Analyse / Mitterrand, il y a 40 ans: la victoire en déchantant
Il y a 40 ans, François Mitterrand remportait l'élection présidentielle française. Retour sur les temps forts et le reflux de la "vague rose". © INA/Antenne 2
Une marée rose balaie la France, ce dimanche 21 juin 1981. Après la victoire de François Mitterrand à l’élection présidentielle, 42 jours auparavant, la gauche déferle sur l’Assemblée nationale et les communistes entrent au gouvernement. Ce sera pour eux le chant du cygne rouge et pour la gauche qui exulte, le début de la fin d’un certain socialisme étatique. La victoire en déchantant.
Pour les Français, 1981 sera l’année du «double effet Kiss Cool». Voire, triple!
Premier choc: François Mitterrand est élu président de la République avec 51,76% des suffrages exprimés. Le patron du Parti socialiste – abonné à l’opposition depuis l’arrivée du général de Gaulle au pouvoir en 1958 – chasse de l’Elysée Valéry Giscard d’Estaing, centriste et libéral.
Pendant la semaine qui suit ce résultat, c’est la ruée des coffres forts vers la Suisse dont le franc grimpe jusqu’à dépasser la Pointe Dufour et à contempler de haut le Mont-Blanc. Le contrôle des changes est aussitôt rétabli sans parvenir à enrayer l’hémorragie. La Bourse de Paris chute de 17% en cinq jours et les cotations doivent être suspendues.
Pendant ce temps, François Mitterrand organise son intronisation qui ne fera pas dans l’humilité républicaine: discours en grandes pompes à l’Hôtel de Ville de Paris le 21 mai – clin d’œil symbolique à de Gaulle qui y prononça à la Libération son allocution historique (Paris outragé, Paris martyrisé mais Paris libéré…) – et cérémonie au Panthéon de remise des roses sur les tombeaux des Grands Hommes réglée à la télévision par Serge Moati.
Deuxième «effet Kiss Cool»
Malgré la panique boursière, nombre de grands patrons de l’économie espèrent encore qu’à la suite de l’élection de Mitterrand, les Français «vont se ressaisir» et que mus par la peur de l’inconnu, les électeurs refuseront de lui offrir les moyens législatifs pour agir. En effet, le nouveau président a dissous l’Assemblée nationale, invitant ainsi les électeurs à renouveler la principale chambre du parlement.
Intervient alors le deuxième «effet Kiss Cool». Le Parti socialiste emporte ces élections en raflant 266 sièges sur 491 et obtient, à lui seul, la majorité absolue. La droite, formée de libéraux giscardiens et de gaullistes, perd ce pouvoir qu’elle détient depuis 23 ans… Une génération! La plus longue série de toute l’Histoire des cinq Républiques françaises.
Et le troisième...
Pierre Mauroy est reconduit au poste de Premier ministre. La composition de son nouveau gouvernement provoque un troisième «effet Kiss Cool»: quatre ministres communistes entrent au gouvernement pour la première fois depuis mai 19471. Il s’agit de Charles Fiterman (ministre d’Etat chargé des Transports), Anicet Le Pors (secrétaire d’Etat à la Fonction publique et à la Réforme administrative), Jack Ralite (ministre de la Santé) et Marcel Rigout (ministre de la Formation professionnelle). Pourtant, François Mitterrand dispose de tellement de sièges à l’Assemblée nationale qu’il n’a pas besoin de l’apport des 44 députés du PCF2. Mais le président veut encore faire vivre la fiction du Programme Commun – laborieusement élaboré par les socialistes, communistes et radicaux de gauche – pour ne pas troubler sa base électorale.
Cette présence au sein d’un gouvernement occidental de personnalités issues d’un parti lié à l’Union Soviétique inquiète le président des Etats-Unis, Ronald Reagan, qui conduit avec Léonid Brejnev, patron de l’URSS, un bras de fer qui tient le monde en haleine.
La présidence états-unienne craint que l’exemple de la France ne fasse tache d’huile, surtout en Italie où le Parti communiste est encore plus influent que le PC français. Autres motifs d’inquiétude: la possibilité d’un coup d’Etat mené par les communistes et la transmission à l’Union soviétique de secrets militaires.
Amadouer Reagan
Afin de savoir quelle sauce pimentée François Mitterrand mijote avec ses ministres rouges, Reagan délègue son vice-président George H.W. Bush3 qui, en tant qu’ancien directeur de la CIA, connaît la musique du Renseignement. Le vice-président arrive le jour même, 24 juin 1981, où le gouvernement Mauroy II tient son premier conseil à l’Elysée.
Selon le livre Verbatim de Jacques Attali, alors proche conseiller de Mitterrand, les huissiers font entrer George H.W. Bush au palais présidentiel par l’avenue Gabriel, située à l’opposé de l’entrée principale, afin de lui éviter de tomber nez-à-nez avec le quatuor des ministres moscoutaires qui, eux, sortent de l’Elysée à l’issue de leur premier Conseil des ministres.
Lors de cette rencontre, François Mitterrand explique à Bush senior sa stratégie vis-à-vis du PCF. S’il a nommé des ministres communistes, c’est pour mieux les contraindre à la solidarité gouvernementale et à leur faire avaliser une politique qui est loin de servir la cause de l’Union Soviétique. Le but est d’étouffer le Parti communiste dans les ors du pouvoir. George H.W. Bush sort rasséréné de cet entretien.
Si le président français s’est efforcé de se montrer convaincant, il n’a toutefois pas déployé tout son jeu. Il garde dans sa manche un atout de taille qu’il réserve pour une rencontre directe avec son homologue d’outre-Atlantique.
De retour à Washington, le vice-président dresse à l’intention de Ronald Reagan un constat plutôt rassurant sur les intentions de François Mitterrand à l’endroit, voire à l’encontre, des communistes qui n’ont obtenu que des postes ministériels de second plan.
Mais le président des Etats-Unis n’est pas encore tout à fait rassuré. Certes, le quatuor rouge n’a eu droit qu’à des ministères techniques. Néanmoins, l’un d’entre eux, présente un danger potentiel: le communiste Charles Fiterman qui, en tant que ministre des Transports, peut avoir accès à des documents de l’OTAN4, cas de figure que l’Alliance Atlantique interdit formellement. De plus, en tant que numéro 2 du PCF5, Fiterman a noué des rapports fréquents avec les Soviétiques.
Un atout-maître nommé «Farewell»
Les doutes états-uniens sur la position de la France vis-à-vis de l’URSS seront balayés lors d’une rencontre entre Mitterrand et Reagan en marge du G7 qui se déroule à Ottawa les 20 et 21 juillet 1981. A cette occasion, le président socialiste abat son atout-maître nommé «Farewell». C’est le nom de code du transfuge soviétique qui a amené à la France, puis à l’Occident le plus de renseignements sur les forces soviétiques, en nombre et en qualité. François Mitterrand offre donc aux Etats-Unis «Farewell» sur un plateau. Ronald Reagan manque tomber de son fauteuil et se serait exclamé: «C’est le plus gros poisson de ce genre depuis 1945». Pour lui, la cause est entendue: la France reste un allié fiable.
Le début de la fin pour l'URSS
Ingénieur et officier du KGB, Vladimir Vetrov6, alias «Farewell», fut en poste à Paris avant d’être rappelé à Moscou où il a travaillé au cœur du complexe militaro-industriel de son pays. Ecœuré par le système soviétique, l’espion a la fibre francophile, aussi est-ce avec le contre-espionnage français, la DST, qu’il collabore. Gratuitement.
Selon le site d’Altéo-Conseil, la DST a récolté par l’entremise de Vetrov «3 000 documents, preuves du pillage technologique de l'Ouest»; de plus, grâce à ses renseignements, «141 officiers soviétiques ont été expulsés de vingt-cinq pays, dont quarante-sept de France».
Mitterrand permet ainsi à Reagan de toucher le jackpot. Il connaît désormais l’étendue du savoir soviétique sur les forces des Etats-Unis mais prend aussi conscience du retard de l’URSS en matière d’armement et de sa situation économique bien plus catastrophique qu’il ne l’espérait. Au poker mondial, le président Etats-Unis est en mesure de consulter les principales cartes de son adversaire numéro 1. Cette manne française a donc tenu un rôle essentiel – et trop mal connu ailleurs – dans la chute de l’Empire soviétique.
Premiers signes d'essoufflement
Sur le front intérieur, en revanche, la situation du gouvernement socialiste se révèle moins rose. Juste après son élection, le nouveau président avait profité de l’état de grâce pour prendre une série de décisions applaudies par son électorat: hausse de 10% du minimum salarial, de 25% des allocations familiales et de logement, de 20% du minimum vieillesse, semaine de travail de 39 heures et cinq semaines de congés payés par an, sans oublier la retraite à 60 ans et la création de 55'000 emplois publics pour tenter de résorber un chômage qui, déjà, prend des proportions inquiétantes. Il faut encore ajouter à cet actif la suppression de la peine de mort.
La mésentente avec Michel Rocard
En outre, le gouvernement Mauroy, sous l’impulsion de François Mitterrand, a nationalisé les banques et de nombreux secteurs industriels. Ces nationalisations ont coûté 43 milliards de francs français (soit 6, 55 milliards d’euros ou 7,11 de francs suisses) au Trésor Public.
Au grand dam de Michel Rocard, alors ministre du Plan et de l’Aménagement du territoire, qui aurait préféré que l’Etat prennent une courte majorité dans l’actionnariat plutôt que de lancer une campagne massive de nationalisations. Mais Rocard, qui est le principal rival de Mitterrand au sein du Parti socialiste, ne risque pas d’avoir l’oreille du président. Les deux hommes se détestent. Lorsque le chef de l’Etat nommera plus tard Michel Rocard premier ministre (entre 1988 et 1991), on parlera plus d’une cohabitation entre adversaires que d’une coopération entre camarades de Parti.
De culture protestante réformée, Rocard est l’incarnation de la «Deuxième gauche» qui, pour faire avancer la cause socialiste, table plus sur le débat social décentralisé et la promotion de l’autogestion que sur la bureaucratie étatiste et l’autorité centralisatrice. Eternel débat entre Girondins et Jacobins, sous de modernes oripeaux.
Mitterrand vient d’un tout autre horizon. Fils de vinaigriers de Jarnac, près de Cognac, en Charente, il est élevé dans un milieu très conservateur. Les vinaigriers catholiques, même issus de la bonne bourgeoisie, sont tenus en petite estime par les protestants, très actifs dans le domaine du Cognac. Cognac et vinaigre ne font certainement pas bon ménage, chacun en conviendra. Surtout à Jarnac. Le jeune Mitterrand en conservera une rogne certaine contre les parpaillots dont l’intellectuel citadin Rocard est l’incarnation.
Pour Mitterrand, force doit rester à l’Etat et à son autorité. Il se méfie de toutes ces nouvelles idées qui traversent alors la gauche, lui qui qualifiait de « Zozos » les gauchistes de Mai 68 dont Michel Rocard était proche.
Ile socialiste dans une mer néolibérale
Pour les socialistes au pouvoir, l’addition devient de plus en plus salée. La politique sociale généreuse, le coût des nationalisations, la fuite des capitaux, notamment vers la Suisse, les plans de relance dépensiers mais sans effet sur le chômage pèsent très rapidement sur le gouvernement Mauroy. Qui dévalue le franc français le 4 octobre 1981 déjà. Ce même cabinet devra se résoudre à prendre semblable décision le 12 mars 1982, puis le 21 mars 1983. Aubaine pour les frontaliers français qui travaillent en Suisse et pour les Genevois qui vont massivement se ravitailler dans les supermarchés d’outre-Foron.
La politique sociale et économique des deux premières années des présidences Mitterrand se solde donc par un échec.
Il faut dire que Mitterrand et son PS ont été élus à contre-courant de la tendance générale. Dans les autres pays, le temps n’est plus à la social-démocratie mais au néolibéralisme et au remplacement du capitalisme industriel par le capitalisme financier qu’incarnent la première ministre britannique Margaret Thatcher (élue en 1979) et Ronald Reagan (installé en janvier 1981). En Allemagne, le démocrate-chrétien Helmut Kohl prendra un virage de même nature dès 1982.
Le biotope géopolitique de l’époque n’est donc pas favorable à la France de Mitterrand. Elle est d’autant plus solitaire que depuis la présidence de Giscard d’Estaing elle tend à se défaire de ses secteurs industriels, devenus obsolètes, sans avoir su les remplacer par d’autres agents économiques, un boulet que l’Hexagone traîne encore aujourd’hui.
Le tournant de la rigueur
Le 21 mars 1983, sur l’impulsion de François Mitterrand, le gouvernement annonce «le tournant de la rigueur». Terminées, la générosité sociale et les dépenses publiques. Entre quitter le Système monétaire européen ou y rester, le président socialiste – très attaché à l’idée européenne et au tandem avec l’Allemagne fédérale – a choisi la seconde partie de l’alternative avec toutes ses conséquences: mise en place de l’austérité budgétaire, freinage de l’inflation. La France se met à l’heure allemande et le Parti socialiste se convertit à l’économie de marché.
Suite logique bien qu’un peu tardive: le 19 juillet 1984, les communistes quittent le gouvernement désormais dirigé par le jeune socialiste Laurent Fabius (aujourd’hui président du Conseil constitutionnel). Pour le PCF, c’est la chute libre dans le déclin. L’un après l’autre, il perd ses fiefs. Le dernier, le Val-de-Marne près de Paris, vient de tomber aux récentes élections départementales.
François Mitterrand restera dans l’Histoire comme le président qui a siégé le plus longtemps à l’Elysée … Quatorze ans! Un comble pour celui qui n’avait pas de mots assez durs contre la Ve République lorsqu’il était dans l’opposition. Toutefois, contraint à deux cohabitations avec la droite, il n’aura pu que tenter d’impulser une politique vaguement sociale-libérale, après l’échec de la sienne entre 1981 et 1983.
Ainsi, la victoire d’il y a 40 ans, tant célébrée par la gauche, aura sonné la fin d’un socialisme étatique, le déclin définitif du Parti communiste français et l’amorce de l’effondrement de l’empire soviétique.
1Figurant à des postes souvent importants depuis la Libération, les ministres communistes sont chassés du gouvernement français en raison de la Guerre Froide qui commence.
2Parti Communiste Français
3Il sera président des Etats-Unis de 1989 à 1993 et son fils, George W., occupera la Maison Blanche de 2001 à 2009.
4La France du général de Gaulle avait quitté en 1966 le commandement unifié de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord le jugeant trop inféodé aux seuls intérêts états-uniens. Toutefois, Paris était resté membre de l’Alliance Atlantique et avait signé plusieurs accords de coopération militaire avec les forces de l’OTAN. La France réintégrera le commandement unifié en 2009 sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
5C’est Georges Marchais qui le dirige à l’époque; Le Canard Enchaîné ne l’a pas encore surnommé «Chevalier Dudéclin».
6Alors qu’il purge une peine de 12 ans de prison pour meurtre, Vladimir Vetrov est démasqué par le KGB. Condamné à mort pour haute trahison, «Farewell» sera exécuté le 23 janvier 1985 à la prison de Lefortovo à Moscou.
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En effet, le nouveau président a dissous l’Assemblée nationale, invitant ainsi les électeurs à renouveler la principale chambre du parlement.</p> <p>Intervient alors le deuxième «effet Kiss Cool». Le Parti socialiste emporte ces élections en raflant 266 sièges sur 491 et obtient, à lui seul, la majorité absolue. La droite, formée de libéraux giscardiens et de gaullistes, perd ce pouvoir qu’elle détient depuis 23 ans… Une génération! La plus longue série de toute l’Histoire des cinq Républiques françaises.</p> <h3>Et le troisième...</h3> <p>Pierre Mauroy est reconduit au poste de Premier ministre. La composition de son nouveau gouvernement provoque un troisième «effet Kiss Cool»: quatre ministres communistes entrent au gouvernement pour la première fois depuis mai 1947<sup><strong>1</strong></sup>. Il s’agit de Charles Fiterman (ministre d’Etat chargé des Transports), Anicet Le Pors (secrétaire d’Etat à la Fonction publique et à la Réforme administrative), Jack Ralite (ministre de la Santé) et Marcel Rigout (ministre de la Formation professionnelle). Pourtant, François Mitterrand dispose de tellement de sièges à l’Assemblée nationale qu’il n’a pas besoin de l’apport des 44 députés du PCF<strong><sup>2</sup></strong>. Mais le président veut encore faire vivre la fiction du Programme Commun – laborieusement élaboré par les socialistes, communistes et radicaux de gauche – pour ne pas troubler sa base électorale.</p> <p>Cette présence au sein d’un gouvernement occidental de personnalités issues d’un parti lié à l’Union Soviétique inquiète le président des Etats-Unis, Ronald Reagan, qui conduit avec Léonid Brejnev, patron de l’URSS, un bras de fer qui tient le monde en haleine.</p> <p>La présidence états-unienne craint que l’exemple de la France ne fasse tache d’huile, surtout en Italie où le Parti communiste est encore plus influent que le PC français. Autres motifs d’inquiétude: la possibilité d’un coup d’Etat mené par les communistes et la transmission à l’Union soviétique de secrets militaires. </p> <h3>Amadouer Reagan</h3> <p>Afin de savoir quelle sauce pimentée François Mitterrand mijote avec ses ministres rouges, Reagan délègue son vice-président George H.W. Bush<sup><strong>3</strong></sup> qui, en tant qu’ancien directeur de la CIA, connaît la musique du Renseignement. Le vice-président arrive le jour même, 24 juin 1981, où le gouvernement Mauroy II tient son premier conseil à l’Elysée.</p> <p> Selon le livre <i>Verbatim</i> de Jacques Attali, alors proche conseiller de Mitterrand, les huissiers font entrer George H.W. Bush au palais présidentiel par l’avenue Gabriel, située à l’opposé de l’entrée principale, afin de lui éviter de tomber nez-à-nez avec le quatuor des ministres moscoutaires qui, eux, sortent de l’Elysée à l’issue de leur premier Conseil des ministres. </p> <p>Lors de cette rencontre, François Mitterrand explique à Bush senior sa stratégie vis-à-vis du PCF. S’il a nommé des ministres communistes, c’est pour mieux les contraindre à la solidarité gouvernementale et à leur faire avaliser une politique qui est loin de servir la cause de l’Union Soviétique. Le but est d’étouffer le Parti communiste dans les ors du pouvoir. George H.W. Bush sort rasséréné de cet entretien. </p> <p>Si le président français s’est efforcé de se montrer convaincant, il n’a toutefois pas déployé tout son jeu. Il garde dans sa manche un atout de taille qu’il réserve pour une rencontre directe avec son homologue d’outre-Atlantique.</p> <p> De retour à Washington, le vice-président dresse à l’intention de Ronald Reagan un constat plutôt rassurant sur les intentions de François Mitterrand à l’endroit, voire à l’encontre, des communistes qui n’ont obtenu que des postes ministériels de second plan. </p> <p>Mais le président des Etats-Unis n’est pas encore tout à fait rassuré. Certes, le quatuor rouge n’a eu droit qu’à des ministères techniques. Néanmoins, l’un d’entre eux, présente un danger potentiel: le communiste Charles Fiterman qui, en tant que ministre des Transports, peut avoir accès à des documents de l’OTAN<strong><sup>4</sup></strong>, cas de figure que l’Alliance Atlantique interdit formellement. De plus, en tant que numéro 2 du PCF<strong><sup>5</sup></strong>, Fiterman a noué des rapports fréquents avec les Soviétiques.</p> <h3>Un atout-maître nommé «Farewell»</h3> <p>Les doutes états-uniens sur la position de la France vis-à-vis de l’URSS seront balayés lors d’une rencontre entre Mitterrand et Reagan en marge du G7 qui se déroule à Ottawa les 20 et 21 juillet 1981. A cette occasion, le président socialiste abat son atout-maître nommé «Farewell». C’est le nom de code du transfuge soviétique qui a amené à la France, puis à l’Occident le plus de renseignements sur les forces soviétiques, en nombre et en qualité. François Mitterrand offre donc aux Etats-Unis «Farewell» sur un plateau. Ronald Reagan manque tomber de son fauteuil et se serait exclamé: «C’est le plus gros poisson de ce genre depuis 1945». Pour lui, la cause est entendue: la France reste un allié fiable.</p> <h3>Le début de la fin pour l'URSS</h3> <p>Ingénieur et officier du KGB, Vladimir Vetrov<strong><sup>6</sup></strong>, alias «Farewell», fut en poste à Paris avant d’être rappelé à Moscou où il a travaillé au cœur du complexe militaro-industriel de son pays. Ecœuré par le système soviétique, l’espion a la fibre francophile, aussi est-ce avec le contre-espionnage français, la DST, qu’il collabore. Gratuitement. </p> <p>Selon le site d’Altéo-Conseil, la DST a récolté par l’entremise de Vetrov «3 000 documents, preuves du pillage technologique de l'Ouest»; de plus, grâce à ses renseignements, «141 officiers soviétiques ont été expulsés de vingt-cinq pays, dont quarante-sept de France». </p> <p>Mitterrand permet ainsi à Reagan de toucher le jackpot. Il connaît désormais l’étendue du savoir soviétique sur les forces des Etats-Unis mais prend aussi conscience du retard de l’URSS en matière d’armement et de sa situation économique bien plus catastrophique qu’il ne l’espérait. Au poker mondial, le président Etats-Unis est en mesure de consulter les principales cartes de son adversaire numéro 1. Cette manne française a donc tenu un rôle essentiel – et trop mal connu ailleurs – dans la chute de l’Empire soviétique.</p> <h3>Premiers signes d'essoufflement</h3> <p>Sur le front intérieur, en revanche, la situation du gouvernement socialiste se révèle moins rose. Juste après son élection, le nouveau président avait profité de l’état de grâce pour prendre une série de décisions applaudies par son électorat: hausse de 10% du minimum salarial, de 25% des allocations familiales et de logement, de 20% du minimum vieillesse, semaine de travail de 39 heures et cinq semaines de congés payés par an, sans oublier la retraite à 60 ans et la création de 55'000 emplois publics pour tenter de résorber un chômage qui, déjà, prend des proportions inquiétantes. Il faut encore ajouter à cet actif la suppression de la peine de mort.</p> <h3>La mésentente avec Michel Rocard</h3> <p>En outre, le gouvernement Mauroy, sous l’impulsion de François Mitterrand, a nationalisé les banques et de nombreux secteurs industriels. Ces nationalisations ont coûté 43 milliards de francs français (soit 6, 55 milliards d’euros ou 7,11 de francs suisses) au Trésor Public. </p> <p>Au grand dam de Michel Rocard, alors ministre du Plan et de l’Aménagement du territoire, qui aurait préféré que l’Etat prennent une courte majorité dans l’actionnariat plutôt que de lancer une campagne massive de nationalisations. Mais Rocard, qui est le principal rival de Mitterrand au sein du Parti socialiste, ne risque pas d’avoir l’oreille du président. Les deux hommes se détestent. Lorsque le chef de l’Etat nommera plus tard Michel Rocard premier ministre (entre 1988 et 1991), on parlera plus d’une cohabitation entre adversaires que d’une coopération entre camarades de Parti. </p> <p>De culture protestante réformée, Rocard est l’incarnation de la «Deuxième gauche» qui, pour faire avancer la cause socialiste, table plus sur le débat social décentralisé et la promotion de l’autogestion que sur la bureaucratie étatiste et l’autorité centralisatrice. Eternel débat entre Girondins et Jacobins, sous de modernes oripeaux.</p> <p>Mitterrand vient d’un tout autre horizon. Fils de vinaigriers de Jarnac, près de Cognac, en Charente, il est élevé dans un milieu très conservateur. Les vinaigriers catholiques, même issus de la bonne bourgeoisie, sont tenus en petite estime par les protestants, très actifs dans le domaine du Cognac. Cognac et vinaigre ne font certainement pas bon ménage, chacun en conviendra. Surtout à Jarnac. Le jeune Mitterrand en conservera une rogne certaine contre les parpaillots dont l’intellectuel citadin Rocard est l’incarnation.</p> <p>Pour Mitterrand, force doit rester à l’Etat et à son autorité. Il se méfie de toutes ces nouvelles idées qui traversent alors la gauche, lui qui qualifiait de « Zozos » les gauchistes de Mai 68 dont Michel Rocard était proche.</p> <h3>Ile socialiste dans une mer néolibérale</h3> <p>Pour les socialistes au pouvoir, l’addition devient de plus en plus salée. La politique sociale généreuse, le coût des nationalisations, la fuite des capitaux, notamment vers la Suisse, les plans de relance dépensiers mais sans effet sur le chômage pèsent très rapidement sur le gouvernement Mauroy. Qui dévalue le franc français le 4 octobre 1981 déjà. Ce même cabinet devra se résoudre à prendre semblable décision le 12 mars 1982, puis le 21 mars 1983. Aubaine pour les frontaliers français qui travaillent en Suisse et pour les Genevois qui vont massivement se ravitailler dans les supermarchés d’outre-Foron.</p> <p>La politique sociale et économique des deux premières années des présidences Mitterrand se solde donc par un échec.</p> <p> Il faut dire que Mitterrand et son PS ont été élus à contre-courant de la tendance générale. Dans les autres pays, le temps n’est plus à la social-démocratie mais au néolibéralisme et au remplacement du capitalisme industriel par le capitalisme financier qu’incarnent la première ministre britannique Margaret Thatcher (élue en 1979) et Ronald Reagan (installé en janvier 1981). En Allemagne, le démocrate-chrétien Helmut Kohl prendra un virage de même nature dès 1982. </p> <p>Le biotope géopolitique de l’époque n’est donc pas favorable à la France de Mitterrand. Elle est d’autant plus solitaire que depuis la présidence de Giscard d’Estaing elle tend à se défaire de ses secteurs industriels, devenus obsolètes, sans avoir su les remplacer par d’autres agents économiques, un boulet que l’Hexagone traîne encore aujourd’hui.</p> <h3>Le tournant de la rigueur</h3> <p>Le 21 mars 1983, sur l’impulsion de François Mitterrand, le gouvernement annonce «le tournant de la rigueur». Terminées, la générosité sociale et les dépenses publiques. Entre quitter le Système monétaire européen ou y rester, le président socialiste – très attaché à l’idée européenne et au tandem avec l’Allemagne fédérale – a choisi la seconde partie de l’alternative avec toutes ses conséquences: mise en place de l’austérité budgétaire, freinage de l’inflation. La France se met à l’heure allemande et le Parti socialiste se convertit à l’économie de marché.</p> <p>Suite logique bien qu’un peu tardive: le 19 juillet 1984, les communistes quittent le gouvernement désormais dirigé par le jeune socialiste Laurent Fabius (aujourd’hui président du Conseil constitutionnel). Pour le PCF, c’est la chute libre dans le déclin. L’un après l’autre, il perd ses fiefs. Le dernier, le Val-de-Marne près de Paris, vient de tomber aux récentes élections départementales.</p> <p>François Mitterrand restera dans l’Histoire comme le président qui a siégé le plus longtemps à l’Elysée … Quatorze ans! Un comble pour celui qui n’avait pas de mots assez durs contre la Ve République lorsqu’il était dans l’opposition. Toutefois, contraint à deux cohabitations avec la droite, il n’aura pu que tenter d’impulser une politique vaguement sociale-libérale, après l’échec de la sienne entre 1981 et 1983.</p> <p>Ainsi, la victoire d’il y a 40 ans, tant célébrée par la gauche, aura sonné la fin d’un socialisme étatique, le déclin définitif du Parti communiste français et l’amorce de l’effondrement de l’empire soviétique.</p> <hr /> <h4><sup><strong>1</strong></sup>Figurant à des postes souvent importants depuis la Libération, les ministres communistes sont chassés du gouvernement français en raison de la Guerre Froide qui commence.</h4> <h4><strong><sup>2</sup></strong>Parti Communiste Français</h4> <h4><sup><strong>3</strong></sup>Il sera président des Etats-Unis de 1989 à 1993 et son fils, George W., occupera la Maison Blanche de 2001 à 2009.</h4> <h4><sup><strong>4</strong></sup>La France du général de Gaulle avait quitté en 1966 le commandement unifié de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord le jugeant trop inféodé aux seuls intérêts états-uniens. 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Le patron du Parti socialiste – abonné à l’opposition depuis l’arrivée du général de Gaulle au pouvoir en 1958 – chasse de l’Elysée Valéry Giscard d’Estaing, centriste et libéral. </p> <p>Pendant la semaine qui suit ce résultat, c’est la ruée des coffres forts vers la Suisse dont le franc grimpe jusqu’à dépasser la Pointe Dufour et à contempler de haut le Mont-Blanc. Le contrôle des changes est aussitôt rétabli sans parvenir à enrayer l’hémorragie. 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En effet, le nouveau président a dissous l’Assemblée nationale, invitant ainsi les électeurs à renouveler la principale chambre du parlement.</p> <p>Intervient alors le deuxième «effet Kiss Cool». Le Parti socialiste emporte ces élections en raflant 266 sièges sur 491 et obtient, à lui seul, la majorité absolue. La droite, formée de libéraux giscardiens et de gaullistes, perd ce pouvoir qu’elle détient depuis 23 ans… Une génération! La plus longue série de toute l’Histoire des cinq Républiques françaises.</p> <h3>Et le troisième...</h3> <p>Pierre Mauroy est reconduit au poste de Premier ministre. La composition de son nouveau gouvernement provoque un troisième «effet Kiss Cool»: quatre ministres communistes entrent au gouvernement pour la première fois depuis mai 1947<sup><strong>1</strong></sup>. Il s’agit de Charles Fiterman (ministre d’Etat chargé des Transports), Anicet Le Pors (secrétaire d’Etat à la Fonction publique et à la Réforme administrative), Jack Ralite (ministre de la Santé) et Marcel Rigout (ministre de la Formation professionnelle). Pourtant, François Mitterrand dispose de tellement de sièges à l’Assemblée nationale qu’il n’a pas besoin de l’apport des 44 députés du PCF<strong><sup>2</sup></strong>. Mais le président veut encore faire vivre la fiction du Programme Commun – laborieusement élaboré par les socialistes, communistes et radicaux de gauche – pour ne pas troubler sa base électorale.</p> <p>Cette présence au sein d’un gouvernement occidental de personnalités issues d’un parti lié à l’Union Soviétique inquiète le président des Etats-Unis, Ronald Reagan, qui conduit avec Léonid Brejnev, patron de l’URSS, un bras de fer qui tient le monde en haleine.</p> <p>La présidence états-unienne craint que l’exemple de la France ne fasse tache d’huile, surtout en Italie où le Parti communiste est encore plus influent que le PC français. Autres motifs d’inquiétude: la possibilité d’un coup d’Etat mené par les communistes et la transmission à l’Union soviétique de secrets militaires. </p> <h3>Amadouer Reagan</h3> <p>Afin de savoir quelle sauce pimentée François Mitterrand mijote avec ses ministres rouges, Reagan délègue son vice-président George H.W. Bush<sup><strong>3</strong></sup> qui, en tant qu’ancien directeur de la CIA, connaît la musique du Renseignement. Le vice-président arrive le jour même, 24 juin 1981, où le gouvernement Mauroy II tient son premier conseil à l’Elysée.</p> <p> Selon le livre <i>Verbatim</i> de Jacques Attali, alors proche conseiller de Mitterrand, les huissiers font entrer George H.W. Bush au palais présidentiel par l’avenue Gabriel, située à l’opposé de l’entrée principale, afin de lui éviter de tomber nez-à-nez avec le quatuor des ministres moscoutaires qui, eux, sortent de l’Elysée à l’issue de leur premier Conseil des ministres. </p> <p>Lors de cette rencontre, François Mitterrand explique à Bush senior sa stratégie vis-à-vis du PCF. S’il a nommé des ministres communistes, c’est pour mieux les contraindre à la solidarité gouvernementale et à leur faire avaliser une politique qui est loin de servir la cause de l’Union Soviétique. Le but est d’étouffer le Parti communiste dans les ors du pouvoir. 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De plus, en tant que numéro 2 du PCF<strong><sup>5</sup></strong>, Fiterman a noué des rapports fréquents avec les Soviétiques.</p> <h3>Un atout-maître nommé «Farewell»</h3> <p>Les doutes états-uniens sur la position de la France vis-à-vis de l’URSS seront balayés lors d’une rencontre entre Mitterrand et Reagan en marge du G7 qui se déroule à Ottawa les 20 et 21 juillet 1981. A cette occasion, le président socialiste abat son atout-maître nommé «Farewell». C’est le nom de code du transfuge soviétique qui a amené à la France, puis à l’Occident le plus de renseignements sur les forces soviétiques, en nombre et en qualité. François Mitterrand offre donc aux Etats-Unis «Farewell» sur un plateau. Ronald Reagan manque tomber de son fauteuil et se serait exclamé: «C’est le plus gros poisson de ce genre depuis 1945». Pour lui, la cause est entendue: la France reste un allié fiable.</p> <h3>Le début de la fin pour l'URSS</h3> <p>Ingénieur et officier du KGB, Vladimir Vetrov<strong><sup>6</sup></strong>, alias «Farewell», fut en poste à Paris avant d’être rappelé à Moscou où il a travaillé au cœur du complexe militaro-industriel de son pays. Ecœuré par le système soviétique, l’espion a la fibre francophile, aussi est-ce avec le contre-espionnage français, la DST, qu’il collabore. Gratuitement. </p> <p>Selon le site d’Altéo-Conseil, la DST a récolté par l’entremise de Vetrov «3 000 documents, preuves du pillage technologique de l'Ouest»; de plus, grâce à ses renseignements, «141 officiers soviétiques ont été expulsés de vingt-cinq pays, dont quarante-sept de France». </p> <p>Mitterrand permet ainsi à Reagan de toucher le jackpot. Il connaît désormais l’étendue du savoir soviétique sur les forces des Etats-Unis mais prend aussi conscience du retard de l’URSS en matière d’armement et de sa situation économique bien plus catastrophique qu’il ne l’espérait. Au poker mondial, le président Etats-Unis est en mesure de consulter les principales cartes de son adversaire numéro 1. Cette manne française a donc tenu un rôle essentiel – et trop mal connu ailleurs – dans la chute de l’Empire soviétique.</p> <h3>Premiers signes d'essoufflement</h3> <p>Sur le front intérieur, en revanche, la situation du gouvernement socialiste se révèle moins rose. Juste après son élection, le nouveau président avait profité de l’état de grâce pour prendre une série de décisions applaudies par son électorat: hausse de 10% du minimum salarial, de 25% des allocations familiales et de logement, de 20% du minimum vieillesse, semaine de travail de 39 heures et cinq semaines de congés payés par an, sans oublier la retraite à 60 ans et la création de 55'000 emplois publics pour tenter de résorber un chômage qui, déjà, prend des proportions inquiétantes. Il faut encore ajouter à cet actif la suppression de la peine de mort.</p> <h3>La mésentente avec Michel Rocard</h3> <p>En outre, le gouvernement Mauroy, sous l’impulsion de François Mitterrand, a nationalisé les banques et de nombreux secteurs industriels. 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Le jeune Mitterrand en conservera une rogne certaine contre les parpaillots dont l’intellectuel citadin Rocard est l’incarnation.</p> <p>Pour Mitterrand, force doit rester à l’Etat et à son autorité. Il se méfie de toutes ces nouvelles idées qui traversent alors la gauche, lui qui qualifiait de « Zozos » les gauchistes de Mai 68 dont Michel Rocard était proche.</p> <h3>Ile socialiste dans une mer néolibérale</h3> <p>Pour les socialistes au pouvoir, l’addition devient de plus en plus salée. La politique sociale généreuse, le coût des nationalisations, la fuite des capitaux, notamment vers la Suisse, les plans de relance dépensiers mais sans effet sur le chômage pèsent très rapidement sur le gouvernement Mauroy. Qui dévalue le franc français le 4 octobre 1981 déjà. Ce même cabinet devra se résoudre à prendre semblable décision le 12 mars 1982, puis le 21 mars 1983. Aubaine pour les frontaliers français qui travaillent en Suisse et pour les Genevois qui vont massivement se ravitailler dans les supermarchés d’outre-Foron.</p> <p>La politique sociale et économique des deux premières années des présidences Mitterrand se solde donc par un échec.</p> <p> Il faut dire que Mitterrand et son PS ont été élus à contre-courant de la tendance générale. Dans les autres pays, le temps n’est plus à la social-démocratie mais au néolibéralisme et au remplacement du capitalisme industriel par le capitalisme financier qu’incarnent la première ministre britannique Margaret Thatcher (élue en 1979) et Ronald Reagan (installé en janvier 1981). En Allemagne, le démocrate-chrétien Helmut Kohl prendra un virage de même nature dès 1982. </p> <p>Le biotope géopolitique de l’époque n’est donc pas favorable à la France de Mitterrand. Elle est d’autant plus solitaire que depuis la présidence de Giscard d’Estaing elle tend à se défaire de ses secteurs industriels, devenus obsolètes, sans avoir su les remplacer par d’autres agents économiques, un boulet que l’Hexagone traîne encore aujourd’hui.</p> <h3>Le tournant de la rigueur</h3> <p>Le 21 mars 1983, sur l’impulsion de François Mitterrand, le gouvernement annonce «le tournant de la rigueur». Terminées, la générosité sociale et les dépenses publiques. Entre quitter le Système monétaire européen ou y rester, le président socialiste – très attaché à l’idée européenne et au tandem avec l’Allemagne fédérale – a choisi la seconde partie de l’alternative avec toutes ses conséquences: mise en place de l’austérité budgétaire, freinage de l’inflation. La France se met à l’heure allemande et le Parti socialiste se convertit à l’économie de marché.</p> <p>Suite logique bien qu’un peu tardive: le 19 juillet 1984, les communistes quittent le gouvernement désormais dirigé par le jeune socialiste Laurent Fabius (aujourd’hui président du Conseil constitutionnel). Pour le PCF, c’est la chute libre dans le déclin. L’un après l’autre, il perd ses fiefs. Le dernier, le Val-de-Marne près de Paris, vient de tomber aux récentes élections départementales.</p> <p>François Mitterrand restera dans l’Histoire comme le président qui a siégé le plus longtemps à l’Elysée … Quatorze ans! Un comble pour celui qui n’avait pas de mots assez durs contre la Ve République lorsqu’il était dans l’opposition. Toutefois, contraint à deux cohabitations avec la droite, il n’aura pu que tenter d’impulser une politique vaguement sociale-libérale, après l’échec de la sienne entre 1981 et 1983.</p> <p>Ainsi, la victoire d’il y a 40 ans, tant célébrée par la gauche, aura sonné la fin d’un socialisme étatique, le déclin définitif du Parti communiste français et l’amorce de l’effondrement de l’empire soviétique.</p> <hr /> <h4><sup><strong>1</strong></sup>Figurant à des postes souvent importants depuis la Libération, les ministres communistes sont chassés du gouvernement français en raison de la Guerre Froide qui commence.</h4> <h4><strong><sup>2</sup></strong>Parti Communiste Français</h4> <h4><sup><strong>3</strong></sup>Il sera président des Etats-Unis de 1989 à 1993 et son fils, George W., occupera la Maison Blanche de 2001 à 2009.</h4> <h4><sup><strong>4</strong></sup>La France du général de Gaulle avait quitté en 1966 le commandement unifié de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord le jugeant trop inféodé aux seuls intérêts états-uniens. 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Entre deux morceaux – histoire de tenir son public sous courant continu et de laisser ses musiciens souffler un brin –, elle entame des monologues plus ou moins délirants.</p> <p>Celui qu’elle a lancé ce soir-là fera son petit effet. Se glissant dans la peau du président Macron, <a href="https://youtu.be/WYWOnk4oyqQ">elle vaticine</a>: «<i>Je pense que ce que le peuple veut, ce dont le peuple a envie, c'est qu'on m'accroche à vingt mètres du sol telle une piñata<strong><sup>1</sup></strong> humaine géante, et qu'on soit tous ici présents munis d'énormes battes avec des clous au bout comme dans </i>Clockwork Orange (<i>titre original du film </i>Orange mécanique)<i>. 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Elle exprime une certaine animosité envers Anne d’Autriche, Reine de France et Régente du Royaume: «<i>Mais je voudrais bien étrangler/ Notre putain de Reine.»</i></p> <p>En comparaison, Izïa Higelin ferait presque petite chanteuse du Couvent des Oiseaux.</p> <p>D’aucuns ont d’ailleurs qualifié la France d’Ancien régime de «monarchie absolue tempérée par les chansons», compte tenu de la fréquence des airs irrespectueux envers le Trône et l’Autel.</p> <p>Louis XV, dit «le Bien-Aimé», fut la cible préférée des chansonniers de la rue parisienne. En voici un édifiant extrait: «<i>Louis, du nom de Bien-Aimé,/ Ton peuple te déclare indigne./ Sans doute on t</i>’<i>avait mal nommé,/ Louis, du nom de Bien-Aimé;/ par ton sceptre on est opprimé,/ Si l</i>’<i>on est traître, fourbe insigne,/ Louis, du nom de Bien-Aimé,/ Ton peuple te déclare indigne […] Putains, maquereaux ou prélats/ Sont les seuls que ta main caresse.»</i></p> <p>«Tout finit par des chansons» disait Beaumarchais. 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Rafraichissons les mémoires par quelques extraits de <a href="https://youtu.be/KzmnDy7zzDw">cette chanson intitulée <i>Hécatombe</i></a> qui narre la déconvenue de la maréchaussée aux prises avec les harpies du marché de Brive-la-Gaillarde.</p> <p><i>(…)</i></p> <p><i>En voyant ces braves pandores</i></p> <p><i>Etre à deux doigts de succomber,</i></p> <p><i>Moi, j'bichais, car je les adore</i></p> <p><i>Sous la forme de macchabés.</i></p> <p><i>(…)</i></p> <p><i>Jugeant enfin que leurs victimes</i></p> <p><i>Avaient eu leur content de gnons,</i></p> <p><i>Ces furies, comme outrage ultime,</i></p> <p><i>En retournant à leurs oignons,</i></p> <p><i>Ces furies, à peine si j'ose</i></p> <p><i>Le dire, tellement c'est bas,</i></p> <p><i>Leur auraient même coupé les choses:</i></p> <p><i>Par bonheur ils n'en avaient pas!</i></p> <p><i>Leur auraient même coupé les choses:</i></p> <p><i>Par bonheur ils n'en avaient pas!</i></p> <p>Les rappeurs d’aujourd’hui ont-ils été aussi loin dans leurs diatribes antiflics que le père Brassens en 1952, date de la sortie du disque?</p> <h3>L’«Hécatombe» fait scandale 60 ans plus tard!<b></b></h3> <p>A l’époque, cette chanson était, l’on s’en doute, interdite d’antenne. Mais c’est tout. Il est symptomatique de constater qu’elle n’a intéressé la justice qu’à la nôtre, d’époque!</p> <p>Le 27 mai 2011, il s’est trouvé un juge à Toulouse pour <a href="https://www.lepoint.fr/societe/chanter-peut-etre-un-delit-11-06-2011-1341035_23.php">condamner</a> un garçon de 27 ans pour outrage, à 40 heures de travaux d’intérêt général et 100 euros d’amende. Son crime? Avoir chanté <i>Hécatombe</i> au passage de trois policiers. Et ce n’est pas tout. Peu après, 29 choristes de la «Canaille du Midi» ont été interpelés pour avoir chanté la même chanson devant le commissariat central de Toulouse en guise de protestation contre la condamnation du jeune homme.</p> <h3>Le rock et sa «Graine de violence» </h3> <p>Le «récitatif halluciné» d’Izïa Higelin s’inscrit aussi dans la culture rock, imprégnée de violence. Cela dit, ce n’est pas le rock qui est à la source de la violence. Elle sourd de la société étatsunienne où il est né. S’il existait auparavant, c’est à partir du film <i>Graine de violence </i>(titre original<i>: Blackboard Jungle</i>), réalisé par Richard Brooks, que le rock n’roll a commencé à se diffuser grâce au célèbre <i>Rock around the Clock </i>chanté par Bill Haley.</p> <p>Dans les pays de langue française, la violence rock a surgi sur la scène médiatique dès le début des années 1960. L’exemple le plus hirsute nous est offert par le concert de Vince Taylor, dans le contexte d’un festival international du rock, qui s’est tenu – enfin qui a tenté de se tenir! – au Palais des Sports de Paris, le 18 novembre 1961. <a href="https://journals.openedition.org/criminocorpus/4301?lang=de#ftn2%20" target="_blank" rel="noopener">Rappel des faits</a>:</p> <p><i>La salle est dévastée avant que Vince Taylor, en vedette, ne monte sur scène. Dans le public, des jeunes femmes et des jeunes hommes, blousons noirs ou sans blousons apparents, déboulonnent les sièges ou en arrachent quelques morceaux, s</i>’<i>en servent de projectiles, visent la scène et les forces de police. On veut se débarrasser de ces rangées de sièges encombrants, on veut créer de l</i>’<i>espace pour danser, on se bouscule, on se chamaille, on se bagarre, on veut aussi s</i>’<i>approcher des artistes en débordant le service de sécurité, et pourquoi pas braver au passage les forces de police qui commencent à frapper pour éviter que tout dégénère dans un lieu de concert qui devient arène. </i>Bis repetita placent<i>, car la première édition du 24 février avait elle aussi très mal tournée à l</i>’<i>issue de la prestation de Johnny Hallyday. Deux mots sont repris dans les médias: fanatisme et hystérie. 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Le chanteur se retirera à Lutry avec sa famille en 1983 pour y mener une vie plus tranquille, consacrée à la mécanique aéronautique. Il y décèdera le 27 août 1991 à l’âge de 52 ans des suites d’un cancer aux os.</p> <h3>Scopitone de Vince Taylor</h3> <p>En replaçant l’«affaire Itzïa» dans sa perspective historique, il apparaît que les indignations qu’elle a suscitées sont disproportionnées. Certes, balancer de tels propos sur le président Macron alors que nombre d’élus subissent actuellement des violences n’est pas la marque d’une vive intelligence. Toutefois, les agresseurs de maires n’ont pas attendu la rockeuse pour passer à l’acte. La fille de Jacques Higelin a tenté d’expliquer son sulfureux propos lors d’une interview donnée à <i>Ouest-France: </i><i></i></p> <p><i>«C'est une histoire, un liant improvisé et surréaliste entre deux titres, qui parle de tout et de rien et qu'il ne faut surtout pas prendre au premier degré.» </i>C’est ignorer qu’aujourd’hui l’usage intensif des réseaux ainsi, peut-être, qu’une certaine décérébration induite par près de septante ans de télévision à haute dose, ont tué le second degré. Dans un monde où la culture littéraire s’effiloche, on prend tout au pied de la lettre. Un pied qui fait boiter notre sens de l’humour.</p> <hr /> <h4><sup>1</sup>D’origine mexicaine, la piñata est un objet creux fourré de friandise que les enfants tentent de casser au moyen de bâtons afin de s’emparer de son contenu, une fois à terre. Evidemment, comparer le président de la République à un objet creux plein de friandise, ce n’est pas très gentil. 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Ces héros faisaient trop d’ombre au patron du PCF, Maurice Thorez, qui avait passé la Seconde guerre mondiale à l’abri du Kremlin.</p> <p>Après la mort de Staline en 1953, le vent tourne. Par l’action des rescapés de la FTP-MOI, notamment les frères Raymond et Claude Lévy, la mémoire des fusillés au Mont-Valérien commence à être reconnue. Une rue du Groupe-Manouchian est inaugurée le 6 mars 1955 dans le XXème arrondissement de Paris. Claude Lévy invite Louis Aragon à cette occasion mais le poète séjourne alors en URSS. 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C’est sous cet intitulé que la chanson et le poème d’Aragon seront connus désormais.</p> <h3>La chanson interdite sous de Gaulle</h3> <p>Comme rien n’est simple dans l’histoire de la Résistance, le pouvoir gaulliste a interdit la diffusion de «L’Affiche rouge» dès la sortie du disque en 1961. Ce qui, d’ailleurs, n’a pas manqué de lui assurer une belle publicité puisque les soixante-huitards auront ce chant superbe en tête lors de leurs manifs. Ce n’est qu’à l’arrivée de François Mitterrand à l’Elysée en 1981 que ce bâillon radiophonique a été enlevé.</p> <p>«Onze ans déjà que cela passe vite onze ans» versifie Aragon en 1955. Cela passe d’autant plus vite que le poète communiste n’a pas toujours été prompt à se battre pour la mémoire du Groupe Manouchian. Le journaliste et écrivain Jean-Paul Liégeois, spécialiste de la chanson française, rappelle cette anecdote dans un article paru en juin 1985 dans l’hebdomadaire socialiste <em>L’Unité</em>:</p> <p><i>«En 1953, les frères Claude et Raymond Lévy (…) obtiennent le prix Fénéon pour un manuscrit de dix nouvelles consacré à des histoires vraies de la Résistance. (…) Plusieurs éditeurs se proposent [de le] publier. Communistes, les frères Lévy choisissent les Editeurs français réunis. Patron de la maison, Aragon les reçoit et leur dit: "On ne peut pas laisser croire que la Résistance française a été faite comme ça, par autant d’étrangers. Il faut franciser un peu." Disciplinés, ils ont accepté.»</i></p> <p>Entre 1953 et 1955, l’ombre de Staline avait commencé à se faire un peu moins épaisse…</p> <h3>Quelle est la responsabilité du PCF dans l’arrestation des 23?</h3> <p>Une accusation plus grave a été portée contre la direction du PCF notamment par un témoignage de Mélinée Manouchian. Il figure dans le film de Serge Mosco Boucault, <em>Des terroristes à la retraite</em>, sorti en 1985 par la chaîne télévisée Antenne2. </p> <p>Il s’en est suivi une vive polémique sur l’éventuelle responsabilité du Parti communiste français dans l’arrestation de Missak Manouchian. L’un des passages de la dernière lettre du condamné à sa femme interpelle: </p> <p><i>«Je pardonne à tous ceux qui m’ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus.»</i></p> <p>Adam Rayski, responsable de la section juive du PCF de 1941 à 1949, donne cet éclairage lors d’<a href="https://www.lhistoire.fr/qui-trahi-manouchian" target="_blank" rel="noopener">une interview</a> qu’il a accordée au mensuel <i>L’Histoire</i> en décembre 1985:</p> <p><i>«En mai 1943, devant le bilan des pertes des organisations juives, j'ai demandé le repli, le transfert de notre direction dans la zone Sud. Le Parti a refusé, qualifiant cette attitude de "capitularde". Le PC voulait continuer à frapper dans la capitale, avec ce qui restait son unique bras séculier: les FTP-MOI. Stratégiquement, la direction, pour affirmer sa suprématie vis-à-vis de Londres et du Conseil national de la Résistance, désirait capitaliser les actions d'éclat de la MOI. La direction nationale juive est partie </i>in extremis <i>pour Lyon, mais les FTP ont continué à lutter sur place avec acharnement. Le Parti a sous-estimé l'impératif de la guérilla urbaine – savoir décrocher – et a tiré un rendement politique maximum des coups d'éclat de la MOI. </i></p> <p><i>A terme, c'était donc bien une grave erreur politique. La part de responsabilité du PC dans les arrestations de résistants – dont les 23 de l'Affiche rouge – est indiscutable. Mais ne parlons pas à propos du Parti de trahison; ne parlons pas non plus d'abandon et encore moins de sacrifice prémédité.»</i></p> <p>Le 21 février 2024, Missak Manouchian ne sera pas seul à entrer eu Panthéon. Mélinée son épouse, résistante comme lui, l’accompagnera<sup><strong>1</strong></sup>. Ainsi que tous ceux qui ont donné «leur cœur avant le temps».</p> <hr /> <h4><sup>1</sup>Elle décède à Paris en 1989 à l’âge de 76 ans. 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Celle utilisée par l’UDC pour fustiger les «colleurs manuels» se contente d’être simplement ridicule.</p> <h3>Le terrorisme défini par les codes pénaux</h3> <p>En effet, toutes deux sont fort éloignées des seules définitions qui vaillent, celles des textes légaux. L’article 260 ter du Code pénal suisse (organisations criminelles et terroristes) réprime quiconque participant à une organisation qui poursuit le but, notamment <i>«de commettre des actes de violence criminels visant à intimider une population ou à contraindre un Etat ou une organisation internationale à accomplir ou à s</i>’<i>abstenir d</i>’<i>accomplir un acte quelconque</i>». 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Pour Frédéric Weissman, ce pacifisme a permis aux «nouvelles puissances impériales» – les GAFAM, les firmes pharmaceutiques, les banques, les fonds d’investissements, Vanguard, BlackRock, Tencent – d’appliquer «à marche forcée leur programme de transformation de l’être humain en insecte cybernétique». </p> <p>La colère froide du technicien ne se limite pas à l’environnement ou au climat, elle sourd aussi de cette angoisse de la dépossession de l’être humain au profit de forces manipulatrices, d’autant plus inquiétantes qu’elles se révèlent hors de portée des Etats ou des pouvoirs judiciaires.</p> <p>Et comme elles sont hors de portée, autant tout faire exploser, au sens propre du terme. C’est le seul moyen d’arrêter ce «capitalisme à l’insatiable voracité», comme le proclame le juriste et technicien nucléaire:</p> <p><i>«Nous les humains, nous étions des êtres dangereux et fragiles. Une espèce proliférante qui ne parvenait pas à placer son intelligence au service du bien commun. 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C’est donc au nom d’une entité fictive que l’on procède à leur sacrifice.</p> <p>Au début du XXème siècle, il s’agissait aussi de passer les vies humaines par pertes et profits dans le grand livre de l’Histoire: de l’aspiration au communisme à la réalité stalinienne.</p> <h3>L’omelette et ses œufs</h3> <p>A la suite de son récit, Philippe Ségur en tire leçon dans sa postface:</p> <p><i>«Le rejet radical du système industriel et du capitalisme néolibéral, non content de se nourrir de deux siècles de pensée contestataire, peut d’autant plus facilement s’hybrider avec la cause environnementaliste que les gouvernants occidentaux ont fait, depuis plus de vingt ans, la promotion de cette dernière sans lui trouver de véritable solution et paraissent donc, à tort ou à raison, la trahir.»</i></p> <p>Dès lors, «le mal résultant de la non-commission de l’acte terroriste serait plus grand que l’acte terroriste lui-même». Justification classique de la violence politique: <i>On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. </i>Reste à savoir qui est le cuisinier et qui sont les œufs!</p> <p>Ségur décrit trois facteurs déterminants qui ont permis l’émergence des courants terroristes dans le passé: une cause à défendre, une culture commune, une situation de rupture sociale. «Or, il se pourrait que ces trois conditions soient à nouveau réunies ou qu’elles soient en passe de l’être», ajoute Philippe Ségur dans sa postface.</p> <h3>Coincés entre deux folies</h3> <p>Alors, sommes-nous condamnés à être coincés entre la folie vorace du capitalisme néolibéral et la folie justicière de l’écoterrorisme? A la fin de <i>La Nuit nous sauvera</i>, l’écrivain distingue quelques lueurs d’espoir. L’inquiétude environnementale et le souci grandissant pour la nature «<em>traduisent chez les jeunes générations une conscience plus vive et par là plus raffinée du rôle et du sens de la présence de l’être humain sur la Terre. 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1 Commentaire
@stef 01.08.2021 | 23h25
«Merci pour cette leçon d'Histoire »