Actuel / «Il n’y a pas de données scientifiques qui justifient les mesures coercitives»
Michael Esfeld. © DR
Michael Esfeld est professeur de philosophie à l’Université de Lausanne. Chercheur, il s’intéresse aux liens entre science et philosophie, entre corps et esprit. Dans cet interview, il affirme qu’aucune donnée scientifique ne justifie l’empiètement des libertés.
Professeur de philosophie à l’Université de Lausanne, Michael Esfeld est un chercheur réputé en ce qui concerne la philosophie des sciences et la philosophie de l’esprit. Il s’intéresse ainsi aux liens entre science et philosophie et entre corps et esprit. Attaché à la raison autant qu’à la liberté, toutes deux héritées des Lumières, il dénonce dans un article publié récemment sur le site de l’Institut libéral le manque de pesée des «pour» et des «contre» concernant les mesures coercitives prises par le gouvernement suisse. Plus fondamentalement, il affirme qu’aucune donnée scientifique ne justifie l’empiètement des libertés et s’inquiète de ce qu’il qualifie de tendance «scientiste». Voici la parole importante et libre d’un scientifique sérieux pour qui tout dogmatisme scientifique est une insulte faite à la vérité.
Dans votre article «Sciences et Lumières durant la crise du coronavirus», vous suggérez que les effets négatifs dus aux mesures sanitaires seraient plus importants que leurs effets positifs. Quels sont ces effets négatifs et comment les mesurer?
Il y a des effets négatifs sur trois plans au moins: sanitaire (p. ex. traitement de maladies reporté, augmentation des maladies psychiques, accroissement du nombre de suicides, augmentation du stress en général et l’on sait que cela se traduira dans l’augmentation de cas de cancer dans les années à venir); social (p. ex. réduction de l’égalité de chances parce que seules des familles d’une couche sociale élevée peuvent se retirer en télétravail et faire l’école à domicile avec leurs enfants); économique (p. ex. par rapport aux pays occidentaux, on sait qu’il y a une corrélation étroite entre croissance économique et gain des années de vie; dans les pays en développement, on observe une croissance de pauvreté, tandis que celle-ci était drastiquement réduite dans les décennies précédentes, avec comme conséquences une augmentation du taux de mortalité des enfants, des maladies non-traitées, etc.). On peut mesurer tout cela avec les méthodes statistiques habituelles, à savoir en comparant les données des années précédentes avec les données que l’on reçoit dès maintenant au fur et à mesure et en faisant des prédictions sur la base des effets connus des crises économiques précédentes.
Comment expliquer la place prépondérante laissée aux scientifiques dans les processus de décisions du Conseil fédéral (en ce qui concerne la gestion du covid-19)?
Ces mesures sont motivées par de la panique et par une tendance – inhérente à tout gouvernement central – à vouloir contrôler le comportement de la population. Les gouvernements se cachent derrière des scientifiques qui sont apparemment enthousiastes d’acquérir du pouvoir politique sans aucune légitimation démocratique et qui ne respectent pas les normes de la science dans la production et la vulgarisation des connaissances. C’est un fait qu’il n’y a simplement pas de données scientifiques qui justifient les mesures coercitives prises par les gouvernements. Il serait également utile de montrer un peu de conscience historique, en se rappelant la manière dont on a géré des situations pareilles dans le passé, par exemple la grippe de Hong Kong en 1968-70.
Y a-t-il des précédents historiques à cette situation où l’on a presque exclusivement entendu parler de santé durant un an?
Oui, bien sûr, mais ce sont des situations qu’on ne veut pas se rappeler aujourd’hui: dans les années 1920, par exemple, on entendait des scientifiques recommandant des mesures d’eugénisme pour sauver nos populations de ce qui était considéré comme des mauvaises gènes à se reproduire. Cette situation a mené à des violations graves des droits de l’homme, aussi dans des pays démocratiques, par exemple sous forme de stérilisations imposées. Il faut se rendre compte que dans ces situations historiques comme dans la situation actuelle, il n’y a pas LA science. Il y a toujours eu des discussions à l’intérieur de la science. Dans une société démocratique et pluraliste comme la nôtre, la science n’est pas un bloc monolithique. Il y a aussi un pluralisme en science – sur une base commune de respecter les données empiriques, les méthodes d’inférence et d’argumentation, bien sûr. Les gouvernements ont tendance à écouter et à présenter comme LA science uniquement les scientifiques qui sont disposés à abuser de la science pour légitimer l’augmentation du pouvoir des gouvernements centraux – étant donné le fait qu’une légitimation démocratique d’une telle augmentation du pouvoir est absente.
Au niveau plus philosophique, vous décrivez une tension inhérente aux Lumières entre droits individuels inaliénables et pouvoir de la science. Expliquez-nous cette tension.
La tension inhérente aux Lumières est celle d’une libération de l’Homme d’une part qui implique que chaque être humain est doté de raison et de libre arbitre et peut utiliser sa raison pour prendre ses propres décisions et, d’autre part, l’idée que la science peut prendre la place de la religion en fournissant des connaissances qui prescrivent ces décisions. Des exemples de cette dernière sont de prime abord l’idéologie communiste et l’eugénisme.
Vous qualifier la tendance actuelle de «scientiste». Qu’entendez-vous par là?
Le scientisme est un terme technique qui signifie la réclamation de connaissances scientifiques qui sont en mesure de prescrire à la société et aux familles jusqu’aux individus comment conduire leur vie.
La majorité des scientifiques est-elle scientiste d’après vous?
Ceux qui endossent explicitement le scientisme sont une petite minorité. Le scientisme a été abandonné suite aux crimes contre l’humanité commis par le communisme, l’eugénisme, etc. Le problème est que dans la situation actuelle, le scientisme est de retour sans qu’on s’en rende compte. La réaction irréfléchie de vouloir répondre à une crise en installant une planification centrale de la société jusqu’à la vie des individus et en mettant ainsi en suspens des droits de l’homme fondamentaux reste apparemment ancrée dans certains milieux. On oublie simplement que dans le passé, cette réaction a toujours mené à de grandes souffrances. Au lieu de garder une tête calme et claire, on cherche à répondre à une crise en causant beaucoup plus de mal que la crise pourrait en engendrer même dans le scénario le plus pessimiste. Il est apparemment difficile de se rendre compte de cette leçon que l’histoire nous enseigne.
Vous montrez que la question de l’efficacité du confinement, par exemple, est débattue au sein même des épidémiologistes. Certes, la plupart des médias ne nous donnent guère cette impression. Mais est-ce vraiment souhaitable que ces débats soient connus? N’est-ce pas une stratégie consciente du «système» – et salutaire – pour faire respecter les mesures?
Ce n’est que dans un Etat totalitaire que l’on impose des mesures coercitives au moyen de propagande. Une société ouverte et un état démocratique supposent un débat dans lequel on considère les données empiriques, les cas historiques, etc. et où l’on s’engage dans un processus d’examen et d’essai de plusieurs stratégies pour gérer la crise. Il faut simplement se rendre compte du fait que la science est aussi ouverte que la société.
Y a-t-il d’autres sujets d’actualité où le philosophe que vous êtes déplorez qu’on présente comme des certitudes des choses qui n’en sont pas?
Le changement climatique est évidemment un tel exemple: c’est un fait que le changement climatique a lieu et qu’on observe une corrélation étroite entre l’émission de CO2 et l’augmentation globale de la température depuis la révolution industrielle. Mais les faits s’arrêtent là. A nouveau, c’est une discussion ouverte dans la science comme dans la société de savoir comment réagir face à ces faits avec plusieurs stratégies de réaction possibles, qu’on peut soutenir avec des données empiriques et des arguments fondés. C’est une illusion de croire que certains scientifiques possèdent un savoir normatif privilégié pour la manière de gérer cette situation.
Pour citer un philosophe, David Hume avait bien montré qu’on ne peut pas passer logiquement d’énoncés factuels («Il est le cas que…») à des énoncés normatifs («Il faut …») En somme, les faits se trouvent ou s’attestent, tandis que les normes se discutent. Déplorez-vous un manque global de débat au sein de la société?
Oui, il y a un manque de débat global au sein de la société sur des questions fondamentales qui concernent notre avenir. L’idée semble être séduisante que l’on puisse éviter de faire face à un tel débat en déléguant les décisions à certains experts (et, bien sûr, il ne manque pas de personnes qui se réclament d’être de tels experts et de saisir le pouvoir qui vient avec ce statut).
La dérive scientiste que vous dites constater explique-t-elle selon vous la méfiance importante et sans doute grandissante d’une certaine partie de la population à l’égard du vaccin, de la science et même de la vérité de manière générale?
C’est en effet la réaction qu’on engendre si les scientifiques ne se limitent pas à la recherche de connaissances empiriques, mais réclament de posséder un savoir normatif qui leur permet de prescrire à la société jusqu’aux familles et aux individus ce qu’il faut faire. Bien sûr, ceux qui ne sont pas disposés de se laisser priver de leur liberté, leur dignité et leurs droits fondamentaux par une telle science ont tendance à réagir en se tournant contre la science. Pour sauver la science et sa place légitime dans la société, il faut que les scientifiques arrêtent de se réclamer de connaissances normatives qu’ils ne possèdent pas.
Vous qui vous intéressez beaucoup à la question de la dualité du corps et de l’esprit, quelle est votre vision philosophique de l’être humain et du bonheur? Dans quelle mesure imprègne-t-elle vos réflexions sur des sujets tels que celui de notre entretien?
Ce qui distingue l’être humain, c’est d’être doté de liberté et de raison – les deux vont ensemble: une liberté qui ne se baserait pas sur la raison ne serait pas une liberté, mais l’esclave de passions momentanées. Cette liberté implique qu’il n’y a pas de notion universelle de bonheur. C’est là l’erreur primordiale, de penser d’avoir des connaissances qui déterminent ce qui est le bonheur général et d’essayer ensuite d’imposer ce «bonheur» aux gens. C’est qui a engendré les souffrances les plus graves dans l’histoire, surtout dans l’histoire du XXe siècle.
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Il faut se rendre compte que dans ces situations historiques comme dans la situation actuelle, il n’y a pas LA science. Il y a toujours eu des discussions à l’intérieur de la science. Dans une société démocratique et pluraliste comme la nôtre, la science n’est pas un bloc monolithique. Il y a aussi un pluralisme en science – sur une base commune de respecter les données empiriques, les méthodes d’inférence et d’argumentation, bien sûr. Les gouvernements ont tendance à écouter et à présenter comme LA science uniquement les scientifiques qui sont disposés à abuser de la science pour légitimer l’augmentation du pouvoir des gouvernements centraux – étant donné le fait qu’une légitimation démocratique d’une telle augmentation du pouvoir est absente.</p> <p><strong>Au niveau plus philosophique, vous décrivez une tension inhérente aux Lumières entre droits individuels inaliénables et pouvoir de la science. 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Le scientisme a été abandonné suite aux crimes contre l’humanité commis par le communisme, l’eugénisme, etc. Le problème est que dans la situation actuelle, le scientisme est de retour sans qu’on s’en rende compte. La réaction irréfléchie de vouloir répondre à une crise en installant une planification centrale de la société jusqu’à la vie des individus et en mettant ainsi en suspens des droits de l’homme fondamentaux reste apparemment ancrée dans certains milieux. On oublie simplement que dans le passé, cette réaction a toujours mené à de grandes souffrances. Au lieu de garder une tête calme et claire, on cherche à répondre à une crise en causant beaucoup plus de mal que la crise pourrait en engendrer même dans le scénario le plus pessimiste. Il est apparemment difficile de se rendre compte de cette leçon que l’histoire nous enseigne.</p> <p><strong>Vous montrez que la question de l’efficacité du confinement, par exemple, est débattue au sein même des épidémiologistes. Certes, la plupart des médias ne nous donnent guère cette impression. Mais est-ce vraiment souhaitable que ces débats soient connus? N’est-ce pas une stratégie consciente du «système» – et salutaire – pour faire respecter les mesures?</strong></p> <p>Ce n’est que dans un Etat totalitaire que l’on impose des mesures coercitives au moyen de propagande. Une société ouverte et un état démocratique supposent un débat dans lequel on considère les données empiriques, les cas historiques, etc. et où l’on s’engage dans un processus d’examen et d’essai de plusieurs stratégies pour gérer la crise. Il faut simplement se rendre compte du fait que la science est aussi ouverte que la société.</p> <p><strong>Y a-t-il d’autres sujets d’actualité où le philosophe que vous êtes déplorez qu’on présente comme des certitudes des choses qui n’en sont pas?</strong></p> <p>Le changement climatique est évidemment un tel exemple: c’est un fait que le changement climatique a lieu et qu’on observe une corrélation étroite entre l’émission de CO<sub>2</sub> et l’augmentation globale de la température depuis la révolution industrielle. Mais les faits s’arrêtent là. A nouveau, c’est une discussion ouverte dans la science comme dans la société de savoir comment réagir face à ces faits avec plusieurs stratégies de réaction possibles, qu’on peut soutenir avec des données empiriques et des arguments fondés. C’est une illusion de croire que certains scientifiques possèdent un savoir normatif privilégié pour la manière de gérer cette situation.</p> <p><strong>Pour citer un philosophe, David Hume avait bien montré qu’on ne peut pas passer logiquement d’énoncés factuels («Il est le cas que…») à des énoncés normatifs («Il faut …») En somme, les faits se trouvent ou s’attestent, tandis que les normes se discutent. Déplorez-vous un manque global de débat au sein de la société?</strong></p> <p>Oui, il y a un manque de débat global au sein de la société sur des questions fondamentales qui concernent notre avenir. L’idée semble être séduisante que l’on puisse éviter de faire face à un tel débat en déléguant les décisions à certains experts (et, bien sûr, il ne manque pas de personnes qui se réclament d’être de tels experts et de saisir le pouvoir qui vient avec ce statut).</p> <p><strong>La dérive scientiste que vous dites constater explique-t-elle selon vous la méfiance importante et sans doute grandissante d’une certaine partie de la population à l’égard du vaccin, de la science et même de la vérité de manière générale?</strong></p> <p>C’est en effet la réaction qu’on engendre si les scientifiques ne se limitent pas à la recherche de connaissances empiriques, mais réclament de posséder un savoir normatif qui leur permet de prescrire à la société jusqu’aux familles et aux individus ce qu’il faut faire. Bien sûr, ceux qui ne sont pas disposés de se laisser priver de leur liberté, leur dignité et leurs droits fondamentaux par une telle science ont tendance à réagir en se tournant contre la science. Pour sauver la science et sa place légitime dans la société, il faut que les scientifiques arrêtent de se réclamer de connaissances normatives qu’ils ne possèdent pas.</p> <p><strong>Vous qui vous intéressez beaucoup à la question de la dualité du corps et de l’esprit, quelle est votre vision philosophique de l’être humain et du bonheur? Dans quelle mesure imprègne-t-elle vos réflexions sur des sujets tels que celui de notre entretien?</strong></p> <p>Ce qui distingue l’être humain, c’est d’être doté de liberté et de raison – les deux vont ensemble: une liberté qui ne se baserait pas sur la raison ne serait pas une liberté, mais l’esclave de passions momentanées. Cette liberté implique qu’il n’y a pas de notion universelle de bonheur. 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Le rectorat a négocié avec la faîtière d’étudiants un accord commun – incluant tous les étudiants et collaborateurs de l’université – portant sur la défense de valeurs fondamentales telles que la liberté académique, la liberté d’expression, le refus de la violence, etc. Mais le <a href="https://www.unige.ch/communication/communiques/2022/luniversite-et-ses-etudiant-es-reaffirment-les-valeurs-de-linstitution">communiqué de l’université</a> souffre d’une certaine ambiguïté:</p> <p>«Par cette déclaration commune, le rectorat et les étudiant-es replacent (…) le débat dans son contexte académique et souhaitent rappeler des principes essentiels: le respect dû aux personnes passant par la lutte contre toute forme de discrimination, notamment de genre, d’origine ou de classe; le refus de la violence sous toutes ses formes; le respect de la liberté académique dans la recherche et l’enseignement, <em>encadrée par les valeurs précitées</em><sup><strong>1</strong></sup>. 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Qui sont ces groupes désormais puissants dans les rapports de force idéologiques qui parcourent l’université et la société de manière générale (pour vous en convaincre, songez au fait qu’à Neuchâtel, les représentants des étudiants avaient réussi à ne faire comptabiliser que les réussites d’examens, et pas les échecs, en période de Covid)? 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Par comparaison, «l’Association Générale des Etudiant·e·s de l’Université de Fribourg» (AGEF) vit grâce à une cotisation obligatoire de 20 CHF pour tout étudiant, dont une bonne partie repart dans les sections de la faîtière (une section par département ou faculté). C’est à peu près la même chose à Neuchâtel, où tous les étudiants sont <em>de facto</em> membres de la «Fédération des étudiant·e·s neuchâtelois·e·s» (FEN) et paient ainsi une cotisation de 15 CHF, comprise dans la taxe d’étude. Si quelqu’un ne souhaite pas la payer, il doit démissionner par écrit de la faîtière.</p> <p>On part alors du principe que les faîtières en question doivent se sentir responsables de leur caractère représentatif vis-à-vis des étudiants qu’elles fédèrent. Mais pas besoin de trop gratter pour se rendre compte qu’il ne s’agit pas vraiment du genre de la maison. La CUAE se définit sur son site comme «association faîtière et syndicat des étudiant.e.x.s de l’Université de Genève, et leur porte-parole auprès des autorités universitaires et politiques». Déjà, même s’il s’agit d’une volonté des individus qui composent la CUAE, son statut de syndicat pose question, dans la mesure où il reflète une certaine culture politique: n’y a-t-il pas incompatibilité entre cette nature de syndicat (unique en Suisse parmi les universités) et le fait de devoir représenter les étudiants dans leur diversité (y compris politique, diversité qu’on oublie souvent)?</p> <h3>Revendications politiques «si ça concerne les étudiants»</h3> <p>En partant de cette interrogation, on peut tirer un fil logique pour questionner les types de revendications portées par la CUAE et par leurs émules romandes. Si les représentants de toutes les autres faîtières estudiantines nous ont déclaré qu’ils condamnaient les moyens violents utilisés par les manifestants genevois pour faire entendre leur cause, ils sont également unanimes sur la limite que leurs associations se fixent concernant leurs revendications politiques. En effet, toutes les faîtières se donnent la compétence de prendre publiquement position «quand le sujet concerne les étudiants». Voici comment par exemple Guillaume Haas détaille le cas de l’AGEF, qu’il co-préside:</p> <p>«Notre grande différence avec la CUAE (Genève) est que l’AGEF (Fribourg) est représentée à tous les niveaux de l’université de Fribourg. Et quand je dis à tous les niveaux, c’est à tous les niveaux: au Sénat, qui est l’organe suprême de l’université, mais aussi dans la moindre des petites commissions. L’UniFR est l’une des universités les plus démocratiques d’Europe. C’est ce qui explique que l’AGEF ait peu de coups d’éclat, contrairement à nos camarades de la CUAE. Je ne leur en fait pas le reproche: c’est leur seul moyen de se faire entendre. Sur le plan des idées politiques, j’observe qu’il y a des personnes de tous bords à l’AGEF. Il y a des sensibilités différentes qui s’expriment lors de discussions sur les budgets et l’allocation des fonds, par exemple. Mais l’AGEF est apolitique: nous ne fonctionnons pas avec un système de représentants par partis. On ne parle que de politique quand le sujet concerne les étudiants.»</p> <p>Or, cela devient plus difficile à appliquer dans des exemples concrets. C’est que cette ligne de conduite a priori juste et inoffensive est on ne peut plus floue. A partir de combien d’étudiants concernés une affaire est censée «concerner les étudiants»? Outre l’intégration des étudiants transgenres dans la forme des statuts de l’Union des étudiant-e-s de Suisse (UNES), les délégués de cette «faîtière des faîtières» ont par exemple traité d’une initiative populaire en assemblées des délégués, parce que la votation faisait courir un risque au programme ERASMUS, même si les étudiants n’étaient pas cités dans le texte. Rebelote avec la question de l’accord-cadre et HORIZON2020. Un ancien responsable de la FEN, la faîtière neuchâteloise, confie:</p> <p>«Peu de personnes s’engagent dans ces structures. Il y a eu des assemblées générales de la FEN où nous étions dix. 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Et il est vrai que si des étudiants ne se sentent pas représentés, ils ont intérêt à s’y engager.</p> <h3>Effet d'entre-soi</h3> <p>Mais d’un autre point de vue, comment en vouloir à des étudiants, qui n’adhèrent pas à la tendance «woke» ou «intersectionnelle» souvent représentée par ces associations qui raffolent d’écriture inclusive, de ne pas venir s’y impliquer? Un fait psychologique simple: quand la Fédération des Associations d’Etudiant-e-s-x (Lausanne) convoque une assemblée «ouverte à tou-x-te-s», un étudiant qui trouve cette graphie laide, contestable sur le fond, ridicule ou les trois à la fois se dira peut-être que le comité n’est sans doute pas si ouvert que cela à tout le monde, du moins pas aux idées qu’il défendrait s’il venait y parler en toute honnêteté.</p> <p>C’est un fait et non un commentaire, ni même une analyse: une idéologie radicale de gauche identitaire suinte du vocabulaire, du propos et des actions de la CUAE, comme de bien d’autres associations, y compris, mais dans une moindre mesure, les faîtières d’étudiants des autres universités. 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Aussi, selon une étude de l’observatoire des élites suisses parue en 2019, il en est de même pour le profil socio-professionnel des actuels élus: les non-universitaires sont davantage représentés à droite qu’à gauche (même à 50% au PLR et à l’UDC.) Ces deux faits illustrent une contradiction entre les discours de gauche et la réalité.', 'subtitle_edition' => 'Les graphiques «Smartvote» sont formels: au parlement suisse, les partis de gauche ont un positionnement idéel plus homogène que les partis de droite. Aussi, selon une étude de l’observatoire des élites suisses parue en 2019, il en est de même pour le profil socio-professionnel des actuels élus: les non-universitaires sont davantage représentés à droite qu’à gauche (même à 50% au PLR et à l’UDC.) Ces deux faits illustrent une contradiction entre les discours de gauche et la réalité.', 'content' => '<p>En 2023, les Suisses renouvelleront leur parlement. Une série d’enjeux de taille entoureront ce scrutin important. 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Ce qui signifie bien qu’il y a plus de différences entre les ailes gauche et droite d’un parti de droite (ou du centre) qu’entre les ailes gauche et droite d’un parti de gauche. Fait éclairant, le constat peut être vérifié avec d’autres élections sur le site de Smartvote, par exemple l’actuel scrutin vaudois.</p> <p>Interrogé sur ces données, l’historien et juriste Olivier Meuwly, membre du PLR, prêche d’abord pour sa paroisse: «Le pluralisme des idées est une vertu sur le plan intellectuel». Mais il nuance aussitôt: «Cela peut être aussi un facteur de confusion ou de division sur le plan électoral.» Historiquement, les libéraux-radicaux ont toujours eu cette caractéristique, explique le spécialiste. Une caractéristique qu’il juge donc neutre: les partis de droite n’en ressortent pas plus légitimes. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
10 Commentaires
@Ph.L. 23.01.2021 | 12h39
«Interview remarquable et essentielle. On peut en déduire que la mondialisation de l'information est une des causes principales de l'hystérie collective qui nous a submergés, la science véritable n'ayant pas grand chose à voir là-dedans. Le fait que "Bon pour la tête", et cet article le démontre une fois de plus, ait refusé de se laisser embarquer dans ce délire médiatico-politico-financier est tout à son honneur.»
@lorge 24.01.2021 | 11h46
«Je trouve que l'auteur ne tient compte que des inconvénients et des effets défavorables de la pandémie et de sa gestion. On ne parle pas assez du fait que beaucoup de gens vont mieux, preuve en est la très importante diminution des consultations médicales, parce qu'il y a moins d'accidents (moins de déplacements, moins de sport, moins de stress) et moins de maladies y compris les plus graves comme les infarctus du myocarde ou les AVC...et ceci de loin pas seulement parce que les gens ont peur de consulter !! Ne devrait-t-on pas en déduire que la vie "normale" est pathogène pour changer ce qu'il y a à changer ?»
@moretet53 24.01.2021 | 12h55
«Beaucoup de blabla pour pas grand chose.
Ce ne sont pas les scientifiques qui décident mais des autorités politiques élues par le peuple. Les scientifiques peuvent essayer de prédire au mieux les conséquences de nos comportements. Le côté positif, c'est que cela permet de prendre des décisions aussi appropriées que possible, le côté négatifs, c'est que cela oblige à prendre des décisions que certains rejetteront.
Il y a des chose évidentes comme éviter de trop se rapprocher du feu, éviter de faire du feu dans une forêt sèche, ...
Il y en a de moins évidentes comme le réchauffement climatique ou la gestion d'une épidémie.
La science dira que si quelqu'un se jette en bas d'une falaise, il a de grande chances de mourir, que si on met en contact une personne contaminée par un virus et une personne saine, la personne saine a de grandes chances d'être contaminée; elle ne dira pas ce qu'il faut faire. C'est à chacun et à la société par le biais de ses autorités de prendre les décisions.»
@CEDKEL 24.01.2021 | 19h50
«Ce qui peut inquiéter dans cette crise n’est pas la prise de mesures autoritaires temporaires dans l’intention de protéger les plus fragiles mais peut-être plus la foi affichée un peu partout que seule la technologie peut nous “sauver” - vaccins, numérisation, etc. Ce faisant on ne se donne pas le temps de la réflexion pour éviter les causes (ex. la transmission de nouveaux virus à l’espèce humaine), travail qui permettrait de ne pas avoir sans cesse un train de retard. On aimerait aussi voir de la part des autorités un réel souci de la santé et du bien-être des populations pour ne pas devoir compter que sur la médication. Être libre à l’échelle de l’individu c’est aussi être responsable; hors je n’ai pas vu d’appel à la population à prendre soin de sa santé de manière pro active, donc autrement qu’en restant cloîtré chez soit.»
@simone 24.01.2021 | 20h58
«Magnifique. Merci.
Suzette Sandoz»
@Richard Golay 25.01.2021 | 16h23
«Bravo et merci à BPLT pour nous offrir cet avis éclairé. Pour info, un professeur de la Sorbonne a sorti une réflexion toute aussi lumineuse qui elle aussi souligne la dérive scientiste en cours : https://lecourrierdesstrateges.fr/2021/01/22/maffesoli-une-societe-en-pleine-decadence/»
@LEFV024 31.01.2021 | 15h30
«Magnifique interview, merci!»
@Pipo 02.02.2021 | 21h53
«Excellente analyse qui devraient ouvrir les yeux des politiciens, mal conseillés par leurs épidémiologistes et infectiologues officiels. Mais la panique mondiale s'étant déclenchée et ayant occasionné un effet boule de neige,presque personne n'a osé revenir en arrière, par crainte des reproches de ne pas en faire assez. Au début de la pandémie on a pu craindre un nouveau SRAS ou Ebola et des mesures maximales (même si leur efficacité sont diccutables) pouvaient se comprendre,; mais très rapidement on a réalisé que ce n'était pas le cas »
@Jonas Follonier 10.02.2021 | 18h42
«Grand merci à tous pour vos commentaires.»
@Gamuret 21.03.2021 | 14h47
«"Si la vérité n'est pas libre, la liberté n'est pas vraie".
Jacques Prévert»