Actuel / Les cent premiers jours de Bolsonaro
C’est uniquement le prononcé de l'inéligibilité de Lula qui a ouvert la route à la victoire de Jair Bolsonaro. © Wikimedia
«En 100 jours, Bolsonaro n’a pas poussé le gouvernement vers la droite, mais vers le bas», persifle Josias de Souza dans la «Folha de Sao Paulo», dimanche 7 avril. «Pourquoi ont-ils tellement peur de libérer Lula maintenant qu’ils ont réussi à empêcher mon élection», écrit l’ex-président Lula, depuis sa prison, dans une lettre ouverte publiée par l’ensemble de la presse dominicale de ce même jour. Et dans l’après-midi, sur l’Avenida Paulista de Sao Paulo, supporters de Bolsonaro et partisans de Lula en sont venus aux mains. Visiblement, le Brésil n’a pas encore retrouvé la paix politique.
Signé Jean-Jacques Fontaine, journaliste à Rio de Janeiro, cet article est paru sur son blog Vision Brésil
Depuis le retour de la démocratie en 1985, jamais un président élu n’a fait un aussi mauvais score que Jair Bolsonaro après 3 mois de règne seulement. Selon le sondage Datafolha publié dimanche 7 avril, seuls 32% estiment sa gestion bonne, 30% la jugent catastrophique et le dernier tiers oscille entre l’espoir et l’indifférence. En octobre, il y a six mois, Jair Bolsonaro avait été élu avec 66% des suffrages.
Les choses vont mal… mais pas si mal!
Visiblement, ce vote – que la plupart des observateurs considèrent comme un vote anti-PT plus qu’un choix pro-Bolsonaro – a fait long feu. Une gestion parfois qualifiée de calamiteuse des affaires publiques, des déclarations fracassantes, mais souvent approximatives voire contradictoires du chef de l’État, des conflits à répétition au sein de son équipe ministérielle et des promesses que l’exécutif n’arrive pas à concrétiser paraissent être la marque de ce début de mandat.
«Je pense que les choses ne vont pas si mal que ça, je ne vais pas perdre mon temps à commenter les sondages de Datafolha». Droit dans ses bottes, le président répond à ce mauvais score en promettant que ses ministres vont énumérer, à l’occasion des 100 jours, tout ce qu’ils ont déjà réussi à mettre sur pied. À partir d’un agenda qui a été défini lors de l’intronisation de la nouvelle équipe le 1er janvier. Mais voilà, 35 objectifs devaient être réalisés durant ce laps de temps de trois mois et à ce jour, seules 34% des mesures annoncées sont atteintes ou en cours de réalisation. Parmi les autres, 20% ont été pratiquement abandonnées.
Des promesses en l’air
Parmi les promesses restées en panne, la nouvelle politique anti-crime du ministre Sergio Moro, l’ancien juge des procès Lava Jato, et la libéralisation du port d’arme, bloquée au Congrès. Au-delà du remplacement de son directeur, la restructuration de l’entreprise publique de radiotélévision est aussi loin d’être effective. L’indépendance de la Banque centrale n’est pas encore sur pied et la réduction des tarifs douaniers au sein du Mercosur se fait attendre.
Dans l’Éducation, la mise en place de l’école sans partis peine à décoller. Il ne s’agit pas d’une réforme qui devait aboutir durant les trois premiers mois, mais son ministre de tutelle est sur le fil après avoir déclenché un tollé en voulant introduire l’obligation de chanter l’hymne national chaque matin dans toutes les écoles. L’ex-théologien antimarxiste Ricardo Velez, Colombien naturalisé brésilien, après d’autres, pourrait être bientôt éjecté de l’équipe gouvernementale.
Une économie qui continue à patiner
Les choses ne vont pas beaucoup mieux dans le serpent de mer de la réforme des retraites pour laquelle le gouvernement est incapable de composer une majorité parlementaire suffisante pour la faire accepter. «Les discours ne suffisent pas, la clé de la réussite pour Bolsonaro, c’est le redressement de l’économie» prophétise Valdo Cruz, éditorialiste du journal O Globo. Or malheureusement, l’économie ne décolle pas!
Les chiffres de la croissance stagnent en effet désespérément. En 2018, on escomptait 3% de mieux, le pays a à peine atteint 1,5%. En 2018 toujours, l’industrie n’a plus représenté que 11% du PIB national, le plus bas niveau depuis 70 ans. Dans un rapport rendu public le 4 avril dernier, la Banque mondiale affirme que la pauvreté a explosé au Brésil: en 2017 elle touchait 21% de la population soit 43,5 millions de personnes vivant avec moins de 5,50 dollars US par jour. 7,3 millions de plus qu’en 2014.
Déception patronale
Début 2019, l’accession de Bolsonaro à la présidence avait fait souffler un vent d’optimisme dans les milieux d’affaires: on prévoyait 2,5% de croissance pour l’année, 65% des électeurs s’attendaient à un redressement de l’économie. Aujourd’hui, l’estimation de la croissance pour 2019 a été ramenée à 1,98% et seules 50% des personnes interviewées par Datafolha pensent encore que leur pouvoir d’achat va augmenter. 18% considèrent qu’il va chuter. Ils n’étaient que 9% à l’envisager en début d’année.
Ce rythme de redressement léthargique a douché l’optimisme du monde patronal. En début d’année, les chefs d’entreprises imaginaient que le virage néolibéral amorcé par le super-ministre de l’Économie Paulo Guedes allait doper la croissance. Il n’en a encore rien été. «La récupération cyclique tant attendue est plus lente qu’attendu», reconnaît pudiquement l’IPEA, un institut de statistiques lié au gouvernement. Les mots sont plus tranchants chez Phlipp Schiemer, CEO de Mercedes-Benz do Brasil: «La phase des promesses électorales est passée et malheureusement, les actes concrets se font attendre. On perd un temps précieux en discussions stériles de second plan».
Rumeurs militaires
Comme pour s’excuser, Jair Bolsonaro, dans un de ces pas de côté dont il est devenu coutumier, confesse qu’il n’a pas été formé pour devenir président, mais militaire. Il lui faut donc encore beaucoup apprendre… Son vice-président Hamilton Mourão a saisi la balle au bond. Il prend de plus en plus de place sur la scène publique et ses prises de position interpellent.
En visite aux États-Unis, à l’occasion d’une conférence au MIT, il a répondu de façon sibylline à un étudiant qui lui posait une question sur la présence des militaires au gouvernement: « si le gouvernement faillit, s’il se trompe trop, l’addition sera pour les forces armées. Cela nous préoccupe».
Hamilton Mourão est coutumier de ces propos à double sens. Il y a peu, il affirmait que les militaires présents au gouvernement étaient les garants du respect de la Constitution et de la séparation des pouvoirs dans le cas où l’Exécutif agirait de façon trop arbitraire. Mais durant la campagne électorale de l’automne 2018, après l’attentat contre Jair Bolsonaro, ses propos étaient autres:
«Quand le Titanic a coulé, l’orchestre a continué à jouer et on n’a rien fait. Chez nous, dans les forces armées on ne peut pas continuer à jouer si le Titanic est en train de couler. À ce moment-là, c’est la question de l’interprétation de la Constitution qui se pose» (Interview accordé au HuffPost Brasil en septembre 2018). Propos qu’il a renforcés par une autre déclaration, faite à GloboNews le jour suivant, dans laquelle il disait considérer la possibilité d’un auto-coup d’État du président avec l’appui de l’armée pour le cas où le chaos politique s’installerait.
Lula reste une figure incontournable…
À l’autre bout de l’échiquier, Lula, depuis sa prison, ne mâche pas ses mots à l’égard du président en exercice: «J’ai honte pour le Brésil, Jair Bolsonaro est un président incapable». L’ancien chef de l’État continue à se prétendre innocent, sa condamnation aurait été une farce juridique pour l’empêcher de se présenter à l’élection présidentielle de 2018. Mais il a la conscience tranquille. «Pourquoi une telle crainte de libérer Lula maintenant qu’ils ont réussi à empêcher mon élection? La réponse est évidente, ils ont peur que le peuple s’organise pour lutter pour les idées du PT».
Lula, il est vrai, même après son incarcération, est resté le favori des sondages tout au long de la campagne électorale de l’automne dernier. Quoi qu’on puisse penser de la légitimité de sa condamnation, il faut le rappeler, c’est uniquement le prononcé de son inéligibilité qui a ouvert la route à la victoire de Jair Bolsonaro. Et ses partisans, qui ne désarment pas, se font fort de le répéter: ils ont décrété ce dimanche 7 avril 2019, date anniversaire des un an d’incarcération de Lula, «Journée Lula libre».
… il lui reste pourtant encore 12 ans de prison à purger.
Des milliers de manifestants sont descendus dans la rue dans tout le Brésil, ils étaient plus de 10'000 à Curitiba, devant la prison où est incarcéré l’ancien syndicaliste qui a quitté la présidence du Brésil en 2010 avec un taux de popularité de 87%. Bien sûr, c’était avant les révélations de l’affaire Lava Jato sur la corruption politique pratiquée durant les gouvernements successifs du PT. Depuis, l’étoile de Lula a largement pâli, mais il reste une figure incontournable de la vie politique du pays.
Ce n’est donc peut-être pas tout à fait un hasard si la presse de ce week-end de début avril 2019 a mis à la Une tant les difficultés de Bolsonaro après 100 jours de mandat que la lettre ouverte de Lula écrite à l’occasion de ses 365 premiers jours d’incarcération. Pour rappel, la peine à laquelle il a été condamné se monte à 12 ans de prison.
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Chez nous, dans les forces armées on ne peut pas continuer à jouer si le Titanic est en train de couler. À ce moment-là, c’est la question de l’interprétation de la Constitution qui se pose» (Interview accordé au <em>HuffPost Brasil </em>en septembre 2018). Propos qu’il a renforcés par une autre déclaration, faite à <em>GloboNews</em> le jour suivant, dans laquelle il disait considérer la possibilité d’un auto-coup d’État du président avec l’appui de l’armée pour le cas où le chaos politique s’installerait. </p><h3>Lula reste une figure incontournable… </h3><p>À l’autre bout de l’échiquier, Lula, depuis sa prison, ne mâche pas ses mots à l’égard du président en exercice: «J’ai honte pour le Brésil, Jair Bolsonaro est un président incapable». L’ancien chef de l’État continue à se prétendre innocent, sa condamnation aurait été une farce juridique pour l’empêcher de se présenter à l’élection présidentielle de 2018. Mais il a la conscience tranquille. «Pourquoi une telle crainte de libérer Lula maintenant qu’ils ont réussi à empêcher mon élection? La réponse est évidente, ils ont peur que le peuple s’organise pour lutter pour les idées du PT». </p><p>Lula, il est vrai, même après son incarcération, est resté le favori des sondages tout au long de la campagne électorale de l’automne dernier. Quoi qu’on puisse penser de la légitimité de sa condamnation, il faut le rappeler, c’est uniquement le prononcé de son inéligibilité qui a ouvert la route à la victoire de Jair Bolsonaro. Et ses partisans, qui ne désarment pas, se font fort de le répéter: ils ont décrété ce dimanche 7 avril 2019, date anniversaire des un an d’incarcération de Lula, «Journée Lula libre». </p><h3>… il lui reste pourtant encore 12 ans de prison à purger. </h3><p>Des milliers de manifestants sont descendus dans la rue dans tout le Brésil, ils étaient plus de 10'000 à Curitiba, devant la prison où est incarcéré l’ancien syndicaliste qui a quitté la présidence du Brésil en 2010 avec un taux de popularité de 87%. Bien sûr, c’était avant les révélations de l’affaire Lava Jato sur la corruption politique pratiquée durant les gouvernements successifs du PT. 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Mais rien ne permet d’abandonner l’idée que la parole reste « le propre de l’homme », c’est-à-dire la capacité à articuler avec sa bouche des sons distinctifs qui peuvent se combiner à l’infini pour donner une infinité de sens.</p> <p>C’est sans doute à cette spécificité que la question de l’émergence de la parole dans l’évolution humaine doit d’être restée à travers les âges au cœur de recherches dans le domaine de la philosophie, de la linguistique et, plus récemment, de l’éthologie, de la psychologie et des neurosciences. Cette question renvoie à la fois à l’existence des capacités cognitives adaptées à l’émergence du langage, qu’il soit parlé ou non, et à l’existence de capacités physiques de la bouche et des lèvres pour structurer et articuler les unités sonores qui seront les vecteurs acoustiques du langage, via la parole.</p> <p>Cognitivement, le <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rstb.2011.0295">langage renvoie fondamentalement à la capacité d’abstraction</a>. C’est la raison pour laquelle la fabrication d’outils, la maîtrise du feu, les peintures pariétales, la structuration de l’habitat sont autant d’étapes de l’évolution humaine qui ont fréquemment été utilisées comme des marqueurs potentiels de l’émergence de la capacité au langage. Il n’y a pas de consensus sur l’émergence de la parole. Nos travaux visent à contribuer à ces débats, en étudiant si les capacités des hominines fossiles (les Néandertaliens qui sont proches de nous comme leurs ancêtres, les H. heidelbergensis datant de 500 000 ans voire les Australopithèques qui sont beaucoup plus anciens et appartiennent à un autre genre) leur permettaient d’articuler suffisamment de sons distinctifs pour constituer la base du langage parlé.</p> <h3>Depuis quand peut-on articuler ?</h3> <p>Sur le plan physique, c’est l’usage de la bouche qui est au cœur de la capacité à parler. <a href="https://www.youtube.com/watch?v=XVE4B6TxlfM">Le célèbre ethnologue français André Leroi-Gourhan</a> (1911-1986) voyait dans le passage de la quadrupédie à la bipédie une étape essentielle dans l’émergence du langage parlé : permettant l’usage de la main pour des gestes de préhension jusqu’alors effectués par la bouche, la bipédie a « libéré » la mandibule, les lèvres et la langue pour leur permettre d’exécuter un répertoire gestuel riche et structuré, capable de transmettre le langage via le son.</p> <p>Quand est apparue la capacité physique à articuler des sons distinctifs ? C’est lorsque l’ensemble de cartilages marqué par la pomme d’Adam, qu’on appelle le larynx, est suffisamment descendu dans le cou, répondit le <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.164.3884.1185">chercheur américain Philip Lieberman</a> (1934-2022) dans le journal Science en 1969. Cette descente du larynx aurait, selon lui, offert à la langue un espace vertical nouveau, suffisamment large pour qu’elle puisse se déformer, se bomber ou s’aplatir pour générer une variété de formes et de sons appropriée à la richesse combinatoire du langage.</p> <p>Cette hypothèse, qui a fonctionné pendant plusieurs décennies, en sclérosant quelque peu la recherche dans ce domaine, a depuis lors été fortement contestée. Le chercheur <a href="https://theconversation.com/la-parole-ne-serait-pas-apparue-avec-homo-sapiens-et-ce-sont-les-singes-qui-nous-le-disent-128708">Louis-Jean Boë et ses collègues</a> ont en effet montré que les cris de babouins, dont le larynx est élevé et la langue plate, contiennent des sons proches du « a », du « ou » et du « i », les trois voyelles qui constituent la base fondamentale des systèmes vocaliques des langues du monde.</p> <p>De même, Fitch, pourtant disciple de Lieberman, et ses collègues, <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.1600723">dans un article paru dans <em>Science Advances</em> en 2016</a>, ont montré, à partir de radiographies de la gueule de macaques au cours de la déglutition, que malgré leur larynx élevé, ces primates pouvaient générer des formes de langue compatibles avec la production de voyelles suffisamment variées et distinctes pour constituer les bases sonores d’un langage parlé. La descente du larynx ne semble donc pas constituer un marqueur fiable de l’émergence de la capacité physique à parler au cours de l’évolution humaine, et le mystère reste entier.</p> <p>Pour tenter de le percer, notre projet <a href="https://iscd.sorbonne-universite.fr/research/sponsored-junior-teams/origins-of-speech/">« Origins of Speech »</a>, s’est proposé d’élaborer des modèles biomécaniques de langue d’humains fossiles.</p> <p>Un modèle biomécanique est un modèle numérique, sur ordinateur, qui représente une partie du corps humain, avec son anatomie, ses structures osseuses, ses tissus mous, ses muscles, et est capable de rendre compte des mécanismes physiques qui régissent leurs mouvements et leurs déformations sous l’action d’activations musculaires. Pour la langue, de tels modèles permettent d’étudier comment les muscles linguaux influencent la forme et la position de la langue dans la bouche. Ainsi, pour les fossiles, ces modèles offriraient la possibilité d’étudier, quantitativement et systématiquement, leur capacité à produire des sons de parole.</p> <h3>Prédire la langue des humains fossiles à partir des os de la tête</h3> <p>Mais sur quoi s’appuyer pour élaborer de tels modèles ? Aucune donnée anatomique n’existe. En effet, les tissus mous de langue, des parois de la bouche, et du visage ne fossilisent pas. Seuls restent les os, plus ou moins abîmés par les sévices du temps.</p> <p>C’est l’idée originale de notre projet, présentée dans <a href="https://journals.plos.org/ploscompbiol/article?id=10.1371/journal.pcbi.1011808">notre article récent</a> publié dans le journal <em>PLoS Computational Biology</em> porté par les jeunes chercheurs de notre équipe, Pablo Alvarez, Marouane El Mouss et Maxime Calka.</p> <h4><a href="https://images.theconversation.com/files/590916/original/file-20240429-20-zn36pe.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img src="https://images.theconversation.com/files/590916/original/file-20240429-20-zn36pe.png?ixlib=rb-4.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" alt="" /></a><em><span>Processus permettant la génération d’un modèle biomécanique de langue de babouin par la transformation d’un modèle de référence élaboré sur un humain actuel. Cette transformation s’appuie sur la modélisation mathématique des différences morphologiques entre les structures osseuses crâniennes de l’humain actuel et du babouin.</span> <span><span>Fourni par l'auteur</span></span></em></h4> <p>Elle consiste à exploiter les structures osseuses fossilisées pour prédire la forme et l’anatomie de la langue de ces humains disparus. Pour cela, nous utilisons comme référence le modèle biomécanique de langue d’un humain vivant, que nous avons soigneusement conçu dans nos laboratoires grenoblois GIPSA-lab et TIMC au cours de près de 3 décennies de recherches coordonnées.</p> <p>Ce modèle rend compte fidèlement de la morphologie de la langue, de ses structures musculaires, des caractéristiques mécaniques de ses tissus mous, et de ses interactions mécaniques avec la mandibule, le palais et l’os hyoïde, un petit os mobile qui relie la langue… au larynx.</p> <h4 style="text-align: center;"><iframe frameborder="0" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Pz0A5HTYFeM?wmode=transparent&start=0" width="440"></iframe><em><span>Modèle de langue TIMC et Gipsa lab Grenoble.</span></em></h4> <p>C’est en modifiant la géométrie du modèle de référence que nous générerons des modèles biomécaniques pour les langues fossiles. Pour cela, en nous appuyant sur des outils mathématiques combinant des transformations géométriques complexes, nous déterminons tout d’abord la transformation géométrique optimale qui permet de passer de la géométrie du crâne et de la mandibule de l’humain actuel à celle du crâne et de la mandibule de l’humain fossile.</p> <p>Puis nous appliquons cette transformation géométrique au modèle de langue du premier pour le déformer et en faire un modèle de langue pour le second, avec sa forme spécifique, ses structures musculaires, et ses interactions avec la mandibule, le palais et l’os hyoïde…</p> <p>Mais dans quelle mesure peut-on faire confiance à une transformation géométrique basée sur les structures osseuses pour prédire les tissus mous de la langue ? Pour répondre à cette question, cruciale pour valider la méthode, nous avons choisi d’évaluer leur méthode sur la génération d’un modèle biomécanique de langue de babouin, un primate non-humain dont la morphologie de la tête est très différente de celle d’un Homo Sapiens.</p> <p>Notre hypothèse en la matière consiste à dire que si cette méthode marche pour un tel primate, alors il est vraisemblable qu’elle sera fiable pour la prédiction de la langue de tous les humains fossiles dont les crânes sont moins différents de celui d’un Homo Sapiens, que ne l’est celui d’un babouin.Nous avons alors généré deux modèles de langue de babouin. Le premier a été conçu en utilisant une transformation géométrique optimale déterminée en prenant en compte les structures osseuses et les tissus mous de la tête. Comme on peut s’y attendre, la complétude des informations morphologiques prises en compte permet d’obtenir un modèle qui décrit avec une grande précision la morphologie de la langue du babouin.</p> <p>Puis nous avons généré un second modèle, en déterminant la transformation géométrique optimale sur la seule base des informations sur les structures osseuses, ignorant celles sur les tissus mous. Ce second modèle s’est avéré être très proche du premier et la fiabilité de cette prédiction a été validée par des outils statistiques de quantification des incertitudes développés par Anca Belme à l’Institut Jean Le Rond d’Alembert de Sorbonne Université. Nous avons alors pu conclure que notre méthode est fiable pour générer, à partir des seules structures osseuses, des modèles biomécaniques réalistes pour les langues de primates, qu’ils soient humains ou non humains, qu’ils soient vivants ou (bientôt car les analyses sont en cours) fossiles.</p> <p>C’est en exploitant cette méthode, que nous travaillons actuellement à la génération de modèles biomécaniques de la langue d’humains fossiles, tels que les <em>Homo Heidelbergensis</em> connus en Europe à partir de 600 000 ans ou les Néandertaliens de 70-50 000 ans, à partir respectivement des ossements d’Arago 21 (grotte à proximité de Perpignan) et de ceux de La Ferrassie 1 en Dordogne. Notre but est d’explorer systématiquement les conséquences des activations des muscles de la langue dans ces modèles, d’observer le spectre des formes de la bouche qui peuvent ainsi être générées et d’analyser les caractéristiques des sons qui seraient ainsi produits par les fossiles, en faisant l’hypothèse qu’ils possédaient des cordes vocales et des capacités pulmonaires similaires à celles des Homo Sapiens. Il sera aussi possible de tester quantitativement, en jouant sur la position de l’os hyoïde, connecté au larynx, dans quelle mesure la position, plus ou moins haute, du larynx est susceptible d’influencer la richesse des formes de bouches et des sons produits.</p> <p>C’est la méthodologie de recherche que nous avons choisie pour percer le mystère de l’émergence au cours de l’évolution humaine de la capacité à produire avec la bouche des sons suffisamment variés pour constituer la base d’un langage utilisant l’acoustique pour véhiculer des idées entre congénères…<img src="https://counter.theconversation.com/content/226977/count.gif?distributor=republish-lightbox-basic" alt="The Conversation" width="1" height="1" /></p> <hr /> <h4><span><a href="https://theconversation.com/profiles/pascal-perrier-1528361">Pascal Perrier</a>, Professeur en Mathématiques du Signal - Modèles biomécaniques orofociaux - Modèlisation du contrôle moteur de la production de la parole, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/institut-polytechnique-de-grenoble-grenoble-inp-2428">Institut polytechnique de Grenoble (Grenoble INP)</a></em>; <a href="https://theconversation.com/profiles/amelie-vialet-1528373">Amélie Vialet</a>, Maître de conférences en paléoanthropologie, <em><a href="https://theconversation.com/institutions/museum-national-dhistoire-naturelle-mnhn-2191">Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)</a></em> et <a href="https://theconversation.com/profiles/yohan-payan-1528354">Yohan Payan</a>, Chercheur en biomécanique des tissus mous, laboratoire TIMC (CNRS, Univ. 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Lire l’<a href="https://theconversation.com/emergence-du-langage-dans-levolution-humaine-des-chercheurs-font-parler-les-structures-osseuses-fossilisees-226977">article original</a>.</h4> </div>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'emergence-du-langage-dans-l-evolution-humaine-des-chercheurs-font-parler-les-structures-osseuses-fossilisees', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 14, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => 'https://theconversation.com/emergence-du-langage-dans-levolution-humaine-des-chercheurs-font-parler-les-structures-osseuses-fossilisees-226977', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 10, 'person_id' => (int) 85, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'comments' => [[maximum depth reached]], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4881, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) aurait-elle engagé une guerre contre le monde des réalités?', 'subtitle' => 'Avec le jugement favorable à la plainte de l’association KlimaSeniorinnen Schweiz, la CEDH ouvre la voie à la sanction des Etats en se fondant sur des arguments façonnés dans un monde imaginaire. 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Par ce jugement, la CEDH semble vouloir enterrer toute démarche rationnelle appuyée sur des faits pour favoriser des croyances.</p> <p>Accrochées à un mouvement généralisé autour du climat, qui favorise la foi d’une construction sociale de la réalité, à l’instar de la «justice climatique», ces plaignantes semblent avoir banni de leur plaidoyer tout ce qui pourrait résister au contrôle humain de la météo du jour, sans égards aux résultats scientifiques et leurs immenses incertitudes concernant les climats futurs. Les plaignantes ont accusé en substance les autorités suisses de mener une politique climatique aux objectifs et aux mesures insuffisantes, «en violation de leur droit à la vie», arguant de la vulnérabilité des personnes âgées face aux effets des changements en cours, et en particulier aux vagues de chaleur. Ce qui est visé, selon le jugement, serait l’incapacité de la Suisse à fournir une estimation des émissions de gaz à effet de serre futures afin de limiter «le réchauffement climatique» au fameux 1,5°C de l’Accord de Paris, valeur pourtant parfaitement arbitraire et dont les conséquences néfastes restent difficiles à identifier.</p> <p>Mais qu’en est-il vraiment? Que disent les données des études démographiques sur la «violation du droit à la vie» que ce soit sous les climats helvétiques ou mondiaux? Le «réchauffement climatique» met-il réellement en péril le «droit à la vie» des femmes âgées de Suisse?</p> <p>Premier constat, d’après les données de l’Office Fédéral de la Statistique (OFS), l’espérance de vie à la naissance des femmes suisses est passée de 79,3 ans en 1982 à 85,4 ans en 2022, et ce malgré «l’urgence climatique», soit un gain de 56 jours par an depuis 1982. Sur la même période, l’espérance de vie à 65 ans, âge minimal de ces militantes, est passée de 18,4 à 22,5 années. Il ne semble pas que «le climat» ait eu des conséquences fâcheuses sur leur droit à la vie.</p> <p>En recoupant les données de l’OFS et de Météosuisse, on peut observer la nature cyclique du nombre de décès par semaine des personnes de plus de 65 ans en Suisse, de 2010 à 2024 (Figure).</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1713434705_capturedcran2024041812.04.17.png" class="img-responsive img-fluid center " width="784" height="554" /></p> <p>La courbe noire pleine montre que les périodes hivernales restent les plus fatales, toutes causes confondues, pouvant parfois accroître la mortalité de 72% par rapport aux périodes estivales. Bien que les variabilités démographiques soient complexes à appréhender avec précision (comme les «effets moisson» ou les crises sanitaires telles la Covid-19), cette nature cyclique confirme simplement que «le froid tue».</p> <p>Pour s’en convaincre, s’affichent en gris sur la figure et à titre d’exemple, les températures <i>maximales </i>quotidiennes de la station de Neuchâtel montrant de larges amplitudes au cours de l’année. A partir du printemps 2020, la courbe des décès-toutes-causes subit les perturbations du Coronavirus et ses conséquences, rendant hasardeuse toute interprétation de détail. Mais la forte anti-corrélation entre décès et saisonnalité demeure. Nous supportons bien plus aisément les températures non-optimales chaudes que froides. Une étude récente<strong><sup>1</sup></strong> publiée dans <i>The Lancet</i> sur les excès de mortalité dans les villes européennes entre 2000 et 2019, dus cette fois uniquement aux températures non-optimales chaudes ou froides, confirme la tendance générale: entre 65 et 74 ans, le froid tue en Suisse 3 fois plus que le chaud, entre 75 et 84 ans, 6 fois plus, et au-dessus de 85 ans, 7,6 fois davantage. Dans une autre étude du <i>Lancet</i><strong><sup>2</sup></strong> sur les températures non-optimales entre 2000 et 2019 au niveau mondial, le constat est identique: le taux mondial de surmortalité liée au froid a baissé de 0,5% alors que celui lié à la chaleur aurait augmenté de 0,2%, conduisant à une réduction nette du ratio mondial des décès liés aux températures extrêmes. Mais ces pourcentages ne touchent pas le même nombre de personnes, bien plus nombreuses à décéder durant les hivers, ce qui amplifie davantage le bénéfice d’un réchauffement climatique. Ces militantes du climat semblent donc avoir convaincu la CEDH de porter la justice dans un monde fantasmé, où seules les températures excessivement chaudes président à la destinée des femmes, en invitant la Suisse à rejeter la réalité des faits.</p> <p>Pourtant, dans le monde réel, faut-il le rappeler, l’espérance de vie des Suissesses n’a cessé d’augmenter, et ce malgré le «dérèglement climatique», et grâce, pour l’essentiel, aux énergies fossiles. De plus, les décès directement liés aux températures non-optimales s’amenuisent grâce en grande partie à des hivers plus cléments.</p> <p>Dans le monde réel, un pays riche comme la Suisse permet à sa population de s’adapter aisément aux inconforts météorologiques (chauffage ou climatisation, isolations, facilité d’accès aux soins, énergie toujours disponible, etc.). A cela peut s’ajouter une topographie bienveillante durant les étés avec de nombreux lacs et rivières, et une fraicheur montagnarde accessible.</p> <p>Dans le monde réel, la Suisse a diminué de près de 40% ses émissions de CO<sub>2</sub> par habitant depuis 1980 et 91% de sa production électrique est bas-carbone. D’après la Banque Mondiale, les émissions de CO<sub>2</sub> par dollar de parité de pouvoir d’achat de PIB (ce qui ramène tous les pays du monde à une échelle comparable) placent la Suisse au 4ème<sup>.</sup>rang sur 181 pays, démontrant son efficience énergétique tout en maintenant des conditions de vie exceptionnelles, devant la Suède 6ème, la France 28ème, l’Allemagne 74ème (illustrant l’échec de l’<i>Energiewende</i>), les USA 126ème et la Chine 170ème.</p> <p>Dans le monde réel, si la Suisse devait poursuivre ses émissions de CO<sub>2</sub> au niveau de 2019, elle ne contribuerait en 2100 qu’à une élévation de la température mondiale de quelques millièmes de degrés Celsius suivant les formules fournies par le GIEC. Ces valeurs restent non-mesurables et insignifiantes.</p> <p>Mais les militantes du climat ne vivent pas dans le monde réel. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
2 Commentaires
@Lagom 12.04.2019 | 22h00
«L'auteur de l'article ne semble pas adorer le Président élu ! En 100 jours vous vous attendiez à quoi au juste? Dans les 2 premières semaine de son mandat il était au bord de la mort à l'hôpital. Laissez-le respirer encore une centaine de jours avant de porter un jugement. Il a une bonne tête, proche des USA et pas corrompu - ça tranche un peu avec les précédents, non ? »
@stef 22.04.2019 | 16h00
«Ce "président" est une marionnette placée par ses amis américains qui ne supportaient pas l’anti-capitalisme et les idées sociales de Lula.
Les pauvres n’ont pas finit d’être pauvres au Brésil »