Analyse / La monnaie qui brûle les doigts de la BNS
L'idée inquiète les autorités financières: la création d'un franc suisse numérique, à l'instar des cryptomonnaies déjà en service, comme le Bitcoin. © Pixabay
La Banque nationale a commencé à tester l'introduction d'un franc électronique similaire aux cryptomonnaies telles le bitcoin. Un projet révolutionnaire dans lequel elle entre à reculons.
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C'est le chemin qu'emprunte la BNS depuis le début de cette année.</p> <p>Pour la Libra, désormais structurée en association de droit suisse domiciliée à Genève, il s'agit de créer «<em>un système de paiement et une infrastructure financière simple et globale au service des gens</em>», comme le stipule le site internet de l'association. Autrement dit: de permettre de bouger de l'argent partout dans le monde de manière rapide, sûre et bon marché. C'est aussi la conviction affichée par d'autres stablecoins lancés aussi bien aux Etats-Unis, et appuyés sur le dollar, qu'en Europe, garantis par l'euro, et même en Suisse, où la banque zurichoise Sygnum a obtenu l'agrément de la Finma de lancer le DCHF, un stablecoin soutenu par le franc.</p> <h3>La grande peur dans la banque</h3> <p>Mais les autorités financières voient ces initiatives très différemment. 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La mondialisation de la finance s'en trouverait démultipliée.</p> <p>Côté BNS, c'est bien cela qu’on dit redouter.</p> <blockquote> <p>Avec un franc suisse numérique, circulant sans limites dans le monde entier, «le rôle du franc suisse comme monnaie refuge serait encore accentué: l’existence d’une monnaie numérique accessible à tous faciliterait grandement l’achat de francs depuis l’étranger, ce qui pousserait davantage notre monnaie à la hausse face aux autres devises», explique Martin Schlegel, membre suppléant de la direction générale, à <em>La Liberté</em>.</p> </blockquote> <p>Autrement dit: la BNS qui se bat à coup de dizaines de milliards pour éviter que le franc ne monte trop vite pourrait voir tous ses efforts ruinés! 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La logique commande d’en tirer les conséquences: les biens gelés doivent servir à financer la reconstruction.</p> <h3>Précédents dans le Golfe</h3> <p>La question de l’utilisation des avoirs gelés est aussi ancienne que les sanctions elles-mêmes. Dès les premiers jours de la guerre, il a semblé clair pour de nombreux experts et décideurs occidentaux que les centaines de milliards de dollars appartenant à la Russie ne seraient jamais retournés au gouvernement responsable de la guerre, et pour cause: en septembre dernier, une estimation conjointe de la Banque mondiale, de la Commission européenne et du gouvernement ukrainien évaluait les coûts de reconstruction des infrastructures à 349 milliards de dollars. Lors de la Conférence de Lugano de l’été dernier, Kiev avait même présenté une facture de 750 milliards, incluant les pertes économiques imputables à la guerre. Depuis lors, les missiles et les obus ont continué de pleuvoir, faisant exploser la facture.</p> <p>Parallèlement, les avoirs publics russes bloqués en Occident dépassent 300 milliards de dollars, essentiellement sous la forme de réserves de change de la banque centrale russe (316 milliards au 31 décembre 2021). En octobre dernier, le <a href="https://fsi.stanford.edu/working-group-sanctions" target="_blank" rel="noopener">Groupe de travail international sur les sanctions russes</a> publiait un papier justifiant leur confiscation en fonction d’une interprétation du droit international appliquée précédemment lors de la première guerre du Golfe, lors de la reconstruction du Koweit, sur la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU d’un retrait immédiat de l’armée russe d’Ukraine et sur un jugement de la Cour internationale de justice exigeant l’arrêt immédiat des opérations militaires. 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L’on pense au chef des milices Wagner, engagées dans les combats sur le front du Donbass, le milliardaire Evgueni Prigojine, du premier cercle autour de Vladimir Poutine.</p> <p>On peut aussi inclure des exemples moins évidents mais sanctionnés quand même comme Alisher Usmanov, qui a «activement soutenu matériellement et financièrement les responsables russes de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine et qui en a activement soutenu la politique», comme l’indique sa fiche sur la liste des sanctions publiée par le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco). C’est un des milliardaires russes qui a particulièrement apprécié d’être basé en Suisse, notamment par l’utilisation de sociétés et de trusts et par ses relations avec 27 banques suisses dont Crédit Suisse et Julius Baer.</p> <h3>Opposition des banques</h3> <p>Les banques n’ont évidemment aucun intérêt à ce que les avoirs de personnes sanctionnées soient confisqués. Cela démolirait l’image séculaire d’une Suisse coffre-fort de toutes les fortunes mondiales, bien ou mal acquises. L’un de leurs meilleurs arguments de vente pour attirer des grandes fortunes du monde entier se verrait décrédibilisé instantanément. D’où leur lobbyisme attentif au Palais fédéral pour éviter toute saisie d’avoirs gelés. Et s’épargner tout effort sérieux pour aider les autorités à identifier les avoirs de leurs clients mis sous sanctions, ce qui a contribué à ce que 7 milliards de francs seulement ont été trouvés.</p> <p>Le Conseil fédéral reste néanmoins prudent: il sait, depuis la fin du secret bancaire, qu’il est moins pire de dire «non» aux banques qu’aux grands pays voisins. Aussi, il a «pris note» du caractère illicite, à la lumière du droit actuel, d’une confiscation des avoirs privés, ainsi que le présentait son groupe de travail. Mais il ne ferme pas la porte à une évolution de ce même droit. 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Le premier samedi soir de la guerre d'agression russe en Ukraine, le 26 février, la Maison-Blanche communiquait sa volonté, et celle de ses alliés britanniques, allemands, français, italiens, canadiens et de l'Union européenne, de «créer un groupe de travail transatlantique chargé de s'assurer de la bonne application des sanctions financières en identifiant et en gelant les actifs des individus et des entreprises basés dans nos juridictions».</p> <p>Et quelques lignes en-dessous, le communiqué précisait: «nous allons engager d'autres gouvernements». Lisez: ceux des pays qui ont massivement accueilli des fortunes de milliardaires russes, dont, évidemment, la Suisse, Chypre, les Emirats arabes unis et quelques autres paradis fiscaux.</p> <h3>Faire parler la carpe</h3> <p>Chacun a bien compris la portée de la charge lancée à toute vapeur dans la stupeur et la colère des premiers jours du conflit. La dynamique créée par la rupture de l'ordre international est de celle qui a le potentiel de se transformer en «game changer», c'est-à-dire de modifier durablement les règles du jeu. Comme celle des attentats du 11-Septembre, qui ont abouti à la criminalisation internationale de l'argent du terrorisme, ou celle de la crise financière de 2008, qui a débouché, comme les banquiers suisses le savent, sur la disparition du secret bancaire pour les questions fiscales.</p> <p>En clair: pour traquer les secrets financiers de Vladimir Poutine et des près de 900 autres personnes ciblées par les sanctions occidentales, il faut commettre ce qui n'avait jamais été sérieusement tenté jusqu'ici: s'enfoncer dans la jungle des sociétés offshore, trusts, fondations, sociétés de domicile, «limited partnerships» et autres. Démêler les cachotteries des avocats, des notaires, des fiduciaires et des hommes et femmes de paille. Amener les banquiers à parler. 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Baptisé REPO, pour Russian Elites, Proxies, and Oligarchs multilateral task force, il a explicitement pour but de «recueillir et partager les informations permettant de déclencher des actions concrètes, dont des sanctions, des gels d'avoirs et des saisies civiles et pénales d'actifs ainsi que des poursuites judiciaires», selon un communiqué du Trésor américain du 17 mars.</p> <p>Depuis lors, le travail avance. A quel rythme? C'est là que les choses se compliquent. Des yachts d'oligarques ont été saisis, certes. Des villas somptueuses ont été confisquées, certes. Des comptes en banques et autres actifs financiers ont été gelés pour un total de quelques milliards de francs, certes. Mais nombre d'autres yachts ont pu fuir et se réfugier qui en Turquie, qui aux Emirats, aux Seychelles ou aux Maldives (voire dans l'enclave russe de Kaliningrad pour l'un des navires personnels de Vladimir Poutine). Et des fortunes considérablement plus élevées continuent d'échapper aux enquêteurs. 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C'est une idée qui brûle les doigts de la banque nationale, et pourtant elle ne peut pas faire autrement que de s'y engager de toutes ses forces: la création d'un franc suisse numérique. Autrement dit, permettre au franc suisse de circuler sur la blockchain (technologie dont le propre est de fonctionner sans organe de contrôle, ndlr) comme le fait depuis dix ans n'importe quelle cryptomonnaie à l'instar du bitcoin et de l'ether. Ce registre numérique ouvert permet d'opérer n'importe quelle transaction, d'ordinateur à ordinateur, et d'en démontrer l'authenticité. Il permet par conséquent aux flux financiers de de fonctionner de pair à pair, et donc s'affranchir des banques. Dans un pays de banquiers comme la Suisse, cela suscite de sérieuses inquiétudes. A commencer par la première d'entre elles, la BNS.
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Un succès qui inquiète
Néanmoins, il n'est plus possible d'ignorer le fait que les cryptomonnaies cartonnent. Bien qu'interdites dans plusieurs pays, elles ont permis le développement, souvent très spéculatif, d'émissions de titres baptisés «jetons numériques» qui se diffusent par milliers et se négocient sur des centaines de plate-forme, dont la plus importante est Binance. Tout ceci a favorisé l'émergence de toute une industrie financière échappant largement aux contrôles étatiques. Leur valeur cumulée avoisine ainsi 270 milliards de dollars, selon le site de référence Coinmarketcap.
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Monnaie de multinationale
Un succès qui est soudain apparu menaçant l'an dernier lorsque Facebook a annoncé vouloir lancer sa propre cryptomonnaie, rapidement baptisée Libra. Non seulement Facebook est un géant de plus de deux milliards d'utilisateurs, qu'il a parfaitement les moyens d'inciter à utiliser son moyen de paiement au détriment des monnaies classiques. Mais en plus, il propose un système qui en assure la stabilité: le baser sur des réserves monétaires effectives, baptisé «stablecoin» (ou «monnaie stable»).
Lire aussi: Les GAFA se tournent vers la finance
Ainsi, une Libra vaudrait une fraction de ces réserves constituées de diverses monnaies qui n'ont pas été spécifiées, mais qui auraient nécessairement inclus le dollar, l'euro, le yen, la livre, peut-être le franc et quelques autres. Les gouvernements ont réagi: ils négocient pied à pied le statut officiel demandé par la Libra, déposé en Suisse. Et les banques centrales de répliquer à leur tour en créant un centre de recherche à Bâle, avec antennes à Hongkong et Singapour pour plancher sur leurs propres projets de cryptomonnaies officielles. C'est le chemin qu'emprunte la BNS depuis le début de cette année.
Pour la Libra, désormais structurée en association de droit suisse domiciliée à Genève, il s'agit de créer «un système de paiement et une infrastructure financière simple et globale au service des gens», comme le stipule le site internet de l'association. Autrement dit: de permettre de bouger de l'argent partout dans le monde de manière rapide, sûre et bon marché. C'est aussi la conviction affichée par d'autres stablecoins lancés aussi bien aux Etats-Unis, et appuyés sur le dollar, qu'en Europe, garantis par l'euro, et même en Suisse, où la banque zurichoise Sygnum a obtenu l'agrément de la Finma de lancer le DCHF, un stablecoin soutenu par le franc.
La grande peur dans la banque
Mais les autorités financières voient ces initiatives très différemment. Elles redoutent les usages criminels de ces monnaies dont les transactions échappent à leur contrôle: blanchiment d'argent, fraude fiscale, etc. C'est ainsi qu'elles ont imposé à l'Association Libra la nomination ce printemps de deux vétérans de la finance traditionnelle dans ses organes dirigeants: Stuart Levy, ancien du Département du Trésor américain, comme directeur général, et Robert Werner, ex de la grande banque britannique HSBC et des américaines Merrill Lynch et Goldman Sachs, comme responsable des affaires juridiques. Avec ces deux hommes, la Libra devrait être bien gardée!
Au-delà de ces questions de police financière, la vraie terreur des autorités est exprimée par les banques centrales: c'est la déstabilisation du système dans son ensemble. Avec une question-clé: si l'argent circule librement, instantanément et sans barrière, de plus à coût minime, comment s'assurer que les flux resteront contrôlables? Comment éviter de soudaines «ruées vers l'or» alimentant une spéculation effrénée pouvant faire exploser certains prix, d'aussi soudaines «paniques bancaires» capables de vider les coffres de certaines banques en moins de temps qu'il ne faudrait pour le dire? Comment éviter que de tels mouvement ne déstabilisent pas des pays tout entiers? La mondialisation de la finance s'en trouverait démultipliée.
Côté BNS, c'est bien cela qu’on dit redouter.
Avec un franc suisse numérique, circulant sans limites dans le monde entier, «le rôle du franc suisse comme monnaie refuge serait encore accentué: l’existence d’une monnaie numérique accessible à tous faciliterait grandement l’achat de francs depuis l’étranger, ce qui pousserait davantage notre monnaie à la hausse face aux autres devises», explique Martin Schlegel, membre suppléant de la direction générale, à La Liberté.
Autrement dit: la BNS qui se bat à coup de dizaines de milliards pour éviter que le franc ne monte trop vite pourrait voir tous ses efforts ruinés! Et les banques commerciales pourraient devoir rendre les clés de leurs coffres encore plus vite que lors de la crise financière de 2008.
Portes de derrière
Les partisans des monnaies numériques envisagent néanmoins des solutions: employer leur potentiel technique à se maîtriser elles-mêmes. L'outil de cette maîtrise est le «smart contract», ou «contrat intelligent», un accord conclu entre les diverses parties enregistré sur la blockchain. Ce contrat pourrait ainsi, proposent certains adeptes, diverses limitations, comme la vitesse des échanges, afin d'éviter les emballements.
Mais une telle solution est à double tranchant car sur quelle base peut-on introduire des limitations qui ne sont pas imposées à d'autres formes de paiement, comme le liquide? Elle pose aussi une autre question, celle de la transparence de tels «contrats intelligents»: comment le grand public peut-il être informé de leur existence? Qui les maîtrise et peut les changer? La Chine est déjà accusée de chercher à contrôler les paiements individuels faits au moyen du yuan numérique qu'elle est en train de tester. Autrement dit, d'introduire un instrument qui est la terreur les fans de technologie numérique: un «backdoor», une «porte de derrière».
Ce genre d'accusation peut fragiliser une monnaie, sa démonstration peut même en amorcer la ruine. Elle fait donc partie des rapports de force que se livrent les Etats. Mais elle peut saper la confiance que le public est de plus en plus appelé à manifester envers les monnaies numériques, pour le faire revenir aux bons vieux billets de banque et lingots d'or.
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Ils ont cru à leur propres promesses. Ils ne sont évidemment pas les seuls à s'être laissés aveugler par leur propre puissance! Que dire de Jaír Bolsonaro, qui a cru qu'il suffisait d'insulter et de menacer ses adversaires sur les réseaux sociaux pour remporter une élection présidentielle au Brésil? De Sam Bankman-Fried, qui croyait qu'il suffisait d'accabler un concurrent pour sauver sa plateforme de négoce des cryptomonnaies FTX de la faillite début novembre? D'Urs Rohner, qui présumait de la force de Crédit Suisse qu'il a présidé, au point de décourager les vrais contrôles de risque internes, au point de plonger la banque dans une crise profonde en octobre?</p> <p>Leurs échecs marquent-ils celui de l'idéologie de l'homme fort (ou de la femme aux idées fortes)? Rien n'est moins sûr. La planète compte de nombreux dictateurs ou dirigeants autoritaires que rien ne semble vouloir faire partir, comme Xi Jinping ou Recep Tayip Erdogan. Mais les revers planétaires de Madame Truss et de MM. 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Le premier samedi soir de la guerre d'agression russe en Ukraine, le 26 février, la Maison-Blanche communiquait sa volonté, et celle de ses alliés britanniques, allemands, français, italiens, canadiens et de l'Union européenne, de «créer un groupe de travail transatlantique chargé de s'assurer de la bonne application des sanctions financières en identifiant et en gelant les actifs des individus et des entreprises basés dans nos juridictions».</p> <p>Et quelques lignes en-dessous, le communiqué précisait: «nous allons engager d'autres gouvernements». Lisez: ceux des pays qui ont massivement accueilli des fortunes de milliardaires russes, dont, évidemment, la Suisse, Chypre, les Emirats arabes unis et quelques autres paradis fiscaux.</p> <h3>Faire parler la carpe</h3> <p>Chacun a bien compris la portée de la charge lancée à toute vapeur dans la stupeur et la colère des premiers jours du conflit. La dynamique créée par la rupture de l'ordre international est de celle qui a le potentiel de se transformer en «game changer», c'est-à-dire de modifier durablement les règles du jeu. Comme celle des attentats du 11-Septembre, qui ont abouti à la criminalisation internationale de l'argent du terrorisme, ou celle de la crise financière de 2008, qui a débouché, comme les banquiers suisses le savent, sur la disparition du secret bancaire pour les questions fiscales.</p> <p>En clair: pour traquer les secrets financiers de Vladimir Poutine et des près de 900 autres personnes ciblées par les sanctions occidentales, il faut commettre ce qui n'avait jamais été sérieusement tenté jusqu'ici: s'enfoncer dans la jungle des sociétés offshore, trusts, fondations, sociétés de domicile, «limited partnerships» et autres. Démêler les cachotteries des avocats, des notaires, des fiduciaires et des hommes et femmes de paille. Amener les banquiers à parler. Et donc, convaincre des professions entières de passer à table alors qu'elles avaient jusqu'ci fermement tout mis en œuvre pour surtout ne pas le faire, en employant une arme redoutable: convaincre leurs gouvernements qu'ils avaient plus à perdre qu'à gagner en les obligeant à la transparence. Autant amener une carpe à parler.</p> <h3>Des yachts saisis, mais...</h3> <p>Pourtant, la dynamique de «perçage de coffres» a été confirmée le 11 mars lorsque le G7 (les mêmes pays que ceux ci-dessus, plus le Japon) et l'Australie annonçaient avoir «rendu opérationnel» le groupe de travail annoncé le 26 février. Baptisé REPO, pour Russian Elites, Proxies, and Oligarchs multilateral task force, il a explicitement pour but de «recueillir et partager les informations permettant de déclencher des actions concrètes, dont des sanctions, des gels d'avoirs et des saisies civiles et pénales d'actifs ainsi que des poursuites judiciaires», selon un communiqué du Trésor américain du 17 mars.</p> <p>Depuis lors, le travail avance. A quel rythme? C'est là que les choses se compliquent. Des yachts d'oligarques ont été saisis, certes. Des villas somptueuses ont été confisquées, certes. Des comptes en banques et autres actifs financiers ont été gelés pour un total de quelques milliards de francs, certes. Mais nombre d'autres yachts ont pu fuir et se réfugier qui en Turquie, qui aux Emirats, aux Seychelles ou aux Maldives (voire dans l'enclave russe de Kaliningrad pour l'un des navires personnels de Vladimir Poutine). Et des fortunes considérablement plus élevées continuent d'échapper aux enquêteurs. De quelle ampleur? Mystère. Les seuls avoirs de Vladimir Poutine ont fait l'objet d'estimations de plusieurs dizaines, voire centaines de milliards de dollars. Pour donner une idée: la Suisse a annoncé le blocage de 5,7 milliards de francs. Or, la fortune détenue par des personnes russes dans les banques suisses est estimée entre 150 et 200 milliards.</p> <h3>Des peines de prison</h3> <p>La première difficulté est de recueillir l'information. Or, celle-ci est dispersée à l'extrême entre des administrations qui ne sont pas forcément outillées pour appliquer des sanctions – comme les registres fonciers – et qui sont parfois en concurrence les unes avec les autres. Pour recueillir l'information, il faut aussi amener les gens à parler. 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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
2 Commentaires
@Gio 22.06.2020 | 09h34
«Merci pour cet article intéressant et inquiétant ; je n’y connais rien en finance, mais cette monnaie numérique profitera toujours aux mêmes et facilitera les achats sur le darknet ; je me demande aussi combien d’algorithmiques seront mis en concurrence et surtout à quel moment nous, les petits, perdrons le peu que nous avons suite à un bug mondial...»
@Schindma 22.06.2020 | 11h24
«Bravo et merci pour cette analyse très claire et bien informée. »