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Chronique

Chronique / Voyage à l’Ouest

Marie Céhère

2 janvier 2019

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Marie Céhère est partie en Hongrie et livre ses impressions quotidiennes à «Bon pour la tête» sous forme de journal de bord. Découvrez, jour après jour, les épisodes de cette série hongroise. Voici le dernier d'entre eux.



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Neuf heures. Je quitte Budapest par le train pour Vienne au départ de Keleti, la gare de l’Est, mise en service en 1884. Comme celle de Nyugati (gare de l’Ouest), elle n’a pas vraiment changé depuis plusieurs décennies. Un décor glacial, de vieux wagons, des panneaux à la typographie délicieusement datée. Le bureau des voyages internationaux est caché au fond d’une galerie latérale. Il comprend un alignement de casiers, la consigne, et des sièges d’attente jaunes. Les employés de la MÁV (Magyar Államvasutak, les chemins de fer hongrois), derrière des guichets vitrés, parlent anglais et un écriteau précise que nous ne sommes pas dans un bureau de change.

Sur le long quai de Keleti, je croise des hommes en chapeau, des femmes en fichu, des ombres étranges, des fantômes, un peu. Les places et les voitures sont numérotées, le départ est ponctuel. Dans le train, une majorité de touristes asiatiques, quelques Espagnols, une dame hongroise aux ongles vernis de rouge discute au téléphone durant tout le trajet.

La neige n’a pas fondu. Nous dépassons rapidement les reliefs connus de Budapest et filons vers la grande banlieue. Des dizaines de barres d’immeubles en construction, de grands stades de football et de hockey: tout est gris béton. Budapest Kelenföld, la dernière gare urbaine, plutôt moderne, marque notre entrée dans la plaine. A gauche, le Danube est bleu pervenche dans le soleil du matin, il scintille et éblouit. Au-delà, ce ne sont que champs, collines, maisons isolées, une splendeur tranquille, dormante et nostalgique. Tatabánya, Komárom, Győr, la ville de l’industrie automobile, avec ses parkings gigantesques, de vieilles usines fumantes, ensuite, des étangs, un cimetière de campagne, une ancienne caserne soviétique à l’abandon, encore des champs saupoudrés de glace, à perte de vue. Quelques biches y galopent, des rapaces se posent sur les branches nues aux abords des villages. La Hongrie est majestueuse vue d’ici, imperturbable, éternelle, hors du temps. Mosonmagyarórvár. Puis Hegyeshalom, la ville-frontière avec l’Autriche, où nous nous arrêtons une quinzaine de minutes. Le temps d’apercevoir les restes du poste-frontière entre l’est et l’ouest. L’équipe hongroise cède la place à l’équipe autrichienne, les uniformes sont impossibles à confondre. C’est à Hegyeshalom que les Hongrois ont attaqué à la pince les barbelés du Rideau de fer en 1989. Je me promets de m’y arrêter, une prochaine fois.

Après Vienne, le train continue jusqu’à Munich. Les autres offres de la MÁV, déclinées sur l’enveloppe contenant mes billets, indiquent Bratislava, Bucarest, Linz, Salzbourg, Brno, Prague, Zagreb, ou Kolozsvár. Je tique en lisant cette dernière destination. Kolozsvár est le nom hongrois de la ville roumaine de Cluj-Napoca. Le gouvernement hongrois s’est récemment attiré les foudres des autorités roumaines pour avoir promis la nationalité hongroise à la minorité magyare de Transylvanie, aujourd’hui en Roumanie, autrefois partie de la «Grande Hongrie». Affirmation d’un nationalisme ethnique ferme, jusqu’aux gares de chemin de fer.

Mon voisin ne lève les yeux de son livre que pour pianoter sur son téléphone. Je lui trouve un air anglais. Je n’en sais rien, il n’a pas ouvert la bouche. Il pose sur sa tablette la biographie de Robert Capa par Richard Whelan, en hongrois. Je songe que, cette fois, je n’ai pas rendu visite à Bob Capa, au Capa Center de Nagymező utca. Il est le Hongrois pour qui je nourris la plus grande affection. Un vrai chic type, un peu voyou, photographe génial, un peu torturé, à des années-lumières du nationalisme ethnique magyar. Capa était un vrai cosmopolite, il était chez lui partout. Il a fui la Hongrie de l’amiral Horthy pour Berlin, puis Paris, puis les Etats-Unis. Il savait dire «champagne» et «petits fours» en français, ce qui lui confère un charme indélébile.

Mon voisin surprend mon regard. Il m’apprend, en français, qu’il ne lit absolument pas le hongrois. Notre conversation s’étire jusqu’à Vienne, où nous descendons tous les deux. Il me parle de Capa avec passion, comme s’il s’agissait d’un de ses vieux copains. Il a passé dix ans de sa vie à tout apprendre de lui, il vit avec lui, il en rêve, souvent, il n’en aura jamais fini.

Je quitte la Hongrie de Robert Capa, de Lajos Kossuth, de Viktor Orbán à regret. La Hongrie que j’aime et qui m’appelle embrasse ces trois aspects, assume son Histoire terrible et sinueuse, en fait des oeuvres d’art et des fictions trompeuses. Elle me reverra et je la reverrai, je n’en aurai jamais fini.

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