Le palais présidentiel, baptisé «maison du peuple» de Nicolae Ceaucescu, aujourd'hui Palais du Parlement roumain. © Jacques Pilet
Aucun pays d’Europe de l’est n’est sorti du communisme à ce prix: environ 900 morts dans les derniers jours du règne de Ceaucescu et dans le chaos qui a suivi. Il y a tout juste 30 ans. Un procès, celui de l’ex-premier ministre Illiescu, est en cours et devrait faire la lumière - un peu illusoire! - sur les circonstances obscures de cet épisode. Mais aujourd’hui, la Roumanie vit un autre tournant. Le pouvoir détenu pendant des décennies par un parti corrompu (PSD) prend fin. La société civile en est venue à bout. Les juges ont envoyé en prison des dizaines de politiciens véreux. Une relève prometteuse se met en place. L’espoir est enfin permis. Et le pays offre un visage qui fait plaisir à voir: plutôt joyeux, dynamique, rafraîchissant.
© Jacques Pilet
Les jeunes musiciens du groupe Vanotek que je rencontre à Bucarest se préoccupent peu de régler les comptes avec ce passé si douloureux et trouble qu’ils n’ont pas connu. Ils préparent leurs nouvelles chansons, de styles divers, avec des textes en roumain, mais aussi en anglais, en espagnol, bientôt en russe et en français, espèrent-ils. Ils veulent conquérir l’Europe. En attendant, ils sont invités surtout chez les voisins, ukrainiens, russes et turcs. «Demain nous partons en voiture à Kiev!» - 900 kilomètres, 15 à 20 heures de trajet. Ce qui frappe, c’est leur confiance tranquille dans l’avenir, le soin extrême apporté aux sons et aux images. Leurs clips video sont fort sophistiqués: le dernier montre un jeune Noir qui rêve dans les Carpates. Le monde est grand. Et enfin ouvert.
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© Jacques Pilet
Et bien sûr l’immense façade du palais fou de Ceaucescu, les immeubles, assez beaux à vrai dire, qu’il a édifiés tout autour pour les pontes du régime. Aujourd’hui ces appartements sont prisés et fort chers. La jeune femme s’intéresse peu à la politique mais lâche tout de même: «Maintenant, on a tout vendu aux étrangers, les forêts, les mines, les cultures… Et regarde, toutes les enseignes des grands magasins et des boutiques de luxe, ce sont toutes des multinationales!»
© Jacques Pilet
Elle n’a évidemment pas la moindre nostalgie pour la dictature d’autrefois mais elle aime son pays et veut en être fière. Comme elle, ses amis paraissent ravis de recevoir un étranger. Dans leurs propos, jamais la moindre pleurnicherie. Pourtant, leur vie est dure, les salaires misérables (moyenne: 500 francs), la vie plus chère qu’on ne l’imagine. Mais ils foncent. Mijotent toutes sortes de projets. Et tous sont sûrs que demain, tout ira mieux.
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Cette nouvelle donne permettra à l’Union européenne de débloquer des aides structurelles prévues, retenues en raison de la corruption. La part roumaine du gâteau destiné l’Europe centrale et de l’est va augmenter car elle diminuera pour la Pologne, qui a atteint un stade de développement où elle en a moins besoin. La Suisse aussi fera un geste, bien modeste. Le «milliard de cohésion» ayant été accepté par le Parlement, un nouveau crédit pourra aller à la Roumanie. Le précédent était de 150 millions sur 10 ans, le nouveau sera augmenté. Bien peu de choses au regard des besoins, mais des moyens réfléchis, contrôlés, mis au service de projets concrets, utiles à ce qu’il est convenu d’appeler «la société civile».
L’Union européenne a fixé deux priorités pour aider la Roumanie. Les infrastructures routières et la santé. Rouler dans cet immense pays n’est pas une partie de plaisir. Les routes sont étroites, mal entretenues, surchargées par le flot des camions. Le réseau ferroviaire qui eut son heure de gloire a été complètement négligé et les rares trains se traînent à 30km/h sur des rails problématiques. La santé? Il y a en ce domaine de grandes compétences. Les cliniques privées, médicales, esthétiques et dentaires, offrent leurs services sur d’immenses affiches. A Cluj-Napoca, proche de la Hongrie, les facultés de médecine attirent des milliers d’étudiants. Dans l’une d’elles on y enseigne en français: elle accueille actuellement 75 étudiant(e)s suisses, surtout des Romand(e)s, qui devront néanmoins apprendre le roumain pour leurs stages pratiques sur place. Leurs études seront reconnues et ils pourront pratiquer à leur retour. Cet effort académique ne date pas d’hier et constitue une forme d’aide… à l’ouest de l’Europe: la formation des 70 000 médecins roumains partis à l’étranger depuis l’adhésion à l’UE a coûté environ 8 milliards d’euros à l’Etat roumain. Mais la part du PIB consacrée à la santé, environ 5 %, est de moitié inférieure à la moyenne européenne. Les hôpitaux sont vétustes, insuffisants. Un immense effort de modernisation sera nécessaire pour offrir des soins convenables à la population dépourvue de fortune.
Les diplomates en poste à Bucarest sont optimistes. Quand l’ordre juridique sera pleinement assuré, quand le cap pro-européen sera réaffirmé, les investissements étrangers ne manqueront pas d’augmenter (notamment dans le secteur industriel en pleine croissance). Bien que ceux-ci soient déjà considérables et profitables. La députée européenne franco-roumaine Clotilde Armand le rappelle dans Le Monde: «Les Français ont le plombier polonais. A l’Est, nous avons le patron français. Je suis une élue roumaine d’origine française. Que je sois à Paris, en visite, ou à Bucarest, où j’habite, je fais mes courses chez Carrefour et Auchan. A la maison, en Roumanie, mon eau est fournie par Veolia, mon gaz par GDF-Suez. Pour le téléphone, c’est Orange. Et je règle toutes ces factures par l’intermédiaire d’une branche locale de la Société générale.» Elle conclut: «Les transferts d’argent public des Etats ouest-européens vers les Etats est-européens sont bien inférieurs aux juteux profits que tirent les entreprises occidentales de leurs investissements orientaux.» Les Suisses, eux, sont au 7ème rang des investisseurs avec 2 milliards d’euros. Holcim en tête, suivi de Roche, Nestlé et Novartis. La balance commerciale penche en faveur de la Suisse, gagnante à hauteur environ 250 millions de francs.
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Un pays livré à une gigantesque machine bureaucratique d’Etat. Un pays déprimé. Avec un président hors du réel, obsédé par son ego. Et une assemblée de tribuns ivres de leur rhétorique, incapables de s’entendre et de remettre les pieds sur terre. Moins grave: le président de la Corée du Sud, renouant avec les vieux démons de ce pays, tente d’en faire une dictature manu militari. Il échoue… mais ne se fait pas arrêter pour autant. En Géorgie, c’est la castagne entre pro-Européens et pro-Russes à coups de poings et de slogans simplistes, enflammés, là aussi hors de toute raison. Les deux camps livrés aux jeux des influences extérieures. A la malédiction des pays charnières en temps de guerre froide… devenant de plus en plus chaude. Au Moyen-Orient, le premier ministre israélien et ses soutiens messianiques ne cessent d’élargir la guerre au-delà de leur pays. Aucun cessez-le-feu à Gaza où la tragédie n’en finit pas, celui du Liban aussitôt violé, aucune accalmie en Cisjordanie. 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