matter la remonte depuis Westminster Abbaye. Autour de la statue équestre de Charles Ier, le traffic est bloqué. La foule provenant des stations de métro de Charring Cross et Embankment est de plus en plus dense, se presse sur les passages piétons qui mènent à The Mall, l’allée centrale de Saint James Park. Me voici prise dans le flux qui prend la direction de Buckingham Palace. Ceux qui portent des bouquets dans leurs bras tentent de les protéger d’un éventuel écrasement. Du haut des bus touristiques immobilisés sur le rond point, des femmes en hijab prennent des photographies de la foule.</p>
<p>The Mall est fermée, gardée par la police. Des ambulances ainsi que des postes de secours campent des deux cotés de l’allée. En plus de la multitude de visiteurs provenant de Trafalgar Square, des gens affluent en permanence des petites allées perpendiculaires qui débouchent sur the Mall: des familles avec des poussettes, des couples hétérosexuels ou homosexuels, certains endimanchés en costume et robes longues, d’autres venus avec leurs chiens en laisse, d’autres encore portant des paniers de pique-nique bien garnis, des groupes d’amis, comme ces trois gaillards en tenues de sport qui marchent juste devant moi, chacun tenant un bouquet de roses dans ses bras… L’un laisse échapper la carte qu’il a écrite à la main sur laquelle j’ai le temps de lire «<em>Thank you</em>» avant qu’il ne se précipite pour la ramasser. Des fleurs. Il y a beaucoup de fleurs, de plus en plus de fleurs: des bouquets pour la plupart emballés dans du plastique, achetés sans doute chez Sainsbury’s ou Marks& Spencer à la sortie du métro. Mais aussi des hortensias du jardin ou des fleurs en pot, comme cette orchidée bleue qui semble dodeliner de la tête au dessus de la foule à quelques pas de moi.</p>
<p>Nous sommes pris dans un premier goulot d’étranglement à hauteur des statues du roi George VI et de la Queen Mum. Certains commencent à comprendre qu’ils ne pourront pas rejoindre les grilles de Buckingham et décident de déposer les offrandes à leurs pieds. Une cinquantaine de mètres avant le monument dédié à la Reine Victoria, il est désormais évident que la foule n’avancera plus. Des grilles positionnées tout le long de Saint James Park et de Green Park empêchent l’accès à la place. On prend les enfants sur les épaules pour tenter de leur faire apercevoir les grilles du palais déjà chargées de bouquets, on brandit les téléphones portables aussi haut qu’on le peut. Une petite fille, exaspérée, ne comprend pas pourquoi elle doit s’arrêter là. Les adultes, déçus eux aussi, marmonnent des explications peu convaincantes et ne désespèrent pas de se frayer un passage. Dans un coin, postés derrière les baraques de la sécurité, trois aquarellistes, imperturbables, peignent le palais et les drapeaux de l’Union Jack en berne, tout en répondant patiemment aux questions que les visiteurs leur posent, comme s’ils faisaient partie du service d’ordre. Je quitte les lieux en prenant l’un des passages qui mènent à Clarence House et, parmi le flot, je distingue à nouveau, à quelques mètres devant moi, l’orchidée bleue en pot à la recherche d’un lieu de substitution. C’est bientôt chose faite: un immense platane de Green Park qui borde le passage a été choisi pour recevoir les offrandes qui n’ont pas pu accéder aux grilles du palais. Bougies, drapeaux, cartes, dessins, fleurs, ballons en forme de cœur: son pied est enseveli sous les témoignages et les vœux. A force de piétinement, l’herbe autour de lui a disparu. Il n’y a plus que la terre.</p>
<p>Il est temps que je file pour retrouver A. à qui j’ai donné rendez-vous du côté du palais de justice.</p>
<h3 style="text-align: center;">***</h3>
<p>A peine a-t-elle fini de cadenasser son vélo que je l‘interroge: «comment diable as-tu fait pour prendre part à ce service exceptionnel organisé la veille dans cathédrale Saint-Paul?»</p>
<p>A. habite au sud est de la Tamise, du côté de Canada Water. Vendredi matin, elle est partie un peu au hasard à vélo pour voir ce qui se passait à la City et Westminster après l’annonce de la mort d’Elisabeth. Elle se trouvait dans le quartier de la cathédrale quand un flash de Sky News s’est affiché sur son téléphone, indiquant que 2'000 places étaient ouvertes au public le soir même pour assister au service religieux de Saint Paul. Les premiers sur place se verraient remettre un bracelet pour assister à la cérémonie. L’information a été relayée par la BBC bien plus tard, ironise-t-elle.</p>
<p>Lorsqu’elle s’est présentée sur le parvis de Saint Paul pour faire la queue, l’atmosphère était très particulière: les gens ne croyaient pas qu’ils auraient une chance de pouvoir faire partie des 2'000 élus. Ordinairement, quand des places sont octroyées pour ce type d’évènements où les officiels sont présents, ceux qui obtiennent des entrées sont cooptés ou ont des relations. Dans la queue, il y avait des employés de la City en costumes, des Londoniens comme elle, qui se trouvaient là un peu par hasard, des touristes aussi, des policiers, des religieux… Tous ébahis de se dire qu’ils allaient peut-être participer à ce service exceptionnel sans pour autant faire partie d’une élite ou être nommément invités.</p>
<p>Je lui demande si c’est la première fois qu’elle avait décidé de participer à ce type de commémoration liées à la royauté. A. admet qu’elle ne s’était jamais vraiment intéressée à la monarchie avant la mort de la reine. Elle a même découvert la série <em>The Crown</em> bien après tout le monde et encore, seulement pour faire plaisir à ses amis… Seuls les premiers épisodes ont trouvé grâce à ses yeux. Ils sont consacrés à la jeunesse et aux premières années de règne d’Elisabeth II. </p>
<p>Je hasarde: «Et la mort de Lady Di?» Elle l’avoue mi-honteuse mi malicieuse, si elle s’est rendue à la cérémonie funéraire de la princesse Diana, à l’époque, c’était sans conviction, juste pour voir ce qui se passait, comment les autres, ceux qui éprouvaient quelque chose, se comportaient. En voyeuse, d’une certaine manière.</p>
<p>Quand les informations ont commencé à circuler sur l’état de santé préoccupant de la reine, A. échangeait, comme souvent, des messages sarcastiques sur l’attitude de la BBC, plaisantait avec ses amis sur le déroulement supposé des événements si la souveraine mourait, comme elle l’avait fait en juin quelques jours avant le jubilé. Et soudain, quand l’annonce de la mort est tombée, elle s’est trouvée saisie par l’émotion. D’une manière qu’elle n’aurait jamais pu anticiper. Tout en me disant cela, A. se trouble, tente de se contrôler puis se met à pleurer. Elle s’étonne d’être à nouveau touchée et s’excuse. «Ce n’était pas tellement le fait qu’elle soit morte, mais c’est la fin de quelque chose: ces valeurs qui aujourd’hui apparaissent obsolètes, comme le sens du service au peuple, la discrétion et la dignité». Des propos avec lesquels mon étudiante B. – qui doit avoir trente ans de moins qu’A. – pourrait sans doute être d’accord. «Je ne suis pas monarchiste, mais…» Combien de fois A. a-t-elle lu ou entendu cette phrase ces derniers jours parmi ses amis pourtant toujours prêts à pointer l’archaïsme du système? </p>
<p>Et sans transition apparente, A. me parle de la mort de sa mère survenue l’année dernière, en 2021, pendant le dernier confinement. Elle estime avoir eu beaucoup de chance, elle a pu visiter sa mère en soins palliatifs et être à ses côtés pour la dernière semaine de sa vie malgré les restrictions sanitaires toujours en vigueur. Mais les funérailles, elles, ne permettaient pas à plus de six personnes d'assister à la cérémonie. Un moment extrêmement sinistre me dit-elle. «Je n’ai pas pu dire adieu à mère comme je l’aurais souhaité. Je me suis sentie en quelque sorte volée de mes adieux. Obligée de faire les choses à la va-vite, discrètement. De les expédier, presque, pour ne pas représenter un danger pour les autres». Aussi, quand elle a reçu son bracelet de Saint Paul autour du poignet pour assister au service du soir, elle s’est dit: «Voilà, je vais être présente pour un moment historique, mais je vais aussi pouvoir avoir ce moment de deuil et de recueillement que je n’ai pas pu offrir à ma mère quand elle est morte. Et je le ferai dans ce lieu extraordinaire avec des personnes qui sans doute, elles aussi, penseront aux êtres chers qu’elles ont perdus et à qui elles n’ont pas pu rendre hommage comme ils le méritaient.»</p>
<p>A. me montre où elle se trouvait placée dans la cathédrale, à quelques mètres de l’autel et à la droite des rangs des officiels, dont Liz Truss. C’est une photographie de la BBC. On voit A. vêtue de noir, une écharpe drapée autour de ses épaules. Durant le service, elle a échangé quelques mots avec une femme qui se tenait dans le même rang qu’elle au sujet du nouveau souverain Charles III dont le discours a été retransmis. «Il s’est montré humain», se sont-elles étonnées. Lorsque, tout à la fin, elle s’est retrouvée à chanter l’hymne national appris à l’école il y a plus de cinquante ans, avec les 2'000 autres personnes présentes à la cérémonie, elle a eu un moment d’incrédulité: en l’espace d’une nuit il était devenu «God save the King».</p>',
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'content' => '<p>Depuis 2013, en plus d’ouvrages contemporains, les éditions Louise Bottu publient dans leur collection <i>Inactuels/Intempestifs, </i>des textes anciens qui défient le temps. A cet égard, le <i>Récit véridique de ma vie </i>par Uriel da Costa, philosophe du XVIIème siècle, (accompagné d’une préface sobre et éclairante de Frédéric Schiffter) est un morceau de choix dans leur catalogue.</p>
<p>Uriel da Costa est né en 1585, au Portugal, dans une famille de marranes aisés. Le jeune homme qui se nomme alors encore Gabriel, très sensible à la piété et à l’honneur, connait rapidement des doutes au sujet des dogmes de la religion catholique. Ce qui le conduit à se tourner vers le judaïsme de ses ancêtres, la religion de la Loi. Las, il estime qu’en prenant cette décision, il s’est laissé trompé «comme un enfant». La pratique du judaïsme étant interdite et traquée dans son pays, da Costa émigre avec toute sa famille à Amsterdam et se convertit officiellement à son arrivée afin d’intégrer la communauté juive de la ville.</p>
<p>Pour lui dont la liberté et le courage d’user de sa raison selon la loi naturelle «commune et innée à tous les hommes simplement parce qu’ils sont hommes» sont vitaux, les rabbins d’Amsterdam vont se révéler sans pitié. Exclu (y compris par sa propre famille), vivant dans un grand dénuement, Gabriel, devenu Uriel, décide d’écrire un livre pour prouver «en quoi les institutions et les traditions entrent en contradiction avec l’enseignement de Moïse». Immédiatement le voici censuré, frappé du sceau de l’hérésie et de l’apostasie. Dès lors, sa vie ne cesse d’être rythmée par les menaces, les délations et les humiliations, jusqu’à l’excommunication et l’épreuve du tribunal rabbinique s’il veut pouvoir réintégrer la communauté. Lors d’une cérémonie aussi hypocrite que terrifiante, Uriel se voit condamné à la prononciation d’une confession dont il n’est pas l’auteur, puis à être dénudé pour être fouetté et, enfin, foulé aux pieds par les fidèles réunis.</p>
<p><i>Récit véridique de ma vie </i>est non seulement le récit douloureux d’une confrontation personnelle avec les fabricants de chimères, mais c’est en outre un testament-manifeste qui affirme sans relâche la fidélité de son auteur à la loi naturelle contre la loi des religieux de tous poils. «Il faut que je parle librement», écrit-il pour s’encourager à ne pas céder à la peur. Car le philosophe, dans son immense isolement, se sait condamné à mort. Uriel da Costa se tue en 1640, après avoir achevé son autobiographie. </p>',
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'subtitle' => 'Au début de «Le Feu, journal d’une escouade» Henri Barbusse, observant ses compagnons d’armes entassés dans les tranchées de la Première Guerre mondiale, se demandait qui s’apercevrait encore des détails qui faisaient de ces hommes des individus et non une masse informe destinée à mourir pour la patrie. Le nouveau roman de Velibor Čolić, «Guerre et Pluie», fait partie de ces livres qui s’attaquent à la guerre par le détail. Lecteur, tu n'y trouveras ni grands discours humanistes, ni prêches sur le sacrifice de soi au service d’une grande cause, mais la description précise et impitoyable de ce que la guerre, cette aberration, fait aux corps et aux âmes – et comment elle décide incidemment de la naissance d’un écrivain.',
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'content' => '<p>L’écrivain narrateur de <em>Guerre et Pluie</em> n’a pas de chance: en pleine pandémie (toute ressemblance avec celle du Covid serait bien entendu purement fortuite…), le voici atteint d’une maladie auto-immune rare, le <i>pemphigus vulgaris</i>, qui affecte l’épiderme et la langue. Lui qui, trente ans plus tôt, a fui la Bosnie en guerre pour la France et adopté le français comme langue d’écriture, se retrouve isolé dans cet isolement généralisé.</p>
<p>Que faire? Ce qu’il fait le mieux: observer, prendre des notes sur le mal. Une discipline, plus qu’une habitude pour cet homme dont l’expérience de soldat a précipité l’absolue nécessité d’écrire. Visites aux médecins, errances dans les hôpitaux, rencontres avec d’autres patients – ceux-ci sont souvent émouvants, dans leur déni comme dans leur résignation… Nous suivons l’écrivain exilé dans son parcours vers une possible guérison. Mais bientôt la description de ce que la maladie fait au corps se creuse d’un autre mal. C’est par la langue que notre homme avait cru pouvoir extirper la guerre de son corps? Délicieuse ironie: c’est par la maladie de ce même organe ulcéré que la guerre se rappelle à lui. Le narrateur l’admet, il s’est illusionné: «Nous n’avons pas le droit d’exiger de la littérature qu’elle nous aide à oublier. Elle est toujours, qu’on le veuille ou pas, essentiellement la mémoire. Et un combat qui n’en finit pas».</p>
<p>Ce combat, il va le livrer une nouvelle fois, en affrontant les fantômes qu’il tenait enfouis au fond de cette boîte de Pandore refermée à la fin de l’année 1992, au moment de sa désertion. Mais pour ce faire, il doit renouer avec l’alcool, cet éternel allié de la violence décomplexée et de la survie dont il a tenté de se tenir éloigné durant toutes ces années. L’alcool, qui, bien souvent, divertit les soldats du suicide… à moins qu’il n’en soit une autre forme.</p>
<p>Quand la guerre éclate au printemps 1992 dans l’ex-fédération de Yougoslavie, le jeune homme est admirateur de littérature américaine (Hemingway, bien entendu est au sommet de son Olympe des lettres) et animateur pour la radio locale. En voyant les premiers cadavres apparaître sur les écrans de télévision, il est d’abord sidéré. «Enfin, c’est stupide. Cette peur de la guerre. Je ne peux pas accepter que les Serbes sachent quelque chose que nous autres ne sachions pas», tente-t-il de se convaincre. Après la télévision, c’est la rivière Bosna qui se met elle aussi à charrier des morts. Viennent ensuite les premiers obus, et le corps de l’apprenti écrivain comprend enfin, avant même que sa conscience ne l’accepte, ce qui se passe: «douleur, diarrhée, solitude, peur». Autrement dit: la guerre a violemment pris possession de lui. Et ne va plus le lâcher.</p>
<p>L’alcool – encore lui! – aidant, le jeune homme décide de s’enrôler. Entre la peur qui ne le quitte plus, ses entrailles qui le trahissent à la moindre alerte, son accoutrement ridicule, le rire ou la méfiance qu’il inspire aux autres soldats et l’absence d’organisation d’une armée bosniaque plus proche d’une version sanglante et psychotique des pieds nickelés que d’une troupe d’élite, comment le narrateur pourrait-il prendre le soldat qu’il est devenu au sérieux? <i>Tragi-comique</i> … L'adjectif revient souvent sous la plume de Velibor Čolić. Tout comme le nom de Chveik, ce soldat dépenaillé et parfaitement inutile inventé par l’écrivain tchèque Jaroslav Hašek. Cette figure grotesque, antipatriotique et anti-héroïque des tranchées, évoluant dans un monde en fureur, est le seul vrai compagnon d’armes que le narrateur se reconnait. C’est l’une des grandes réussites de ce roman, de pouvoir se tenir entre les deux gouffres du dérisoire et de l’insoutenable, dans la lignée des grandes œuvres satiriques qui ont osé ridiculiser la guerre. Au plus fort de la terreur et de scènes atroces, Čolić et son narrateur sont, en effet, capables de nous gratifier de formules ou observations aussi désespérées que drôles.</p>
<p>Mais qu’on ne s’y trompe pas: ce regard, cet art d’équilibriste, sont une question de vie ou de mort. La guerre n’est pas une expérience qui laisse un quelconque répit au soldat. Elle est constamment là: autour de lui, en lui, à chaque instant. «La guerre est un énorme estomac qui avale tout», écrit Čolić. Ainsi, l’apprenti écrivain se retrouve-t-il dans la peau d’un Jonas englouti par la baleine qui se mettrait pour survivre à écrire son histoire sur les parois du ventre monstrueux. Son histoire est faite de détails atroces et d’insignifiances vertigineuses qui disent les corps des soldats pas encore blessés, pas encore morts, les maisons éventrées, le sort des animaux domestiques égarés, suppliciés, la nourriture infâme, les vêtements récupérés sur les morts, la crasse, l’ennui, le besoin de toucher un corps de femme, la solitude, toujours – immense, à rendre fou.</p>
<p>Mais ce livre est aussi une entreprise généalogique, au sens où l’on découvre comment, pour devenir écrivain, le narrateur devient plus qu’un mauvais soldat: un véritable traitre. Il est celui qui, lorsqu’il ne joue pas le rôle de bouffon, se tient constamment en retrait du groupe, autant par son besoin d’observation que de solitude. De traitre, il devient déserteur – un non patriote, puis un exilé – un apatride… Dans tous les cas, et où qu’il soit, il est inadmissible, un objet de rejet et de méfiance. Car l’écrivain-déserteur ne sert aucune cause, il veut simplement sauver sa propre peau, son propre regard. Et c’est souvent celui du vaincu: «Tandis que les vainqueurs écrivent l’Histoire, les vaincus écrivent la littérature», considère le narrateur – et sans nul doute Čolić avec lui.</p>
<p>Cependant, sa lucidité amusée et fataliste ne l’abandonne jamais. Ainsi, au sujet de ses notes regroupées dans ses carnets du front, il avance: «Je suis convaincu qu’un jour les gens les trouveront et qu’il les considèreront non pas comme un document historique, mais comme de la littérature.» Puis, quelques lignes plus loin: «Ces espoirs sont d’une folie touchante. Il n’y a rien de plus futile que de s’attendre à ce que les autres vous comprennent. L’humanité a toujours été une collection de petits, de grands et de plus grands ego». Une collection d’ego, oui. Et d’histoires de garçons morts.</p>
<hr />
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<h4>«Guerre et Pluie», Velibor Čolić, Editions Gallimard, 288 pages.</h4>',
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'content' => '<p> «Les -ismes apparaissent, disparaissent, l’art seul demeure», écrivait Vladimir Nabokov. On ne peut que lui donner raison concernant la peinture d’Iris Terdjiman. Toute tentative d’affiliation à un mouvement tendrait à vouloir étriquer ce monde de profusion toujours au bord de l’éclatement, dont elle a, mi Virgile, mi Charon, ouvert les portes. Rien ne valant le regard d’un artiste sur son art, nous lui avons posé quelques questions sur les figures récurrentes de son travail, sa conception de la peinture, ses inspirations.</p>
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<h4 style="text-align: center;"><em>Iris Terdjiman, «L'Evénement». © DR</em></h4>
<p><strong>Olivia Resenterra</strong>: <strong>Lorsqu’on est en présence de vos toiles, la première fois, on est frappé par une impression de profusion anarchique. Je pense aux notamment aux coulures, aux liquéfactions omniprésentes, mais également aux corps écorchés qui rappellent les belles heures des planches anatomiques, ces squelettes enjoués tout droit échappés des danses macabres, cette surabondance de signes et symboles…</strong></p>
<p><strong>Iris Terdjiman</strong>: Ces coulures sont là parce qu’elles sont inévitables. Une manière de dire l'impermanence et l'interpénétration des choses. La gravité aussi. Et la verticalité. Enfin le rapport au mur je veux dire. C'est une condition pour qu'il y ait peinture, cette verticalité. Pollock qui travaille pourtant à plat, ou Spoerri avec ses tableaux-pièges conçus horizontalement, redressent ensuite leur travail pour que celui-ci accède au statut de tableau. Ainsi, dans ma peinture, le feu ou une tête ou un mot peuvent «couler», et ce faisant, ce qui est sur le passage de la coulure va se désagréger, s'altérer. La coulure n'étant qu'à moitié maîtrisée, il y a le risque qu'elle traverse un visage ou autre… Ce hasard me plaît. C’est même assez jouissif. Ces coulures me permettent d'éviter à tout prix une trop grande <i>netteté globale</i> qui serait selon moi mensongère, angoissante, trop propre pour être honnête. Et puis, je pense aussi que ce sont des résurgences de ma culture <i>grunge</i>, <i>hardcore</i>, mais aussi d'un côté «brouillon» <i></i>qui m'a toujours caractérisée. </p>
<p><strong>Le chaos aurait-il donc une vertu?</strong></p>
<p>Oui, à la fois comme état originel, comme soupe primordiale, espace indifférencié, et aussi comme état plastique. Le mot origine se dit en allemand <i>Ursprung</i>, ça dit bien l'idée de jaillissement, de saut, d'un état tourbillonnant. Peut-être que peindre, c'est <i>sauter.</i></p>
<p><strong>Comment savez-vous quand vous avez atteint le niveau de chaos souhaitable, de jaillissement supportable dans une toile?</strong></p>
<p>Comme tout chaos, il est constitué d'affects très différents les uns des autres, réunis par une sorte de mouvement perpétuel. Cette confusion, ce désordre fait de calme et de tempêtes, ça se circonscrit dans le cadre du drap tendu. C'est assez jungien je m’en rends compte, là, cette obsession de la<i> complétude</i>, essayer de peindre un équilibre de joie et de souffrance. Un peintre (Mais qui? J'ai oublié son nom et le cherche depuis des années) disait: «on ne finit pas un tableau, simplement on l’abandonne». Il y a de ça… Il y a un moment où le mur ne veut plus rien. Et où on a fait tout ce qu'on pouvait à ce moment-là. On peut appeler ça un épuisement. D'un commun accord, la peinture et moi on décide que c'est plié, zou, au séchage.</p>
<p><strong>Les mots, les écritures sont très présents dans vos toiles et certains écrivains sont d’ailleurs des figures centrales de votre série «Idols Asylum».</strong></p>
<p>Oui c'est vrai... Des musiciens, des peintres, des cinéastes, et des écrivains. Kafka, Rimbaud, Nietzsche...</p>
<p><strong>Pourquoi ne pas évoquer votre rapport à la littérature avec l’un de ces écrivains en particulier dont vous avez fait le portrait: l’américaine Flannery O’Connor? Quelle affinité ressentez-vous vis-à-vis d’elle, qui a tant insisté et plaidé en faveur de l’exagération, de l’outrance?</strong></p>
<p>Ce qui m'a éblouie, avec l'œuvre de Flannery, c'est cette compossibilité de la cruauté, l'ultra-violence, et de ce qu'on peut appeler la grâce, une humanité absolue. Outrance, oui... Elle sature aussi pas mal, c'est vrai… Mais il faut cette exagération, je crois, si l'on veut se rapprocher vaguement du réel, qui reste d'une intensité, d'une puissance inégalable. On pourrait y voir une sorte de <i>nihilisme chrétien,</i> avec cette ambivalence violence/grâce, mais c'est plus riche que cela. Et puis j'adore son ironie, son absence de moraline...</p>
<p><strong>Est-ce que ces propos d’O’Connor au sujet de la littérature pourraient correspondre à votre peinture: «l'histoire doit parler pour elle-même: j’entends par là qu’il faut se contenter de la présenter et la laisser vivre ensuite. Il s’agit de laisser son contenu s’exprimer lui-même»?</strong></p>
<p>Ah ça,<b><i> </i></b><i>l'histoire qui parle pour elle-même</i>, la laisser vivre, ça me parle sacrément, oui! Je suis embêtée lorsqu'on me demande <i>pourquoi</i> je peins tel ou tel truc, ou ce que <i>ça veut dire… </i>Il n'y a pas d<i>'histoire </i>dans mes peintures, au sens où il n'y a rien à élucider, malgré l'apparence bavarde, ou encyclopédique de l'ensemble. S'il y a narration, alors elle est mobile, fluide, traversée des récits que le regardeur se fait face à la peinture.</p>
<p><strong>Ce qui nous amène, il me semble, tout naturellement à la musique. Pour reprendre cette notion de mobilité dans votre peinture, est-ce qu’on pourrait la rapprocher du mouvement en musique, d'une forme de tempo?</strong></p>
<p>Oui, à plusieurs niveaux je crois. J'ai grandi dans et avec la musique, car élevée par une mère chanteuse… Et mes peintures d'adolescence étaient très marquées par l'influence de Klee, Rothko, Malevitch, ce rythme, justement. La vibration, les variations, le temps déplié/replié… Et il y a le fait de travailler en musique, la danse face au mur… Une de mes dernières expositions à Bruxelles s'intitulait «Hardcore Psalmoï», manière de dire comme il y a aussi une dimension disons sacrée ou mystique dans l'élan de ces musiques, qui aident à faire le <i>saut de peindre,</i> en tous cas pour moi. Je partage ma vie avec Christophe Guiraud, qui écrit de la musique contemporaine mais qui vient de la <i>noise</i> extrême, et du punk. Alors, évidemment, on retrouve des partitions spectrales dans mes peintures, où j'imite son écriture… Une amoureuse des glyphes comme moi ne peut qu'être exaltée par ce travail de scribe! Il y a dans sa musique une forme d'indécidabilité, d'indiscernable, un déploiement de strates, de transitions, et aussi une recherche de l’éclat. En cela nos pratiques, nos préoccupations disons, sont très similaires.</p>
<hr />
<p><a href="https://www.iristerdjiman.eu" target="_blank" rel="noopener">Iris Terdjiman</a> commence à exposer ses premiers travaux de peinture dès l’âge de dix-sept ans. Par la suite, elle se forme en philosophie de l’art à l’université et enseigne les arts plastiques pendant sept ans en Zone Education Prioritaire dans la région parisienne. Parallèlement, durant cette période, elle mène une activité de plasticienne vidéaste. En 2015, elle revient à la peinture et décide de s’y consacrer entièrement. Depuis, expositions personnelles et collectives se succèdent en France, Italie et Belgique. Elle est la fondatrice, avec le compositeur Christophe Guiraud, de UNEARTH, un laboratoire de création pluri-disciplinaire. Poésie et philosophie accompagneront son prochain livre.</p>',
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'content' => '<p>En 2020, le musée archéologique de l’Université de Cambridge au Royaume-Uni, fit l’objet d’une plainte signée par 200 étudiants et professeurs au motif que ses plâtres étaient trop blancs. L’honorable université se voyait ainsi accusée de participer au racisme systémique de l’Occident moderne. Que croyez-vous qu’il advint? La réponse du département incriminé ne se fit point attendre: il s’engagea, après avoir reçu la pétition des offensés, à mener un plan d’action en 13 points contre l’absence honteuse de diversité dans la sculpture gréco-romaine. Les Monty Pythons n’auraient pas pu imaginer histoire plus grotesque, et pourtant, cette anecdote est bien réelle – une parmi tant d’autres, judicieusement choisie par Sylvie Perez.</p>
<p>La grande «chance» du wokisme, souligne l’essayiste, est «qu’on le prend à la légère; on en sous-estime le sérieux, faute d’en mesurer les implications et le potentiel révolutionnaire». Ce ridicule sidérant s’accompagne, par ailleurs, d’un caractère protéiforme qui le rend difficile à circonscrire. «Régulièrement, s’ouvrent de nouveaux fronts assortis de revendications auxquelles ont ne s’attendait pas tant elles heurtent le bon sens», précise encore Sylvie Perez. Lecteur, te voici prévenu: passé l’incrédulité, tu pénètres bel et bien sur un champ de bataille.</p>
<p>Le mot «woke» est né les années 30 aux Etat-Unis, dans le milieu des chanteurs de blues noirs. «To be awoken», devenu «woke», signifiait «être éveillé», rester vigilants face à la ségrégation raciale bien réelle de l’époque. A la fin du XXème et début du XXIème siècles, le mot est devenu un mode de pensée qui s’est non seulement propagé à une allure folle dans les universités américaines, mais a également traversé l’Atlantique pour gagner le Royaume-Uni et l’Europe.</p>
<p>Le «wokisme» (terme que ses partisans récusent) s’immisce dans toutes les sphères de la pensée et de la société pour devenir une nouvelle forme de terrorisme intellectuel. Ancré dans le politiquement correct le plus intransigeant, il veut dominer au nom de minorités qu’il prétend défendre (les femmes, les homosexuels, les trans, les groupes ethniques, etc.). En toute logique totalitaire, son but est de restreindre la liberté d’expression de ceux qui croient encore aux vertus du débat rationnel plutôt qu’au règne des affects infantilisants. On l’aura compris, le wokisme ne tolère pas d’opposant: tout contestataire est un ennemi à abattre dont on va sonder la conscience au motif que l’on ne se sent pas respecté. Ou quand le respect, devenu un succédané de la course à la victimisation, exécute le principe même de tolérance…</p>
<p>Sans jamais se départir d’un humour délicieusement <i>deadpan</i> typiquement britannique, Sylvie Perez répertorie de manière édifiante les procédés et les instruments utilisés par les militants wokes aux Etats-Unis, Royaune-Uni et en France pour prendre le pouvoir au sein des universités et des écoles, mais aussi la fonction publique, la santé, la politique, le sport, etc. La liste est longue, éloquente. Le climat est celui d’une terreur généralisée où des conférences sont frappées d’interdiction (<i>cancelled</i>), des intervenants menacés physiquement, des professeurs tenus de démissionner, des scientifiques harcelés, des lois instrumentalisées au profit de <i>zones grises</i> de restriction de la liberté d’expression et d’un encouragement à la délation. La langue elle-même est purgée par des rituels politico-linguistiques. Le «wokish», ce nouveau sabir, remise sans hésiter la biologie aux oubliettes en renommant l’anus «vagin universel» par souci d’inclusion des transgenres, bien entendu. Sans oublier les offres de <i>consulting </i>spécialisé dans la rééducation à la diversité, qui confond allègrement égalité et égalitarisme. Car le wokisme est un business florissant, avec ses experts autoproclamés, champions de la culpabilité pour tous et de la notion de «préjugés inconscients» pour chacun, qui savent habilement monnayer leurs interventions auprès des entreprises et des institutions de l’Etat, toutes fort soucieuses de montrer pattes blanches en termes de politiquement correct.</p>
<p>Pour autant, la démarche de Sylvie Perez ne se résume pas à dresser un état des lieux, certes désolant, de la lâcheté et du cynisme ordinaires face à ce totalitarisme des temps modernes. Son livre va plus loin en retraçant les initiatives les plus éclairantes de la résistance anglo-saxonne désormais à l’avant-garde d’une lutte qui devrait être celle de tous les défenseurs de la liberté d’expression. Certains de ces combattants prêts à monter sur le ring pour débattre là où les wokes ne pensent qu’à faire taire leurs opposants, sont devenus des <i>super stars</i> médiatiques à l’instar du docteur en psychologie Jordan Peterson, de l’explosive féministe Camille Paglia, ou bien de l’intellectuel polémiste Douglas Murray. Mais <em>En finir avec le wokisme</em> rend également justice aux initiatives d’individus moins flamboyants. Ceux-ci ont dû trouver des alliés, constituer eux-mêmes des coalitions de défense et de ripostes, élaborer des outils efficaces pour contre-carrer une machinerie de condamnation morale et sociale woke bien huilée. Sylvie Perez est allée à leur rencontre, les a interrogés. En prenant connaissance de leurs histoires, on mesure la solitude et le courage de ces résistants qui ont souvent risqué leur réputation, leur carrière, leur sécurité comme celle de leur famille – voire tout à la fois, en se jetant dans cette bataille sans pitié.</p>
<p>On referme <em>En finir avec le wokisme</em> avec à la fois un sentiment de frayeur face à l’ampleur des dégâts (intellectuels, sanitaires, politiques…) et d’admiration à l’égard de ceux qui ont refusé de se plier aux menaces de cette nouvelle forme d’inquisition. «L’ère post-woke est devant nous», annonce Sylvie Perez à la lumière de ce qui se passe outre-Atlantique et au Royaume-Uni, curieuse de ce que la France sera capable elle-aussi de répliquer pour défendre les fondements même de notre liberté de penser. Serons-nous à la hauteur de ce qu’enseigne l’histoire de la lutte contre l’obscurantisme? Cette histoire qui représente «un trésor pour toujours plutôt qu’une production d’apparat pour un auditoire du moment», écrivait Thucydide dans son <i>Histoire de la guerre du Péloponnèse. </i>C’était au Vème siècle avant notre ère.</p>
<hr />
<p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1698220063_9782204133838.png" class="img-responsive img-fluid left " width="200" height="311" /></p>
<h4>«En finir avec le wokisme», Sylvie Perez, Editions du Cerf, 366 pages.</h4>',
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Gérald Mermet',
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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
1 Commentaire
@gmermet 19.09.2022 | 09h28
«Que d'efforts et de mots gaspillés pour parler de ce que j'appellerais un non-événement absolu : le décès d'une vieille dame qui n'avait aucun pouvoir, sinon celui d'une espèce d'ambassadrice et surtout aucun mérite puisque sa fonction n'était liée qu'à sa naissance.
Comment expliquer cette "pure folie britannique" (comme dit dans le texte) sinon par la puissance du conditionnement social. Celui-ci est inévitable et a des cotés éminemment positifs (apprentissage de la langue, des valeurs, des comportements admis, etc.) mais devrait être remis en question à chaque moment de notre vie, ce que l'auteurs de ce texte ne fait pas.
Gérald Mermet»