Anna Taylor-Joy dans le rôle de la championne d'échecs Elisabeth Harmon pour "Le Jeu de la dame", une série très arrosée. © DR
Des échecs, oui. Une protagoniste attachante, oui. Un succès phénoménal, aussi! Beaucoup d’encre a coulé. Il y a de quoi. Le Jeu de la dame reste depuis sa sortie en fin octobre au TOP 10 de chez Netflix. On l’a assez dit, cette mini-série compte des qualités majeures. Une image soignée. Un scénario qui prend aux tripes. Une histoire qu’on n’oublie pas. Jeune orpheline, qui arrive au sommet grâce à un jeu, qui devient plus qu’un jeu. Des «Tout savoir sur les échecs avec Le Jeu de la dame» aux «5 raisons qui font le succès du Jeu de la dame», on a tout dit. Ou presque… Et si nous parlions alcool maintenant?
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Il se ruine, il est boudé, ridicule, mais sait prendre sa revanche sur la critique, en s’élevant là où il se voyait déjà, «en haut de l’affiche». Rolls, fourrures, Vegas, mais aussi travail et encore travail, sans oublier les drames et un malheur qui le poursuit. Et le film s’achève, à l’aube des années 70.</p> <h3>Critique</h3> <p>Si j'avais été grincheux, j’aurais dit que le film était un raté grotesque, dirigé par une équipe d’amateurs, interprété selon une performance proche de celle des kermesses, rythmé de façon banale, sans originalité aucune, ne sachant pas rendre à l’écran une once de qui fut ce «Monsieur Aznavour», pompeusement nommé, ni de son œuvre infiniment plus riche que celle qui passe comme une musique de fond sous le jeu d’un acteur qui singe Aznavour. Mais je ne suis pas grincheux. Le film est bien décevant sous certains aspects, il comporte bien des problèmes tant au niveau du jeu que de la réalisation. <i>Et pourtant, pourtant…</i> ce film a du cœur.</p> <p>Aussi, être grincheux face à cette équipe de jeunes qui aiment sincèrement Aznavour et qui se sont donnés de la peine pour réaliser ce film, ce serait jouer les scribouillards qui critiquent tout sans avoir jamais rien fait par soi. La critique aurait eu de quoi se déchaîner si le film et son équipe étaient prétentieux. <i>Et pourtant, pourtant…</i> il n’en est rien. Etre grincheux, c’eût été encore faire le jeu de ces critiques qui s’en prenaient à Aznavour lui-même en écrivant, pour l’un d'eux cité dans le film, «comment peut-on laisser un infirme chanter?», avant de venir présenter ses excuses à un Aznavour bonhomme qui n’en tient pas rigueur et qui offre même une coupe de champagne à son détracteur.</p> <p><i>Et pourtant, pourtant…</i> disons ce qu’il y a à dire. Le jeu de Tahar Rahim, avec les qualités de ses défauts, est davantage une imitation, parfois exagérée aux confins du ridicule, qu’une interprétation. Sans parler des colères surfaites de Charles qui auraient eu davantage leur place sur des planches de théâtre que sur un plateau de cinéma. Quant à la famille Aznavourian et leur entourage, jamais n’a été livrée une mise en scène aussi caricaturale des gentils Arméniens qui aiment la poésie et les fêtes, et qui sont très pauvres mais vraiment très très gentils, généreux et accueillants alors. On est à la limite du racisme.</p> <p>La musique et les paroles d’Aznavour passent comme une bande-son qui font compagnie aux images. Et la trame est agencée sans aucune originalité. Comme un défilé de clowns, on voit tantôt apparaître un Johnny Hallyday, tantôt un Sinatra, tantôt tel compositeur, tel imprésario, telle femme à séduire, telle autre qui viennent remplir la scénario d’une lourdeur insupportable.</p> <p><i>Et pourtant, pourtant…</i>, le film a certes du cœur, et c’est l’essentiel, mais il compte aussi de réelles qualités. Si aucun acteur adulte ne crève l’écran, les enfants eux, notamment les interprètes de Charles et de sa sœur, sont fascinants tant ils inspirent de la sympathie, mais surtout tant ils rendent le sentiment et la vie de l’époque où les Aznavourian étaient des réfugiés en terre de France.</p> <p>Autre grande qualité du film par son scénario, c’est la complexité avec laquelle est dépeinte l’artiste: loin d’être idéalisé, il est montré dans sa gloire, certes, mais aussi dans ses échecs, ses erreurs et avec une tristesse qui le suit jusqu’au sommet. 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Quand on admire une personnalité, on aime partager, ou en l’occurrence repartager, ses joies dans ses conquêtes professionnelles ou amoureuses, et pleurer avec elle sur ses misères, comme le décès de son fils Patrick, qui a donné lieu d’ailleurs à «<a href="https://www.youtube.com/watch?v=Ll-C2ExMBXs" target="_blank" rel="noopener">L’aiguille</a>», l’une des chansons les plus émouvantes de son répertoire.</p> <p>Revenir sur la vie et l’œuvre d’Aznavour c’est accompagner chacune des étapes de sa propre vie par l’une de ses chansons. Et son répertoire est l’un des rares à offrir ce champ de textes propres à chaque occasion. Où est-ce qu’Aznavour me rejoint par son œuvre?</p> <p>J’abordais cette question dans une série d’articles rédigés en 2018, à l’occasion de son décès. Aznavour me rejoint dans ma <a href="https://leregardlibre.com/musique/la-dimension-chretienne-de-loeuvre-daznavour/" target="_blank" rel="noopener">vie spirituelle</a>, dans ma vie sexuelle – ou du moins telle que je la <a href="https://leregardlibre.com/musique/aznavour-un-chanteur-du-sexe/" target="_blank" rel="noopener">phantasme</a> – et surtout dans ma vie de <a href="https://leregardlibre.com/musique/aznavour-chante-les-loosers/" target="_blank" rel="noopener"><i>loser</i></a>. Aznavour chante les <i>losers</i>. Aznavour est un <i>loser</i>. J’en suis un aussi. <i>Et pourtant, pourtant…</i> le <i>loser</i> n’est pas celui qui a tout raté, loin de là. 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Alcool omniprésent. Dès l’ouverture dans le premier épisode. Conséquence des penchants très penchés alcooliques de la protagoniste. Elisabeth Harmon est réveillée brusquement. «Boum, boum, boum», à la porte de sa chambre d’hôtel. «Mademoiselle Harmon, nous sommes en train de vous attendre». Enivrée de la veille. Veille de la finale du championnat d’échecs de Paris. Nauséeuse, en sueur, en angoisse. Elle s’était promis de ne pas boire. Mais voilà. Une invitation. Un verre. Et puis un autre. Et c’est foutu. Inutile de vous dire que la partie finit mal pour la jeune. Pas habituée à perdre. Humiliée, en souffrance, au bout du bout.
Origines alcoolisées
Jeune prodige, oui. Alcoolique, aussi. Origines de la dépendance, dans l’orphelinat où elle a passé quelques années de sa vie. On lui prescrit des pilules marrons pour faire le plein d’énergie, des pilules vertes pour stabiliser l’humeur. Ce n’est pourtant qu’une gamine. Et gamine, justement, elle découvre les effets surprenants des pilules vertes. La dépendance s’installe. Avec ces pilules, elle a l’impression de devenir meilleure dans sa nouvelle passion: les échecs. Le soir, hallucinations. Elle visualise au plafond ses parties d’échec de la journée, qu’elle rejoue et corrige. Qui l’habitent. Totalement. Elle devient dépendante. Du jeu et des pilules. Les années passent, adoption, et redécouverte des ces pilules. C’est sa mère adoptive qui en prend. Elle est dépressive. Et alcoolique. Doux mélange que dégote Elisabeth en mélangeant le médicament à l’alcool.
Sans le montrer explicitement, la mini-série laisse comprendre que le rapport des personnages à l’alcool vient d’un manque. Celui de la mère adoptive, c’est le manque d’amour. Clairement. Gravement. Son mari la méprise et l’ignore au plus haut point. Seule à la maison, elle boit. S’affaisse devant la télévision. Désespère. Le manque de la protagoniste principale vient d’un déséquilibre. Trop pour les échecs, pas assez pour sa vie privée. En décalage total par rapport aux autre jeunes de son âge, elle trouve dans l’alcool l’évasion qu’il lui faut pour respirer un peu. Pour vivre, quoi. Jusqu’au pire. De la bière, puis du vin, en allant jusqu’à la margarita, puis au gibson, puis au pastis. L’alcool se présente en souriant. Il offre une complicité entre la mère adoptive et la fille. Et finit par provoquer quelques dégâts, de gros dégâts. Il abrutit, efface la personnalité. C’est le scénario qui le dit, c’est la photographie qui le montre. Métaphore sexuelle quand Elisabeth va se coucher après avoir gobé et sa pilule et son coup de whiskey: elle visualise les pions au plafond, et l’ombre d’un pion la pénètre à hauteur de vagin jusqu’à monter sur ses seins. Jusqu’à la recouvrir complètement. A l’effacer. Chapeau la mise en scène.
Rapports alcoolisés
Mais pas de moralisme pour autant. Pas question dans Le Jeu de la dame de dire que l’alcool c’est bien ou pas bien. Juste un témoignage. Rapports à l’alcool dans l’illusion. Dans l’isolement. Illusion de croire qu’Elisabeth est meilleure aux échecs sous médocs et boisson. Illusion de croire qu’elle peut y trouver le bonheur qu’elle cherche de tout son cœur. La fille est en manque de jeunesse, de folie, d’évasion, d’insouciance, de vie. Dans la fumette. La tentative de baiser, assez comique et décevante. Quand elle demande à son partenaire en rut s’il en a encore pour long… Et surtout dans la défonce alcoolisé. Dans tout ça, elle croit trouver ce qui lui manque. Et elle s’isole en même temps. Décrépit. Changement physique très marquant de l’actrice.
« – J’ai besoin d’être seule.
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Ce qui lui faut c’est un ami qui l’étreigne, sincèrement. Une amie qui revient. Qui ne la sauve pas pour autant. C’est à Elisabeth de s’en sortir, seule. Les ressources sont en elle. La jeune fille a reçu beaucoup du gardien de l’orphelinat qui lui a donné la passion des échecs. Elle a reçu beaucoup de sa mère adoptive qui, malgré tout, l’a aimée. Il n’empêche qu’elle s’est construite par elle-même. Elle a choisi sa voie. Ses sacrifices et ses gloires. Elle a choisi de relever la tête. D’aller de l’avant. De sortir de l’alcoolisme. Alors que rien n’était gagné. Des échecs, en veux-tu en voici. Mais des réussites aussi. Une fiction réussie c’est un espace offert au spectateur pour se retrouver face à lui-même, face à ses vieux démons. Le Jeu de la dame est réussie. Et bénéfique. On prend un verre pour fêter ça?
Le Jeu de la dame (The Queen's Gambit), mini-série américaine de Scott Frank et Allan Scott, adaptée du roman de Walter Tevis, mise en ligne le 23/10/2020 sur Netflix. Avec Anna Taylor-Joy, Marielle Heller, Thomas Brodie-Sangster.
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Il offre une complicité entre la mère adoptive et la fille. Et finit par provoquer quelques dégâts, de gros dégâts. Il abrutit, efface la personnalité. C’est le scénario qui le dit, c’est la photographie qui le montre. Métaphore sexuelle quand Elisabeth va se coucher après avoir gobé et sa pilule et son coup de whiskey: elle visualise les pions au plafond, et l’ombre d’un pion la pénètre à hauteur de vagin jusqu’à monter sur ses seins. Jusqu’à la recouvrir complètement. A l’effacer. Chapeau la mise en scène. </p> <h3>Rapports alcoolisés</h3> <p>Mais pas de moralisme pour autant. Pas question dans <i>Le Jeu de la dame</i> de dire que l’alcool c’est bien ou pas bien. Juste un témoignage. Rapports à l’alcool dans l’illusion. Dans l’isolement. Illusion de croire qu’Elisabeth est meilleure aux échecs sous médocs et boisson. Illusion de croire qu’elle peut y trouver le bonheur qu’elle cherche de tout son cœur. La fille est en manque de jeunesse, de folie, d’évasion, d’insouciance, de vie. 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Et tel n’est pas le but de ces quelques lignes. Récit d’une plongée entre science et émerveillement à Aquatis. Le ton est donné dès la première pièce. Les couleurs et l’ambiance spectaculaires nous indiquent qu’il ne s’agit pas que d’un musée froid et austère. Mais les schémas scientifiques, les descriptions sérieuses et tout sauf infantilisantes nous indiquent aussi qu’enfants comme adultes n’ont qu’à bien se tenir car il ne s’agit ni d’un parc d’attraction ni de quelqu’autre défouloir. Dotés d’une grande originalité, les tableaux explicatifs, films et diverses animations donnent le goût de la science, dans le sens qu’ils donnent envie de savoir et d’en apprendre davantage sur le monde qui nous entoure. On y découvre ainsi poissons, reptiles et même quelques mammifères des cinq continents disposés dans un ordre parfait. On en apprend davantage sur la géographie de nos contrées en se concentrant sur le Rhône sous toutes ses formes, puis sur le Léman et jusqu’à la mer Méditerranée. 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Dans la tourmente de l’entre-deux guerres, connaissant la pauvreté et le racisme, mais aussi les fêtes de la diaspora arménienne dans le café de son père, les danses, les chants, et les premiers pas sur les planches. «<a href="https://www.youtube.com/watch?v=jSqkbJxF-Mo" target="_blank" rel="noopener">Les deux guitares</a>», chant tzigane, nous ramène à cette époque.</p> <p>Place ensuite au jeune homme, qui rêve de gloire, et qui collectionne les petits boulots. Fatigué d’imiter Trenet et de chanter les bruits de fond des cabarets, il se bat «à corps perdu, assoiffé, obstiné» pour chanter lui aussi l’amour, pour écrire les grands textes qui feront pleurer la France et le monde. Il construit sa vie, avec un mariage, une enfant, une tournée au Québec, et puis déconstruit tout. Il se sépare même de celle dont il est l’homme à tout faire, j’ai nommé «la Môme». 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Le film est bien décevant sous certains aspects, il comporte bien des problèmes tant au niveau du jeu que de la réalisation. <i>Et pourtant, pourtant…</i> ce film a du cœur.</p> <p>Aussi, être grincheux face à cette équipe de jeunes qui aiment sincèrement Aznavour et qui se sont donnés de la peine pour réaliser ce film, ce serait jouer les scribouillards qui critiquent tout sans avoir jamais rien fait par soi. La critique aurait eu de quoi se déchaîner si le film et son équipe étaient prétentieux. <i>Et pourtant, pourtant…</i> il n’en est rien. Etre grincheux, c’eût été encore faire le jeu de ces critiques qui s’en prenaient à Aznavour lui-même en écrivant, pour l’un d'eux cité dans le film, «comment peut-on laisser un infirme chanter?», avant de venir présenter ses excuses à un Aznavour bonhomme qui n’en tient pas rigueur et qui offre même une coupe de champagne à son détracteur.</p> <p><i>Et pourtant, pourtant…</i> disons ce qu’il y a à dire. Le jeu de Tahar Rahim, avec les qualités de ses défauts, est davantage une imitation, parfois exagérée aux confins du ridicule, qu’une interprétation. Sans parler des colères surfaites de Charles qui auraient eu davantage leur place sur des planches de théâtre que sur un plateau de cinéma. Quant à la famille Aznavourian et leur entourage, jamais n’a été livrée une mise en scène aussi caricaturale des gentils Arméniens qui aiment la poésie et les fêtes, et qui sont très pauvres mais vraiment très très gentils, généreux et accueillants alors. On est à la limite du racisme.</p> <p>La musique et les paroles d’Aznavour passent comme une bande-son qui font compagnie aux images. Et la trame est agencée sans aucune originalité. 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Quand on admire une personnalité, on aime partager, ou en l’occurrence repartager, ses joies dans ses conquêtes professionnelles ou amoureuses, et pleurer avec elle sur ses misères, comme le décès de son fils Patrick, qui a donné lieu d’ailleurs à «<a href="https://www.youtube.com/watch?v=Ll-C2ExMBXs" target="_blank" rel="noopener">L’aiguille</a>», l’une des chansons les plus émouvantes de son répertoire.</p> <p>Revenir sur la vie et l’œuvre d’Aznavour c’est accompagner chacune des étapes de sa propre vie par l’une de ses chansons. Et son répertoire est l’un des rares à offrir ce champ de textes propres à chaque occasion. Où est-ce qu’Aznavour me rejoint par son œuvre?</p> <p>J’abordais cette question dans une série d’articles rédigés en 2018, à l’occasion de son décès. Aznavour me rejoint dans ma <a href="https://leregardlibre.com/musique/la-dimension-chretienne-de-loeuvre-daznavour/" target="_blank" rel="noopener">vie spirituelle</a>, dans ma vie sexuelle – ou du moins telle que je la <a href="https://leregardlibre.com/musique/aznavour-un-chanteur-du-sexe/" target="_blank" rel="noopener">phantasme</a> – et surtout dans ma vie de <a href="https://leregardlibre.com/musique/aznavour-chante-les-loosers/" target="_blank" rel="noopener"><i>loser</i></a>. Aznavour chante les <i>losers</i>. Aznavour est un <i>loser</i>. J’en suis un aussi. <i>Et pourtant, pourtant…</i> le <i>loser</i> n’est pas celui qui a tout raté, loin de là. 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1 Commentaire
@stef 31.01.2021 | 21h07
«Hâte de regarder cette série !!!»