Actuel / «Ils n’ont jamais donné leur accord pour être de la chair à canon»
Un véhicule blindé russe détruit et des soldats russes tués lors d'une offensive ukrainienne dans la région de Donetsk, le 1er avril dernier. © armyinform.com.ua
Depuis le début de la guerre en Ukraine, les refus de servir émanant de militaires et de représentants des forces spéciales russes se multiplient. Les réseaux sociaux et les médias russes qui diffusent depuis l’étranger font état de plusieurs centaines de cas. Pourquoi et comment ces refus ont-ils lieu?
Sophie Perrelet, Geneviève Piron et Jil Silberstein, auteurs de l'initiative «Russie-Ukraine Les voix de la société civile», 10 avril 2022.
Formellement, rappelons qu’il n’y a pas de guerre entre l’Ukraine et le Russie (les autorités russes interdisent ce mot et présentent l’agression comme une «opération spéciale»). Par conséquent les ordres de mission pour l’Ukraine manquent de légalité. Le plus souvent, ces ordres de services ne sont pas même consignés sur un document (il semblerait que de nombreuses recrues mal informées aient également signé des contrats sous la contrainte). Le mensonge et le déni qui règnent dans les sphères du pouvoir se répercutent donc sur le moral des troupes, qui se retrouvent face à l’arbitraire dans un flou juridique total.
Au début de la guerre, douze OMON de la région de Krasnoïarsk ont refusé de partir. Tous motivaient ce refus par le fait que leur contrat ne contenait aucune mention d’une possible mission au-delà des frontières. Le 24 mars dernier, ils ont été licenciés, sans suite pénale – un événement qui n’a pas manqué de faire grand bruit dans la sphère civile
Sur les réseaux sociaux, des activistes anti-guerre, tout en fournissant des liens vers des ressources et des contacts avec des avocats bénévoles, ont diffusé cette information et incité les forces de l’ordre à refuser de servir en suivant cet exemple, pour se protéger et défendre leurs droits.
Responsable d’un site d’information et de défense des droits des militaires, Maxime Grebeniouk rapporte qu’aujourd’hui, dans les locaux des procureurs et des juges des régions frontalières de l’Ukraine, les demandes de refus de servir «forment des piles qui vont jusqu’au plafond»: «Ils ne savent pas quoi en faire, parce que ces documents sont établis et qu’ensuite, il n’y a nulle part où les envoyer; alors ils menacent leurs auteurs de poursuites pénales» (qui sont illégales1).
Parmi ces rapports, les journalistes de Mediazon ont lu celui d’un chauffeur de camion du FSB qui s’est retrouvé dans des combats en Ukraine, alors qu’il n’avait reçu aucune indication sur le type de «mission» à laquelle on l’envoyait. «Mon travail dans ce pays est totalement infondé, argumente-t-il, il met ma santé et ma vie en danger.»
Un autre chauffeur militaire envoyé en «mission spéciale» raconte s’être retrouvé sous les tirs: «Les pertes en hommes et en matériel qui avaient lieu sous mes yeux m’ont fait comprendre qu’on nous avait envoyés au cœur des actions armées, là où la mort serait inévitable.»
«Ces hommes sont souvent envoyés dans des camions recouverts d’une bâche, les balles sifflent littéralement autour d’eux, raconte leur défenseur, si bien que même ceux qui ont fait la Tchétchénie, et qu’on ne peut pas vraiment traiter de froussards, comprennent que ça ne va pas: ils n’ont jamais donné leur accord pour être de la chair à canon! Alors, beaucoup refusent de partir.»
Certaines unités ne sont pas préparées à la guerre. C’est le cas des troupes de la police anti-émeute, souples et mobiles, qu’on emploie en Ukraine pour sécuriser des prises militaires stratégiques – comme des gares – et qui ne sont ni formées ni équipées pour le combat. Ces hommes sont frustrés de devoir opérer sous les tirs face à des militaires ukrainiens lourdement armés.
Dès les premiers jours de la guerre, des recrues ont envoyé des vidéos et des messages de type «maman, c’est l’horreur, on m’a envoyé en Ukraine…» (messages ensuite interrompus par un silence inquiétant). Ces communications ont provoqué l’effroi: le ministre de la Défense avait pourtant promis de ne mobiliser que des professionnels pour cette «opération spéciale». Très vite, les Ukrainiens ont renforcé l’angoisse des familles en publiant un site accompagné d’une hotline intitulés «Rentre vivant d’Ukraine2». En contrepoint du silence et des mensonges russes, le Ministère de la Défense ukrainien offre des ressources permettant de s’informer sur le sort de soldats disparus, d’échanger brièvement avec un prisonnier ou de récupérer un corps. La crainte généralisée est que les familles russes ne récupèrent jamais même les cercueils de zinc.
Pendant ce temps, à Saint-Pétersbourg, le Comité des Mères de soldats reçoit toujours plus de demandes d’information, en premier lieu de familles qui ont perdu la trace d’un jeune.
Le Comité des Mères de soldats s’est fait connaître pendant la première guerre de Tchétchénie quand plus de cent mères de jeunes recrues se sont engagées à partir rechercher leurs fils, allant parfois jusqu’à s’opposer physiquement aux chars. Elles se sont mobilisées sans relâche pour obtenir des informations, faire respecter les droits, parfois obtenir le corps de ces jeunes. Comme pour toute la société civile, les activités du Comité des Mères de soldats ont été progressivement étouffées jusqu’à ce que, en octobre 2021, les autorités déclarent secrètes les données ayant trait aux militaires. Le Comité est toujours actif, mais cette mesure récente du FSB ne lui permet plus de défendre les droits des individus – et donc d’empêcher les soldats de disparaître en-dehors des radars. Le Comité en est réduit à informer sur les moyens de se protéger contre les abus, mais sa directrice se plaint de l’apathie et du manque de résistance des mères, rapidement découragées par les obstacles3.
Les rumeurs qui circulent évoquent la crainte que soit déclarés l’état de guerre ou une mobilisation générale4. Alors, les minces champs d’action encore autorisés aux défenseurs de la population seraient définitivement minés, laissant la main libre à un Etat virant un peu plus radicalement au mode totalitaire.
1Nikita Sologoub, Mediazon, 6 avril 2022: «Personne n’a accepté d’être de la chair à canon», récit d’un ombudsman militaire sur ces Russes qui refusent de servir (leur nombre s’élève déjà à des centaines).
226 février
3Source ici.
4Source ici.
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Alors, beaucoup refusent de partir.»</p> <p>Certaines unités ne sont pas préparées à la guerre. C’est le cas des troupes de la police anti-émeute, souples et mobiles, qu’on emploie en Ukraine pour sécuriser des prises militaires stratégiques – comme des gares – et qui ne sont ni formées ni équipées pour le combat. Ces hommes sont frustrés de devoir opérer sous les tirs face à des militaires ukrainiens lourdement armés.</p> <p>Dès les premiers jours de la guerre, des recrues ont envoyé des vidéos et des messages de type «maman, c’est l’horreur, on m’a envoyé en Ukraine…» (messages ensuite interrompus par un silence inquiétant). Ces communications ont provoqué l’effroi: le ministre de la Défense avait pourtant promis de ne mobiliser que des professionnels pour cette «opération spéciale». Très vite, les Ukrainiens ont renforcé l’angoisse des familles en publiant un site accompagné d’une hotline intitulés «Rentre vivant d’Ukraine<strong><sup>2</sup></strong>»<sup></sup>. En contrepoint du silence et des mensonges russes, le Ministère de la Défense ukrainien offre des ressources permettant de s’informer sur le sort de soldats disparus, d’échanger brièvement avec un prisonnier ou de récupérer un corps. La crainte généralisée est que les familles russes ne récupèrent jamais même les cercueils de zinc.</p> <p>Pendant ce temps, à Saint-Pétersbourg, le Comité des Mères de soldats reçoit toujours plus de demandes d’information, en premier lieu de familles qui ont perdu la trace d’un jeune. </p> <p>Le Comité des Mères de soldats s’est fait connaître pendant la première guerre de Tchétchénie quand plus de cent mères de jeunes recrues se sont engagées à partir rechercher leurs fils, allant parfois jusqu’à s’opposer physiquement aux chars. Elles se sont mobilisées sans relâche pour obtenir des informations, faire respecter les droits, parfois obtenir le corps de ces jeunes. Comme pour toute la société civile, les activités du Comité des Mères de soldats ont été progressivement étouffées jusqu’à ce que, en octobre 2021, les autorités déclarent secrètes les données ayant trait aux militaires. Le Comité est toujours actif, mais cette mesure récente du FSB ne lui permet plus de défendre les droits des individus – et donc d’empêcher les soldats de disparaître en-dehors des radars. Le Comité en est réduit à informer sur les moyens de se protéger contre les abus, mais sa directrice se plaint de l’apathie et du manque de résistance des mères, rapidement découragées par les obstacles<strong><sup>3</sup></strong>.</p> <p>Les rumeurs qui circulent évoquent la crainte que soit déclarés l’état de guerre ou une mobilisation générale<strong><sup>4</sup></strong>. Alors, les minces champs d’action encore autorisés aux défenseurs de la population seraient définitivement minés, laissant la main libre à un Etat virant un peu plus radicalement au mode totalitaire.</p> <hr /> <h4><sup>1</sup>Nikita Sologoub, <em>Mediazon</em>, 6 avril 2022: «<a href="https://zona.media/article/2022/04/06/ombudsman" target="_blank" rel="noopener">Personne n’a accepté d’être de la chair à canon</a>», récit d’un ombudsman militaire sur ces Russes qui refusent de servir (leur nombre s’élève déjà à des centaines).</h4> <h4><sup>2</sup><a href="http://dia.dp.gov.ua/ru/servis-vernis-zhivym-iz-ukrainy-dlya-plennyx-rossijskix-soldat-i-ix-materej/" target="_blank" rel="noopener">26 février</a></h4> <h4><sup>3</sup><a href="https://meduza.io/feature/2022/03/08/sdelayut-pohorony-s-pochestyami-pamyatnuyu-dosku-v-shkole-i-vse" target="_blank" rel="noopener">Source ici</a>.</h4> <h4><sup>4</sup><a href="https://takiedela.ru/notes/zashhiti-sebya-sam/" target="_blank" rel="noopener">Source ici</a>.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'ils-n-ont-jamais-donne-leur-accord-pour-etre-de-la-chair-a-canon', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 313, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'attachments' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, 'relatives' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) {} ], 'embeds' => [], 'images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'audios' => [], 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'author' => 'Bon pour la tête', 'description' => 'Depuis le début de la guerre en Ukraine, les refus de servir émanant de militaires et de représentants des forces spéciales russes se multiplient. 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Comme pour toute la société civile, les activités du Comité des Mères de soldats ont été progressivement étouffées jusqu’à ce que, en octobre 2021, les autorités déclarent secrètes les données ayant trait aux militaires. Le Comité est toujours actif, mais cette mesure récente du FSB ne lui permet plus de défendre les droits des individus – et donc d’empêcher les soldats de disparaître en-dehors des radars. Le Comité en est réduit à informer sur les moyens de se protéger contre les abus, mais sa directrice se plaint de l’apathie et du manque de résistance des mères, rapidement découragées par les obstacles<strong><sup>3</sup></strong>.</p> <p>Les rumeurs qui circulent évoquent la crainte que soit déclarés l’état de guerre ou une mobilisation générale<strong><sup>4</sup></strong>. 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Cette déclaration est catégorique : « La guerre non provoquée et injustifiable de la Russie contre l’Ukraine, soutenue par le gouvernement biélorusse, est répugnante et constitue une violation flagrante de ses obligations internationales. » Ainsi, du point de vue sportif et diplomatique, la Russie se retrouve isolée.</p> <h3>La création d’un nouvel ordre mondial du sport ?</h3> <p>Dans les paroles et les actions, le pouvoir russe privilégie depuis le début de l’invasion la création d’un pôle sportif alternatif à l’échelle mondiale pour contrer les institutions sportives internationales traditionnelles telles que le CIO ou la Fifa.</p> <p>En pratique, cela impliquerait de se passer du sport mondial, de le remplacer ou de rivaliser avec lui. En Russie, par exemple, l’idée de diviser le mouvement olympique gagne du terrain. Il s’agirait de séparer les Jeux en deux parties : à l’Ouest, les Jeux occidentaux, et à l’Est, les Jeux russes « traditionnels ». Ces Jeux à la russe se dérouleraient en été en Crimée et en hiver à Sotchi. Ils puiseraient leur légitimité dans les liens historiques plus ou moins confirmés de ces régions avec la Grèce antique. En 2007, pour obtenir les Jeux de Sotchi, Vladimir Poutine avait rappelé aux membres du CIO que « les Grecs anciens ont vécu près de Sotchi. J’ai vu le rocher près de Sotchi où, selon la légende, Prométhée était enchaîné. Prométhée qui a donné le feu aux hommes, le feu qui est finalement la flamme olympique ». Depuis, l’argument du mythe est souvent utilisé pour évoquer cette région russe, composée du Caucase et de la péninsule de Crimée. Selon Vladimir Poutine, ces terres sont sacrées et pourraient servir de cadre à un nouvel ordre mondial du sport.</p> <figure><iframe frameborder="0" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/o8WjPYcA0lY?wmode=transparent&start=0" width="440"></iframe></figure> <p>Dans le cadre de ce scénario et pour rivaliser politiquement et sportivement avec succès avec le mouvement olympique, le pouvoir russe cherche déjà des alliés […]. L’objectif est de solliciter les pays membres de la CEI, de l’Organisation de coopération de Shanghai et les BRICS pour qu’ils participent à cette ambition. Ces trois organisations regroupent plusieurs acteurs majeurs du sport mondial, parmi lesquels la Chine occupe une place de choix. Si ce projet russe réussissait, il pourrait donner naissance à un nouvel ordre mondial du sport destiné à rivaliser avec les institutions historiques du sport moderne telles que le CIO ou la Fifa. Concomitante à une dynamique plus générale de désoccidentalisation du monde, cette influence dépasse très largement le cadre sportif.</p> <h3>Le sport ukrainien, c’est la guerre avec les balles</h3> <p>Depuis le 24 février 2022, pour Volodymyr Zelensky et l’Ukraine, le sport, c’est la <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/culturesmonde/le-sport-c-est-la-guerre-les-fusils-en-moins-g-orwell-1945-2-4-la-guerre-un-sport-comme-les-autres-7282852">guerre avec les balles</a>. En effet, à l’heure du conflit russo-ukrainien, le domaine sportif en Ukraine a subi une transformation significative.</p> <p>Initialement, au lendemain de l’invasion et sur une période de moins de deux mois, les autorités nationales ont suspendu l’ensemble des activités sportives en Ukraine. L’accent était alors mis sur l’effort de guerre, et les installations sportives ont été utilisées par les militaires ukrainiens comme bases de repli ou de déploiement. Cela explique pourquoi les installations sportives, telles que les stades ou les gymnases, sont souvent la cible des forces russes, car elles pourraient potentiellement abriter des unités ukrainiennes entières.</p> <p>Par la suite, lorsque l’armée russe a commencé à faire du surplace voire à reculer sur le terrain, le secteur sportif ukrainien a pris une nouvelle orientation. Certains clubs de football ont obtenu la permission de jouer des matchs de charité à l’étranger, malgré la loi martiale interdisant aux hommes âgés de 18 à 60 ans de quitter le territoire. Ces matchs visaient à sensibiliser à la cause ukrainienne. De même, les athlètes en préparation pour d’importantes compétitions ont pu s’entraîner à l’étranger.</p> <p>Par exemple, l’équipe nationale de football a été autorisée à s’entraîner en Slovénie pendant un mois en mai 2022 en vue des qualifications pour la Coupe du monde de football 2022 au Qatar. Ainsi, le soft power sportif a contribué symboliquement à l’effort de guerre. Les autorités estimaient qu’un athlète ukrainien était plus utile sur le terrain sportif que sur le front militaire. Selon elles, il offrait un double avantage en donnant à l’Ukraine une visibilité internationale et en pouvant potentiellement rehausser le moral des troupes déployées sur le terrain. Cette dimension ne doit pas être sous-estimée : une victoire sportive pour un athlète ukrainien procurait aux soldats, qui suivaient régulièrement les matchs et les résultats, un certain espoir et un regain de moral.</p> <p>À partir de la mi-juin 2022, le sport à l’échelle nationale a progressivement retrouvé sa place, bien que dans des conditions exceptionnelles. Par exemple, la Première Ligue ukrainienne de football a obtenu l’autorisation de débuter la saison 2022-2023 fin août. Toutefois, les règles ont été adaptées à la situation du moment. Les spectateurs ne sont plus autorisés à assister aux matchs, et ceux-ci nécessitent une autorisation systématique de l’administration militaire pour avoir lieu. Si une alerte de raid aérien potentiel retentit dans un rayon de moins de 500 mètres, le match est interrompu et les joueurs se réfugient dans les vestiaires, ce qui se produit régulièrement. Après un an et demi de guerre, aucun footballeur ukrainien n’a été blessé. Cependant, certains matchs ont duré plus de cinq heures au total.</p> <p>Paradoxalement, l’Ukraine continue de participer activement aux événements sportifs européens et mondiaux. Chaque compétition internationale offre l’opportunité aux autorités de promouvoir les intérêts du pays dans un contexte de guerre. De plus, certains clubs ukrainiens sont accueillis par les alliés géopolitiques les plus proches de l’Ukraine. Par exemple, le Dynamo Kyiv s’entraîne et joue certains de ses matchs à Cracovie, en Pologne. Dnipro, quant à lui, joue et s’entraîne à Košice, en Slovaquie, de manière permanente. En général, de nombreux athlètes et entraîneurs ukrainiens, actifs ou non, ont choisi de rejoindre le front dans l’est de l’Ukraine, mettant leur carrière en suspens. Le cas emblématique est peut-être celui de Yuriy Vernydub, entraîneur ukrainien du Sheriff Tiraspol, qui est parti au front dès le lendemain de l’invasion. Il est important de noter que ces professionnels du sport proviennent souvent de divisions sportives moins importantes. En effet, les athlètes de renom préfèrent généralement contribuer à l’effort de guerre d’un point de vue sportif et symbolique.</p> <p>Le cas des supporters des clubs ukrainiens est également notable. Depuis 2014 et surtout depuis l’invasion russe en Ukraine, de nombreux ultras ont rejoint le front pour combattre ensemble, mettant de côté leur rivalité sportive. En temps de paix rivaux, les supporters du Shakhtar Donetsk et du Dynamo Kyiv combattent ensemble contre leur ennemi commun.</p> <h3>La stratégie politique et sportive de Volodymyr Zelensky après l’invasion russe</h3> <p>Depuis le 24 février 2022, la stratégie internationale de Volodymyr Zelensky s’est intensifiée dans le domaine sportif, trouvant écho dans l’espace médiatique mondial. Les ministères, les organisations privées et le comité olympique ukrainien, tous les organes politiques, économiques et sportifs du pays sont mobilisés pour transmettre un message : l’exclusion de la Russie doit durer tant que l’invasion se poursuit.</p> <figure><iframe frameborder="0" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/YQiSJ3AO5CI?wmode=transparent&start=0" width="440"></iframe></figure> <p>Le hashtag #boycottrussiansport en est devenu le symbole. De manière concrète, les arguments ukrainiens peuvent être résumés en cinq points. La Russie devrait être exclue des événements sportifs mondiaux et des Jeux olympiques de Paris 2024 car elle est un État envahisseur et terroriste ; les athlètes russes sont de quelque manière liés à l’État russe ou à l’armée russe ; le régime de Vladimir Poutine exploite le sport à des fins de propagande ; dans de telles conditions, l’équité des compétitions sportives (Jeux olympiques, Coupe du monde, etc.) ne peut être maintenue ; les athlètes ukrainiens perdent la vie au front ou ne peuvent pas s’entraîner convenablement pour les grandes compétitions internationales, par conséquent la Russie et la Biélorussie ne devraient pas être autorisés à y participer.</p> <p>Pour diffuser ces arguments, le gouvernement ukrainien utilise divers canaux. Tout comme Volodymyr Zelensky utilise son smartphone pour communiquer avec différentes générations, les principaux porte-parole du sport ukrainien exploitent les canaux et les codes contemporains pour diffuser leur message. Les réseaux sociaux tels que TikTok, Facebook ou Instagram sont fréquemment utilisés pour diffuser des propos politiques liés au sport. On peut souvent voir circuler des vidéos de quelques secondes transmettant un message percutant. Par exemple, l’une de ces vidéos virales montre un athlète russe lançant un javelot dans les airs. Le javelot se transforme ensuite en obus, suit la trajectoire de l’athlète et finit par s’écraser sur un bâtiment ukrainien. Un message s’affiche alors à l’écran : « Boycott Russian Sport. »</p> <h4 style="text-align: center;"><a href="https://images.theconversation.com/files/592021/original/file-20240503-16-h8q7b1.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/592021/original/file-20240503-16-h8q7b1.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a></h4> <h4 style="text-align: center;"><em><span>Ces extraits sont issus de « La Guerre du sport. Une nouvelle géopolitique » de Lukas Aubin et Jean-Baptiste Guégan, qui vient de paraître aux éditions Tallandier.</span></em></h4> <p>En général, tous les médias sont utilisés par l’Ukraine pour défendre ses intérêts. Par exemple, le site web du ministère ukrainien de la Jeunesse et des Sports est en ukrainien, mais une bannière en gras et en anglais apparaît en haut de la page, indiquant : <a href="https://mms.gov.ua/russian-and-belarusian-athletes-who-support-the-war-in-ukraine">« Russian and Belarusian athletes who support the war in Ukraine. »</a> la bannière, les internautes ont accès à une liste d’athlètes russes et biélorusses soutenant officiellement l’invasion russe en Ukraine. Le compte Facebook du ministère suit la même approche, avec une bannière principale affichant à nouveau le hashtag #boycottrussiansport, cette fois-ci en lettres sanglantes.</p> <p>Pour avoir un impact encore plus fort, le Comité des sports d’Ukraine (SKU), chargé de promouvoir le développement des sports non olympiques, a lancé le projet Angels of Sport via un site web recensant les athlètes et entraîneurs ukrainiens professionnels décédés au combat depuis le 24 février 2022.<img src="https://counter.theconversation.com/content/229262/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <p> </p> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/lukas-aubin-910318">Lukas Aubin</a>, Docteur en Études slaves contemporaines : spécialiste de la géopolitique de la Russie et du sport, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/universite-paris-nanterre-universite-paris-lumieres-2294">Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières</a></em> et <a href="https://theconversation.com/profiles/jean-baptiste-guegan-234426">Jean-Baptiste Guégan</a>, Enseignant en géopolitique du sport, journaliste et consultant, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/geopolitique-du-sport-laffrontement-entre-la-russie-et-lukraine-229262">article original</a>.</h4> <h4><em>Lukas Aubin, directeur de recherche à l’IRIS, spécialiste de la géopolitique de la Russie et du sport et membre associé du Centre de Recherches Pluridisciplinaires Multilingues (CRPM) à l’université Paris-Nanterre, et Jean-Baptiste Guégan, expert en géopolitique du sport et enseignant à Sciences Po Paris, viennent de publier aux éditions Tallandier</em> <a href="https://www.tallandier.com/livre/la-guerre-du-sport/">La Guerre du Sport, une nouvelle géopolitique</a>, <em>un ouvrage complet qui met en lumière l’influence des grands enjeux internationaux sur un un monde du sport à l’apolitisme de plus en plus illusoire. 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Il y voyait un moyen efficace de lutter contre les maladies dues à une carence en vitamine A, très répandues en Asie du Sud-Est et qui peuvent entraîner la cécité, voire la mort. Potrykus était alors loin de se douter qu'un tribunal philippin retoquerait son invention un an et demi après son autorisation.</p> <h3>Syngenta acquiert des droits de brevet</h3> <p>La route a été longue jusqu'à la première récolte du riz doré: en 1999 déjà, Potrykus et son collègue Peter Beyer avaient présenté un prototype. Celui-ci contenait des gènes de jonquille qui produisaient de la provitamine A dans le grain de riz et le faisaient ainsi briller d'un jaune doré. En 2005, les chercheurs avaient développé une deuxième variante en collaboration avec le géant de l'agroalimentaire Syngenta. 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En effet, le corps humain n'utiliserait la provitamine A que s'il dispose de suffisamment de graisse, ce qui, selon Greenpeace, n'est souvent pas le cas chez ces personnes. De plus, il y aurait un risque que le riz génétiquement modifié, une fois introduit dans le champ, se reproduise de manière autonome, se propage et contamine ainsi d'autres variétés de riz. En raison de ces doutes, il a fallu attendre 16 ans de plus pour que les autorités philippines en charge de la biosécurité donnent finalement le feu vert à la culture du riz doré en 2021.</p> <h3>Le tribunal révoque l’autorisation</h3> <p>Mais aujourd'hui, une nouvelle décision de justice met déjà un frein à la propagation de la variété de riz transgénique. Ainsi, une Cour d'appel philippine a révoqué l'autorisation le 17 avril dernier en se référant au principe de précaution: «En l'absence de consensus scientifique sur la sécurité du riz doré, il ne devrait plus être cultivé à des fins commerciales». L'interdiction s'étend en outre à la culture d'une aubergine génétiquement modifiée. La culture commerciale de ces variétés n'est pas autorisée «jusqu'à ce que les autorités gouvernementales concernées apportent la preuve de la sécurité et du respect de toutes les exigences légales», précise le tribunal.</p> <p>Le tribunal a aussi relevé que le gouvernement n'avait pas mis en place de mécanismes de surveillance pour assurer la sécurité de la culture et de la consommation du riz doré. Le jugement met donc pour l'instant à l’arrêt de nouveaux essais menés en plein champ, dans des serres ou des champs ouverts.</p> <p>Ce jugement intervient après que l'association d'agriculteurs philippins MASIPAG a porté plainte, avec d'autres organisations, contre l'autorisation de cultiver du riz doré. La plainte, déposée en 2022, se base sur un instrument juridique philippin appelé Writ of Kalikasan. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
3 Commentaires
@Boas Erez 15.04.2022 | 08h03
«Cet article est très précieux car il déconstruit la propagande russe, et montre qu’il y a des voies de résistance non violentes à un pouvoir sans scrupules. Le choix des mots est important et on ne peut pas les utiliser sans qu’ils aient un effet, souvent inattendu. Dans un premier temps, substituer le mot “guerre” par “opération spéciale” peut sembler habile, mais—comme cela est montré ici—le mensonge ne tient pas longtemps. »
@Ciufetta 26.05.2022 | 18h42
«Bravo pour cet article, que je lis très tard, pardon! Il montre enfin certains des vrais enjeux de cette "opération" pour la Russie, et les Russes pour ce qu'ils sont vraiment dans leur immense majorité : des victimes. Une remarque après avoir lu la note 4 : il me semblait que les Russes ayant fait des études supérieures étaient exemptés du service (sauf mobilisation générale). En tous cas, les exemptions pour raisons médicales ont l'air assez floues... C'est terrible à dire, mais que l'ensemble de la population russe se sache directement concernée, c'est peut-être cela qui peut déclencher une réponse suffisamment puissante, le refus de cette aventure folle dans laquelle on l'entraîne de force...»
@stef 14.10.2022 | 15h51
«@Ciufetta: toute recrue de tous pays peut être entraîné dans ce type d'action, y compris en Suisse, où le service militaire est obligatoire.
Le refus de servir est aussi puni très sévèrement en Suisse !»