Actuel / En France, le dilemme des associations LGBT face à l’homophobie en banlieue
La première marche des fiertés en banlieue, à Saint-Denis (93), en juin 2019. © Saint-Denis ville au cœur via Twitter
Invoquant parfois l’islam, des habitants des quartiers populaires, principalement de jeunes hommes, voient dans l’homosexualité une norme étrangère à leurs mœurs et, pour certains d’entre eux, agressent des gays et des lesbiennes. Les militants LGBT, très remontés contre le catholicisme conservateur, ont en revanche tendance à relativiser face à ce phénomène, voire à lui trouver des circonstances atténuantes, craignant de stigmatiser une population marginalisée. Enquête.
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Pour autant, ce «social-démocrate modéré» se distingue du combat intersectionnel en refusant de joindre dans un même combat solidaire la religion et l’orientation sexuelle: «<em>La première est un choix, la seconde est un état</em>», rappelle-t-il. «Le terme d’islamophobie, par exemple, me dérange, poursuit-il. Ce n’est pas un mot pour lequel j’ai envie de me battre. Les religions, on y entre, on en sort, le voile, on le met, on l’enlève. Je ne suis pas d’accord avec l’argument selon lequel être contre l’islam serait être raciste. Mais le problème, ce n’est pas l’islam, ce sont les religions. Il y a dans des milieux chrétiens des thérapies dites de conversion destinées aux homosexuels.»</p> <p>Romain Burrel n’a pas souhaité se rendre à la «<strong>marche contre l’islamophobie</strong>» du 10 novembre dernier à Paris, organisée par un groupe de personnes issues de la deuxième génération de l’immigration maghrébine, pour beaucoup militants de l’extrême gauche ou de l’islam politique, voire des deux. Cette manifestation faisait suite à plusieurs actes antimusulmans, dont un attentat terroriste d’extrême droite le 28 octobre visant la mosquée de Bayonne, qui avait fait deux blessés.</p> <h3>«Dieu est seul juge et il est tolérant»</h3> <p><strong>Madjid Messaoudene</strong> était l’un des organisateur de la marche. Elu municipal de Saint-Denis, ancien fief de Tariq Ramadan, commune Front de gauche qui passe aux yeux des militants laïques pour la «Bandung» de l’islamo-gauchisme, cet adjoint au maire à la lutte contre les discriminations ne nie pas l’existence d’un phénomène homophobe en banlieue partiellement rattaché à la «religion», mais il veut le combattre avec ses propres forces. 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Sur les réseaux sociaux, Messaoudene est pris à partie par ceux qu’il appelle «les musulmans 2.0».</p> <p>Ces derniers lui reprochent de <em>corrompre</em> la «jeunesse musulmane» en la sensibilisant à la problématique LGBT. On pourrait dire de cet élu municipal qu’il entend défendre l’islam en défendant la cause gay et lesbienne. <em>Pinkwashing</em>, passage à l’eau de rose de l’islam politique – qui veut asseoir un universel musulman –, ou pragmatisme de celui qui comprend qu’il ne parviendra pas, sur l’homosexualité, à se faire entendre d’une jeunesse souvent imprégnée d’un type d’islam peu réceptif à l’altérité, sans en passer par l’islam?</p> <h3>«Ne pas faire le jeu du Rassemblement national»</h3> <p>La médiation religieuse, ce n’est pas la voie choisie, <em>a priori</em>, par les associations LGBT dites universalistes, pour qui les religions sont historiquement des obstacles à l’émancipation du public qu’elles entendent représenter. Ce mélange des genres avait dissuadé Romain Burrel, très méfiant envers les «curés» de toute obédience, de se joindre à la première «<strong>Marche des fiertés</strong>» en banlieue, à Saint-Denis même, mise sur pied par Messaoudene et diverses associations LGBT en juin 2019. «<em>Un ami qui s’y était rendu en était revenu déçu, me disant qu’il y avait pas mal été question de lutte contre l’islamophobie, qui n’était pourtant pas le sujet</em>», raconte-t-il.</p> <p>Il n’en reste pas moins que la grande crainte des militants LGBT, politiquement plutôt à <strong>gauche</strong>, est bien la <strong>stigmatisation</strong> des jeunes des banlieues. Des scrupules qui disent leur humanité mais indiquent peut-être aussi une forme de <strong>frilosité</strong>, de peur, même, sur un sujet qui vaut des coups de toute part sur les réseaux sociaux. Un dirigeant associatif, battu parce qu’homosexuel, n’avait pas voulu décrire ses agresseurs, afin de ne pas les livrer en pâture à la «fachosphère», un terme imprécis qui permet d’évacuer temporairement des dilemmes embarrassants. Romain Burrel, pris à partie «trois fois» dans sa commune de résidence, en Seine-Saint-Denis, assure n’avoir pas avoir vu le visage de ses agresseurs.</p> <p>Il s’agit effectivement ici de ne pas faire «le jeu du Rassemblement national», d’après beaucoup. Sauf qu’il se fait pour ainsi dire <strong>tout seul</strong>. «<strong>La majorité des gays votent Rassemblement national</strong>», se désole le directeur de la rédaction de <em>Têtu</em>, qui, sans rien approuver, semble comprendre ce glissement d’une population banalement considérée de gauche vers la droite extrême, à l’instar d’une partie des juifs de France face à l’antisémitisme de musulmans. Burrel y voit une <strong>arnaque</strong>: «Oui, le RN se pose en protecteur des gays et lesbiennes, mais il ne fait rien pour la progression des droits LGBT. Ce que je sais, c’est qu’il ne faut surtout pas jouer les banlieues contre les gays et inversement. <em>Soit on gagnera tous ensemble, soit on perdra tous ensemble.</em>»</p> <h3>L’extrême gauche aux côtés des «racisés», même homophobes</h3> <p>L’extrême gauche LGBT, dont certaines figures ont parfois donné dans l’antisémitisme, est de son côté bruyante et radicale dans sa prise de parole contre la «bourgeoisie», quand la majorité du «pays réel» LGBT serait allée, elle, chez Marine Le Pen, réputée «<em>gay friendly</em>». Cette même extrême gauche, celle qui combat ouvertement le cinéaste <strong>Roman Polanski</strong>, condamné en 1977 pour «rapports sexuels illégaux» avec une mineure de 13 ans et rattrapé depuis par de multiples accusations d’agressions sexuelles, prend aujourd’hui fait et cause, dans une optique de <strong>convergence des luttes</strong>, pour les gilets jaunes et les banlieues, y compris pour de jeunes <strong>homophobes «racisés»</strong>, qui vaudront toujours mieux que les «<strong>dominants</strong>» et leur catéchisme républicain teinté de fausse bienveillance… L’association <strong>Act Up Paris</strong> paraît être sur cette ligne.</p> <p>Ce positionnement rappelle les années pionnières d’Act Up, un mouvement aux méthodes spectaculaires qui alerta sur le sort des séropositifs durant les années Sida et dont le film <em>120 battements par minute</em>, qui lui rend hommage, décrit la mobilisation de ce milieu, à l’époque militant pour l’étranger sans-papiers atteint par la maladie, cet alter ego dominé à plus d’un titre… Mais il n’était alors pas question à ce point de théories intersectionnelles importées des campus américains, et aujourd’hui, un auteur dramatique comme Bernard-Marie Koltès, mort en 1989 des suites du Sida, et son metteur en scène fétiche Patrice Chéreau, décédé en 2013, seraient peut-être accusés d’<em>appropriation culturelle</em> pour leur valorisation de la figure du «<em>métèque</em>».</p> <h3>«La peur de la stigmatisation ne rend pas justice aux victimes»</h3> <p>Le Lyonnais <strong>Mehdi Aïfa</strong>, président de l’Amicale des jeunes du refuge, une association luttant contre l’homophobie, «[s’est] donné pour objectif de ne jamais taire, de ne jamais <strong>policer une réalité</strong>». «Il n’y a pas en France de statistiques ethniques, mais on sait quel type de population agresse en majorité les homos, affirme-t-il. Cela se passe souvent en banlieue, et quand cela arrive ailleurs, les agresseurs sont souvent des banlieusards. La peur d’être accusé de faire le jeu du Rassemblement national et le lit de l’islamophobie ne rend pas justice aux victimes.»</p> <p>Sur les réseaux sociaux, Mehdi Aïfa est <strong>traité de tous les noms</strong>, surtout par des Français d’origine maghrébine, comme lui. Il en veut aux «grandes associations», selon lui atteinte du «<strong>syndrome de la pénitence postcoloniale</strong>». Il a des mots durs envers le Dionysien Madjid Messaoudene. Il ne lui pardonne pas d’avoir, l’an dernier, accusé un jeune Franco-Maghrébin de banlieue parisienne, menacé dans son quartier, de «tenir le discours du Front national».</p> <h3>Ex-homophobe</h3> <p>Dimanche 23 février dans l’émission religieuse «Questions d’islam» sur France culture, l’invité, <strong>Abdelkader Railane</strong>, un musulman, auteur d’un roman autobiographique intitulé <em>En pleine face</em> (éditions Ex Aequo), a raconté sa jeunesse homophobe dans un quartier d’immigrés maghrébins où l’homophobie allait de soi et dans lequel il ne faisait pas bon être homosexuel. Abdelkader Railane, qui dit avoir trouvé dans la boxe des raisons d’être <strong>tolérant</strong> envers autrui, n’est à présent plus homophobe. Il appelle à lutter contre ce mauvais penchant et garde la foi. Comme quoi on peut être musulman et vouloir le bien pour les homosexuels. 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Ce mélange des genres avait dissuadé Romain Burrel, très méfiant envers les «curés» de toute obédience, de se joindre à la première «<strong>Marche des fiertés</strong>» en banlieue, à Saint-Denis même, mise sur pied par Messaoudene et diverses associations LGBT en juin 2019. «<em>Un ami qui s’y était rendu en était revenu déçu, me disant qu’il y avait pas mal été question de lutte contre l’islamophobie, qui n’était pourtant pas le sujet</em>», raconte-t-il.</p> <p>Il n’en reste pas moins que la grande crainte des militants LGBT, politiquement plutôt à <strong>gauche</strong>, est bien la <strong>stigmatisation</strong> des jeunes des banlieues. Des scrupules qui disent leur humanité mais indiquent peut-être aussi une forme de <strong>frilosité</strong>, de peur, même, sur un sujet qui vaut des coups de toute part sur les réseaux sociaux. Un dirigeant associatif, battu parce qu’homosexuel, n’avait pas voulu décrire ses agresseurs, afin de ne pas les livrer en pâture à la «fachosphère», un terme imprécis qui permet d’évacuer temporairement des dilemmes embarrassants. Romain Burrel, pris à partie «trois fois» dans sa commune de résidence, en Seine-Saint-Denis, assure n’avoir pas avoir vu le visage de ses agresseurs.</p> <p>Il s’agit effectivement ici de ne pas faire «le jeu du Rassemblement national», d’après beaucoup. Sauf qu’il se fait pour ainsi dire <strong>tout seul</strong>. «<strong>La majorité des gays votent Rassemblement national</strong>», se désole le directeur de la rédaction de <em>Têtu</em>, qui, sans rien approuver, semble comprendre ce glissement d’une population banalement considérée de gauche vers la droite extrême, à l’instar d’une partie des juifs de France face à l’antisémitisme de musulmans. 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Cette même extrême gauche, celle qui combat ouvertement le cinéaste <strong>Roman Polanski</strong>, condamné en 1977 pour «rapports sexuels illégaux» avec une mineure de 13 ans et rattrapé depuis par de multiples accusations d’agressions sexuelles, prend aujourd’hui fait et cause, dans une optique de <strong>convergence des luttes</strong>, pour les gilets jaunes et les banlieues, y compris pour de jeunes <strong>homophobes «racisés»</strong>, qui vaudront toujours mieux que les «<strong>dominants</strong>» et leur catéchisme républicain teinté de fausse bienveillance… L’association <strong>Act Up Paris</strong> paraît être sur cette ligne.</p> <p>Ce positionnement rappelle les années pionnières d’Act Up, un mouvement aux méthodes spectaculaires qui alerta sur le sort des séropositifs durant les années Sida et dont le film <em>120 battements par minute</em>, qui lui rend hommage, décrit la mobilisation de ce milieu, à l’époque militant pour l’étranger sans-papiers atteint par la maladie, cet alter ego dominé à plus d’un titre… Mais il n’était alors pas question à ce point de théories intersectionnelles importées des campus américains, et aujourd’hui, un auteur dramatique comme Bernard-Marie Koltès, mort en 1989 des suites du Sida, et son metteur en scène fétiche Patrice Chéreau, décédé en 2013, seraient peut-être accusés d’<em>appropriation culturelle</em> pour leur valorisation de la figure du «<em>métèque</em>».</p> <h3>«La peur de la stigmatisation ne rend pas justice aux victimes»</h3> <p>Le Lyonnais <strong>Mehdi Aïfa</strong>, président de l’Amicale des jeunes du refuge, une association luttant contre l’homophobie, «[s’est] donné pour objectif de ne jamais taire, de ne jamais <strong>policer une réalité</strong>». «Il n’y a pas en France de statistiques ethniques, mais on sait quel type de population agresse en majorité les homos, affirme-t-il. 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Jeudi, comme souvent dans ce rendez-vous formaté pour le buzz, il s’est passé <a href="https://twitter.com/LeDevBreton/status/1590817814059044864?s=20&t=4TWr6vsi3CFKbFwoMHZdVw" target="_blank" rel="noopener">quelque chose de fort</a> sur le plateau de «Touche pas à mon poste!», l’émission animée par Cyril Hanouna sur la chaîne C8 du groupe Bolloré – le nom à l’origine du clash de jeudi soir. Pour La France insoumise (LFI), ce parti de la gauche radicale siégeant à l’Assemblée nationale, un dilemme à présent se pose: faut-il encore aller à TPMP, là où bat le cœur de la France antisystème, où les électorats lepénistes et mélenchonistes s’invectivent, mais surtout, se parlent comme nulle part ailleurs?</p> <p>Que s’est-il passé de si grave ou plutôt de si révélateur? Alors que le débat portait sur l’accueil par la France de 234 migrants se trouvant à bord du bateau Ocean Viking, le jeune député LFI Louis Boyard, qui fut autrefois chroniqueur rétribué à TPMP, a mis les pieds dans son ancienne gamelle en parlant d’un procès menaçant «Bolloré» pour déforestation au Cameroun. 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Né en 1950 à Constantine, issu de la communauté juive algérienne, partie avec les pieds-noirs à l’indépendance en 1962, Stora était investi d’une mission réconciliatrice par le président de la République. A la fin de son travail, l’historien émet une série de préconisations. Et l’on entre alors dans le vif du sujet: l’action.</p> <p>La première de ces préconisations, qui rappelle la Commission Vérité et Réconciliation en Afrique du Sud, l’Instance Vérité et Dignité en Tunisie, est la constitution d’une «Commission "Mémoires et vérité" chargée d’impulser des initiatives communes entre la France et l’Algérie sur les questions de mémoires». La <em>vérité</em>. Pas de réconciliation sans vérité sur les exactions passées, croit-on.</p> <p>Mais la vérité n’est pas seulement question de faits, elle intéresse aussi le sens. Or deux sens ne peuvent cohabiter. Pas d’en-même-temps possible: la douleur d’un camp ne peut valoir celle de l’autre. Celle de l’Allemand de la Seconde Guerre mondiale ne vaut pas celle de l’Allié. On touche probablement ici à la limite du rapport Stora: le colon ne peut pas faire valoir sa douleur au même titre que le colonisé. Sinon, toute la hiérarchie, établie selon une échelle de valeurs qui accorde au colonisé la légitimité de sa révolte, est rebattue. Et pourtant, se dit-on, il faut tendre vers la reconnaissance des souffrances de part et d’autre, pour pouvoir la faire, cette réconciliation. Comme c’est compliqué…</p> <h3>Les choses ont un sens que la paix peut ignorer</h3> <p>Seul le sens permet d’y voir clair. Mais le problème du sens, qui dit qui avait raison, qui avait tort, c’est qu’il ne permet pas toujours de refermer les plaies, puisque personne ne veut être en tort, ou avoir tous les torts. 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Qu’est-ce que cela révèle de ce vote, à cet endroit bien précis, celui des limites géographiques et politiques d’un pays, en sa partie francophone?</p> <p>A Courgenay, dans cette Ajoie s’enfonçant tel un saillant dans les départements français du Doubs et du Territoire de Belfort, 65,4% des habitants ont voté en faveur de l’initiative soutenue par l’UDC et une partie de la gauche (<a href="https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/votations/20210307/initiative-populaire-oui-a-l-interdiction-de-se-dissimuler-le-visage.html" target="_blank" rel="noopener">cliquez ici</a> pour avoir accès à la carte interactive). Un score de cinq points supérieur à la moyenne cantonale jurassienne, 60,7% de oui, la plus élevée des dix-neuf cantons qui ont approuvé le texte.</p> <p>Des trois districts du canton du Jura, celui de Porrentruy, qui épouse la carte de l’Ajoie, dont la particularité est d’avoir avec la France le double de frontière qu’il n’en a avec la Suisse, affiche le plus haut taux d’acceptation, 64,7%. A la pointe du saillant, Bure, la commune qui héberge la place d’armes du même nom, se hisse à la première place du district avec 76% de oui. 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Bardonnex, localité munie d’un important poste-frontière, détient semble-t-il le record cantonal avec 57% de oui. A part la commune de Genève proprement dite (44,8% de oui) et de certaines localités en direction du canton de Vaud, peut-être un peu plus bourgeoises que le reste du canton de Genève, toutes les autres ou presque acceptent l’initiative.</p> <p>Le Valais, en partie frontalier avec la France, a voté oui à 58,3%, deuxième taux le plus élevé en Suisse romande derrière le Jura. La commune limitrophe de Saint-Gingolph, à la pointe sud-est du lac Léman, détient avec 70,5% des voix l’un des plus hauts scores du canton.</p> <p>Alors, pourquoi ce oui franc et souvent massif des communes frontalières à l’initiative dite anti-«burqa»? Notons au passage que de nombreuses localités de l’«intérieur» de la Suisse romande, spécialement dans la Broye, l’ont également fortement approuvée.</p> <p>Alors, est-ce par «islamophobie»? Ce terme, dont l’islam politique est féru, a plusieurs acceptions. C’est son problème comme sa force. Il englobe et confond la critique, la crainte et le rejet de l’islam. Mais on peut penser que le «vote des frontières» à l’initiative qui nous occupe renferme une part de crainte, voire de rejet de la religion musulmane, en tous les cas de ses formes apparaissant comme radicales ou intolérantes.</p> <p>Notre hypothèse, elle, est qu’il faut envisager ce vote frontalier romand comme le résultat d’une association d’idées: niqab=islam, islam=danger, danger=France. Cet enchaînement peut certainement valoir aussi, selon des modalités propres, avec d’autres pays limitrophes de la Suisse – la chose est frappante dans le canton de Saint-Gall, qui fait face à l’Autriche, visée le 12 novembre par un attentat djihadiste à Vienne.</p> <p>Ne nous cachons pas la réalité: nombreux sont les Suisses à avoir de la France une image cauchemardesque, ou du moins dégradée. Pour rien au monde, ils ne voudraient être français, ni connaître ce que la France, singulièrement cette «France voisine» – proche mais tenue à distance comme tout voisin – connaît: le chômage, la délinquance, un rapport exacerbé à l’islam, globalement, des problèmes paraissant insolubles.</p> <hr /> <p style="text-align: center;"><strong>Lire aussi</strong>: <em><a href="https://bonpourlatete.com/analyses/islamisme-france-suisse-le-vrai-sujet-qui-fache" target="_blank" rel="noopener">Islamisme France-Suisse: le vrai sujet qui fâche</a></em></p> <hr /> <p>Les communes romandes frontalières, spécialement celles de fort passage, spécialement celles situées en zones rurales, spécialement enfin celles qui n’ont pas avec la France de «barrière naturelle» – une rivière, un fort dénivelé forestier ou montagneux –, s’estiment aux premières loges d’un danger réel, exagéré ou fantasmé dont elles entendent se prémunir. Les habitants de ces localités se considèrent vulnérables, ils voient dans la frontière une protection contre des périls, le rôle même d’une frontière.</p> <p>Deux épisodes de délinquance remontant à l’été dernier renforcent cette hypothèse: l’un a touché la «<a href="https://bonpourlatete.com/actuel/la-suisse-c-est-un-autre-monde-faut-dire-la-verite" target="_blank" rel="noopener">piscine de Porrentruy</a>», en Ajoie, lorsque des «racailles» (terme chargé de sous-entendus) venues de quartiers sensibles de France voisine ont commis des incivilités dans l’enceinte du bassin bruntrutain; <a href="https://bonpourlatete.com/actuel/neuchatel-veut-que-l-algerie-reprenne-ses-delinquants-sans-papiers" target="_blank" rel="noopener">un autre</a> a fait grimper les chiffres de la délinquance semble-t-il comme rarement sur le littoral neuchâtelois, lorsque des mineurs ou jeunes majeurs isolés essentiellement originaires du Maghreb, certains d’entre eux étant en réalité originaires de France, ont commis des rapines.</p> <p>Les urnes électorales sont en quelque sorte nos lieux d’aisance démocratiques. S’y déversent nos peurs, nos inquiétudes, qui peuvent être fondées, tout ce «ça» refoulé en temps normal et qui trouve là, dans l’intimité de l’isoloir, une occasion de s’exprimer. 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Un <i>mansplaining</i> en mode solidaire, bien sûr. Je serais même tenté d’y voir un peu plus que cela: un <i>manembracing</i> virant au <i>manembarrassing</i>. Autrement dit: une défense à ce point appuyée qu’elle en devient gênante.</p> <p>Gabriel Bender a le zèle du converti. Du converti au féminisme. C’est l’impression qu’il donne. Comme s’il devait montrer, à lui-même et au monde, qu’il est du bon côté. Celui des dominés, en l’occurrence des dominées. Militantisme et sociologie – sa discipline – ne font plus qu’un dans un certain nombre de domaines de recherche. En première année de «socio», on apprenait pourtant à distinguer le discours de l’acteur de celui de l’observateur.</p> <p>Ce précieux conseil, qui permet d’entretenir la veille démocratique, ne semble plus partagé par tous les observateurs des phénomènes de société. La prose «féministe» de Gabriel Bender rend compte d’une confusion des statuts certainement volontaire. Chez lui, les termes du combat paraissent ne pas devoir être discutés, celui de patriarcat, par exemple. Or ce n’est pas parce que le patriarcat existe en tant que phénomène historique que le mot n’est pas utilisé dans la période actuelle comme une ressource discursive mise au service d’un intérêt.</p> <p>Contrairement à quelques-uns éprouvant le besoin d’exposer leur vertu, je n’ai pas pour habitude de dire dans un texte ce que je pense profondément. Parce que je me dis qu’un individu, au hasard, un lecteur, une lectrice, peut parfaitement faire crédit à un autre individu de son appartenance à la bonne part de l’humanité même si ce dernier dévie, autrement dit s’accorde le droit de questionner des tendances. Le fait de dévier, de pouvoir le faire, est gage de bonne santé démocratique. Cela ne veut pas dire qu’on est en droit d’imposer son point de vue aux autres. 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Voilà pour ce que je pense.</p> <p>Maintenant, ce que je comprends. C’est plus pudique et de mon point de vue, plus intéressant, même si je peux parfaitement concevoir la nécessité et l’intérêt de récits à la première personne. Mon article sur le site de <i>Marianne</i> ne porte pas sur les faits présumés de harcèlement révélés par <i>Le Temps</i>. Je renvoie d’ailleurs dès le premier paragraphe à l’enquête du quotidien romand datée du 29 octobre. Il me semble que beaucoup, en France aussi, savent de quoi il retourne avec cette «Tour».</p> <p>Non, l’angle de mon article porte sur une action politique, menée essentiellement par des femmes, lesquelles exercent une pression dans un rapport de force en vue de l’obtention d’un résultat. On dirait que cette approche universelle a rendu Gabriel Bender tout drôle. Que comprendre en creux de ses arguments à lui? 1) Qu’un combat mené par des femmes se doit d’être protégé, parce que tout combat féminin serait empreint de fragilité. 2) Que des femmes sont au fond incapables de tactique, qu’elles sont toujours «entières», comme si parler de manœuvre à leur sujet, c’était implicitement en référer aux vieux schémas de ruse, de rouerie, voire de sorcellerie associés aux femmes durant des siècles.</p> <p>Mais on est de son temps ou on ne l’est pas. Il s’agit bien pour des femmes de la RTS, et pour des hommes avec elles, de tirer parti, c’est-à-dire avantage d’une situation à l’origine défavorable. C’est ce qui s’appelle faire de la politique. Mais encore une fois, tout combat politique conduit par des femmes devrait-il être assimilé seulement à du «militantisme», notion contenant en elle un statut de dominé, et par-là échapper à la critique ordinaire? Ne serait-ce pas là jouer sur les «deux tableaux», celui de la victime à qui réparation est due et celui du citoyen à qui tout revient une fois la victoire acquise? Aussi je propose qu’on laisse la démocratie trancher sur les reformes sociétales voulues par le «collectif du 14 juin». Et que le droit remplisse son office pour les cas de harcèlement et mobbing présumés.</p> <p>Il y a de la mauvaise foi dans le texte de Gabriel Bender. A tout le moins des imprécisions. J’en veux pour preuve ce passage où il comprend de travers ce qui est pourtant clair: personne, parmi les salariés de la RTS, ne pousse, contrairement à ce qu’il affirme, la femme que je cite anonymement à produire un «faux témoignage», soit des accusations de harcèlement qu’elle n’aurait pas subi. 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Si l’homophobie est présente en France dans tous les milieux sociaux, elle prend un caractère singulier en banlieue. Ce terme, «banlieue», est chargé de toute une histoire qui recouvre celle de l’immigration, en particulier originaire du Maghreb et d’Afrique sub-saharienne. Abandonnées ou perdues dans l’imaginaire public, les banlieues en sont venues à cultiver une forme d’autonomie citoyenne, une manière de ne pas s’en laisser conter, propice à l’enracinement de spécificités, notamment sur la question des mœurs.
L’hostilité de principe d’une partie des habitants des quartiers populaires, essentiellement parmi les jeunes hommes, envers les gays et lesbiennes, se pare d’un vernis civilisationnel sur fond d’islam identitaire, une sorte de patrimoine politico-affectif à préserver à tout prix. En soi, cela participe d’un repli, de ce que le président Macron a autrement nommé «séparatisme» dans son discours de Mulhouse, le 18 février. Cette aversion essentialiste pour les gays et lesbiennes s’accompagne d’une logique de territoire qui pourrait se résumer à un mot d’ordre: pas de ça chez nous.
Virilisme et traditions
L’homosexualité y est alors perçue comme une norme contraire à la religion musulmane, plus largement à une éthique se réclamant d’une tradition virile, et comme une tentative néocoloniale consistant à défaire un lien social reposant sur des bases «saines», forme de décence commune, fierté d’une population modeste en butte à des discriminations. Ce récit héroïque, un spartakisme conservateur, en vogue dans une frange de l’indigénisme décolonial, aurait pour un peu des accents pasoliniens, la banlieue passant pour l’homologue de la paysannerie vertueuse de l’Italie d’après-guerre, corrompue par l’économie de marché alliée à des intellectuels communistes bourgeois – sociaux-démocrates dans le cas français sous le label «SOS-Racisme» apparu en 1984.
C’est oublier, cependant, que l’orientation sexuelle n’est pas une croyance ou une classe sociale, mais un état chez des individus qui, quelle que soit leur origine, n’ont pas vocation à vivre cachés, honteux ou persécutés. C’est assigner ensuite les quartiers populaires à une idéologie de résistance dont des entrepreneurs identitaires, pas seulement religieux et pas seulement de banlieue, tirent profit en termes de pouvoirs de représentation.
Des milliers de messages menaçants
L’homophobie en banlieue est un phénomène vis-à-vis duquel les associations LGBT, plus à l’aise face à l’homophobie institutionnelle d’un groupe tel que la Manif pour tous opposée au mariage entre personnes de même sexe, sont bien empruntées et parfois se déchirent. Phénomène? «1200 agressions physiques à l’encontre de personnes homosexuelles ont été recensées en France en 2018 par STOP Homophobie (en hausse d’environ 30% par rapport à 2017, ndlr). Parmi elles, près de 700 ont eu lieu en Ile-de-France et 30% de ces dernières étaient des guet-apens depuis les réseaux sociaux.» (Source: BFMTV, 31 juillet 2019) Or l’Ile-de-France, c’est Paris et surtout sa banlieue.
Deux affaires de cyberharcèlement ont, à la fin de l’année dernière et au début de la présente, fait parler d’elles. L’une, à la suite d’une sextape rendue publique sur les réseaux sociaux, dans laquelle un homme noir résidant en région parisienne, présenté comme un dur de quartier, reçoit une fellation d’un autre homme. Des milliers de commentaires menaçants et homophobes, reprochant en quelque sorte au soi-disant caïd de trahir sa condition de «vrai bonhomme», ont contraint celui-ci à quitter la France pour se protéger.
La deuxième affaire est celle de Mila, une adolescente de 16 ans, d’abord traitée entre autres de «lesbienne» et de «française» pour avoir dit que les filles «arabes» et «noires» n’étaient pas son genre, puis qui, répondant dans une vidéo à ses harceleurs, des garçons, insulte l’islam, commettant par-là-même un «blasphème», notion non reconnue par le droit français. Résultat: une mini-crise politique autour de «Je suis Mila» et «Je ne suis pas Mila», calque de «Je suis Charlie» et son contraire, ainsi qu’une déscolarisation temporaire de la jeune fille pour lui éviter des représailles lui promettant la mort dans le pire des scénarios.
«Les religions, on y entre, on en sort, l’orientation sexuelle, on ne la choisit pas»
Les associations LGBT ont en règle générale dénoncé ces cas graves de cyberharcèlement pour raison d’homophobie – se doublant dans le cas de Mila de motifs religieux. Mais certaines y ont mis un «mais» plus ou moins gros: soit qu’il s’agissait de ne pas faire «le jeu de l’extrême droite» en stigmatisant une population «racisée» et précarisée; soit qu’il fallait éviter de tomber dans l’«islamophobie», l’islam étant ici, avec les femmes, les Noirs, les Arabes et les LGBT une composante d’un combat intersectionnel en faveur des «minorités» et contre la «domination blanche» – l’actuel cheval de bataille du gauchisme culturel.
Directeur de la rédaction du mensuel LGBT Têtu, Romain Burrel est un farouche opposant à la Manif pour tous, à tout ce qui s’apparente de près ou de loin à l’extrême droite. Pour autant, ce «social-démocrate modéré» se distingue du combat intersectionnel en refusant de joindre dans un même combat solidaire la religion et l’orientation sexuelle: «La première est un choix, la seconde est un état», rappelle-t-il. «Le terme d’islamophobie, par exemple, me dérange, poursuit-il. Ce n’est pas un mot pour lequel j’ai envie de me battre. Les religions, on y entre, on en sort, le voile, on le met, on l’enlève. Je ne suis pas d’accord avec l’argument selon lequel être contre l’islam serait être raciste. Mais le problème, ce n’est pas l’islam, ce sont les religions. Il y a dans des milieux chrétiens des thérapies dites de conversion destinées aux homosexuels.»
Romain Burrel n’a pas souhaité se rendre à la «marche contre l’islamophobie» du 10 novembre dernier à Paris, organisée par un groupe de personnes issues de la deuxième génération de l’immigration maghrébine, pour beaucoup militants de l’extrême gauche ou de l’islam politique, voire des deux. Cette manifestation faisait suite à plusieurs actes antimusulmans, dont un attentat terroriste d’extrême droite le 28 octobre visant la mosquée de Bayonne, qui avait fait deux blessés.
«Dieu est seul juge et il est tolérant»
Madjid Messaoudene était l’un des organisateur de la marche. Elu municipal de Saint-Denis, ancien fief de Tariq Ramadan, commune Front de gauche qui passe aux yeux des militants laïques pour la «Bandung» de l’islamo-gauchisme, cet adjoint au maire à la lutte contre les discriminations ne nie pas l’existence d’un phénomène homophobe en banlieue partiellement rattaché à la «religion», mais il veut le combattre avec ses propres forces. Qui ne doivent pas être «celles du Marais», le nom du quartier gay situé au centre de Paris, où les gays noirs et arabes de banlieue ne se sentiraient pas toujours à l’aise, selon lui. «On a un projet: travailler à l’ouverture à Saint-Denis d’un lieu d’accueil pour personnes LGBT racisées», indique le conseiller municipal, en mauvais termes avec le maire à cause de son activisme, et qui se présente aux municipales de mars contre la majorité sortante, sur une liste «citoyenne» soutenue par la France insoumise.
L’élu de Saint-Denis entend lutter en même temps «contre l’homophobie, l’antisémitisme et l’islamophobie». Il dit être intervenu en milieu scolaire, dans un environnement musulman, sur la question de l’homosexualité. «Les remarques homophobes de certains élèves étaient une addition de clichés, et quand ils invoquaient Dieu pour justifier leurs dires, je leur répondais que Dieu seul est juge et qu’il est tolérant», rapporte-t-il. Sur les réseaux sociaux, Messaoudene est pris à partie par ceux qu’il appelle «les musulmans 2.0».
Ces derniers lui reprochent de corrompre la «jeunesse musulmane» en la sensibilisant à la problématique LGBT. On pourrait dire de cet élu municipal qu’il entend défendre l’islam en défendant la cause gay et lesbienne. Pinkwashing, passage à l’eau de rose de l’islam politique – qui veut asseoir un universel musulman –, ou pragmatisme de celui qui comprend qu’il ne parviendra pas, sur l’homosexualité, à se faire entendre d’une jeunesse souvent imprégnée d’un type d’islam peu réceptif à l’altérité, sans en passer par l’islam?
«Ne pas faire le jeu du Rassemblement national»
La médiation religieuse, ce n’est pas la voie choisie, a priori, par les associations LGBT dites universalistes, pour qui les religions sont historiquement des obstacles à l’émancipation du public qu’elles entendent représenter. Ce mélange des genres avait dissuadé Romain Burrel, très méfiant envers les «curés» de toute obédience, de se joindre à la première «Marche des fiertés» en banlieue, à Saint-Denis même, mise sur pied par Messaoudene et diverses associations LGBT en juin 2019. «Un ami qui s’y était rendu en était revenu déçu, me disant qu’il y avait pas mal été question de lutte contre l’islamophobie, qui n’était pourtant pas le sujet», raconte-t-il.
Il n’en reste pas moins que la grande crainte des militants LGBT, politiquement plutôt à gauche, est bien la stigmatisation des jeunes des banlieues. Des scrupules qui disent leur humanité mais indiquent peut-être aussi une forme de frilosité, de peur, même, sur un sujet qui vaut des coups de toute part sur les réseaux sociaux. Un dirigeant associatif, battu parce qu’homosexuel, n’avait pas voulu décrire ses agresseurs, afin de ne pas les livrer en pâture à la «fachosphère», un terme imprécis qui permet d’évacuer temporairement des dilemmes embarrassants. Romain Burrel, pris à partie «trois fois» dans sa commune de résidence, en Seine-Saint-Denis, assure n’avoir pas avoir vu le visage de ses agresseurs.
Il s’agit effectivement ici de ne pas faire «le jeu du Rassemblement national», d’après beaucoup. Sauf qu’il se fait pour ainsi dire tout seul. «La majorité des gays votent Rassemblement national», se désole le directeur de la rédaction de Têtu, qui, sans rien approuver, semble comprendre ce glissement d’une population banalement considérée de gauche vers la droite extrême, à l’instar d’une partie des juifs de France face à l’antisémitisme de musulmans. Burrel y voit une arnaque: «Oui, le RN se pose en protecteur des gays et lesbiennes, mais il ne fait rien pour la progression des droits LGBT. Ce que je sais, c’est qu’il ne faut surtout pas jouer les banlieues contre les gays et inversement. Soit on gagnera tous ensemble, soit on perdra tous ensemble.»
L’extrême gauche aux côtés des «racisés», même homophobes
L’extrême gauche LGBT, dont certaines figures ont parfois donné dans l’antisémitisme, est de son côté bruyante et radicale dans sa prise de parole contre la «bourgeoisie», quand la majorité du «pays réel» LGBT serait allée, elle, chez Marine Le Pen, réputée «gay friendly». Cette même extrême gauche, celle qui combat ouvertement le cinéaste Roman Polanski, condamné en 1977 pour «rapports sexuels illégaux» avec une mineure de 13 ans et rattrapé depuis par de multiples accusations d’agressions sexuelles, prend aujourd’hui fait et cause, dans une optique de convergence des luttes, pour les gilets jaunes et les banlieues, y compris pour de jeunes homophobes «racisés», qui vaudront toujours mieux que les «dominants» et leur catéchisme républicain teinté de fausse bienveillance… L’association Act Up Paris paraît être sur cette ligne.
Ce positionnement rappelle les années pionnières d’Act Up, un mouvement aux méthodes spectaculaires qui alerta sur le sort des séropositifs durant les années Sida et dont le film 120 battements par minute, qui lui rend hommage, décrit la mobilisation de ce milieu, à l’époque militant pour l’étranger sans-papiers atteint par la maladie, cet alter ego dominé à plus d’un titre… Mais il n’était alors pas question à ce point de théories intersectionnelles importées des campus américains, et aujourd’hui, un auteur dramatique comme Bernard-Marie Koltès, mort en 1989 des suites du Sida, et son metteur en scène fétiche Patrice Chéreau, décédé en 2013, seraient peut-être accusés d’appropriation culturelle pour leur valorisation de la figure du «métèque».
«La peur de la stigmatisation ne rend pas justice aux victimes»
Le Lyonnais Mehdi Aïfa, président de l’Amicale des jeunes du refuge, une association luttant contre l’homophobie, «[s’est] donné pour objectif de ne jamais taire, de ne jamais policer une réalité». «Il n’y a pas en France de statistiques ethniques, mais on sait quel type de population agresse en majorité les homos, affirme-t-il. Cela se passe souvent en banlieue, et quand cela arrive ailleurs, les agresseurs sont souvent des banlieusards. La peur d’être accusé de faire le jeu du Rassemblement national et le lit de l’islamophobie ne rend pas justice aux victimes.»
Sur les réseaux sociaux, Mehdi Aïfa est traité de tous les noms, surtout par des Français d’origine maghrébine, comme lui. Il en veut aux «grandes associations», selon lui atteinte du «syndrome de la pénitence postcoloniale». Il a des mots durs envers le Dionysien Madjid Messaoudene. Il ne lui pardonne pas d’avoir, l’an dernier, accusé un jeune Franco-Maghrébin de banlieue parisienne, menacé dans son quartier, de «tenir le discours du Front national».
Ex-homophobe
Dimanche 23 février dans l’émission religieuse «Questions d’islam» sur France culture, l’invité, Abdelkader Railane, un musulman, auteur d’un roman autobiographique intitulé En pleine face (éditions Ex Aequo), a raconté sa jeunesse homophobe dans un quartier d’immigrés maghrébins où l’homophobie allait de soi et dans lequel il ne faisait pas bon être homosexuel. Abdelkader Railane, qui dit avoir trouvé dans la boxe des raisons d’être tolérant envers autrui, n’est à présent plus homophobe. Il appelle à lutter contre ce mauvais penchant et garde la foi. Comme quoi on peut être musulman et vouloir le bien pour les homosexuels. On le savait déjà, mais du chemin reste à faire.
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Ce récit héroïque, un spartakisme conservateur, en vogue dans une frange de l’indigénisme décolonial, aurait pour un peu des accents pasoliniens, la banlieue passant pour l’homologue de la paysannerie vertueuse de l’Italie d’après-guerre, corrompue par l’économie de marché alliée à des intellectuels communistes bourgeois – sociaux-démocrates dans le cas français sous le label «SOS-Racisme» apparu en 1984.</p> <p>C’est oublier, cependant, que l’orientation sexuelle n’est pas une croyance ou une classe sociale, mais un <strong>état</strong> chez des individus qui, quelle que soit leur origine, n’ont pas vocation à vivre cachés, honteux ou persécutés. 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Alors que le débat portait sur l’accueil par la France de 234 migrants se trouvant à bord du bateau Ocean Viking, le jeune député LFI Louis Boyard, qui fut autrefois chroniqueur rétribué à TPMP, a mis les pieds dans son ancienne gamelle en parlant d’un procès menaçant «Bolloré» pour déforestation au Cameroun. Vincent Bolloré est ce milliardaire français propriétaire du groupe Canal, un catholique breton qu’on dit hanté par la crainte du «grand remplacement», ce concept d’extrême droite repris par son poulain Eric Zemmour lors de la dernière campagne présidentielle.</p> <p>Fidèle à son style «wesh-embrouille», où les différends se règlent en <em>battles</em> de tchatche, Cyril Hanouna a aussitôt mis un coup de pression au député Boyard, façon «qu’est-ce t’as dit?»: «Tu sais que t’es dans le groupe Bolloré, ici?», lui a-t-il lâché quand apparaissaient au même moment les résultats d’un sondage-téléspectateurs indiquant une proportion de 80% se prononçant contre l’accueil des 234 migrants et de 20% se disant pour.</p> <p>En sweat-capuche, Hanouna, tout à son personnage de caïd de la street chic rappelant au p’tit merdeux le respect dû au patron, le vrai, insiste alors: «Tu sais que t’es dans le groupe Bolloré?... Qu’est-ce que tu viens foutre ici, alors?... Bolloré t’a donné de l’argent, t’étais chroniqueur ici…»</p> <p>Boyard, qui avait visiblement préparé son coup, la joue grands principes: «Attends, Cyril, est-ce que tu es en train de me dire que je n’ai pas le droit de dire que Bolloré, il a un procès avec cent cinquante Camerounais parce qu’il a déforesté?» La suite: le député-LFI-ex-chroniqueur-TPMP, ne s’énervant pas, devant pressentir qu’il sortira gagnant de la <em>battle</em>, se prévaut de sa qualité de député. Hanouna piétine l’argument, estimant que Boyard, comme d’autres de son parti, doit son élection à TPMP. Après avoir donné du «mon chéri» à Boyard, il le traite d’«abruti» et de «merde», chacun accusant l’autre d’avoir fait monter l’extrême droite – le grand tabou de la politique française.</p> <p>Quelle suite LFI, plus largement la Nupes, la coalition de gauche à l’Assemblée nationale, donnera-t-elle à cet incident? Continuera-t-elle d’aller sur le plateau de TPMP? Qui, d’Hanouna ou de la gauche radicale, a-t-il le plus besoin de l’autre? Sans LFI, formation aux accents populistes, TPMP perdrait sa caution de gauche, risquant alors de ne plus réunir que des «anti-tout», souvent l’antichambre d’un parti de l’ordre. Mais en renonçant à ce forum, La France insoumise se priverait d’un lieu où elle peut porter des coups à «Macron», ce qui lui rapporte des voix. Ne plus se montrer dans «Touche pas à mon poste!» pourrait être interprété comme l’aveu qu’on appartient au «système», à cette «élite» qu’on prétend combattre.</p> <p>Dans le même temps, en participant à cette émission, LFI sait qu’elle contribue à saper la confiance dans les institutions démocratiques, dont on a vu jeudi soir le peu de cas qu’en faisait Cyril Hanouna en insultant le député Boyard. Il y a deux semaines, toujours à la barre de TPMP, Hanouna appelait à la tenue d’un procès expéditif, assortie d’une «perpétuité immédiate» pour la meurtrière présumée de la petite Lola. Tartuffe dans l’affaire, LFI est bel et bien confrontée à un dilemme, à moins que l’ambiguïté ne lui siée davantage que la clarté.</p> <p>Mais surtout, TPMP, qui remplit, quoi qu’on en pense, une fonction tribunitienne en offrant un exutoire aux passions de toutes sortes, peut-elle être supprimée? Sa disparition provoquerait-elle des troubles? 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Né en 1950 à Constantine, issu de la communauté juive algérienne, partie avec les pieds-noirs à l’indépendance en 1962, Stora était investi d’une mission réconciliatrice par le président de la République. A la fin de son travail, l’historien émet une série de préconisations. Et l’on entre alors dans le vif du sujet: l’action.</p> <p>La première de ces préconisations, qui rappelle la Commission Vérité et Réconciliation en Afrique du Sud, l’Instance Vérité et Dignité en Tunisie, est la constitution d’une «Commission "Mémoires et vérité" chargée d’impulser des initiatives communes entre la France et l’Algérie sur les questions de mémoires». La <em>vérité</em>. Pas de réconciliation sans vérité sur les exactions passées, croit-on.</p> <p>Mais la vérité n’est pas seulement question de faits, elle intéresse aussi le sens. Or deux sens ne peuvent cohabiter. Pas d’en-même-temps possible: la douleur d’un camp ne peut valoir celle de l’autre. Celle de l’Allemand de la Seconde Guerre mondiale ne vaut pas celle de l’Allié. On touche probablement ici à la limite du rapport Stora: le colon ne peut pas faire valoir sa douleur au même titre que le colonisé. Sinon, toute la hiérarchie, établie selon une échelle de valeurs qui accorde au colonisé la légitimité de sa révolte, est rebattue. Et pourtant, se dit-on, il faut tendre vers la reconnaissance des souffrances de part et d’autre, pour pouvoir la faire, cette réconciliation. Comme c’est compliqué…</p> <h3>Les choses ont un sens que la paix peut ignorer</h3> <p>Seul le sens permet d’y voir clair. Mais le problème du sens, qui dit qui avait raison, qui avait tort, c’est qu’il ne permet pas toujours de refermer les plaies, puisque personne ne veut être en tort, ou avoir tous les torts. Le cas franco-algérien renvoie à la spécificité de la guerre d’Algérie, plus sensible sur un plan mémoriel que les guerres franco-allemandes.</p> <p>La guerre d’Algérie, combat décolonial, lutte pour la libération, fut probablement moins une guerre classique entre deux nations qu’une guerre civile à l’intérieur d’un même territoire. Opposant deux populations d’inégal statut, certes, et ce n’est pas rien, mais ayant toute deux un caractère civil. De là, sans doute, le refus, longtemps, de nommer par le terme de guerre ce qui était appelé sous le nom d’événements.</p> <p>C’est pourquoi la vérité (qui la dit? selon quels critères?) peut être, aussi, parfois, l’ennemi de la réconciliation, celle-ci étant par nature toujours un peu artificielle. Disons que l’intérêt de la paix l’emporte à un moment donné sur l’intérêt de la guerre, surtout dans une configuration de conflit civil.</p> <h3>Les pieds dans le plat</h3> <p>Très vite apparaît la nécessité de l’amnistie, pour étouffer des braises dont chacun a cependant conscience qu’elle ne seront jamais tout à fait éteintes. Ce fut vrai après une relative brève période d’épuration en France en 1944-45. Vrai entre la France et l’Algérie à l’indépendance en 1962. Vrai encore en 1999, lorsque le président algérien Abdelaziz Bouteflika fit voter la loi dite de concorde civile, qui mit fin par un plébiscite à la guerre civile.</p> <p>Cela nous amène à la France d’aujourd’hui, celle, d’après, espérons-le, les attentats islamistes. Attentats? Islamistes? D’emblée, les pieds dans le plat. La somme de «ce qui est arrivé en France ces dernières années» pèse son poids de non-dits. Cette situation présente des similitudes avec les conflits évoqués plus haut. Mais elle a comme quelque chose d’inextricable. Ce n’est pas encourageant.</p> <h3>Quand le bourreau redevient l'égal de la victime</h3> <p>Alors, quelles similitudes entre l’après-attentats et ces précédents après-guerres? La première de toutes, la plus importante: la nécessité de l’amnistie, avons-nous vu, par quoi on cesse de juger ceux qu’on sait coupables, par quoi on passe à autre chose. Comme la victime, le bourreau doit pouvoir reprendre une vie normale. Sauf que toute amnistie suppose un vainqueur reconnu comme tel, autrement dit un juste faisant offrande de son pardon au vaincu. L’amnistie, qui comporte une part d’amnésie volontaire, permet le retour à la paix dans des sociétés qui se sont entredéchirées.</p> <p>Toute la difficulté en France – on le voit avec les polémiques entourant l’adoption en cours de la loi confortant le respect des principes républicains, initialement intitulée contre le séparatisme islamiste – tient dans l’énoncé et dans le sens attribué à des faits qui ont ensanglanté la métropole comme jamais depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.</p> <h3>Déni de réalité</h3> <p>Dire ce qui s’est passé contient un enjeu de pouvoir politique et culturel pour le présent et pour l’avenir. Il y a là un rapport de force, d’autant plus à l’œuvre que la qualification de ces attentats n’est pas claire pour tous, ou doit rester équivoque, manière de manœuvre dilatoire. On est alors proche du déni de réalité. Laquelle? Oui, on peut jouer longtemps sur les mots.</p> <p>La meilleure façon de tirer un trait sur cette période serait effectivement de dire que l’islamisme n’existe pas et que par conséquent il n’y a pas eu d’attentats, tout attentat ayant une motivation idéologique. Il y aurait eu une sorte d’explosion de violence spontanée.</p> <h3>Désigner une idéologie, c'est désigner des idéologues</h3> <p>Retenir la qualification d’attentats, qui plus est islamistes, ce qu’ils ont bel et bien été, c’est désigner une idéologie. L’idéologie islamiste, donc: soit un projet de conquête civilisationnelle dirigé contre l’Occident jugé décadent et en bout de course. Toute la littérature djihadiste, s’inspirant de l’islamisme, est faite de cela.</p> <p>Désigner une idéologie potentiellement violente, c’est désigner des idéologues et des compagnons de route. C’est vouloir occuper le pouvoir à leur place, là où on pense qu’ils l’occupent, dans certaines parties de l’université, par exemple. C’est désigner un problème: «l’islamo-gauchisme», soit une convergence plus ou moins solide entre matérialisme et religion en vue de renverser l’ordre bourgeois, lequel s’oppose à la fois à l’égalité et à une saine vision de l’existence – notons que le fidèle musulman n’érigeant pas sa religion en cause politique, et cela fait du monde, n’a que faire de ces sollicitations révolutionnaires.</p> <h3>La France insoumise visée et visant à son tour</h3> <p>Sur la défensive, se sentant visée par une entreprise épuratrice post-islamiste, par quoi il s’agit d’empêcher, du moins de s’opposer frontalement aux conditions de production de l’islamisme, la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon refuse de faire la différence entre islamisme et islam, accuse le gouvernement de persécution envers les musulmans. Comme si l’islamisme n’existait pas ou n’avait pas existé, en France et ailleurs, comme si – autre façon de hiérarchiser la donne historique – les coupables de ce qu’il faut quand même bien appeler des attentats, n’étaient pas à chercher parmi des musulmans, population opprimée, mais chez leurs oppresseurs, autrement dit dans l’Occident capitaliste, colon un jour, colon toujours…</p> <h3>La poursuite de la guerre d'Algérie</h3> <p>On retrouve ici la matière du rapport Stora sur les conséquences de la guerre d’Algérie. En quoi on pourrait affirmer que les attentats islamistes qui ont frappé la France ces dernières années sont en partie, en partie seulement, la poursuite d’une guerre d’Algérie qui n’a pas réellement pris fin. Tout comme la guerre civile algérienne des années 90 fut avant cela la poursuite, déjà, de cette même guerre, dont le terme fut sanctionné davantage par une forme d’armistice que par une paix durable.</p> <p>Les morts de Samuel Paty, le professeur égorgé l’an dernier, celle du commandant de gendarmerie Beltrame, en 2018, sont des morts encombrantes. Les maires, plutôt de droite, qui veulent donner leurs noms à des places et des rues, en inscrivant sous leurs patronymes: «Victimes du terrorisme islamiste», désignent implicitement une idéologie ennemie. Non pas extérieure à la France mais présente en France.</p> <p>Cette désignation un peu lourde de sens, c’est le cas de le dire, ne contribue pas à la recherche de la paix, dont l’oubli est l’une des composantes, pourrait-on penser. Mais «en face», là où tout est social et colonial, on ne baisse pas pavillon. La déconstruction du modèle occidental et capitaliste – visé par l’islamisme revanchard – doit se poursuivre. 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Pourquoi? On a tenté de répondre à cette question. Indice: l’image, pas terrible, du «voisin français». ', 'subtitle_edition' => null, 'content' => '<p>«C’est la petite Gilberte, Gilberte de Courgenay…» La Mob, c’était mieux avant. Il y avait alors de vraies frontières. Pas comme aujourd’hui avec Schengen qui les a toutes effacées, ce qui est bien pratique aussi, il faut le dire. Mais parfois une votation – ou une pandémie – suffit à les rétablir. C’est ce qui s’est passé dimanche avec la «burqa», l’initiative interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, acceptée à 51,2% par le peuple. Un score relativement modeste qui cache de fortes disparités. Sans le vote des métropoles, favorables au non, le texte aurait été approuvé bien plus largement. En Suisse romande, les communes frontalières de la France ont plébiscité le oui. Qu’est-ce que cela révèle de ce vote, à cet endroit bien précis, celui des limites géographiques et politiques d’un pays, en sa partie francophone?</p> <p>A Courgenay, dans cette Ajoie s’enfonçant tel un saillant dans les départements français du Doubs et du Territoire de Belfort, 65,4% des habitants ont voté en faveur de l’initiative soutenue par l’UDC et une partie de la gauche (<a href="https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/votations/20210307/initiative-populaire-oui-a-l-interdiction-de-se-dissimuler-le-visage.html" target="_blank" rel="noopener">cliquez ici</a> pour avoir accès à la carte interactive). Un score de cinq points supérieur à la moyenne cantonale jurassienne, 60,7% de oui, la plus élevée des dix-neuf cantons qui ont approuvé le texte.</p> <p>Des trois districts du canton du Jura, celui de Porrentruy, qui épouse la carte de l’Ajoie, dont la particularité est d’avoir avec la France le double de frontière qu’il n’en a avec la Suisse, affiche le plus haut taux d’acceptation, 64,7%. A la pointe du saillant, Bure, la commune qui héberge la place d’armes du même nom, se hisse à la première place du district avec 76% de oui. 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Bardonnex, localité munie d’un important poste-frontière, détient semble-t-il le record cantonal avec 57% de oui. A part la commune de Genève proprement dite (44,8% de oui) et de certaines localités en direction du canton de Vaud, peut-être un peu plus bourgeoises que le reste du canton de Genève, toutes les autres ou presque acceptent l’initiative.</p> <p>Le Valais, en partie frontalier avec la France, a voté oui à 58,3%, deuxième taux le plus élevé en Suisse romande derrière le Jura. La commune limitrophe de Saint-Gingolph, à la pointe sud-est du lac Léman, détient avec 70,5% des voix l’un des plus hauts scores du canton.</p> <p>Alors, pourquoi ce oui franc et souvent massif des communes frontalières à l’initiative dite anti-«burqa»? Notons au passage que de nombreuses localités de l’«intérieur» de la Suisse romande, spécialement dans la Broye, l’ont également fortement approuvée.</p> <p>Alors, est-ce par «islamophobie»? Ce terme, dont l’islam politique est féru, a plusieurs acceptions. C’est son problème comme sa force. Il englobe et confond la critique, la crainte et le rejet de l’islam. Mais on peut penser que le «vote des frontières» à l’initiative qui nous occupe renferme une part de crainte, voire de rejet de la religion musulmane, en tous les cas de ses formes apparaissant comme radicales ou intolérantes.</p> <p>Notre hypothèse, elle, est qu’il faut envisager ce vote frontalier romand comme le résultat d’une association d’idées: niqab=islam, islam=danger, danger=France. Cet enchaînement peut certainement valoir aussi, selon des modalités propres, avec d’autres pays limitrophes de la Suisse – la chose est frappante dans le canton de Saint-Gall, qui fait face à l’Autriche, visée le 12 novembre par un attentat djihadiste à Vienne.</p> <p>Ne nous cachons pas la réalité: nombreux sont les Suisses à avoir de la France une image cauchemardesque, ou du moins dégradée. 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Un <i>mansplaining</i> en mode solidaire, bien sûr. Je serais même tenté d’y voir un peu plus que cela: un <i>manembracing</i> virant au <i>manembarrassing</i>. Autrement dit: une défense à ce point appuyée qu’elle en devient gênante.</p> <p>Gabriel Bender a le zèle du converti. Du converti au féminisme. C’est l’impression qu’il donne. Comme s’il devait montrer, à lui-même et au monde, qu’il est du bon côté. Celui des dominés, en l’occurrence des dominées. Militantisme et sociologie – sa discipline – ne font plus qu’un dans un certain nombre de domaines de recherche. En première année de «socio», on apprenait pourtant à distinguer le discours de l’acteur de celui de l’observateur.</p> <p>Ce précieux conseil, qui permet d’entretenir la veille démocratique, ne semble plus partagé par tous les observateurs des phénomènes de société. La prose «féministe» de Gabriel Bender rend compte d’une confusion des statuts certainement volontaire. Chez lui, les termes du combat paraissent ne pas devoir être discutés, celui de patriarcat, par exemple. Or ce n’est pas parce que le patriarcat existe en tant que phénomène historique que le mot n’est pas utilisé dans la période actuelle comme une ressource discursive mise au service d’un intérêt.</p> <p>Contrairement à quelques-uns éprouvant le besoin d’exposer leur vertu, je n’ai pas pour habitude de dire dans un texte ce que je pense profondément. Parce que je me dis qu’un individu, au hasard, un lecteur, une lectrice, peut parfaitement faire crédit à un autre individu de son appartenance à la bonne part de l’humanité même si ce dernier dévie, autrement dit s’accorde le droit de questionner des tendances. Le fait de dévier, de pouvoir le faire, est gage de bonne santé démocratique. Cela ne veut pas dire qu’on est en droit d’imposer son point de vue aux autres. Bref, le débat est un acquis précieux, et cette réponse à Gabriel Bender y participe.</p> <hr /> <p style="text-align: center;"><strong>Lire aussi</strong>: <em><a href="https://bonpourlatete.com/analyses/mise-au-pas-du-patriarcat-a-la-rts" target="_blank" rel="noopener">Mise au pas du patriarcat à la RTS</a></em></p> <hr /> <p>Alors, qu’est-ce que je pense du harcèlement? Comme la plupart des gens, je pense que c’est intolérable. Je pense aussi que la «drague» en entreprise, lourde ou légère, est une mauvaise chose. Je dénonce le machisme et la beauferie. Je me souviens, mais là on part sur #metoogay, de trois journalistes causant politique avant une échéance électorale: l’un d’eux avait usé du mot «pédoque» pour évoquer un élu romand. C’était moche, j’avais envie de l’insulter. Tout ça pour dire que je suis heureux qu’une certaine tenue comportementale et verbale – «un homme ça s’empêche», merci Albert Camus – devienne la règle. Ce changement, on le doit aux féministes. Voilà pour ce que je pense.</p> <p>Maintenant, ce que je comprends. C’est plus pudique et de mon point de vue, plus intéressant, même si je peux parfaitement concevoir la nécessité et l’intérêt de récits à la première personne. Mon article sur le site de <i>Marianne</i> ne porte pas sur les faits présumés de harcèlement révélés par <i>Le Temps</i>. Je renvoie d’ailleurs dès le premier paragraphe à l’enquête du quotidien romand datée du 29 octobre. Il me semble que beaucoup, en France aussi, savent de quoi il retourne avec cette «Tour».</p> <p>Non, l’angle de mon article porte sur une action politique, menée essentiellement par des femmes, lesquelles exercent une pression dans un rapport de force en vue de l’obtention d’un résultat. On dirait que cette approche universelle a rendu Gabriel Bender tout drôle. Que comprendre en creux de ses arguments à lui? 1) Qu’un combat mené par des femmes se doit d’être protégé, parce que tout combat féminin serait empreint de fragilité. 2) Que des femmes sont au fond incapables de tactique, qu’elles sont toujours «entières», comme si parler de manœuvre à leur sujet, c’était implicitement en référer aux vieux schémas de ruse, de rouerie, voire de sorcellerie associés aux femmes durant des siècles.</p> <p>Mais on est de son temps ou on ne l’est pas. Il s’agit bien pour des femmes de la RTS, et pour des hommes avec elles, de tirer parti, c’est-à-dire avantage d’une situation à l’origine défavorable. C’est ce qui s’appelle faire de la politique. Mais encore une fois, tout combat politique conduit par des femmes devrait-il être assimilé seulement à du «militantisme», notion contenant en elle un statut de dominé, et par-là échapper à la critique ordinaire? Ne serait-ce pas là jouer sur les «deux tableaux», celui de la victime à qui réparation est due et celui du citoyen à qui tout revient une fois la victoire acquise? Aussi je propose qu’on laisse la démocratie trancher sur les reformes sociétales voulues par le «collectif du 14 juin». Et que le droit remplisse son office pour les cas de harcèlement et mobbing présumés.</p> <p>Il y a de la mauvaise foi dans le texte de Gabriel Bender. A tout le moins des imprécisions. J’en veux pour preuve ce passage où il comprend de travers ce qui est pourtant clair: personne, parmi les salariés de la RTS, ne pousse, contrairement à ce qu’il affirme, la femme que je cite anonymement à produire un «faux témoignage», soit des accusations de harcèlement qu’elle n’aurait pas subi. 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