Actuel / En Suisse comme ailleurs, les mouvements pro-vie gagnent du terrain
Les mouvements pro-vie sont souvent liés à des institutions religieuses. Ici le pape François entouré de manifestants de l'organisation One of Us. © Edgar Jimenez
La Suisse n’échappe pas à la montée des mouvements anti-avortement. Entre lobbying, centres d’aide aux femmes enceintes, installation de boîtes à bébés ou offres de rabais sur les assurances, les pro-vie helvétiques rivalisent d’ingéniosité pour restreindre le droit à l’avortement.
Par Katy Romy, publié par Swissinfo.ch le 18 août 2022
«Les mouvements anti-avortement se sont modernisés, professionnalisés et politisés», explique Neil Datta, secrétaire général du Forum parlementaire européen sur la population et le développement, un réseau indépendant de groupes parlementaires européens qui s’engage pour l’amélioration de la santé et des droits en matière de sexualité et de procréation.
Après la révocation, le 24 juin 2022, par la Cour suprême des Etats-Unis du droit fédéral à l’avortement, Neil Datta scrute désormais avec inquiétude la montée des mouvements pro-vie sur le continent européen. «Depuis une décennie, les tentatives pour restreindre le droit à l’avortement se multiplient, au Portugal, en Espagne, en Lituanie, en Slovaquie, en Pologne, en Autriche, en Finlande et même en Suède», constate-t-il.
Le phénomène touche aussi la Suisse. Si peu d’Helvètes se déclarent ouvertement contre l’avortement, les organisations opposées à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) font preuve d’inventivité pour faire passer leurs idées.
Lobbying au Parlement
Sur la scène politique, leurs revendications sont portées par une partie de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice). Régulièrement, des élu-es du plus grand parti du pays déposent des interventions parlementaires ou lancent des initiatives populaires visant à limiter le recours à l’IVG.
Ces propositions ayant pour l’instant toujours été rejetées, deux représentantes de l'UDC sont revenues à la charge en décembre dernier. Elles ont lancé deux initiatives populaires pour restreindre l’accès à l’avortement. Le délai pour la récolte des 100'000 signatures nécessaires à la tenue d’un vote populaire court jusqu'au 21 juin 2023.
Le premier texte, intitulé «la nuit porte conseil», a été lancé par la députée bernoise Andrea Geissbühler. Il veut introduire un délai de réflexion d'un jour avant toute IVG, dans le but de «protéger les femmes contre les avortements décidés dans la précipitation». Le second, porté par la députée lucernoise Yvette Estermann, s’oppose «aux avortements tardifs». Il réclame qu’il ne soit plus possible d’avorter dès lors que «l’enfant peut respirer en dehors de l’utérus, moyennant éventuellement des mesures de soins intensifs».
Si les deux femmes insistent sur le fait que leurs initiatives ne visent pas à interdire l’avortement, elles sont toutefois proches des mouvements pro-vie, dont elles reprennent l’argumentaire. Andrea Geissbühler siège au comité directeur de l’association suisse Pro Life, ouvertement anti-IVG. Cette dernière n’hésite d’ailleurs pas à comparer l’avortement à un meurtre. «Si ces initiatives peuvent sauver quelques vies, cela en vaut la peine», dit-elle à swissinfo.ch.
Les deux politiciennes de la droite conservatrice se font les porte-parole des initiatives, mais elles ne les ont pas élaborées elles-mêmes. Derrière les deux femmes se trouvent des groupements radicalement opposés à l’avortement. «Différentes organisations ont conçu les initiatives. Elles nous ont ensuite contactées pour nous proposer de présider le comité d’initiative», explique Andrea Geissbühler.
Des militants connectés à l'international
Yvette Estermann et Andrea Geissbühler ne dévoilent pas les noms de ces organisations. Les signatures récoltées en faveur des textes doivent toutefois être envoyées directement à l’une d’entre elles, l’association Mamma. Son président, Dominik Müggler, un fervent opposant à l’IVG, avait déjà lutté sans succès contre la décriminalisation de l’avortement en Suisse en 2002. Le Bâlois siège désormais dans les deux comités d’initiatives.
L’objectif de Dominik Müggler va plus loin que les restrictions réclamées par ces textes. «L'avenir se passera tôt ou tard de l'avortement, non pas parce qu'il sera interdit, mais parce que l'humanité sera convaincue que l'avortement est diamétralement opposé à la dignité humaine», affirme-t-il, dans une réponse écrite à swissinfo.ch. «L’avortement n’est pas une interruption de grossesse, mais le meurtre de son enfant», peut-on aussi lire sur le site de son association.
Le militant est très actif et connecté. Il participe à des congrès et des manifestations contre l’avortement à l’étranger et s’en inspire. Sur une photo, on le voit par exemple à une «marche pour la vie» (une manifestation anti-IVG qui existe dans de nombreux pays) à Washington en 2019. En 2020, s’inspirant d’une organisation américaine, il a aussi participé à la création de l’association hope21, qui milite contre les avortements des fœtus atteints de trisomie 21.
Des boîtes à bébés controversées
Le même Dominik Müggler est à l’origine des fameuses «boîtes à bébé», à travers sa fondation Aide suisse pour la mère et l’enfant (ASME). Il a installé le premier de ces dispositifs permettant aux mères désespérées d’abandonner leur bébé dans un compartiment accessible depuis l’extérieur d’un bâtiment hospitalier, en 2001 à Einsiedeln, dans le canton de Schwyz. Aujourd’hui, la fondation gère sept des huit boîtes du pays. De plus, elle prend en charge les coûts d’installation et les frais de soins au bébé.
Si le concept est à première vue séduisant, les boîtes à bébé suscitent la controverse. En 2015, le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies avait d’ailleurs recommandé à la Suisse de les interdire car elles contreviendraient au droit de l’enfant à connaître ses origines.
Le dispositif est également critiqué par Santé sexuelle suisse, l’organisation faîtière des centres de santé sexuelle, non seulement parce qu’il est géré par les adversaires de l’avortement, mais aussi parce qu’il ferait courir des risques à la femme et à l’enfant. «L’idéologie est purement pro-vie: l’important est que des bébés naissent. La femme, elle, ne compte pas», relève sa directrice Barbara Berger.
Comme alternative, Santé sexuelle suisse préconise l’accouchement confidentiel, déjà possible dans 18 cantons. Il permet d’accoucher sous un pseudonyme à l’hôpital, au lieu de le faire seule, dans le secret. Cela permet de maintenir la confidentialité et de garantir des soins médicaux appropriés à la femme et à l’enfant, ainsi que de préserver leurs droits.
Centre d'aide et de conseils
L’ASME se présente également comme «un centre d’aide et de conseils aux femmes qui connaissent des difficultés à la suite d’une grossesse ou d’une naissance». Sur son site Internet, la fondation relaie des arguments anti-avortement, mais aussi de nombreuses informations sur les prétendus dangers physique et psychique de l’IVG.
Dans la pratique, l’IVG est l’une des procédures chirurgicales les plus courantes. Dans les pays où elle est légale, avorter est généralement sans danger et les complications sont rares, selon le manuel MSD. Par ailleurs, de nombreuses études scientifiques parviennent à la conclusion que l’avortement ne cause pas de troubles psychologiques. La stigmatisation de l’avortement et le tabou qui l’entoure peuvent causer plus de souffrance que l’IVG elle-même, souligne Santé sexuelle suisse.
«Ces organisations diffusent de fausses informations pour dissuader les femmes d’avorter. Elles essayent de profiter d’une situation de détresse, ce sont des pratiques choquantes», commente Barbara Berger.
Des rabais sur les assurances maladie
L’ASME n’est de loin pas la seule organisation pro-vie qui utilise des méthodes controversées en Suisse. D’autres vont jusqu’à offrir des avantages aux femmes qui renoncent à avorter. C’est le cas de l’association Pro Life, qui a été créée 1989 et qui rassemble quelque 70'000 membres en Suisse.
Cette dernière négocie des contrats auprès de l’assureur maladie Helsana. Elle accorde ainsi des réductions sur les primes d’assurance complémentaire à ses membres qui signent une charte de renonciation à l’avortement. Cette charte n’a toutefois aucune valeur juridique, puisque légalement l’IVG doit être remboursée par l’assurance obligatoire des soins. Quant à Helsana, dans un article du quotidien ArcInfo, elle précise qu’elle n’a «pas de relation particulière» avec Pro Life et qu’elle a conclu avec l’association «un contrat collectif conforme aux usages de la branche.»
Le procédé a été pointé du doigt à plusieurs reprises, notamment par la sénatrice écologiste Lisa Mazzone, auteure d’une interpellation sur le sujet. S’il reconnaît que la pratique «puisse être considérée comme problématique», le gouvernement considère cependant que «le droit des assurés à recevoir les prestations prévues par la loi sur l'assurance-maladie n'en est pas restreint».
Un réseau international
Les anti-IVG suisses ne travaillent pas de manière isolée. «Ils font partie d’un réseau international très connecté, qui est contre l’IVG, contre les droits des LGBT (lesbiennes, gay, bi et trans) et contre l’éducation sexuelle», affirme Barbara Berger. Elle le constate par exemple lorsque des interventions parlementaires sont déposées sur le sujet, reprenant des mêmes phrases, extraites d’argumentaires d’associations pro-vie à l’étranger.
Neil Datta dresse un constat similaire. En Europe, il estime que ces mouvements qui partagent une vision ultra-conservatrice de la société ont pris de l’ampleur et commencé à s’organiser en 2013, en réaction à l’introduction du mariage pour toutes et tous en France et au Royaume-Uni. «Ils ont commencé à se rencontrer et à échanger des idées, notamment au travers d’un réseau appelé Agenda Europe ou le Congrès mondial des familles», précise-t-il.
Ces organisations se sont ainsi modernisées, et il s’agit peut-être de la clé de leur succès, puisqu’elles se sont de cette manière attiré davantage de soutien financier, comme l’a montré une étude réalisée par le Forum parlementaire européen pour les droits reproductifs. «Les montants investis dans ces mouvements en Europe ont quadruplé entre 2009 et 2018, pour atteindre 700 millions de dollars», souligne Neil Datta, qui a rédigé le rapport.
Cet argent provient de 54 organisations (ONG, fondations, organisations religieuses et des partis politiques). «Il y a trois sources géographiques principales: les Etats-Unis, la Fédération de Russie et, la plus importante, l’Europe elle-même», détaille Neil Datta.
En Suisse, comme dans la plupart des pays d’Europe, ces mouvements restent minoritaires, malgré leur activisme. «Ils sont toutefois présents et n’attendent que la bonne opportunité, le bon paysage politique, pour faire avancer leurs idées. De plus, nous avons constaté que beaucoup de pays protègent mal l’avortement juridiquement», met en garde Neil Datta. C’est dans ce contexte qu’en 2021 le gouvernement conservateur polonais a réussi à obtenir une interdiction quasi totale de l’IVG, désormais autorisée uniquement en cas de viol ou de danger pour la vie de la femme.
«En Europe, l’avancement des mouvements pro-vie a quinze ans de retard sur les Etats-Unis, mais un processus semblable est déjà engagé», estime Neil Datta.
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Si peu d’Helvètes se déclarent ouvertement contre l’avortement, les organisations opposées à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) font preuve d’inventivité pour faire passer leurs idées.</p> <h3>Lobbying au Parlement</h3> <p>Sur la scène politique, leurs revendications sont portées par une partie de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice). Régulièrement, des élu-es du plus grand parti du pays déposent des interventions parlementaires ou lancent des initiatives populaires visant à limiter le recours à l’IVG.</p> <p>Ces propositions ayant pour l’instant toujours été rejetées, deux représentantes de l'UDC sont revenues à la charge en décembre dernier. Elles ont lancé <a href="https://initiative-sauver-les-bebes-viables.ch/lancement-de-deux-initiatives-populaires-federales/" target="_blank" rel="noopener">deux initiatives populaires</a> pour restreindre l’accès à l’avortement. 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Derrière les deux femmes se trouvent des groupements radicalement opposés à l’avortement. «Différentes organisations ont conçu les initiatives. Elles nous ont ensuite contactées pour nous proposer de présider le comité d’initiative», explique Andrea Geissbühler.</p> <h3>Des militants connectés à l'international</h3> <p>Yvette Estermann et Andrea Geissbühler ne dévoilent pas les noms de ces organisations. Les signatures récoltées en faveur des textes doivent toutefois être envoyées directement à l’une d’entre elles, <a href="https://www.mamma.ch/fra/" target="_blank" rel="noopener">l’association Mamma</a>. Son président, Dominik Müggler, un fervent opposant à l’IVG, avait déjà lutté sans succès contre la décriminalisation de l’avortement en Suisse en 2002. Le Bâlois siège désormais dans les deux comités d’initiatives.</p> <p>L’objectif de Dominik Müggler va plus loin que les restrictions réclamées par ces textes. «L'avenir se passera tôt ou tard de l'avortement, non pas parce qu'il sera interdit, mais parce que l'humanité sera convaincue que l'avortement est diamétralement opposé à la dignité humaine», affirme-t-il, dans une réponse écrite à <em>swissinfo.ch</em>. «L’avortement n’est pas une interruption de grossesse, mais le meurtre de son enfant», peut-on aussi lire sur <a href="https://www.mamma.ch/fra/l-avortement/l-avortement-consequences-possibles-pour-la-femme/#cinq" target="_blank" rel="noopener">le site de son association.</a></p> <p>Le militant est très actif et connecté. Il participe à des congrès et des manifestations contre l’avortement à l’étranger et s’en inspire. 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Il a installé le premier de ces dispositifs permettant aux mères désespérées d’abandonner leur bébé dans un compartiment accessible depuis l’extérieur d’un bâtiment hospitalier, en 2001 à Einsiedeln, dans le canton de Schwyz. Aujourd’hui, la fondation gère sept des huit boîtes du pays. De plus, elle prend en charge les coûts d’installation et les frais de soins au bébé. </p> <p>Si le concept est à première vue séduisant, les boîtes à bébé suscitent la controverse. En 2015, le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies avait d’ailleurs <a href="https://www.humanrights.ch/fr/pfi/fondamentaux/application/onu/cde/" target="_blank" rel="noopener">recommandé</a> à la Suisse de les interdire car elles contreviendraient au droit de l’enfant à connaître ses origines. </p> <p>Le dispositif est également <a href="https://www.presseportal.ch/fr/pm/100018510/100746156" target="_blank" rel="noopener">critiqué par Santé sexuelle suisse</a>, l’organisation faîtière des centres de santé sexuelle, non seulement parce qu’il est géré par les adversaires de l’avortement, mais aussi parce qu’il ferait courir des risques à la femme et à l’enfant. «L’idéologie est purement pro-vie: l’important est que des bébés naissent. La femme, elle, ne compte pas», relève sa directrice Barbara Berger.</p> <p>Comme alternative, Santé sexuelle suisse préconise l’accouchement confidentiel, déjà possible dans 18 cantons. Il permet d’accoucher sous un pseudonyme à l’hôpital, au lieu de le faire seule, dans le secret. Cela permet de maintenir la confidentialité et de garantir des soins médicaux appropriés à la femme et à l’enfant, ainsi que de préserver leurs droits.</p> <h3>Centre d'aide et de conseils</h3> <p>L’ASME se présente également comme «un centre d’aide et de conseils aux femmes qui connaissent des difficultés à la suite d’une grossesse ou d’une naissance». Sur <a href="https://www.asme.ch/avortement/les-suites-possibles-dun-avortement/" target="_blank" rel="noopener">son site Internet</a>, la fondation relaie des arguments anti-avortement, mais aussi de nombreuses informations sur les prétendus dangers physique et psychique de l’IVG. </p> <p>Dans la pratique, l’IVG est l’une des procédures chirurgicales les plus courantes. Dans les pays où elle est légale, avorter est généralement sans danger et les complications sont rares, selon <a href="https://www.msdmanuals.com/fr/professional/gyn%C3%A9cologie-et-obst%C3%A9trique/planning-familial/avortement-provoqu%C3%A9" target="_blank" rel="noopener">le manuel MSD</a>. Par ailleurs, de nombreuses études scientifiques parviennent à la conclusion que l’avortement ne cause pas de troubles psychologiques. La stigmatisation de l’avortement et le tabou qui l’entoure peuvent causer plus de souffrance que l’IVG elle-même, <a href="https://www.sante-sexuelle.ch/themes/grossesse-voulue-non-voulue/interrompre#dois-je-craindre-des-repercussions-psychiques" target="_blank" rel="noopener">souligne</a> Santé sexuelle suisse. </p> <p>«Ces organisations diffusent de fausses informations pour dissuader les femmes d’avorter. Elles essayent de profiter d’une situation de détresse, ce sont des pratiques choquantes», commente Barbara Berger. </p> <h3>Des rabais sur les assurances maladie</h3> <p>L’ASME n’est de loin pas la seule organisation pro-vie qui utilise des méthodes controversées en Suisse. D’autres vont jusqu’à offrir des avantages aux femmes qui renoncent à avorter. C’est le cas de l’association <a href="https://www.prolife.ch/fr#/name" target="_blank" rel="noopener">Pro Life</a>, qui a été créée 1989 et qui rassemble quelque 70'000 membres en Suisse.</p> <p>Cette dernière négocie des contrats auprès de l’assureur maladie Helsana. Elle accorde ainsi des réductions sur les primes d’assurance complémentaire à ses membres qui signent une charte de renonciation à l’avortement. Cette charte n’a toutefois aucune valeur juridique, puisque légalement l’IVG doit être remboursée par l’assurance obligatoire des soins. 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Si peu d’Helvètes se déclarent ouvertement contre l’avortement, les organisations opposées à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) font preuve d’inventivité pour faire passer leurs idées.</p> <h3>Lobbying au Parlement</h3> <p>Sur la scène politique, leurs revendications sont portées par une partie de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice). Régulièrement, des élu-es du plus grand parti du pays déposent des interventions parlementaires ou lancent des initiatives populaires visant à limiter le recours à l’IVG.</p> <p>Ces propositions ayant pour l’instant toujours été rejetées, deux représentantes de l'UDC sont revenues à la charge en décembre dernier. Elles ont lancé <a href="https://initiative-sauver-les-bebes-viables.ch/lancement-de-deux-initiatives-populaires-federales/" target="_blank" rel="noopener">deux initiatives populaires</a> pour restreindre l’accès à l’avortement. 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Derrière les deux femmes se trouvent des groupements radicalement opposés à l’avortement. «Différentes organisations ont conçu les initiatives. Elles nous ont ensuite contactées pour nous proposer de présider le comité d’initiative», explique Andrea Geissbühler.</p> <h3>Des militants connectés à l'international</h3> <p>Yvette Estermann et Andrea Geissbühler ne dévoilent pas les noms de ces organisations. Les signatures récoltées en faveur des textes doivent toutefois être envoyées directement à l’une d’entre elles, <a href="https://www.mamma.ch/fra/" target="_blank" rel="noopener">l’association Mamma</a>. Son président, Dominik Müggler, un fervent opposant à l’IVG, avait déjà lutté sans succès contre la décriminalisation de l’avortement en Suisse en 2002. Le Bâlois siège désormais dans les deux comités d’initiatives.</p> <p>L’objectif de Dominik Müggler va plus loin que les restrictions réclamées par ces textes. «L'avenir se passera tôt ou tard de l'avortement, non pas parce qu'il sera interdit, mais parce que l'humanité sera convaincue que l'avortement est diamétralement opposé à la dignité humaine», affirme-t-il, dans une réponse écrite à <em>swissinfo.ch</em>. «L’avortement n’est pas une interruption de grossesse, mais le meurtre de son enfant», peut-on aussi lire sur <a href="https://www.mamma.ch/fra/l-avortement/l-avortement-consequences-possibles-pour-la-femme/#cinq" target="_blank" rel="noopener">le site de son association.</a></p> <p>Le militant est très actif et connecté. Il participe à des congrès et des manifestations contre l’avortement à l’étranger et s’en inspire. Sur <a href="https://hope21.ch/news/hope21-und-wie-es-dazu-kam/" target="_blank" rel="noopener">une photo</a>, on le voit par exemple à une «marche pour la vie» (une manifestation anti-IVG qui existe dans de nombreux pays) à Washington en 2019. En 2020, s’inspirant d’une organisation américaine, il a aussi participé à la création de l’association <a href="https://hope21.ch/news/hope21-und-wie-es-dazu-kam/" target="_blank" rel="noopener">hope21</a>, qui milite contre les avortements des fœtus atteints de trisomie 21.</p> <h3>Des boîtes à bébés controversées</h3> <p>Le même Dominik Müggler est à l’origine des fameuses «boîtes à bébé», à travers sa fondation <a href="https://www.asme.ch/#:~:text=Le%20conseil%20peut%20%C3%AAtre%20fourni,directement%20en%20lieu%20et%20place.&text=L'ann%C3%A9e%20pass%C3%A9e%2C%201439%20femmes,l'aide%20et%20le%20conseil." target="_blank" rel="noopener">Aide suisse pour la mère et l’enfant (ASME)</a>. 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En 2015, le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies avait d’ailleurs <a href="https://www.humanrights.ch/fr/pfi/fondamentaux/application/onu/cde/" target="_blank" rel="noopener">recommandé</a> à la Suisse de les interdire car elles contreviendraient au droit de l’enfant à connaître ses origines. </p> <p>Le dispositif est également <a href="https://www.presseportal.ch/fr/pm/100018510/100746156" target="_blank" rel="noopener">critiqué par Santé sexuelle suisse</a>, l’organisation faîtière des centres de santé sexuelle, non seulement parce qu’il est géré par les adversaires de l’avortement, mais aussi parce qu’il ferait courir des risques à la femme et à l’enfant. «L’idéologie est purement pro-vie: l’important est que des bébés naissent. La femme, elle, ne compte pas», relève sa directrice Barbara Berger.</p> <p>Comme alternative, Santé sexuelle suisse préconise l’accouchement confidentiel, déjà possible dans 18 cantons. 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La fidélité absolue est un concept éculé et hypocrite qui a pour but principal que les hommes soient certains que les enfants qui sortent des ventres de leur épouse soient bien le produit de leurs spermatozoïdes à eux. Transmettre ses gènes est un réflexe très animal, si Sapiens est vraiment un être supérieur, il devrait se détendre sur cette question. En plus, Pierre et moi n’avons pas fait d’enfants, trop concentrés sur nous-mêmes et nos vies à réussir. Marie, ma sœur, prétend que pour les femmes, l’importance de la fidélité n’a pas pour but la perpétuation de l’espèce mais plutôt la conservation à leur côté du mâle qui assure leur protection. Elle se trompe. Si Pierre et moi sommes toujours ensemble après trente-cinq ans de mariage, c’est justement parce que nous nous laissons la liberté d’aller de temps en temps voir ailleurs. Marie, elle, ne souhaitait plus de rapports sexuels tout en menaçant son mari de le quitter s’il la trompait. 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De retour en Suisse, j’ai soigné ma salpingite et terminé mes études de lettres. Entre deux amants de passage, je traversais de longues périodes d’abstinence sexuelle sans que cela me coûte. A la manif, j’ai trouvé Pierre très beau avec sa moustache et sa barbe de cinq jours. Et je l’ai trouvé irrésistible lorsqu’il a jeté une bouteille vide en direction des forces de l’ordre qui voulaient nous empêcher d’accéder à la salle où se déroulait une assemblée de l’UDC, ce parti d’extrême droite honni par nous. Pierre s’est fait réprimander par les camarades communistes qui assuraient le service d’ordre et il a fini par en venir aux mains avec eux. J’ai spontanément pris sa défense, nous nous sommes faits bousculer et avons quitté la manifestation, lui avec une arcade sourcilière fendue, moi avec un fort désir pour lui. Je l’ai emmené chez moi pour soigner sa blessure et nous avons fait l’amour toute la nuit. 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Pierre est devenu agressif avec Mireille lorsque celle-ci a déclaré que les néo-féministes exagéraient et que #MeToo décourageait toute tentative de séduction de la part des hommes. «Je n’ai pas peur de le dire, j’aime bien que l’on me tienne la porte et que les hommes me fassent sentir qu’ils me désirent…» Pierre lui a rétorqué que le patriarcat était une forme de fascisme et qu’en tant que progressiste nous devions tout faire pour l’abattre. J’ai essayé de dévier la conversation sur la nourriture bio mais très vite c’est l’écriture inclusive qui a fait s’échauffer les esprits. Serge, qui se pique d’aimer la littérature, a déclaré que le français était en danger, qu’il fallait le sauver des points médians et des réformes de l’orthographe. Pierre a rétorqué que pour rester vivantes les langues devaient changer, que les normes les étouffaient, que les règles orthographiques avaient été inventées pour empêcher les pauvres d’accéder aux études. «Etes-vous allés récemment au cinéma?» ai-je incidemment demandé à Mireille?</p> <p>Le lendemain, elle m’a appelée. «Avec Serge, on se demande si Pierre n’est pas en train devenir woke…» Mon sang s’est figé dans mes veines, une sourde angoisse est montée de mon estomac jusque dans ma gorge. «Non, non… Vous vous trompez… Vous avez bien vu, il continue de manger de la viande», ai-je rassuré Mireille. Mais le doute s’était instillé en moi, je me suis mise à mieux observer Pierre et, pour la première fois, j’ai fouillé dans ses poches et ses agendas, même dans son ordinateur. Ce que j’ai découvert est effrayant…</p> <p style="text-align: right;"><em>Suite la semaine prochaine</em></p> <hr /> <h4>Pierre Ronpipal est l’auteur de<br /><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002707_damned01.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="149" height="206" /><br />«A moi de choisir ceux qui vont mourir»<br /><span>et de<br /></span><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1734002742_cover20242.jpg" class="img-responsive img-fluid normal " width="154" height="207" /><br />«Le vert était rouge à l’intérieur»<br />aux <a href="https://nouvelleseditionshumus.ch/" target="_blank" rel="noopener">Nouvelles Editions Humus</a></h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'un-bien-cruel-conte-de-noel-1', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 39, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 6, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5284, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les ramasseurs de déchets, grands perdants du récit dominant sur la pollution plastique', 'subtitle' => 'A Busan, en Corée du Sud, les discussions sur le traité mondial sur la pollution plastique, qui se tenaient du 25 novembre au 1er décembre, se sont soldées par un échec. 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En jeu, rien de moins que les causes de la crise de la pollution plastique et les solutions appropriées pour y remédier.</p> <ul> <li> <p>D’un côté, la <a href="https://hactoendplasticpollution.org/fr/">Coalition de haute ambition</a> (HAC), les activistes du «zéro déchet» et de <a href="https://theconversation.com/traite-mondial-contre-la-pollution-plastique-en-coulisses-le-regard-des-scientifiques-francais-presents-234046">nombreux scientifiques</a> insistent sur la nécessité d’une <a href="https://hactoendplasticpollution.org/hac-member-states-ministerial-joint-statement-for-inc-5/">approche globale portant sur l’ensemble du cycle de vie des plastiques</a>, y compris leur production.</p> </li> <li> <p>De l’autre côté, une <a href="https://medium.com/points-of-order/spoiler-alert-f737a24292e6">petite minorité d’Etats</a> ainsi que l’industrie pétrochimique ont à de nombreuses reprises détourné l’attention de cette question de la production des plastiques. 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Il s’agit des travailleurs qui récupèrent, réutilisent ou revendent les plastiques, les textiles, l’aluminium et d’autres matériaux précieux issus des déchets.</p> <p>Dans le cadre du traité sur les plastiques, pour que ces travailleurs informels soient reconnus, que leurs conditions de travail puissent être améliorées et qu’ils puissent bénéficient d’une transition écologique plus équitable, les solutions politiques doivent aller au-delà des mécanismes économiques basés sur le seul marché et des stratégies axées sur le profit.</p> <p>Si ce n’est pas le cas, les efforts en faveur d’un recyclage plus inclusif et du développement de l’économie circulaire risquent de renforcer les injustices mêmes qu’ils prétendent combattre.</p> <h3>Qui sont les ramasseurs informels de déchets?</h3> <p>Les collecteurs de déchets – et les autres personnes travaillant avec eux dans un cadre informel et coopératif – effectuent une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344924001824#sec0021">grande partie du travail de recyclage à l’échelle mondiale</a>. Ils réduisent de manière significative la quantité de plastique qui se retrouve dans les océans.</p> <p>Malgré cela, et parce qu’ils font un travail salissant et vivent dans des endroits sales, ils sont souvent tenus pour responsables du problème de la pollution plastique. Dans les discours politiques des villes et des Etats, leur travail a longtemps été <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956247816657302">tourné en dérision, considéré comme non qualifié et inefficace</a>. <a href="https://www.undp.org/blog/unsung-heroes-four-things-policymakers-can-do-empower-informal-waste-workers">L’absence de reconnaissance officielle</a> de leur travail rend leurs revenus particulièrement instables et précaires. 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Il a été demandé que leurs contributions historiques à la réduction de la pollution plastique soient explicitement reconnues, et qu’un objectif explicite de transition juste soit intégré au traité sur les plastiques.</p> <h3>Avec l’économie circulaire, tout le monde est gagnant?</h3> <p>La <a href="https://theconversation.com/quatre-idees-recues-sur-la-transition-juste-227569">transition juste</a> est un principe défendu par les groupes de travailleurs et les défenseurs de la justice sociale afin de garantir que les politiques de transition écologique protègent, améliorent et compensent équitablement les moyens de subsistance des travailleurs et des communautés affectés par l’environnement.</p> <p>Les ramasseurs de déchets ont utilisé ce terme pour réclamer que le traité comprenne des dispositions pour améliorer leurs conditions de travail et de sécurité. Mais également pour que le traité intègre davantage les travailleurs informels aux systèmes de gestion des déchets, et pour exiger que les systèmes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-elargie-du-producteur-67766">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP) soutiennent aussi les travailleurs du secteur des déchets, en particulier les <a href="https://www.wiego.org/gender-waste-project">femmes et d’autres groupes vulnérables</a>.</p> <p>Etonnamment, ces demandes ont obtenu le soutien d’un large éventail de parties prenantes puissantes. Par exemple la <a href="https://www.businessforplasticstreaty.org/vision-statement#Key-elements">Business Coalition for a Plastics Treaty</a>, les <a href="https://news.un.org/en/story/2024/10/1156301">dirigeants des Nations unies</a> et même <a href="https://resolutions.unep.org/resolutions/uploads/american_chemistry_council.pdf">l’industrie pétrochimique</a>.</p> <p>Certaines de ces demandes ont été intégrées aux projets de traité sur les plastiques discutés au cours des négociations, ce qui représente une victoire majeure pour les travailleurs du secteur informel des déchets.</p> <p>Un consensus se dégage sur le fait qu’une économie circulaire inclusive peut être bénéfique à la fois pour l’environnement, l’économie et les travailleurs en améliorant la gestion de la pollution, les moyens de subsistance et les opportunités de croissance économique pour les entreprises.</p> <p>Ces promesses demandent toutefois à être vérifiées sur le terrain. Et c’est là que les choses se compliquent.</p> <h3>« Gagnant-gagnant », mais la victoire de qui ?</h3> <p>Dans mon livre <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262546973/recycling-class/"><em>Recycling Class</em></a>, j’examine comment les efforts de recyclage inclusif ont été mis en œuvre à Bengaluru, l’une des plus grandes villes de l’Inde.</p> <figure><a href="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/635250/original/file-20241129-15-cdpt12.jpg?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" alt="" /></a> <figcaption><span></span></figcaption> </figure> <p>Dans cet ouvrage, je défends que l’intégration dans des programmes d’économie circulaire basés sur le marché n’est pas une solution miracle aux injustices ancrées dans les systèmes de production, de consommation et de production des déchets.</p> <p>La plupart des politiques d’économie circulaire et de recyclage inclusif reposent sur des mécanismes de marché, partant du principe que la création de marchés pour les déchets incitera les acteurs du marché à récupérer efficacement les déchets et à les convertir en ressources.</p> <p>Pour remplir leurs obligations en matière de <a href="https://theconversation.com/faire-payer-plus-les-entreprises-pour-quelles-reduisent-les-emballages-130073">responsabilité élargie des producteurs</a> (REP), les marques peuvent alors s’engager à acheter des plastiques recyclés et à financer la collecte des déchets en achetant des <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/problue/publication/unlocking-financing-to-combat-the-plastics-crisis">crédits plastique</a>.</p> <p>Cette approche vise à améliorer le prix des déchets, à augmenter les salaires et à encourager les efforts de collecte, tout en attirant des investissements pour financer l’amélioration des infrastructures et des technologies.</p> <p>Cependant, les mécanismes fondés sur le marché aggravent les inégalités existantes en matière d’accès au marché. Les efforts visant à donner la priorité à la traçabilité et à la transparence – dans le but d’améliorer l’efficacité du marché et le respect de la réglementation – désavantagent souvent les travailleurs informels.</p> <p>Ces derniers ne disposent pas des ressources et des capacités techniques nécessaires pour adopter des systèmes de suivi complexes basés sur les SIG ou la blockchain, et se retrouvent exclus des processus formalisés. Les start-up financées par le capital-risque et les grandes entreprises s’emparent alors du secteur du recyclage.</p> <p>Les multinationales préfèrent d’ailleurs les partenariats avec des start-up technologiques qui offrent des services à «valeur ajoutée» tels que des indicateurs et des tableaux de bord environnementaux, permettant aux entreprises de mettre en scène leur propre récit sur le développement durable. Souvent issus de milieux éduqués et privilégiés, les employés de ces firmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001671852300057X">concurrencent les travailleurs informels existants, les subordonnant au passage</a>.</p> <p>A l’inverse, les femmes et les membres des minorités ethno-raciales et religieuses, qui constituent la majorité des travailleurs des économies informelles des déchets, sont confrontés à des obstacles supplémentaires. Notamment des <a href="https://mouvements.info/recuperateurs-de-dechets/">stigmates sociaux bien ancrés</a> qui limitent leur capacité à participer sur un pied d’égalité à ces marchés émergents. 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Une étude de <a href="https://www.circle-economy.com/resources/decent-work-in-the-circular-economy">Circle Economy</a> souligne que la plupart des emplois du secteur de l’économie circulaire restent ad-hoc et informels et ne bénéficient pas des garanties d’un emploi décent.</p> <p>En fin de compte, les travailleurs informels sont confrontés à un choix difficile: soit ils acceptent d’être exploités au sein des circuits de traitements des déchets en tant que simples ressources, soit ils risquent de perdre complètement leurs moyens de subsistance.</p> <p>Les systèmes actuels de production et de consommation du plastique déplacent donc la charge des déchets sur des communautés autochtones ou ethniques marginalisées, créant ainsi des <a href="https://www.dukeupress.edu/pollution-is-colonialism">zones sacrifiées</a>. Ce déplacement permet de maintenir la rentabilité, tout en perpétuant les atteintes à l’environnement et les inégalités sociales.</p> <p>En promouvant des technologies de <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-57087908">recyclage chimique</a> non éprouvées et en étendant les marchés du plastique, les entreprises <a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">pétrochimiques</a> et de matières plastiques <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/21/2/121/97367/Future-Proofing-Capitalism-The-Paradox-of-the">s’approprient le langage de l’économie circulaire</a>. Cela leur permet de donner un vernis écologique à leurs propositions, tout en maintenant le <em>statu quo</em> sur les inégalités.</p> <p>Pendant ce temps, la HAC, plusieurs ONG et même certains ramasseurs de déchets invoquent également l’économie circulaire comme solution à la crise du plastique, en mettant l’accent sur le réemploi et le recyclage inclusif.</p> <h3>Demander des comptes aux pollueurs plutôt que compter sur l’efficacité du marché</h3> <p>Pour que l’économie circulaire aille au-delà de la simple protection du capitalisme fossile, elle doit prendre en compte les collecteurs de déchets et recycleurs informels dans le Sud et reconnaître les limites des mécanismes basés sur le marché. C’est vrai aussi bien pour le traité international sur la pollution plastique que pour d’autres démarches régionales comme le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/679066/EPRS_ATA(2021)679066_FR.pdf">plan d’action de l’UE pour l’économie circulaire</a>.</p> <p>En effet, toute stratégie de lutte contre la pollution plastique basée sur le marché et axée sur le profit est susceptible de reproduire ces schémas d’inégalité. Et par la même occasion, de pérenniser les injustices systémiques qui soutiennent le statu quo. Pour une transition vraiment juste, la lutte contre la pollution plastique ne doit donc pas devenir une opportunité de croissance économique ou de profit.</p> <p>Au contraire, nous avons besoin d’une approche centrée sur la réparation. Il faut d’abord, pour cela, reconnaître les contributions historiques des collecteurs informels du plastique ainsi que les préjudices qu’ils subissent. Puis redistribuer les ressources aux personnes les plus touchées et créer des systèmes qui donnent la priorité à la restauration de l’environnement et à la justice sociale plutôt qu’au profit des entreprises.</p> <p>Une économie circulaire bien financée devrait d’abord renforcer le pouvoir des travailleurs, puis améliorer les capacités des infrastructures et réduire la concentration de ces déchets en produits chimiques toxiques, plutôt que de s’appuyer sur des solutions basées sur le marché qui aggravent les inégalités.</p> <p>Les vraies solutions consistent à demander des comptes aux pollueurs et à adopter des approches circulaires fondées sur la sobriété et la réparation, et non sur l’efficacité du marché.<img src="https://counter.theconversation.com/content/244065/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/manisha-anantharaman-1526162">Manisha Anantharaman</a>, Assistant Professor, Center for the Sociology of Organisations, CNRS/Sciences Po, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/sciences-po-2196">Sciences Po </a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique-244065">article original</a>.</h4> </div>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'les-ramasseurs-de-dechets-grands-perdants-du-recit-dominant-sur-la-pollution-plastique', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 42, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5283, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Les Etats-Unis financent un collectif international de journalistes', 'subtitle' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'subtitle_edition' => 'Si le réseau Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a révélé des avoirs russes cachés ou la corruption au Venezuela, le Delaware, paradis de l'évasion fiscale, reste pour lui un tabou. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Drew Sullivan, son cofondateur.', 'content' => '<p style="text-align: center;"><strong>Urs P. Gasche</strong>, article publié sur <a href="https://www.infosperber.ch/medien/medienkritik/die-usa-finanzieren-internationales-journalisten-kollektiv/" target="_blank" rel="noopener"><em>Infosperber</em></a> le 5 décembre 2024, traduit par <em>Bon Pour La Tête</em></p> <hr /> <p>Parmi de nombreux autres médias, la <em>NZZ</em> et le <em>Tages-Anzeiger</em> ont diffusé à plusieurs reprises des révélations du réseau international de journalistes Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP). Ce faisant, ils n'ont pas rendu transparent le fait que les services gouvernementaux américains paient la moitié du budget de l'OCCRP. 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Parmi eux, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Panama_Papers"><em>The Panama Papers</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Pandora_Papers"><em>Pandora Papers</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Suisse_Secrets"><em>Suisse Secrets</em></a><em>, </em><a href="https://www.occrp.org/en/project/narcofiles-the-new-criminal-order"><em>Narco Files</em></a><em>, </em><a href="https://www.occrp.org/en/project/the-pegasus-project/about-the-project"><em>Pegasus Project</em></a><em>, </em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Cyprus_Confidential"><em>Cyprus Confidential </em></a>et la série <a href="https://de.wikipedia.org/wiki/Die_Geldw%C3%A4scherei"><em>Laundromat</em></a>, qui a révélé les systèmes de blanchiment d'argent des élites dirigeantes en Azerbaïdjan et en Russie.</p> <h3><strong>Non sans conditions</strong></h3> <p>Les agences gouvernementales américaines ne financent pas l'OCCRP sans contrepartie: l'<a href="https://www.usaid.gov/"> U.S. Agency for International Development</a> dispose d'un droit de veto sur la nomination des dirigeants de l'OCCRP. De plus, l'agence gouvernementale américaine interdit d'utiliser son argent pour mettre au jour la corruption aux Etats-Unis.</p> <p>Certaines subventions étaient même affectées à un but précis: le Department of State, par exemple, a versé 173 000 dollars à l'OCCRP pour «détecter et combattre la corruption au Venezuela». Ou l'<a href="https://www.usaid.gov/">Agence pour le développement international (USAID)</a> a versé plus de deux millions de dollars dans le but de «mettre au jour la criminalité et la corruption à Malte et à Chypre».</p> <p>Le journal en ligne français indépendant <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">« Mediapart »</a> en a parlé le 2 décembre 2024 <a href="https://www.mediapart.fr/en/journal/international/021224/hidden-links-between-giant-investigative-journalism-and-us-government">.</a></p> <p>Le fondateur de l'OCCRP est un ancien employé <a href="https://www.rockwellautomation.com/de-ch.html">de Rockwell</a> devenu journaliste: <a href="https://www.occrp.org/en/staff/drew-sullivan">Drew Sullivan</a>. L'OCCRP a été créé à l'instigation de fonctionnaires du gouvernement américain. Selon Mediapart, Sullivan a reçu pour cela, en 2008, un financement de départ de 1,7 million de dollars du <a href="https://www.state.gov/bureaus-offices/under-secretary-for-civilian-security-democracy-and-human-rights/bureau-of-international-narcotics-and-law-enforcement-affairs/">Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs</a>(INL). Il s'agit d'une agence d'application de la loi du Département d'Etat américain.</p> <p>L'OCCRP s'appuie souvent sur des documents divulgués provenant de sources non identifiées. La qualité des recherches et des révélations de l'OCCRP n'est pas mise en doute. L'orientation unilatérale des recherches et le manque de transparence des informations sur le financement donnent lieu à des critiques.</p> <p>L'ampleur des liens personnels et financiers de l'OCCRP avec le gouvernement américain va à l'encontre de «tous les principes de l'éthique journalistique». C'est ce qu'a déclaré Leonard Novy, directeur de l'Institut allemand des médias et de la politique de communication, à la chaîne NDR. Cela laisse supposer que les journalistes peuvent être utilisés ou instrumentalisés à des fins politiques.</p> <p>Sullivan et l'OCCRP ont également laissé les médias partenaires et leurs lecteurs dans l'ignorance de leur proximité avec le gouvernement américain. Selon Leonard Novy, l'organisation a ainsi dépassé les limites.</p> <h3><strong>Sullivan n'a pas voulu parler clairement aujourd'hui encore</strong></h3> <p>Sullivan a d'abord affirmé à la chaîne NDR que l'OCCRP avait «un groupe de donateurs largement répandu», parmi lesquels «aucun donateur individuel ne domine». Il a ajouté que «le gouvernement américain [...] est l'un des plus grands donateurs, mais ce n'est pas un pourcentage énorme». Confronté aux dernières découvertes, il a finalement reconnu l'importance du financement de Washington: «C'est le plus grand bailleur de fonds de l'OCCRP, oui, et ce depuis presque le début de notre histoire. [...] Je suis très reconnaissant au gouvernement américain.»</p> <p>Par écrit, Sullivan a renchéri: «Nous avons dû décider si nous voulions accepter de l'argent du gouvernement ou ne pas exister.» Sur le site web de l'OCCRP, les montants des sponsors ne sont pas indiqués.</p> <h3><strong>Conditions posées</strong></h3> <p>Sullivan a confirmé à la NDR le pouvoir d'influence des autorités américaines: «Dans le cadre d'accords de coopération que nous n'aimons pas conclure, ils ont un droit de regard sur le choix des personnes [...] Ils peuvent mettre leur veto sur quelqu'un [...] Ils n'ont jamais mis leur veto sur quelqu'un.»</p> <p>L'OCCRP ne peut pas enquêter sur des affaires américaines avec l'argent fourni par Washington. «Notre politique veut que nous ne fassions pas de rapports sur un pays avec son propre argent», a déclaré Sullivan à la NDR. «Je pense que le gouvernement américain ne le permet pas. Mais même dans d'autres pays où ces dispositions n'existent pas, nous ne le faisons pas parce que cela vous place dans une situation de conflit d'intérêts et que vous préférez rester à l'écart de telles situations.»</p> <p>Ainsi, le paradis fiscal américain du Delaware n'a jamais fait l'objet de toutes les recherches sur l'évasion fiscale et l'argent de la corruption.</p> <p>L'OCCRP a tout de même effectué des recherches isolées aux Etats-Unis: par exemple sur les <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/meet-the-florida-duo-helping-giuliani-investigate-for-trump-in-ukraine">hommes d'affaires</a> qui avaient soutenu l'avocat de Donald Trump pour nuire à Joe Biden, ou sur la manière dont le Pentagone a dépensé des sommes énormes pour <a href="https://www.occrp.org/en/project/making-a-killing/revealed-the-pentagon-is-spending-up-to-22-billion-on-soviet-style-arms-for-syrian-rebels">fournir des armes</a> à des groupes rebelles en Syrie, ou encore sur un <a href="https://www.occrp.org/en/investigation/flight-of-the-monarch-us-govt-contracted-airline-once-owned-by-criminals-with-ties-to-russian-mob">contrat</a> entre le gouvernement américain et une compagnie aérienne dont les propriétaires sont liés au crime organisé en Russie.</p> <p>Ces recherches ont manifestement respecté une autre condition imposée par les autorités américaines à l'OCCRP: l'activité doit être «en accord avec la politique étrangère et les intérêts économiques des Etats-Unis et les promouvoir.» (<a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/COMPS-1071/pdf/COMPS-1071.pdf">US Foreign Assistance Act</a>).</p> <h3><strong>Voici comment la «NZZ» et Tamedia ont présenté la source OCCRP</strong></h3> <p><strong>«NZZ» du 19 juillet 2023</strong></p> <p>«L'Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) est un réseau d'organisations journalistiques fondé en 2006, basé dans de nombreux pays différents et fonctionnant sous cette forme en tant que filiale du Journalism Development Network à but non lucratif, dont le siège est dans le Maryland.»</p> <p><strong>«Tages-Anzeiger» du 21 juin 2023</strong></p> <p>«Grâce à l'organisation OCCRP, des journalistes femmes de plusieurs pays ont pu étudier ces données, dont <em>Der Standard</em> en Autriche et <em>Der Spiegel</em> en Allemagne. Pour la Suisse, le bureau de recherche de Tamedia et Paper Trail Media était de la partie.»</p> <h3><strong>Informations complémentaires</strong></h3> <p><strong>22 décembre 2022</strong> <a href="https://www.infosperber.ch/politik/welt/twitter-diente-jahrelang-als-gehilfe-des-pentagons/">Twitter a servi pendant des années d'auxiliaire au Pentagone</a>. Elon Musk a partiellement révélé les outils internes de Twitter. Ils prouvent des services d'hommes de main pour la propagande de l'armée américaine à l'étranger.</p> <p><strong>12 février 2009</strong> <a href="https://www.tagesanzeiger.ch/27-000-pr-berater-polieren-image-der-usa-631302390683">27 000 conseillers en relations publiques polissent l'image des Etats-Unis</a>. Des faits presque incroyables sur le travail de relations publiques du Pentagone.</p> <p><strong>20 avril 2008</strong> <a href="https://www.spiegel.de/kultur/gesellschaft/gekaufte-meinung-pentagon-beschaeftigt-pr-armee-fuer-us-tv-a-548519.html">Le Pentagone emploie une armée de RP pour la télévision américaine</a>. 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