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Culture / Des hommes qui se perdront toujours


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«Il est des hommes qui se perdront toujours», Rebecca Lighieri, Editions P.O.L, 373 pages.



C’est aussi cela l’été: un temps pour lire des romans que vous aviez achetés à leur sortie et qui sont restés quelques années en attente sur l’étagère des livres à lire tout prochainement. Mon enthousiasme fut pourtant grand, à l’achat du dernier Lighieri de l’époque (2020). Etais-je un fin connaisseur de l’auteure? Point du tout. Il est des hommes qui se perdront toujours a été mon premier. Même si en réalité j’avais déjà été subjugué par la qualité d’Arcadie (2018), signé Emmanuelle Bayamack-Tam, qui est en fait la même personne: Lighieri est le pseudonyme de Bayamack-Tam pour ses romans les plus chauds, pop et en général narrés au masculin. Je confirme, ce fut chaud. Non pas parce que c’est l’été, mais parce que ce roman est bouillonnant, grave et pétillant. J’ai attendu quatre ans pour le lire, et je dois bien dire que c’est l’un des meilleurs romans actuels que j’aie lu depuis quatre ans. Entre 1986 et 2000, Il est des hommes qui se perdront toujours raconte l’enfance tortueuse et torturée d’une fratrie de trois. Le mère est taiseuse, soumise, effacée. Le père est un monstre. Ces trois enfants grandissent dans la cité Artaud – fictive – de Marseille, sous les coups, les crachats et les insultes, lesquels ne les empêchent pourtant pas de s’affirmer et de bâtir leur vie malgré l’absence de racines. Il reste néanmoins toujours du drame dans l’existence quand l’enfance n’a été que drame. D’où toute l’aventure du roman, entre silences et remous, entre rires et larmes, entre baisers et coups. Une grande épopée familiale, aux tonalités pop, voyageant musicalement entre les succès d’IAM de la techno des années 90 et de la variété des années 80. Une tragédie chantante, dansante et douloureuse – même un peu trop à mon goût… Le point fort du roman reste assurément sa force érotique qui voit les corps jeunes et beaux s’unir et découvrir la chair, y trouvant un remède aux souffrances de l’enfance, jusqu’à l’abus mortifère. «Il est des hommes qui se perdront toujours», disait Antonin Artaud, pour sûr vous ne vous perdrez pas dans ce roman terre-à-terre, sombre, délicieux et nostalgique qui vous replongera dans les douleurs de l’enfance et dans les premiers émois adolescents.

«Nous comprenons instantanément que l’OM a marqué, même si nous ne savons pas encore qu’il s’agit d’une tête de Boli, et qu’il va falloir tenir quarante-cinq minutes avant la victoire. Quarante-cinq minutes c’est plus de temps qu’il ne nous en faudra pour parvenir à notre propre but: ahanant nous aussi, tâtonnant un peu, envoyant nos doigts et nos langues à l’aveuglette, tombant sur des pans de peau salée par la sueur, puis les replis moites des aisselles, l’intérieur des cuisses, nos sexes enfin.» 

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