Science / Le forçage génétique, promesse ou chimère?
Le moustique Aedes aegypti est le vecteur principal de la dengue, de l'infection à virus Zika, du chikungunya et de la fièvre jaune. © DR
Suite à la récente dissémination en Floride d’œufs de moustiques Aedes aegypti génétiquement modifiés, faisant suite à une même expérience effectuée en 2019 au Burkina Faso, notre environnement semble devenir un laboratoire grandeur nature. Au Burkina Faso, l’expérience est gérée par l’entreprise Target Malaria, société financée par la Fondation Bill and Melinda Gates. Attendrons-nous passivement que le temps nous révèle la véritable nature du forçage génétique?
Le 1er juillet 2019 à Bana au Burkina Faso, la première étape du projet de Target Malaria fut menée à terme par un lâchage de 6400 moustiques stériles sans impulsion génétique de l’espèce Anopheles gambiæ, principal vecteur du paludisme en Afrique et première cause du nombre de décès et de consultations au Burkina Faso. «Lorsque ces moustiques mâles sans impulsion génétique s’accouplent avec des femelles, les œufs pondus par les femelles n’éclosent pas. La stérilité est causée par une modification génétique qui n’affecte qu’une seule génération de moustiques modifiés et ne peut pas être transmise à la génération suivante parce que les insectes modifiés sont stériles», peut-on lire sur le site de Target Malaria.
Une deuxième étape consiste à engendrer une descendance du sexe masculin, puis une troisième pour relâcher des mâles modifiés par la technique de forçage génétique (CRISPR-Cas9), conduisant à leur stérilité puis à l’extinction de l’espèce en moins de deux ans, selon Delphine Thizy, responsable de l’engagement des parties prenantes de Target Malaria. Dans la foulée, l’extermination de deux autres espèces vectrices Anopheles coluzzi et Anopheles arabiensis est également programmée. Cette technique pourrait alors étendre son spectre d’utilisation dans la lutte contre des maladies telles que la dengue ou la fièvre Zika.
Target Malaria? C’est un consortium de recherche à but non lucratif dont les principales sources de financement proviennent de la Fondation Bill et Melinda Gates et de l’Open Philanthropy Project Fund. Son objectif est de développer des technologies génétiques afin de combattre le paludisme en Afrique.
Examinons donc les risques qui sous-tendent ces promesses. Tout d’abord l’efficacité de la technique de forçage génétique n’est pas certaine: il est tout à fait probable que des résistants à cette technique puissent émerger, la rendant inefficace. De surcroît, tous les tests de moustiques modifiés par forçage génétique n’ont été réalisés qu’en laboratoire et ne reflètent pas nécessairement les résultats potentiellement obtenus dans la nature.
De l’utilité du moustique
L'éradication d'une espèce dans un environnement dynamique n’est pas sans conséquences et pourrait directement impacter la biodiversité locale puisque les moustiques sont à la fois proies, prédateurs et contribuent entre autres, au recyclage de nutriments et à la pollinisation. Le déclin d’une telle espèce aurait donc des effets écologiques complexes sur les écosystèmes et les chaînes alimentaires, pouvant par exemple entraîner la perte d’une espèce pollinisatrice ou prédatrice. D’autre part, l’écologie des populations de moustiques locales pourrait s’en trouver modifiée et ainsi permettre à d’autres espèces vectrices de se multiplier, augmentant potentiellement la virulence du paludisme ou d’autres maladies.
Selon Ali Tabsoba, représentant du collectif citoyen de l’agro-écologie au Burkina Faso (CCAE), la propagation incontrôlable d’organismes génétiquement modifiés pourrait entraîner divers mécanismes génétiques, tel que l’engendrement de résistances aux traitements antipaludiques préexistants ou encore le transfert de cette modification artificielle au sein d’espèces sauvages et domestiques, et compromettre ainsi la biosécurité (transfert horizontal de gènes).
L’institut de Recherche en Sciences de la Santé du Burkina Faso (IRSS) ainsi que l’Agence Nationale de Biosécurité au Burkina Faso (ANB) avaient donné leur soutien pour la phase 1 du projet Target Malaria, la déclarant conforme aux exigences éthiques, réglementaires et approuvée par les communautés locales concernées.
Léa Paré Toré, chercheuse de l’IRSS faisant également partie du projet Target Malaria, affirme que les populations concernées ont été informées par des ateliers de sensibilisation afin d’obtenir leur consentement éclairé. Target Malaria prône la transparence et assure une réelle envie d’établir un dialogue avec les locaux en assurant avoir régulièrement envoyé des équipes sur le terrain afin d’entretenir le contact et de communiquer l’avancée de leurs recherches.
Zone d’ombre sur le terrain
Cependant, Ali Tabsoba dénonce l’opacité de l’opération qu’il qualifie de «terrorisme scientifique» en soutenant qu’il est aberrant d’affirmer avoir obtenu un « consentement libre et éclairé » alors que les populations locales se caractérisent par plus de soixante dialectes, sont souvent analphabètes et que les journalistes, tenus à l’écart par les représentants du projet, ne parviennent pas à interroger les habitants, hormis les rares individus reconnaissant leur mécompréhension de la situation voir même leur hostilité envers le projet.
Cette dernière constatation remet en doute l’acquisition réelle du consentement éclairé des communautés locales, décrétée par l’ONU lors de la convention de la diversité biologique (COP14) comme indispensable à la poursuite du projet sur le forçage génétique, puisque ce dernier avait consenti à «appliquer une approche de précaution» concernant l’expérience, suite au suite au refus d’un moratoire international demandé par une centaine d’ONGs.
Des interrogations se soulèvent également concernant la légitimité ainsi que les intérêts personnels et économiques de cette entreprise. Ainsi Bart Knols, expert en moustiques de l’Université Radboud aux Pays-Bas, dénonce l’onérosité de la technique génétique et soutient que l’achat de moustiquaires à distribuer est financièrement beaucoup plus simple et abordable! De plus, un vaccin existe bel et bien, mais ce dernier ne procure pas une immunisation protectrice suffisante et les bénéfices associés sont estimés comme trois fois plus coûteux que l’aménagement de moustiquaires pour obtenir des résultats similaires. Appuyant ce dernier argument, Ali Tabsoba affirme qu’il serait bien plus bénéfique d’initier les populations aux bonnes pratiques d’hygiène.
Dans ce contexte tendu, l’IUCN (Union internationale pour la Conservation de la Nature, dont le siège est en Suisse) a d’ailleurs pris une position pour le moins étonnante dans son évaluation de la biologie de synthèse et de la conservation de la biodiversité, avançant que certains aspects du forçage génétique pourraient servir à la sauvegarde d’espèces menacées. Ce à quoi, Jim Thomas du groupe ETC (Action Group on Erosion, Technology and Concentration) réagit: «Avec 40% d’espèces en déclin, il est incompréhensible que l’un des plus grands et des plus anciens organismes de conservation au monde ouvre la porte au soutien actif apporté à une technologie d’extinction aussi délibérée.»
Inévitables conflits d’intérêts
En outre, la participation des peuples autochtones des pays du Sud semble avoir été reléguée au rang du symbolisme puisque seul un représentant de ces régions a participé́ à la rédaction de l’étude et ce, malgré l’exigence de l’IUCN d’une inclusion significative de ces populations. Finalement, il faut souligner qu’en cas de dommages liés aux transgènes, la responsabilité financière est entièrement déléguée aux Etats africains. Et enfin, plus de la moitié des auteurs du rapport de l'IUCN, y compris le président, soutiennent les biotechnologies ou sont au sein d’un conflit d’intérêt personnel, comme le démontre leur appartenance ou association à des groupes de conservation de biologie synthétique ou à des projets de forçage génétique, tels que Target Malaria.
Jusqu’à quand les conflits d’intérêts personnels et le manque de transparence vont entraver l’élaboration d’un consensus qui pourrait maximiser les bénéfices de tous?
Cet article est la synthèse d’un rapport universitaire de la faculté de biologie de l’Université de Lausanne.
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Le système techno-bureaucratique règle nos existences comme le rouage d’une grande horloge bien huilée et les mesures sanitaires autour du Coronavirus n’ont plus rien d’une maintenance salutaire, mais plutôt d’une remise à zéro des compteurs pour nous rendre encore plus dociles et corvéables. On brise le lien social qui rend les humains vivants, on leur casse les os pour en faire des marionnettes, on les rend malades pour les soigner ensuite.</p> <p>Alors comment rester debout et souverain? Comment garder ou retrouver la fraîcheur de nos journées quand on nous prive de chaque espace, où nous pouvons exprimer notre véritable nature qui est celle d’aimer, de partager, de se donner, de réconforter et de se prendre dans les bras? Comment rester le conquérant de soi-même quand le terrain de notre existence est réduit à néant? Nous sommes peu à peu comme des oiseaux sans branche, des poissons sans océans, des arbres sans terre ou des plantes vertes qui crèvent dans un pot trop petit pour elles… Où trouver de l’air et du vent, des fenêtres ouvertes et des horizons bleus? Réponse: dans la seconde… A chaque seconde où nous accomplissons un geste ou une action par amour. D’abord pour soi et ensuite pour le monde. Ce que nous faisons de nos secondes, personne ne peut nous le voler. L’attention et l’intention que nous mettons dans nos mots, nos gestes et nos actions constituent notre seul espace de liberté inviolable. Et c’est pour cela que certains prisonniers peuvent vivre un état de grâce en détention. Dans cette immense prison totalitaire dans laquelle on tente de nous enfermer, nous pouvons encore garder la clé de la porte. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
3 Commentaires
@Frederika 16.05.2021 | 14h31
«Merci pour cette passionnante mais inquiétante information concernant un des maillons de la chaîne alimentaire qui gère la Nature de cette planète depuis 4 millards d'années. »
@anneberguerand 16.05.2021 | 15h50
«Ces expériences ont aussi été faites au Brésil et les résultats sont plutôt inquiétants, des moustiques hybrides plus robuste que la population présente avant la dissémination et non stériles: https://www.infogm.org/6859-moustiques-ogm-se-reproduisent-avec-cousins-sauvages»
@moretet53 21.05.2021 | 14h51
«Quand on veut critiquer le travail scientifique des autres, il faudrait déjà bien faire son travail.
Un article qui ne permet pas de vérifier ses allégations en se référant ne vaut pas grand chose.
Le fait qu'il ne mentionne pas l'étude au Brésil qui a été publié en 2019 permet d'ailleurs de douter du sérieux de l'article.»