Média indocile – nouvelle formule
Jacques Baud
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Voici donc un article de Jacques Baud, écrit il y a deux semaines, publié aussi par le Centre Français de Recherche sur le Renseignement. Il en choquera plus d’un. Ancien membre des services de renseignements suisses, ancien collaborateur de l’ONU en Afrique et ailleurs, ex-délégué de la Suisse auprès de l’OTAN, à Bruxelles, aujourd’hui retraité, Baud écrit de nombreux livres et articles. Où il dénonce les fautes de l’Occident, passées et présentes, face à la Russie et à d’autres régions du monde. Comme dit Edgar Morin dans un tweet: «C’est une faiblesse intellectuelle extrêmement répandue de considérer que l’explication est une justification». Encore faut-il que l’explication soit convaincante. (Ndlr)', 'subtitle_edition' => 'La légitime indignation devant les horreurs de la guerre ne devrait pas nous empêcher de considérer son origine et son développement sous tous les angles, même diamétralement opposés. Notre équipe aux sensibilités très diverses tient à garder un regard large. Voici donc un article de Jacques Baud, publié aussi par le Centre Français de Recherche sur le Renseignement. Il en choquera plus d’un. ', 'content' => '<h3>En route vers la guerre</h3> <p>Pendant des années, du Mali à l’Afghanistan, j’ai travaillé pour la paix et ai risqué ma vie pour elle. Il ne s’agit donc pas de justifier la guerre, mais de comprendre ce qui nous y a conduit. Je constate que les «experts» qui se relaient sur les plateaux de télévision analysent la situation à partir d’informations douteuses, le plus souvent des hypothèses érigées en faits, et dès lors on ne parvient plus à comprendre ce qui se passe. C’est comme ça que l’on crée des paniques.</p> <p>Essayons d’examiner les racines du conflit. Cela commence par <a href="https://www.rts.ch/info/monde/6772950-les-separatistes-auraient-renforce-leurs-capacites-dattaque-en-ukraine.html">ceux</a> qui durant les 8 dernières années nous parlaient de «séparatistes» ou des «indépendantistes» du Donbass. C’est faux. Les référendums menés par les deux républiques auto-proclamées de Donetsk et de Lougansk en mai 2014, n’étaient pas des référendums d’«<i>indépendance</i>» (независимость), comme l’ont affirmé certains <a href="https://www.rts.ch/info/monde/5839879-pres-de-90-de-oui-a-lindependance-a-donetsk-selon-les-prorusses.html">journalistes peu scrupuleux</a>, mais de <a href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/4d/Decree_on_holding_the_Donetsk_status_referendum.png">référendums</a> d’«<i>auto-détermination</i>» ou d’«<i>autonomie</i>» (самостоятельность). Le qualificatif «pro-russes» suggère que la Russie était une partie du conflit, ce qui n’était pas le cas, et le terme «russophones» aurait été plus honnête. D’ailleurs, ces référendums ont été conduits contre l’avis de Vladimir Poutine. </p> <p>En fait, ces Républiques ne cherchaient pas à se séparer de l’Ukraine, mais à avoir un statut d’autonomie, leur garantissant l’usage de la langue russe comme langue officielle. Car, le premier acte législatif du nouveau gouvernement issu du renversement du président Ianoukovitch, a été l’abolition, le 23 février 2014, de la loi Kivalov-Kolesnichenko de 2012, qui faisait du russe une langue officielle. Un peu comme si des putschistes décidaient que le français et l’italien ne seraient désormais plus des langues officielles en Suisse.</p> <p>Cette décision provoque une tempête dans la population russophone. Il en résulte une répression féroce contre les régions russophones (Odessa, Dniepropetrovsk, Kharkov, Lougansk et Donetsk) qui s’exerce dès février 2014 et conduit à une militarisation de la situation et à quelques massacres (à Odessa et à Marioupol, pour les plus importants). A la fin de l’été 2014, ne restent que les Républiques auto-proclamées de Donetsk et de Lougansk.</p> <p>A ce stade, trop rigides et engoncés dans une approche doctrinaire de l’art opératif, les états-majors ukrainiens subissent l’ennemi sans parvenir s’imposer. L’examen du déroulement des combats en 2014-2016 dans le Donbass montre que l’état-major ukrainien a systématiquement et mécaniquement appliqué les mêmes schémas opératifs. Or, la guerre menée par les autonomistes est alors très proche de ce que l’on observe dans le Sahel: des opérations très mobiles menées avec des moyens légers. Avec une approche plus flexible et moins doctrinaire, les rebelles ont su exploiter l’inertie des forces ukrainiennes pour les «piéger» de manière répétée.</p> <p>En 2014, je suis à l’OTAN, responsable de la lutte contre la prolifération des armes légères, et nous tentons de détecter des livraisons d’armes russes aux rebelles et de voir si la Russie est impliquée. Les informations que nous recevons viennent alors pratiquement toutes des services de renseignement polonais et ne «collent pas» avec les information en provenance de l’OSCE: en dépit d’allégations assez grossières, on n’observe aucune livraison d’armes et de matériels militaires de Russie. Les rebelles sont alimentés par les unités ukrainiennes russophones, qui passent du côté rebelle.</p> <p>Au fur et à mesure des échecs ukrainiens, des bataillons de chars, d’artillerie ou anti-aériens passent au complet, avec armes et bagages, du côté des autonomistes. C’est ce qui pousse les Ukrainiens à s’engager dans les Accords de Minsk.</p> <p>Mais, juste après avoir signé les Accords de Minsk 1, le président ukrainien Petro Porochenko lance une vaste opération antiterroriste (ATO) (Антитерористична операція) contre le Donbass. <i>Bis repetita placent</i>: mal conseillés par des officiers de l’OTAN, les Ukrainiens subissent une cuisante défaite à Debaltsevo qui les oblige à s’engager dans les Accords de Minsk 2…</p> <p>Il est essentiel de rappeler ici que les Accords de Minsk 1 (septembre 2014) et Minsk 2 (février 2015), ne prévoyaient ni la séparation, ni l’indépendance des républiques, mais leur autonomie <i>dans le cadre</i> de l’Ukraine. Ceux qui ont lu <a href="https://www.securitycouncilreport.org/atf/cf/%257B65BFCF9B-6D27-4E9C-8CD3-CF6E4FF96FF9%257D/s_res_2202.pdf">les Accords</a> (ils sont très, très, très peu nombreux) constateront qu’il est écrit en toutes lettres que le statut des républiques devait être négocié entre Kiev et les représentants des républiques, pour une <i>solution interne</i> à l’Ukraine. </p> <p>C’est pourquoi depuis 2014, la Russie a systématiquement demandé leur application tout en refusant d’être une partie aux négociations, car il s’agissait d’une affaire intérieure à l’Ukraine. De l’autre côté, les Occidentaux – France en tête – ont systématiquement tenté de substituer les Accords de Minsk par le «format Normandie», qui mettait face à face Russes et Ukrainiens. Or, rappelons-le, il n’y a <i>jamais</i> eu de troupes russes dans le Donbass avant le 23-24 février 2022. D’ailleurs, <a href="https://foreignpolicy.com/2018/10/25/counting-the-dead-in-europes-forgotten-war-ukraine-conflict-donbass-osce/">les observateurs de l’OSCE</a> n’ont jamais observé la moindre trace d’unités russes opérant dans le Donbass. Ainsi, la carte des services de renseignement américains publiée par le <a href="https://www.washingtonpost.com/national-security/russia-ukraine-invasion/2021/12/03/98a3760e-546b-11ec-8769-2f4ecdf7a2ad_story.html"><em>Washington Post</em></a> le 3 décembre 2021 ne montre pas de troupes russes dans le Donbass. </p> <p>En octobre 2015, Vasyl Hrytsak, <a href="https://www.kyivpost.com/article/content/war-against-ukraine/sbu-registers-involvement-of-56-russian-in-military-actions-against-ukraine-since-military-conflict-in-eastern-ukraien-unfolded-399718.html">directeur du Service de sécurité ukrainien</a> (SBU), confessait que l’on avait seulement observé 56 combattants russes dans le Donbass. C’était le même phénomène que les Suisses qui allaient combattre en Bosnie dans les années 1990, et en Ukraine aujourd’hui. </p> <p>A ce stade, l’armée ukrainienne est dans un état déplorable. En octobre 2018, après 4 ans de guerre, le <a href="https://vesti.ua/strana/309880-nazvany-neboevye-poteri-vsu-na-donbasse">procureur militaire ukrainien en chef Anatoly Matios</a> déclarait que l’Ukraine avait perdu 2'700 hommes hors-combat au Donbass: 891 cas de maladies, 318 d’accidents de la route, 177 d’autres accidents, 175 d’empoisonnements (alcool, drogue), 172 de manipulations d'armes imprudentes, 101 d’infractions aux règles de sécurité, 228 de meurtres et 615 de suicides. </p> <p>En fait, l’armée est minée par la corruption de ses cadres et ne jouit plus du soutien de la population. Selon un <a href="https://www.justice.gov/eoir/page/file/1008261/download">rapport du ministère de l’Intérieur britannique</a>, lors du rappel des réservistes de mars-avril 2014, 70% ne se sont <i>pas</i> présentés à la première session, 80% à la deuxième, 90% à la troisième et 95% à la quatrième. En octobre-novembre 2017, <a href="https://ipress.ua/ru/news/v_vsu_zayavyly_o_70_neyavky_vo_vremya_osennego_pryziva_237367.html">70% des appelés ne se sont pas présentés</a> lors de la campagne de rappel «<i>Automne 2017</i>». Ceci sans compter <a href="https://observer.com/2017/06/ukraine-war-soldiers-suicide/">les suicides</a> et <a href="https://www.refworld.org/docid/593a581b4.html">les désertions</a> (souvent au profit des autonomistes), qui atteignent jusqu’à 30% des effectifs dans la zone de l’ATO. Les jeunes ukrainiens refusent d’aller combattre dans le Donbass et préfèrent l’émigration, ce qui explique aussi, partiellement au moins, le déficit démographique du pays. </p> <p>Le ministère de la Défense ukrainien s’adresse alors à l’OTAN pour l’aider à rendre ses forces armées plus «attractives». Ayant déjà travaillé à des projets similaires dans le cadre des Nations Unies, j’ai été sollicité par l’OTAN pour participer à un programme destiné à restaurer l’image des forces armées ukrainiennes. Mais c’est un processus de longue haleine et les Ukrainiens veulent aller vite.</p> <p>Pour compenser l’émigration des jeunes vers l’Europe, le gouvernement ukrainien recourt alors à des milices paramilitaires. Elles sont essentiellement composées de mercenaires étrangers, souvent militants d’extrême-droite. En 2020, elles constituent environ 40% des forces ukrainiennes et comptent <a href="https://graphics.reuters.com/RUSSIA-UKRAINE/dwpkrkwkgvm/">sont fortes de 102'000 hommes</a>. Elles sont armées, financées et formées par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada et la France. On y trouve plus de 19 nationalités – dont des Suisses.</p> <p>Les pays occidentaux ont donc clairement créé et soutenu des <a href="https://www.usatoday.com/story/news/world/2022/03/05/russia-invasion-ukraine-attention-extremist-regiment-nazi/9368016002/?gnt-cfr=1">milices d’extrême-droite ukrainiennes</a>. En octobre 2021, le <em><a href="https://www.jpost.com/diaspora/western-countries-training-far-right-extremists-in-ukraine-report-682411">Jerusalem Post</a></em> sonnait l’alarme en dénonçant le projet <a href="https://www.illiberalism.org/wp-content/uploads/2021/09/IERES-Papers-no-11-September-2021-FINAL.pdf">Centuria</a>. Ces milices opèrent dans le Donbass depuis 2014, avec le soutien des Occidentaux. Même si on peut discuter le terme «nazi», il n’en demeure pas moins que ces milices sont violentes, véhiculent une idéologie nauséabonde et sont virulemment antisémites. Leur <a href="https://www.jpost.com/diaspora/ukraine-progressively-restores-historical-memory-about-jews-652438">antisémitisme est plus culturel que politique</a>, c’est pourquoi je n’aime pas beaucoup le qualificatif «nazi». Leur haine du Juif vient des grandes famines des années 1920-1930 en Ukraine, consécutive à la confiscation des récoltes par Staline afin d’augmenter les exportations et ainsi financer la modernisation de l’Armée Rouge. Or, ce génocide – connu en Ukraine sous le nom d’Holodomor – a été perpétré par le NKVD (ancêtre du KGB) dont les échelons de conduite étaient principalement composés de Juifs. C’est pourquoi, les extrémistes ukrainiens demandent à Israël de <a href="https://www.jpost.com/diaspora/antisemitism/far-right-protesters-in-ukraine-demand-israel-apologize-for-communism-654711">s’excuser pour les crimes du communisme</a>, comme le relève le <em>Jerusalem Post</em>.</p> <p>Ce milices, issues des groupes d’extrême-droite qui ont animé la révolution de l’Euromaïdan en 2014, sont composées d’individus fanatisés et brutaux. La plus connue d’entre elles est le régiment Azov, dont l’emblème rappelle celui de la 2e Panzerdivision SS «Das Reich», qui fait l’objet d’une véritable vénération en Ukraine, pour avoir libéré Kharkov des Soviétiques en 1943. </p> <p>Parmi les figures célèbres du régiment Azov, on trouvait l’opposant Roman Protassevitch, arrêté en 2021 par les autorités bélarusses à la suite de l’affaire du vol RyanAir FR4978. Le 23 mai 2021, on évoque le <a href="https://www.rts.ch/info/monde/12220530-la-bielorussie-a-arrete-un-militant-apres-avoir-intercepte-son-avion.html">détournement délibéré d’un avion</a> de ligne avec un MiG-29 (avec <a href="https://youtu.be/-LfZt4ESJ44?t=148">l’accord de Poutine</a>, bien évidemment), pour arrêter Protassevitch, bien que les <a href="https://www.belta.by/president/view/komandu-prinjat-v-minske-zaminirovannyj-samolet-ryanair-dal-lichno-lukashenko-442580-2021/)">informations alors disponibles</a> n’indiquent absolument pas ce scénario. Mais il faut alors montrer que le président Loukachenko est un voyou et Protassevitch un «journaliste» épris de démocratie. Pourtant, il avait fait l’objet d’une enquête assez édifiante par une <a href="https://www.foiaresearch.net/person/roman-protasevich">ONG américaine en 2020</a>, qui mettait en évidence ses activités militantes d’extrême-droite. Le complotisme occidental se met alors en marche et des <a href="https://www.rts.ch/audio-podcast/2021/audio/portrait-de-l-opposant-belarusse-roman-protassevitch-25201392.html">médias peu scrupuleux</a> «toilettent» sa biographie.</p> <p>Finalement, en janvier 2022, <a href="https://www.politico.eu/wp-content/uploads/2022/01/19/ICAO-Fact-Finding-Investigation-Report_FR497849.pdf">le rapport de OACI</a> est publié et montre que malgré quelques erreurs de procédure, le Bélarus a agi conformément aux règles en vigueur et que le MiG-29 a décollé 15 minutes après que le pilote de RyanAir a décidé d’aller atterrir à Minsk. Donc pas de complot Bélarus et encore moins avec Poutine. Ah!... Encore un détail: Protassevitch, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1798764/opposant-belarus-entrevue-television-torture-interdiction-vols-ue">cruellement torturé</a> par la police bélarusse, est libre. Ceux qui voudraient correspondre avec lui, peuvent aller sur son compte <a href="https://twitter.com/protas_by">Twitter</a>. </p> <p>La qualification de «nazi» ou «néo-nazi» donnée aux paramilitaires ukrainiens est considéré comme de la <a href="https://www.lemonde.fr/international/live/2021/05/28/avion-detourne-par-la-bielorussie-sanctions-de-l-union-europeenne-posez-vos-questions_6081892_3210.html">propagande russe</a>. Peut-être, mais ce n’est pas l’avis du <em><a href="https://www.timesofisrael.com/hundreds-march-in-ukraine-in-annual-tribute-to-nazi-collaborator/">Times of Israel</a></em>, du <a href="https://www.thenation.com/article/politics/neo-nazis-far-right-ukraine/">Centre Simon Wiesenthal</a> ou du <a href="https://ctc.usma.edu/wp-content/uploads/2020/04/CTC-SENTINEL-042020.pdf">Centre de Lutte contre le Terrorisme</a> de l’académie de West Point. Mais cela reste discutable, car, en 2014, le <a href="https://www.newsweek.com/evidence-war-crimes-committed-ukrainian-nationalist-volunteers-grows-269604">magazine <em>Newsweek</em></a> semblait plutôt les associer à l’Etat Islamique… A choix!</p> <p>Donc, l’Occident soutient et continue à armer des milices qui se sont rendues coupables de nombreux <a href="https://www.osce.org/files/f/documents/e/7/233896.pdf">crimes contre les populations civiles depuis 2014</a>: viols, torture et massacres. Mais alors que le gouvernement suisse a été très prompt à prendre des sanctions contre la Russie, il n’en n’a adopté aucune contre l’Ukraine.</p> <p>Dans le système militaire ukrainien, les forces paramilitaires font partie des forces armées, mais pas de l’armée ukrainienne: elles ne sont pas des formations de manœuvre, mais conviennent parfaitement pour le combat urbain et la maîtrise des populations russophones dans les grandes villes. C’est pourquoi elles seront déployées dans les villes russophones. Au fil des années elles ont été responsables de très nombreuses atrocités, dont certaines seront rapportées par la journaliste Anne-Laure Bonnel. </p> <p>A ces troupes s’ajoutent <a href="https://news.yahoo.com/cia-trained-ukrainian-paramilitaries-may-take-central-role-if-russia-invades-185258008.html">des mercenaires de la CIA</a>, composés de combattants ukrainiens et européens, pour mener des actions de sabotage. </p> <h3>La guerre</h3> <p>Ancien responsable des forces du Pacte de Varsovie au service de renseignement stratégique, j’observe avec tristesse – mais sans étonnement – que nos services ne sont plus en mesure de comprendre la situation militaire en Ukraine. Les «experts» auto-proclamés qui défilent sur nos écrans relaient inlassablement les mêmes informations modulées par l’affirmation que la Russie – et Vladimir Poutine – est irrationnel. Prenons un peu de recul.</p> <p>Depuis le mois de novembre 2021, les Américains ne cessent de brandir la menace d’une invasion russe contre l’Ukraine. Pourtant, les Ukrainiens ne semblent pas du même avis. Pourquoi?</p> <p>Il faut remonter au 24 mars 2021. Ce jour-là, Volodymyr Zelensky promulgue <a href="https://www.president.gov.ua/documents/1172021-37533">un décret</a> pour la reconquête de la Crimée et commence à déployer ses forces vers le Sud du pays. Simultanément, la conduite de plusieurs exercices de l’OTAN entre la mer Noire et la mer Baltique, accompagnés d’un <a href="https://www.janes.com/defence-news/news-detail/us-uk-surge-surveillance-flights-over-ukraine-and-black-sea">accroissement important des vols de reconnaissance</a> le long de la frontière russe. La Russie mène alors quelques exercices, afin de tester sa préparation et montrer qu'elle suit l'évolution de la situation.</p> <p>Les choses se calment jusqu’en octobre-novembre avec la fin des exercices ZAPAD 21, dont les mouvements de troupes sont interprétés comme un renforcement en vue d’une offensive contre l’Ukraine. Pourtant, même les autorités ukrainiennes réfutent l’idée de préparatifs russes pour une guerre, et Oleksiy Reznikov, ministre de la Défense Ukrainien déclare qu’il n’y a <a href="https://kyivindependent.com/hot-topic/defense-minister-downplays-russias-threat-says-its-similar-to-that-of-spring-2021/">pas de changement</a> à sa frontière depuis le printemps.</p> <p>En février 2022, les événements se précipitent. Le 7 février, lors de sa visite à Moscou Emmanuel Macron, réaffirme à Vladimir Poutine <a href="https://www.youtube.com/watch?v=QHDAYz7g4u4">son attachement aux Accords de Minsk</a>, un engagement qu’il répétera à l’issue de son <a href="https://www.youtube.com/watch?v=InrDN7jYVOs">entrevue avec Volodymyr Zelensky</a>, le lendemain. Mais le 11 février, à Berlin, la rencontre des conseillers politiques des dirigeants du «<em>f<i>ormat Normandie</i></em>» s’achève au bout de 9 heures, sans résultat concret, car les <a href="https://www.aa.com.tr/en/europe/normandy-format-talks-in-berlin-end-without-tangible-results/2499568">Ukrainiens refusent encore et toujours d’appliquer les Accords</a> de Minsk, apparemment sous la pression des Etats-Unis. Vladimir Poutine constate que les promesses de Macron sont des promesses en l’air et que les Occidentaux ne sont pas prêts à faire appliquer les Accords, comme ils le font depuis 8 ans.</p> <p>Les préparatifs ukrainiens dans la zone de contact continuent. Le Parlement russe s’alarme et, le 15 février, demande à Vladimir Poutine de reconnaître l’indépendance des républiques, ce qu’il refuse.</p> <p>Le 17 février, le président Joe Biden <a href="https://edition.cnn.com/2022/02/17/politics/joe-biden-russia/index.html">annonce que la Russie va attaquer l’Ukraine</a> dans les prochains jours. Comment le sait-il? Mystère…</p> <p>Mais depuis le 16, le pilonnage d’artillerie sur les populations du Donbass augmente de manière dramatique, comme le montrent les cartes des observateurs de l’OSCE. Naturellement, aucun média ne le relève et aucun gouvernement occidental n’intervient. On dira plus tard, qu’il s’agit de désinformation russe.</p> <p>Simultanément, on signale des actes de sabotages dans le Donbass. Le 18 janvier, les combattants du Donbass interceptent des saboteurs équipés de matériel occidental et parlant polonais cherchant à créer des incidents chimiques à <a href="https://sprotyv.info/news/okkupanty-minirujut-mesta-hraneniya-ammiaka-na-zavode-stirol-dannye-gruppy-is">Gorlivka</a>.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1648121224_capturedcran2022032412.26.06.png" class="img-responsive img-fluid center " width="482" height="335" /></p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1648121288_capturedcran2022032412.27.28.png" class="img-responsive img-fluid center " width="458" height="655" /></p> <p>En clair, Joe Biden sait que les Ukrainiens commencent à pilonner les populations civiles du Donbass, mettant la Russie devant un choix difficile: aider le Donbass militairement et créer un problème international ou rester sans rien faire et regarder les russophones du Donbass se faire écraser. </p> <p>Vladimir Poutine n’a plus beaucoup de choix: il sait qu’il devra intervenir, ne serait-ce qu’en vertu de l’obligation internationale de la «responsibility to protect» (R2P). Il sait également, que son intervention déclenchera une pluie de sanctions. Dès lors, que son intervention soit limitée au Donbass ou aille plus loin pour faire pression sur les Occidentaux sur la question du statut de l’Ukraine, le prix à payer sera le même. C’est d’ailleurs ce qu’il expliquera plus tard dans sa déclaration du 21 février. </p> <p>C’est pourquoi, le 21 février, il décide d’accéder à la demande de la Douma et de reconnaître l’indépendance des deux républiques du Donbass. Dans la foulée, il signe avec elles des traités d’amitié et d’assistance. Le 23, devant la pression de l’artillerie ukrainienne, les deux républiques demandent l’aide de la Russie. Le 24, celle-ci invoque l’article 51 de la Charte des Nations Unies qui prévoit l’entraide militaire dans le cadre d’une alliance défensive.</p> <p>Dans son allocution du 24 février, Vladimir Poutine énonce les deux objectifs de son opération: «démilitariser» et «dénazifier» l’Ukraine. Il ne s’agit donc pas de s’emparer de l’Ukraine, ni même, vraisemblablement de l’occuper ou la détruire.</p> <p>En fait, dès le début de l’opération ses contours apparaissent clairement: a) encercler l’armée ukrainienne qui s’est massée à la frontière du Donbass, par une attaque venant de l’Est par Kharkov et une venant du Sud depuis la Crimée; b) détruire les milices paramilitaires qui contrôlent notamment les villes d’Odessa, Kharkov et Marioupol.</p> <p>L’offensive russe se déroule de manière très «classique». Dans un premier temps – comme l’avaient fait les Israéliens en 1967 – il s’agit de détruire au sol l’aviation ukrainienne et neutraliser ses structures de commandement et de renseignement (C3I). C’est ce qui est fait en quelques heures. Puis, avancer selon plusieurs axes simultanément selon le principe de «l’eau qui coule»: on avance partout où la résistance est faible et on laisse les villes (très voraces en troupes) pour plus tard. Au nord, la centrale de Tchernobyl est occupée immédiatement afin de prévenir des actes de sabotage. Les images de soldats ukrainiens et russes <a href="https://t.me/intelslava/20722">assurant ensemble la surveillance</a> de la centrale ne sont naturellement pas montrées… </p> <p>L’idée que la Russie cherche à prendre Kiev, la capitale, est typiquement occidentale. Vladimir Poutine n’a jamais eu l’intention d’abattre ou de renverser Zelensky. L’encerclement de Kiev n’a pour seul objectif que de créer une pression incitant le pouvoir à négocier. Beaucoup de commentateurs se sont étonnés que les Russes aient continué à chercher une solution négociée tout en menant des opérations militaires.</p> <p>L’explication est dans la conception de la stratégie russe, depuis l’époque soviétique. Pour les Occidentaux, la guerre commence lorsque la politique cesse. Les Russes ont une approche influencée par Clausewitz: la guerre est la continuité de la politique. Il est dès lors possible de passer de manière fluide de l’une à l’autre, pour créer une pression sur l’adversaire.</p> <p>L’offensive russe a été – du point de vue opératif – un exemple du genre: en six jours, les Russes se sont emparés d’un territoire plus grand que le Royaume-Uni, avec une vitesse de progression plus grande que ce que la Wehrmacht avait réalisé en 1940 en France.</p> <p>L’objectif de démilitarisation est atteint par l’encerclement de l’armée ukrainienne dans le «chaudron» entre Slavyansk, Kramatorsk et Severodonetsk. Les forces russes resserrent lentement l’étau, mais ils n’ont plus aucune contrainte de temps. Quant aux républiques du Donbass, ont «libéré» leurs territoires et la ville de Marioupol. </p> <p>La défense des villes de Kharkov, Marioupol et Odessa sont de la responsabilité des milices paramilitaires ukrainiennes, dont la destruction correspond à l’objectif de «dénazification». C’est pourquoi la Russie cherche à créer des couloirs humanitaires, pour vider les villes des civils et ne garder que les milices, afin d’obtenir leur reddition ou leur anéantissement. C’est la raison pour laquelle ces milices sont réticentes à mettre en œuvre ces couloirs: ils peuvent ainsi utiliser la population civile comme «boucliers humains». </p> <h3>Conclusions</h3> <p>Ces développements dramatiques ont des causes que nous connaissions, mais que nous avons refusés de voir: a) l’expansion de l’OTAN (que nous n’avons pas traité ici); b) le refus de mettre en œuvre les Accords de Minsk et c) les attaques continues et répétées des populations civiles du Donbass depuis ans et la dramatique augmentation de la fin février 2022.</p> <p>Nous pouvons naturellement déplorer et condamner l’attaque russe. Mais NOUS avons créé les conditions pour qu’un conflit éclate. Nous témoignons de la compassion pour le peuple ukrainien et les <a href="https://data2.unhcr.org/en/situations/ukraine">deux millions de réfugiés</a>. C’est bien. Mais si nous avions eu un minimum de compassion pour le même nombre de <a href="https://reliefweb.int/report/ukraine/ukraine-humanitarian-response-plan-2022-february-2022-enuk?utm_source=pocket_mylist">réfugiés du Donbass</a> qui se sont accumulés en Russie durant 8 ans, rien de cela ne serait probablement passé. </p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1648121350_capturedcran2022032412.27.35.png" class="img-responsive img-fluid center " width="505" height="250" /></p> <p>Que le terme de «génocide» s’applique aux exactions subies par les populations du Donbass est une question ouverte. On réserve généralement ce terme à des cas de plus grande ampleur (Holocauste, etc.), néanmoins, la définition qu’en donne la <a href="https://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CrimeOfGenocide.aspx">Convention sur le génocide</a>, est probablement suffisamment large pour s’y appliquer. Les juristes apprécieront. </p> <p>Clairement, ce conflit nous a conduit dans l’hystérie. Les sanctions semblent être devenues l’outil privilégié de nos politiques étrangères. Si nous avions respecté les Accords de Minsk que nous avions négocié et cautionné avec l’Ukraine, tout cela ne serait pas arrivé. La condamnation de Vladimir Poutine est aussi la nôtre: il ne sert à rien de pleurnicher après coup, il fallait agir avant et ni Emmanuel Macron (comme garant et comme membre du Conseil de Sécurité de l’ONU), ni Olaf Scholz, ni Volodymyr Zelensky n'ont respecté leurs engagements.</p> <p>Finalement, Vladimir Poutine atteindra vraisemblablement ses objectifs avec l’Ukraine. Ses liens avec la Chine se sont solidifiés. La Chine émerge comme médiatrice du conflit, tandis que la Suisse fait son entrée dans la liste des ennemis de la Russie. Les Américains doivent demander du pétrole au Venezuela et à l'Iran pour se sortir de l’impasse énergétique dans laquelle ils se sont mis: Juan Guaido quitte définitivement la scène et les USA doivent revenir piteusement sur les sanctions imposées à leurs ennemis. </p> <p>Des ministres qui cherchent à faire <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Ntzacqlm-Ac">s’effondrer l’économie russe</a> et faire en sorte que le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=n9BGOE_eVQc">peuple russe en souffre</a>, voire appellent à <a href="https://lequotidien.lu/politique-societe/jean-asselborn-eliminer-physiquement-vladimir-poutine/">assassiner</a> Poutine, montrent, même s’ils sont – partiellement – revenus sur la forme de leurs propos, que nous n’avons pas plus de valeurs que ceux que nous détestons. </p> <p>La leçon à tirer de ce conflit est notre sens de l’humanité géométrie variable: qu’est-ce qui rend le conflit en Ukraine plus blâmable que la guerre en Irak, en Afghanistan ou en Libye? Quelles sanctions avons-nous adopté contre ceux qui ont délibérément menti devant la communauté internationale? 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Voici donc un article de Jacques Baud, écrit il y a deux semaines, publié aussi par le Centre Français de Recherche sur le Renseignement. Il en choquera plus d’un. Ancien membre des services de renseignements suisses, ancien collaborateur de l’ONU en Afrique et ailleurs, ex-délégué de la Suisse auprès de l’OTAN, à Bruxelles, aujourd’hui retraité, Baud écrit de nombreux livres et articles. Où il dénonce les fautes de l’Occident, passées et présentes, face à la Russie et à d’autres régions du monde. Comme dit Edgar Morin dans un tweet: «C’est une faiblesse intellectuelle extrêmement répandue de considérer que l’explication est une justification». Encore faut-il que l’explication soit convaincante. (Ndlr)', 'subtitle_edition' => 'La légitime indignation devant les horreurs de la guerre ne devrait pas nous empêcher de considérer son origine et son développement sous tous les angles, même diamétralement opposés. Notre équipe aux sensibilités très diverses tient à garder un regard large. Voici donc un article de Jacques Baud, publié aussi par le Centre Français de Recherche sur le Renseignement. Il en choquera plus d’un. ', 'content' => '<h3>En route vers la guerre</h3> <p>Pendant des années, du Mali à l’Afghanistan, j’ai travaillé pour la paix et ai risqué ma vie pour elle. Il ne s’agit donc pas de justifier la guerre, mais de comprendre ce qui nous y a conduit. Je constate que les «experts» qui se relaient sur les plateaux de télévision analysent la situation à partir d’informations douteuses, le plus souvent des hypothèses érigées en faits, et dès lors on ne parvient plus à comprendre ce qui se passe. C’est comme ça que l’on crée des paniques.</p> <p>Essayons d’examiner les racines du conflit. Cela commence par <a href="https://www.rts.ch/info/monde/6772950-les-separatistes-auraient-renforce-leurs-capacites-dattaque-en-ukraine.html">ceux</a> qui durant les 8 dernières années nous parlaient de «séparatistes» ou des «indépendantistes» du Donbass. C’est faux. Les référendums menés par les deux républiques auto-proclamées de Donetsk et de Lougansk en mai 2014, n’étaient pas des référendums d’«<i>indépendance</i>» (независимость), comme l’ont affirmé certains <a href="https://www.rts.ch/info/monde/5839879-pres-de-90-de-oui-a-lindependance-a-donetsk-selon-les-prorusses.html">journalistes peu scrupuleux</a>, mais de <a href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/4d/Decree_on_holding_the_Donetsk_status_referendum.png">référendums</a> d’«<i>auto-détermination</i>» ou d’«<i>autonomie</i>» (самостоятельность). Le qualificatif «pro-russes» suggère que la Russie était une partie du conflit, ce qui n’était pas le cas, et le terme «russophones» aurait été plus honnête. D’ailleurs, ces référendums ont été conduits contre l’avis de Vladimir Poutine. </p> <p>En fait, ces Républiques ne cherchaient pas à se séparer de l’Ukraine, mais à avoir un statut d’autonomie, leur garantissant l’usage de la langue russe comme langue officielle. Car, le premier acte législatif du nouveau gouvernement issu du renversement du président Ianoukovitch, a été l’abolition, le 23 février 2014, de la loi Kivalov-Kolesnichenko de 2012, qui faisait du russe une langue officielle. Un peu comme si des putschistes décidaient que le français et l’italien ne seraient désormais plus des langues officielles en Suisse.</p> <p>Cette décision provoque une tempête dans la population russophone. Il en résulte une répression féroce contre les régions russophones (Odessa, Dniepropetrovsk, Kharkov, Lougansk et Donetsk) qui s’exerce dès février 2014 et conduit à une militarisation de la situation et à quelques massacres (à Odessa et à Marioupol, pour les plus importants). A la fin de l’été 2014, ne restent que les Républiques auto-proclamées de Donetsk et de Lougansk.</p> <p>A ce stade, trop rigides et engoncés dans une approche doctrinaire de l’art opératif, les états-majors ukrainiens subissent l’ennemi sans parvenir s’imposer. L’examen du déroulement des combats en 2014-2016 dans le Donbass montre que l’état-major ukrainien a systématiquement et mécaniquement appliqué les mêmes schémas opératifs. Or, la guerre menée par les autonomistes est alors très proche de ce que l’on observe dans le Sahel: des opérations très mobiles menées avec des moyens légers. Avec une approche plus flexible et moins doctrinaire, les rebelles ont su exploiter l’inertie des forces ukrainiennes pour les «piéger» de manière répétée.</p> <p>En 2014, je suis à l’OTAN, responsable de la lutte contre la prolifération des armes légères, et nous tentons de détecter des livraisons d’armes russes aux rebelles et de voir si la Russie est impliquée. Les informations que nous recevons viennent alors pratiquement toutes des services de renseignement polonais et ne «collent pas» avec les information en provenance de l’OSCE: en dépit d’allégations assez grossières, on n’observe aucune livraison d’armes et de matériels militaires de Russie. Les rebelles sont alimentés par les unités ukrainiennes russophones, qui passent du côté rebelle.</p> <p>Au fur et à mesure des échecs ukrainiens, des bataillons de chars, d’artillerie ou anti-aériens passent au complet, avec armes et bagages, du côté des autonomistes. C’est ce qui pousse les Ukrainiens à s’engager dans les Accords de Minsk.</p> <p>Mais, juste après avoir signé les Accords de Minsk 1, le président ukrainien Petro Porochenko lance une vaste opération antiterroriste (ATO) (Антитерористична операція) contre le Donbass. <i>Bis repetita placent</i>: mal conseillés par des officiers de l’OTAN, les Ukrainiens subissent une cuisante défaite à Debaltsevo qui les oblige à s’engager dans les Accords de Minsk 2…</p> <p>Il est essentiel de rappeler ici que les Accords de Minsk 1 (septembre 2014) et Minsk 2 (février 2015), ne prévoyaient ni la séparation, ni l’indépendance des républiques, mais leur autonomie <i>dans le cadre</i> de l’Ukraine. Ceux qui ont lu <a href="https://www.securitycouncilreport.org/atf/cf/%257B65BFCF9B-6D27-4E9C-8CD3-CF6E4FF96FF9%257D/s_res_2202.pdf">les Accords</a> (ils sont très, très, très peu nombreux) constateront qu’il est écrit en toutes lettres que le statut des républiques devait être négocié entre Kiev et les représentants des républiques, pour une <i>solution interne</i> à l’Ukraine. </p> <p>C’est pourquoi depuis 2014, la Russie a systématiquement demandé leur application tout en refusant d’être une partie aux négociations, car il s’agissait d’une affaire intérieure à l’Ukraine. De l’autre côté, les Occidentaux – France en tête – ont systématiquement tenté de substituer les Accords de Minsk par le «format Normandie», qui mettait face à face Russes et Ukrainiens. Or, rappelons-le, il n’y a <i>jamais</i> eu de troupes russes dans le Donbass avant le 23-24 février 2022. D’ailleurs, <a href="https://foreignpolicy.com/2018/10/25/counting-the-dead-in-europes-forgotten-war-ukraine-conflict-donbass-osce/">les observateurs de l’OSCE</a> n’ont jamais observé la moindre trace d’unités russes opérant dans le Donbass. Ainsi, la carte des services de renseignement américains publiée par le <a href="https://www.washingtonpost.com/national-security/russia-ukraine-invasion/2021/12/03/98a3760e-546b-11ec-8769-2f4ecdf7a2ad_story.html"><em>Washington Post</em></a> le 3 décembre 2021 ne montre pas de troupes russes dans le Donbass. </p> <p>En octobre 2015, Vasyl Hrytsak, <a href="https://www.kyivpost.com/article/content/war-against-ukraine/sbu-registers-involvement-of-56-russian-in-military-actions-against-ukraine-since-military-conflict-in-eastern-ukraien-unfolded-399718.html">directeur du Service de sécurité ukrainien</a> (SBU), confessait que l’on avait seulement observé 56 combattants russes dans le Donbass. C’était le même phénomène que les Suisses qui allaient combattre en Bosnie dans les années 1990, et en Ukraine aujourd’hui. </p> <p>A ce stade, l’armée ukrainienne est dans un état déplorable. En octobre 2018, après 4 ans de guerre, le <a href="https://vesti.ua/strana/309880-nazvany-neboevye-poteri-vsu-na-donbasse">procureur militaire ukrainien en chef Anatoly Matios</a> déclarait que l’Ukraine avait perdu 2'700 hommes hors-combat au Donbass: 891 cas de maladies, 318 d’accidents de la route, 177 d’autres accidents, 175 d’empoisonnements (alcool, drogue), 172 de manipulations d'armes imprudentes, 101 d’infractions aux règles de sécurité, 228 de meurtres et 615 de suicides. </p> <p>En fait, l’armée est minée par la corruption de ses cadres et ne jouit plus du soutien de la population. Selon un <a href="https://www.justice.gov/eoir/page/file/1008261/download">rapport du ministère de l’Intérieur britannique</a>, lors du rappel des réservistes de mars-avril 2014, 70% ne se sont <i>pas</i> présentés à la première session, 80% à la deuxième, 90% à la troisième et 95% à la quatrième. En octobre-novembre 2017, <a href="https://ipress.ua/ru/news/v_vsu_zayavyly_o_70_neyavky_vo_vremya_osennego_pryziva_237367.html">70% des appelés ne se sont pas présentés</a> lors de la campagne de rappel «<i>Automne 2017</i>». Ceci sans compter <a href="https://observer.com/2017/06/ukraine-war-soldiers-suicide/">les suicides</a> et <a href="https://www.refworld.org/docid/593a581b4.html">les désertions</a> (souvent au profit des autonomistes), qui atteignent jusqu’à 30% des effectifs dans la zone de l’ATO. Les jeunes ukrainiens refusent d’aller combattre dans le Donbass et préfèrent l’émigration, ce qui explique aussi, partiellement au moins, le déficit démographique du pays. </p> <p>Le ministère de la Défense ukrainien s’adresse alors à l’OTAN pour l’aider à rendre ses forces armées plus «attractives». Ayant déjà travaillé à des projets similaires dans le cadre des Nations Unies, j’ai été sollicité par l’OTAN pour participer à un programme destiné à restaurer l’image des forces armées ukrainiennes. Mais c’est un processus de longue haleine et les Ukrainiens veulent aller vite.</p> <p>Pour compenser l’émigration des jeunes vers l’Europe, le gouvernement ukrainien recourt alors à des milices paramilitaires. Elles sont essentiellement composées de mercenaires étrangers, souvent militants d’extrême-droite. En 2020, elles constituent environ 40% des forces ukrainiennes et comptent <a href="https://graphics.reuters.com/RUSSIA-UKRAINE/dwpkrkwkgvm/">sont fortes de 102'000 hommes</a>. Elles sont armées, financées et formées par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada et la France. On y trouve plus de 19 nationalités – dont des Suisses.</p> <p>Les pays occidentaux ont donc clairement créé et soutenu des <a href="https://www.usatoday.com/story/news/world/2022/03/05/russia-invasion-ukraine-attention-extremist-regiment-nazi/9368016002/?gnt-cfr=1">milices d’extrême-droite ukrainiennes</a>. En octobre 2021, le <em><a href="https://www.jpost.com/diaspora/western-countries-training-far-right-extremists-in-ukraine-report-682411">Jerusalem Post</a></em> sonnait l’alarme en dénonçant le projet <a href="https://www.illiberalism.org/wp-content/uploads/2021/09/IERES-Papers-no-11-September-2021-FINAL.pdf">Centuria</a>. Ces milices opèrent dans le Donbass depuis 2014, avec le soutien des Occidentaux. Même si on peut discuter le terme «nazi», il n’en demeure pas moins que ces milices sont violentes, véhiculent une idéologie nauséabonde et sont virulemment antisémites. Leur <a href="https://www.jpost.com/diaspora/ukraine-progressively-restores-historical-memory-about-jews-652438">antisémitisme est plus culturel que politique</a>, c’est pourquoi je n’aime pas beaucoup le qualificatif «nazi». Leur haine du Juif vient des grandes famines des années 1920-1930 en Ukraine, consécutive à la confiscation des récoltes par Staline afin d’augmenter les exportations et ainsi financer la modernisation de l’Armée Rouge. Or, ce génocide – connu en Ukraine sous le nom d’Holodomor – a été perpétré par le NKVD (ancêtre du KGB) dont les échelons de conduite étaient principalement composés de Juifs. C’est pourquoi, les extrémistes ukrainiens demandent à Israël de <a href="https://www.jpost.com/diaspora/antisemitism/far-right-protesters-in-ukraine-demand-israel-apologize-for-communism-654711">s’excuser pour les crimes du communisme</a>, comme le relève le <em>Jerusalem Post</em>.</p> <p>Ce milices, issues des groupes d’extrême-droite qui ont animé la révolution de l’Euromaïdan en 2014, sont composées d’individus fanatisés et brutaux. La plus connue d’entre elles est le régiment Azov, dont l’emblème rappelle celui de la 2e Panzerdivision SS «Das Reich», qui fait l’objet d’une véritable vénération en Ukraine, pour avoir libéré Kharkov des Soviétiques en 1943. </p> <p>Parmi les figures célèbres du régiment Azov, on trouvait l’opposant Roman Protassevitch, arrêté en 2021 par les autorités bélarusses à la suite de l’affaire du vol RyanAir FR4978. Le 23 mai 2021, on évoque le <a href="https://www.rts.ch/info/monde/12220530-la-bielorussie-a-arrete-un-militant-apres-avoir-intercepte-son-avion.html">détournement délibéré d’un avion</a> de ligne avec un MiG-29 (avec <a href="https://youtu.be/-LfZt4ESJ44?t=148">l’accord de Poutine</a>, bien évidemment), pour arrêter Protassevitch, bien que les <a href="https://www.belta.by/president/view/komandu-prinjat-v-minske-zaminirovannyj-samolet-ryanair-dal-lichno-lukashenko-442580-2021/)">informations alors disponibles</a> n’indiquent absolument pas ce scénario. Mais il faut alors montrer que le président Loukachenko est un voyou et Protassevitch un «journaliste» épris de démocratie. Pourtant, il avait fait l’objet d’une enquête assez édifiante par une <a href="https://www.foiaresearch.net/person/roman-protasevich">ONG américaine en 2020</a>, qui mettait en évidence ses activités militantes d’extrême-droite. Le complotisme occidental se met alors en marche et des <a href="https://www.rts.ch/audio-podcast/2021/audio/portrait-de-l-opposant-belarusse-roman-protassevitch-25201392.html">médias peu scrupuleux</a> «toilettent» sa biographie.</p> <p>Finalement, en janvier 2022, <a href="https://www.politico.eu/wp-content/uploads/2022/01/19/ICAO-Fact-Finding-Investigation-Report_FR497849.pdf">le rapport de OACI</a> est publié et montre que malgré quelques erreurs de procédure, le Bélarus a agi conformément aux règles en vigueur et que le MiG-29 a décollé 15 minutes après que le pilote de RyanAir a décidé d’aller atterrir à Minsk. Donc pas de complot Bélarus et encore moins avec Poutine. Ah!... Encore un détail: Protassevitch, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1798764/opposant-belarus-entrevue-television-torture-interdiction-vols-ue">cruellement torturé</a> par la police bélarusse, est libre. Ceux qui voudraient correspondre avec lui, peuvent aller sur son compte <a href="https://twitter.com/protas_by">Twitter</a>. </p> <p>La qualification de «nazi» ou «néo-nazi» donnée aux paramilitaires ukrainiens est considéré comme de la <a href="https://www.lemonde.fr/international/live/2021/05/28/avion-detourne-par-la-bielorussie-sanctions-de-l-union-europeenne-posez-vos-questions_6081892_3210.html">propagande russe</a>. Peut-être, mais ce n’est pas l’avis du <em><a href="https://www.timesofisrael.com/hundreds-march-in-ukraine-in-annual-tribute-to-nazi-collaborator/">Times of Israel</a></em>, du <a href="https://www.thenation.com/article/politics/neo-nazis-far-right-ukraine/">Centre Simon Wiesenthal</a> ou du <a href="https://ctc.usma.edu/wp-content/uploads/2020/04/CTC-SENTINEL-042020.pdf">Centre de Lutte contre le Terrorisme</a> de l’académie de West Point. Mais cela reste discutable, car, en 2014, le <a href="https://www.newsweek.com/evidence-war-crimes-committed-ukrainian-nationalist-volunteers-grows-269604">magazine <em>Newsweek</em></a> semblait plutôt les associer à l’Etat Islamique… A choix!</p> <p>Donc, l’Occident soutient et continue à armer des milices qui se sont rendues coupables de nombreux <a href="https://www.osce.org/files/f/documents/e/7/233896.pdf">crimes contre les populations civiles depuis 2014</a>: viols, torture et massacres. Mais alors que le gouvernement suisse a été très prompt à prendre des sanctions contre la Russie, il n’en n’a adopté aucune contre l’Ukraine.</p> <p>Dans le système militaire ukrainien, les forces paramilitaires font partie des forces armées, mais pas de l’armée ukrainienne: elles ne sont pas des formations de manœuvre, mais conviennent parfaitement pour le combat urbain et la maîtrise des populations russophones dans les grandes villes. C’est pourquoi elles seront déployées dans les villes russophones. Au fil des années elles ont été responsables de très nombreuses atrocités, dont certaines seront rapportées par la journaliste Anne-Laure Bonnel. </p> <p>A ces troupes s’ajoutent <a href="https://news.yahoo.com/cia-trained-ukrainian-paramilitaries-may-take-central-role-if-russia-invades-185258008.html">des mercenaires de la CIA</a>, composés de combattants ukrainiens et européens, pour mener des actions de sabotage. </p> <h3>La guerre</h3> <p>Ancien responsable des forces du Pacte de Varsovie au service de renseignement stratégique, j’observe avec tristesse – mais sans étonnement – que nos services ne sont plus en mesure de comprendre la situation militaire en Ukraine. Les «experts» auto-proclamés qui défilent sur nos écrans relaient inlassablement les mêmes informations modulées par l’affirmation que la Russie – et Vladimir Poutine – est irrationnel. Prenons un peu de recul.</p> <p>Depuis le mois de novembre 2021, les Américains ne cessent de brandir la menace d’une invasion russe contre l’Ukraine. Pourtant, les Ukrainiens ne semblent pas du même avis. Pourquoi?</p> <p>Il faut remonter au 24 mars 2021. Ce jour-là, Volodymyr Zelensky promulgue <a href="https://www.president.gov.ua/documents/1172021-37533">un décret</a> pour la reconquête de la Crimée et commence à déployer ses forces vers le Sud du pays. Simultanément, la conduite de plusieurs exercices de l’OTAN entre la mer Noire et la mer Baltique, accompagnés d’un <a href="https://www.janes.com/defence-news/news-detail/us-uk-surge-surveillance-flights-over-ukraine-and-black-sea">accroissement important des vols de reconnaissance</a> le long de la frontière russe. La Russie mène alors quelques exercices, afin de tester sa préparation et montrer qu'elle suit l'évolution de la situation.</p> <p>Les choses se calment jusqu’en octobre-novembre avec la fin des exercices ZAPAD 21, dont les mouvements de troupes sont interprétés comme un renforcement en vue d’une offensive contre l’Ukraine. Pourtant, même les autorités ukrainiennes réfutent l’idée de préparatifs russes pour une guerre, et Oleksiy Reznikov, ministre de la Défense Ukrainien déclare qu’il n’y a <a href="https://kyivindependent.com/hot-topic/defense-minister-downplays-russias-threat-says-its-similar-to-that-of-spring-2021/">pas de changement</a> à sa frontière depuis le printemps.</p> <p>En février 2022, les événements se précipitent. Le 7 février, lors de sa visite à Moscou Emmanuel Macron, réaffirme à Vladimir Poutine <a href="https://www.youtube.com/watch?v=QHDAYz7g4u4">son attachement aux Accords de Minsk</a>, un engagement qu’il répétera à l’issue de son <a href="https://www.youtube.com/watch?v=InrDN7jYVOs">entrevue avec Volodymyr Zelensky</a>, le lendemain. Mais le 11 février, à Berlin, la rencontre des conseillers politiques des dirigeants du «<em>f<i>ormat Normandie</i></em>» s’achève au bout de 9 heures, sans résultat concret, car les <a href="https://www.aa.com.tr/en/europe/normandy-format-talks-in-berlin-end-without-tangible-results/2499568">Ukrainiens refusent encore et toujours d’appliquer les Accords</a> de Minsk, apparemment sous la pression des Etats-Unis. Vladimir Poutine constate que les promesses de Macron sont des promesses en l’air et que les Occidentaux ne sont pas prêts à faire appliquer les Accords, comme ils le font depuis 8 ans.</p> <p>Les préparatifs ukrainiens dans la zone de contact continuent. Le Parlement russe s’alarme et, le 15 février, demande à Vladimir Poutine de reconnaître l’indépendance des républiques, ce qu’il refuse.</p> <p>Le 17 février, le président Joe Biden <a href="https://edition.cnn.com/2022/02/17/politics/joe-biden-russia/index.html">annonce que la Russie va attaquer l’Ukraine</a> dans les prochains jours. Comment le sait-il? Mystère…</p> <p>Mais depuis le 16, le pilonnage d’artillerie sur les populations du Donbass augmente de manière dramatique, comme le montrent les cartes des observateurs de l’OSCE. Naturellement, aucun média ne le relève et aucun gouvernement occidental n’intervient. On dira plus tard, qu’il s’agit de désinformation russe.</p> <p>Simultanément, on signale des actes de sabotages dans le Donbass. Le 18 janvier, les combattants du Donbass interceptent des saboteurs équipés de matériel occidental et parlant polonais cherchant à créer des incidents chimiques à <a href="https://sprotyv.info/news/okkupanty-minirujut-mesta-hraneniya-ammiaka-na-zavode-stirol-dannye-gruppy-is">Gorlivka</a>.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1648121224_capturedcran2022032412.26.06.png" class="img-responsive img-fluid center " width="482" height="335" /></p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1648121288_capturedcran2022032412.27.28.png" class="img-responsive img-fluid center " width="458" height="655" /></p> <p>En clair, Joe Biden sait que les Ukrainiens commencent à pilonner les populations civiles du Donbass, mettant la Russie devant un choix difficile: aider le Donbass militairement et créer un problème international ou rester sans rien faire et regarder les russophones du Donbass se faire écraser. </p> <p>Vladimir Poutine n’a plus beaucoup de choix: il sait qu’il devra intervenir, ne serait-ce qu’en vertu de l’obligation internationale de la «responsibility to protect» (R2P). Il sait également, que son intervention déclenchera une pluie de sanctions. Dès lors, que son intervention soit limitée au Donbass ou aille plus loin pour faire pression sur les Occidentaux sur la question du statut de l’Ukraine, le prix à payer sera le même. C’est d’ailleurs ce qu’il expliquera plus tard dans sa déclaration du 21 février. </p> <p>C’est pourquoi, le 21 février, il décide d’accéder à la demande de la Douma et de reconnaître l’indépendance des deux républiques du Donbass. Dans la foulée, il signe avec elles des traités d’amitié et d’assistance. Le 23, devant la pression de l’artillerie ukrainienne, les deux républiques demandent l’aide de la Russie. Le 24, celle-ci invoque l’article 51 de la Charte des Nations Unies qui prévoit l’entraide militaire dans le cadre d’une alliance défensive.</p> <p>Dans son allocution du 24 février, Vladimir Poutine énonce les deux objectifs de son opération: «démilitariser» et «dénazifier» l’Ukraine. Il ne s’agit donc pas de s’emparer de l’Ukraine, ni même, vraisemblablement de l’occuper ou la détruire.</p> <p>En fait, dès le début de l’opération ses contours apparaissent clairement: a) encercler l’armée ukrainienne qui s’est massée à la frontière du Donbass, par une attaque venant de l’Est par Kharkov et une venant du Sud depuis la Crimée; b) détruire les milices paramilitaires qui contrôlent notamment les villes d’Odessa, Kharkov et Marioupol.</p> <p>L’offensive russe se déroule de manière très «classique». Dans un premier temps – comme l’avaient fait les Israéliens en 1967 – il s’agit de détruire au sol l’aviation ukrainienne et neutraliser ses structures de commandement et de renseignement (C3I). C’est ce qui est fait en quelques heures. Puis, avancer selon plusieurs axes simultanément selon le principe de «l’eau qui coule»: on avance partout où la résistance est faible et on laisse les villes (très voraces en troupes) pour plus tard. Au nord, la centrale de Tchernobyl est occupée immédiatement afin de prévenir des actes de sabotage. Les images de soldats ukrainiens et russes <a href="https://t.me/intelslava/20722">assurant ensemble la surveillance</a> de la centrale ne sont naturellement pas montrées… </p> <p>L’idée que la Russie cherche à prendre Kiev, la capitale, est typiquement occidentale. Vladimir Poutine n’a jamais eu l’intention d’abattre ou de renverser Zelensky. L’encerclement de Kiev n’a pour seul objectif que de créer une pression incitant le pouvoir à négocier. Beaucoup de commentateurs se sont étonnés que les Russes aient continué à chercher une solution négociée tout en menant des opérations militaires.</p> <p>L’explication est dans la conception de la stratégie russe, depuis l’époque soviétique. Pour les Occidentaux, la guerre commence lorsque la politique cesse. Les Russes ont une approche influencée par Clausewitz: la guerre est la continuité de la politique. Il est dès lors possible de passer de manière fluide de l’une à l’autre, pour créer une pression sur l’adversaire.</p> <p>L’offensive russe a été – du point de vue opératif – un exemple du genre: en six jours, les Russes se sont emparés d’un territoire plus grand que le Royaume-Uni, avec une vitesse de progression plus grande que ce que la Wehrmacht avait réalisé en 1940 en France.</p> <p>L’objectif de démilitarisation est atteint par l’encerclement de l’armée ukrainienne dans le «chaudron» entre Slavyansk, Kramatorsk et Severodonetsk. Les forces russes resserrent lentement l’étau, mais ils n’ont plus aucune contrainte de temps. Quant aux républiques du Donbass, ont «libéré» leurs territoires et la ville de Marioupol. </p> <p>La défense des villes de Kharkov, Marioupol et Odessa sont de la responsabilité des milices paramilitaires ukrainiennes, dont la destruction correspond à l’objectif de «dénazification». C’est pourquoi la Russie cherche à créer des couloirs humanitaires, pour vider les villes des civils et ne garder que les milices, afin d’obtenir leur reddition ou leur anéantissement. C’est la raison pour laquelle ces milices sont réticentes à mettre en œuvre ces couloirs: ils peuvent ainsi utiliser la population civile comme «boucliers humains». </p> <h3>Conclusions</h3> <p>Ces développements dramatiques ont des causes que nous connaissions, mais que nous avons refusés de voir: a) l’expansion de l’OTAN (que nous n’avons pas traité ici); b) le refus de mettre en œuvre les Accords de Minsk et c) les attaques continues et répétées des populations civiles du Donbass depuis ans et la dramatique augmentation de la fin février 2022.</p> <p>Nous pouvons naturellement déplorer et condamner l’attaque russe. Mais NOUS avons créé les conditions pour qu’un conflit éclate. Nous témoignons de la compassion pour le peuple ukrainien et les <a href="https://data2.unhcr.org/en/situations/ukraine">deux millions de réfugiés</a>. C’est bien. Mais si nous avions eu un minimum de compassion pour le même nombre de <a href="https://reliefweb.int/report/ukraine/ukraine-humanitarian-response-plan-2022-february-2022-enuk?utm_source=pocket_mylist">réfugiés du Donbass</a> qui se sont accumulés en Russie durant 8 ans, rien de cela ne serait probablement passé. </p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1648121350_capturedcran2022032412.27.35.png" class="img-responsive img-fluid center " width="505" height="250" /></p> <p>Que le terme de «génocide» s’applique aux exactions subies par les populations du Donbass est une question ouverte. On réserve généralement ce terme à des cas de plus grande ampleur (Holocauste, etc.), néanmoins, la définition qu’en donne la <a href="https://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CrimeOfGenocide.aspx">Convention sur le génocide</a>, est probablement suffisamment large pour s’y appliquer. Les juristes apprécieront. </p> <p>Clairement, ce conflit nous a conduit dans l’hystérie. Les sanctions semblent être devenues l’outil privilégié de nos politiques étrangères. Si nous avions respecté les Accords de Minsk que nous avions négocié et cautionné avec l’Ukraine, tout cela ne serait pas arrivé. La condamnation de Vladimir Poutine est aussi la nôtre: il ne sert à rien de pleurnicher après coup, il fallait agir avant et ni Emmanuel Macron (comme garant et comme membre du Conseil de Sécurité de l’ONU), ni Olaf Scholz, ni Volodymyr Zelensky n'ont respecté leurs engagements.</p> <p>Finalement, Vladimir Poutine atteindra vraisemblablement ses objectifs avec l’Ukraine. Ses liens avec la Chine se sont solidifiés. La Chine émerge comme médiatrice du conflit, tandis que la Suisse fait son entrée dans la liste des ennemis de la Russie. Les Américains doivent demander du pétrole au Venezuela et à l'Iran pour se sortir de l’impasse énergétique dans laquelle ils se sont mis: Juan Guaido quitte définitivement la scène et les USA doivent revenir piteusement sur les sanctions imposées à leurs ennemis. </p> <p>Des ministres qui cherchent à faire <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Ntzacqlm-Ac">s’effondrer l’économie russe</a> et faire en sorte que le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=n9BGOE_eVQc">peuple russe en souffre</a>, voire appellent à <a href="https://lequotidien.lu/politique-societe/jean-asselborn-eliminer-physiquement-vladimir-poutine/">assassiner</a> Poutine, montrent, même s’ils sont – partiellement – revenus sur la forme de leurs propos, que nous n’avons pas plus de valeurs que ceux que nous détestons. </p> <p>La leçon à tirer de ce conflit est notre sens de l’humanité géométrie variable: qu’est-ce qui rend le conflit en Ukraine plus blâmable que la guerre en Irak, en Afghanistan ou en Libye? Quelles sanctions avons-nous adopté contre ceux qui ont délibérément menti devant la communauté internationale? 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Voici donc un article de Jacques Baud, écrit il y a deux semaines, publié aussi par le Centre Français de Recherche sur le Renseignement. Il en choquera plus d’un. Ancien membre des services de renseignements suisses, ancien collaborateur de l’ONU en Afrique et ailleurs, ex-délégué de la Suisse auprès de l’OTAN, à Bruxelles, aujourd’hui retraité, Baud écrit de nombreux livres et articles. Où il dénonce les fautes de l’Occident, passées et présentes, face à la Russie et à d’autres régions du monde. Comme dit Edgar Morin dans un tweet: «C’est une faiblesse intellectuelle extrêmement répandue de considérer que l’explication est une justification». Encore faut-il que l’explication soit convaincante. (Ndlr)', 'subtitle_edition' => 'La légitime indignation devant les horreurs de la guerre ne devrait pas nous empêcher de considérer son origine et son développement sous tous les angles, même diamétralement opposés. Notre équipe aux sensibilités très diverses tient à garder un regard large. Voici donc un article de Jacques Baud, publié aussi par le Centre Français de Recherche sur le Renseignement. Il en choquera plus d’un. ', 'content' => '<h3>En route vers la guerre</h3> <p>Pendant des années, du Mali à l’Afghanistan, j’ai travaillé pour la paix et ai risqué ma vie pour elle. Il ne s’agit donc pas de justifier la guerre, mais de comprendre ce qui nous y a conduit. Je constate que les «experts» qui se relaient sur les plateaux de télévision analysent la situation à partir d’informations douteuses, le plus souvent des hypothèses érigées en faits, et dès lors on ne parvient plus à comprendre ce qui se passe. C’est comme ça que l’on crée des paniques.</p> <p>Essayons d’examiner les racines du conflit. Cela commence par <a href="https://www.rts.ch/info/monde/6772950-les-separatistes-auraient-renforce-leurs-capacites-dattaque-en-ukraine.html">ceux</a> qui durant les 8 dernières années nous parlaient de «séparatistes» ou des «indépendantistes» du Donbass. C’est faux. Les référendums menés par les deux républiques auto-proclamées de Donetsk et de Lougansk en mai 2014, n’étaient pas des référendums d’«<i>indépendance</i>» (независимость), comme l’ont affirmé certains <a href="https://www.rts.ch/info/monde/5839879-pres-de-90-de-oui-a-lindependance-a-donetsk-selon-les-prorusses.html">journalistes peu scrupuleux</a>, mais de <a href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/4d/Decree_on_holding_the_Donetsk_status_referendum.png">référendums</a> d’«<i>auto-détermination</i>» ou d’«<i>autonomie</i>» (самостоятельность). Le qualificatif «pro-russes» suggère que la Russie était une partie du conflit, ce qui n’était pas le cas, et le terme «russophones» aurait été plus honnête. D’ailleurs, ces référendums ont été conduits contre l’avis de Vladimir Poutine. </p> <p>En fait, ces Républiques ne cherchaient pas à se séparer de l’Ukraine, mais à avoir un statut d’autonomie, leur garantissant l’usage de la langue russe comme langue officielle. Car, le premier acte législatif du nouveau gouvernement issu du renversement du président Ianoukovitch, a été l’abolition, le 23 février 2014, de la loi Kivalov-Kolesnichenko de 2012, qui faisait du russe une langue officielle. Un peu comme si des putschistes décidaient que le français et l’italien ne seraient désormais plus des langues officielles en Suisse.</p> <p>Cette décision provoque une tempête dans la population russophone. Il en résulte une répression féroce contre les régions russophones (Odessa, Dniepropetrovsk, Kharkov, Lougansk et Donetsk) qui s’exerce dès février 2014 et conduit à une militarisation de la situation et à quelques massacres (à Odessa et à Marioupol, pour les plus importants). A la fin de l’été 2014, ne restent que les Républiques auto-proclamées de Donetsk et de Lougansk.</p> <p>A ce stade, trop rigides et engoncés dans une approche doctrinaire de l’art opératif, les états-majors ukrainiens subissent l’ennemi sans parvenir s’imposer. L’examen du déroulement des combats en 2014-2016 dans le Donbass montre que l’état-major ukrainien a systématiquement et mécaniquement appliqué les mêmes schémas opératifs. Or, la guerre menée par les autonomistes est alors très proche de ce que l’on observe dans le Sahel: des opérations très mobiles menées avec des moyens légers. Avec une approche plus flexible et moins doctrinaire, les rebelles ont su exploiter l’inertie des forces ukrainiennes pour les «piéger» de manière répétée.</p> <p>En 2014, je suis à l’OTAN, responsable de la lutte contre la prolifération des armes légères, et nous tentons de détecter des livraisons d’armes russes aux rebelles et de voir si la Russie est impliquée. Les informations que nous recevons viennent alors pratiquement toutes des services de renseignement polonais et ne «collent pas» avec les information en provenance de l’OSCE: en dépit d’allégations assez grossières, on n’observe aucune livraison d’armes et de matériels militaires de Russie. Les rebelles sont alimentés par les unités ukrainiennes russophones, qui passent du côté rebelle.</p> <p>Au fur et à mesure des échecs ukrainiens, des bataillons de chars, d’artillerie ou anti-aériens passent au complet, avec armes et bagages, du côté des autonomistes. C’est ce qui pousse les Ukrainiens à s’engager dans les Accords de Minsk.</p> <p>Mais, juste après avoir signé les Accords de Minsk 1, le président ukrainien Petro Porochenko lance une vaste opération antiterroriste (ATO) (Антитерористична операція) contre le Donbass. <i>Bis repetita placent</i>: mal conseillés par des officiers de l’OTAN, les Ukrainiens subissent une cuisante défaite à Debaltsevo qui les oblige à s’engager dans les Accords de Minsk 2…</p> <p>Il est essentiel de rappeler ici que les Accords de Minsk 1 (septembre 2014) et Minsk 2 (février 2015), ne prévoyaient ni la séparation, ni l’indépendance des républiques, mais leur autonomie <i>dans le cadre</i> de l’Ukraine. Ceux qui ont lu <a href="https://www.securitycouncilreport.org/atf/cf/%257B65BFCF9B-6D27-4E9C-8CD3-CF6E4FF96FF9%257D/s_res_2202.pdf">les Accords</a> (ils sont très, très, très peu nombreux) constateront qu’il est écrit en toutes lettres que le statut des républiques devait être négocié entre Kiev et les représentants des républiques, pour une <i>solution interne</i> à l’Ukraine. </p> <p>C’est pourquoi depuis 2014, la Russie a systématiquement demandé leur application tout en refusant d’être une partie aux négociations, car il s’agissait d’une affaire intérieure à l’Ukraine. De l’autre côté, les Occidentaux – France en tête – ont systématiquement tenté de substituer les Accords de Minsk par le «format Normandie», qui mettait face à face Russes et Ukrainiens. Or, rappelons-le, il n’y a <i>jamais</i> eu de troupes russes dans le Donbass avant le 23-24 février 2022. D’ailleurs, <a href="https://foreignpolicy.com/2018/10/25/counting-the-dead-in-europes-forgotten-war-ukraine-conflict-donbass-osce/">les observateurs de l’OSCE</a> n’ont jamais observé la moindre trace d’unités russes opérant dans le Donbass. Ainsi, la carte des services de renseignement américains publiée par le <a href="https://www.washingtonpost.com/national-security/russia-ukraine-invasion/2021/12/03/98a3760e-546b-11ec-8769-2f4ecdf7a2ad_story.html"><em>Washington Post</em></a> le 3 décembre 2021 ne montre pas de troupes russes dans le Donbass. </p> <p>En octobre 2015, Vasyl Hrytsak, <a href="https://www.kyivpost.com/article/content/war-against-ukraine/sbu-registers-involvement-of-56-russian-in-military-actions-against-ukraine-since-military-conflict-in-eastern-ukraien-unfolded-399718.html">directeur du Service de sécurité ukrainien</a> (SBU), confessait que l’on avait seulement observé 56 combattants russes dans le Donbass. C’était le même phénomène que les Suisses qui allaient combattre en Bosnie dans les années 1990, et en Ukraine aujourd’hui. </p> <p>A ce stade, l’armée ukrainienne est dans un état déplorable. En octobre 2018, après 4 ans de guerre, le <a href="https://vesti.ua/strana/309880-nazvany-neboevye-poteri-vsu-na-donbasse">procureur militaire ukrainien en chef Anatoly Matios</a> déclarait que l’Ukraine avait perdu 2'700 hommes hors-combat au Donbass: 891 cas de maladies, 318 d’accidents de la route, 177 d’autres accidents, 175 d’empoisonnements (alcool, drogue), 172 de manipulations d'armes imprudentes, 101 d’infractions aux règles de sécurité, 228 de meurtres et 615 de suicides. </p> <p>En fait, l’armée est minée par la corruption de ses cadres et ne jouit plus du soutien de la population. Selon un <a href="https://www.justice.gov/eoir/page/file/1008261/download">rapport du ministère de l’Intérieur britannique</a>, lors du rappel des réservistes de mars-avril 2014, 70% ne se sont <i>pas</i> présentés à la première session, 80% à la deuxième, 90% à la troisième et 95% à la quatrième. En octobre-novembre 2017, <a href="https://ipress.ua/ru/news/v_vsu_zayavyly_o_70_neyavky_vo_vremya_osennego_pryziva_237367.html">70% des appelés ne se sont pas présentés</a> lors de la campagne de rappel «<i>Automne 2017</i>». Ceci sans compter <a href="https://observer.com/2017/06/ukraine-war-soldiers-suicide/">les suicides</a> et <a href="https://www.refworld.org/docid/593a581b4.html">les désertions</a> (souvent au profit des autonomistes), qui atteignent jusqu’à 30% des effectifs dans la zone de l’ATO. Les jeunes ukrainiens refusent d’aller combattre dans le Donbass et préfèrent l’émigration, ce qui explique aussi, partiellement au moins, le déficit démographique du pays. </p> <p>Le ministère de la Défense ukrainien s’adresse alors à l’OTAN pour l’aider à rendre ses forces armées plus «attractives». Ayant déjà travaillé à des projets similaires dans le cadre des Nations Unies, j’ai été sollicité par l’OTAN pour participer à un programme destiné à restaurer l’image des forces armées ukrainiennes. Mais c’est un processus de longue haleine et les Ukrainiens veulent aller vite.</p> <p>Pour compenser l’émigration des jeunes vers l’Europe, le gouvernement ukrainien recourt alors à des milices paramilitaires. Elles sont essentiellement composées de mercenaires étrangers, souvent militants d’extrême-droite. En 2020, elles constituent environ 40% des forces ukrainiennes et comptent <a href="https://graphics.reuters.com/RUSSIA-UKRAINE/dwpkrkwkgvm/">sont fortes de 102'000 hommes</a>. Elles sont armées, financées et formées par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada et la France. On y trouve plus de 19 nationalités – dont des Suisses.</p> <p>Les pays occidentaux ont donc clairement créé et soutenu des <a href="https://www.usatoday.com/story/news/world/2022/03/05/russia-invasion-ukraine-attention-extremist-regiment-nazi/9368016002/?gnt-cfr=1">milices d’extrême-droite ukrainiennes</a>. En octobre 2021, le <em><a href="https://www.jpost.com/diaspora/western-countries-training-far-right-extremists-in-ukraine-report-682411">Jerusalem Post</a></em> sonnait l’alarme en dénonçant le projet <a href="https://www.illiberalism.org/wp-content/uploads/2021/09/IERES-Papers-no-11-September-2021-FINAL.pdf">Centuria</a>. Ces milices opèrent dans le Donbass depuis 2014, avec le soutien des Occidentaux. Même si on peut discuter le terme «nazi», il n’en demeure pas moins que ces milices sont violentes, véhiculent une idéologie nauséabonde et sont virulemment antisémites. Leur <a href="https://www.jpost.com/diaspora/ukraine-progressively-restores-historical-memory-about-jews-652438">antisémitisme est plus culturel que politique</a>, c’est pourquoi je n’aime pas beaucoup le qualificatif «nazi». Leur haine du Juif vient des grandes famines des années 1920-1930 en Ukraine, consécutive à la confiscation des récoltes par Staline afin d’augmenter les exportations et ainsi financer la modernisation de l’Armée Rouge. Or, ce génocide – connu en Ukraine sous le nom d’Holodomor – a été perpétré par le NKVD (ancêtre du KGB) dont les échelons de conduite étaient principalement composés de Juifs. C’est pourquoi, les extrémistes ukrainiens demandent à Israël de <a href="https://www.jpost.com/diaspora/antisemitism/far-right-protesters-in-ukraine-demand-israel-apologize-for-communism-654711">s’excuser pour les crimes du communisme</a>, comme le relève le <em>Jerusalem Post</em>.</p> <p>Ce milices, issues des groupes d’extrême-droite qui ont animé la révolution de l’Euromaïdan en 2014, sont composées d’individus fanatisés et brutaux. La plus connue d’entre elles est le régiment Azov, dont l’emblème rappelle celui de la 2e Panzerdivision SS «Das Reich», qui fait l’objet d’une véritable vénération en Ukraine, pour avoir libéré Kharkov des Soviétiques en 1943. </p> <p>Parmi les figures célèbres du régiment Azov, on trouvait l’opposant Roman Protassevitch, arrêté en 2021 par les autorités bélarusses à la suite de l’affaire du vol RyanAir FR4978. Le 23 mai 2021, on évoque le <a href="https://www.rts.ch/info/monde/12220530-la-bielorussie-a-arrete-un-militant-apres-avoir-intercepte-son-avion.html">détournement délibéré d’un avion</a> de ligne avec un MiG-29 (avec <a href="https://youtu.be/-LfZt4ESJ44?t=148">l’accord de Poutine</a>, bien évidemment), pour arrêter Protassevitch, bien que les <a href="https://www.belta.by/president/view/komandu-prinjat-v-minske-zaminirovannyj-samolet-ryanair-dal-lichno-lukashenko-442580-2021/)">informations alors disponibles</a> n’indiquent absolument pas ce scénario. Mais il faut alors montrer que le président Loukachenko est un voyou et Protassevitch un «journaliste» épris de démocratie. Pourtant, il avait fait l’objet d’une enquête assez édifiante par une <a href="https://www.foiaresearch.net/person/roman-protasevich">ONG américaine en 2020</a>, qui mettait en évidence ses activités militantes d’extrême-droite. Le complotisme occidental se met alors en marche et des <a href="https://www.rts.ch/audio-podcast/2021/audio/portrait-de-l-opposant-belarusse-roman-protassevitch-25201392.html">médias peu scrupuleux</a> «toilettent» sa biographie.</p> <p>Finalement, en janvier 2022, <a href="https://www.politico.eu/wp-content/uploads/2022/01/19/ICAO-Fact-Finding-Investigation-Report_FR497849.pdf">le rapport de OACI</a> est publié et montre que malgré quelques erreurs de procédure, le Bélarus a agi conformément aux règles en vigueur et que le MiG-29 a décollé 15 minutes après que le pilote de RyanAir a décidé d’aller atterrir à Minsk. Donc pas de complot Bélarus et encore moins avec Poutine. Ah!... Encore un détail: Protassevitch, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1798764/opposant-belarus-entrevue-television-torture-interdiction-vols-ue">cruellement torturé</a> par la police bélarusse, est libre. Ceux qui voudraient correspondre avec lui, peuvent aller sur son compte <a href="https://twitter.com/protas_by">Twitter</a>. </p> <p>La qualification de «nazi» ou «néo-nazi» donnée aux paramilitaires ukrainiens est considéré comme de la <a href="https://www.lemonde.fr/international/live/2021/05/28/avion-detourne-par-la-bielorussie-sanctions-de-l-union-europeenne-posez-vos-questions_6081892_3210.html">propagande russe</a>. Peut-être, mais ce n’est pas l’avis du <em><a href="https://www.timesofisrael.com/hundreds-march-in-ukraine-in-annual-tribute-to-nazi-collaborator/">Times of Israel</a></em>, du <a href="https://www.thenation.com/article/politics/neo-nazis-far-right-ukraine/">Centre Simon Wiesenthal</a> ou du <a href="https://ctc.usma.edu/wp-content/uploads/2020/04/CTC-SENTINEL-042020.pdf">Centre de Lutte contre le Terrorisme</a> de l’académie de West Point. Mais cela reste discutable, car, en 2014, le <a href="https://www.newsweek.com/evidence-war-crimes-committed-ukrainian-nationalist-volunteers-grows-269604">magazine <em>Newsweek</em></a> semblait plutôt les associer à l’Etat Islamique… A choix!</p> <p>Donc, l’Occident soutient et continue à armer des milices qui se sont rendues coupables de nombreux <a href="https://www.osce.org/files/f/documents/e/7/233896.pdf">crimes contre les populations civiles depuis 2014</a>: viols, torture et massacres. Mais alors que le gouvernement suisse a été très prompt à prendre des sanctions contre la Russie, il n’en n’a adopté aucune contre l’Ukraine.</p> <p>Dans le système militaire ukrainien, les forces paramilitaires font partie des forces armées, mais pas de l’armée ukrainienne: elles ne sont pas des formations de manœuvre, mais conviennent parfaitement pour le combat urbain et la maîtrise des populations russophones dans les grandes villes. C’est pourquoi elles seront déployées dans les villes russophones. Au fil des années elles ont été responsables de très nombreuses atrocités, dont certaines seront rapportées par la journaliste Anne-Laure Bonnel. </p> <p>A ces troupes s’ajoutent <a href="https://news.yahoo.com/cia-trained-ukrainian-paramilitaries-may-take-central-role-if-russia-invades-185258008.html">des mercenaires de la CIA</a>, composés de combattants ukrainiens et européens, pour mener des actions de sabotage. </p> <h3>La guerre</h3> <p>Ancien responsable des forces du Pacte de Varsovie au service de renseignement stratégique, j’observe avec tristesse – mais sans étonnement – que nos services ne sont plus en mesure de comprendre la situation militaire en Ukraine. Les «experts» auto-proclamés qui défilent sur nos écrans relaient inlassablement les mêmes informations modulées par l’affirmation que la Russie – et Vladimir Poutine – est irrationnel. Prenons un peu de recul.</p> <p>Depuis le mois de novembre 2021, les Américains ne cessent de brandir la menace d’une invasion russe contre l’Ukraine. Pourtant, les Ukrainiens ne semblent pas du même avis. Pourquoi?</p> <p>Il faut remonter au 24 mars 2021. Ce jour-là, Volodymyr Zelensky promulgue <a href="https://www.president.gov.ua/documents/1172021-37533">un décret</a> pour la reconquête de la Crimée et commence à déployer ses forces vers le Sud du pays. Simultanément, la conduite de plusieurs exercices de l’OTAN entre la mer Noire et la mer Baltique, accompagnés d’un <a href="https://www.janes.com/defence-news/news-detail/us-uk-surge-surveillance-flights-over-ukraine-and-black-sea">accroissement important des vols de reconnaissance</a> le long de la frontière russe. La Russie mène alors quelques exercices, afin de tester sa préparation et montrer qu'elle suit l'évolution de la situation.</p> <p>Les choses se calment jusqu’en octobre-novembre avec la fin des exercices ZAPAD 21, dont les mouvements de troupes sont interprétés comme un renforcement en vue d’une offensive contre l’Ukraine. Pourtant, même les autorités ukrainiennes réfutent l’idée de préparatifs russes pour une guerre, et Oleksiy Reznikov, ministre de la Défense Ukrainien déclare qu’il n’y a <a href="https://kyivindependent.com/hot-topic/defense-minister-downplays-russias-threat-says-its-similar-to-that-of-spring-2021/">pas de changement</a> à sa frontière depuis le printemps.</p> <p>En février 2022, les événements se précipitent. Le 7 février, lors de sa visite à Moscou Emmanuel Macron, réaffirme à Vladimir Poutine <a href="https://www.youtube.com/watch?v=QHDAYz7g4u4">son attachement aux Accords de Minsk</a>, un engagement qu’il répétera à l’issue de son <a href="https://www.youtube.com/watch?v=InrDN7jYVOs">entrevue avec Volodymyr Zelensky</a>, le lendemain. Mais le 11 février, à Berlin, la rencontre des conseillers politiques des dirigeants du «<em>f<i>ormat Normandie</i></em>» s’achève au bout de 9 heures, sans résultat concret, car les <a href="https://www.aa.com.tr/en/europe/normandy-format-talks-in-berlin-end-without-tangible-results/2499568">Ukrainiens refusent encore et toujours d’appliquer les Accords</a> de Minsk, apparemment sous la pression des Etats-Unis. Vladimir Poutine constate que les promesses de Macron sont des promesses en l’air et que les Occidentaux ne sont pas prêts à faire appliquer les Accords, comme ils le font depuis 8 ans.</p> <p>Les préparatifs ukrainiens dans la zone de contact continuent. Le Parlement russe s’alarme et, le 15 février, demande à Vladimir Poutine de reconnaître l’indépendance des républiques, ce qu’il refuse.</p> <p>Le 17 février, le président Joe Biden <a href="https://edition.cnn.com/2022/02/17/politics/joe-biden-russia/index.html">annonce que la Russie va attaquer l’Ukraine</a> dans les prochains jours. Comment le sait-il? Mystère…</p> <p>Mais depuis le 16, le pilonnage d’artillerie sur les populations du Donbass augmente de manière dramatique, comme le montrent les cartes des observateurs de l’OSCE. Naturellement, aucun média ne le relève et aucun gouvernement occidental n’intervient. On dira plus tard, qu’il s’agit de désinformation russe.</p> <p>Simultanément, on signale des actes de sabotages dans le Donbass. Le 18 janvier, les combattants du Donbass interceptent des saboteurs équipés de matériel occidental et parlant polonais cherchant à créer des incidents chimiques à <a href="https://sprotyv.info/news/okkupanty-minirujut-mesta-hraneniya-ammiaka-na-zavode-stirol-dannye-gruppy-is">Gorlivka</a>.</p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1648121224_capturedcran2022032412.26.06.png" class="img-responsive img-fluid center " width="482" height="335" /></p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1648121288_capturedcran2022032412.27.28.png" class="img-responsive img-fluid center " width="458" height="655" /></p> <p>En clair, Joe Biden sait que les Ukrainiens commencent à pilonner les populations civiles du Donbass, mettant la Russie devant un choix difficile: aider le Donbass militairement et créer un problème international ou rester sans rien faire et regarder les russophones du Donbass se faire écraser. </p> <p>Vladimir Poutine n’a plus beaucoup de choix: il sait qu’il devra intervenir, ne serait-ce qu’en vertu de l’obligation internationale de la «responsibility to protect» (R2P). Il sait également, que son intervention déclenchera une pluie de sanctions. Dès lors, que son intervention soit limitée au Donbass ou aille plus loin pour faire pression sur les Occidentaux sur la question du statut de l’Ukraine, le prix à payer sera le même. C’est d’ailleurs ce qu’il expliquera plus tard dans sa déclaration du 21 février. </p> <p>C’est pourquoi, le 21 février, il décide d’accéder à la demande de la Douma et de reconnaître l’indépendance des deux républiques du Donbass. Dans la foulée, il signe avec elles des traités d’amitié et d’assistance. Le 23, devant la pression de l’artillerie ukrainienne, les deux républiques demandent l’aide de la Russie. Le 24, celle-ci invoque l’article 51 de la Charte des Nations Unies qui prévoit l’entraide militaire dans le cadre d’une alliance défensive.</p> <p>Dans son allocution du 24 février, Vladimir Poutine énonce les deux objectifs de son opération: «démilitariser» et «dénazifier» l’Ukraine. Il ne s’agit donc pas de s’emparer de l’Ukraine, ni même, vraisemblablement de l’occuper ou la détruire.</p> <p>En fait, dès le début de l’opération ses contours apparaissent clairement: a) encercler l’armée ukrainienne qui s’est massée à la frontière du Donbass, par une attaque venant de l’Est par Kharkov et une venant du Sud depuis la Crimée; b) détruire les milices paramilitaires qui contrôlent notamment les villes d’Odessa, Kharkov et Marioupol.</p> <p>L’offensive russe se déroule de manière très «classique». Dans un premier temps – comme l’avaient fait les Israéliens en 1967 – il s’agit de détruire au sol l’aviation ukrainienne et neutraliser ses structures de commandement et de renseignement (C3I). C’est ce qui est fait en quelques heures. Puis, avancer selon plusieurs axes simultanément selon le principe de «l’eau qui coule»: on avance partout où la résistance est faible et on laisse les villes (très voraces en troupes) pour plus tard. Au nord, la centrale de Tchernobyl est occupée immédiatement afin de prévenir des actes de sabotage. Les images de soldats ukrainiens et russes <a href="https://t.me/intelslava/20722">assurant ensemble la surveillance</a> de la centrale ne sont naturellement pas montrées… </p> <p>L’idée que la Russie cherche à prendre Kiev, la capitale, est typiquement occidentale. Vladimir Poutine n’a jamais eu l’intention d’abattre ou de renverser Zelensky. L’encerclement de Kiev n’a pour seul objectif que de créer une pression incitant le pouvoir à négocier. Beaucoup de commentateurs se sont étonnés que les Russes aient continué à chercher une solution négociée tout en menant des opérations militaires.</p> <p>L’explication est dans la conception de la stratégie russe, depuis l’époque soviétique. Pour les Occidentaux, la guerre commence lorsque la politique cesse. Les Russes ont une approche influencée par Clausewitz: la guerre est la continuité de la politique. Il est dès lors possible de passer de manière fluide de l’une à l’autre, pour créer une pression sur l’adversaire.</p> <p>L’offensive russe a été – du point de vue opératif – un exemple du genre: en six jours, les Russes se sont emparés d’un territoire plus grand que le Royaume-Uni, avec une vitesse de progression plus grande que ce que la Wehrmacht avait réalisé en 1940 en France.</p> <p>L’objectif de démilitarisation est atteint par l’encerclement de l’armée ukrainienne dans le «chaudron» entre Slavyansk, Kramatorsk et Severodonetsk. Les forces russes resserrent lentement l’étau, mais ils n’ont plus aucune contrainte de temps. Quant aux républiques du Donbass, ont «libéré» leurs territoires et la ville de Marioupol. </p> <p>La défense des villes de Kharkov, Marioupol et Odessa sont de la responsabilité des milices paramilitaires ukrainiennes, dont la destruction correspond à l’objectif de «dénazification». C’est pourquoi la Russie cherche à créer des couloirs humanitaires, pour vider les villes des civils et ne garder que les milices, afin d’obtenir leur reddition ou leur anéantissement. C’est la raison pour laquelle ces milices sont réticentes à mettre en œuvre ces couloirs: ils peuvent ainsi utiliser la population civile comme «boucliers humains». </p> <h3>Conclusions</h3> <p>Ces développements dramatiques ont des causes que nous connaissions, mais que nous avons refusés de voir: a) l’expansion de l’OTAN (que nous n’avons pas traité ici); b) le refus de mettre en œuvre les Accords de Minsk et c) les attaques continues et répétées des populations civiles du Donbass depuis ans et la dramatique augmentation de la fin février 2022.</p> <p>Nous pouvons naturellement déplorer et condamner l’attaque russe. Mais NOUS avons créé les conditions pour qu’un conflit éclate. Nous témoignons de la compassion pour le peuple ukrainien et les <a href="https://data2.unhcr.org/en/situations/ukraine">deux millions de réfugiés</a>. C’est bien. Mais si nous avions eu un minimum de compassion pour le même nombre de <a href="https://reliefweb.int/report/ukraine/ukraine-humanitarian-response-plan-2022-february-2022-enuk?utm_source=pocket_mylist">réfugiés du Donbass</a> qui se sont accumulés en Russie durant 8 ans, rien de cela ne serait probablement passé. </p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1648121350_capturedcran2022032412.27.35.png" class="img-responsive img-fluid center " width="505" height="250" /></p> <p>Que le terme de «génocide» s’applique aux exactions subies par les populations du Donbass est une question ouverte. On réserve généralement ce terme à des cas de plus grande ampleur (Holocauste, etc.), néanmoins, la définition qu’en donne la <a href="https://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CrimeOfGenocide.aspx">Convention sur le génocide</a>, est probablement suffisamment large pour s’y appliquer. Les juristes apprécieront. </p> <p>Clairement, ce conflit nous a conduit dans l’hystérie. Les sanctions semblent être devenues l’outil privilégié de nos politiques étrangères. Si nous avions respecté les Accords de Minsk que nous avions négocié et cautionné avec l’Ukraine, tout cela ne serait pas arrivé. La condamnation de Vladimir Poutine est aussi la nôtre: il ne sert à rien de pleurnicher après coup, il fallait agir avant et ni Emmanuel Macron (comme garant et comme membre du Conseil de Sécurité de l’ONU), ni Olaf Scholz, ni Volodymyr Zelensky n'ont respecté leurs engagements.</p> <p>Finalement, Vladimir Poutine atteindra vraisemblablement ses objectifs avec l’Ukraine. Ses liens avec la Chine se sont solidifiés. La Chine émerge comme médiatrice du conflit, tandis que la Suisse fait son entrée dans la liste des ennemis de la Russie. Les Américains doivent demander du pétrole au Venezuela et à l'Iran pour se sortir de l’impasse énergétique dans laquelle ils se sont mis: Juan Guaido quitte définitivement la scène et les USA doivent revenir piteusement sur les sanctions imposées à leurs ennemis. </p> <p>Des ministres qui cherchent à faire <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Ntzacqlm-Ac">s’effondrer l’économie russe</a> et faire en sorte que le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=n9BGOE_eVQc">peuple russe en souffre</a>, voire appellent à <a href="https://lequotidien.lu/politique-societe/jean-asselborn-eliminer-physiquement-vladimir-poutine/">assassiner</a> Poutine, montrent, même s’ils sont – partiellement – revenus sur la forme de leurs propos, que nous n’avons pas plus de valeurs que ceux que nous détestons. </p> <p>La leçon à tirer de ce conflit est notre sens de l’humanité géométrie variable: qu’est-ce qui rend le conflit en Ukraine plus blâmable que la guerre en Irak, en Afghanistan ou en Libye? Quelles sanctions avons-nous adopté contre ceux qui ont délibérément menti devant la communauté internationale? Avons-nous seulement adopté une seule sanction contre ceux qui alimentent en armes et qui frappent le conflit du Yémen (377'000 morts)? </p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'la-situation-militaire-en-ukraine', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 648, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 13, 'person_id' => (int) 12844, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' }count - [internal], line ?? 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Débat / La situation militaire en Ukraine
La légitime indignation devant les horreurs de la guerre ne devrait pas nous empêcher de considérer son origine et son développement sous tous les angles, même diamétralement opposés. Notre équipe aux sensibilités très diverses tient à garder un regard large. Voici donc un article de Jacques Baud, publié aussi par le Centre Français de Recherche sur le Renseignement. Il en choquera plus d’un.
Jacques Baud
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Alors que l’opération Serval de 2013 avait été saluée pour son efficacité, l’opération Barkhane qui a suivi en 2014, semble s’enliser.</p> <p>Mais, alors que la première n’était qu’une opération ponctuelle avec un objectif limité, la seconde a beaucoup plus l’apparence d’une guerre à part entière, sans que leurs objectifs n’aient été véritablement modifiés. Le problème est que ni les militaires ni les politiques français ne semblent en avoir réalisé les implications.</p> <p>L’échec était donc programmé. Pour plusieurs raisons. La première – et la plus essentielle – est la méconnaissance totale des adversaires. Certes, on connaît les noms, les structures, les numéros de portable, les emplacements, etc. Mais on ne sait pas <i>qui</i> ils sont et quels sont leurs objectifs. Plus exactement, comme en Afghanistan, on leur attribue des caractéristiques en fonction de nos préjugés: on crée un ennemi comme on voudrait qu’il soit. Par une sorte d’arrogance très culturelle dont les Français sont coutumiers.</p> <p>Je connais bien la région du Sahel pour y avoir été à plusieurs reprises en mission. J’ai même enseigné à l’école de maintien de la paix à Bamako où mes livres sur le terrorisme m’avaient précédé! Comme je l’ai constaté à travers mes contacts avec certains groupes armés, c’est une région où les conflits sont pluriels: ce que nous voyons sous le prisme du djihadisme est le plus souvent perçu localement comme des problèmes tribaux et de la criminalité tribale traditionnelle. </p> <p>Les Français se sont engagés dans Barkhane, comme dans le prolongement de Serval, sans mesurer la complexité dans laquelle ils entraient et sans se donner les outils pour la gérer. C’est l’origine des tensions entre la France et le Mali ces dernières années. </p> <h3>La stratégie de lutte contre le terrorisme</h3> <p>L’argument constamment répété par le gouvernement français et ses propagandistes est que l’armée française au Mali prévient le terrorisme en direction de la France et de l’Europe. C’est évidemment faux, car la nature du problème au Sahel n’a strictement rien en commun avec le terrorisme que connaît la France depuis 2015.</p> <p>Le point faible de Barkhane est son concept stratégique. Il s’articule autour de <a href="https://www.defense.gouv.fr/operations/afrique/bande-sahelo-saharienne/operation-barkhane/dossier-de-reference/operation-barkhane">trois axes</a>: a) maintenir la pression sur les groupes armés terroristes, b) accompagner les armées des pays partenaires, c) agir pour les populations. En fait, cela ne veut pas dire grand-chose, et, sans entrer dans les détails, l’opération se résume à une somme d’actions tactiques, sans qu’aucun mécanisme ne permette de transformer les succès tactiques en un succès stratégique.</p> <p>On tue des terroristes, mais on n’élimine pas le terrorisme.</p> <p>Sans stratégie d’ensemble, Barkhane n’a eu que des effets superficiels, sans traiter la racine du mal. C’est pourquoi le gouvernement malien reproche à la France de mener sa guerre au niveau tactique, sans aucune stratégie d’ensemble et – finalement – de créer du terrorisme: «<a href="https://information.tv5monde.com/info/operation-barkhane-plus-il-y-de-militaires-francais-au-sahel-plus-il-y-de-djihadistes-344872">plus il y a de militaires, plus il y a de djihadistes</a>». </p> <p>En février 2021, au sommet du G5 Sahel, le président Emmanuel Macron affirma vouloir poursuivre l’effort de l’opération Barkhane afin de <a href="https://www.lepoint.fr/monde/sahel-macron-veut-decapiter-les-groupes-affilies-a-al-qaida-16-02-2021-2414191_24.php">«décapiter» les organisations islamistes</a> et ainsi réduire le niveau de la menace terroriste. C’est une «stratégie» très similaire à celle des Etats-Unis. </p> <p>Elle relève de la même logique que lors de la Première guerre mondiale, lorsque l’efficacité des adversaires découlait de structures de commandement pyramidales. Mais le problème est très différent avec des structures flottantes et très plates: l’élimination des «chefs» tend à stimuler l’activité terroriste plus qu’à la paralyser.</p> <p>Sans parvenir à matérialiser des objectifs stratégiques qui n’ont jamais été définis, il ne reste que le nombre d’adversaires tués pour mesurer le succès. C’est pourquoi, en France, après chaque mort de l’opération Barkhane, on rappelle le «succès» de l’opération en <a href="https://www.france24.com/fr/afrique/20210215-g5-sahel-quelques-succ%25C3%25A8s-militaires-de-barkhane-au-milieu-du-chaos">nombre de militants tués</a>. </p> <p>Ainsi, les engagements français paraissent efficaces car ils tuent beaucoup de monde, mais ils <a href="https://www.rfi.fr/fr/podcasts/invit%25C3%25A9-afrique/20210927-choguel-ma%25C3%25AFga-face-au-retrait-de-barkhane-nous-avons-l-obligation-de-chercher-d-autres-solutions">ne résolvent pas le problème</a>. Bien au contraire, <a href="https://www.franceinter.fr/monde/les-armees-regulieres-seraient-tout-aussi-meurtrieres-voire-plus-que-les-terroristes-au-sahel">Barkhane est plus meurtrière que les djihadistes</a>: «au Mali […], en 2020, on a compté davantage de civils tués par des militaires censés les protéger (35 %) que par des groupes dits djihadistes (24 %)». </p> <p>En Afghanistan, en juillet 2009, face au même problème, et reconnaissant – un peu tard – la nature asymétrique du conflit, le haut commandement de l’OTAN (ISAF) promulgue <a href="http://www.af.mil/News/Article-Display/Article/119831/directive-re-emphasizes-protecting-afghan-civilians/">une directive</a> qui déclare: «Nous devons éviter le piège de gagner des victoires tactiques – mais de subir des défaites stratégiques – en générant des pertes civiles ou des dégâts excessifs et en nous aliénant ainsi la population.» </p> <p>Le passage à la Force Takuba, composée de forces spéciales européennes, va probablement réduire les dommages collatéraux, par l’usage de «snipers» et autres armes de précision. Mais elle ne parviendra pas à éradiquer le terrorisme, car elle fonctionne dans la même logique symétrique que l’on avait en 1914!</p> <p>Le terrorisme doit être combattu fermement, mais pas stupidement!</p> <p>En fait, le terrorisme n’a jamais été combattu efficacement par la force seule. Pour être efficace, une stratégie de lutte contre le terrorisme doit prendre en considération un très large spectre de facteurs sociétaux, sociaux, culturels et sécuritaires. En avril 2021, <a href="https://reliefweb.int/report/niger/sahel-ce-qui-doit-changer-pour-une-nouvelle-approche-centr-e-sur-les-besoins-des">la Coalition citoyenne pour le Sahel</a> constate – à juste titre – que la stratégie française est insuffisante: «Pour la Coalition citoyenne pour le Sahel, une approche sécuritaire qui n’inclut pas des mesures concrètes pour assurer la protection des civils est vouée à l’échec. La Coalition citoyenne appelle donc à un réagencement drastique des priorités, afin que la mesure du succès des interventions ne soit pas seulement d’ordre militaire (la liste des "terroristes neutralisés"), mais prenne également en compte le nombre de personnes déplacées rentrées volontairement chez elles, d’écoles rouvertes, de champs à nouveau cultivés.»</p> <p>C’est ce que traduit la notion d’«approche holistique», mal comprise dans les milieux sécuritaires, et souvent confondue avec celle d’«approche intégrale» ou «approche globale» (en anglais: «<em>comprehensive approach</em>») utilisée par l’OTAN. Cette dernière suppose que l’on traite un problème en combinant les efforts de plusieurs acteurs, alors que l’approche holistique implique un traitement du problème sur l’ensemble de la chaîne de causalité qui l’a provoqué. Une stratégie holistique doit traiter simultanément l’ensemble des facteurs militaires, sociétaux, culturels ou sociaux qui génèrent et renforcent la détermination des terroristes (dimension préventive). Un de mes aïeuls était fusilier marin en Cochinchine à la fin du XIXème siècle: à cette époque, loin de tout, les militaires devaient être «multidisciplinaires», ils n’étaient pas seulement guerriers, mais aussi – et surtout – éducateurs et bâtisseurs. Aujourd’hui, nos militaires ne sont pas formés pour ce genre de guerre.</p> <p>En fait la France répète au Sahel les mêmes erreurs que l’OTAN en Afghanistan. Ni Barkhane, ni Takuba ne sont en mesure de mener une guerre multidimensionnelle. Elles pourraient fonctionner dans un conflit conventionnel ou terroriste symétrique, mais pas dans un contexte asymétrique: leur champ d’action est trop étroit et tend à compliquer la situation. Et c’est là que la méconnaissance des cultures locales prend tout son sens.</p> <p>Comme j’ai personnellement pu le constater en Afghanistan, les Occidentaux tendent à jouer un rôle déstabilisant. Non pas qu’ils cherchent à déstabiliser ces pays, mais parce qu’ils sont incapables d’en comprendre la logique. En 2017, je me suis fait «taper sur les doigts» par un vice-directeur de l’OTAN à qui j’avais dit que la Tunisie, en l’état, n’accepterait pas d’installations de l’OTAN sur son territoire. Il ne m’a pas écouté et s’est fâché… et six mois plus tard, en février 2018, la Tunisie lui a bel et bien <a href="https://afrique.latribune.fr/politique/2018-02-14/non-dit-la-tunisie-a-l-installation-d-une-base-militaire-de-l-otan-sur-son-sol-768523.html">refusé l’implantation d’un centre de conduite opérationnelle de l’OTAN</a> sur son territoire.</p> <p>Les Occidentaux sont victimes de leur arrogance et de leur conviction d’être supérieurs: en clair, de leur sottise.</p> <h3>Sur le plan politique</h3> <p>L’insécurité croissante dans le Sahel et l’effet déstabilisant de la présence de forces étrangères sur leur sol a conduit les populations sahéliennes à s’interroger sur la pertinence et l’adéquation de leurs «stratégies». Engoncé dans une idéologie finalement très colonialiste, Paris est surpris de se voir rejeter par les Maliens. On a le sentiment d’apporter la lumière, sans jamais se poser la question de l’impact négatif sur la société: montée des prix, montée de la prostitution, multiplication des trafics, sans parler de la corruption des élites qui profitent de cette présence. Ces phénomènes ne sont pas liés à la France mais apparaissent dans le sillage de toutes les opérations de maintien de la paix.</p> <p>Les Africains ont constaté que la manière dont la France mène les opérations ne fait qu’accroître leurs problèmes; et lorsqu’ils veulent travailler à leur manière et entamer un dialogue avec ce que les Français appellent des «djihadistes» on les en empêche. Ils veulent être souverains chez eux. Car lorsqu’une force étrangère – nationale ou multinationale – intervient, elle se substitue dans une très large mesure à l’autorité du pays: les militaires français, même s’ils font du bon travail, le font au service de la France, et non du Mali, du Niger ou d’un autre pays.</p> <p>C’est en grande partie ce qui a conduit au coup d'Etat, et au recours à une société militaire privée (SMP) russe appelée «Wagner». Les SMP, (très largement utilisées par les Occidentaux en Irak, en Afghanistan, en Libye et ailleurs), posent de nombreuses questions fonctionnelles et juridiques. Mais elles ont un avantage considérable: lorsqu’on leur dit de partir, elles partent («Qui paie commande»).</p> <p>Face à cette décision, la France se comporte comme un mauvais joueur. Interviewé sur France 5, le 17 octobre 2021, le ministre des Affaires étrangères <a href="https://youtu.be/tBwPT1knTVI?t=5237">Jean-Yves Le Drian</a> exprime par sa seule condescendance pourquoi la France n’est plus bienvenue dans cette région.</p> <p>La journaliste Caroline Roux l’interroge sur la présence des «mercenaires» russes de la société Wagner en Afrique «contre les intérêts français». Le Drian affirme qu’au Centrafrique, ceux-ci «confisquent la capacité fiscale de l’Etat» afin de se payer et «multiplient les violations, les exactions, les prédations pour se substituer parfois même à l’autorité du pays». Naturellement, avec l’intégrité toute relative qui le caractérise, il n’apporte ni preuve, ni exemple de ce qu’il affirme.</p> <p>La <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/le-groupe-wagner-se-substitue-a-l-autorite-de-l-etat-en-centrafrique-selon-paris-20211017">presse</a> <a href="https://www.sudouest.fr/france/les-mercenaires-russes-du-groupe-wagner-se-substituent-a-l-autorite-de-l-etat-en-centrafrique-denonce-paris-6595857.php">française</a> reprend largement ces propos, qui déclenchent la colère des autorités de Bangui. Quelques jours plus tard, sur TV5 Monde, <a href="https://information.tv5monde.com/video/centrafrique-la-ministre-des-affaires-etrangeres-accuse-le-drian-de-propos-mensongers">Mme Sylvie Baïpo-Temon</a>, ministre des Affaires étrangères de Centrafrique, répond à Jean-Yves Le Drian. Elle dénonce des propos «inacceptables» et «mensongers» et réfute toutes les accusations «qui ne représentent pas ce qui se passe en République Centrafricaine». </p> <p>La ministre explique que ces allégations se réfèrent à <a href="https://nouvellesplus.com/2021/08/09/rca-lexpertise-russe-a-permis-aux-douanes-de-faire-une-recette-de-36-milliards-fcfa/">une mission d’évaluation de trois mois</a>, effectuée par la Russie – à la demande du gouvernement centrafricain – auprès des douanes centrafricaines, qui a produit des recommandations. Selon les médias centrafricains, ce travail devrait permettre d’accroître les recettes fiscales de 36 milliards de Francs CFA. <a href="https://tchadinfos.com/afrique/cooperation-avec-les-russes-la-centrafrique-accuse-la-france-de-linfantiliser/">Mme Baïpo-Temon constate</a> qu’il y a, depuis quelque temps, une tentative du ministre français d’«infantiliser» son pays. Elle rappelle que le <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20210531-centrafrique-macron-juge-le-pr%25C3%25A9sident-touad%25C3%25A9ra-otage-du-groupe-wagner">président Macron</a> avait déjà «accusé le président Touadéra d’être otage de la présence russe», ce qui est clairement faux. Elle souligne que la République Centrafricaine est un «pays autonome, indépendant, souverain et qu’elle est en droit de faire appel à des partenaires». Elle rappelle également que la présence russe dans le pays découle du refus d’autres pays de répondre à la demande du président Touadéra, en 2016, de maintenir la force Sangaris, dont le retrait avait précisément été demandé par M. Le Drian. Elle juge donc les propos de son homologue français «diffamatoires et mensongers» et condamne la «guerre informationnelle» menée par Paris. </p> <p>Quant aux accusations d’exactions qui auraient été commises par les membres du groupe Wagner au Centrafrique, elles se réfèrent à des rapports des Nations Unies extrêmement confus et contradictoires, ne parvenant pas à faire la distinction (et donc à attribuer des exactions souvent mal définies) entre les forces centrafricaines, les instructeurs russes, les membres de «Wagner» et l’ennemi! C’est pourquoi la République Centrafricaine a diligenté une enquête pour éclaircir la situation.</p> <p>Mme Baïpo-Temon rappelle également que toutes les troupes qui ont été engagées sur le territoire centrafricain ont commis des exactions, et qu’à ce stade le dossier de viols de mineurs par des membres (français) de la force Sangaris n’est pas encore clos. <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/centrafrique/militaires-accuses-de-viols-en-centrafrique/soupcons-de-viols-en-centrafrique-par-des-militaires-francais-l-affaire-en-cinq-dates_891067.html">Accusations</a> de <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/centrafrique/militaires-accuses-de-viols-en-centrafrique/soupcons-de-viols-par-des-soldats-francais-en-centrafrique-des-enfants-temoignent_909633.html">viol</a> dont les <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/centrafrique/militaires-accuses-de-viols-en-centrafrique/centrafrique-la-justice-francaise-enquete-sur-de-nouvelles-accusations-de-viols-par-des-soldats_1305418.html">militaires</a> <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/centrafrique/militaires-accuses-de-viols-en-centrafrique/centrafrique-nouvelles-accusations-d-abus-sexuels-pour-des-soldats-francais-et-de-l-onu_1387159.html">français</a> (alors sous la responsabilité de M. Le Drian!) ont fait, en France, l’objet d’une <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/centrafrique/militaires-accuses-de-viols-en-centrafrique/militaires-accuses-de-viol-en-centrafrique-les-parties-civiles-denoncent-une-enquete-lacunaire-et-partiale_2092071.html">enquête apparemment bâclée</a>, puis d’un <a href="https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/01/15/accusations-de-viols-contre-des-soldats-francais-en-centrafrique-non-lieu-ordonne_5241936_1653578.html">non-lieu pour le moins discutable</a>. </p> <p>Par ailleurs, le <a href="https://www.aa.com.tr/fr/afrique/centrafrique-l-assembl%25C3%25A9e-adresse-ses-remerciements-aux-paramilitaires-russes-de-la-soci%25C3%25A9t%25C3%25A9-wagner/2393941">Parlement centrafricain a adressé ses remerciements aux Russes</a> et semble satisfait de leur engagement, puisque le gouvernement leur a <a href="https://www.aa.com.tr/fr/afrique/centrafrique-inauguration-d-un-monument-%25C3%25A0-la-gloire-des-soldats-russes-/2435242">érigé un monument</a>. Cela n’empêchera pas certains médias, comme la <a href="https://www.rts.ch/info/monde/12830457-la-junte-au-pouvoir-au-mali-decide-dexpulser-lambassadeur-de-france.html?utm_source=pocket_mylist">RTS</a>, de relayer la propagande de Paris.</p> <p>En fait, la France surfe sur la vague russophobe actuelle pour tenter de s’imposer au Sahel. Cela lui a permis de <a href="https://www.france24.com/en/africa/20220113-france-presses-eu-to-agree-sanctions-against-mali-in-line-with-ecowas">faire pression</a> sur l’UE et la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) <a href="https://lejournaldelafrique.com/lafrique-daujourdhui/pourquoi-le-deploiement-de-wagner-au-mali-derange-loccident/">pour adopter des sanctions contre le Mali</a> et la firme Wagner. Le problème est que les sanctions <a href="https://reliefweb.int/report/mali/new-sanctions-risk-plunging-people-mali-further-humanitarian-crisis-warn-13-ngos">affectent dangereusement la population</a> civile, à dessein. Car il s’agit de la faire souffrir afin qu’elle se rebelle contre ses nouveaux dirigeants, comme le décrit clairement Richard Nephew, responsable des sanctions au Département d’Etat sous Barack Obama et délégué à l’Iran sous Joe Biden, dans son ouvrage intitulé <em><a href="https://www.amazon.com/Art-Sanctions-Center-Global-Energy/dp/0231180268">L’art des sanctions</a></em>, que l’on peut honnêtement qualifier de répugnant.</p> <h3>Conclusions</h3> <p>Nous sommes incapables de délivrer ce que nous avons promis, ni en termes de développement, ni en termes de sécurité.</p> <p>Nos systèmes démocratiques font que nos dirigeants évitent d’assumer leurs erreurs afin de les faire oublier et ainsi être réélus. C’est pourquoi, les dirigeants français évitent de rappeler que si le Mali a été sous la menace d’une «invasion» rebelle, c’est en grande partie parce que d’autres Français ont totalement déséquilibré la région en renversant Kadhafi. Ce n’est évidemment pas ce que des fanfarons sans intégrité comme BHL diront, mais c’est ce que les populations du Sahel pensent. Avec raison.</p> <p>Les soldats français morts au Sahel ne l’ont pas été pour le Mali, ni même pour la France, mais pour rattraper les erreurs de quelques «personnalités» irresponsables, <a href="http://www.crif.org/fr/lecrifenaction/Bernard-Henri-Levy-C-est-en-tant-que-juif-que-j-ai-participe-a-l-aventure-politique-en-Libye27038">vaniteuses</a> et <a href="https://www.gatestoneinstitute.org/1983/france-libya-attack">soucieuses</a> de leur seule gloire, qui pensent que la vie des autres est à leur service. </p> <p>La gouvernance de Kadhafi n’était certainement pas celle de la Suisse – tant s’en faut – mais elle avait le mérite de maintenir un équilibre entre tribus qui garantissait une stabilité régionale. Dans toute l’Afrique règne un équilibre instable entre des institutions inspirées par l’Occident et des structures coutumières. La gouvernance ne peut donc pas s’exercer exactement comme dans nos pays, et il est même à se demander s’il est souhaitable que cela le devienne. Il faut avoir vécu en Afrique (et avoir été attentif) pour le comprendre. En rompant cela, le président Sarkozy a déstabilisé l’ensemble d’une région (sans parler des migrations).</p> <p>La situation actuelle au Mali résulte de décisions stupides prises à Paris. Aujourd’hui, le gouvernement malien issu du putsch de mai 2021 n’est certainement pas la solution optimale, mais c’est celle que les Maliens souhaitent. Au lieu de les sanctionner et de pénaliser davantage un pays déjà pauvre, tentons de les accompagner vers le mieux.</p> <p>Nous menons des guerres sans rien construire. En Afghanistan, après vingt ans, le départ des Occidentaux a signifié l’effondrement du pays. Tout simplement parce que dans ce temps nous n’avons rien construit de pérenne: ni institutions, ni industrie, ni savoir-faire. </p> <p>En fait, nous agissons sans connaître, et sans stratégies. Après chaque mort en Afghanistan ou au Mali, on répète inlassablement que «les gars font du bon boulot!», mais on ne remet jamais en question la nature même de ce «boulot» et de ses objectifs. 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Alors que l’opération Serval de 2013 avait été saluée pour son efficacité, l’opération Barkhane qui a suivi en 2014, semble s’enliser.</p> <p>Mais, alors que la première n’était qu’une opération ponctuelle avec un objectif limité, la seconde a beaucoup plus l’apparence d’une guerre à part entière, sans que leurs objectifs n’aient été véritablement modifiés. Le problème est que ni les militaires ni les politiques français ne semblent en avoir réalisé les implications.</p> <p>L’échec était donc programmé. Pour plusieurs raisons. La première – et la plus essentielle – est la méconnaissance totale des adversaires. Certes, on connaît les noms, les structures, les numéros de portable, les emplacements, etc. Mais on ne sait pas <i>qui</i> ils sont et quels sont leurs objectifs. Plus exactement, comme en Afghanistan, on leur attribue des caractéristiques en fonction de nos préjugés: on crée un ennemi comme on voudrait qu’il soit. Par une sorte d’arrogance très culturelle dont les Français sont coutumiers.</p> <p>Je connais bien la région du Sahel pour y avoir été à plusieurs reprises en mission. J’ai même enseigné à l’école de maintien de la paix à Bamako où mes livres sur le terrorisme m’avaient précédé! Comme je l’ai constaté à travers mes contacts avec certains groupes armés, c’est une région où les conflits sont pluriels: ce que nous voyons sous le prisme du djihadisme est le plus souvent perçu localement comme des problèmes tribaux et de la criminalité tribale traditionnelle. </p> <p>Les Français se sont engagés dans Barkhane, comme dans le prolongement de Serval, sans mesurer la complexité dans laquelle ils entraient et sans se donner les outils pour la gérer. C’est l’origine des tensions entre la France et le Mali ces dernières années. </p> <h3>La stratégie de lutte contre le terrorisme</h3> <p>L’argument constamment répété par le gouvernement français et ses propagandistes est que l’armée française au Mali prévient le terrorisme en direction de la France et de l’Europe. C’est évidemment faux, car la nature du problème au Sahel n’a strictement rien en commun avec le terrorisme que connaît la France depuis 2015.</p> <p>Le point faible de Barkhane est son concept stratégique. Il s’articule autour de <a href="https://www.defense.gouv.fr/operations/afrique/bande-sahelo-saharienne/operation-barkhane/dossier-de-reference/operation-barkhane">trois axes</a>: a) maintenir la pression sur les groupes armés terroristes, b) accompagner les armées des pays partenaires, c) agir pour les populations. En fait, cela ne veut pas dire grand-chose, et, sans entrer dans les détails, l’opération se résume à une somme d’actions tactiques, sans qu’aucun mécanisme ne permette de transformer les succès tactiques en un succès stratégique.</p> <p>On tue des terroristes, mais on n’élimine pas le terrorisme.</p> <p>Sans stratégie d’ensemble, Barkhane n’a eu que des effets superficiels, sans traiter la racine du mal. C’est pourquoi le gouvernement malien reproche à la France de mener sa guerre au niveau tactique, sans aucune stratégie d’ensemble et – finalement – de créer du terrorisme: «<a href="https://information.tv5monde.com/info/operation-barkhane-plus-il-y-de-militaires-francais-au-sahel-plus-il-y-de-djihadistes-344872">plus il y a de militaires, plus il y a de djihadistes</a>». </p> <p>En février 2021, au sommet du G5 Sahel, le président Emmanuel Macron affirma vouloir poursuivre l’effort de l’opération Barkhane afin de <a href="https://www.lepoint.fr/monde/sahel-macron-veut-decapiter-les-groupes-affilies-a-al-qaida-16-02-2021-2414191_24.php">«décapiter» les organisations islamistes</a> et ainsi réduire le niveau de la menace terroriste. C’est une «stratégie» très similaire à celle des Etats-Unis. </p> <p>Elle relève de la même logique que lors de la Première guerre mondiale, lorsque l’efficacité des adversaires découlait de structures de commandement pyramidales. Mais le problème est très différent avec des structures flottantes et très plates: l’élimination des «chefs» tend à stimuler l’activité terroriste plus qu’à la paralyser.</p> <p>Sans parvenir à matérialiser des objectifs stratégiques qui n’ont jamais été définis, il ne reste que le nombre d’adversaires tués pour mesurer le succès. C’est pourquoi, en France, après chaque mort de l’opération Barkhane, on rappelle le «succès» de l’opération en <a href="https://www.france24.com/fr/afrique/20210215-g5-sahel-quelques-succ%25C3%25A8s-militaires-de-barkhane-au-milieu-du-chaos">nombre de militants tués</a>. </p> <p>Ainsi, les engagements français paraissent efficaces car ils tuent beaucoup de monde, mais ils <a href="https://www.rfi.fr/fr/podcasts/invit%25C3%25A9-afrique/20210927-choguel-ma%25C3%25AFga-face-au-retrait-de-barkhane-nous-avons-l-obligation-de-chercher-d-autres-solutions">ne résolvent pas le problème</a>. Bien au contraire, <a href="https://www.franceinter.fr/monde/les-armees-regulieres-seraient-tout-aussi-meurtrieres-voire-plus-que-les-terroristes-au-sahel">Barkhane est plus meurtrière que les djihadistes</a>: «au Mali […], en 2020, on a compté davantage de civils tués par des militaires censés les protéger (35 %) que par des groupes dits djihadistes (24 %)». </p> <p>En Afghanistan, en juillet 2009, face au même problème, et reconnaissant – un peu tard – la nature asymétrique du conflit, le haut commandement de l’OTAN (ISAF) promulgue <a href="http://www.af.mil/News/Article-Display/Article/119831/directive-re-emphasizes-protecting-afghan-civilians/">une directive</a> qui déclare: «Nous devons éviter le piège de gagner des victoires tactiques – mais de subir des défaites stratégiques – en générant des pertes civiles ou des dégâts excessifs et en nous aliénant ainsi la population.» </p> <p>Le passage à la Force Takuba, composée de forces spéciales européennes, va probablement réduire les dommages collatéraux, par l’usage de «snipers» et autres armes de précision. Mais elle ne parviendra pas à éradiquer le terrorisme, car elle fonctionne dans la même logique symétrique que l’on avait en 1914!</p> <p>Le terrorisme doit être combattu fermement, mais pas stupidement!</p> <p>En fait, le terrorisme n’a jamais été combattu efficacement par la force seule. Pour être efficace, une stratégie de lutte contre le terrorisme doit prendre en considération un très large spectre de facteurs sociétaux, sociaux, culturels et sécuritaires. En avril 2021, <a href="https://reliefweb.int/report/niger/sahel-ce-qui-doit-changer-pour-une-nouvelle-approche-centr-e-sur-les-besoins-des">la Coalition citoyenne pour le Sahel</a> constate – à juste titre – que la stratégie française est insuffisante: «Pour la Coalition citoyenne pour le Sahel, une approche sécuritaire qui n’inclut pas des mesures concrètes pour assurer la protection des civils est vouée à l’échec. La Coalition citoyenne appelle donc à un réagencement drastique des priorités, afin que la mesure du succès des interventions ne soit pas seulement d’ordre militaire (la liste des "terroristes neutralisés"), mais prenne également en compte le nombre de personnes déplacées rentrées volontairement chez elles, d’écoles rouvertes, de champs à nouveau cultivés.»</p> <p>C’est ce que traduit la notion d’«approche holistique», mal comprise dans les milieux sécuritaires, et souvent confondue avec celle d’«approche intégrale» ou «approche globale» (en anglais: «<em>comprehensive approach</em>») utilisée par l’OTAN. Cette dernière suppose que l’on traite un problème en combinant les efforts de plusieurs acteurs, alors que l’approche holistique implique un traitement du problème sur l’ensemble de la chaîne de causalité qui l’a provoqué. Une stratégie holistique doit traiter simultanément l’ensemble des facteurs militaires, sociétaux, culturels ou sociaux qui génèrent et renforcent la détermination des terroristes (dimension préventive). Un de mes aïeuls était fusilier marin en Cochinchine à la fin du XIXème siècle: à cette époque, loin de tout, les militaires devaient être «multidisciplinaires», ils n’étaient pas seulement guerriers, mais aussi – et surtout – éducateurs et bâtisseurs. Aujourd’hui, nos militaires ne sont pas formés pour ce genre de guerre.</p> <p>En fait la France répète au Sahel les mêmes erreurs que l’OTAN en Afghanistan. Ni Barkhane, ni Takuba ne sont en mesure de mener une guerre multidimensionnelle. Elles pourraient fonctionner dans un conflit conventionnel ou terroriste symétrique, mais pas dans un contexte asymétrique: leur champ d’action est trop étroit et tend à compliquer la situation. Et c’est là que la méconnaissance des cultures locales prend tout son sens.</p> <p>Comme j’ai personnellement pu le constater en Afghanistan, les Occidentaux tendent à jouer un rôle déstabilisant. Non pas qu’ils cherchent à déstabiliser ces pays, mais parce qu’ils sont incapables d’en comprendre la logique. En 2017, je me suis fait «taper sur les doigts» par un vice-directeur de l’OTAN à qui j’avais dit que la Tunisie, en l’état, n’accepterait pas d’installations de l’OTAN sur son territoire. Il ne m’a pas écouté et s’est fâché… et six mois plus tard, en février 2018, la Tunisie lui a bel et bien <a href="https://afrique.latribune.fr/politique/2018-02-14/non-dit-la-tunisie-a-l-installation-d-une-base-militaire-de-l-otan-sur-son-sol-768523.html">refusé l’implantation d’un centre de conduite opérationnelle de l’OTAN</a> sur son territoire.</p> <p>Les Occidentaux sont victimes de leur arrogance et de leur conviction d’être supérieurs: en clair, de leur sottise.</p> <h3>Sur le plan politique</h3> <p>L’insécurité croissante dans le Sahel et l’effet déstabilisant de la présence de forces étrangères sur leur sol a conduit les populations sahéliennes à s’interroger sur la pertinence et l’adéquation de leurs «stratégies». Engoncé dans une idéologie finalement très colonialiste, Paris est surpris de se voir rejeter par les Maliens. On a le sentiment d’apporter la lumière, sans jamais se poser la question de l’impact négatif sur la société: montée des prix, montée de la prostitution, multiplication des trafics, sans parler de la corruption des élites qui profitent de cette présence. Ces phénomènes ne sont pas liés à la France mais apparaissent dans le sillage de toutes les opérations de maintien de la paix.</p> <p>Les Africains ont constaté que la manière dont la France mène les opérations ne fait qu’accroître leurs problèmes; et lorsqu’ils veulent travailler à leur manière et entamer un dialogue avec ce que les Français appellent des «djihadistes» on les en empêche. Ils veulent être souverains chez eux. Car lorsqu’une force étrangère – nationale ou multinationale – intervient, elle se substitue dans une très large mesure à l’autorité du pays: les militaires français, même s’ils font du bon travail, le font au service de la France, et non du Mali, du Niger ou d’un autre pays.</p> <p>C’est en grande partie ce qui a conduit au coup d'Etat, et au recours à une société militaire privée (SMP) russe appelée «Wagner». Les SMP, (très largement utilisées par les Occidentaux en Irak, en Afghanistan, en Libye et ailleurs), posent de nombreuses questions fonctionnelles et juridiques. Mais elles ont un avantage considérable: lorsqu’on leur dit de partir, elles partent («Qui paie commande»).</p> <p>Face à cette décision, la France se comporte comme un mauvais joueur. Interviewé sur France 5, le 17 octobre 2021, le ministre des Affaires étrangères <a href="https://youtu.be/tBwPT1knTVI?t=5237">Jean-Yves Le Drian</a> exprime par sa seule condescendance pourquoi la France n’est plus bienvenue dans cette région.</p> <p>La journaliste Caroline Roux l’interroge sur la présence des «mercenaires» russes de la société Wagner en Afrique «contre les intérêts français». Le Drian affirme qu’au Centrafrique, ceux-ci «confisquent la capacité fiscale de l’Etat» afin de se payer et «multiplient les violations, les exactions, les prédations pour se substituer parfois même à l’autorité du pays». Naturellement, avec l’intégrité toute relative qui le caractérise, il n’apporte ni preuve, ni exemple de ce qu’il affirme.</p> <p>La <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/le-groupe-wagner-se-substitue-a-l-autorite-de-l-etat-en-centrafrique-selon-paris-20211017">presse</a> <a href="https://www.sudouest.fr/france/les-mercenaires-russes-du-groupe-wagner-se-substituent-a-l-autorite-de-l-etat-en-centrafrique-denonce-paris-6595857.php">française</a> reprend largement ces propos, qui déclenchent la colère des autorités de Bangui. Quelques jours plus tard, sur TV5 Monde, <a href="https://information.tv5monde.com/video/centrafrique-la-ministre-des-affaires-etrangeres-accuse-le-drian-de-propos-mensongers">Mme Sylvie Baïpo-Temon</a>, ministre des Affaires étrangères de Centrafrique, répond à Jean-Yves Le Drian. Elle dénonce des propos «inacceptables» et «mensongers» et réfute toutes les accusations «qui ne représentent pas ce qui se passe en République Centrafricaine». </p> <p>La ministre explique que ces allégations se réfèrent à <a href="https://nouvellesplus.com/2021/08/09/rca-lexpertise-russe-a-permis-aux-douanes-de-faire-une-recette-de-36-milliards-fcfa/">une mission d’évaluation de trois mois</a>, effectuée par la Russie – à la demande du gouvernement centrafricain – auprès des douanes centrafricaines, qui a produit des recommandations. Selon les médias centrafricains, ce travail devrait permettre d’accroître les recettes fiscales de 36 milliards de Francs CFA. <a href="https://tchadinfos.com/afrique/cooperation-avec-les-russes-la-centrafrique-accuse-la-france-de-linfantiliser/">Mme Baïpo-Temon constate</a> qu’il y a, depuis quelque temps, une tentative du ministre français d’«infantiliser» son pays. Elle rappelle que le <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20210531-centrafrique-macron-juge-le-pr%25C3%25A9sident-touad%25C3%25A9ra-otage-du-groupe-wagner">président Macron</a> avait déjà «accusé le président Touadéra d’être otage de la présence russe», ce qui est clairement faux. Elle souligne que la République Centrafricaine est un «pays autonome, indépendant, souverain et qu’elle est en droit de faire appel à des partenaires». Elle rappelle également que la présence russe dans le pays découle du refus d’autres pays de répondre à la demande du président Touadéra, en 2016, de maintenir la force Sangaris, dont le retrait avait précisément été demandé par M. Le Drian. Elle juge donc les propos de son homologue français «diffamatoires et mensongers» et condamne la «guerre informationnelle» menée par Paris. </p> <p>Quant aux accusations d’exactions qui auraient été commises par les membres du groupe Wagner au Centrafrique, elles se réfèrent à des rapports des Nations Unies extrêmement confus et contradictoires, ne parvenant pas à faire la distinction (et donc à attribuer des exactions souvent mal définies) entre les forces centrafricaines, les instructeurs russes, les membres de «Wagner» et l’ennemi! C’est pourquoi la République Centrafricaine a diligenté une enquête pour éclaircir la situation.</p> <p>Mme Baïpo-Temon rappelle également que toutes les troupes qui ont été engagées sur le territoire centrafricain ont commis des exactions, et qu’à ce stade le dossier de viols de mineurs par des membres (français) de la force Sangaris n’est pas encore clos. <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/centrafrique/militaires-accuses-de-viols-en-centrafrique/soupcons-de-viols-en-centrafrique-par-des-militaires-francais-l-affaire-en-cinq-dates_891067.html">Accusations</a> de <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/centrafrique/militaires-accuses-de-viols-en-centrafrique/soupcons-de-viols-par-des-soldats-francais-en-centrafrique-des-enfants-temoignent_909633.html">viol</a> dont les <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/centrafrique/militaires-accuses-de-viols-en-centrafrique/centrafrique-la-justice-francaise-enquete-sur-de-nouvelles-accusations-de-viols-par-des-soldats_1305418.html">militaires</a> <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/centrafrique/militaires-accuses-de-viols-en-centrafrique/centrafrique-nouvelles-accusations-d-abus-sexuels-pour-des-soldats-francais-et-de-l-onu_1387159.html">français</a> (alors sous la responsabilité de M. Le Drian!) ont fait, en France, l’objet d’une <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/centrafrique/militaires-accuses-de-viols-en-centrafrique/militaires-accuses-de-viol-en-centrafrique-les-parties-civiles-denoncent-une-enquete-lacunaire-et-partiale_2092071.html">enquête apparemment bâclée</a>, puis d’un <a href="https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/01/15/accusations-de-viols-contre-des-soldats-francais-en-centrafrique-non-lieu-ordonne_5241936_1653578.html">non-lieu pour le moins discutable</a>. </p> <p>Par ailleurs, le <a href="https://www.aa.com.tr/fr/afrique/centrafrique-l-assembl%25C3%25A9e-adresse-ses-remerciements-aux-paramilitaires-russes-de-la-soci%25C3%25A9t%25C3%25A9-wagner/2393941">Parlement centrafricain a adressé ses remerciements aux Russes</a> et semble satisfait de leur engagement, puisque le gouvernement leur a <a href="https://www.aa.com.tr/fr/afrique/centrafrique-inauguration-d-un-monument-%25C3%25A0-la-gloire-des-soldats-russes-/2435242">érigé un monument</a>. Cela n’empêchera pas certains médias, comme la <a href="https://www.rts.ch/info/monde/12830457-la-junte-au-pouvoir-au-mali-decide-dexpulser-lambassadeur-de-france.html?utm_source=pocket_mylist">RTS</a>, de relayer la propagande de Paris.</p> <p>En fait, la France surfe sur la vague russophobe actuelle pour tenter de s’imposer au Sahel. Cela lui a permis de <a href="https://www.france24.com/en/africa/20220113-france-presses-eu-to-agree-sanctions-against-mali-in-line-with-ecowas">faire pression</a> sur l’UE et la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) <a href="https://lejournaldelafrique.com/lafrique-daujourdhui/pourquoi-le-deploiement-de-wagner-au-mali-derange-loccident/">pour adopter des sanctions contre le Mali</a> et la firme Wagner. Le problème est que les sanctions <a href="https://reliefweb.int/report/mali/new-sanctions-risk-plunging-people-mali-further-humanitarian-crisis-warn-13-ngos">affectent dangereusement la population</a> civile, à dessein. Car il s’agit de la faire souffrir afin qu’elle se rebelle contre ses nouveaux dirigeants, comme le décrit clairement Richard Nephew, responsable des sanctions au Département d’Etat sous Barack Obama et délégué à l’Iran sous Joe Biden, dans son ouvrage intitulé <em><a href="https://www.amazon.com/Art-Sanctions-Center-Global-Energy/dp/0231180268">L’art des sanctions</a></em>, que l’on peut honnêtement qualifier de répugnant.</p> <h3>Conclusions</h3> <p>Nous sommes incapables de délivrer ce que nous avons promis, ni en termes de développement, ni en termes de sécurité.</p> <p>Nos systèmes démocratiques font que nos dirigeants évitent d’assumer leurs erreurs afin de les faire oublier et ainsi être réélus. C’est pourquoi, les dirigeants français évitent de rappeler que si le Mali a été sous la menace d’une «invasion» rebelle, c’est en grande partie parce que d’autres Français ont totalement déséquilibré la région en renversant Kadhafi. Ce n’est évidemment pas ce que des fanfarons sans intégrité comme BHL diront, mais c’est ce que les populations du Sahel pensent. Avec raison.</p> <p>Les soldats français morts au Sahel ne l’ont pas été pour le Mali, ni même pour la France, mais pour rattraper les erreurs de quelques «personnalités» irresponsables, <a href="http://www.crif.org/fr/lecrifenaction/Bernard-Henri-Levy-C-est-en-tant-que-juif-que-j-ai-participe-a-l-aventure-politique-en-Libye27038">vaniteuses</a> et <a href="https://www.gatestoneinstitute.org/1983/france-libya-attack">soucieuses</a> de leur seule gloire, qui pensent que la vie des autres est à leur service. </p> <p>La gouvernance de Kadhafi n’était certainement pas celle de la Suisse – tant s’en faut – mais elle avait le mérite de maintenir un équilibre entre tribus qui garantissait une stabilité régionale. Dans toute l’Afrique règne un équilibre instable entre des institutions inspirées par l’Occident et des structures coutumières. La gouvernance ne peut donc pas s’exercer exactement comme dans nos pays, et il est même à se demander s’il est souhaitable que cela le devienne. Il faut avoir vécu en Afrique (et avoir été attentif) pour le comprendre. En rompant cela, le président Sarkozy a déstabilisé l’ensemble d’une région (sans parler des migrations).</p> <p>La situation actuelle au Mali résulte de décisions stupides prises à Paris. Aujourd’hui, le gouvernement malien issu du putsch de mai 2021 n’est certainement pas la solution optimale, mais c’est celle que les Maliens souhaitent. Au lieu de les sanctionner et de pénaliser davantage un pays déjà pauvre, tentons de les accompagner vers le mieux.</p> <p>Nous menons des guerres sans rien construire. En Afghanistan, après vingt ans, le départ des Occidentaux a signifié l’effondrement du pays. Tout simplement parce que dans ce temps nous n’avons rien construit de pérenne: ni institutions, ni industrie, ni savoir-faire. </p> <p>En fait, nous agissons sans connaître, et sans stratégies. Après chaque mort en Afghanistan ou au Mali, on répète inlassablement que «les gars font du bon boulot!», mais on ne remet jamais en question la nature même de ce «boulot» et de ses objectifs. Comme disait Sun Tzu: «La tactique sans stratégie n’est que du bruit avant la défaite». </p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'vers-une-defaite-europeenne-en-afrique', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 427, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 8, 'person_id' => (int) 12844, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' }count - [internal], line ?? 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Analyse / Vers une défaite européenne en Afrique?
Le renvoi de l’ambassadeur de France au Mali et la politique d’une junte hostile à la présence militaire européenne constituent un événement majeur. Divers groupes djihadistes avancent dans plusieurs pays du Sahel. Dans plusieurs d’entre eux, des juntes militaires ont pris le pouvoir. Comme si le modèle plus ou moins démocratique soutenu par les Européens avait déçu et s’épuisait. Pourquoi cette défaite? Un Malien la résumait en une formule lors d’un débat sur RFI: «l’impuissance de la puissance».
Jacques Baud
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Les <a href="https://www.afr.com/politics/australia-can-scuttle-french-submarine-if-project-falters-20190211-h1b4bk">Australiens ont la possibilité de sortir du contrat</a> si les délais, les coûts ou les prestations ne sont pas respectés (3).</p> <p>Les SMA <em>Shortfin Barracuda</em> produits pour l’Australie sont une version diesel des Barracudas en service dans la Marine Nationale à propulsion nucléaire. Les Australiens préfèrent une propulsion conventionnelle, en accord avec leur politique anti-nucléaire et le respect du Traité de Non-Prolifération nucléaire (NPT). Par ailleurs, cela leur permettrait de faire mouiller leurs bâtiments dans les ports de la Nouvelle-Zélande voisine, qui n’accepte plus les navires porteurs d’armes nucléaires ou à propulsion nucléaire dans ses eaux territoriales.</p> <p>Le choix australien a des conséquences industrielles: les bâtiments commandés doivent subir d’importants changements structurels afin d’être adaptés à la propulsion diesel. Cela suppose des travaux d’ingénierie assortis d’un risque industriel qui s’exprime en éventuels retards et en surcoûts.</p> <h3>Les non-dits</h3> <p>A partir de là, le mécontentement des Australiens va croissant: le <em>Naval Group</em> a du retard dans la distribution des spécifications, dans la recherche de partenaires industriels en Australie, etc. Les Français ont-ils sous-estimés la difficulté? Ont-ils délibérément annoncé des délais courts et des coûts limités pour battre leurs concurrents en 2016?</p> <p>Toujours est-il que le projet prend du retard. De nombreux différends affectent les relations entre les deux partenaires. En 2018, les négociations sont tendues. L’insatisfaction des Australiens sur les questions de garantie et de transfert de technologie <a href="https://www.abc.net.au/news/2018-09-28/future-submarine-project-deadlocked-french-shipbuilder-digs-in/10311294">conduit Christopher Pyne, alors ministre de la Défense, à refuser de rencontrer</a> le ministre français des Armées, Florence Parly, et les représentants de Naval Group lors de leur visite en Australie (4). Le <em>Naval Shipbuilding Advisory Board</em>, conseille de préparer un «Plan B» en cas d’échec.</p> <p>En octobre 2019, huit mois après la signature de l’APS, la phase préparatoire du projet <a href="https://www.afr.com/politics/federal/submarine-program-hits-six-month-delay-20191023-p533gv">a déjà six mois de retar</a>d (5) et le projet fait l’objet d’un audit. En janvier 2020, <a href="https://www.afr.com/politics/federal/scathing-report-on-50b-submarine-project-20200114-p53rdo">le retard atteint neuf mois et les auditeurs conseillent au gouvernement d’abandonner le projet</a> et d’y trouver des alternatives (6). En fait, les Australiens ont toujours eu des doutes sur la capacité du Naval Group de remplir ses termes du contrat.</p> <p>Déjà <a href="https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwijy8bxwZLzAhVD_rsIHecuBG0QFnoECAMQAQ&url=https%3A%2F%2Fwww.afr.com%2Fpolitics%2Ffederal%2Fconcerns-over-french-subs-pledge-amid-defence-cash-crisis-20200225-p5441t&usg=AOvVaw2_6qB0nvGUOl4YnRLtPlx9">en février 2020, les Australiens s’inquiètent</a> des hausses de coût et craignent que les Français ne parviennent pas à atteindre les 60% de compensation industrielle promis (7).</p> <p>Parallèlement, la participation des entreprises australiennes au projet prend du retard. A tort ou à raison, les Australiens ont le sentiment que <em>Naval Group</em> <a href="https://www.afr.com/politics/federal/growing-alarm-aussie-firms-are-missing-out-on-submarine-work-20191003-p52x9f">privilégie des fournisseurs français</a> (8) et oublie les entreprises australiennes dans le cadre des affaires compensatoires. En juillet 2019, Linda Reynolds, ministre australienne de la Défense, <a href="https://www.afr.com/politics/federal/defence-minister-gets-frank-with-french-over-submarine-build-20190716-p527oi">faisait déjà part de ses inquiétudes à Florence Parly</a>, son homologue française: les cahiers des charges en vue des appels d’offres tardaient à arriver (9). </p> <p>En novembre 2020, <a href="https://www.afr.com/politics/federal/french-submarine-boss-exits-troubled-80b-project-20201124-p56hdj">Jean-Michel Billig, chef du projet chez Naval Group, quitte le projet</a> après de nombreux différends avec ses homologues australiens. Le coût du projet est passé de A$ 50 milliards à A$ 80 milliards (environ 50 milliards d’euros) (10).</p> <p>Or, en janvier 2021, selon le journal <em>Australian Financial Review</em>, après une augmentation de 60% du coût du projet, «<em>le Premier ministre Scott Morrison est de plus en plus exaspéré par le projet en difficulté de 80 milliards de dollars</em>» et <a href="https://www.afr.com/politics/federal/shot-across-the-bows-on-submarine-contract-20210117-p56uo9">craint d’être pris dans un gouffre financier sans fin</a>. Le journal révèle alors que le ministère australien de la Défense «examine la possibilité de remplacer les sous-marins de la classe Collins vieillissant par une version mise à jour du bateau d'origine et de rompre le contrat actuel avec les Français dans un contexte de frustration croissante face à l'explosion des coûts et aux délais non respectés (11)».</p> <p>En février 2021, le coût total du projet atteint A$ 90 milliards (56 milliards d’euros) le gouvernement australien <a href="https://www.afr.com/politics/federal/90b-french-subs-project-could-sink-20210224-p575e5">charge des officiers supérieurs d’examiner les options possibles pour sortir du contrat</a> avec Naval Group (12). L’idée d’un plan B, consistant à faire revaloriser les vieux sous-marins de la classe Collins avait été écartée en 2016, mais elle est revitalisée. <a href="https://www.afr.com/politics/federal/shot-across-the-bows-on-submarine-contract-20210117-p56uo9">On parle alors d’un projet «Fils de Collins»</a>, qui serait mis en œuvre par la firme Saab Kockums. La firme suédoise est engagée dans la revalorisation des sous-marins des Pays-Bas, qui devraient être prêts pour 2027-2028 (13).</p> <p>C’est ce qui explique qu’en avril 2021, le gouvernement australien refuse de signer la phase suivante du projet et met le Naval Group en demeure de se conformer à ses demandes de respect du contrat jusqu’à septembre 2021.</p> <p>Au début juin 2021, tout en déclarant rester engagé avec <em>Naval Group</em>, le ministère de la Défense australien évoque l’existence d’un «<a href="https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwiqzMb7wJLzAhVOgP0HHTx3BeYQFnoECAUQAQ&url=https%3A%2F%2Fwww.news.com.au%2Ftechnology%2Finnovation%2Fmilitary%2Fdefence-department-considering-a-plan-b-to-french-subs-senate-estimates-told%2Fnews-story%2F778969b5d3f1c5498e62bf0c3d6291d3&usg=AOvVaw20EDdGpYzZNgwqQNqp53DY">plan B</a>» aux sous-marins français, au cas où le programme serait dans une impasse (14). Le premier-ministre Scott Morrison annonce qu’il <a href="https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwi63MiXwZLzAhVJgf0HHejjDsYQFnoECAkQAQ&url=https%3A%2F%2Fwww.abc.net.au%2Fnews%2F2021-06-02%2Fdefence-contingency-planning-french-submarine-program-germans%2F100184644&usg=AOvVaw0Wig3X-YS9-gxYicH5BqDy">discutera la question de ce projet</a> directement avec Emmanuel Macron (15). Le 16 juin, il avertit alors le président français que <a href="https://www.abc.net.au/news/2021-06-16/scott-morrison-warns-france-submarine-deal-deadline/100221350">l’Australie pourrait se retirer du contrat</a> si le délai de septembre n’était pas respecté (16). En septembre, rien n’a réellement changé et l’Australie a activé son <em>plan B</em>.</p> <p>Ce que «Sco-Mo» n’a cependant pas dit à Emmanuel Macron est que depuis avril 2020, l’Australie travaille dans le plus grand secret sur une alternative avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Ainsi, le 12 juin, en Cornouailles, il a rencontré Joe Biden et Boris Johnson, pour <a href="https://www.abc.net.au/news/2021-09-16/australia-us-uk-nuclear-option-china-morrison-biden/100466150">discuter la possibilité d’un transfert de technologie pour la propulsion nucléaire</a> des sous-marins, ouvrant ainsi une nouvelle piste (17).</p> <p>Par la suite, au lieu de prendre contact avec le gouvernement français et <em>Naval Group</em> pour annoncer leur décision, les Australiens les ont placés devant le fait accompli. Quant aux Américains, le <em>New York Times</em> précise que «<a href="https://www.nytimes.com/2021/09/16/world/europe/france-australia-uk-us-submarines.html">L'administration Biden a déclaré qu'elle n'avait pas informé les dirigeants français au préalable, car il était clair qu'ils seraient mécontents de l'accord</a>.»</p> <h3>Les raisons techniques de la rupture</h3> <p>Le <a href="https://www.aph.gov.au/Parliamentary_Business/Committees/Joint/Treaties/FutureSubmarine-France/Report_169/section?id=committees%2freportjnt%2f024052%2f24456#footnote6target">retrait unilatéral de l’Australie n’est pas illégal et était prévu dans l’accord</a> signé avec Naval Group en 2016 (18): elle pouvait le faire à tout moment si le projet prenait du retard ou si les prestations prévues n’étaient pas fournies. Or:</p> <ul> <li>D’un coût prévu de 34 milliards d’euros en 2016, le projet est passé à 56 milliards d’euros en 2020, soit pas loin du double, alors que la production n’a pas même commencé et sans compter les coûts de maintenance;</li> <li>Déjà dans la phase initiale du projet, le projet a accumulé du retard et mettait en question la livraison du premier sous-marin pour 2034;</li> <li>La participation de l’industrie australienne, annoncée à 90% par Malcolm Turnbull, le Premier ministre de l’époque, en 2016, est tombée à 60% en 2020. Le problème est qu’en 2020, les spécifications devant permettre les appels d’offres ont eu du retard et les contrats promis avec les entreprises australiennes n’ont pas atteint les attentes du gouvernement. Naval Group justifie ce retard par l’absence de personnels et d’entreprises qualifiées en Australie.</li> </ul> <p>Donc, les Australiens ont pris peur en constatant que dans la phase initiale du projet les retards et les surcouts devenaient prohibitifs. Le projet a rapidement pris une tournure politique. Or, contrairement à la France où ce genre de problème n’est que rarement traité au Parlement, ce n’est pas le cas dans les pays anglo-saxons où le Parlement n’est pas simplement un instrument du pouvoir, mais exerce un contrôle sur l’exécutif.</p> <p>Ceux qui ont une expérience dans les marchés de défense savent que la France a malheureusement des pratiques commerciales qui ne sont pas de nature à inspirer la confiance. L’évaluation des coûts et des délais est souvent très aléatoire et souvent plus destinée à obtenir un marché qu’à refléter la réalité. C’est ce qui s’était passé en Suisse dans l’affaire des Mirage dans les années 60. La frustration des Australiens pourrait très bien s’expliquer par ces seuls éléments.</p> <h3>Les raisons stratégiques de la rupture</h3> <p>Depuis le mandat de Donald Trump, les Etats-Unis tentent de faire pression sur leurs alliés pour les contraindre à les suivre dans une politique qui vise à isoler la Chine et la Russie, dans le but de préserver leur rôle de «prima donna» dans le monde occidental. Les échecs successifs au Moyen-Orient, en Afghanistan et dans la crise de la CoViD-19 n’ont fait que stimuler cette stratégie, qui pourrait se résumer par: «A défaut de s’élever, on écrase les autres».</p> <p>On peut aisément imaginer que les Américains, ayant constaté les frictions dans le déroulement du projet, aient décidé de les exploiter pour reprendre la main avec l’Australie.</p> <p>L’Australie est un fidèle servant de la politique américaine dans le Pacifique. Mais elle a aussi des intérêts économiques et la Chine est son principal partenaire. Les Américains ont dû lui «tordre le bras» pour qu’elle renonce à la 5G de Huawei, mais <a href="https://www.reuters.com/article/australia-china-trade-idUSKBN27V023">sa signature de l’accord de libre-échange avec la Chine</a> en novembre 2020 a probablement été un signal d’avertissement pour Washington (19).</p> <p>Avec la crise de la CoViD-19, et la charge lancée par l’administration Trump contre la Chine, cette dernière est passée immédiatement au premier rang des préoccupations sécuritaires des Etats-Unis et de ses alliés. Alors que l’Australie cherchait des sous-marins électriques-diesel (SSK) à faible rayon d’action pour la protection de ses côtes, elle acquiert des sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire (SSN) destinés à opérer en mer de Chine. Les SSN ont un rayon d’action supérieur et peuvent rester sur zone plus longtemps que les SSK.</p> <p>Cela étant, l’Australie a probablement misé sur le mauvais cheval. Quitte à passer à la propulsion nucléaire avec les problèmes que cela suppose, elle aurait été mieux inspirée de transformer son contrat avec Naval Group et d’acheter des SSN Barracuda sur étagère, comme ceux de la marine française.</p> <p>En effet, la particularité des SSN français est de nécessiter de l’uranium faiblement enrichi (UFE), alors que la technologie américaine et britannique utilise de l’uranium hautement enrichi (>60%) (UHE). L’UFE peut être acquis commercialement sans problème, alors l’UHE ne peut être obtenu qu’auprès de certains fournisseurs: l’Australie n’aurait pas été dépendante de la France, mais elle le sera de ses partenaires anglo-saxons. Par ailleurs l’UHE exige une infrastructure de stockage particulièrement lourde. Ce n’est pas pour rien que la création de l’AUKUS a été annoncée presque simultanément: elle a – entre autres – pour objectif de fournir à l’Australie la garantie d’un approvisionnement durable en UHE.</p> <p>Pour l’Australie, il ne s’agit donc pas simplement d’un changement de modèle de sous-marin, mais de l’ensemble de sa stratégie de défense! D’une stratégie défensive le long de ses côtes, elle passe à une stratégie offensive avec la capacité «d’assiéger» les côtes chinoises. On est dans un concept totalement différent, et on comprend la réaction de la Chine.</p> <p>Or, la marine américaine a suffisamment de capacités pour marquer une présence au large des côtes chinoises et n’a pas besoin des sous-marins australiens. Ceux-ci ne sont donc pas essentiels: le problème, pour les Américains est d’avoir le plus de monde possible autour d’eux dans leur projet d’isoler la Chine. Exactement comme la participation européenne à la guerre en Irak ou en Afghanistan, les Australiens ne sont que – littéralement – des «faire-valoir».</p> <p>L’idée que la Chine pourrait devenir une menace militaire pour la région Asie-Pacifique est une obsession des Américains qui constatent depuis plusieurs années que la Chine menace leur leadership. En octobre 2020, Donald Trump avait mené les relations sino-américaines à un point tel que les services de renseignement américains estimaient que la Chine s’attendait à être attaquée militairement. C’est ce qui a forcé le général Mark Milley, Chef du Joint Chiefs of Staff, <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2021/09/14/peril-woodward-costa-trump-milley-china/">à appeler son homologue chinois le général Li Zuocheng,</a> pour lui affirmer que les Etats-Unis ne voulaient pas attaquer la Chine.</p> <p>On est donc loin des simples écarts de langage. Les Américains créent délibérément une tension. On peut penser ce que l’on veut du régime chinois, il n’en demeure pas moins que la Chine n’est pas un pays qui recherche une expansion géographique: elle n’a pas d’Histoire de volonté de conquête et même son idéologie communiste n’avait (ni n’a) la dimension messianique du marxisme russe. La détermination – qui nous choque en Occident – à limiter la croissance de sa population montre que la Chine ne veut pas être sous la pression de sa démographie.</p> <p>Quant à l’idée aujourd’hui répandue qu’elle rêverait d’envahir Taïwan, elle relève des fantasmes de l’Occident. La Chine considère Taïwan comme une partie de son territoire et elle entretient des relations commerciales très dynamiques avec elle. La Chine est de loin le principal client de l’île; de plus en plus de Taiwanais vont étudier dans les écoles d’ingénieur et les universités chinoises. La convergence croissante de leurs systèmes économiques fait que les raisons qui avaient dominé leurs relations durant le XXe siècle s’effacent progressivement. Car on peut – à juste titre – être opposé au système communiste, mais force est de constater que le système qui prévaut en Chine s’en éloigne de plus en plus. A terme, on peut s’attendre à ce que la Chine «phagocyte» Taiwan «en douceur», sans nécessiter une guerre couteuse et hasardeuse. La Chine n’est ni les Etats-Unis, ni la France…</p> <p>En réalité, les Américains cherchent à accroitre la pression sur la Chine. Comme l’indique un <a href="https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwikyajcwJLzAhW__7sIHX4bCC0QFnoECAMQAQ&url=https%3A%2F%2Fcarnegieendowment.org%2Ffiles%2FTellis_Blackwill.pdf&usg=AOvVaw2guO6srYO08RoJbYPW5jg7">document américain</a> du <em>Council on Foreign Relations</em> de 2015, les Etats-Unis applique une stratégie qui s’est déplacée du «soutien et coopération» vers la «pression et compétition (20)». Une fois de plus, il ne s’agit pas d’améliorer la situation globale, mais de détériorer celle de la Chine… même à notre détriment.</p> <p><a href="https://youtu.be/DORjtGzNvR4?t=76">Contrairement à ce qu’affirme Pascal Boniface</a>, l’Australie n’a pas peur de la Chine. Pourquoi devrait-elle? Il n’y a aucun différend territorial entre les deux pays, et la Chine est – et de loin – son principal partenaire commercial. On ne voit pas pourquoi, aujourd’hui, la Chine chercherait à s’y attaquer militairement ou à perturber ses voies commerciales. La situation est d’ailleurs tellement absurde qu’elle a fait l’objet d’un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=MTCqXlDjx18">sketch humoristique</a> (21).</p> <p>L’Australie n’est donc pas sous pression de la Chine. En revanche, elle l’est de la part des Etats-Unis qui considèrent que dans la rivalité qui les oppose à la Chine «on est soit avec eux, soit contre eux». Comme le dit <a href="https://youtu.be/oRlt1vbnXhQ?t=1552">John Mearsheimer</a> devant le <em>Centre for Independent Studies</em> (CIS) australien en août 2019 (22): «Si l'Australie se rangeait du côté de la Chine, vous seriez par définition un ennemi des Etats-Unis!» </p> <h3>Conclusions</h3> <p>En définitive, la décision de l’Australie est loin d’être optimale pour le pays: elle est en ligne avec la stratégie américaine dans le Pacifique, mais pas réellement avec ses propres besoins de défense. A moins que… en y regardant de plus près, l’Australie ne s’est pas alignée avec les Etats-Unis pour se protéger de la Chine, mais pour se protéger des Américains!...</p> <p>Ce qui nous amène à un autre problème. L’Australie a cédé, comme la France avait cédé en 2014 et été victime consentante du même jeu à l’égard de la Russie: c’est <a href="https://www.reuters.com/article/us-france-russia-mistral-idUSBREA4B08V20140512">sous la pression américaine que la France a dû renoncer à vendre ses navires Mistral</a> à la Russie. La France fait le jeu des Américains, mais pleure quand elle est victime de ce même jeu…</p> <p>En définitive, les Etats-Unis, on s’en serait douté, n’est pas une organisation de bienfaisance et avec certainement plus de sottise que de machiavélisme, ils agissent en fonction de leurs intérêts. Que ceux-ci soient légitimes et sages ou non est une autre question. En fait, le réel problème est notre gouvernance.</p> <p>On reproche aux Américains de faire cavalier seul et de ne pas respecter le «multilatéralisme», et on évoque leur retrait de Syrie en 2019, puis d’Afghanistan en 2021, sans consultation avec leurs alliés. C’est faux. En 2018, Trump avait annoncé qu’il allait retirer ses troupes dans l’espoir que ses alliés trouvent des solutions pour les Kurdes; mais les Européens n’ont strictement rien fait et en ont été réduits à fustiger le retrait en 2019. En Afghanistan, c’est un problème semblable: le retrait américain avait été négocié pour le 1<sup>er</sup> mai 2021 avec les Taliban; c’est parce que les Occidentaux n’ont pas respecté les termes de cet accord qu’ils se sont trouvés «pris de court» en août.</p> <p>Dans l’affaire des sous-marins, la France a été victime d’elle-même. Elle produit depuis des décennies des matériels de défense d’une qualité et d’une originalité remarquable. Elle en retire une légitime fierté, mais aussi une forme d’arrogance, qui la conduit à surévaluer l’attrait de ses produits. Car ils sont chers. Et si la logique militaire privilégie le meilleur pour la sécurité, la logique politique privilégie le plus acceptable budgétairement.</p> <p>Les Anglo-Saxons ont été pour le moins inélégants, mais l’incapacité du gouvernement français à anticiper la crise révèle de profond dysfonctionnement dans sa gouvernance. Comme dans le cas du terrorisme et de la CoViD-19, la France est incapable d’anticiper les problèmes. Avoir négligé l’effet des retards et de l’explosion des coûts tout en ignorant la capacité des Australiens à sortir du contrat est une erreur commerciale et politique. Car ces derniers ont simplement senti qu’ils s’acheminaient vers un scandale politico-financier. Le Drian a beau vociférer aujourd’hui: il est incapable de traiter les affaires sur un plan stratégique. Ceci étant, il n’est pas le seul. La Suisse a exactement le même problème…</p> <hr /> <p>(1) «France wins A$50bn Australia submarine contract», <em>BBC News</em>, 26 avril 2016</p> <p>(2) <a href="https://www.naval-group.com/fr/naval-group-signe-laccord-de-partenariat-strategique-avec-laustralie-639" target="_blank" rel="noopener">https://www.naval-group.com/fr/naval-group-signe-laccord-de-partenariat-strategique-avec-laustralie-639</a></p> <p>(3) Andrew Tillett, «Australia can scuttle French submarine if project falters», <a href="https://www.afr.com/politics/australia-can-scuttle-french-submarine-if-project-falters-20190211-h1b4bk" target="_blank" rel="noopener">Australian Financial Review</a>, 11 février 2019</p> <p>(4) Andrew Greene, «Future submarine project deadlocked as French shipbuilder digs in on $50 billion contract», <a href="https://www.abc.net.au/news/2018-09-28/future-submarine-project-deadlocked-french-shipbuilder-digs-in/10311294" target="_blank" rel="noopener">ABC News</a>, 27 septembre 2018 (mis à jour 28 septembre 2018)</p> <p>(5) Andrew Tillett, «Submarine program hits six-month delay», <a href="https://www.afr.com/politics/federal/submarine-program-hits-six-month-delay-20191023-p533gv" target="_blank" rel="noopener"><em>Australian Financial Review</em></a>, 23 octobre 2019 </p> <p>(6) Andrew Tillett, «$50b future submarine sinking in a sea of delays», <a href="https://www.afr.com/politics/federal/scathing-report-on-50b-submarine-project-20200114-p53rdo" target="_blank" rel="noopener"><em>Australian Financial Review</em></a>, 14 janvier 2020 </p> <p>(7) Andrew Tillett, «Concerns over French subs pledge amid defence cash crisis», <a href="https://www.afr.com/politics/federal/concerns-over-french-subs-pledge-amid-defence-cash-crisis-20200225-p5441t" target="_blank" rel="noopener"><em>Australian Financial Review</em></a>, 25 février 2020 </p> <p>(8) Andrew Tillett, «Growing alarm Aussie firms are missing out on submarine work», <a href="https://www.afr.com/politics/federal/growing-alarm-aussie-firms-are-missing-out-on-submarine-work-20191003-p52x9f" target="_blank" rel="noopener"><em>Australian Financial Review</em></a>, 3 octobre 2019</p> <p>(9) Andrew Tillett, «Defence Minister gets frank with French over submarine build», <a href="https://www.afr.com/politics/federal/defence-minister-gets-frank-with-french-over-submarine-build-20190716-p527oi" target="_blank" rel="noopener"><em>Australian Financial Review</em></a>, 16 juillet 2019 </p> <p>(10) Andrew Tillett, «French Submarine Boss Exits Troubled $80b Project (excerpt)», <a href="https://www.afr.com/politics/federal/french-submarine-boss-exits-troubled-80b-project-20201124-p56hdj" target="_blank" rel="noopener"><em>Australian Financial Review</em></a>, 24 novembre 2020 </p> <p>(11) Andrew Tillett, «Shot across the bows on submarine contract», <a href="https://www.afr.com/politics/federal/shot-across-the-bows-on-submarine-contract-20210117-p56uo9" target="_blank" rel="noopener"><em>Australian Financial Review</em></a>, 18 janvier 2021 </p> <p>(12) Andrew Tillett, «$90b French submarine project could sink», <a href="https://www.afr.com/politics/federal/90b-french-subs-project-could-sink-20210224-p575e5" target="_blank" rel="noopener"><em>Australian Financial Review</em></a>, 24 février 2021 </p> <p>(13) Andrew Tillett, «Shot across the bows on submarine contract», <a href="https://www.afr.com/politics/federal/shot-across-the-bows-on-submarine-contract-20210117-p56uo9" target="_blank" rel="noopener"><em>Australian Financial Review</em></a>, 18 janvier 2021 </p> <p>(14) Melissa Iaria, «Defence department considering a Plan B to French subs, senate estimates told», <em>The Australian</em>, 2 juin 2021</p> <p>(15) Andrew Greene, «Defence looking at alternatives to French submarines in case $90 billion program falters», <em>ABC News</em>, 2 juin 2021</p> <p>(16) Andrew Greene, «Scott Morrison warns France to meet multi-billion-dollar submarine deal deadline», <a href="https://www.abc.net.au/news/2021-06-16/scott-morrison-warns-france-submarine-deal-deadline/100221350" target="_blank" rel="noopener"><em>ABC News,</em></a> 16 juin 2021 </p> <p>(17) Andrew Probyn, «Australia's embrace of nuclear submarine technology cements role as regional foil against China», <a href="https://www.abc.net.au/news/2021-09-16/australia-us-uk-nuclear-option-china-morrison-biden/100466150" target="_blank" rel="noopener"><em>ABC News</em></a>, 16 septembre 2021 </p> <p>(18)<a href="https://www.aph.gov.au/Parliamentary_Business/Committees/Joint/Treaties/FutureSubmarine-France/Report_169/section?id=committees%2freportjnt%2f024052%2f24456#footnote6target" target="_blank" rel="noopener"> https://www.aph.gov.au/Parliamentary_Business/Committees/Joint/Treaties/FutureSubmarine-France/Report_169/section?id=committees%2freportjnt%2f024052%2f24456#footnote6target</a></p> <p>(19) Lidia Kelly, «Australia hopes Asia-Pacific trade deal will improve ties with China – report», <em>Reuters</em>, 15 novembre 2020</p> <p>(20) Robert D. Blackwill & Ashley J. Tellis, «Revising U.S. Grand Strategy Toward China», Council Special Report No. 72, <em>Council on Foreign Relations</em>, mars 2015</p> <p>(21) <a href="https://www.youtube.com/watch?v=MTCqXlDjx18" target="_blank" rel="noopener">https://www.youtube.com/watch?v=MTCqXlDjx18</a></p> <p>(22) <a href="https://youtu.be/oRlt1vbnXhQ?t=1552" target="_blank" rel="noopener">https://youtu.be/oRlt1vbnXhQ?t=1552</a></p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'sous-marins-francais-la-partie-immergee', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 734, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 8, 'person_id' => (int) 12844, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' }
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Les milieux politiques et militaires français évoquent de <a href="https://youtu.be/DORjtGzNvR4?t=58">manière très «franchouillarde» une «trahison»</a> et condamnent à l’unisson la décision australienne et fustigent le rôle pervers des Etats-Unis dans cette affaire. Comme d’habitude, on observe les modalités, sans analyser le fond des choses.</p> <p>Si on peut reprocher aux Américains et aux Australiens une manière une manière de procéder pour le moins sournoise et cavalière, il n’en demeure pas moins que les signes avant-coureurs d’une rupture étaient là et bien en évidence et que la France les a superbement ignorés. La France a laissé la situation dériver jusqu’au point où les Etats-Unis n’avaient pratiquement plus aucun effort à faire pour satisfaire leurs propres objectifs. En France, comme dans toutes les autres crises (terrorisme, CoViD-19, etc.) on néglige de traiter les problèmes au plan stratégique, on se contente de les traiter au coup-par-coup, on met la poussière sous le tapis et on pleurniche lorsque les choses prennent une mauvaise tournure.</p> <h3>Prélude</h3> <p>Depuis 2010, l’Australie cherche à acquérir une flotte de sous-marins modernes pour remplacer ses six bâtiments de la classe Collins vieillissants, construits par Saab.</p> <p>En avril 2016, <a href="https://www.bbc.com/news/world-australia-36136628">l’Australie sélectionne l’entreprise française Naval Group</a> en vue de la livraison de 12 sous-marins d’attaque (SMA) de la classe <em>Barracuda</em>, pour un montant total de 50 milliards de dollars australiens (soit 34 milliards d’euros) à l’horizon 2035 (1).</p> <p>La sélection du Naval Group est suivie en février 2019 par la <a href="https://www.naval-group.com/fr/naval-group-signe-laccord-de-partenariat-strategique-avec-laustralie-639">signature d’un Accord de partenariat stratégique</a> (APS) entre l’Australie et <em>Naval Group</em>, qui encadre la coopération entre les deux partenaires pour une durée de 50 ans (2).</p> <p>Il est alors prévu que la construction du premier sous-marin débutera à la fin 2023, ses essais en mer auront lieu en 2031 et qu’il sera complètement opérationnel à la fin 2034. Les <a href="https://www.afr.com/politics/australia-can-scuttle-french-submarine-if-project-falters-20190211-h1b4bk">Australiens ont la possibilité de sortir du contrat</a> si les délais, les coûts ou les prestations ne sont pas respectés (3).</p> <p>Les SMA <em>Shortfin Barracuda</em> produits pour l’Australie sont une version diesel des Barracudas en service dans la Marine Nationale à propulsion nucléaire. Les Australiens préfèrent une propulsion conventionnelle, en accord avec leur politique anti-nucléaire et le respect du Traité de Non-Prolifération nucléaire (NPT). Par ailleurs, cela leur permettrait de faire mouiller leurs bâtiments dans les ports de la Nouvelle-Zélande voisine, qui n’accepte plus les navires porteurs d’armes nucléaires ou à propulsion nucléaire dans ses eaux territoriales.</p> <p>Le choix australien a des conséquences industrielles: les bâtiments commandés doivent subir d’importants changements structurels afin d’être adaptés à la propulsion diesel. Cela suppose des travaux d’ingénierie assortis d’un risque industriel qui s’exprime en éventuels retards et en surcoûts.</p> <h3>Les non-dits</h3> <p>A partir de là, le mécontentement des Australiens va croissant: le <em>Naval Group</em> a du retard dans la distribution des spécifications, dans la recherche de partenaires industriels en Australie, etc. Les Français ont-ils sous-estimés la difficulté? Ont-ils délibérément annoncé des délais courts et des coûts limités pour battre leurs concurrents en 2016?</p> <p>Toujours est-il que le projet prend du retard. De nombreux différends affectent les relations entre les deux partenaires. En 2018, les négociations sont tendues. L’insatisfaction des Australiens sur les questions de garantie et de transfert de technologie <a href="https://www.abc.net.au/news/2018-09-28/future-submarine-project-deadlocked-french-shipbuilder-digs-in/10311294">conduit Christopher Pyne, alors ministre de la Défense, à refuser de rencontrer</a> le ministre français des Armées, Florence Parly, et les représentants de Naval Group lors de leur visite en Australie (4). Le <em>Naval Shipbuilding Advisory Board</em>, conseille de préparer un «Plan B» en cas d’échec.</p> <p>En octobre 2019, huit mois après la signature de l’APS, la phase préparatoire du projet <a href="https://www.afr.com/politics/federal/submarine-program-hits-six-month-delay-20191023-p533gv">a déjà six mois de retar</a>d (5) et le projet fait l’objet d’un audit. En janvier 2020, <a href="https://www.afr.com/politics/federal/scathing-report-on-50b-submarine-project-20200114-p53rdo">le retard atteint neuf mois et les auditeurs conseillent au gouvernement d’abandonner le projet</a> et d’y trouver des alternatives (6). En fait, les Australiens ont toujours eu des doutes sur la capacité du Naval Group de remplir ses termes du contrat.</p> <p>Déjà <a href="https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwijy8bxwZLzAhVD_rsIHecuBG0QFnoECAMQAQ&url=https%3A%2F%2Fwww.afr.com%2Fpolitics%2Ffederal%2Fconcerns-over-french-subs-pledge-amid-defence-cash-crisis-20200225-p5441t&usg=AOvVaw2_6qB0nvGUOl4YnRLtPlx9">en février 2020, les Australiens s’inquiètent</a> des hausses de coût et craignent que les Français ne parviennent pas à atteindre les 60% de compensation industrielle promis (7).</p> <p>Parallèlement, la participation des entreprises australiennes au projet prend du retard. A tort ou à raison, les Australiens ont le sentiment que <em>Naval Group</em> <a href="https://www.afr.com/politics/federal/growing-alarm-aussie-firms-are-missing-out-on-submarine-work-20191003-p52x9f">privilégie des fournisseurs français</a> (8) et oublie les entreprises australiennes dans le cadre des affaires compensatoires. En juillet 2019, Linda Reynolds, ministre australienne de la Défense, <a href="https://www.afr.com/politics/federal/defence-minister-gets-frank-with-french-over-submarine-build-20190716-p527oi">faisait déjà part de ses inquiétudes à Florence Parly</a>, son homologue française: les cahiers des charges en vue des appels d’offres tardaient à arriver (9). </p> <p>En novembre 2020, <a href="https://www.afr.com/politics/federal/french-submarine-boss-exits-troubled-80b-project-20201124-p56hdj">Jean-Michel Billig, chef du projet chez Naval Group, quitte le projet</a> après de nombreux différends avec ses homologues australiens. Le coût du projet est passé de A$ 50 milliards à A$ 80 milliards (environ 50 milliards d’euros) (10).</p> <p>Or, en janvier 2021, selon le journal <em>Australian Financial Review</em>, après une augmentation de 60% du coût du projet, «<em>le Premier ministre Scott Morrison est de plus en plus exaspéré par le projet en difficulté de 80 milliards de dollars</em>» et <a href="https://www.afr.com/politics/federal/shot-across-the-bows-on-submarine-contract-20210117-p56uo9">craint d’être pris dans un gouffre financier sans fin</a>. Le journal révèle alors que le ministère australien de la Défense «examine la possibilité de remplacer les sous-marins de la classe Collins vieillissant par une version mise à jour du bateau d'origine et de rompre le contrat actuel avec les Français dans un contexte de frustration croissante face à l'explosion des coûts et aux délais non respectés (11)».</p> <p>En février 2021, le coût total du projet atteint A$ 90 milliards (56 milliards d’euros) le gouvernement australien <a href="https://www.afr.com/politics/federal/90b-french-subs-project-could-sink-20210224-p575e5">charge des officiers supérieurs d’examiner les options possibles pour sortir du contrat</a> avec Naval Group (12). L’idée d’un plan B, consistant à faire revaloriser les vieux sous-marins de la classe Collins avait été écartée en 2016, mais elle est revitalisée. <a href="https://www.afr.com/politics/federal/shot-across-the-bows-on-submarine-contract-20210117-p56uo9">On parle alors d’un projet «Fils de Collins»</a>, qui serait mis en œuvre par la firme Saab Kockums. La firme suédoise est engagée dans la revalorisation des sous-marins des Pays-Bas, qui devraient être prêts pour 2027-2028 (13).</p> <p>C’est ce qui explique qu’en avril 2021, le gouvernement australien refuse de signer la phase suivante du projet et met le Naval Group en demeure de se conformer à ses demandes de respect du contrat jusqu’à septembre 2021.</p> <p>Au début juin 2021, tout en déclarant rester engagé avec <em>Naval Group</em>, le ministère de la Défense australien évoque l’existence d’un «<a href="https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwiqzMb7wJLzAhVOgP0HHTx3BeYQFnoECAUQAQ&url=https%3A%2F%2Fwww.news.com.au%2Ftechnology%2Finnovation%2Fmilitary%2Fdefence-department-considering-a-plan-b-to-french-subs-senate-estimates-told%2Fnews-story%2F778969b5d3f1c5498e62bf0c3d6291d3&usg=AOvVaw20EDdGpYzZNgwqQNqp53DY">plan B</a>» aux sous-marins français, au cas où le programme serait dans une impasse (14). Le premier-ministre Scott Morrison annonce qu’il <a href="https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwi63MiXwZLzAhVJgf0HHejjDsYQFnoECAkQAQ&url=https%3A%2F%2Fwww.abc.net.au%2Fnews%2F2021-06-02%2Fdefence-contingency-planning-french-submarine-program-germans%2F100184644&usg=AOvVaw0Wig3X-YS9-gxYicH5BqDy">discutera la question de ce projet</a> directement avec Emmanuel Macron (15). Le 16 juin, il avertit alors le président français que <a href="https://www.abc.net.au/news/2021-06-16/scott-morrison-warns-france-submarine-deal-deadline/100221350">l’Australie pourrait se retirer du contrat</a> si le délai de septembre n’était pas respecté (16). En septembre, rien n’a réellement changé et l’Australie a activé son <em>plan B</em>.</p> <p>Ce que «Sco-Mo» n’a cependant pas dit à Emmanuel Macron est que depuis avril 2020, l’Australie travaille dans le plus grand secret sur une alternative avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Ainsi, le 12 juin, en Cornouailles, il a rencontré Joe Biden et Boris Johnson, pour <a href="https://www.abc.net.au/news/2021-09-16/australia-us-uk-nuclear-option-china-morrison-biden/100466150">discuter la possibilité d’un transfert de technologie pour la propulsion nucléaire</a> des sous-marins, ouvrant ainsi une nouvelle piste (17).</p> <p>Par la suite, au lieu de prendre contact avec le gouvernement français et <em>Naval Group</em> pour annoncer leur décision, les Australiens les ont placés devant le fait accompli. Quant aux Américains, le <em>New York Times</em> précise que «<a href="https://www.nytimes.com/2021/09/16/world/europe/france-australia-uk-us-submarines.html">L'administration Biden a déclaré qu'elle n'avait pas informé les dirigeants français au préalable, car il était clair qu'ils seraient mécontents de l'accord</a>.»</p> <h3>Les raisons techniques de la rupture</h3> <p>Le <a href="https://www.aph.gov.au/Parliamentary_Business/Committees/Joint/Treaties/FutureSubmarine-France/Report_169/section?id=committees%2freportjnt%2f024052%2f24456#footnote6target">retrait unilatéral de l’Australie n’est pas illégal et était prévu dans l’accord</a> signé avec Naval Group en 2016 (18): elle pouvait le faire à tout moment si le projet prenait du retard ou si les prestations prévues n’étaient pas fournies. Or:</p> <ul> <li>D’un coût prévu de 34 milliards d’euros en 2016, le projet est passé à 56 milliards d’euros en 2020, soit pas loin du double, alors que la production n’a pas même commencé et sans compter les coûts de maintenance;</li> <li>Déjà dans la phase initiale du projet, le projet a accumulé du retard et mettait en question la livraison du premier sous-marin pour 2034;</li> <li>La participation de l’industrie australienne, annoncée à 90% par Malcolm Turnbull, le Premier ministre de l’époque, en 2016, est tombée à 60% en 2020. Le problème est qu’en 2020, les spécifications devant permettre les appels d’offres ont eu du retard et les contrats promis avec les entreprises australiennes n’ont pas atteint les attentes du gouvernement. Naval Group justifie ce retard par l’absence de personnels et d’entreprises qualifiées en Australie.</li> </ul> <p>Donc, les Australiens ont pris peur en constatant que dans la phase initiale du projet les retards et les surcouts devenaient prohibitifs. Le projet a rapidement pris une tournure politique. Or, contrairement à la France où ce genre de problème n’est que rarement traité au Parlement, ce n’est pas le cas dans les pays anglo-saxons où le Parlement n’est pas simplement un instrument du pouvoir, mais exerce un contrôle sur l’exécutif.</p> <p>Ceux qui ont une expérience dans les marchés de défense savent que la France a malheureusement des pratiques commerciales qui ne sont pas de nature à inspirer la confiance. L’évaluation des coûts et des délais est souvent très aléatoire et souvent plus destinée à obtenir un marché qu’à refléter la réalité. C’est ce qui s’était passé en Suisse dans l’affaire des Mirage dans les années 60. La frustration des Australiens pourrait très bien s’expliquer par ces seuls éléments.</p> <h3>Les raisons stratégiques de la rupture</h3> <p>Depuis le mandat de Donald Trump, les Etats-Unis tentent de faire pression sur leurs alliés pour les contraindre à les suivre dans une politique qui vise à isoler la Chine et la Russie, dans le but de préserver leur rôle de «prima donna» dans le monde occidental. Les échecs successifs au Moyen-Orient, en Afghanistan et dans la crise de la CoViD-19 n’ont fait que stimuler cette stratégie, qui pourrait se résumer par: «A défaut de s’élever, on écrase les autres».</p> <p>On peut aisément imaginer que les Américains, ayant constaté les frictions dans le déroulement du projet, aient décidé de les exploiter pour reprendre la main avec l’Australie.</p> <p>L’Australie est un fidèle servant de la politique américaine dans le Pacifique. Mais elle a aussi des intérêts économiques et la Chine est son principal partenaire. Les Américains ont dû lui «tordre le bras» pour qu’elle renonce à la 5G de Huawei, mais <a href="https://www.reuters.com/article/australia-china-trade-idUSKBN27V023">sa signature de l’accord de libre-échange avec la Chine</a> en novembre 2020 a probablement été un signal d’avertissement pour Washington (19).</p> <p>Avec la crise de la CoViD-19, et la charge lancée par l’administration Trump contre la Chine, cette dernière est passée immédiatement au premier rang des préoccupations sécuritaires des Etats-Unis et de ses alliés. Alors que l’Australie cherchait des sous-marins électriques-diesel (SSK) à faible rayon d’action pour la protection de ses côtes, elle acquiert des sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire (SSN) destinés à opérer en mer de Chine. Les SSN ont un rayon d’action supérieur et peuvent rester sur zone plus longtemps que les SSK.</p> <p>Cela étant, l’Australie a probablement misé sur le mauvais cheval. Quitte à passer à la propulsion nucléaire avec les problèmes que cela suppose, elle aurait été mieux inspirée de transformer son contrat avec Naval Group et d’acheter des SSN Barracuda sur étagère, comme ceux de la marine française.</p> <p>En effet, la particularité des SSN français est de nécessiter de l’uranium faiblement enrichi (UFE), alors que la technologie américaine et britannique utilise de l’uranium hautement enrichi (>60%) (UHE). L’UFE peut être acquis commercialement sans problème, alors l’UHE ne peut être obtenu qu’auprès de certains fournisseurs: l’Australie n’aurait pas été dépendante de la France, mais elle le sera de ses partenaires anglo-saxons. Par ailleurs l’UHE exige une infrastructure de stockage particulièrement lourde. Ce n’est pas pour rien que la création de l’AUKUS a été annoncée presque simultanément: elle a – entre autres – pour objectif de fournir à l’Australie la garantie d’un approvisionnement durable en UHE.</p> <p>Pour l’Australie, il ne s’agit donc pas simplement d’un changement de modèle de sous-marin, mais de l’ensemble de sa stratégie de défense! D’une stratégie défensive le long de ses côtes, elle passe à une stratégie offensive avec la capacité «d’assiéger» les côtes chinoises. On est dans un concept totalement différent, et on comprend la réaction de la Chine.</p> <p>Or, la marine américaine a suffisamment de capacités pour marquer une présence au large des côtes chinoises et n’a pas besoin des sous-marins australiens. Ceux-ci ne sont donc pas essentiels: le problème, pour les Américains est d’avoir le plus de monde possible autour d’eux dans leur projet d’isoler la Chine. Exactement comme la participation européenne à la guerre en Irak ou en Afghanistan, les Australiens ne sont que – littéralement – des «faire-valoir».</p> <p>L’idée que la Chine pourrait devenir une menace militaire pour la région Asie-Pacifique est une obsession des Américains qui constatent depuis plusieurs années que la Chine menace leur leadership. En octobre 2020, Donald Trump avait mené les relations sino-américaines à un point tel que les services de renseignement américains estimaient que la Chine s’attendait à être attaquée militairement. C’est ce qui a forcé le général Mark Milley, Chef du Joint Chiefs of Staff, <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2021/09/14/peril-woodward-costa-trump-milley-china/">à appeler son homologue chinois le général Li Zuocheng,</a> pour lui affirmer que les Etats-Unis ne voulaient pas attaquer la Chine.</p> <p>On est donc loin des simples écarts de langage. Les Américains créent délibérément une tension. On peut penser ce que l’on veut du régime chinois, il n’en demeure pas moins que la Chine n’est pas un pays qui recherche une expansion géographique: elle n’a pas d’Histoire de volonté de conquête et même son idéologie communiste n’avait (ni n’a) la dimension messianique du marxisme russe. La détermination – qui nous choque en Occident – à limiter la croissance de sa population montre que la Chine ne veut pas être sous la pression de sa démographie.</p> <p>Quant à l’idée aujourd’hui répandue qu’elle rêverait d’envahir Taïwan, elle relève des fantasmes de l’Occident. La Chine considère Taïwan comme une partie de son territoire et elle entretient des relations commerciales très dynamiques avec elle. La Chine est de loin le principal client de l’île; de plus en plus de Taiwanais vont étudier dans les écoles d’ingénieur et les universités chinoises. La convergence croissante de leurs systèmes économiques fait que les raisons qui avaient dominé leurs relations durant le XXe siècle s’effacent progressivement. Car on peut – à juste titre – être opposé au système communiste, mais force est de constater que le système qui prévaut en Chine s’en éloigne de plus en plus. A terme, on peut s’attendre à ce que la Chine «phagocyte» Taiwan «en douceur», sans nécessiter une guerre couteuse et hasardeuse. La Chine n’est ni les Etats-Unis, ni la France…</p> <p>En réalité, les Américains cherchent à accroitre la pression sur la Chine. Comme l’indique un <a href="https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwikyajcwJLzAhW__7sIHX4bCC0QFnoECAMQAQ&url=https%3A%2F%2Fcarnegieendowment.org%2Ffiles%2FTellis_Blackwill.pdf&usg=AOvVaw2guO6srYO08RoJbYPW5jg7">document américain</a> du <em>Council on Foreign Relations</em> de 2015, les Etats-Unis applique une stratégie qui s’est déplacée du «soutien et coopération» vers la «pression et compétition (20)». Une fois de plus, il ne s’agit pas d’améliorer la situation globale, mais de détériorer celle de la Chine… même à notre détriment.</p> <p><a href="https://youtu.be/DORjtGzNvR4?t=76">Contrairement à ce qu’affirme Pascal Boniface</a>, l’Australie n’a pas peur de la Chine. Pourquoi devrait-elle? Il n’y a aucun différend territorial entre les deux pays, et la Chine est – et de loin – son principal partenaire commercial. On ne voit pas pourquoi, aujourd’hui, la Chine chercherait à s’y attaquer militairement ou à perturber ses voies commerciales. La situation est d’ailleurs tellement absurde qu’elle a fait l’objet d’un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=MTCqXlDjx18">sketch humoristique</a> (21).</p> <p>L’Australie n’est donc pas sous pression de la Chine. En revanche, elle l’est de la part des Etats-Unis qui considèrent que dans la rivalité qui les oppose à la Chine «on est soit avec eux, soit contre eux». Comme le dit <a href="https://youtu.be/oRlt1vbnXhQ?t=1552">John Mearsheimer</a> devant le <em>Centre for Independent Studies</em> (CIS) australien en août 2019 (22): «Si l'Australie se rangeait du côté de la Chine, vous seriez par définition un ennemi des Etats-Unis!» </p> <h3>Conclusions</h3> <p>En définitive, la décision de l’Australie est loin d’être optimale pour le pays: elle est en ligne avec la stratégie américaine dans le Pacifique, mais pas réellement avec ses propres besoins de défense. A moins que… en y regardant de plus près, l’Australie ne s’est pas alignée avec les Etats-Unis pour se protéger de la Chine, mais pour se protéger des Américains!...</p> <p>Ce qui nous amène à un autre problème. L’Australie a cédé, comme la France avait cédé en 2014 et été victime consentante du même jeu à l’égard de la Russie: c’est <a href="https://www.reuters.com/article/us-france-russia-mistral-idUSBREA4B08V20140512">sous la pression américaine que la France a dû renoncer à vendre ses navires Mistral</a> à la Russie. La France fait le jeu des Américains, mais pleure quand elle est victime de ce même jeu…</p> <p>En définitive, les Etats-Unis, on s’en serait douté, n’est pas une organisation de bienfaisance et avec certainement plus de sottise que de machiavélisme, ils agissent en fonction de leurs intérêts. Que ceux-ci soient légitimes et sages ou non est une autre question. En fait, le réel problème est notre gouvernance.</p> <p>On reproche aux Américains de faire cavalier seul et de ne pas respecter le «multilatéralisme», et on évoque leur retrait de Syrie en 2019, puis d’Afghanistan en 2021, sans consultation avec leurs alliés. C’est faux. En 2018, Trump avait annoncé qu’il allait retirer ses troupes dans l’espoir que ses alliés trouvent des solutions pour les Kurdes; mais les Européens n’ont strictement rien fait et en ont été réduits à fustiger le retrait en 2019. En Afghanistan, c’est un problème semblable: le retrait américain avait été négocié pour le 1<sup>er</sup> mai 2021 avec les Taliban; c’est parce que les Occidentaux n’ont pas respecté les termes de cet accord qu’ils se sont trouvés «pris de court» en août.</p> <p>Dans l’affaire des sous-marins, la France a été victime d’elle-même. Elle produit depuis des décennies des matériels de défense d’une qualité et d’une originalité remarquable. Elle en retire une légitime fierté, mais aussi une forme d’arrogance, qui la conduit à surévaluer l’attrait de ses produits. Car ils sont chers. Et si la logique militaire privilégie le meilleur pour la sécurité, la logique politique privilégie le plus acceptable budgétairement.</p> <p>Les Anglo-Saxons ont été pour le moins inélégants, mais l’incapacité du gouvernement français à anticiper la crise révèle de profond dysfonctionnement dans sa gouvernance. Comme dans le cas du terrorisme et de la CoViD-19, la France est incapable d’anticiper les problèmes. Avoir négligé l’effet des retards et de l’explosion des coûts tout en ignorant la capacité des Australiens à sortir du contrat est une erreur commerciale et politique. Car ces derniers ont simplement senti qu’ils s’acheminaient vers un scandale politico-financier. Le Drian a beau vociférer aujourd’hui: il est incapable de traiter les affaires sur un plan stratégique. Ceci étant, il n’est pas le seul. La Suisse a exactement le même problème…</p> <hr /> <p>(1) «France wins A$50bn Australia submarine contract», <em>BBC News</em>, 26 avril 2016</p> <p>(2) <a href="https://www.naval-group.com/fr/naval-group-signe-laccord-de-partenariat-strategique-avec-laustralie-639" target="_blank" rel="noopener">https://www.naval-group.com/fr/naval-group-signe-laccord-de-partenariat-strategique-avec-laustralie-639</a></p> <p>(3) Andrew Tillett, «Australia can scuttle French submarine if project falters», <a href="https://www.afr.com/politics/australia-can-scuttle-french-submarine-if-project-falters-20190211-h1b4bk" target="_blank" rel="noopener">Australian Financial Review</a>, 11 février 2019</p> <p>(4) Andrew Greene, «Future submarine project deadlocked as French shipbuilder digs in on $50 billion contract», <a href="https://www.abc.net.au/news/2018-09-28/future-submarine-project-deadlocked-french-shipbuilder-digs-in/10311294" target="_blank" rel="noopener">ABC News</a>, 27 septembre 2018 (mis à jour 28 septembre 2018)</p> <p>(5) Andrew Tillett, «Submarine program hits six-month delay», <a href="https://www.afr.com/politics/federal/submarine-program-hits-six-month-delay-20191023-p533gv" target="_blank" rel="noopener"><em>Australian Financial Review</em></a>, 23 octobre 2019 </p> <p>(6) Andrew Tillett, «$50b future submarine sinking in a sea of delays», <a href="https://www.afr.com/politics/federal/scathing-report-on-50b-submarine-project-20200114-p53rdo" target="_blank" rel="noopener"><em>Australian Financial Review</em></a>, 14 janvier 2020 </p> <p>(7) Andrew Tillett, «Concerns over French subs pledge amid defence cash crisis», <a href="https://www.afr.com/politics/federal/concerns-over-french-subs-pledge-amid-defence-cash-crisis-20200225-p5441t" target="_blank" rel="noopener"><em>Australian Financial Review</em></a>, 25 février 2020 </p> <p>(8) Andrew Tillett, «Growing alarm Aussie firms are missing out on submarine work», <a href="https://www.afr.com/politics/federal/growing-alarm-aussie-firms-are-missing-out-on-submarine-work-20191003-p52x9f" target="_blank" rel="noopener"><em>Australian Financial Review</em></a>, 3 octobre 2019</p> <p>(9) Andrew Tillett, «Defence Minister gets frank with French over submarine build», <a href="https://www.afr.com/politics/federal/defence-minister-gets-frank-with-french-over-submarine-build-20190716-p527oi" target="_blank" rel="noopener"><em>Australian Financial Review</em></a>, 16 juillet 2019 </p> <p>(10) Andrew Tillett, «French Submarine Boss Exits Troubled $80b Project (excerpt)», <a href="https://www.afr.com/politics/federal/french-submarine-boss-exits-troubled-80b-project-20201124-p56hdj" target="_blank" rel="noopener"><em>Australian Financial Review</em></a>, 24 novembre 2020 </p> <p>(11) Andrew Tillett, «Shot across the bows on submarine contract», <a href="https://www.afr.com/politics/federal/shot-across-the-bows-on-submarine-contract-20210117-p56uo9" target="_blank" rel="noopener"><em>Australian Financial Review</em></a>, 18 janvier 2021 </p> <p>(12) Andrew Tillett, «$90b French submarine project could sink», <a href="https://www.afr.com/politics/federal/90b-french-subs-project-could-sink-20210224-p575e5" target="_blank" rel="noopener"><em>Australian Financial Review</em></a>, 24 février 2021 </p> <p>(13) Andrew Tillett, «Shot across the bows on submarine contract», <a href="https://www.afr.com/politics/federal/shot-across-the-bows-on-submarine-contract-20210117-p56uo9" target="_blank" rel="noopener"><em>Australian Financial Review</em></a>, 18 janvier 2021 </p> <p>(14) Melissa Iaria, «Defence department considering a Plan B to French subs, senate estimates told», <em>The Australian</em>, 2 juin 2021</p> <p>(15) Andrew Greene, «Defence looking at alternatives to French submarines in case $90 billion program falters», <em>ABC News</em>, 2 juin 2021</p> <p>(16) Andrew Greene, «Scott Morrison warns France to meet multi-billion-dollar submarine deal deadline», <a href="https://www.abc.net.au/news/2021-06-16/scott-morrison-warns-france-submarine-deal-deadline/100221350" target="_blank" rel="noopener"><em>ABC News,</em></a> 16 juin 2021 </p> <p>(17) Andrew Probyn, «Australia's embrace of nuclear submarine technology cements role as regional foil against China», <a href="https://www.abc.net.au/news/2021-09-16/australia-us-uk-nuclear-option-china-morrison-biden/100466150" target="_blank" rel="noopener"><em>ABC News</em></a>, 16 septembre 2021 </p> <p>(18)<a href="https://www.aph.gov.au/Parliamentary_Business/Committees/Joint/Treaties/FutureSubmarine-France/Report_169/section?id=committees%2freportjnt%2f024052%2f24456#footnote6target" target="_blank" rel="noopener"> https://www.aph.gov.au/Parliamentary_Business/Committees/Joint/Treaties/FutureSubmarine-France/Report_169/section?id=committees%2freportjnt%2f024052%2f24456#footnote6target</a></p> <p>(19) Lidia Kelly, «Australia hopes Asia-Pacific trade deal will improve ties with China – report», <em>Reuters</em>, 15 novembre 2020</p> <p>(20) Robert D. Blackwill & Ashley J. Tellis, «Revising U.S. Grand Strategy Toward China», Council Special Report No. 72, <em>Council on Foreign Relations</em>, mars 2015</p> <p>(21) <a href="https://www.youtube.com/watch?v=MTCqXlDjx18" target="_blank" rel="noopener">https://www.youtube.com/watch?v=MTCqXlDjx18</a></p> <p>(22) <a href="https://youtu.be/oRlt1vbnXhQ?t=1552" target="_blank" rel="noopener">https://youtu.be/oRlt1vbnXhQ?t=1552</a></p>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'sous-marins-francais-la-partie-immergee', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 734, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 8, 'person_id' => (int) 12844, 'post_type_id' => (int) 1, 'post_type' => object(App\Model\Entity\PostType) {}, 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 3 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' }count - [internal], line ?? 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Analyse / Sous-marins français: la partie immergée
Le 15 septembre 2021, les Australiens font savoir à la France qu’ils rompent le «contrat du siècle» de 56 milliards d’euros avec son groupe industriel Naval Group et achèteront leurs sous-marins aux Etats-Unis. Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian parle alors d’un «coup dans le dos» et laisse entendre que la décision est arrivée sans préavis. Dans le sillage de cette décision australienne, les Etats-Unis annoncent la création d’une nouvelle alliance visant à lutter contre l’influence chinoise dans la zone Asie-Pacifique.
Jacques Baud