Actuel / Comment le Swiss Finance Institute influence la recherche financière
Un institut contrôlé par les banques finance des professeurs de finance © s:fi
Sur la débâcle du CS, les banques de l'ombre et les opérations risquées sur les produits dérivés, la plupart des professeurs de finance restent silencieux. Il y a une raison à cela.
Article publié sur Infosperber le 16 octobre 2024, traduit par Bon Pour La Tête
25 des 75 professeurs de finance suisses qui sont membres du Swiss Finance Institute (SFI) privé reçoivent de celui-ci un bonus annuel d'au moins 50'000 francs. Le SFI est contrôlé par de grandes banques. Cette «association de l'expérience pratique et de l'excellence académique» doit, selon la propre déclaration du SFI, «renforcer la place financière suisse». A noter: les bénéficiaires de l'argent sont tous des hommes.
Une enquête du collectif de recherche WAV a fait la lumière sur un système de bonus académiques douteux de la part de cet institut. The Lamb et Republikont publié cette enquête à la mi-septembre. Le SFI n'en a pas été «amusé» et a diffusé un «droit de réponse» que les deux publications n'ont toutefois pas été obligées de publier. Comme le font toujours les sponsors, le SFI affirme n'avoir aucune influence sur l'enseignement et la recherche.
Le 22 avril dernier, Marc Chesney et Peter Ulrich, tous deux professeurs, constataient sur Infosperber que la grande majorité des nombreux professeurs de finance suisses n'avaient pas commenté la débâcle de Credit suisse, ni le risque de concentration d'UBS. Dans le monde académique, ce sont surtout les professeurs d'économie et les historiens de l'économie qui se manifesteraient, mais, de manière frappante, pratiquement aucun professeur de finance. En 2014 déjà, Chesney avait dénoncé le sponsoring universitaire dans la NZZ. Mais ses propos sont restés sans suite.
Jusqu'en 2017, Marc Chesney était, en tant que professeur, quasi automatiquement membre de la faculté SFI, mais ne percevait pas de bonus. Une preuve selon le SFI que les opinions critiques à l'égard des grandes banques sont bien tolérées en son sein...
Le 26 avril 2024, Infosperber avait entrepris d'expliquer pourquoi de nombreux professeurs se montraient, dans leurs opinions, favorables à l'industrie et aux banques. Voici les principaux faits rassemblés par Sophie Hartmann et Maria-Theres Schuler du collectif de recherche.
Contexte et financement
Le Swiss Finance Institute est une fondation privée basée à Zurich, créée en 2005 pour maintenir le secteur bancaire et financier suisse à la pointe de la recherche internationale. La fondation finance des professeurs de finance sélectionnés dans différentes universités suisses, dont l'université de Zurich, l'EPFZ, l'université de Saint-Gall et d'autres. Ce financement est en grande partie assuré par des banques membres de l'Association suisse des banquiers et est lié à des performances académiques spécifiques. Le financement par les banques soulève des questions quant à l'indépendance de la recherche, car les critères d'excellence académique sont fixés par le conseil de fondation, composé en majorité de représentants des banques. Cela entraîne des conflits d'intérêts potentiels, car le lobby financier exerce de cette manière une influence sur la formation et la recherche universitaires.
Salaires et incitations
Les professeurs qui occupent une chaire de lu SFI reçoivent de celui-ci une augmentation de salaire annuelle de 50'000 francs. Ces augmentations de salaire sont liées à la satisfaction de certains critères académiques, ce qui augmente la pression sur les chercheurs pour qu'ils s'alignent sur les intérêts du secteur financier. En outre, les professeurs affiliés au SFI peuvent demander des «contrats d'échange de connaissances» afin de recevoir également ou en plus 50'000 francs par an. Ces contrats exigent des professeurs qu'ils organisent des séminaires ou des discussions pour les banques.
La liste des chaires de fondation de l'université de Zurich (UZH) ne permet pas de savoir quels professeurs reçoivent de telles indemnités – bien que le SFI finance le salaire de base de deux chaires. Les autres frais liés à ces chaires, tels que le secrétariat, les assistants, le bureau et l'infrastructure, sont à la charge des contribuables.
Selon le service de presse de l'UZH, ces gains supplémentaires réalisés par les professeurs ne peuvent être rattachés à aucune des catégories de transparence existantes, puisqu'il s'agit d'une distinction pour «l'excellence scientifique». C'est pourquoi les versements de ces 50'000 francs seraient considérés administrativement comme des activités annexes, sans risque de conflit d'intérêts.
Influence sur la recherche et l'enseignement
Les liens étroits entre le SFI et les universités ont un impact considérable sur le contenu de l'enseignement. Une grande partie des cours dans le domaine des sciences financières sont dispensés par des professeurs affiliés à l'institut, ce qui peut conduire à une perspective unilatérale dans l'enseignement.
Les journalistes notent: «Les obligations sont multiples, comme le montre un contrat type pour une chaire SFI. Celles-ci doivent rendre compte chaque année au directeur de l'institut de leurs activités liées à la recherche et mentionner leur appartenance à la SFI en première ou deuxième position lors de publications ou de conférences. Elles doivent écrire pour la Research Paper Series du SFI et contribuer activement au recrutement de "talents exceptionnels" pour leur université. De plus, le SFI évalue tous les cinq ans l'"excellence scientifique" de leurs titulaires de chaires et décide s'ils continuent à recevoir leur bonus».
Les critiques affirment que cela limite la place pour des approches alternatives dans la recherche financière. Les critères de sélection des chaires SFI se basent fortement sur les publications dans des revues scientifiques renommées comme le Journal of Finance ou le Journal of Financial Economics. Pour obtenir une chaire SFI, les candidats doivent avoir publié au moins quatre articles dans ces revues au cours des six dernières années. Il en résulte que ce sont surtout les positions dominantes dans le paysage qui sont encouragées et que les approches alternatives comme la finance critique ou les perspectives interdisciplinaires sont désavantagées.
La dépendance financière vis-à-vis du SFI peut avoir pour conséquence que l'intégrité scientifique et la responsabilité sociale soient reléguées au second plan. Le lien étroit entre les bonus et les positions académiques peut ainsi menacer l'indépendance de l'enseignement et conduire à négliger les perspectives critiques dans la recherche financière.
SFI: «Des représentants des universités partenaires siègent aussi au conseil de fondation»
Dans son droit de réponse, le Swiss Finance Institute se défend d'avoir «majoritairement des représentants des banques» aux commandes, comme l'a pourtant constaté le collectif de recherche. Le SFI précise à ce sujet: «Le conseil de fondation du SFI comprend, outre des représentants des banques, quatre représentants des universités partenaires du SFI».
Le fait est que le président (UBS) et le vice-président (Banque cantonale de Zurich) sont des représentants de grandes banques. Sur les 14 membres du conseil de fondation, seuls 4 ne sont pas des représentants du secteur financier. Klaus Möller, professeur de Performance Management/Controlling à l'université de Saint-Gall, Frédéric Herman, recteur de l'université de Lausanne, Luisa Lambertini, rectrice de l'Università della Svizzera italiana et Christian Schwarzenegger, vice-recteur de l'université de Zurich et professeur de droit pénal et d'information scientifique, ont donné leur nom.
Dans son droit de réponse, le SFI indique aussi qu'il publie tous les contrats passés avec les universités partenaires, au cas où ceux-ci seraient réclamés par la presse ou le public, au nom de la loi sur la transparence. L'équipe d'investigation relève: ces contrats ne sont pas publiés sur le site internet du SFI.
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Une grande partie des cours dans le domaine des sciences financières sont dispensés par des professeurs affiliés à l'institut, ce qui peut conduire à une perspective unilatérale dans l'enseignement.</p> <p>Les journalistes notent: «Les obligations sont multiples, comme le montre un <a href="https://files.wav.info/upload/SFI/UNIGE_Template_Senior_Chair_2021.pdf">contrat type</a> pour une chaire SFI. Celles-ci doivent rendre compte chaque année au directeur de l'institut de leurs activités liées à la recherche et mentionner leur appartenance à la SFI en première ou deuxième position lors de publications ou de conférences. Elles doivent écrire pour la <em>Research Paper Series</em> du SFI et contribuer activement au recrutement de "talents exceptionnels" pour leur université. 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Le lien étroit entre les bonus et les positions académiques peut ainsi menacer l'indépendance de l'enseignement et conduire à négliger les perspectives critiques dans la recherche financière.</p> <h3>SFI: «Des représentants des universités partenaires siègent aussi au conseil de fondation»</h3> <p>Dans son <a href="https://www.sfi.ch/de/about-us/news/artikel-in-der-republik-vom-13.09.2024-gegendarstellung">droit de réponse</a>, le Swiss Finance Institute se défend d'avoir «majoritairement des représentants des banques» aux commandes, comme l'a pourtant constaté le collectif de recherche. Le SFI précise à ce sujet: «Le conseil de fondation du SFI comprend, outre des représentants des banques, quatre représentants des universités partenaires du SFI».</p> <p>Le fait est que le président (UBS) et le vice-président (Banque cantonale de Zurich) sont des représentants de grandes banques. Sur les 14 membres du conseil de fondation, seuls 4 ne sont pas des représentants du secteur financier. <a href="x-webdoc://FFDDF9A0-CA41-4F50-A0C6-BD5ADC358AC9/%C2%AB">Klaus Möller</a>, professeur de Performance Management/Controlling à l'université de Saint-Gall, <a href="x-webdoc://FFDDF9A0-CA41-4F50-A0C6-BD5ADC358AC9/%C2%AB">Frédéric Herman</a>, recteur de l'université de Lausanne, <a href="x-webdoc://FFDDF9A0-CA41-4F50-A0C6-BD5ADC358AC9/%C2%AB">Luisa Lambertini</a>, rectrice de l'Università della Svizzera italiana et <a href="x-webdoc://FFDDF9A0-CA41-4F50-A0C6-BD5ADC358AC9/%C2%AB">Christian Schwarzenegger</a>, vice-recteur de l'université de Zurich et professeur de droit pénal et d'information scientifique, ont donné leur nom.</p> <p>Dans son droit de réponse, le SFI indique aussi qu'il publie tous les contrats passés avec les universités partenaires, au cas où ceux-ci seraient réclamés par la presse ou le public, au nom de la loi sur la transparence. 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Si la commission d'experts a envisagé cette alternative – ce que peu d'éléments permettent d'affirmer –, elle aurait dû se demander dans quel domaine on dépense le plus d'argent pour ce à quoi on pourrait aisément renoncer. Chez les particuliers ou dans le secteur public?</p> <h3>Le dispensable dans les dépenses privées</h3> <p>La réponse est facile à trouver. Il suffit de faire du shopping à Zurich ou d'ouvrir n'importe quel journal et de lire à quoi les riches dépensent leur argent. 2'400 francs par mois pour un box à chevaux, environ 100 millions de francs pour la résidence principale ou secondaire de Federer avec son hangar à bateaux au bord du lac de Zurich, 10'000 francs pour une bouteille de champagne dans un night-club exclusif.</p> <p>En comparaison, les «gaspillages» d'argent public découverts par la commission d'experts sont, au mieux, des broutilles. La Suisse est certes encore relativement bien dotée en biens publics, mais s'il y a un vrai gaspillage, c'est surtout dans les dépenses privées.</p> <p>On peut aussi aborder la question de manière systématique. Le revenu total des ménages s'élève à environ 560 milliards de francs, dont au moins 360 milliards reviennent aux 40% les plus riches. Si ces derniers devaient payer à eux seuls les 4,5 milliards, leur revenu diminuerait de 1,25%. En contrepartie, ils ne devraient renoncer à rien. Ils devraient simplement réduire leur taux d'épargne de 36 à 34% de leur revenu brut.</p> <p>Même à l'âge de la retraite, les 40% les plus aisés pourraient encore mettre de côté un bon dixième de leur revenu. En bas de l'échelle des revenus, un couple avec enfants perd rapidement un dixième ou plus de son revenu disponible, déjà modeste, lorsque les subventions publiques pour les crèches sont réduites. 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Mais les gaspilleurs privés ne l'entendent évidemment pas de cette oreille, et leur lobby sait comment se faire entendre à Berne.</p> <p>Récemment, des projets du Département des finances ont été rendus publics, selon lesquels les versements en capital des 2e et 3e piliers devraient à l'avenir être plus fortement imposés ou moins dégrevés fiscalement. Cela rapporterait tout de même 220 millions de francs de plus par an à la Confédération.</p> <p>Mais on tire déjà à boulets rouges sur cette proposition. Le PLR et l'UDC rejettent «résolument» cette idée. Même la <em>Sonntagszeitung</em> s'est rangée du côté de ces derniers avec un gros titre dramatisant «l'attaque de Keller-Sutter contre la classe moyenne et les gros revenus». 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Loin de correspondre aux stéréotypes du violeur marginal, malade et/ou étranger, les coaccusés du procès de Mazan se distinguent paradoxalement par leur <a href="https://www.la-croix.com/france/au-proces-des-viols-de-mazan-des-accuses-a-la-banalite-derangeante-20241007">« banalité dérangeante »</a>. 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En se focalisant sur la façon dont les relations entre les hommes et les femmes sont culturellement façonnées par le patriarcat, de nombreux contenus journalistiques défendent aujourd’hui une approche sociologique du sujet, jusqu’alors <a href="https://revue.surlejournalisme.com/slj/article/view/611">globalement discréditée</a> au sein des rédactions en raison du stigmate militant associé.</p> <p>Le recours de plus en plus fréquent à ce concept sociologique pour expliquer les causes du viol résulte d’un long processus discontinu et inachevé de désindividualisation et de déprivatisation du sujet, observé dans le cadre de ma thèse en science politique. À travers cette enquête, j’ai souhaité étudier et expliquer l’évolution des représentations relayées par la presse écrite imprimée française sur le crime sexuel. Ce travail s’appuie sur l’exploitation de plus de 6000 Unes et articles publiés par quatorze journaux entre 1980 et 2020, ainsi que sur la conduite de cinquante entretiens auprès de journalistes et de leurs principales sources (associatives, judiciaires et médicales).</p> <h3>1980-2000 : l’affaire de quelques fous</h3> <p>Il y a encore quarante ans, la presse ne s’intéressait qu’exceptionnellement au viol. Jusqu’au milieu de la décennie 1980, seuls quelques rares cas judiciarisés présentés comme potentiellement constitutifs d’une « erreur judiciaire » font ponctuellement les gros titres, à l’instar des affaires <a href="https://www.humanite.fr/-/-/tangorre-plaide-linnocence">Luc Tangorre</a> et du <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1982/10/20/des-personnalites-protestent-contre-les-conditions-de-l-instruction_2892927_1819218.html">lieu de vie Le Coral</a>. L’écho médiatique à l’époque reçu par ces deux dossiers tient tout autant à l’implication de personnalités publiques qu’à la croyance socialement partagée dans l’anormalité pathologique des violeurs. Pas plus frustrés que déséquilibrés, Luc Tangorre comme les éducateurs du Coral, n’auraient, de l’avis général, pas de raison valable d’agresser sexuellement autrui.</p> <p>La médiatisation du viol au début des années 1980 se caractérise ainsi par un double mouvement d’invisibilisation et de négation du problème, les journalistes ne s’y intéressant le plus souvent que pour contester la plausibilité de témoignages perçus comme calomnieux.</p> <p>La couverture du sujet au cours de la décennie 1990 renforce l’idée selon laquelle les violeurs seraient atteints d’un handicap psychique et/ou physique, les différenciant par essence des autres membres de la société. La résonance internationale de l’arrestation en 1996 de Marc Dutroux en Belgique conduit les rédactions françaises à examiner les dispositifs médicaux visant à évaluer et contenir <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1997/03/04/on-peut-soigner-avec-succes-les-delinquants-sexuels_3765849_1819218.html">« la dangerosité criminologique »</a> des auteurs d’infraction sexuelle. 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Cherchant à identifier les causes de la sérialité de ces viols, nombre d’articles évaluent les conditions de travail et de vie des enseignants et des prêtres accusés : faiblesse des moyens alloués à l’École, ou encore <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/2002/03/23/clerge-pedophile-et-celibat-du-pretre_4211546_1819218.html">célibat et isolement des ecclésiastiques</a> figurent parmi les hypothèses les plus fréquemment envisagées. Pour autant, si l’inaction des membres et dirigeants de ces deux institutions est <a href="https://www.liberation.fr/france/2001/02/16/eglise-et-ecole-les-grandes-muettes_354839/">vivement critiquée dans la presse</a>, seule la responsabilité individuelle des agresseurs permettrait d’expliquer leurs comportements. À l’École comme dans l’Église, des <a href="https://www.liberation.fr/france/2015/05/04/une-loi-contre-les-predateurs-a-l-ecole_1289582/">« prédateurs »</a> auraient profité de l’autorité conférée par leur fonction pour abuser de la confiance d’enfants vulnérables.</p> <p>Au tournant des années 2000, la couverture de viols commis par plusieurs individus issus d’un même groupe social amène les journalistes à sonder plus généralement l’influence des critères socio-démographiques sur la conduite des individus. C’est parce qu’ils évoluent au sein de milieux économiquement et culturellement défavorisés, qu’ils partagent des visions du monde et croyances similaires, que des parents et voisins précaires auraient incestué et prostitué leur progéniture (dossiers d’<a href="https://www.liberation.fr/societe/2002/01/11/pedophilie-le-quartier-de-l-horreur-a-outreau_389990/">Outreau</a> et d’<a href="https://www.leparisien.fr/faits-divers/violeurs-de-pere-en-fils-11-03-2005-2005770560.php">Angers</a>), ou que de jeunes hommes d’origine étrangère auraient <a href="https://www.lexpress.fr/societe/l-humiliation-des-filles_490400.html">violé en réunion des adolescentes de leur quartier</a>. S’opère dès lors une désindividualisation partielle du viol : bien qu’ils demeurent responsables devant la loi, les mis en cause auraient, aux yeux des journalistes, fatalement hérité de mœurs propres à leur environnement – distinctes, cependant, des normes socialement dominantes.</p> <h3>Depuis 2011 : femmes et enfants, victimes du mâle dominant</h3> <p>Il faut peu ou prou attendre les accusations visant <a href="https://shs.cairn.info/revue-raisons-politiques-2012-2-page-13">Dominique Strauss-Kahn</a> et <a href="https://www.lepoint.fr/politique/30-05-11-l-affaire-tron-revelatrice-du-machisme-francais-30-05-2011-1336618_20.php">Georges Tron</a> en mai 2011 pour que l’analyse en termes de rapports de genre soit proposée par certains journaux. <a href="https://www.liberation.fr/france/2011/05/31/etre-une-femme-politique-c-est-pas-si-facile_739455/">La mobilisation d’élues</a> et de <a href="https://www.liberation.fr/france/2011/05/21/quand-l-interview-politique-tourne-cour_737321/">femmes journalistes politiques</a> contraint les rédactions à s’emparer du <a href="https://www.lexpress.fr/informations/sexisme-en-politique-le-temps-de-la-revolte_1289875.html">sexisme en politique</a>. Le viol n’est dorénavant plus exclusivement appréhendé au prisme de la pathologie ou de l’appartenance communautaire, mais de <a href="https://www.liberation.fr/france/2011/05/17/ou-l-abus-de-pouvoir-caracterise_736198/">l’abus de pouvoir</a> – Dominique Strauss-Kahn étant accusé par une femme de ménage guinéenne ; Georges Tron, par deux anciennes employées municipales.</p> <p><a href="https://www.senat.fr/leg/ppl11-540.html">L’abrogation en 2012 de l’article 222-33 du code pénal</a> relatif au harcèlement sexuel, suivie par la <a href="https://www.leparisien.fr/laparisienne/actualites/he-t-es-bonne-quand-la-ville-de-paris-s-attaque-au-harcelement-de-rue-25-11-2016-6375684.php">campagne de sensibilisation au « harcèlement de rue »</a> en 2016, incitent la presse à traiter plus généralement du sexisme observé au sein de la société entière. L’ampleur prise en octobre 2017 par le mouvement #MeToo favorise par la suite l’imposition d’un cadrage universalisant du viol, conçu comme l’une des formes possibles des « violences faites aux femmes », aussi bien perpétrées dans le cadre professionnel, qu’amical ou encore familial.</p> <p>Parallèlement à l’attention prêtée à la cause des femmes, des personnalités publiques s’engagent à partir de la seconde moitié des années 2010 pour dénoncer la « pédocriminalité ». <a href="https://www.livredepoche.com/livre/la-consolation-9782253180067">Flavie Flament</a>, <a href="https://www.grasset.fr/livre/le-consentement-9782246822691/">Vanessa Springora</a>, <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-familia-grande-camille-kouchner/9782021472660">Camille Kouchner</a>, <a href="https://www.lavoixdesarah.org/un-si-long-silence/">Sarah Abitbol</a>, ou plus récemment <a href="https://www.lisez.com/livre-grand-format/a-corps-ouvert/9782221274941">Vahina Giocante</a>, <a href="https://www.cnc.fr/series-tv/actualites/judith-godreche---icon-of-french-cinema-vient-dun-desir-creatif-autant-que-dune-necessite-vitale_2092280">Judith Godrèche</a>, <a href="https://www.denoel.fr/catalogue/dire-vrai/9782207182123">Isild Le Besco</a> racontent les violences respectivement imposées par un photographe réputé, un écrivain de renom, un beau-père, un entraîneur sportif, un père, ou encore un réalisateur de cinéma. En plus de poser la question des délais de prescription des viols sur mineurs, ces témoignages ont été l’occasion de réaffirmer la contrainte morale systématiquement exercée par les adultes sur les enfants, incapables de consentir sexuellement.</p> <h3>Incarner le viol au risque de le (re)singulariser ?</h3> <p>L’évolution du traitement médiatique du viol ces quarante dernières années se caractérise ainsi par un double mouvement discontinu et inachevé : de désindividualisation des causes du problème, les journalistes considérant dorénavant davantage la dimension sociale des violences sexuelles, jusqu’alors généralement traitées comme des « faits divers » épars ; de déprivatisation des circonstances, les rédactions nationales prêtant plus attention aux agressions commises dans le cadre dit « privé », qu’elles soient incestueuses ou conjugales.</p> <p>Ces transformations éditoriales coexistent néanmoins avec d’autres types de cadrage médiatique, qui tendent au contraire à souligner la particularité de chaque situation. L’intérêt accru depuis #MeToo pour les récits impliquant des personnalités publiques contribue à ce titre d’une certaine façon au maintien d’une lecture singularisante du problème, analysé à l’aune de la « puissance » accumulée par des hommes riches et célèbres, plutôt qu’en termes de domination masculine.</p> <p>L’actualité récente montre plus généralement combien la tentation d’imputer la responsabilité des violences sexuelles à un groupe d’individus spécifique demeure grande. Alors que nombre d’articles dénoncent depuis deux mois les inégalités fondées sur le sexe et le genre à la faveur du procès des viols de Mazan, les médias soulignent tous le caractère « hors normes » d’une « affaire » mêlant des accusés « à double facette » bien qu’« ordinaires ». Le recours à la figure du dédoublement comme ultime tentative d’altérisation du mal, ou l’impossible acceptation de sa banalité.<img src="https://counter.theconversation.com/content/240881/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <p> </p> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/claire-ruffio-1153719">Claire Ruffio</a>, Doctorante en science politique, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/universite-paris-1-pantheon-sorbonne-2193">Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne</a></em></span></h4> <h4>Cet article est republié à partir de <a href="https://theconversation.com">The Conversation</a> sous licence Creative Commons. Lire l’<a href="https://theconversation.com/40-ans-de-traitement-mediatique-du-viol-du-fait-divers-au-proces-de-la-domination-masculine-240881">article original</a>.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => '40-ans-de-traitement-mediatique-du-viol-du-fait-divers-au-proces-de-la-domination-masculine', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 47, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 5, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 5204, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => true, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Portugal: les médias publics au régime sec', 'subtitle' => 'Les journaux portugais, comme ailleurs, sont à la peine. 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1 Commentaire
@Grizm 18.10.2024 | 05h53
«Il vaut la peine d’écouter ou réécouter l’interview de Marc Chesney sur la chaîne Antithèse animée par le journaliste Martin Bernard qui est aussi actif à BPLT par exemple ici: https://open.spotify.com/episode/3x38DcQNQehDuIjNn6Ev42?si=K7oEVJqgTUiBaYbitxY6Bw»