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Actuel / Je n’ai rien à cacher (mais j’ai des rideaux chez moi)


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Actuellement, nous sommes tous assaillis par le raz-de-marée qu’ont entrainé les révélations de Cambridge Analytica à propos de la confidentialité des données des utilisateurs Facebook. Plusieurs personnes ont demandé à obtenir le dossier affilié à leur profil pour savoir quelles étaient les informations collectées (on peut facilement voir ce que Facebook garde et analyse à votre sujet dans l'article publié en avril «"Le respect de votre vie privée nous tient à cœur" #OuPas») et, il faut bien l’admettre, cette lecture s’est souvent accompagnée de vertiges face à la masse d’éléments conservés et surtout, en toile de fond, cette question lancinante: à quoi peut bien servir tout ça et qui y a accès? (Note au passage que vous pouvez demander vos dossiers de données des applications Instagram et WhatsApp également).



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Plus récemment encore, on a appris que Facebook active par défaut la reconnaissance faciale pour «reconnaitre si oui ou non vous apparaissez sur une photo ou une vidéo […] afin d’offrir une meilleure expérience d’utilisation» (évidemment, on ne voudrait pas que vous manquiez la 508e photo sur laquelle vous apparaissez).

Cette fonctionnalité est facilement désactivable (dans «paramètres puis général» et puis «reconnaissance faciale» et «non» à la question «voulez-vous que Facebook puisse reconnaitre...»), là n’est plus vraiment le problème. Mais savoir que Facebook à la capacité de scanner en un battement de cils l’ensemble des vidéos et photos sur lesquelles une personne est identifiée pour ensuite scanner l’ensemble des photos où cette même personne pourrait potentiellement apparaitre suggère que la plateforme est à la pointe de la technologie en la matière. Et qu’elle est à même de cartographier l’ensemble de vos relations, amicales ou professionnelles, ponctuelles ou quotidiennes et de vérifier si vous n’étiez pas hier en compagnie de telle ou telle fréquentation.

Depuis belle lurette

Etonnamment, ces surprises ne datent pas d’hier. Il suffit pour ça de remonter quelques années en arrière lorsqu’on a constaté que Facebook, via l’application mobile Messenger, avait accès à la liste des contacts enregistrés dans votre téléphone. La synchronisation entre les contacts téléphoniques et l’application Facebook mobile «permet de recouper ses amis sur le réseau social avec les contacts enregistrés sur le smartphone de sorte à les lister dans le carnet d’adresses du mobile […] et Facebook en profite pour «aspirer» les contacts», lit-on déjà en 2011. Si cette liste n’est visible que pour la personne à l’origine de la synchronisation (et non pour l’ensemble des utilisateurs Facebook), qui peut dire ce que l’avenir réserve à cette liste qui figure quelque part sur votre profile?

Par ailleurs, en glanant des informations au sujet de cette synchronisation, je suis tombée sur un fait d’actualité qui m’avait jusqu’alors échappé: tous les messages privés qui sont envoyés sur Messenger sont en réalité scannés et analysés (photos et liens compris) «par mesure de sécurité»: ce passage au crible est une mesure qui permet à Facebook de contrôler et d’enrayer les comportements abusifs (sont cités en exemple les liens porteurs de virus ou la pornographie infantile). Ainsi, cette messagerie dite privée ne l’est que selon une définition approximative et peu commune du privé et même si ne sont pas des personnes avides de connaitre notre vie dans les moindres détails qui lisent un à un nos messages, il n’en reste pas moins que le contenu est analysé et potentiellement sujet à censure.

Quant à (et oui ça ne s’arrête pas, et encore: je ne m’attarde que sur Facebook Inc., je laisse Google et compagnie à d’autres curieux ou curieuses) WhatsApp, la dernière mise à jour qui m’a été suggérée, puis imposée (en effet, on n’a pas vraiment le choix, quand on lit «Acceptez les conditions avant le 9 juin 2018 pour continuer d’utiliser WhatsApp») est loin de m’avoir rassurée.

Déjà, la démission de Jan Koum le second cofondateur de la messagerie WhatsApp n’augurait, à mon sens, rien de bon puisque la raison du différend entre la direction de Facebook et celle de WhatsApp porte depuis toujours sur la protection des données.

En effet, selon le Parisien, le réseau social privilégie une «stratégie de croissance sur une publicité de plus en plus ciblée pour ses utilisateurs» alors que la messagerie instantanée, à l’origine, voulait faire «une application payante, sans pub, avec des données cryptées» et que cette dernière a dû, en 2016, «fournir des numéros de téléphones d’utilisateurs [à sa société mère, Facebook] afin de les utiliser à des fins publicitaires».

Mais pour en revenir à la mise à jour, on peut tout d’abord lire qu’en tant que société affiliée à Facebook «WhatsApp reçoit des informations de la part des entités Facebook et partage des informations» avec ces dernières et que ces éléments sont utilisés «pour exploiter, fournir, améliorer, comprendre, personnaliser, prendre en charge et commercialiser nos Services». Les deux verbes en gras permettent de s’imaginer l’utilisation de nos données.

Si on poursuit la lecture, on trouve quelles sont «les informations collectées automatiquement» (je ne les détaille pas, mais vous donne les captures d’écran où figurent les explications): les informations relatives à l’utilisation et à la connexion, les informations sur l’appareil et données de connexion, les informations de localisation, les cookies, les informations à votre sujet fournies par un tiers, par les entreprises WhatsApp, par les entités Facebook…

Dans le paragraphe «Notre utilisation des informations», à la rubrique «protection et sécurité», il est intéressant de lire: «nous pouvons, par exemple, examiner toute activité suspecte et toute infraction à nos Conditions d’utilisation et nous assurer que nos Services sont utilisés légalement». Tiens, ça ressemble fichtrement au scannage «pour notre sécurité» des messages Messenger, ça… Pourtant on nous dit que tous les messages sont chiffrés de bout en bout et que personne, pas même WhatsApp lui-même, n’y a accès.

Passons cette anomalie. De toute façon le décorticage de ces conditions d’utilisation et mentions légales ne permet pas de savoir exactement à quelle sauce les utilisateurs de WhatsApp sont mangés. Retenons que «à l’heure actuelle, Facebook n’utilise pas les informations de votre compte WhatsApp pour améliorer votre expérience du produit Facebook ou vous offrir des expériences publicitaires plus pertinentes (?) sur Facebook». A l’heure actuelle.

En somme, ce voyage au cœur des textes incommensurablement longs et peu explicites nous permet de savoir cette chose: l’assurance que les choses de l’ordre du privé le soient effectivement sur Facebook et Messenger n’est pas garantie; sur WhatsApp, où les messages sont encore chiffrés de bout en bout, si le privé l’est, pour combien de temps cela le restera-t-il encore? Il faut être clair là-dessus: rien n’est garanti.

En toute légalité

Face à ce constat, certains diront qu’ils quittent Facebook pour retrouver leur vie privée (encore faudrait-il qu’ils quittent les interfaces et produits Google), d’autres prétendront qu’ils n’ont rien à cacher et qu’ils s’en fichent donc pas mal de tout ce que X, Y ou Z peut détenir à leur sujet. Ces derniers se disent que légalement ils ne font rien qui puissent leur porter préjudice (ça, c’est parce qu’ils résident dans des pays où le régime politique en place ne réclame pas l’ensemble des données à WhatsApp ou Facebook, mais c’est une autre question) et qu’ils ne subiront donc guère de censure ou de mauvaise surprise.

C’est probablement, en grande partie, vrai. Mais que faites-vous donc de la vie privée et de l’intimité? Est-ce que toutes les choses que vous faites légalement, vous les feriez aussi si vous étiez exposés au regard d’autrui?

Imaginez que les rideaux de vos fenêtres, les portes de vos chambres et de vos salles de bain, les clés de votre journal intime ou de vos coffres-forts, les enveloppes de vos lettres disparaissent ou n’aient jamais existé: tels Adam et Eve, vous auriez soudainement honte de votre nudité. Tout le monde aurait vu, lu, entendu et retenu les moindres événements de votre vie pendant 1, 2, 3,… 10 ans. Légales ou pas, vous n’auriez pas fait le tiers de vos actions sachant qu’elles pouvaient être observées et analysées, parce que même les afficionadosdes parties de jambes en l’air performées au su et au vu d’une assistance curieuse ou estomaquée ont le loisir de décider quand ils seront (ou pas) observés.

Finalement, le problème de Facebook est là: on n’était pas au courant que les messages privés ne l’étaient pas ou que l’intégralité de nos likes, d’hier et d’aujourd’hui, seraient potentiellement retenus. Qu’ils seraient des tatouages électroniques, comme le dit Juan Enriquez dans sa conférence: capables de dire beaucoup de choses à votre sujet sans que vous n’ayez prononcé un seul mot.

Maintenant qu’on le sait (et c’est d’ailleurs ça que stipulent les différentes mises à jour des conditions d’utilisation: on prend vos infos et aujourd’hui on est obligé de vous le dire), il suffit de n’écrire sur Messenger ou WhatsApp que ce qui pourrait faire l’objet d’un post public: des banalités, ou rien.


Précédemment dans Bon pour la tête

Le flicage des assurés, jusqu’où? - Denis Masmejan

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