Culture / «Cry Macho»: la nostalgie du western selon saint Clint
Clint Eastwood dans son dernier film, un western nostalgique. © 2021 Warner Bros Entertainment Inc.
Avec son nouveau film, «Cry Macho», actuellement dans les salles, le réalisateur nonagénaire Clint Eastwood dresse un portrait tout en nostalgie du western, de la figure du cowboy et du rodéo. C’est parti, mon coco!
Sous la mélodie d’une guitare country, le soleil se lève. Il éclaire doucement un paysage texan avec des arbres au feuillage chatoyant. La caméra s’élève, et plan sur une route déserte au milieu d’une vaste étendue. Sur cette route, apparaît un bon vieux pick-up. Et dans le pick-up, il y a notre bon vieux Clint Eastwood. Gros plan sur l’embrayage, puis gros plan sur le rétroviseur central. Le regard de Clint nous annonce qu’il va nous raconter à nouveau une histoire, peut-être la dernière.
Les clichés du western moderne continuent. La voiture s’arrête devant un ranch. La caméra se place sous la voiture. Avant de voir tout le corps du cowboy, on ne découvre que ses bottines en cuir. Enfin, plan général sur Clint Eastwood portant sa chemise en jeans et son chapeau. Avec sa dégaine, désormais bien boiteuse, il entre dans la ranch.
Ancien champion du rodéo, Mike Milo (Clint Eastwood) travaille au ranch. Son patron le licencie, avant de le rappeler une année plus tard, en 1980, pour lui demander un service: aller au Mexique, chercher son jeune fils de treize ans, Rafael, qui vit avec une mère folle et alcoolique. L’ancien patron supplie Mike d’accepter la mission: seul un vrai cowboy peut l’accomplir.
Rien qu’en ces premières minutes du film, les images nous annoncent que tout le long-métrage se déploiera en une succession de clichés du genre western. Des clichés aussi bien au niveau des thèmes que des images. Tout ce qui constitue un vrai western moderne y est.
Quant au film en lui-même, il n’est pas vraiment passionnant, c’est Clint à l’écran qui est passionnant. Le jeu des acteurs est assez catastrophique, et le rythme plutôt lent et lourd. En réalité, ces défauts flagrants sont de l’ordre de la négligence. On sent que ça ne gêne pas plus que ça notre réalisateur, qui s’amuse à jouer les vieux cowboys face à la caméra plutôt que de diriger son équipe.
Des thèmes en nostalgie
La figure du cowboy est centrale. C’est Clint Eastwood qui l’incarne dans le personnage de Mike Milo, ancienne star du rodéo. Après avoir expérimenté plusieurs genres en tant que réalisateur, plusieurs rôles en tant qu’acteur dans ses propres films en se mettant dans la peau d’un entraîneur de boxe ou d’un vétéran de guerre raciste et grincheux, il revient aux origines.
Mais ce cowboy n’a plus trente ans. Il en a le triple. Ce qui ne l’empêche pas d’envoyer des poings, de manier un flingue ou même de séduire des femmes. La bagarre et la séduction tiennent aussi leurs places dans Cry Macho. De façon caricaturale, voire ridicule, mais ces immanquables du western y sont. Le personnage Mike Milo séduit bien une femme au moins quarante ans plus jeune que lui, et il met bien au tapis un homme de cinquante ans son cadet. C’est grotesque… et pourtant charmant, drôle et touchant à la fois.
Aussi, le héros du film est en fait un anti-héros. Mike a connu la gloire: il était le plus beau, le plus fort, le grand champion du rodéo. Mais ça, «c’était avant l’accident, avant les médocs, avant l’alcool». L’homme est évidemment un solitaire, qui plus est aux penchants alcooliques, plus de femme, plus d’enfant. Il n’a confiance en personne, sauf en sa voiture. C’est un égaré, perdu dans sa vie, perdu dans ses relations sociales.
Reste encore le thème du voyage, très typique du western. Quand le cowboy est envoyé dans une autre contrée pour aller tuer untel, comme quand Mike se rend au Mexique en voiture, il part et finit par se rencontrer lui-même. Il se retrouve face à ses échecs, face à ses blessures. Le voyage est autant géographique que psychologique. Et c’est le voyage qui permet l’aventure, entre des rencontres, de la séduction et une course-poursuite.
Des images en nostalgie
La plus grande réussite de Cry Macho c’est assurément sa photographie. Non seulement elle offre au spectateur une vraie esthétique, mais elle reprend certaines caractéristiques essentielles du genre. Les paysages aux vastes étendues font toujours rêver, mais aussi la route que l’on voit en plan aérien comme une bande sans début ni fin au milieu des champs. Cette route qui donne le goût de l’aventure.
Clint Eastwood s’offre aussi le plaisir de tourner plusieurs scènes dans un saloon mexicain où la lumière est tamisée et où l’on voit la poussière planer dans l’air. Les images en nostalgie nous offrent encore la jouissance de voir des feux de camp dans la nuit, des visages tournés vers ce feu, le regard vide, en racontant des histoires, son passé. Sinon, Cry Macho joue également avec les ombres, un autre procédé très typique du western. Quand la caméra filme Mike et Rafael qui marchent sur la route après s’être fait voler leur voiture, sous le soleil blanc, on ne voit que du noir dans les silhouettes. Tout au long du film, des plans discrets rendent hommage aux jeux d’ombres.
Saint Clint
Clint Eastwood est nostalgique. Ceux qui l’admirent le sont avec lui. Il est une vedette depuis près de septante ans. Il a traversé l’histoire du cinéma et Hollywood des années cinquante à nos jours. Sa nostalgie ne pousse pas pour autant la vieille star à s’arrêter pour songer à sa jeunesse, sa beauté et sa force d’autrefois.
Il est nostalgique, mais n’a pas un regard amer sur le passé. Il porte plutôt un regard admiratif et émerveillé. Il nous partage ce regard et il nous donne à voir ce que c’est qu’un acteur qui vieillit, qui marche le pas lent et indécis. Qu’il réalise encore un film, qu’il meure en tournage ou qu’il s’arrête avec son Cry Macho, une chose est sûre: le Royaume du Septième Art attend un grand saint Clint dans ses cieux, qui laisse un héritage phénoménal et que le cinéma n’oubliera pas. On priera bientôt saint Clint pour voir de bons films.
«Cry Macho», un film de et avec Clint Eastwood, avec Dwight Yoakam, Eduardo Minett, Natalia Traven.
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Le film est bien décevant sous certains aspects, il comporte bien des problèmes tant au niveau du jeu que de la réalisation. <i>Et pourtant, pourtant…</i> ce film a du cœur.</p> <p>Aussi, être grincheux face à cette équipe de jeunes qui aiment sincèrement Aznavour et qui se sont donnés de la peine pour réaliser ce film, ce serait jouer les scribouillards qui critiquent tout sans avoir jamais rien fait par soi. La critique aurait eu de quoi se déchaîner si le film et son équipe étaient prétentieux. <i>Et pourtant, pourtant…</i> il n’en est rien. Etre grincheux, c’eût été encore faire le jeu de ces critiques qui s’en prenaient à Aznavour lui-même en écrivant, pour l’un d'eux cité dans le film, «comment peut-on laisser un infirme chanter?», avant de venir présenter ses excuses à un Aznavour bonhomme qui n’en tient pas rigueur et qui offre même une coupe de champagne à son détracteur.</p> <p><i>Et pourtant, pourtant…</i> disons ce qu’il y a à dire. Le jeu de Tahar Rahim, avec les qualités de ses défauts, est davantage une imitation, parfois exagérée aux confins du ridicule, qu’une interprétation. Sans parler des colères surfaites de Charles qui auraient eu davantage leur place sur des planches de théâtre que sur un plateau de cinéma. Quant à la famille Aznavourian et leur entourage, jamais n’a été livrée une mise en scène aussi caricaturale des gentils Arméniens qui aiment la poésie et les fêtes, et qui sont très pauvres mais vraiment très très gentils, généreux et accueillants alors. On est à la limite du racisme.</p> <p>La musique et les paroles d’Aznavour passent comme une bande-son qui font compagnie aux images. Et la trame est agencée sans aucune originalité. Comme un défilé de clowns, on voit tantôt apparaître un Johnny Hallyday, tantôt un Sinatra, tantôt tel compositeur, tel imprésario, telle femme à séduire, telle autre qui viennent remplir la scénario d’une lourdeur insupportable.</p> <p><i>Et pourtant, pourtant…</i>, le film a certes du cœur, et c’est l’essentiel, mais il compte aussi de réelles qualités. Si aucun acteur adulte ne crève l’écran, les enfants eux, notamment les interprètes de Charles et de sa sœur, sont fascinants tant ils inspirent de la sympathie, mais surtout tant ils rendent le sentiment et la vie de l’époque où les Aznavourian étaient des réfugiés en terre de France.</p> <p>Autre grande qualité du film par son scénario, c’est la complexité avec laquelle est dépeinte l’artiste: loin d’être idéalisé, il est montré dans sa gloire, certes, mais aussi dans ses échecs, ses erreurs et avec une tristesse qui le suit jusqu’au sommet. 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Aznavour me rejoint dans ma <a href="https://leregardlibre.com/musique/la-dimension-chretienne-de-loeuvre-daznavour/" target="_blank" rel="noopener">vie spirituelle</a>, dans ma vie sexuelle – ou du moins telle que je la <a href="https://leregardlibre.com/musique/aznavour-un-chanteur-du-sexe/" target="_blank" rel="noopener">phantasme</a> – et surtout dans ma vie de <a href="https://leregardlibre.com/musique/aznavour-chante-les-loosers/" target="_blank" rel="noopener"><i>loser</i></a>. Aznavour chante les <i>losers</i>. Aznavour est un <i>loser</i>. J’en suis un aussi. <i>Et pourtant, pourtant…</i> le <i>loser</i> n’est pas celui qui a tout raté, loin de là. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
3 Commentaires
@SylT 19.11.2021 | 17h25
«Magnifique et extrêment touchante critique qui donne à voir les clichés et la nostalgie, l'esthétique western et l'aventure du voyage. Et les qualités des défauts de saint Clint :-) Merci.»
@LorisSalvatoreMusumeci 21.11.2021 | 08h37
«Merci à vous ! »
@Michel Rossinelli 25.11.2021 | 00h28
«oui, c'est une belle critique, intelligente, sensible, nuancée, avec l'empathie qu'il faut pour un grand réalisateur et comédien. Je viens d'en lire plusieurs dans les médias français, trop souvent arrogantes, voire même méprisantes par des scribouillards sans culture cinématographique que la prétention aveugle, alors que vous, Monsieur, c'est un regard que vous offrez qui suscite l'envie de voir par nous-même. Merci. »