Culture / Au barrage de Mauvoisin, Batia Suter réinvente l’Odyssée
Suter appréhende le paysage alentours comme une construction. L’immense masse de béton du barrage n’en devient qu’un élément parmi d’autres, tout aussi imposant que les montagnes vertes, les rochers anthracites, la chute d’eau bruyante et bruineuse l’eau du lac d’azur et le ciel, translucide. © Bonnardot
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Et pourtant… Née à Hong Kong, titulaire d’un Master en journalisme et communication et d’un autre Master en ethnologie, cette quadragénaire s’est ensuite plongée dans le monde de la recherche universitaire. Durant une dizaine d’années, elle exercera le métier de consultante dans les technologies de l'information et de la communication. Elle sera particulièrement investie dans la sphère du jeu indépendant, qu’elle observera toujours avec un regard centré sur l’utilisateur.</p> <p>En 2013, au MoMa de New-York, Caroline Hirt aura une véritable révélation: le groupe d’artiste Random International présentait alors «Rain Room». «Après 4 heures d’attente, les visiteurs ont pu vivre une fantastique expérience poétique: 'Rain Room' fonctionne grâce à un système algorithmique complexe nous laissant nous promener sous la pluie sans pour autant être mouillés.» Titillée, curieuse, généreuse, elle décide alors d’offrir un toit à l’art algorithmique.</p> <h3><strong>Produire de la réflexion, du partage et du sens</strong></h3> <p>«La Suisse compte plus de 1000 musées. Les Arts digitaux méritaient bien le leur», soutient Caroline Hirt. C’est sur ce ton que sera engagée une folle campagne de «crowdfunding» en ligne. Folle? Oui, parce que durant la canicule et jusqu’à la dernière seconde, il n’était pas possible de savoir si l’argent nécessaire pourrait être récolté en un seul mois. Au final, la somme de 111'111 dollars sera miraculeusement recueillie. «The small Museum of Digital, soit le «petit Musée des Arts digitaux» dit MuDA ouvrira fièrement ses portes en février 2016.</p> <p>Ainsi le MuDA définira-t-il sa mission: sur 400m<sup>2</sup> les visiteurs exploreront les connections entre algorithmes, «data» et société. Au travers de la beauté du code, ils se surprendront à prendre du plaisir, à se questionner, à expérimenter tout en se faisant surprendre et provoquer. 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Or, le MuDA grandit et ne peut pas continuer à mener à bien sa mission sans subventions publiques.</p> <h3><strong>Musée physique qui coûte ou un musée virtuel à bas prix?</strong></h3> <p>L’ICOM, le Conseil international des musées, soutient-il le MuDA dans sa démarche novatrice? «L'ICOM est très bien disposée à notre égard. Mais une grande partie des critères d'acceptation est basée sur la notion de collection. Ce qui est quelque peu problématique. Notre collection est en ligne, elle est virtuelle. Nous sommes donc bien loin des caves de musée, des inventaires et des nombreux éléments qui gravitent autour de l'idée que l'on se fait d'un musée traditionnel. 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Au cœur de Zürich-Ouest, au rez-de-chaussée d’un svelte immeuble en briques rouges, le MuDA joue le rôle de point de rencontre entre divers métiers. En effet, ingénieurs, programmateurs, designers, … peinent à se retrouver dans la réalité virtuelle.</p> <p><strong>Les algorithmes sauront-il un jour créer de façon autonome?</strong></p> <p>Selon l’anthropologue, l’art digital est un enfant terrible devenu adolescent rebelle. Il est en pleine expansion mais ne figure encore que peu dans des foires du type Art Basel. Il échappe aux catégories et à toute emprise. Il est également réplicable et pose les questions gênantes de «l’open source» et du «copyleft». Caroline Hirt précise: «L’art digital n’a pas ou que très peu de valeur marchande, ses ressources sont humaines, ce qui est d’une grande beauté.»</p> <p>Au MuDA, l’Art digital nous amène à traverser une épreuve relationnelle mémorable, comme cela a été le cas autrefois avec le cinéma. Sauf que le musée centre son travail sur le code binaire exclusivement. Et les avancées sont d’une vive rapidité. A l’heure actuelle, les algorithmes ont besoin d’être programmés pour que l’art devienne réalité, comme cela a été le cas lors de la confection d’un faux Rembrandt inédit baptisé «The next Rembrandt». Les algorithmes sont indissociables de leur créateur. Ils ne sont ni créatifs, ni autonomes et le temps n’en est pas venu. «Ou pas encore», fait remarquer Caroline Hirt qui se refuse à toute spéculation futuriste.<br /><br /></p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1562001130_zach_blop.jpg" class="img-responsive img-fluid center " width="560" height="560" /></p> <h4 style="text-align: center;">Un exemple du travail de Zach Lieberman. <small>© MuDA</small></h4> <p>Tout en riant, elle raconte comment un algorithme a été programmé pour jouer à Tetris: «La meilleure solution que l'algorithme a trouvée pour ne jamais perdre, c’est de mettre le jeu sur pause juste avant que l'écran ne soit rempli de pièces. Les algorithmes se développent à un rythme fou et font des choses de plus en plus incroyables. Mais ils sont encore bien loin de totalement remplacer les humains».</p> <p>Et pourtant, le discours ambiant sur les nouvelles technologies ne fait pas dans la nuance. Tout est noir ou tout est blanc. Ici, les robots vont nous sauver, et là nous tuer! Les algorithmes ont droit au même palabre: soit ils sont surestimés, soit sous-estimés alors qu’ils reflètent simplement nos capacités. Eminemment plus captivante, la zone grise est auscultée au MuDA, devenu un pôle majeur de discussion en Suisse.</p> <h3>Un algorithme fait office de curateur</h3> <p>Ainsi le Musée des Arts digitaux organise-t-il des tables rondes, des ateliers et autres manifestations qui enjoignent les participants à ne pas être les utilisateurs passifs des nouvelles technologies. Et à se poser des questions essentielles: qu’est-ce qu’un pixel? Qu’y a-t-il derrière l’espèce de boîte noire à laquelle ressemble un computer et comment fonctionne ce dernier? Au MuDA, dès 4 ans, les enfants apprennent la logique des codes informatiques, créent et font de la programmation.</p> <p>Lors des ateliers abondamment fréquentés, il s’agit de dépiauter les ordinateurs, de les recycler, de faire de la soudure. «Après les fête, nous faisons de belles récoltes dans les déchetteries», garantit Caroline Hirt. Et ce, avec un panel large de personnes de tous les âges et de tous les métiers, dont une ribambelle d’enseignants qui apprennent à se servir du digital comme d’un outil à notre service. A nous de nous en emparer afin de donner vie à nos idées et de pouvoir répondre à nos besoins!», signale-t-elle.</p> <p>C’est donc un algorithme qui recherche sur la toile les artistes qu’exposera le MuDA. «En tous les cas, il ne s’agit pas de décrédibiliser le travail curatorial. Nous nous servons d’un algorithme pour des raisons d’efficacité et pour nous laisser surprendre», souligne Caroline Hirt, qui reprend: «de plus, l’algorithme se tient hors des pressions et des influences humaines. Il travaille sans relâche, 24 heures sur 24. Il nous facilite la vie. Cette pratique se marie bien avec la conception que nous avons d’un musée expérimental.»</p> <p>Programmé en fonction des premiers artistes exposés et des critères qui correspondent aux visions du MuDA, l’algorithme propose chaque année une liste d’artistes dans laquelle pioche Caroline Hirt. «Tout artiste présent sur le web a une chance d’exposer chez nous et cette idée nous plaît. Nous voulons être généreux, accessibles à toutes et tous. Nous voulons être un musée progressiste et humaniste à la fois. Un musée qui réfléchit.»</p> <hr /> <h2><strong>Zach Lieberman, l’hypnotiseur</strong></h2> <p>Artiste, chercheur, programmateur, Zach Lieberman est actuellement exposé au MuDA. 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Chaque année, depuis 2013, un artiste a la chance de développer un projet qui se déclinera sur les panneaux trônant sur la couronne du barrage. Et pour 2019, c’est Batia Suter, artiste et grande collectionneuse d’images, que le directeur de l’école de design et haute école d’art du Valais (édhéa) Jean-Paul Felley a désignée.
En 30 gigantesques images expressément conçues pour le lieu, Batia Suter nous embarque dans un voyage épique à 2000 mètres d’altitude. Elle nous guide de la vallée au barrage, dans une sorte de pèlerinage qu’elle a nommé Hexamiles. Cela en référence aux hexamètres si chers à Homère et au nautical mile, le mile marin. Nous voilà prévenus: il est bon d’être attentif aux métaphores maritimes ainsi que de se préparer à une balade visuelle, une marche de station en station.
L’histoire prend corps au Musée de Bagnes. Là, une figure de proue fait office de boussole: ornée d’une noble coiffe rappelant les casques de la Grèce antique, la tête sculptée grandeur nature montre la direction: suivez son regard qui pointe vers un diaporama. En projection, inexorablement, Batia Suter montre et démontre la portée ainsi que le potentiel élevé de ses images d’archive.
Batia Suter, archéologue de l’image photographique
Cette iconophile donne à ausculter des agencements d’images qui font apparaître des terres arides, des strates géologiques, des objets design inconnus au bataillon, des montagnes enneigées, des monstres marins, des paysages exotiques et autres jungles, des publicités... puis les vestiges d’une civilisation engloutie. Le tout principalement en noir/blanc ou dans des teintes grises, bleutées, roses, douces et presque toujours pâles. Images ethnographiques, scientifiques, clichés historiques, reproductions issues de catalogues d’art, affiches promo…, Batia Suter glane ses reproductions vernaculaires et pittoresques sans se soucier de l’unicité des techniques, des supports, ni des provenances.
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Ces deux ouvrages rappellent à plusieurs titres le célèbre Atlas Mnémosyne d’Aby Warburg (1866-1929). Comme le disait cette figure avant-gardiste de l’histoire de l’art, l’Atlas Mnémosyne s’apparente à une histoire de fantômes pour grandes personnes (voir ci-dessous). En effet, Warburg évoquait volontiers la survivance des images au travers du temps. Quant à Batia Suter, elle nous amène à percevoir les strates qui sédimentent s,es images. En archéologue du médium photographique, elle restitue leur puissance aux reproductions issues de sa collection. Elle les réanime, les ressuscite, les réactive.
Atlas Mnémosyne, planches d’œuvres de Rembrandt, 1926.
Fantômes, survivance et réminiscences iconographiques
Nous abordons les images une à une, avant de réaliser qu’il existe un entre-deux, un espace intermédiaire dans lequel chacun peut se projeter à sa manière dans un geste libérateur qui fait du bien. Collectionneur d’images à l’instar de Batia Suter, Aby Warburg parlait d’iconologie des intervalles pour désigner sa réflexion sur ce qui anime l’espace physique et mental qui vit entre deux images. Cet entre-deux qu’évoque Freud en le qualifiant de royaume, cet écart entre les images permet des rencontres hors du commun et même spectrales: nous reconnaissons les formes et le pathos comme des revenants, comme des apparitions émergeant d’un autre temps.
Scandées au rythme du diaporama, les images disparates ne vont pas sans évoquer les cabinets de curiosités, espaces bien connus à la Renaissance pour abriter toutes les raretés et objets incongrus du monde, systématiquement classés2. Tout comme dans un cabinet de curiosités, appelé également studiolo ou Wunderkammer, le dispositif de Batia Suter tend à reconstituer, voire à résumer notre monde. De ce fait, Suter éveille des significations transversales imprévisibles.
Ainsi, dans le travail de Batia Suter, il est question d’une histoire naturelle qui dépeint le règne minéral, celui de l’animal et du végétal. Primordial dans un studiolo, le domaine des artefacts reste discret parmi les choix typologiques de la néerlandaise, tandis que l’exotisme a la part belle. Par contre, Suter maintient une approche artistique et poétique des images. Une attitude différente de celle qui a engendré les cabinets de curiosités dont la constitution repose sur un regard prétendument scientifique.
Homère conte avec des mots, Suter avec des images
De même que Homère l’a fait avec les mots, Batia Suter raconte une histoire en images. En créant sa propre syntaxe visuelle, elle amène ses images à fonctionner comme des mots. Du coup, l’installation sise au Musée de Bagnes résonne comme le premier chapitre d’un récit. Ou plutôt, d’un poème épique. La suite de cette aventure navale en montagne se joue quelques centaines de mètres plus haut, sur la couronne du barrage de Mauvoisin auquel on accède à pied.
Dès lors, il s’agit de gravir une pente abrupte. Puis de traverser un long tunnel creusé dans la montagne. Dans un air froid, diverses photographies légendées narrent les épisodes de la construction du barrage. A près de 2000 mètres d’altitude, le jour point. La sortie de la galerie souterraine est proche: les yeux sont piqués par la transparence de l’air. Au point que les alentours prennent un aspect chimérique.
La poupe gelée d’un navire brise une mer agitée, un totem, des montagnes, des déserts, des fonds marins, des palmiers, une vallée enneigée, une tiare immergée dans le cyan, une île, une rivière, une chute d’eau, des coraux, les plans d’un voilier, une planche d’entomologie, une famille devant un étal et un champ de maïs, … Sur quinze panneaux géants, en noir/blanc ou en couleurs, Batia Suter déploie quelques-uns de ses trésors iconographiques, encore une fois sens dessus dessous. Les superpositions d’images ainsi que les cadrages sont totalement maîtrisés, à l’instar de cette reproduction d’un tableau de Van Gogh encastrée dans un photogramme mettant en scène des explorateurs en marche vers on ne sait quelle contrée.
Paysages d’images, images de paysages
Suter appréhende le paysage alentours comme une construction. L’immense masse de béton du barrage n’en devient qu’un élément parmi d’autres, tout aussi imposant que les montagnes vertes, les rochers anthracites, la chute d’eau bruyante et bruineuse l’eau du lac d’azur et le ciel, translucide. Reprenant le propos de Ramuz, les architectes Herzog & de Meuron n’ont-ils pas affirmé que le Cervin était le monument qui symbolisait le mieux la Suisse? Ainsi, Batia Suter inscrit-elle ses images dans un paysage monumental, presque irréel. Le paradis sur terre?
Considéré comme un objet visuel, le paysage peut dès lors jouer avec les images: les lignes de force des images se poursuivent hors-champ, sortes de prolongations dans le vrai monde. Batia Suter ajoute à son attitude encyclopédique une remise en question de la nature du paysage. Mais surtout, elle exprime une profonde conscience de l’importance du contexte dans lequel une image est exposée. Par le choix et l’emplacement de ses reproductions photographiques, Batia Suter s’approprie du site du barrage de Mauvoisin en virtuose. Serait-ce cela, l’irréalité augmentée?
Batia Suter, une vie en images
Née en 1967 dans le canton de Zurich, Batia Suter est installée actuellement à Amsterdam. Elle poursuivra ses études à l’Académie des Beaux-Arts de Arnhem, une école réputée établie aux Pays-Bas. Le corpus d’images avec lequel elle compose ses livres et expositions s’appuie sur un héritage d’exception. La tante de l’artiste était secrétaire de la Faculté de mathématiques de l’Université de Zurich. C’est là qu’elle a collectionné un fantastique matériel iconographique scientifique, ensemble d’images qu’elle lèguera à sa nièce lors de son décès.
Plus d’information sur le travail de Batia Suter et sur l’ensemble de ses publications : www.batiasuter.com
1Batia Suter, Encyclopedia 1 et 2, Roma publications, 2007 et 2015
2Pour en savoir plus sur les cabinets de curiosités: Antoine Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe, Les cabinets de curiosités en France au XVIIe siècle, deuxième édition en 2012
Informations: Musée de Bagnes: 027 / 776 15 25 ou www.museedebagnes.ch
Diaporama jusqu’au 15 septembre 2019
Barrage de Mauvoisin: installation à voir jusqu’au 29 septembre 2019
Catalogue de l’exposition à Bagne et Mauvoisin: Batia Suter, Hexamiles (Mont-Voisin) ROMA Publications, 2019
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Or, le MuDA grandit et ne peut pas continuer à mener à bien sa mission sans subventions publiques.</p> <h3><strong>Musée physique qui coûte ou un musée virtuel à bas prix?</strong></h3> <p>L’ICOM, le Conseil international des musées, soutient-il le MuDA dans sa démarche novatrice? «L'ICOM est très bien disposée à notre égard. Mais une grande partie des critères d'acceptation est basée sur la notion de collection. Ce qui est quelque peu problématique. Notre collection est en ligne, elle est virtuelle. Nous sommes donc bien loin des caves de musée, des inventaires et des nombreux éléments qui gravitent autour de l'idée que l'on se fait d'un musée traditionnel. 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Au cœur de Zürich-Ouest, au rez-de-chaussée d’un svelte immeuble en briques rouges, le MuDA joue le rôle de point de rencontre entre divers métiers. En effet, ingénieurs, programmateurs, designers, … peinent à se retrouver dans la réalité virtuelle.</p> <p><strong>Les algorithmes sauront-il un jour créer de façon autonome?</strong></p> <p>Selon l’anthropologue, l’art digital est un enfant terrible devenu adolescent rebelle. Il est en pleine expansion mais ne figure encore que peu dans des foires du type Art Basel. Il échappe aux catégories et à toute emprise. Il est également réplicable et pose les questions gênantes de «l’open source» et du «copyleft». Caroline Hirt précise: «L’art digital n’a pas ou que très peu de valeur marchande, ses ressources sont humaines, ce qui est d’une grande beauté.»</p> <p>Au MuDA, l’Art digital nous amène à traverser une épreuve relationnelle mémorable, comme cela a été le cas autrefois avec le cinéma. Sauf que le musée centre son travail sur le code binaire exclusivement. Et les avancées sont d’une vive rapidité. A l’heure actuelle, les algorithmes ont besoin d’être programmés pour que l’art devienne réalité, comme cela a été le cas lors de la confection d’un faux Rembrandt inédit baptisé «The next Rembrandt». Les algorithmes sont indissociables de leur créateur. Ils ne sont ni créatifs, ni autonomes et le temps n’en est pas venu. «Ou pas encore», fait remarquer Caroline Hirt qui se refuse à toute spéculation futuriste.<br /><br /></p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w1200/1562001130_zach_blop.jpg" class="img-responsive img-fluid center " width="560" height="560" /></p> <h4 style="text-align: center;">Un exemple du travail de Zach Lieberman. <small>© MuDA</small></h4> <p>Tout en riant, elle raconte comment un algorithme a été programmé pour jouer à Tetris: «La meilleure solution que l'algorithme a trouvée pour ne jamais perdre, c’est de mettre le jeu sur pause juste avant que l'écran ne soit rempli de pièces. Les algorithmes se développent à un rythme fou et font des choses de plus en plus incroyables. Mais ils sont encore bien loin de totalement remplacer les humains».</p> <p>Et pourtant, le discours ambiant sur les nouvelles technologies ne fait pas dans la nuance. Tout est noir ou tout est blanc. Ici, les robots vont nous sauver, et là nous tuer! Les algorithmes ont droit au même palabre: soit ils sont surestimés, soit sous-estimés alors qu’ils reflètent simplement nos capacités. Eminemment plus captivante, la zone grise est auscultée au MuDA, devenu un pôle majeur de discussion en Suisse.</p> <h3>Un algorithme fait office de curateur</h3> <p>Ainsi le Musée des Arts digitaux organise-t-il des tables rondes, des ateliers et autres manifestations qui enjoignent les participants à ne pas être les utilisateurs passifs des nouvelles technologies. Et à se poser des questions essentielles: qu’est-ce qu’un pixel? Qu’y a-t-il derrière l’espèce de boîte noire à laquelle ressemble un computer et comment fonctionne ce dernier? Au MuDA, dès 4 ans, les enfants apprennent la logique des codes informatiques, créent et font de la programmation.</p> <p>Lors des ateliers abondamment fréquentés, il s’agit de dépiauter les ordinateurs, de les recycler, de faire de la soudure. «Après les fête, nous faisons de belles récoltes dans les déchetteries», garantit Caroline Hirt. Et ce, avec un panel large de personnes de tous les âges et de tous les métiers, dont une ribambelle d’enseignants qui apprennent à se servir du digital comme d’un outil à notre service. A nous de nous en emparer afin de donner vie à nos idées et de pouvoir répondre à nos besoins!», signale-t-elle.</p> <p>C’est donc un algorithme qui recherche sur la toile les artistes qu’exposera le MuDA. «En tous les cas, il ne s’agit pas de décrédibiliser le travail curatorial. Nous nous servons d’un algorithme pour des raisons d’efficacité et pour nous laisser surprendre», souligne Caroline Hirt, qui reprend: «de plus, l’algorithme se tient hors des pressions et des influences humaines. Il travaille sans relâche, 24 heures sur 24. Il nous facilite la vie. Cette pratique se marie bien avec la conception que nous avons d’un musée expérimental.»</p> <p>Programmé en fonction des premiers artistes exposés et des critères qui correspondent aux visions du MuDA, l’algorithme propose chaque année une liste d’artistes dans laquelle pioche Caroline Hirt. «Tout artiste présent sur le web a une chance d’exposer chez nous et cette idée nous plaît. Nous voulons être généreux, accessibles à toutes et tous. Nous voulons être un musée progressiste et humaniste à la fois. Un musée qui réfléchit.»</p> <hr /> <h2><strong>Zach Lieberman, l’hypnotiseur</strong></h2> <p>Artiste, chercheur, programmateur, Zach Lieberman est actuellement exposé au MuDA. Ses œuvres ouvrent un champ de contemplation déroutant situé entre technologie, art et design. Comment imaginer que, grâce à de la programmation, une diversité et une sensualité aussi puissantes naissent de ses travaux artistique?<br /><br /></p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w400/1562001237_zach_studio.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">L'artiste dans son studio de la Grande Pomme. <small>© MuDA</small></h4> <p>Autant dire que le New-yorkais sait nous prendre par les yeux et gagner nombre de nos émotions. Ici, sur une suite d’écrans de projection, des formes ultra-colorées se métamorphosent, d’une iridescence aquatique à une autre, psychédélique et hypnotisante. Là, un espèce de blob fluorescent se mue en une géométrie complexe bientôt typographique..</p> <p>Hautement organiques, les pièces de Lieberman dégagent une poésie inattendue. Celles qui sont interactives font rire aux éclats ou viennent nous questionner. Par ses pratiques artistiques novatrices, Zach Lieberman nous rappelle que, au-delà de nos manières de vivre fortement numérisées, le code peut aussi nous éblouir, à l’instar des travaux prémonitoire de Vera Molnàr.</p> <h2><strong>Vera Molnàr, ordre et désordre</strong></h2> <p>Grande représentante de l’abstraction géométrique des années 50, Vera Molnàr peint et construit des «systèmes» la rapprochant de l’art concret. Elle dit elle-même travailler à l’intersection des trois «cons»: «les conceptuels, les constructivistes et les computers.» C’est que cette «Lady» née à Budapest en 1924 porte en elle un superbe héritage: les constructivistes russes (Malevitch), le Bauhaus, les œuvres systématiques du mouvement de Stijl (Mondrian) ou l’Op Art et l’art cinétique (Vasarely) se retrouvent dans ses travaux. Tout comme les mathématiques, d’ailleurs.<br /><br /></p> <p><img src="https://media.bonpourlatete.com/default/w600/1562001300_vera_smiles.jpg" class="img-responsive img-fluid center " /></p> <h4 style="text-align: center;">Vera Molnàr. <small>© MuDA</small></h4> <p>En effet, Vera Molnàr établit un jeu intense de correspondances dans lequel elle sème volontiers des grains de sable afin de perturber le vocabulaire élémentaire de ses œuvres, par trop maîtrisées et ultra-logiques. Au MuDA, elle proposera des travaux exécutés à l’aide de ses outils que sont pour elle les ordinateurs, qu'elle a découverts en pionnière, dans les années 70. L’exposition se centrera autour de ses «plotter drawings».</p> <p>La plupart des images seront montrées pour la première fois. Dessinés à l’aide de lignes labyrinthiques, les «plotter drawings» n’en deviennent pas moins des formes pures, qui s’écartent par moment du droit chemin de la géométrie. 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