Culture / «Platzspitzbaby»: les enfants de la drogue qui s’en seront sortis
Les actrices Luna Mwezi (12 ans) et Sarah Spale (39 ans) incarnent Mia et sa mère. © Aliocha Merker
Dans son film, Pierre Monnard relate, avec quelques libertés d’adaptation, l’histoire autobiographique de Michelle Halbheer, fille d’une mère toxicomane qui fréquentait le Platzspitz de Zurich. Entre ses quelques défauts et ses nombreuses qualités, «Platzspitzbaby» − «Les enfants du Platzspitz» − est une œuvre poignante. Le portrait d’une enfance meurtrie que la vie rattrape malgré tout.
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Il se ruine, il est boudé, ridicule, mais sait prendre sa revanche sur la critique, en s’élevant là où il se voyait déjà, «en haut de l’affiche». Rolls, fourrures, Vegas, mais aussi travail et encore travail, sans oublier les drames et un malheur qui le poursuit. Et le film s’achève, à l’aube des années 70.</p> <h3>Critique</h3> <p>Si j'avais été grincheux, j’aurais dit que le film était un raté grotesque, dirigé par une équipe d’amateurs, interprété selon une performance proche de celle des kermesses, rythmé de façon banale, sans originalité aucune, ne sachant pas rendre à l’écran une once de qui fut ce «Monsieur Aznavour», pompeusement nommé, ni de son œuvre infiniment plus riche que celle qui passe comme une musique de fond sous le jeu d’un acteur qui singe Aznavour. Mais je ne suis pas grincheux. Le film est bien décevant sous certains aspects, il comporte bien des problèmes tant au niveau du jeu que de la réalisation. <i>Et pourtant, pourtant…</i> ce film a du cœur.</p> <p>Aussi, être grincheux face à cette équipe de jeunes qui aiment sincèrement Aznavour et qui se sont donnés de la peine pour réaliser ce film, ce serait jouer les scribouillards qui critiquent tout sans avoir jamais rien fait par soi. La critique aurait eu de quoi se déchaîner si le film et son équipe étaient prétentieux. <i>Et pourtant, pourtant…</i> il n’en est rien. Etre grincheux, c’eût été encore faire le jeu de ces critiques qui s’en prenaient à Aznavour lui-même en écrivant, pour l’un d'eux cité dans le film, «comment peut-on laisser un infirme chanter?», avant de venir présenter ses excuses à un Aznavour bonhomme qui n’en tient pas rigueur et qui offre même une coupe de champagne à son détracteur.</p> <p><i>Et pourtant, pourtant…</i> disons ce qu’il y a à dire. Le jeu de Tahar Rahim, avec les qualités de ses défauts, est davantage une imitation, parfois exagérée aux confins du ridicule, qu’une interprétation. Sans parler des colères surfaites de Charles qui auraient eu davantage leur place sur des planches de théâtre que sur un plateau de cinéma. Quant à la famille Aznavourian et leur entourage, jamais n’a été livrée une mise en scène aussi caricaturale des gentils Arméniens qui aiment la poésie et les fêtes, et qui sont très pauvres mais vraiment très très gentils, généreux et accueillants alors. On est à la limite du racisme.</p> <p>La musique et les paroles d’Aznavour passent comme une bande-son qui font compagnie aux images. Et la trame est agencée sans aucune originalité. Comme un défilé de clowns, on voit tantôt apparaître un Johnny Hallyday, tantôt un Sinatra, tantôt tel compositeur, tel imprésario, telle femme à séduire, telle autre qui viennent remplir la scénario d’une lourdeur insupportable.</p> <p><i>Et pourtant, pourtant…</i>, le film a certes du cœur, et c’est l’essentiel, mais il compte aussi de réelles qualités. Si aucun acteur adulte ne crève l’écran, les enfants eux, notamment les interprètes de Charles et de sa sœur, sont fascinants tant ils inspirent de la sympathie, mais surtout tant ils rendent le sentiment et la vie de l’époque où les Aznavourian étaient des réfugiés en terre de France.</p> <p>Autre grande qualité du film par son scénario, c’est la complexité avec laquelle est dépeinte l’artiste: loin d’être idéalisé, il est montré dans sa gloire, certes, mais aussi dans ses échecs, ses erreurs et avec une tristesse qui le suit jusqu’au sommet. 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Quand on admire une personnalité, on aime partager, ou en l’occurrence repartager, ses joies dans ses conquêtes professionnelles ou amoureuses, et pleurer avec elle sur ses misères, comme le décès de son fils Patrick, qui a donné lieu d’ailleurs à «<a href="https://www.youtube.com/watch?v=Ll-C2ExMBXs" target="_blank" rel="noopener">L’aiguille</a>», l’une des chansons les plus émouvantes de son répertoire.</p> <p>Revenir sur la vie et l’œuvre d’Aznavour c’est accompagner chacune des étapes de sa propre vie par l’une de ses chansons. Et son répertoire est l’un des rares à offrir ce champ de textes propres à chaque occasion. Où est-ce qu’Aznavour me rejoint par son œuvre?</p> <p>J’abordais cette question dans une série d’articles rédigés en 2018, à l’occasion de son décès. Aznavour me rejoint dans ma <a href="https://leregardlibre.com/musique/la-dimension-chretienne-de-loeuvre-daznavour/" target="_blank" rel="noopener">vie spirituelle</a>, dans ma vie sexuelle – ou du moins telle que je la <a href="https://leregardlibre.com/musique/aznavour-un-chanteur-du-sexe/" target="_blank" rel="noopener">phantasme</a> – et surtout dans ma vie de <a href="https://leregardlibre.com/musique/aznavour-chante-les-loosers/" target="_blank" rel="noopener"><i>loser</i></a>. Aznavour chante les <i>losers</i>. Aznavour est un <i>loser</i>. J’en suis un aussi. <i>Et pourtant, pourtant…</i> le <i>loser</i> n’est pas celui qui a tout raté, loin de là. 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«Dédié à tous les enfants oubliés.»
Jeune fille de dos, elle avance. Puis on la voit de face. Et le plan s’élargit. Cadre louche, cadre hostile. Mia, onze ans, est au beau milieu du parc Platzspitz. Elle appelle: «Mami!» A la recherche de maman, dans cet endroit tristement célèbre au centre de Zurich. Elle retrouve sa mère; le père arrive aussi. On sort la petite du parc. Elle attend dans une voiture, pendant que ses parents se disputent à coups d’insultes, à coups de poing. L’enfant se désole du spectacle auquel elle assiste. Elle ferme les yeux, elle s’isole, casque de walkman à cassette sur les oreilles, et la dure réalité s’apaise le temps d’une chanson: Sloop John B des Beach Boys.
La plus grande scène ouverte de la drogue en Europe
Pierre Monnard met à l’écran, avec quelques libertés d’adaptation, l’histoire de Michelle Halbheer, qu’elle-même avait déjà racontée dans son autobiographie Platzspitzbaby, parue en 2013. Fille d’une mère toxicomane, qui fréquentait justement le parc Platzspitz. Pour la petite histoire – qui a donné naissance toutefois à de grands drames –, ce parc a été, du milieu des années quatre-vingt jusqu’au 5 février 1992, la plus grande scène ouverte de la drogue en Europe.
La trame du film se situe au moment de l’évacuation abrupte du parc. Les toxicomanes se retrouvent livrés à eux-mêmes, avec des aides aussi minimales que maladroites. C’est exactement ce qui est arrivé à Michelle. Et ce qui arrive à Mia, son alter ego au cinéma, qui est placée dans un logement social avec sa mère Sandrine, forcée d’abstinence d’un jour à l’autre. Malgré la bonne volonté que l’on croit apercevoir de la part de la mère, le sevrage est impossible au bout de quelques semaines. La dépendance est trop forte. Le corps tremble. Et vu que les contrôles se font de plus en plus sévères pour la mère qui se voir menacée de perdre son enfant si elle ne se prend pas en charge, elle finit par utiliser sa propre fille pour se fournir en drogue. Dans des zones bien lugubres.
Drogue qui coûte, qui coûte trop cher; drogue qui finit par manquer. Sandrine est au bout, elle devient violente avec sa propre fille, qui lui pardonne néanmoins toujours tout. Mais Mia commence elle aussi du haut de ses onze ans à prendre conscience de la spirale infernale dans laquelle elle est engagée, de la responsabilité trop lourde qui pèse sur ses épaules. Un enfant n’a pas à s’occuper de sa mère, à la réveiller, à lui servir son petit déjeuner, à supporter ses cris, ses caprices, ses emportements.
Une vraie réussite
A travers le personnage de Mia, magnifiquement interprété par une jeune Luna Mwezi dont on entendra encore parler, le réalisateur souhaite rendre hommage à tous les enfants de toxicomanes, particulièrement ceux dont les parents fréquentaient le parc Platzspitz. L’intention est bonne, le résultat au niveau artistique aurait pu ne pas l’être. Un sujet sorti tout droit de la réalité, qui plus est touchant, n’assure pas une œuvre de qualité. Surtout pas dans la complaisance ou la prétention. Là, en l’occurrence, le film est une vraie réussite.
Non pas que le long-métrage de Pierre Monnard soit exempt de défauts. Non pas que ce film soit «bien pour un film suisse»: stop! cessons le chauvinisme artistique qui regarde toujours les œuvres suisses avec une tendresse mièvre mâtinée d’autosuffisance qui n’est autre que de la pitié pour les œuvres médiocres. Qu’il fût français ou américain, Platzspitzbaby a quoi qu’il en soit de la gueule. Vraiment. Et il est sacrément touchant. Le sujet émeut, oui, mais c’est la mise en scène précise et travaillée qui porte cette émotion. Jeu convaincant entre l’obscurité et la clarté. Clarté des plans où Mia s’évade de chez elle, pour découvrir l’insouciance qui est due à l’enfance, pour découvrir l’amitié, et même les amourettes. Obscurité en revanche des scènes à domicile où la tristesse règne, dans une ambiance carrément macabre avec une mère qui se drogue et qui hurle. En plus de ce contraste, la caméra opère mise en image subtile des passages souterrains, symboles de la vie des villes, de la vie underground, dans le désespoir et la misère.
Qui dit les qualités se doit également de dire les défauts, c’est le propre d’une attitude critique et respectueuse de l’œuvre. La maladresse est à mon sens énorme de la part du réalisateur d’avoir fait jouer à un acteur l’ami imaginaire de Mia qui chante, notamment Sloop John B des Beach Boys. La simple suggestion, par la présence des chansons, sans personne pour la chanter, aurait amplement suffi. Là, avec cet ami imaginaire vêtu de façon improbable, il n’y a qu’un seul effet: la lourdeur.
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L'enfance meurtrie qui s'en est sortie
Entre ses quelques défauts et ses nombreuses qualités, Platzspitzbaby est une œuvre poignante. Le portrait d’une enfance meurtrie que la vie rattrape malgré tout. Michelle Halbheer s’en est sortie, comme elle le raconte dans son livre. La scène finale du film indique que Mia a devant elle tout un horizon d’espoir, malgré la disgrâce d’avoir eu une mère qui s’est égarée et qui père qui paraît avoir lâché l’affaire malgré la volonté de protéger sa fille.
Mia c’est tous les enfants victimes des erreurs de leurs parents, de l’indifférence des politiques; Mia c’est tous les adolescents abandonnés à l’errance, à la beuverie, à la fumette; Mia ce sera toutes ces femmes et tous ces hommes qui auront dépassé le tragique de leur existence. Tous ceux qui ont été les baby de la Platzspitz, les fils de la toxicomanie, et qui ont réussi à se construire loin des démons qui ont détruit leurs parents.
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Et tel n’est pas le but de ces quelques lignes. Récit d’une plongée entre science et émerveillement à Aquatis. Le ton est donné dès la première pièce. Les couleurs et l’ambiance spectaculaires nous indiquent qu’il ne s’agit pas que d’un musée froid et austère. Mais les schémas scientifiques, les descriptions sérieuses et tout sauf infantilisantes nous indiquent aussi qu’enfants comme adultes n’ont qu’à bien se tenir car il ne s’agit ni d’un parc d’attraction ni de quelqu’autre défouloir. Dotés d’une grande originalité, les tableaux explicatifs, films et diverses animations donnent le goût de la science, dans le sens qu’ils donnent envie de savoir et d’en apprendre davantage sur le monde qui nous entoure. On y découvre ainsi poissons, reptiles et même quelques mammifères des cinq continents disposés dans un ordre parfait. On en apprend davantage sur la géographie de nos contrées en se concentrant sur le Rhône sous toutes ses formes, puis sur le Léman et jusqu’à la mer Méditerranée. 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Dans la tourmente de l’entre-deux guerres, connaissant la pauvreté et le racisme, mais aussi les fêtes de la diaspora arménienne dans le café de son père, les danses, les chants, et les premiers pas sur les planches. «<a href="https://www.youtube.com/watch?v=jSqkbJxF-Mo" target="_blank" rel="noopener">Les deux guitares</a>», chant tzigane, nous ramène à cette époque.</p> <p>Place ensuite au jeune homme, qui rêve de gloire, et qui collectionne les petits boulots. Fatigué d’imiter Trenet et de chanter les bruits de fond des cabarets, il se bat «à corps perdu, assoiffé, obstiné» pour chanter lui aussi l’amour, pour écrire les grands textes qui feront pleurer la France et le monde. Il construit sa vie, avec un mariage, une enfant, une tournée au Québec, et puis déconstruit tout. Il se sépare même de celle dont il est l’homme à tout faire, j’ai nommé «la Môme». 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Le film est bien décevant sous certains aspects, il comporte bien des problèmes tant au niveau du jeu que de la réalisation. <i>Et pourtant, pourtant…</i> ce film a du cœur.</p> <p>Aussi, être grincheux face à cette équipe de jeunes qui aiment sincèrement Aznavour et qui se sont donnés de la peine pour réaliser ce film, ce serait jouer les scribouillards qui critiquent tout sans avoir jamais rien fait par soi. La critique aurait eu de quoi se déchaîner si le film et son équipe étaient prétentieux. <i>Et pourtant, pourtant…</i> il n’en est rien. Etre grincheux, c’eût été encore faire le jeu de ces critiques qui s’en prenaient à Aznavour lui-même en écrivant, pour l’un d'eux cité dans le film, «comment peut-on laisser un infirme chanter?», avant de venir présenter ses excuses à un Aznavour bonhomme qui n’en tient pas rigueur et qui offre même une coupe de champagne à son détracteur.</p> <p><i>Et pourtant, pourtant…</i> disons ce qu’il y a à dire. Le jeu de Tahar Rahim, avec les qualités de ses défauts, est davantage une imitation, parfois exagérée aux confins du ridicule, qu’une interprétation. Sans parler des colères surfaites de Charles qui auraient eu davantage leur place sur des planches de théâtre que sur un plateau de cinéma. Quant à la famille Aznavourian et leur entourage, jamais n’a été livrée une mise en scène aussi caricaturale des gentils Arméniens qui aiment la poésie et les fêtes, et qui sont très pauvres mais vraiment très très gentils, généreux et accueillants alors. On est à la limite du racisme.</p> <p>La musique et les paroles d’Aznavour passent comme une bande-son qui font compagnie aux images. Et la trame est agencée sans aucune originalité. 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Aznavour me rejoint dans ma <a href="https://leregardlibre.com/musique/la-dimension-chretienne-de-loeuvre-daznavour/" target="_blank" rel="noopener">vie spirituelle</a>, dans ma vie sexuelle – ou du moins telle que je la <a href="https://leregardlibre.com/musique/aznavour-un-chanteur-du-sexe/" target="_blank" rel="noopener">phantasme</a> – et surtout dans ma vie de <a href="https://leregardlibre.com/musique/aznavour-chante-les-loosers/" target="_blank" rel="noopener"><i>loser</i></a>. Aznavour chante les <i>losers</i>. Aznavour est un <i>loser</i>. J’en suis un aussi. <i>Et pourtant, pourtant…</i> le <i>loser</i> n’est pas celui qui a tout raté, loin de là. 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