Anna Taylor-Joy dans le rôle de la championne d'échecs Elisabeth Harmon pour "Le Jeu de la dame", une série très arrosée. © DR
Des échecs, oui. Une protagoniste attachante, oui. Un succès phénoménal, aussi! Beaucoup d’encre a coulé. Il y a de quoi. Le Jeu de la dame reste depuis sa sortie en fin octobre au TOP 10 de chez Netflix. On l’a assez dit, cette mini-série compte des qualités majeures. Une image soignée. Un scénario qui prend aux tripes. Une histoire qu’on n’oublie pas. Jeune orpheline, qui arrive au sommet grâce à un jeu, qui devient plus qu’un jeu. Des «Tout savoir sur les échecs avec Le Jeu de la dame» aux «5 raisons qui font le succès du Jeu de la dame», on a tout dit. Ou presque… Et si nous parlions alcool maintenant?
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Dernier roman en date du dramaturge Wajdi Mouawad paru il y a près de douze ans, «Anima» reste plus que jamais d’actualité. Dans ses pièces ou ses romans, il demeure toujours une expérience unique trépidante à vivre. C’est bien le cas ici, près de cinq-cents pages durant. Regard.', 'subtitle_edition' => 'Souffle de poésie, d’horreur et de vérité romanesque ayant donné vie à un ouvrage qui aura mis plus de dix ans à la recevoir, cette vie: «Anima» (2012). Dernier roman en date du dramaturge Wajdi Mouawad paru il y a près de douze ans, «Anima» reste plus que jamais d’actualité. Dans ses pièces ou ses romans, il demeure toujours une expérience unique trépidante à vivre. C’est bien le cas ici, près de cinq-cents pages durant. Regard.', 'content' => '<p>Le récit s’ouvre sur la scène d’un roman policier. Un homme rentre chez lui et trouve sa femme morte. S’ensuivrait une enquête policière aux mille-et-un rebondissements qui feraient vivre le suspense, mais il n’en est rien. 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Scientifiquement, un chien ou toute autre bête, ne peut parler; mais en littérature, oui, si le texte indique que c’est tel chien qui narre, il en est alors réellement ainsi. En effet, la fiction peut dire vrai, même pour des faits qui ne sont pas observables dans la réalité du monde humain.</p> <p>A titre d’exemple, citons un passage vibrant de beauté, qui sonne comme évidence: «L’humain est un corridor étroit, il faut s’y engager pour espérer le rencontrer. Il faut avancer dans le noir, sentir les odeurs de tous les animaux morts, entendre les cris, les grincements de dents et les pleurs. […] L’humain est un corridor et tout humain pleure son ciel disparu. Un chien sait cela et c’est pour cela que son affection pour l’humain est infinie.» (p.149) Il semblerait véritablement que nous entendons la voix d’un chien. Chien dont on découvre qu’il prend en pitié l’homme au vu de sa condition de détresse permanente. 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Alcool omniprésent. Dès l’ouverture dans le premier épisode. Conséquence des penchants très penchés alcooliques de la protagoniste. Elisabeth Harmon est réveillée brusquement. «Boum, boum, boum», à la porte de sa chambre d’hôtel. «Mademoiselle Harmon, nous sommes en train de vous attendre». Enivrée de la veille. Veille de la finale du championnat d’échecs de Paris. Nauséeuse, en sueur, en angoisse. Elle s’était promis de ne pas boire. Mais voilà. Une invitation. Un verre. Et puis un autre. Et c’est foutu. Inutile de vous dire que la partie finit mal pour la jeune. Pas habituée à perdre. Humiliée, en souffrance, au bout du bout.
Origines alcoolisées
Jeune prodige, oui. Alcoolique, aussi. Origines de la dépendance, dans l’orphelinat où elle a passé quelques années de sa vie. On lui prescrit des pilules marrons pour faire le plein d’énergie, des pilules vertes pour stabiliser l’humeur. Ce n’est pourtant qu’une gamine. Et gamine, justement, elle découvre les effets surprenants des pilules vertes. La dépendance s’installe. Avec ces pilules, elle a l’impression de devenir meilleure dans sa nouvelle passion: les échecs. Le soir, hallucinations. Elle visualise au plafond ses parties d’échec de la journée, qu’elle rejoue et corrige. Qui l’habitent. Totalement. Elle devient dépendante. Du jeu et des pilules. Les années passent, adoption, et redécouverte des ces pilules. C’est sa mère adoptive qui en prend. Elle est dépressive. Et alcoolique. Doux mélange que dégote Elisabeth en mélangeant le médicament à l’alcool.
Sans le montrer explicitement, la mini-série laisse comprendre que le rapport des personnages à l’alcool vient d’un manque. Celui de la mère adoptive, c’est le manque d’amour. Clairement. Gravement. Son mari la méprise et l’ignore au plus haut point. Seule à la maison, elle boit. S’affaisse devant la télévision. Désespère. Le manque de la protagoniste principale vient d’un déséquilibre. Trop pour les échecs, pas assez pour sa vie privée. En décalage total par rapport aux autre jeunes de son âge, elle trouve dans l’alcool l’évasion qu’il lui faut pour respirer un peu. Pour vivre, quoi. Jusqu’au pire. De la bière, puis du vin, en allant jusqu’à la margarita, puis au gibson, puis au pastis. L’alcool se présente en souriant. Il offre une complicité entre la mère adoptive et la fille. Et finit par provoquer quelques dégâts, de gros dégâts. Il abrutit, efface la personnalité. C’est le scénario qui le dit, c’est la photographie qui le montre. Métaphore sexuelle quand Elisabeth va se coucher après avoir gobé et sa pilule et son coup de whiskey: elle visualise les pions au plafond, et l’ombre d’un pion la pénètre à hauteur de vagin jusqu’à monter sur ses seins. Jusqu’à la recouvrir complètement. A l’effacer. Chapeau la mise en scène.
Rapports alcoolisés
Mais pas de moralisme pour autant. Pas question dans Le Jeu de la dame de dire que l’alcool c’est bien ou pas bien. Juste un témoignage. Rapports à l’alcool dans l’illusion. Dans l’isolement. Illusion de croire qu’Elisabeth est meilleure aux échecs sous médocs et boisson. Illusion de croire qu’elle peut y trouver le bonheur qu’elle cherche de tout son cœur. La fille est en manque de jeunesse, de folie, d’évasion, d’insouciance, de vie. Dans la fumette. La tentative de baiser, assez comique et décevante. Quand elle demande à son partenaire en rut s’il en a encore pour long… Et surtout dans la défonce alcoolisé. Dans tout ça, elle croit trouver ce qui lui manque. Et elle s’isole en même temps. Décrépit. Changement physique très marquant de l’actrice.
« – J’ai besoin d’être seule.
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– Beth?
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– Tu devrais pas rester seule. Tu sais ce qu’il va se passer.
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– Te saouler.
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Ce qui lui faut c’est un ami qui l’étreigne, sincèrement. Une amie qui revient. Qui ne la sauve pas pour autant. C’est à Elisabeth de s’en sortir, seule. Les ressources sont en elle. La jeune fille a reçu beaucoup du gardien de l’orphelinat qui lui a donné la passion des échecs. Elle a reçu beaucoup de sa mère adoptive qui, malgré tout, l’a aimée. Il n’empêche qu’elle s’est construite par elle-même. Elle a choisi sa voie. Ses sacrifices et ses gloires. Elle a choisi de relever la tête. D’aller de l’avant. De sortir de l’alcoolisme. Alors que rien n’était gagné. Des échecs, en veux-tu en voici. Mais des réussites aussi. Une fiction réussie c’est un espace offert au spectateur pour se retrouver face à lui-même, face à ses vieux démons. Le Jeu de la dame est réussie. Et bénéfique. On prend un verre pour fêter ça?
Le Jeu de la dame (The Queen's Gambit), mini-série américaine de Scott Frank et Allan Scott, adaptée du roman de Walter Tevis, mise en ligne le 23/10/2020 sur Netflix. Avec Anna Taylor-Joy, Marielle Heller, Thomas Brodie-Sangster.
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Il offre une complicité entre la mère adoptive et la fille. Et finit par provoquer quelques dégâts, de gros dégâts. Il abrutit, efface la personnalité. C’est le scénario qui le dit, c’est la photographie qui le montre. Métaphore sexuelle quand Elisabeth va se coucher après avoir gobé et sa pilule et son coup de whiskey: elle visualise les pions au plafond, et l’ombre d’un pion la pénètre à hauteur de vagin jusqu’à monter sur ses seins. Jusqu’à la recouvrir complètement. A l’effacer. Chapeau la mise en scène. </p> <h3>Rapports alcoolisés</h3> <p>Mais pas de moralisme pour autant. Pas question dans <i>Le Jeu de la dame</i> de dire que l’alcool c’est bien ou pas bien. Juste un témoignage. Rapports à l’alcool dans l’illusion. Dans l’isolement. Illusion de croire qu’Elisabeth est meilleure aux échecs sous médocs et boisson. Illusion de croire qu’elle peut y trouver le bonheur qu’elle cherche de tout son cœur. La fille est en manque de jeunesse, de folie, d’évasion, d’insouciance, de vie. 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C’est à Elisabeth de s’en sortir, seule. Les ressources sont en elle. La jeune fille a reçu beaucoup du gardien de l’orphelinat qui lui a donné la passion des échecs. Elle a reçu beaucoup de sa mère adoptive qui, malgré tout, l’a aimée. Il n’empêche qu’elle s’est construite par elle-même. Elle a choisi sa voie. Ses sacrifices et ses gloires. Elle a choisi de relever la tête. D’aller de l’avant. De sortir de l’alcoolisme. Alors que rien n’était gagné. Des <i>échecs</i>, en veux-tu en voici. Mais des réussites aussi. Une fiction réussie c’est un espace offert au spectateur pour se retrouver face à lui-même, face à ses vieux démons. <i>Le Jeu de la dame</i> est réussie. Et bénéfique. 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Scientifiquement, un chien ou toute autre bête, ne peut parler; mais en littérature, oui, si le texte indique que c’est tel chien qui narre, il en est alors réellement ainsi. En effet, la fiction peut dire vrai, même pour des faits qui ne sont pas observables dans la réalité du monde humain.</p> <p>A titre d’exemple, citons un passage vibrant de beauté, qui sonne comme évidence: «L’humain est un corridor étroit, il faut s’y engager pour espérer le rencontrer. Il faut avancer dans le noir, sentir les odeurs de tous les animaux morts, entendre les cris, les grincements de dents et les pleurs. […] L’humain est un corridor et tout humain pleure son ciel disparu. Un chien sait cela et c’est pour cela que son affection pour l’humain est infinie.» (p.149) Il semblerait véritablement que nous entendons la voix d’un chien. Chien dont on découvre qu’il prend en pitié l’homme au vu de sa condition de détresse permanente. 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Ce qui importe réellement pour Wahhch et pour les hommes de façon générale, c’est de laisser mourir la part qui est cassée en soi, pour passer des ténèbres à la lumière. «Passe par les ténèbres et tu trouveras la lumière.» (p.348) Comment notre protagoniste vit-il cette pâque, passant de l’esclavage à la terre promise? Par la douleur. C’est dans les douleurs de l’enfantement que la femme donne la vie. C’est dans les douleurs du retour aux origines mais avant cela de l’abus sexuel qu’il subit, que Wahhch sait qui il est, qu’il casse la malédiction des meurtres et des viols, pour retrouver la raison, son nom et son âme.</p> <p>En quoi est-ce une invitation pour le lecteur à retrouver son âme et par là retrouver l’unité en soi? C’est une invitation, dans la mesure où nous assistons, par le roman, au témoignage de Wahhch mais aussi indirectement à celui de Wajdi Mouawad et en somme à celui de tous ceux qui ont vécu des drames. C’est bien pour cela que Wahhch a besoin que Coach témoigne pour lui. Pour cela aussi que Coach est particulièrement touché par ce témoignage. La nécessité de témoigner des drames et des guérisons, en prononçant son propre témoignage et en se mettant à l’écoute de celui des autres, c’est proprement la quête d’<i>Anima</i>. 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Il s’agit à la fois d’un hommage au passé, comme tous les films de Tarantino, et d’une parodie de genres déchus. <i>Pulp Fiction</i> illustre à merveille ce qu’est le cinéma postmoderne. C’est un genre de recyclage: faire du neuf avec du vieux. Ce cinéma se construit totalement à partir des films et des genres qui le précèdent, tant en les parodiant qu’en les sublimant. Il renvoie en fait le spectateur à ce qu’il connaît déjà, à la culture populaire. Mais de la bouche de Tarantino, qui veut être un grand cinéaste ou rien, il faudrait plutôt comprendre son cinéma de la façon suivante: «Un grand cinéaste ne rend jamais hommage, il vole ce qui a été fait par les autres, tout simplement.» Pour un vol, c’est plutôt réussi, d’autant plus que le film n’a pris une ride. La preuve en est que <i>Pulp Fiction</i> remporta la Palme d’or à Cannes en 1994, mais pourrait tout aussi bien la remporter aujourd’hui. Car le film était déjà complètement dépassé à sa sortie. 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1 Commentaire
@stef 31.01.2021 | 21h07
«Hâte de regarder cette série !!!»