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<p style="text-align: center;">Cet article de <strong>Dennis Bühler</strong> a été originellement publié dans <a href="https://www.republik.ch/2019/12/03/ignazio-cassis-die-schadensbilanz" target="_blank" rel="noopener">Republik </a>le 3 décembre 2019. Traduit par <strong>Marta Czarska</strong>.</p>
<hr />
<p>Il est sur la défensive. Et visiblement désespéré. Déjà en septembre, des collègues de parti et des proches collaborateurs du Département des affaires étrangères racontaient qu’Ignazio Cassis craignait d’être destitué. Au soir du 20 octobre, lors de la victoire électorale des Verts, historique dans les circonstances suisses, sa tension a viré à la panique.</p>
<p>Depuis, la pression sur le Conseiller fédéral PLR a encore augmenté. Après le deuxième tour, il est devenu clair que son parti n’a pas amélioré son score au Conseil des États, alors que les Verts y occupent soudain 5 sièges. Par ailleurs, avec Regula Rytz, la menace a désormais un visage. Présidente des Verts, populaire et avec un bon réseau au Parlement, la politicienne représente pour Cassis un défi pour les élections fédérales du 11 décembre. En tant qu’ancienne membre du gouvernement bernois, elle dispose de plus d’expérience à l’exécutif. Mais une destitution reste cependant peu probable. Cependant, le ministre des affaires étrangères tremblera jusqu’au résultats finaux des élections.</p>
<p>Ainsi, l’homme de 58 ans s'est mis en mode combat. Par précaution, il se présente dans les interviews comme la victime d’une majorité qui ne sait pas s’y prendre avec les minorités. Tessinois, il est désavantagé et le ressent en tant que Conseiller fédéral comme jamais auparavant. «<em>Les minorités sont bien bonnes pour les discours du 1er août</em>», dit-il. «<em>Mais quand il s’agit de partager le pouvoir, elles ne jouent plus aucun rôle</em>.» Il serait devenu une cible car il provient d’une autre culture et d’une autre région linguistique. Son origine le différencie de ses collègues du Conseil fédéral. «<em>Et les différences dérangent</em>.»</p>
<p>Vraiment? Et si c’est vrai, est-ce là toute la vérité?</p>
<p>Ou est-ce avant tout sa politique, est-ce sa gestion du poste?</p>
<h3>Rupture avec la politique de ses prédécesseurs</h3>
<p><em>Republik</em> s'est entretenu au cours des 3 derniers mois avec plus d’une douzaine de diplomates actifs et retraités, avec divers employés du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), avec des observateurs de longue date de la politique étrangère, des représentants de l’économie, des syndicalistes et des membres du PLR.</p>
<p>L’image qui ressort de ces entretiens: jamais personne n’avait chamboulé la politique étrangère de la Suisse si vite que l’a fait Ignazio Cassis. Avec son Secrétaire général et ancien chef des services secrets Markus Seiler, qui est devenu une espèce d’éminence grise, il joue depuis plus de deux ans une sorte de jeu du pouvoir: contre ses propres diplomates, contre ses collègues du Conseil fédéral, contre les valeurs éprouvées de la politique étrangère suisse. </p>
<p>Pierre Aubert, René Felber, Flavio Cotti, Joseph Deiss, Micheline Calmy-Rey, Didier Burkhalter: depuis la création du DFAE il y a 40 ans, tous les ministres des affaires étrangères ont jugé importante une participation forte de la Suisse aux institutions multilatérales. Tous s’y sont engagés pour les droits humains et les principes de l’État de droit.</p>
<p>Mais pas Ignazio Cassis.</p>
<h3>1. Les antécédents</h3>
<p>Ignazio Cassis est entré en politique par le fruit du hasard. Après ses études en médecine à Zurich et Lausanne, il est médecin cantonal au Tessin depuis 7 ans lorsqu’il accepte en 2003, pour rendre service au PLR, de figurer comme bouche-trou sur la liste pour les élections au Conseil national. A sa propre surprise, l’homme alors âgé de 42 ans surpasse plusieurs de ses collègues de parti et obtient la première place de remplaçant. Quand Laura Sadis est élue en 2007 au Conseil des États, il se précipite pour prendre sa place au Conseil national.</p>
<p>Après sa réélection une demi-année plus tard, Cassis abandonne son métier et devient lobbyiste à plein temps, au Parlement et en dehors. D’abord pour la FMH, la Fédération des médecins suisses, puis pour l’Association des caisses-maladies Curafutura. Le mandat lui rapporte 180 000 francs par an et le sobriquet peu flatteur de «Krankencassis». </p>
<p>S’il a commencé à Berne dans la frange politique de gauche du PLR, Cassis se positionne avec le temps de plus en plus à droite. Ce changement lui permet d’avoir plus d’influence. En 2015, il devient chef du groupe parlementaire et président de l’importante Commission de la sécurité sociale et de la santé publique. </p>
<p>Lors des élections parlementaires d’octobre 2015, le PLR et l’UDC remportent à eux deux 101 des 200 sièges nationaux, une petite majorité. Donnant le ton aux libéraux, Cassis essaye de renforcer la cohésion bourgeoise. «J'ai personnellement tout fait pour nous mettre d’accord avec l’UDC sur les thèmes que nous abordons de manière similaire, c’est-à-dire la plupart», dit-il peu avant Noël 2016 à la <em>Weltwoche</em>, qui le désigne comme parlementaire masculin le mieux vêtu.</p>
<p>Lorsque, en été 2017, le ministre des affaires étrangères Burkhalter annonce sa démission, Cassis est tout de suite favori pour lui succéder. Pendant les 3 mois de la campagne électorale, il ne laisse passer aucune occasion de maximiser ses chances. Neuf jours avant l’élection, il rejoint le lobby des armes Pro Tell et, après avoir essuyé de fortes critiques dans les médias pour cela, il le quitte 3 semaines après avoir été élu. Coup médiatique, il renonce à son passeport italien, qu’il avait depuis la naissance. Il promet qu’en politique européenne, il mettra les compteurs à zéro, sans trop expliquer ce qu’il entend par là. Et il s’assure du soutien de l’UDC en parlant leur langage lors des auditions des candidats («<em>Cassis a dit à peu près ce que nous voulions entendre</em>»).</p>
<p>Cette stratégie porte ses fruits. Cassis distance sans peine ses concurrents romands Pierre Maudet et Isabelle Moret le 20 septembre 2017 et est élu au second tour au Conseil fédéral. Grâce à lui, le Tessin revient au gouvernement fédéral 18 ans après le départ de Flavio Cotti (PDC).</p>
<h3>2. Le faux départ</h3>
<p>La première apparition importante du ministre des affaires étrangères Cassis a lieu en janvier 2018 au Forum économique de Davos. Après une rencontre avec son homologue saoudien, il s’enthousiasme des progrès sans compromis menés par le prince héritier dans la sécularisation de son pays.</p>
<p>Il ne mentionne ni les 154 exécutions ayant eu lieu en 2017, ni la charia, ni l’oppression des femmes.</p>
<p>Lors du WEF, Cassis réussit aussi à irriter avec ses déclarations sur la politique européenne. Le Conseil fédéral voudrait conclure dans les mois à venir un accord-cadre avec Bruxelles, dit-il devant les médias. Mais les conseillers fédéraux Ueli Mauer et Johann Schneider-Amman, aussi présents à Davos, rectifient publiquement le tir. Cassis fait marche arrière. Même la <em>NZZ</em>, d’habitude favorable au Tessinois, parle de «<em>comédie de communication</em>».</p>
<p>Le prochain faux-pas de Cassis a lieu en mai 2018, lors de sa visite en Jordanie. Il ouvre une nouvelle ambassade et visite un centre de formation pour réfugiés palestiniens géré par l’agence des Nations-Unies pour les réfugiés palestiniens au Proche-Orient (UNRWA). Sur le chemin du retour, il dit à une journaliste qui voyage avec lui: «Je me demande: est-ce que l’UNRWA est une part de la solution ou une part du problème?» Et donne lui-même la réponse: «Elle est l’un et l’autre.» Car aussi longtemps que les Palestiniens pourront vivre dans des camps de réfugiés, il est clair qu’ils voudront rentrer dans leur patrie. Sa conclusion: «En soutenant l’UNRWA, nous maintenons le conflit en vie.»</p>
<p>Avec cette déclaration, Cassis, connu déjà de son époque parlementaire pour son penchant vers Israël, brise les décennies de soutien suisse à l’agence. Un porte-parole du parti du président palestinien Mahmud Abbas se montre «irrité, choqué et surpris». En Suisse aussi, la voix du ministre des affaires étrangère met mal à l’aise. A son retour, le président de la Confédération Alain Berset le convoque et lui fait ensuite déclarer par écrit que la politique du Conseil fédéral au Proche-Orient n’a en rien changé. «Il n’y a en particulier aucun changement quant au soutien accordé à l’UNRWA.»</p>
<p>Quatre semaines plus tard, Cassis fait la gaffe suivante. Lors d’une interview radiophonique, il remet en question les lignes rouges du Conseil fédéral dans ses négociations avec Bruxelles. Si l’on veut conclure l’accord-cadre, tant l’UE que la Suisse devraient sortir de leurs costumes et trouver des «voies créatives», dit-il. Concrètement, la Suisse devrait abandonner la règle des 8 jours, une composante élémentaire des mesures de protection salariale.</p>
<p>En conséquence, les syndicats se retirent des négociations sur l'accord-cadre. Leur directeur en chef Paul Rechsteiner proteste que Cassis a brisé toutes les règles en vigueur depuis 20 ans et qu’il a «<em>perdu la tête</em>». Le DFAE essaye de relativiser les déclarations du ministre. Mais le mal est fait.</p>
<p>Cassis ne se laisse pas arrêter pour autant. Dans une interview pour le journal italien <em>Corriere della Sera</em>, il prophétise l’implosion de l’UE si elle ne se décentralise pas, il se moque du «vieil esprit impérial» du président français et la difficile formation de la coalition en Allemagne. Le fameux journal le compare à Matteo Salvini, le ministre de l’intérieur de droite et nationaliste italien. «<em>Avec Cassis, le vent populiste, souverainiste et identitaire qui vient de l’Est souffle aussi à Berne</em>.»</p>
<p>Et la question se pose en Suisse après la première année de Cassis au Conseil fédéral: le Tessinois ne sait-il pas communiquer? Ou provoque-t-il par calcul?</p>
<h3>3. Le non-diplomate</h3>
<p>Le poste au Département des affaires étrangères est difficile pour Cassis. En tant que politicien de la santé au Conseil national, il n’a pas eu à faire avec les thèmes de la politique extérieure et se retrouve soudain face à des centaines d’experts. Des diplomates qui sont au service de l’État depuis des décennies et pensent tout mieux savoir que leur nouveau supérieur. Nombre d’entre eux ont fait carrière sous la conseillère fédérale PS Calmy-Rey et sont arrivés à des postes de direction sous le libéral de gauche Burkhalter. Ils observent Cassis avec méfiance. Ils ont pris note de ce qu’il a clairement déclaré avant le vote: «<em>Il ne faut pas que les employés décident du chemin à prendre, c'est le rôle du chef</em>.»</p>
<p>Alors que Burkhalter travaillait souvent à domicile et vouvoyait tout le monde, même ceux qui le connaissaient du PLR et le tutoyaient, Cassis est au bureau tous les jours et tutoie la plupart des diplomates. Mais il ne voit pas que les changements qu’il désire introduire dans la politique étrangère passeraient mieux si ses 5500 collaborateurs étaient de la partie.</p>
<p>La première année, ce n’étaient que des petites piques que Cassis lançait dans ses discours et interviews. Il souligne souvent qu’il est politicien, pas diplomate. Mais avec le temps, il a haussé le ton. Dès l’automne 2018, le «non-diplomate», comme l’appelle <em>Bilanz</em>, fonce vers la confrontation.</p>
<p>En septembre, il se plaint qu’au Département règne «toujours cette euphorie de chanter en chœur et l’impression qu’il y a des ressources illimitées pour tout». Ce qu’il veut, lui, c'est trouver des solutions «<em>qui sont bonnes pour notre pays, et non pas des solutions qui n’ont pour seul but que de plaire à l’ONU.</em>»</p>
<p>En novembre, il affirme que les diplomates qui ne travaillent pas «toujours globalement et en accord avec la politique intérieure» devraient pouvoir décider de leur propre chef du soutien à donner à l’Agenda 2030 de l’ONU pour le développement durable. Et il se gausse de ce que certains s’imaginent que le Conseil fédéral est un lieu indépendant des valeurs, des partis et de la politique au sein duquel des anges s’occupent du bien-être de la population. «<em>C'est très romantique. Mais la formule magique n’existe pas pour rien.</em>» Il reste un politicien avec un cahier des charges du parti, même comme conseiller fédéral.</p>
<p>En décembre, il trouve amusant, dans l’édition de Noël de la <em>Weltwoche,</em> que de nombreux collaborateurs du DFAE ne se rendent même pas compte qu'ils suivent une certaine idéologie. «Ils s’adaptent à la majorité et peuvent ainsi avancer dans leur carrière. Il est très difficile de briser cet esprit grégaire.» Le pacte migratoire, aux négociations duquel la Suisse a tenu un rôle majeur pendant plus de 2 ans, est un bon exemple du fait que la politique extérieure a perdu le fil de la politique intérieure. «On aurait dû remarquer que l’on ne pouvait pas garder une affaire si délicate sous la table et la passer en fraude, mais qu’il fallait en discuter en long et en large. Cela ne doit plus arriver.»</p>
<p>La critique fondamentale de Cassis ne passe pas bien dans son Département. «Avec cette interview à la <em>Weltwoche</em>, il a vraiment dépassé les bornes», dit une diplomate.</p>
<p>De nombreux collaborateurs se sentent abandonnés par leur chef. Ils lui en veulent de ne s’être jamais engagé même un peu pour la reconnaissance du pacte migratoire (auquel la Suisse, après de longues semaines de débats au Parlement et dans les médias, n’a pas adhéré). Mais plus grave est le fait que Cassis ne prenne pas la défense de son personnel, lorsqu’un représentant du mouvement autrichien identitaire d’extrême-droite tient des propos incendiaires contre deux diplomates suisses. Une demi-année plus tard, la Secrétaire aux États Pascale Baeriswyl fait ce que Cassis aurait dû faire. Lors de la conférence de presse où elle parle de sa mutation à New York, elle fait remarquer qu’il aurait fallu donner du personnel de protection aux deux diplomates durant plusieurs semaines.</p>
<p>Pendant que Mme Baeriswyl met en garde contre la brutalité de ces mœurs, Cassis est assis là et fait mine de rien.</p>
<h3>4. L'éminence grise</h3>
<p>Quelques semaines après son élection au Conseil fédéral, Cassis joue un coup de génie, pour tous les intéressés. Il fait venir l’ancien chef des services secrets Markus Seiler au Secrétariat général du DFAE. </p>
<p>Cassis, inexpérimenté en matière de politique étrangère, profite ainsi du savoir-faire et du réseau de Seiler, tandis que Seiler peut fuir le service des renseignements, déjà entaché par une affaire d’espionnage. Cette mutation arrange aussi le PLR. Ainsi, le parti a un chaperon à un poste-clef pour son nouveau conseiller fédéral. On devrait donc pouvoir éviter ce qui est arrivé avec Burkhalter. Le neuchâtelois, en devenant ministre des affaires étrangères, s’était au cours du temps distancié du parti et avait fini par ne plus l’informer, même de son projet de démission.</p>
<p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1575975696_file6xgwvnmqib5bifqjixo.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p>
<h4 style="text-align: center;">L'éminence grise de Cassis, Markus Seiler. © DFAE</h4>
<p>Seiler, promu politologue débute sa carrière de fonctionnaire au Secrétariat général du PLR où il parvient jusqu’au poste de directeur de presse. En 1997, il sera conseiller dans l’équipe du ministre des finances Kaspar Villiger et deviendra rapidement son collaborateur personnel. En 2002, il entre au Département de la défense de Samuel Schmid (qui appartenait encore à l’époque à l’UDC) et en devient 3 ans plus tard Secrétaire général. Il le restera encore sous le successeur de Schmid, Ueli Maurer, avant que celui-ci le place en 2010 à la tête du service des renseignements qui se forme à la suite de la fusion des services secrets internes et externes.</p>
<p>A l’époque déjà, on disait de Seiler qu’il était un homme de carrière et de pouvoir qui poursuit son but avec calcul. La description vaut encore aujourd’hui.</p>
<p>Depuis 2 ans, Seiler domine le DFAE à volonté. Les diplomates, tant ceux en place que les anciens, sont d’accord pour dire que dans les faits, c’est lui qui dirige le Département et décide de la politique étrangère. «<em>Et pas Cassis.</em>»</p>
<p>Son prédécesseur Benno Bättig avait bien plus de retenue. Il voyait le bon fonctionnement de l’administration comme relevant de sa responsabilité et préparait pour Burkhalter les affaires du Conseil fédéral des autres départements. Seiler, lui, agit de manière stratégique, voyage lui-même à l’étranger et se mêle de tout. Et il garde un œil attentif sur l’administration. Selon les employés du DFAE, depuis 2 ans, il n’y a eu au Département de réunion à laquelle n’aurait pas participé soit Seiler, soit son remplaçant Charles Jean-Richard. Jean-Richard travaillait déjà en étroite collaboration avec Cassis en tant que secrétaire du groupe parlementaire du PLR jusqu’à l’automne 2017. Cassis entretient aussi des rapports particulièrement étroits avec ses collaborateurs personnels Anna Fazioli et Cédric Stucky.</p>
<p>Seiler fait également des apparitions publiques, ce qui est peu usuel pour un Secrétaire général. La semaine passée, il a parlé à l’Université de Zurich de la question de savoir si, pour Cassis, les intérêts économiques pèsent plus lourd que le droit dans la politique étrangère. «L’idée n’est pas nouvelle», dit-il. «Déjà dans le premier rapport sur la politique étrangère en 1993, la politique étrangère signifiait avant tout la défense des intérêts à l’extérieur. Le rapport avait été rédigé par Jakob Kellenberger et Peter Maurer, plus tard présidents de la Croix-rouge internationale, sûrement pas des idéologues néo-libéraux.» Dans les années 2000, il a eu une réaction qui a remis la valeur de la solidarité au premier plan. «<em>Nous disons maintenant: les valeurs et les intérêts sont les deux côtés de la même médaille.</em>»</p>
<p>Des arguments similaires émanaient au début de l'année d’un groupe de travail dirigé par Seiler et chargé par Cassis d’élaborer une «Vision de politique étrangère 2028». En font partie les deux super managers Peter Voser (ABB) et Thomas Wellauer (Swiss Re), mais pas un seul représentant d’organisation non-gouvernementale. Avec le résultat escompté. L’idée essentielle du papier stratégique de 50 pages est que l’engagement de la Suisse pour les droits humains, la démocratie, l’État de droit ne devrait pas «<em>avoir pour effet que les droits humains et l’économie soient en contradiction.</em>»</p>
<p>L’influence de Seiler, selon l’opinion de diplomates et employés d’autres départements, ne se réduit pas au DFAE. Depuis que Walter Thurnherr a tourné le dos au Département de l’infrastructure pour devenir Chancelier fédéral et que Stefan Brupbacher a quitté le Département de l’économie, aucun autre Secrétaire général n’a plus pu traiter avec Seiler. Comme il a par ailleurs une ligne directe avec son ancien patron et actuel ministre des finances Ueli Maurer, ainsi que de bonnes relations datant de son époque à la direction des services des renseignements au Département de la défense de Viola Amherd, il peut influer sur la politique du gouvernement dans son ensemble. C'est ainsi qu’en parlent plusieurs initiés de l’administration fédérale.</p>
<p>Au DFAE, on craint que les pouvoirs de Seiler continuent à augmenter lorsque la Secrétaire aux États Pascale Baeriswyl, nommée par Burkhalter, partira à la fin de l'année. Elle serait une des rares personnes à contredire Seiler de temps à autre. La plupart des autres diplomates préfèrent sortir du chemin du plus proche collaborateur de Cassis.</p>
<h3>5. <em>Switzerland first</em></h3>
<p>2019 commence pour Cassis comme l’année précédente, par une gaffe suivie de critiques publiques.</p>
<p>Le ministre des affaires étrangères visite en Zambie une mine de cuivre du négociant en matières premières Glencore et s’en enthousiasme ensuite sur Twitter: «Impressionné par les efforts de modernisation des installations et la formation des jeunes.» Le tweet s'accompagne de photos le montrant lui et son entourage en casques et vestes jaunes sur les terrains de la mine.</p>
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<h4 style="text-align: center;">La visite d'Ignazio Cassis dans une mine de cuivre de Glencore en Zambie / via Twitter</h4>
<p>Glencore se réjouit de ce coup de pub gratuit et le partage immédiatement comme tweet publicitaire payant.</p>
<p>Les critiques reprochent à Cassis de faire de la propagande électorale contre l’initiative pour des multinationales responsables, dont il sera bientôt débattu au Parlement. Mais le Tessinois ne se rend pas compte de sa faute. Trois semaines encore après son voyage en Afrique, il estime qu’avec son tweet, il n’a fait qu'exprimer son impression positive. «<em>Le reste est du fait des médias.</em>» Peu après, le <em>Blick</em> révèle que plusieurs riverains de la mine ont dû être hospitalisés pour empoisonnement, avant et après la visite de Cassis. Glencore doit fermer la mine pour assainissement.</p>
<p>En été, le Département tombe à nouveau en discrédit, cette fois en raison d’une collaboration avec le cigarettier Philip Morris. Il a encaissé 45 000 francs pour l’ouverture d’une nouvelle ambassade à Moscou et veut recevoir 1.8 millions de francs pour le pavillon suisse à l’Exposition universelle de Dubai. Les recherches de <em>Republik</em> montrent que des diplomates de la République de Moldavie sont intervenus pour empêcher le durcissement de la loi anti-tabac, un service amical qui contredit les buts de la politique suisse en matière de santé et de développement.</p>
<p>Fin juillet, lors d’une interview, le Secrétaire général Seiler déclare que le DFAE n’a eu «que des conversations préliminaires» avec Philip Morris, afin d’évaluer des possibilités de collaboration. Une déclaration démentie 3 mois et demi plus tard par des documents internes du Département: la collaboration avec le cigarettier était une affaire conclue.</p>
<p>Pendant ce temps, le DFAE provoque l’indignation en Suisse centrale, car il ordonne au fabriquant d’avions Stans Pilatus de se retirer dans les 3 mois d’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis. Pour Pilatus, il s’agirait d’une rupture de contrat. L’entreprise s'est engagée en 2017 à fournir pendant 5 ans un soutien technique et à assurer l’entretien des avions PC-21 livrés. En septembre, le Tribunal administratif fédéral admets un recours de Pilatus avec effet suspensif, c’est pourquoi les techniciens du fabricant sont toujours encore en activité dans les Etats du Golfe - une défaite pour le Département des affaires étrangères.</p>
<p>Les agissements du ministre des affaires étrangères suscitent aussi l’irritation de son parti. «<em>Il est nécessaire d’améliorer l’évaluation politique des affaires</em>», critique un initié du PLR. «<em>Quel homme normal se mettrait du côté de multinationales Glencore et Philip Morris mais taperait sur les doigts d’une entreprise suisse traditionnelle comme Pilatus?</em>» Cassis nuit à l’image du parti qui s’est efforcé au cours des 10 dernières années de ne plus apparaitre comme le larbin des grands groupes.</p>
<p>L’agenda du ministre est manifeste dans le message sur la coopération internationale des années 2021 à 2024 que le Conseil fédéral mettra en consultation au mois de mai. Cassis, toujours suivi de son Secrétaire général Seiler, met au premier plan les intérêts de la Suisse. La coopération pour le développement ne doit plus servir avant tout à soulager la détresse et la misère, mais assurer de l'emploi et donner de l’élan à l’économie, mais aussi endiguer la migration. A noter que le thème de la migration prend presque 2 fois plus de place dans le message que les 3 autres thèmes principaux (emploi, changement climatique, État de droit) mis ensemble.</p>
<p>«<em>Switzerland first</em>»: la devise sied à la perfection à Cassis. Lorsque le PLR tessinois le choisit officiellement comme son candidat unique à l’élection fédérale, le 1er août 2017, il porte un t-shirt rouge à croix blanche. Un an plus tard, il aimerait le ressortir de l’armoire, mais ses collaborateurs le lui déconseillent. Cela n'est pas adéquat pour un conseiller fédéral. A la question posée par <em>Schweizer Familie</em> de savoir si un maillot à croix suisse le jour de la fête nationale équivaut à l'expression «Switzerland first», Cassis répond: «<em>Justement. J’essaie encore d’en convaincre mon équipe. Qui sait, peut-être vais-je y arriver.</em>»</p>
<p>Un an plus tard, le vent a tourné.</p>
<p>Lors de la campagne électorale, les Verts et la gauche tirent sur lui à boulets rouges et l’impopulaire Cassis commence à s’inquiéter pour sa réélection. Et pour une fois, il déclare que l’on ne l’entendra jamais dire «<em>Switzerland first</em>».</p>
<h3>6. Les adversaires</h3>
<p>Lorsque Cassis est élu à l'automne 2017 au Conseil fédéral, l’équilibre du gouvernement est modifié. Alors que son prédécesseur Burkhalter faisait pencher la balance parfois plus à droite, parfois plus à gauche, Cassis la fait à tous les coups pencher à droite. Au fond, le Conseil fédéral n'avait pas vraiment à se réunir en 2018, les deux conseillers PRL et les deux conseillers UDC prenant en règle générale d’avance les mêmes positions. En tout temps, les intérêts économiques sont déterminants pour toutes les décisions du gouvernement. La politique étrangère n'est rien d’autre que politique économique étrangère.</p>
<p>Le glissement est visible dans le domaine, controversé depuis des années, de l’exportation du matériel de guerre. En juin 2018, le Conseil fédéral assouplit ses décisions. Sous certaines conditions, les armes suisses pourront aussi être exportées dans des pays touchés par la guerre civile. L’humaniste Burkhalter avait toujours combattu cette idée, et expliquera plus tard sa démission entre autres par le fait qu’il ne pouvait plus supporter les pressions subies à ce sujet: ses valeurs fondamentales n’étaient plus en accord avec celles du collège.</p>
<p>Cassis n’a pas ce genre d’inquiétude.</p>
<p>Pourtant, à l'automne 2018 sa position s’aggrave. Karin Keller-Sutter, qui succède à Johann Schneider-Ammann, est moins dogmatique que son prédécesseur. Pour l’ancienne conseillère aux États PLR, il est important de concilier les intérêts économiques de la Suisse avec ses traditions humanitaires. De plus, elle se donne de la peine pour faire régner l'harmonie, selon des sources proches du Conseil. Mme Keller-Sutter essaie d’intégrer dans les prises de décision les deux conseillers PS Alain Berset et Simonetta Sommaruga autant que la conseillère PDC Viola Amherd élue en même temps qu’elle.</p>
<p>Mais ce sont surtout les rapports entre Mme Keller-Sutter et Cassis qui sont dès le départs glaciaux et rapidement brisés.</p>
<p>Cela commence par le fait que Cassis n'a pas soutenu Mme Keller-Sutter mais Guy Parmelin lorsque les deux ont annoncé leur intérêt pour le Département de l’économie et de la formation. Un coup dur pour la nouvelle élue, qui comptait sur la solidarité de son collègue de parti et qui a dû se contenter du Département de la justice qu’elle a déjà géré au gouvernement de Saint-Gall, et dont elle ne voulait à aucun prix. L'ambiance est si mauvaise que le président de la Confédération Berset retarde de 3 jours l'annonce des nominations afin de rendre possible une solution amiable. En vain.</p>
<p>Mme Keller-Sutter se venge de Cassis en lui retirant la gestion du dossier de l’UE. En quelques mois, elle arrive à arrondir les angles sur tous les fronts et à faire revenir les syndicats à la table des négociations. Elle fait ainsi remonter les chances de succès de l'accord-cadre bien plus que n’en étaient capables Cassis et son Secrétaire aux États pour l’Europe Roberto Balzaretti, malgré tous leurs efforts au cours de l'année 2019.</p>
<p>La distribution des rôles ne devrait pas beaucoup changer au cours des mois à venir. Entre autres parce la ministre de la justice Keller-Sutter va mener la bataille contre l’initiative populaire de l’UDC contre la libre circulation des personnes qui devrait arriver aux urnes en mai 2020. En bref, Mme Keller-Sutter vole cette année la vedette à Cassis.</p>
<p>Le deuxième grand adversaire de Cassis au gouvernement est le ministre de l'intérieur Alain Berset. Comme Mme Keller-Sutter, il ne fait pas mystère dans son cercle restreint du peu de considération qu’il a pour son collègue conseiller fédéral, comme le rapportent à l’unanimité plusieurs sources proches du gouvernement.</p>
<p>Son aversion est devenue manifeste en août 2018, lorsque Berset fait un discours à la première conférence des ambassadeurs de Cassis. Guerre, changement climatique et inégalité mondiale exigent «un engagement vigoureux des institutions internationales pour la paix, les droits humains et la démocratie», déclare le président de la Confédération. «Mais d’autre part, nous vivons dans de nombreux pays un recul vers le national, un rétrécissement de l’horizon politique, ce qui a pour corolaire la méfiance envers le multilatéralisme». La plupart des ambassadeurs présents ont compris le discours comme un coup porté contre Cassis. Après tout, le Tessinois a critiqué les organisations multilatérales dès son entrée en fonction.</p>
<h3>7. L'aversion des voyages</h3>
<p>Comme cela fait partie du programme obligatoire d’un ministre des affaires étrangères, Cassis a pris part en septembre à l'Assemblée générale de l’ONU à New York. Pour ce qui est des voyages qui ne sont pas indispensables, il y renonce; il n’a ainsi quitté la Suisse qu’à 8 reprises en 2018. A titre de comparaison: Burkhalter a fait 29 voyages à l’étranger au cours de sa première année à ce poste.</p>
<p>Cassis a réalisé son slogan «<em>la politique étrangère est une question de politique intérieure</em>», répond le DFAE à une demande de renseignement sur ce point. Ainsi, son programme contient, outre les voyages à l’étranger, de nombreuses apparitions en Suisse. Les visites à Genève ont par ailleurs «qualité de voyages à l’étranger», puisqu’il y est accueilli par le Secrétaire général de l’ONU ou qu’il prend part à des conférences internationales auxquelles se rendent des représentants de gouvernements étrangers. Il en est de même pour les déplacements au WEF à Davos.</p>
<p>Diplomates actifs ou retraités déplorent à l’unanimité qu’en raison de son aversion pour les voyages, Cassis n’a pas réussi à se bâtir un réseau personnel, une négligence qui, dans le monde des relations internationales, peut se révéler catastrophique à moyen et à long terme. </p>
<p>Pas seulement pour lui, mais pour le pays.</p>
<p>Un exemple: début août 2019, Cassis renonce à participer à une conférence de la Fédération des pays du Sud-Est asiatique. Il s'agit d’une importante organisation partenaire de la Suisse en Asie du Sud-Est, une région où vivent 650 millions de personnes et où les entreprises suisses ont investi l'équivalent de 37 milliards de dollars. Se rendent entre autres à Bangkok les ministres des affaires étrangères des Etats-Unis, de la Chine, du Japon, de l’Inde, de la Corée du Sud, de la Russie, de l’Australie ainsi que les représentants de l’Union européenne.</p>
<p>Par son absence, Cassis gâche en même temps deux chances: il ne renforce pas les liens avec l’Asie du Sud-Est et il ne mène aucune discussion bilatérale avec ses homologues de haut rang.</p>
<p>Pourquoi Cassis a-t-il laissé tomber la conférence? Il avait mieux à faire. Du 31 juillet au 2 août il prononce pas moins de 4 discours à Krachthal, L’Etivaz, Chiasso et Zuoz pour les festivités de la journée nationale suisse.</p>
<p><em>Switzerland first</em> tient bon.</p>',
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<p style="text-align: center;">Cet article de <strong>Dennis Bühler</strong> a été originellement publié dans <a href="https://www.republik.ch/2019/12/03/ignazio-cassis-die-schadensbilanz" target="_blank" rel="noopener">Republik </a>le 3 décembre 2019. Traduit par <strong>Marta Czarska</strong>.</p>
<hr />
<p>Il est sur la défensive. Et visiblement désespéré. Déjà en septembre, des collègues de parti et des proches collaborateurs du Département des affaires étrangères racontaient qu’Ignazio Cassis craignait d’être destitué. Au soir du 20 octobre, lors de la victoire électorale des Verts, historique dans les circonstances suisses, sa tension a viré à la panique.</p>
<p>Depuis, la pression sur le Conseiller fédéral PLR a encore augmenté. Après le deuxième tour, il est devenu clair que son parti n’a pas amélioré son score au Conseil des États, alors que les Verts y occupent soudain 5 sièges. Par ailleurs, avec Regula Rytz, la menace a désormais un visage. Présidente des Verts, populaire et avec un bon réseau au Parlement, la politicienne représente pour Cassis un défi pour les élections fédérales du 11 décembre. En tant qu’ancienne membre du gouvernement bernois, elle dispose de plus d’expérience à l’exécutif. Mais une destitution reste cependant peu probable. Cependant, le ministre des affaires étrangères tremblera jusqu’au résultats finaux des élections.</p>
<p>Ainsi, l’homme de 58 ans s'est mis en mode combat. Par précaution, il se présente dans les interviews comme la victime d’une majorité qui ne sait pas s’y prendre avec les minorités. Tessinois, il est désavantagé et le ressent en tant que Conseiller fédéral comme jamais auparavant. «<em>Les minorités sont bien bonnes pour les discours du 1er août</em>», dit-il. «<em>Mais quand il s’agit de partager le pouvoir, elles ne jouent plus aucun rôle</em>.» Il serait devenu une cible car il provient d’une autre culture et d’une autre région linguistique. Son origine le différencie de ses collègues du Conseil fédéral. «<em>Et les différences dérangent</em>.»</p>
<p>Vraiment? Et si c’est vrai, est-ce là toute la vérité?</p>
<p>Ou est-ce avant tout sa politique, est-ce sa gestion du poste?</p>
<h3>Rupture avec la politique de ses prédécesseurs</h3>
<p><em>Republik</em> s'est entretenu au cours des 3 derniers mois avec plus d’une douzaine de diplomates actifs et retraités, avec divers employés du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), avec des observateurs de longue date de la politique étrangère, des représentants de l’économie, des syndicalistes et des membres du PLR.</p>
<p>L’image qui ressort de ces entretiens: jamais personne n’avait chamboulé la politique étrangère de la Suisse si vite que l’a fait Ignazio Cassis. Avec son Secrétaire général et ancien chef des services secrets Markus Seiler, qui est devenu une espèce d’éminence grise, il joue depuis plus de deux ans une sorte de jeu du pouvoir: contre ses propres diplomates, contre ses collègues du Conseil fédéral, contre les valeurs éprouvées de la politique étrangère suisse. </p>
<p>Pierre Aubert, René Felber, Flavio Cotti, Joseph Deiss, Micheline Calmy-Rey, Didier Burkhalter: depuis la création du DFAE il y a 40 ans, tous les ministres des affaires étrangères ont jugé importante une participation forte de la Suisse aux institutions multilatérales. Tous s’y sont engagés pour les droits humains et les principes de l’État de droit.</p>
<p>Mais pas Ignazio Cassis.</p>
<h3>1. Les antécédents</h3>
<p>Ignazio Cassis est entré en politique par le fruit du hasard. Après ses études en médecine à Zurich et Lausanne, il est médecin cantonal au Tessin depuis 7 ans lorsqu’il accepte en 2003, pour rendre service au PLR, de figurer comme bouche-trou sur la liste pour les élections au Conseil national. A sa propre surprise, l’homme alors âgé de 42 ans surpasse plusieurs de ses collègues de parti et obtient la première place de remplaçant. Quand Laura Sadis est élue en 2007 au Conseil des États, il se précipite pour prendre sa place au Conseil national.</p>
<p>Après sa réélection une demi-année plus tard, Cassis abandonne son métier et devient lobbyiste à plein temps, au Parlement et en dehors. D’abord pour la FMH, la Fédération des médecins suisses, puis pour l’Association des caisses-maladies Curafutura. Le mandat lui rapporte 180 000 francs par an et le sobriquet peu flatteur de «Krankencassis». </p>
<p>S’il a commencé à Berne dans la frange politique de gauche du PLR, Cassis se positionne avec le temps de plus en plus à droite. Ce changement lui permet d’avoir plus d’influence. En 2015, il devient chef du groupe parlementaire et président de l’importante Commission de la sécurité sociale et de la santé publique. </p>
<p>Lors des élections parlementaires d’octobre 2015, le PLR et l’UDC remportent à eux deux 101 des 200 sièges nationaux, une petite majorité. Donnant le ton aux libéraux, Cassis essaye de renforcer la cohésion bourgeoise. «J'ai personnellement tout fait pour nous mettre d’accord avec l’UDC sur les thèmes que nous abordons de manière similaire, c’est-à-dire la plupart», dit-il peu avant Noël 2016 à la <em>Weltwoche</em>, qui le désigne comme parlementaire masculin le mieux vêtu.</p>
<p>Lorsque, en été 2017, le ministre des affaires étrangères Burkhalter annonce sa démission, Cassis est tout de suite favori pour lui succéder. Pendant les 3 mois de la campagne électorale, il ne laisse passer aucune occasion de maximiser ses chances. Neuf jours avant l’élection, il rejoint le lobby des armes Pro Tell et, après avoir essuyé de fortes critiques dans les médias pour cela, il le quitte 3 semaines après avoir été élu. Coup médiatique, il renonce à son passeport italien, qu’il avait depuis la naissance. Il promet qu’en politique européenne, il mettra les compteurs à zéro, sans trop expliquer ce qu’il entend par là. Et il s’assure du soutien de l’UDC en parlant leur langage lors des auditions des candidats («<em>Cassis a dit à peu près ce que nous voulions entendre</em>»).</p>
<p>Cette stratégie porte ses fruits. Cassis distance sans peine ses concurrents romands Pierre Maudet et Isabelle Moret le 20 septembre 2017 et est élu au second tour au Conseil fédéral. Grâce à lui, le Tessin revient au gouvernement fédéral 18 ans après le départ de Flavio Cotti (PDC).</p>
<h3>2. Le faux départ</h3>
<p>La première apparition importante du ministre des affaires étrangères Cassis a lieu en janvier 2018 au Forum économique de Davos. Après une rencontre avec son homologue saoudien, il s’enthousiasme des progrès sans compromis menés par le prince héritier dans la sécularisation de son pays.</p>
<p>Il ne mentionne ni les 154 exécutions ayant eu lieu en 2017, ni la charia, ni l’oppression des femmes.</p>
<p>Lors du WEF, Cassis réussit aussi à irriter avec ses déclarations sur la politique européenne. Le Conseil fédéral voudrait conclure dans les mois à venir un accord-cadre avec Bruxelles, dit-il devant les médias. Mais les conseillers fédéraux Ueli Mauer et Johann Schneider-Amman, aussi présents à Davos, rectifient publiquement le tir. Cassis fait marche arrière. Même la <em>NZZ</em>, d’habitude favorable au Tessinois, parle de «<em>comédie de communication</em>».</p>
<p>Le prochain faux-pas de Cassis a lieu en mai 2018, lors de sa visite en Jordanie. Il ouvre une nouvelle ambassade et visite un centre de formation pour réfugiés palestiniens géré par l’agence des Nations-Unies pour les réfugiés palestiniens au Proche-Orient (UNRWA). Sur le chemin du retour, il dit à une journaliste qui voyage avec lui: «Je me demande: est-ce que l’UNRWA est une part de la solution ou une part du problème?» Et donne lui-même la réponse: «Elle est l’un et l’autre.» Car aussi longtemps que les Palestiniens pourront vivre dans des camps de réfugiés, il est clair qu’ils voudront rentrer dans leur patrie. Sa conclusion: «En soutenant l’UNRWA, nous maintenons le conflit en vie.»</p>
<p>Avec cette déclaration, Cassis, connu déjà de son époque parlementaire pour son penchant vers Israël, brise les décennies de soutien suisse à l’agence. Un porte-parole du parti du président palestinien Mahmud Abbas se montre «irrité, choqué et surpris». En Suisse aussi, la voix du ministre des affaires étrangère met mal à l’aise. A son retour, le président de la Confédération Alain Berset le convoque et lui fait ensuite déclarer par écrit que la politique du Conseil fédéral au Proche-Orient n’a en rien changé. «Il n’y a en particulier aucun changement quant au soutien accordé à l’UNRWA.»</p>
<p>Quatre semaines plus tard, Cassis fait la gaffe suivante. Lors d’une interview radiophonique, il remet en question les lignes rouges du Conseil fédéral dans ses négociations avec Bruxelles. Si l’on veut conclure l’accord-cadre, tant l’UE que la Suisse devraient sortir de leurs costumes et trouver des «voies créatives», dit-il. Concrètement, la Suisse devrait abandonner la règle des 8 jours, une composante élémentaire des mesures de protection salariale.</p>
<p>En conséquence, les syndicats se retirent des négociations sur l'accord-cadre. Leur directeur en chef Paul Rechsteiner proteste que Cassis a brisé toutes les règles en vigueur depuis 20 ans et qu’il a «<em>perdu la tête</em>». Le DFAE essaye de relativiser les déclarations du ministre. Mais le mal est fait.</p>
<p>Cassis ne se laisse pas arrêter pour autant. Dans une interview pour le journal italien <em>Corriere della Sera</em>, il prophétise l’implosion de l’UE si elle ne se décentralise pas, il se moque du «vieil esprit impérial» du président français et la difficile formation de la coalition en Allemagne. Le fameux journal le compare à Matteo Salvini, le ministre de l’intérieur de droite et nationaliste italien. «<em>Avec Cassis, le vent populiste, souverainiste et identitaire qui vient de l’Est souffle aussi à Berne</em>.»</p>
<p>Et la question se pose en Suisse après la première année de Cassis au Conseil fédéral: le Tessinois ne sait-il pas communiquer? Ou provoque-t-il par calcul?</p>
<h3>3. Le non-diplomate</h3>
<p>Le poste au Département des affaires étrangères est difficile pour Cassis. En tant que politicien de la santé au Conseil national, il n’a pas eu à faire avec les thèmes de la politique extérieure et se retrouve soudain face à des centaines d’experts. Des diplomates qui sont au service de l’État depuis des décennies et pensent tout mieux savoir que leur nouveau supérieur. Nombre d’entre eux ont fait carrière sous la conseillère fédérale PS Calmy-Rey et sont arrivés à des postes de direction sous le libéral de gauche Burkhalter. Ils observent Cassis avec méfiance. Ils ont pris note de ce qu’il a clairement déclaré avant le vote: «<em>Il ne faut pas que les employés décident du chemin à prendre, c'est le rôle du chef</em>.»</p>
<p>Alors que Burkhalter travaillait souvent à domicile et vouvoyait tout le monde, même ceux qui le connaissaient du PLR et le tutoyaient, Cassis est au bureau tous les jours et tutoie la plupart des diplomates. Mais il ne voit pas que les changements qu’il désire introduire dans la politique étrangère passeraient mieux si ses 5500 collaborateurs étaient de la partie.</p>
<p>La première année, ce n’étaient que des petites piques que Cassis lançait dans ses discours et interviews. Il souligne souvent qu’il est politicien, pas diplomate. Mais avec le temps, il a haussé le ton. Dès l’automne 2018, le «non-diplomate», comme l’appelle <em>Bilanz</em>, fonce vers la confrontation.</p>
<p>En septembre, il se plaint qu’au Département règne «toujours cette euphorie de chanter en chœur et l’impression qu’il y a des ressources illimitées pour tout». Ce qu’il veut, lui, c'est trouver des solutions «<em>qui sont bonnes pour notre pays, et non pas des solutions qui n’ont pour seul but que de plaire à l’ONU.</em>»</p>
<p>En novembre, il affirme que les diplomates qui ne travaillent pas «toujours globalement et en accord avec la politique intérieure» devraient pouvoir décider de leur propre chef du soutien à donner à l’Agenda 2030 de l’ONU pour le développement durable. Et il se gausse de ce que certains s’imaginent que le Conseil fédéral est un lieu indépendant des valeurs, des partis et de la politique au sein duquel des anges s’occupent du bien-être de la population. «<em>C'est très romantique. Mais la formule magique n’existe pas pour rien.</em>» Il reste un politicien avec un cahier des charges du parti, même comme conseiller fédéral.</p>
<p>En décembre, il trouve amusant, dans l’édition de Noël de la <em>Weltwoche,</em> que de nombreux collaborateurs du DFAE ne se rendent même pas compte qu'ils suivent une certaine idéologie. «Ils s’adaptent à la majorité et peuvent ainsi avancer dans leur carrière. Il est très difficile de briser cet esprit grégaire.» Le pacte migratoire, aux négociations duquel la Suisse a tenu un rôle majeur pendant plus de 2 ans, est un bon exemple du fait que la politique extérieure a perdu le fil de la politique intérieure. «On aurait dû remarquer que l’on ne pouvait pas garder une affaire si délicate sous la table et la passer en fraude, mais qu’il fallait en discuter en long et en large. Cela ne doit plus arriver.»</p>
<p>La critique fondamentale de Cassis ne passe pas bien dans son Département. «Avec cette interview à la <em>Weltwoche</em>, il a vraiment dépassé les bornes», dit une diplomate.</p>
<p>De nombreux collaborateurs se sentent abandonnés par leur chef. Ils lui en veulent de ne s’être jamais engagé même un peu pour la reconnaissance du pacte migratoire (auquel la Suisse, après de longues semaines de débats au Parlement et dans les médias, n’a pas adhéré). Mais plus grave est le fait que Cassis ne prenne pas la défense de son personnel, lorsqu’un représentant du mouvement autrichien identitaire d’extrême-droite tient des propos incendiaires contre deux diplomates suisses. Une demi-année plus tard, la Secrétaire aux États Pascale Baeriswyl fait ce que Cassis aurait dû faire. Lors de la conférence de presse où elle parle de sa mutation à New York, elle fait remarquer qu’il aurait fallu donner du personnel de protection aux deux diplomates durant plusieurs semaines.</p>
<p>Pendant que Mme Baeriswyl met en garde contre la brutalité de ces mœurs, Cassis est assis là et fait mine de rien.</p>
<h3>4. L'éminence grise</h3>
<p>Quelques semaines après son élection au Conseil fédéral, Cassis joue un coup de génie, pour tous les intéressés. Il fait venir l’ancien chef des services secrets Markus Seiler au Secrétariat général du DFAE. </p>
<p>Cassis, inexpérimenté en matière de politique étrangère, profite ainsi du savoir-faire et du réseau de Seiler, tandis que Seiler peut fuir le service des renseignements, déjà entaché par une affaire d’espionnage. Cette mutation arrange aussi le PLR. Ainsi, le parti a un chaperon à un poste-clef pour son nouveau conseiller fédéral. On devrait donc pouvoir éviter ce qui est arrivé avec Burkhalter. Le neuchâtelois, en devenant ministre des affaires étrangères, s’était au cours du temps distancié du parti et avait fini par ne plus l’informer, même de son projet de démission.</p>
<p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1575975696_file6xgwvnmqib5bifqjixo.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p>
<h4 style="text-align: center;">L'éminence grise de Cassis, Markus Seiler. © DFAE</h4>
<p>Seiler, promu politologue débute sa carrière de fonctionnaire au Secrétariat général du PLR où il parvient jusqu’au poste de directeur de presse. En 1997, il sera conseiller dans l’équipe du ministre des finances Kaspar Villiger et deviendra rapidement son collaborateur personnel. En 2002, il entre au Département de la défense de Samuel Schmid (qui appartenait encore à l’époque à l’UDC) et en devient 3 ans plus tard Secrétaire général. Il le restera encore sous le successeur de Schmid, Ueli Maurer, avant que celui-ci le place en 2010 à la tête du service des renseignements qui se forme à la suite de la fusion des services secrets internes et externes.</p>
<p>A l’époque déjà, on disait de Seiler qu’il était un homme de carrière et de pouvoir qui poursuit son but avec calcul. La description vaut encore aujourd’hui.</p>
<p>Depuis 2 ans, Seiler domine le DFAE à volonté. Les diplomates, tant ceux en place que les anciens, sont d’accord pour dire que dans les faits, c’est lui qui dirige le Département et décide de la politique étrangère. «<em>Et pas Cassis.</em>»</p>
<p>Son prédécesseur Benno Bättig avait bien plus de retenue. Il voyait le bon fonctionnement de l’administration comme relevant de sa responsabilité et préparait pour Burkhalter les affaires du Conseil fédéral des autres départements. Seiler, lui, agit de manière stratégique, voyage lui-même à l’étranger et se mêle de tout. Et il garde un œil attentif sur l’administration. Selon les employés du DFAE, depuis 2 ans, il n’y a eu au Département de réunion à laquelle n’aurait pas participé soit Seiler, soit son remplaçant Charles Jean-Richard. Jean-Richard travaillait déjà en étroite collaboration avec Cassis en tant que secrétaire du groupe parlementaire du PLR jusqu’à l’automne 2017. Cassis entretient aussi des rapports particulièrement étroits avec ses collaborateurs personnels Anna Fazioli et Cédric Stucky.</p>
<p>Seiler fait également des apparitions publiques, ce qui est peu usuel pour un Secrétaire général. La semaine passée, il a parlé à l’Université de Zurich de la question de savoir si, pour Cassis, les intérêts économiques pèsent plus lourd que le droit dans la politique étrangère. «L’idée n’est pas nouvelle», dit-il. «Déjà dans le premier rapport sur la politique étrangère en 1993, la politique étrangère signifiait avant tout la défense des intérêts à l’extérieur. Le rapport avait été rédigé par Jakob Kellenberger et Peter Maurer, plus tard présidents de la Croix-rouge internationale, sûrement pas des idéologues néo-libéraux.» Dans les années 2000, il a eu une réaction qui a remis la valeur de la solidarité au premier plan. «<em>Nous disons maintenant: les valeurs et les intérêts sont les deux côtés de la même médaille.</em>»</p>
<p>Des arguments similaires émanaient au début de l'année d’un groupe de travail dirigé par Seiler et chargé par Cassis d’élaborer une «Vision de politique étrangère 2028». En font partie les deux super managers Peter Voser (ABB) et Thomas Wellauer (Swiss Re), mais pas un seul représentant d’organisation non-gouvernementale. Avec le résultat escompté. L’idée essentielle du papier stratégique de 50 pages est que l’engagement de la Suisse pour les droits humains, la démocratie, l’État de droit ne devrait pas «<em>avoir pour effet que les droits humains et l’économie soient en contradiction.</em>»</p>
<p>L’influence de Seiler, selon l’opinion de diplomates et employés d’autres départements, ne se réduit pas au DFAE. Depuis que Walter Thurnherr a tourné le dos au Département de l’infrastructure pour devenir Chancelier fédéral et que Stefan Brupbacher a quitté le Département de l’économie, aucun autre Secrétaire général n’a plus pu traiter avec Seiler. Comme il a par ailleurs une ligne directe avec son ancien patron et actuel ministre des finances Ueli Maurer, ainsi que de bonnes relations datant de son époque à la direction des services des renseignements au Département de la défense de Viola Amherd, il peut influer sur la politique du gouvernement dans son ensemble. C'est ainsi qu’en parlent plusieurs initiés de l’administration fédérale.</p>
<p>Au DFAE, on craint que les pouvoirs de Seiler continuent à augmenter lorsque la Secrétaire aux États Pascale Baeriswyl, nommée par Burkhalter, partira à la fin de l'année. Elle serait une des rares personnes à contredire Seiler de temps à autre. La plupart des autres diplomates préfèrent sortir du chemin du plus proche collaborateur de Cassis.</p>
<h3>5. <em>Switzerland first</em></h3>
<p>2019 commence pour Cassis comme l’année précédente, par une gaffe suivie de critiques publiques.</p>
<p>Le ministre des affaires étrangères visite en Zambie une mine de cuivre du négociant en matières premières Glencore et s’en enthousiasme ensuite sur Twitter: «Impressionné par les efforts de modernisation des installations et la formation des jeunes.» Le tweet s'accompagne de photos le montrant lui et son entourage en casques et vestes jaunes sur les terrains de la mine.</p>
<p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1575975962_d9qdagguyaetjmc.jpeg" class="img-responsive img-fluid center " /></p>
<h4 style="text-align: center;">La visite d'Ignazio Cassis dans une mine de cuivre de Glencore en Zambie / via Twitter</h4>
<p>Glencore se réjouit de ce coup de pub gratuit et le partage immédiatement comme tweet publicitaire payant.</p>
<p>Les critiques reprochent à Cassis de faire de la propagande électorale contre l’initiative pour des multinationales responsables, dont il sera bientôt débattu au Parlement. Mais le Tessinois ne se rend pas compte de sa faute. Trois semaines encore après son voyage en Afrique, il estime qu’avec son tweet, il n’a fait qu'exprimer son impression positive. «<em>Le reste est du fait des médias.</em>» Peu après, le <em>Blick</em> révèle que plusieurs riverains de la mine ont dû être hospitalisés pour empoisonnement, avant et après la visite de Cassis. Glencore doit fermer la mine pour assainissement.</p>
<p>En été, le Département tombe à nouveau en discrédit, cette fois en raison d’une collaboration avec le cigarettier Philip Morris. Il a encaissé 45 000 francs pour l’ouverture d’une nouvelle ambassade à Moscou et veut recevoir 1.8 millions de francs pour le pavillon suisse à l’Exposition universelle de Dubai. Les recherches de <em>Republik</em> montrent que des diplomates de la République de Moldavie sont intervenus pour empêcher le durcissement de la loi anti-tabac, un service amical qui contredit les buts de la politique suisse en matière de santé et de développement.</p>
<p>Fin juillet, lors d’une interview, le Secrétaire général Seiler déclare que le DFAE n’a eu «que des conversations préliminaires» avec Philip Morris, afin d’évaluer des possibilités de collaboration. Une déclaration démentie 3 mois et demi plus tard par des documents internes du Département: la collaboration avec le cigarettier était une affaire conclue.</p>
<p>Pendant ce temps, le DFAE provoque l’indignation en Suisse centrale, car il ordonne au fabriquant d’avions Stans Pilatus de se retirer dans les 3 mois d’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis. Pour Pilatus, il s’agirait d’une rupture de contrat. L’entreprise s'est engagée en 2017 à fournir pendant 5 ans un soutien technique et à assurer l’entretien des avions PC-21 livrés. En septembre, le Tribunal administratif fédéral admets un recours de Pilatus avec effet suspensif, c’est pourquoi les techniciens du fabricant sont toujours encore en activité dans les Etats du Golfe - une défaite pour le Département des affaires étrangères.</p>
<p>Les agissements du ministre des affaires étrangères suscitent aussi l’irritation de son parti. «<em>Il est nécessaire d’améliorer l’évaluation politique des affaires</em>», critique un initié du PLR. «<em>Quel homme normal se mettrait du côté de multinationales Glencore et Philip Morris mais taperait sur les doigts d’une entreprise suisse traditionnelle comme Pilatus?</em>» Cassis nuit à l’image du parti qui s’est efforcé au cours des 10 dernières années de ne plus apparaitre comme le larbin des grands groupes.</p>
<p>L’agenda du ministre est manifeste dans le message sur la coopération internationale des années 2021 à 2024 que le Conseil fédéral mettra en consultation au mois de mai. Cassis, toujours suivi de son Secrétaire général Seiler, met au premier plan les intérêts de la Suisse. La coopération pour le développement ne doit plus servir avant tout à soulager la détresse et la misère, mais assurer de l'emploi et donner de l’élan à l’économie, mais aussi endiguer la migration. A noter que le thème de la migration prend presque 2 fois plus de place dans le message que les 3 autres thèmes principaux (emploi, changement climatique, État de droit) mis ensemble.</p>
<p>«<em>Switzerland first</em>»: la devise sied à la perfection à Cassis. Lorsque le PLR tessinois le choisit officiellement comme son candidat unique à l’élection fédérale, le 1er août 2017, il porte un t-shirt rouge à croix blanche. Un an plus tard, il aimerait le ressortir de l’armoire, mais ses collaborateurs le lui déconseillent. Cela n'est pas adéquat pour un conseiller fédéral. A la question posée par <em>Schweizer Familie</em> de savoir si un maillot à croix suisse le jour de la fête nationale équivaut à l'expression «Switzerland first», Cassis répond: «<em>Justement. J’essaie encore d’en convaincre mon équipe. Qui sait, peut-être vais-je y arriver.</em>»</p>
<p>Un an plus tard, le vent a tourné.</p>
<p>Lors de la campagne électorale, les Verts et la gauche tirent sur lui à boulets rouges et l’impopulaire Cassis commence à s’inquiéter pour sa réélection. Et pour une fois, il déclare que l’on ne l’entendra jamais dire «<em>Switzerland first</em>».</p>
<h3>6. Les adversaires</h3>
<p>Lorsque Cassis est élu à l'automne 2017 au Conseil fédéral, l’équilibre du gouvernement est modifié. Alors que son prédécesseur Burkhalter faisait pencher la balance parfois plus à droite, parfois plus à gauche, Cassis la fait à tous les coups pencher à droite. Au fond, le Conseil fédéral n'avait pas vraiment à se réunir en 2018, les deux conseillers PRL et les deux conseillers UDC prenant en règle générale d’avance les mêmes positions. En tout temps, les intérêts économiques sont déterminants pour toutes les décisions du gouvernement. La politique étrangère n'est rien d’autre que politique économique étrangère.</p>
<p>Le glissement est visible dans le domaine, controversé depuis des années, de l’exportation du matériel de guerre. En juin 2018, le Conseil fédéral assouplit ses décisions. Sous certaines conditions, les armes suisses pourront aussi être exportées dans des pays touchés par la guerre civile. L’humaniste Burkhalter avait toujours combattu cette idée, et expliquera plus tard sa démission entre autres par le fait qu’il ne pouvait plus supporter les pressions subies à ce sujet: ses valeurs fondamentales n’étaient plus en accord avec celles du collège.</p>
<p>Cassis n’a pas ce genre d’inquiétude.</p>
<p>Pourtant, à l'automne 2018 sa position s’aggrave. Karin Keller-Sutter, qui succède à Johann Schneider-Ammann, est moins dogmatique que son prédécesseur. Pour l’ancienne conseillère aux États PLR, il est important de concilier les intérêts économiques de la Suisse avec ses traditions humanitaires. De plus, elle se donne de la peine pour faire régner l'harmonie, selon des sources proches du Conseil. Mme Keller-Sutter essaie d’intégrer dans les prises de décision les deux conseillers PS Alain Berset et Simonetta Sommaruga autant que la conseillère PDC Viola Amherd élue en même temps qu’elle.</p>
<p>Mais ce sont surtout les rapports entre Mme Keller-Sutter et Cassis qui sont dès le départs glaciaux et rapidement brisés.</p>
<p>Cela commence par le fait que Cassis n'a pas soutenu Mme Keller-Sutter mais Guy Parmelin lorsque les deux ont annoncé leur intérêt pour le Département de l’économie et de la formation. Un coup dur pour la nouvelle élue, qui comptait sur la solidarité de son collègue de parti et qui a dû se contenter du Département de la justice qu’elle a déjà géré au gouvernement de Saint-Gall, et dont elle ne voulait à aucun prix. L'ambiance est si mauvaise que le président de la Confédération Berset retarde de 3 jours l'annonce des nominations afin de rendre possible une solution amiable. En vain.</p>
<p>Mme Keller-Sutter se venge de Cassis en lui retirant la gestion du dossier de l’UE. En quelques mois, elle arrive à arrondir les angles sur tous les fronts et à faire revenir les syndicats à la table des négociations. Elle fait ainsi remonter les chances de succès de l'accord-cadre bien plus que n’en étaient capables Cassis et son Secrétaire aux États pour l’Europe Roberto Balzaretti, malgré tous leurs efforts au cours de l'année 2019.</p>
<p>La distribution des rôles ne devrait pas beaucoup changer au cours des mois à venir. Entre autres parce la ministre de la justice Keller-Sutter va mener la bataille contre l’initiative populaire de l’UDC contre la libre circulation des personnes qui devrait arriver aux urnes en mai 2020. En bref, Mme Keller-Sutter vole cette année la vedette à Cassis.</p>
<p>Le deuxième grand adversaire de Cassis au gouvernement est le ministre de l'intérieur Alain Berset. Comme Mme Keller-Sutter, il ne fait pas mystère dans son cercle restreint du peu de considération qu’il a pour son collègue conseiller fédéral, comme le rapportent à l’unanimité plusieurs sources proches du gouvernement.</p>
<p>Son aversion est devenue manifeste en août 2018, lorsque Berset fait un discours à la première conférence des ambassadeurs de Cassis. Guerre, changement climatique et inégalité mondiale exigent «un engagement vigoureux des institutions internationales pour la paix, les droits humains et la démocratie», déclare le président de la Confédération. «Mais d’autre part, nous vivons dans de nombreux pays un recul vers le national, un rétrécissement de l’horizon politique, ce qui a pour corolaire la méfiance envers le multilatéralisme». La plupart des ambassadeurs présents ont compris le discours comme un coup porté contre Cassis. Après tout, le Tessinois a critiqué les organisations multilatérales dès son entrée en fonction.</p>
<h3>7. L'aversion des voyages</h3>
<p>Comme cela fait partie du programme obligatoire d’un ministre des affaires étrangères, Cassis a pris part en septembre à l'Assemblée générale de l’ONU à New York. Pour ce qui est des voyages qui ne sont pas indispensables, il y renonce; il n’a ainsi quitté la Suisse qu’à 8 reprises en 2018. A titre de comparaison: Burkhalter a fait 29 voyages à l’étranger au cours de sa première année à ce poste.</p>
<p>Cassis a réalisé son slogan «<em>la politique étrangère est une question de politique intérieure</em>», répond le DFAE à une demande de renseignement sur ce point. Ainsi, son programme contient, outre les voyages à l’étranger, de nombreuses apparitions en Suisse. Les visites à Genève ont par ailleurs «qualité de voyages à l’étranger», puisqu’il y est accueilli par le Secrétaire général de l’ONU ou qu’il prend part à des conférences internationales auxquelles se rendent des représentants de gouvernements étrangers. Il en est de même pour les déplacements au WEF à Davos.</p>
<p>Diplomates actifs ou retraités déplorent à l’unanimité qu’en raison de son aversion pour les voyages, Cassis n’a pas réussi à se bâtir un réseau personnel, une négligence qui, dans le monde des relations internationales, peut se révéler catastrophique à moyen et à long terme. </p>
<p>Pas seulement pour lui, mais pour le pays.</p>
<p>Un exemple: début août 2019, Cassis renonce à participer à une conférence de la Fédération des pays du Sud-Est asiatique. Il s'agit d’une importante organisation partenaire de la Suisse en Asie du Sud-Est, une région où vivent 650 millions de personnes et où les entreprises suisses ont investi l'équivalent de 37 milliards de dollars. Se rendent entre autres à Bangkok les ministres des affaires étrangères des Etats-Unis, de la Chine, du Japon, de l’Inde, de la Corée du Sud, de la Russie, de l’Australie ainsi que les représentants de l’Union européenne.</p>
<p>Par son absence, Cassis gâche en même temps deux chances: il ne renforce pas les liens avec l’Asie du Sud-Est et il ne mène aucune discussion bilatérale avec ses homologues de haut rang.</p>
<p>Pourquoi Cassis a-t-il laissé tomber la conférence? Il avait mieux à faire. Du 31 juillet au 2 août il prononce pas moins de 4 discours à Krachthal, L’Etivaz, Chiasso et Zuoz pour les festivités de la journée nationale suisse.</p>
<p><em>Switzerland first</em> tient bon.</p>',
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<hr />
<p>Parmi les signataires, des pays principalement occidentaux tels que la France, l’Allemagne, l’Australie, les États-Unis et le Canada se positionnent en faveur de sanctions à l’encontre de la Russie. Cette déclaration est catégorique : « La guerre non provoquée et injustifiable de la Russie contre l’Ukraine, soutenue par le gouvernement biélorusse, est répugnante et constitue une violation flagrante de ses obligations internationales. » Ainsi, du point de vue sportif et diplomatique, la Russie se retrouve isolée.</p>
<h3>La création d’un nouvel ordre mondial du sport ?</h3>
<p>Dans les paroles et les actions, le pouvoir russe privilégie depuis le début de l’invasion la création d’un pôle sportif alternatif à l’échelle mondiale pour contrer les institutions sportives internationales traditionnelles telles que le CIO ou la Fifa.</p>
<p>En pratique, cela impliquerait de se passer du sport mondial, de le remplacer ou de rivaliser avec lui. En Russie, par exemple, l’idée de diviser le mouvement olympique gagne du terrain. Il s’agirait de séparer les Jeux en deux parties : à l’Ouest, les Jeux occidentaux, et à l’Est, les Jeux russes « traditionnels ». Ces Jeux à la russe se dérouleraient en été en Crimée et en hiver à Sotchi. Ils puiseraient leur légitimité dans les liens historiques plus ou moins confirmés de ces régions avec la Grèce antique. En 2007, pour obtenir les Jeux de Sotchi, Vladimir Poutine avait rappelé aux membres du CIO que « les Grecs anciens ont vécu près de Sotchi. J’ai vu le rocher près de Sotchi où, selon la légende, Prométhée était enchaîné. Prométhée qui a donné le feu aux hommes, le feu qui est finalement la flamme olympique ». Depuis, l’argument du mythe est souvent utilisé pour évoquer cette région russe, composée du Caucase et de la péninsule de Crimée. Selon Vladimir Poutine, ces terres sont sacrées et pourraient servir de cadre à un nouvel ordre mondial du sport.</p>
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<p>Dans le cadre de ce scénario et pour rivaliser politiquement et sportivement avec succès avec le mouvement olympique, le pouvoir russe cherche déjà des alliés […]. L’objectif est de solliciter les pays membres de la CEI, de l’Organisation de coopération de Shanghai et les BRICS pour qu’ils participent à cette ambition. Ces trois organisations regroupent plusieurs acteurs majeurs du sport mondial, parmi lesquels la Chine occupe une place de choix. Si ce projet russe réussissait, il pourrait donner naissance à un nouvel ordre mondial du sport destiné à rivaliser avec les institutions historiques du sport moderne telles que le CIO ou la Fifa. Concomitante à une dynamique plus générale de désoccidentalisation du monde, cette influence dépasse très largement le cadre sportif.</p>
<h3>Le sport ukrainien, c’est la guerre avec les balles</h3>
<p>Depuis le 24 février 2022, pour Volodymyr Zelensky et l’Ukraine, le sport, c’est la <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/culturesmonde/le-sport-c-est-la-guerre-les-fusils-en-moins-g-orwell-1945-2-4-la-guerre-un-sport-comme-les-autres-7282852">guerre avec les balles</a>. En effet, à l’heure du conflit russo-ukrainien, le domaine sportif en Ukraine a subi une transformation significative.</p>
<p>Initialement, au lendemain de l’invasion et sur une période de moins de deux mois, les autorités nationales ont suspendu l’ensemble des activités sportives en Ukraine. L’accent était alors mis sur l’effort de guerre, et les installations sportives ont été utilisées par les militaires ukrainiens comme bases de repli ou de déploiement. Cela explique pourquoi les installations sportives, telles que les stades ou les gymnases, sont souvent la cible des forces russes, car elles pourraient potentiellement abriter des unités ukrainiennes entières.</p>
<p>Par la suite, lorsque l’armée russe a commencé à faire du surplace voire à reculer sur le terrain, le secteur sportif ukrainien a pris une nouvelle orientation. Certains clubs de football ont obtenu la permission de jouer des matchs de charité à l’étranger, malgré la loi martiale interdisant aux hommes âgés de 18 à 60 ans de quitter le territoire. Ces matchs visaient à sensibiliser à la cause ukrainienne. De même, les athlètes en préparation pour d’importantes compétitions ont pu s’entraîner à l’étranger.</p>
<p>Par exemple, l’équipe nationale de football a été autorisée à s’entraîner en Slovénie pendant un mois en mai 2022 en vue des qualifications pour la Coupe du monde de football 2022 au Qatar. Ainsi, le soft power sportif a contribué symboliquement à l’effort de guerre. Les autorités estimaient qu’un athlète ukrainien était plus utile sur le terrain sportif que sur le front militaire. Selon elles, il offrait un double avantage en donnant à l’Ukraine une visibilité internationale et en pouvant potentiellement rehausser le moral des troupes déployées sur le terrain. Cette dimension ne doit pas être sous-estimée : une victoire sportive pour un athlète ukrainien procurait aux soldats, qui suivaient régulièrement les matchs et les résultats, un certain espoir et un regain de moral.</p>
<p>À partir de la mi-juin 2022, le sport à l’échelle nationale a progressivement retrouvé sa place, bien que dans des conditions exceptionnelles. Par exemple, la Première Ligue ukrainienne de football a obtenu l’autorisation de débuter la saison 2022-2023 fin août. Toutefois, les règles ont été adaptées à la situation du moment. Les spectateurs ne sont plus autorisés à assister aux matchs, et ceux-ci nécessitent une autorisation systématique de l’administration militaire pour avoir lieu. Si une alerte de raid aérien potentiel retentit dans un rayon de moins de 500 mètres, le match est interrompu et les joueurs se réfugient dans les vestiaires, ce qui se produit régulièrement. Après un an et demi de guerre, aucun footballeur ukrainien n’a été blessé. Cependant, certains matchs ont duré plus de cinq heures au total.</p>
<p>Paradoxalement, l’Ukraine continue de participer activement aux événements sportifs européens et mondiaux. Chaque compétition internationale offre l’opportunité aux autorités de promouvoir les intérêts du pays dans un contexte de guerre. De plus, certains clubs ukrainiens sont accueillis par les alliés géopolitiques les plus proches de l’Ukraine. Par exemple, le Dynamo Kyiv s’entraîne et joue certains de ses matchs à Cracovie, en Pologne. Dnipro, quant à lui, joue et s’entraîne à Košice, en Slovaquie, de manière permanente. En général, de nombreux athlètes et entraîneurs ukrainiens, actifs ou non, ont choisi de rejoindre le front dans l’est de l’Ukraine, mettant leur carrière en suspens. Le cas emblématique est peut-être celui de Yuriy Vernydub, entraîneur ukrainien du Sheriff Tiraspol, qui est parti au front dès le lendemain de l’invasion. Il est important de noter que ces professionnels du sport proviennent souvent de divisions sportives moins importantes. En effet, les athlètes de renom préfèrent généralement contribuer à l’effort de guerre d’un point de vue sportif et symbolique.</p>
<p>Le cas des supporters des clubs ukrainiens est également notable. Depuis 2014 et surtout depuis l’invasion russe en Ukraine, de nombreux ultras ont rejoint le front pour combattre ensemble, mettant de côté leur rivalité sportive. En temps de paix rivaux, les supporters du Shakhtar Donetsk et du Dynamo Kyiv combattent ensemble contre leur ennemi commun.</p>
<h3>La stratégie politique et sportive de Volodymyr Zelensky après l’invasion russe</h3>
<p>Depuis le 24 février 2022, la stratégie internationale de Volodymyr Zelensky s’est intensifiée dans le domaine sportif, trouvant écho dans l’espace médiatique mondial. Les ministères, les organisations privées et le comité olympique ukrainien, tous les organes politiques, économiques et sportifs du pays sont mobilisés pour transmettre un message : l’exclusion de la Russie doit durer tant que l’invasion se poursuit.</p>
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<p>Le hashtag #boycottrussiansport en est devenu le symbole. De manière concrète, les arguments ukrainiens peuvent être résumés en cinq points. La Russie devrait être exclue des événements sportifs mondiaux et des Jeux olympiques de Paris 2024 car elle est un État envahisseur et terroriste ; les athlètes russes sont de quelque manière liés à l’État russe ou à l’armée russe ; le régime de Vladimir Poutine exploite le sport à des fins de propagande ; dans de telles conditions, l’équité des compétitions sportives (Jeux olympiques, Coupe du monde, etc.) ne peut être maintenue ; les athlètes ukrainiens perdent la vie au front ou ne peuvent pas s’entraîner convenablement pour les grandes compétitions internationales, par conséquent la Russie et la Biélorussie ne devraient pas être autorisés à y participer.</p>
<p>Pour diffuser ces arguments, le gouvernement ukrainien utilise divers canaux. Tout comme Volodymyr Zelensky utilise son smartphone pour communiquer avec différentes générations, les principaux porte-parole du sport ukrainien exploitent les canaux et les codes contemporains pour diffuser leur message. Les réseaux sociaux tels que TikTok, Facebook ou Instagram sont fréquemment utilisés pour diffuser des propos politiques liés au sport. On peut souvent voir circuler des vidéos de quelques secondes transmettant un message percutant. Par exemple, l’une de ces vidéos virales montre un athlète russe lançant un javelot dans les airs. Le javelot se transforme ensuite en obus, suit la trajectoire de l’athlète et finit par s’écraser sur un bâtiment ukrainien. Un message s’affiche alors à l’écran : « Boycott Russian Sport. »</p>
<h4 style="text-align: center;"><a href="https://images.theconversation.com/files/592021/original/file-20240503-16-h8q7b1.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/592021/original/file-20240503-16-h8q7b1.jpeg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a></h4>
<h4 style="text-align: center;"><em><span>Ces extraits sont issus de « La Guerre du sport. Une nouvelle géopolitique » de Lukas Aubin et Jean-Baptiste Guégan, qui vient de paraître aux éditions Tallandier.</span></em></h4>
<p>En général, tous les médias sont utilisés par l’Ukraine pour défendre ses intérêts. Par exemple, le site web du ministère ukrainien de la Jeunesse et des Sports est en ukrainien, mais une bannière en gras et en anglais apparaît en haut de la page, indiquant : <a href="https://mms.gov.ua/russian-and-belarusian-athletes-who-support-the-war-in-ukraine">« Russian and Belarusian athletes who support the war in Ukraine. »</a> la bannière, les internautes ont accès à une liste d’athlètes russes et biélorusses soutenant officiellement l’invasion russe en Ukraine. Le compte Facebook du ministère suit la même approche, avec une bannière principale affichant à nouveau le hashtag #boycottrussiansport, cette fois-ci en lettres sanglantes.</p>
<p>Pour avoir un impact encore plus fort, le Comité des sports d’Ukraine (SKU), chargé de promouvoir le développement des sports non olympiques, a lancé le projet Angels of Sport via un site web recensant les athlètes et entraîneurs ukrainiens professionnels décédés au combat depuis le 24 février 2022.<img src="https://counter.theconversation.com/content/229262/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p>
<hr />
<p> </p>
<h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/lukas-aubin-910318">Lukas Aubin</a>, Docteur en Études slaves contemporaines : spécialiste de la géopolitique de la Russie et du sport, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/universite-paris-nanterre-universite-paris-lumieres-2294">Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières</a></em> et <a href="https://theconversation.com/profiles/jean-baptiste-guegan-234426">Jean-Baptiste Guégan</a>, Enseignant en géopolitique du sport, journaliste et consultant, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4>
<h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/geopolitique-du-sport-laffrontement-entre-la-russie-et-lukraine-229262">article original</a>.</h4>
<h4><em>Lukas Aubin, directeur de recherche à l’IRIS, spécialiste de la géopolitique de la Russie et du sport et membre associé du Centre de Recherches Pluridisciplinaires Multilingues (CRPM) à l’université Paris-Nanterre, et Jean-Baptiste Guégan, expert en géopolitique du sport et enseignant à Sciences Po Paris, viennent de publier aux éditions Tallandier</em> <a href="https://www.tallandier.com/livre/la-guerre-du-sport/">La Guerre du Sport, une nouvelle géopolitique</a>, <em>un ouvrage complet qui met en lumière l’influence des grands enjeux internationaux sur un un monde du sport à l’apolitisme de plus en plus illusoire. Nous vous en proposons ici quelques extraits consacrés à l’impact de l’invasion de l’Ukraine par la Russie sur l’univers sportif de ces deux pays… et au-delà.</em></h4>',
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<p><span>Question: «Vers la fin du livre, on peut lire: "Quand le monde est fou, seul le ridicule fait sens." Est-ce qu’il ne faudrait pas, au contraire, redonner à nos société un sens de la dignité?» </span></p>
<p><span>Réponse: «Qu’y a-t-il de plus digne que d’oser rire à la face hideuse d’un pouvoir dévoyé? Le rire et l’humour le déstabilisent et fragilisent son univers carcéral spirituel et matériel. Le pouvoir veut et doit être pris au sérieux s’il entend durer. Narcissique et mythomane, il n’a que sa carapace bardée de pointes acérées pour se défendre. L’autodérision lui est interdite et le rire est son pire ennemi. On peut trancher la gorge des gens, les torturer, s’ils parviennent à rire devant leur bourreau, ils font preuve de la plus grande des libertés. La dignité, elle, est noble en soi, mais elle ne peut rien contre celui qui n’en a pas. La dignité bâtit des temples dans l’invisible, le rire est une arme concrète qui fait vaciller les trônes dans le monde réel. J’ai voué toute ma vie aux lettres parce que je suis convaincu que le verbe finit toujours par triompher de la force brute.»</span></p>
<hr />
<h4><a href="https://lepeuple.ch/oskar-freysinger-jamais-le-monde-na-bascule-dans-le-totalitarisme-certes-mou-en-si-peu-de-temps/" target="_blank" rel="noopener">Lire l'interview dans son intégralité</a></h4>',
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'content' => '<p style="text-align: center;"><strong>Philippe Stalder</strong>, article publié sur <a href="https://www.infosperber.ch/umwelt/philippinen-verbieten-genmanipulierten-eth-reis/" target="_blank" rel="noopener"><em>Infosperber</em></a> le 8 mai 2024, traduit par <em>Bon Pour La Tête</em></p>
<hr />
<p>«La graine a germé», annonçait l’ETH il y a un an et demi. Pour la première fois, des paysans philippins auraient cultivé le riz dit «doré» à grande échelle et auraient récolté fin 2022 quelque 70 tonnes de grains. Ingo Potrykus, professeur émérite de l'ETH, a célébré cette récolte comme une percée: «Après des décennies (...), le premier exemple de projet humanitaire visant à résoudre un problème de santé majeur devient maintenant réalité».</p>
<p>Potrykus est considéré comme le père spirituel et l'inventeur du riz enrichi en provitamine A. Il y voyait un moyen efficace de lutter contre les maladies dues à une carence en vitamine A, très répandues en Asie du Sud-Est et qui peuvent entraîner la cécité, voire la mort. Potrykus était alors loin de se douter qu'un tribunal philippin retoquerait son invention un an et demi après son autorisation.</p>
<h3>Syngenta acquiert des droits de brevet</h3>
<p>La route a été longue jusqu'à la première récolte du riz doré: en 1999 déjà, Potrykus et son collègue Peter Beyer avaient présenté un prototype. Celui-ci contenait des gènes de jonquille qui produisaient de la provitamine A dans le grain de riz et le faisaient ainsi briller d'un jaune doré. En 2005, les chercheurs avaient développé une deuxième variante en collaboration avec le géant de l'agroalimentaire Syngenta. Au lieu d'utiliser le patrimoine génétique de la jonquille, celle-ci était enrichie de gènes de maïs qui produisaient une quantité de vitamine A encore plus élevée. </p>
<p>Grâce à sa participation financière, Syngenta a acquis les droits de brevet et de commercialisation. Le géant bâlois de l'agroalimentaire a toutefois promis de fournir gratuitement les semences aux agriculteurs dont le revenu annuel était inférieur à 10'000 dollars. L'espoir était que la variété représente ainsi 10%de la récolte de riz du pays en l'espace de huit ans. Suffisamment pour tous les ménages souffrant d'une carence en vitamine A.</p>
<p>Des organisations environnementales comme Greenpeace ont toutefois questionné le fait que les provitamines contenues dans les grains de riz puissent être absorbées par des personnes souffrant de malnutrition. En effet, le corps humain n'utiliserait la provitamine A que s'il dispose de suffisamment de graisse, ce qui, selon Greenpeace, n'est souvent pas le cas chez ces personnes. De plus, il y aurait un risque que le riz génétiquement modifié, une fois introduit dans le champ, se reproduise de manière autonome, se propage et contamine ainsi d'autres variétés de riz. En raison de ces doutes, il a fallu attendre 16 ans de plus pour que les autorités philippines en charge de la biosécurité donnent finalement le feu vert à la culture du riz doré en 2021.</p>
<h3>Le tribunal révoque l’autorisation</h3>
<p>Mais aujourd'hui, une nouvelle décision de justice met déjà un frein à la propagation de la variété de riz transgénique. Ainsi, une Cour d'appel philippine a révoqué l'autorisation le 17 avril dernier en se référant au principe de précaution: «En l'absence de consensus scientifique sur la sécurité du riz doré, il ne devrait plus être cultivé à des fins commerciales». L'interdiction s'étend en outre à la culture d'une aubergine génétiquement modifiée. La culture commerciale de ces variétés n'est pas autorisée «jusqu'à ce que les autorités gouvernementales concernées apportent la preuve de la sécurité et du respect de toutes les exigences légales», précise le tribunal.</p>
<p>Le tribunal a aussi relevé que le gouvernement n'avait pas mis en place de mécanismes de surveillance pour assurer la sécurité de la culture et de la consommation du riz doré. Le jugement met donc pour l'instant à l’arrêt de nouveaux essais menés en plein champ, dans des serres ou des champs ouverts.</p>
<p>Ce jugement intervient après que l'association d'agriculteurs philippins MASIPAG a porté plainte, avec d'autres organisations, contre l'autorisation de cultiver du riz doré. La plainte, déposée en 2022, se base sur un instrument juridique philippin appelé Writ of Kalikasan. Celui-ci protège le droit constitutionnel à une «écologie équilibrée et saine» et stipule que ce droit prévaut sur les activités humaines susceptibles de nuire à l'environnement.</p>
<h3>Un recours porterait-il ses fruits?</h3>
<p>Comme l'explique Aldrich Fitz Dy, avocat et consultant philippin interrogé par la revue <em>Science</em>, le gouvernement a désormais deux possibilités. Il peut soit faire appel, soit porter le jugement devant la Cour suprême. Selon Dy, la première solution est peu probable, la seconde prendrait au moins deux ans.</p>
<p>Adrian Dubock, membre du Golden Rice Humanitarian Board, voit les choses différemment. Il s'attend à ce que le gouvernement philippin fasse appel auprès de la Cour: «Je suppose que l'appel sera couronné de succès», estime Dubock auprès de la plateforme scientifique <em>New Scientist</em>.</p>
<p>Il reste à voir si l'interdiction actuelle de cultiver le riz doré peut encore être remise en question. En attendant, ce jugement devrait inspirer les mouvements qui, dans d'autres pays, s'opposent à l'introduction du riz doré et d'autres variétés génétiquement modifiées. C'est le cas par exemple au Bangladesh, où la demande de culture de riz doré est à l'étude depuis 2017.</p>',
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'content' => '<p><span>L’explication? Les affaires ont repris mollement, les habitudes de la clientèle ont changé, le coût de l’énergie a grimpé, comme tant d’autres prix. Les grandes enseignes s’en tirent, mais les modestes pintes, les petits hôtels n’arrivent plus à dégager des profits suffisants pour payer cette dette. A cela s’ajoute le manque de personnel qui contraint parfois à restreindre les heures de service et les jours ouvrables, d’où une baisse des revenus. </span></p>
<p><span>Pour ce qui est de l’ensemble de l’économie, le tableau est moins sombre mais peu réjouissant. Sur les 16,9 milliards accordés, il reste encore des crédits en cours à hauteur de presque 7 milliards. En mars 2023 le taux d’intérêt initial a été relevé par le Conseil fédéral. Une proposition de renoncer à cette hausse a été rejetée au Conseil national par 95 contre 93 voix. Il a été question de prolonger le délai prévu pour le remboursement mais ni le gouvernement ni le Parlement ne paraissent disposés à des assouplissements.</span></p>
<p><span>«Dans ce contexte, écrit <em>l’Agefi</em>, on pourrait attendre des forces politiques, d’habitude si promptes à clamer leur amour des PME, une attitude plus volontariste, afin d’éviter que l’aide acceptée dans l’urgence se transforme en arrêt de mort pour les entreprises en difficulté.»</span></p>
<hr />
<h4><a href="https://agefi.com/actualites/editorial/credit-covid-la-bouee-devenue-boulet" target="_blank" rel="noopener">Lire l'éditorial</a></h4>',
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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
2 Commentaires
@Deuborch 12.12.2019 | 12h03
«Je verrais volontiers M.Cassis comme gondolier à Venise...»
@Lagom 12.12.2019 | 18h46
«Pour l'UNRWA je pense qu'il a réussi à suspendre la contribution de la Suisse provisoirement sous prétexte de l'enquête sur son patron démissionnaire, qui est suisse d'ailleurs !!!»