Analyse / Contagion délirante et dérive totalitaire
© Rob Curran via Unsplash
Comment expliquer les adhésions de masse à des idéologies dans des systèmes totalitaires, et les passages à l’acte irrationnels qu’elles commandent? Il y a plus d’une dizaine d’années, dans mon activité de conseil aux entreprises, j’avais forgé, pour la littérature des risques psychosociaux et de la souffrance au travail, la notion de «contagion délirante(1)». J’en avais conclu que le harcèlement était le chef d’œuvre du paranoïaque(2).
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A cet égard, l’œuvre littéraire de Yasmina Khadra est d’une grande finesse psychologique, pour illustrer les chemins de la soumission: </p> <p><em>« Zunaira est tétanisée par le récit de son mari. […] Son visage blêmit et, pour la première fois, ses yeux, en s’écarquillant, perdent l’essentiel de leur splendeur.</em></p> <p><em>— Tu as lapidé une femme ?</em></p> <p><em>— Je crois même l’avoir touchée à la tête.</em></p> <p><em>— Tu ne peux pas avoir fait une chose pareille, Mohsen. Ce n’est pas ton genre, voyons; tu es un homme instruit.</em></p> <p><em>— Je ne sais pas ce qui m’a pris. C’est arrivé si vite. Comme si la foule m’avait ensorcelé. Je ne me rappelle pas comment j’ai ramassé les pierres. 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Mao Zedong parlait de «rectification de la pensée».</p> <p>Pour créer une masse, et la convertir en premier soutien du régime totalitaire, il faut:</p> <ul> <li>1° une méthode: le harcèlement</li> <li>2° un discours: l’idéologie</li> <li>3° un outil: les médias de masse</li> </ul> <p>Nous allons traiter ici de la méthode, à savoir, le harcèlement.</p> <p>L’objectif est d’obtenir «la mise au pas» de toute la population visée par le pouvoir totalitaire. La «mise au pas», c’est ainsi que fut traduit le terme allemand «<i>Gleichschaltung</i>», ou littéralement, «égalisation» du peuple: il s’agissait pour les nazis entre 1933 et 1934 d’imposer leur pouvoir total sur l’Allemagne en éliminant toute opposition réelle ou potentielle, avec le déploiement d’un appareil réglementaire destiné à l’intimidation et à la répression.</p> <p>Cette méthode est celle qu’avait décrite le tyran Denys de Syracuse en qualifiant son action politique: utiliser la herse pour faucher les blés qui dépassent (d’où le terme <i>herseler</i>, puis harcèlement). <b>La méthode politique du totalitarisme est le harcèlement</b>, que j’avais ainsi défini en 2006 – et il peut être ici utile d’en rappeler la définition – : «le harcèlement vise la destruction progressive d’un individu ou d’un groupe par un autre individu ou un groupe, au moyen de pressions réitérées destinées à obtenir de force de l’individu quelque chose contre son gré et, ce faisant, à susciter et entretenir chez l’individu un état de terreur<strong><sup>1</sup></strong>.» </p> <p>Arendt y fait également allusion, dans <i>La nature du totalitarisme</i>: <i></i>«L’abolition totalitaire de toutes les classes et de tous les groupes de la population susceptibles de donner naissance à une véritable distinction […] nous fait nécessairement songer à l’histoire de ce tyran grec qui, pour former un collègue à l’art de la tyrannie, le fit sortir de la cité afin de le conduire dans un champ de blé dont il coupa tout le chaume à une même hauteur<strong><sup>2</sup></strong>.»</p> <p>Le harcèlement est une méthode politique qui consiste non seulement à détruire les individus, mais encore<b>, à les conduire à l’autodestruction</b>. Tout individu ayant vécu un harcèlement sait que, même en l’absence du harceleur, demeure son introjection, c’est-à-dire sa persécution, sous l’apparence de ruminations permanentes dans sa tête.</p> <p>Ce harcèlement propose l’option suivante: soumettre ou démettre. Le mot d’ordre est: «soit tu te soumets, soit je te harcèle». Le harcèlement suppose plusieurs termes: la durée, la répétition et les chocs traumatiques réitérés destinés à fragiliser psychiquement l’individu.</p> <p>Dans le totalitarisme, ce qui soutient la légitimité de ce harcèlement est l’idéologie, divulguée par la propagande de masse, qui soutient tout l’édifice <i>via</i> l’endoctrinement sectaire. Nous y reviendrons ultérieurement. Retenons pour l’instant que la masse se fait le relais de la propagande. Tous les coups, même les plus bas, sont permis. Les opposants du régime politique sont désignés, leur calomnie et leur persécution est aussi une manière d’intimidation: voici ce qui arrive à ceux qui auraient la velléité de désobéir.</p> <p>La persécution se déroule par phases. </p> <p>Dans <strong>la première phase</strong>, les opposants politiques qui inquiètent le pouvoir sont neutralisés (censurés, harcelés ou encore, supprimés). Ils ne rencontrent pas beaucoup de soutien dans la population, bien qu’ils puissent avoir entière raison dans les critiques émises sur la dérive totalitaire. La majorité des gens pense: «vu qu’ils ont désobéi et se sont comportés en mauvais citoyens, ils ont cherché ce qui leur arrive». Certains souhaitent même que le pouvoir supprime cette voix disharmonieuse qui dissone dans l’apparente concorde sous le règne du dogme idéologique. Le critère est celui de la «paix sociale» à tout prix, fût-il au prix du sacrifice de quelques-uns et du silence. A ce stade, le confort prime sur la vérité.</p> <p><b>La deuxième phase</b> cible les soutiens aux opposants, leurs amis, les secondes lignes. Du fait de leur invisibilité, ceux-ci ne rencontrent pas non plus de soutien dans la population. </p> <p><b>La troisième phase </b>s’en prend de façon aveugle et arbitraire à l’ensemble de la population, dans l’incompréhension massive. «La terreur s’accroît après qu’une persécution particulièrement impitoyable a liquidé tous les ennemis réels et potentiels», nous dit Hannah Arendt. En somme, ce que subirent les opposants politiques de la première ligne, toute la population commence à le subir, sans logique ni explication. Plus personne ne peut se réfugier derrière le critère de l’obéissance, car même les plus obéissants et les plus fidèles au régime subissent les persécutions.</p> <p>Ces trois paliers ne s’enchaînent pas de façon linéaire: il existe des sas de décompression; la répression ne tourne pas à plein régime tout le temps. Elle fonctionne par à-coups: elle se déverse dans des campagnes de haine, puis laisse des moments de répit, qui ont pour objectif de donner l’illusion que les persécutions ont cessé. Cette absence de linéarité permet d’asseoir davantage de pouvoir sur la population, car les chocs traumatiques réitérés de ce harcèlement de masse sont d’autant plus puissants qu’ils interviennent lorsque l’individu a relâché la garde et n’a pas eu le temps d’enfiler son armure en se préparant aux prochains coups. Les phases d’accalmie peuvent donc parfois être longues, car il s’agit de faire baisser le niveau de vigilance dans la population, pour relancer des phases de terreur à des moments ultérieurs.</p> <p>Le système totalitaire fonctionne sur un principe de nécessité amoral: «la fin justifie les moyens». En d’autres termes, si la cause l’exige, il est permis d’utiliser comme moyen ce qui n’en est pas un, à savoir, un être vivant, ou un être humain. Le philosophe Hegel l’analysait ainsi: «on entend par là quelque chose de plus précis, à savoir qu’il est permis et que c’est même un devoir d’utiliser comme moyen en vue d’une fin jugée bonne quelque chose qui n’est absolument pas un moyen, c’est-à-dire de porter atteinte à ce qui est saint en soi, donc de commettre un crime sous prétexte que c’est un moyen d’atteindre une fin jugée bonne. […] Une fin sainte n’est rien d’autre qu’une opinion subjective concernant ce qui est bien et ce qui est mal.» </p> <p>Ce principe, «la fin justifie les moyens», revient donc à ériger en règle du droit et du devoir une opinion subjective, une appréciation personnelle que telle fin, motivée par «le Bien Commun» – lequel n’est jamais défini – autoriserait d’utiliser des êtres humains comme des moyens à sacrifier à la cause. Ce peut être «la santé du plus grand nombre par le vaccin», «sauver la planète par la réduction de carbone», «mettre fin à la dictature du Grand Capital», «exporter la démocratie dans le monde», ou encore, tout autre idéal d’apparence noble, plus ou moins enrobé de légitimation pseudo-scientifique ou morale.</p> <p>Or, et Hegel le soulignait avec insistance, la seule conviction ne suffit pas à fonder un principe moral: «on ne peut exclure la pensée de la possibilité d’une erreur, pensée dans laquelle est contenue la présupposition d’une loi existante en soi et pour soi. Mais la loi n’agit pas, c’est seulement l’homme réel qui agit<strong><sup>3</sup></strong>.» </p> <p>Ainsi, du moment que cette conviction conduit à utiliser comme moyen ce qui est une fin, donc à sacrifier des êtres humains qui subissent ce sacrifice (ce qui est différent d’un sacrifice choisi, encore faut-il que les conditions du choix soient réunies, et notamment l’absence de manipulation mentale dans des endoctrinements idéologiques), elle fait pleinement le lit de l’idéologie totalitaire. </p> <p>C’est exactement ce dilemme qu’avait soulevé Camus dans sa pièce <i>Les Justes</i>: la révolution justifie-elle de sacrifier des enfants, c’est-à-dire des innocents? Si rien n’est défendu de ce qui peut servir la cause, «ce jour-là, la révolution sera haïe de l’humanité entière.»</p> <hr /> <h4><sup>1</sup>Bilheran, A. 2006, <i>Le harcèlement moral</i>, Paris, Armand Colin. Voir aussi Bilheran, A. 2023, <i>Tout sur le harcèlement ! Soumettre ou démettre</i>, en deux tomes, Bookelis, 2023 (à paraître en septembre 2023).</h4> <h4><sup>2</sup>Arendt, H. 1953, <i>La nature du totalitarisme.</i></h4> <h4><sup><i>3</i></sup>Hegel, G. 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Le constat clinique traditionnel est que le délire paranoïaque est contagieux: cette contagion interpelle, car elle est capable d’opérer à grande échelle, par la création d’idéologies, c’est-à-dire de discours langagiers «hors-sol», tout aussi éloignés de la vérité que de la réalité de l’expérience, qui entraînent dans la persécution des individus, des groupes ou des masses. J’ai démontré dans mes recherches que ce qui est contagieux est le traumatisme. Le traumatisme est tout simplement un vécu de menace à l’intégrité de soi-même ou d’autrui, qui nous ferait ressentir l’existence d’un danger imminent, souvent, un danger de mort. Les traumatismes les plus puissants répondent aux critères suivants: intensité de la violence, caractère inattendu, en provenance de fonctions d’autorité (en particulier, si nous avions placé notre confiance en elles…).
Le chemin de la soumission
Pour qu’il y ait donc contagion du délire – c’est-à-dire reprise en chœur de l’idéologie –, pour que des individus soient avalés dans l’endoctrinement sectaire et le soutiennent jusqu’à en devenir les meilleurs exécutants, ils doivent avant toute chose avoir été sévèrement (et, si possible, plusieurs fois, de manière régulière et actualisée) traumatisés. A cet égard, l’œuvre littéraire de Yasmina Khadra est d’une grande finesse psychologique, pour illustrer les chemins de la soumission:
« Zunaira est tétanisée par le récit de son mari. […] Son visage blêmit et, pour la première fois, ses yeux, en s’écarquillant, perdent l’essentiel de leur splendeur.
— Tu as lapidé une femme ?
— Je crois même l’avoir touchée à la tête.
— Tu ne peux pas avoir fait une chose pareille, Mohsen. Ce n’est pas ton genre, voyons; tu es un homme instruit.
— Je ne sais pas ce qui m’a pris. C’est arrivé si vite. Comme si la foule m’avait ensorcelé. Je ne me rappelle pas comment j’ai ramassé les pierres. Je me souviens seulement que je n’ai pas pu m’en défaire, qu’une rage irrésistible s’est emparée de mon bras… Ce qui m’épouvante et m’afflige en même temps, c’est que je n’ai même pas essayé de résister3. »
La contagion délirante comporte toujours un délire de persécution. Dans le délire à deux, le sujet «contagionné» reconnaît assez rapidement l’inanité de ses conceptions, lorsqu’il est éloigné du délirant, ce qui démontre bien l’existence d’un phénomène d’engloutissement psychique dans un groupe sectaire. A quoi reconnaît-on l’existence d’une contagion délirante dans un groupe? Vous ne pouvez pas discuter, le dogme est acquis, le clivage aussi: il est interdit de remettre en question l’idéologie officielle, d’y apporter des nuances, de discuter, d’argumenter, etc. L’ennemi désigné est créé de toutes pièces et nécessairement diabolisé de manière irrationnelle. Il est aisé de constater que toute propagande politique de guerre, par exemple, cherche à provoquer cette contagion délirante dans la population, et elle le fait en créant une double confusion mentale et émotionnelle, rendant l’individu inapte à réfléchir.
La confusion mentale est un moyen nécessaire (mais non suffisant) à la propagation du délire. Elle opère à partir de l’injonction paradoxale, à savoir dire tout et son contraire dans le même temps, en donnant l’apparence du «raisonnement logique». La confusion émotionnelle est obtenue par des chocs traumatiques réitérés divulgués par le pouvoir, engendrant terreur, honte et culpabilité.
Apparition de la novlangue
La greffe à l’idéologie prend, tel un collage émotionnel dans un discours qui s’invente lui-même, par des néologismes, des slogans, des codes, une mécanisation de la langue, et qui n’est plus apte à décrire la réalité de l’expérience. Le délire se propage et s’identifie en particulier à l’apparition de la novlangue (cf. le célèbre roman 1984 de Orwell).
Un exemple actuel de cette novlangue est le terme «complotiste», dont j’ai souligné à plusieurs reprises qu’il ne veut rien dire, car il désigne tout et son contraire: celui qui désigne de faux complots (donc un menteur ou un fou), et celui qui s’interroge sur l’existence de vrais complots (un journaliste, un enquêteur, un résistant, un philosophe, un citoyen scrupuleux qui veille au maintien du débat démocratique, etc.). A partir de ce terme «complotiste» (catégorie du non-sens, accolée à n’importe quel citoyen dont les questions sont désignées par le dogme officiel comme indésirables), l’idéologie et les amalgames se propagent, ainsi que les officines de liste des opposants politiques à la dérive totalitaire.
L’inversion logique n’est pas loin: le citoyen scrupuleux qui s’inquiétait d’un péril démocratique dans la confiscation et le monopole des pouvoirs devient quant à lui «complotiste», ce dernier étant amalgamé à un ennemi de la «démocratie» (dont le sens a, semble-t-il, dans les faits, légèrement évolué: «concorde par temps totalitaire» et «interdiction du débat»). Ce citoyen scrupuleux, soucieux de garantir le débat démocratique, passe ensuite rapidement de la case de «complotiste», à celles de «danger pour la démocratie» et de «terroriste».
Fascinante est l’irrationalité des discours idéologiques répétés par des cerveaux lavés. Par exemple, j’ai écrit un petit opuscule, L’Internationale nazie, qui pose l’hypothèse des filiations nazies au pouvoir international depuis 1945, dans la lignée de l’avertissement de la philosophe Hannah Arendt. Je soutiens le droit au témoignage de Vera Sharav, et de survivants juifs de l’Holocauste, dans son documentaire Plus jamais ça4. Cela me vaut des accusations régulières… d’antisémitisme! Autrement dit: dénoncer la pérennisation du mode de penser nazi et soutenir des témoignages de Juifs ayant souffert l’Holocauste signifie aujourd’hui être antisémite. Pour qui a conservé un minimum de raison, il s’agit bien d’accusations délirantes, au sens propre, permettant de justifier des persécutions contre qui déroge au dogme officiel. Le délire de persécution est paranoïaque, c’est-à-dire fait d’interprétations et d’émotions qui ne laissent plus la place à la moindre forme d’argumentation logique. Présumé coupable, l’individu mis en cause n’est pas autorisé à plaider sa défense.
Accaparer les consciences
La maladie collective dans le totalitarisme est avant tout psychique, comme dans la pièce de théâtre Rhinocéros de Ionesco, qui dépeint une épidémie de «rhinocérite», où tout le monde se transforme en rhinocéros, hormis le héros, Bérenger, un homme ordinaire5! Soljenitsyne parlait d’épidémie au sujet des arrestations; Arendt évoquait le «virus du totalitarisme»; Camus comparait la «peste» à la «peste brune» des nazis. Chaque recoin doit être repeint aux couleurs de la propagande.
Pour faire régresser les psychismes, le pouvoir totalitaire tente d’accaparer les consciences par le viol psychique. Il ne peut pas y avoir de basculement dans la contagion délirante si les psychismes ne sont pas traumatisés.
En d’autres termes, ce qui est contagieux dans la population, ce sont le traumatisme et les identifications au traumatisme de son voisin. A partir de là, l’idéologie se présente comme le pansement miraculeux et la solution qui donnera l’illusion que nous retrouvons tous ensemble une « normalité », peu importe qu’elle soit factice et qu’elle n’ait jamais existé (la «nouvelle normalité»), pourvu qu’elle donne l’impression d’une concorde, comme si le traumatisme n’avait jamais existé. C’est ainsi que l’on peut expliquer, du point de vue de la psychopathologie, les idéologies et les réécritures de l’histoire en période totalitaire.
1Bilheran, A. «Contagion délirante et mélancolie dans la paranoïa», in Revue de Santé Mentale, décembre 2019. https://www.santementale.fr/2019/12/contagion-delirante-et-melancolie-dans-la-paranoia/
2Bilheran, A. «Chef d’œuvre de la paranoïa, le harcèlement», in Revue de Santé Mentale, décembre 2019. https://www.santementale.fr/2019/12/chef-d-oeuvre-de-la-paranoia-le-harcelement/
3Khadra, Y., Les Hirondelles de Kaboul, Julliard, 2002.
4https://plusjamais.eu
5Ionesco, E., 1959, Rhinocéros, Folio, 1972.
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J’ai démontré dans mes recherches que ce qui est contagieux est le traumatisme. Le traumatisme est tout simplement un vécu de menace à l’intégrité de soi-même ou d’autrui, qui nous ferait ressentir l’existence d’un danger imminent, souvent, un danger de mort. Les traumatismes les plus puissants répondent aux critères suivants: intensité de la violence, caractère inattendu, en provenance de fonctions d’autorité (en particulier, si nous avions placé notre confiance en elles…).</p> <h3>Le chemin de la soumission</h3> <p>Pour qu’il y ait donc contagion du délire – c’est-à-dire reprise en chœur de l’idéologie –, pour que des individus soient avalés dans l’endoctrinement sectaire et le soutiennent jusqu’à en devenir les meilleurs exécutants, ils doivent avant toute chose avoir été sévèrement (et, si possible, plusieurs fois, de manière régulière et actualisée) traumatisés. A cet égard, l’œuvre littéraire de Yasmina Khadra est d’une grande finesse psychologique, pour illustrer les chemins de la soumission: </p> <p><em>« Zunaira est tétanisée par le récit de son mari. […] Son visage blêmit et, pour la première fois, ses yeux, en s’écarquillant, perdent l’essentiel de leur splendeur.</em></p> <p><em>— Tu as lapidé une femme ?</em></p> <p><em>— Je crois même l’avoir touchée à la tête.</em></p> <p><em>— Tu ne peux pas avoir fait une chose pareille, Mohsen. Ce n’est pas ton genre, voyons; tu es un homme instruit.</em></p> <p><em>— Je ne sais pas ce qui m’a pris. C’est arrivé si vite. Comme si la foule m’avait ensorcelé. Je ne me rappelle pas comment j’ai ramassé les pierres. 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Il est aisé de constater que toute propagande politique de guerre, par exemple, cherche à provoquer cette contagion délirante dans la population, et elle le fait en créant une double confusion mentale et émotionnelle, rendant l’individu inapte à réfléchir. </p> <p>La confusion mentale est un moyen nécessaire (mais non suffisant) à la propagation du délire. Elle opère à partir de l’injonction paradoxale, à savoir dire tout et son contraire dans le même temps, en donnant l’apparence du «raisonnement logique». La confusion émotionnelle est obtenue par des chocs traumatiques réitérés divulgués par le pouvoir, engendrant terreur, honte et culpabilité.</p> <h3>Apparition de la <em>novlangue</em></h3> <p>La greffe à l’idéologie prend, tel un collage émotionnel dans un discours qui s’invente lui-même, par des néologismes, des slogans, des codes, une mécanisation de la langue, et qui n’est plus apte à décrire la réalité de l’expérience. Le délire se propage et s’identifie en particulier à l’apparition de la <i>novlangue</i> (cf. le célèbre roman <i>1984 </i>de Orwell).</p> <p>Un exemple actuel de cette novlangue est le terme «complotiste», dont j’ai souligné à plusieurs reprises qu’il ne veut rien dire, car il désigne tout et son contraire: celui qui désigne de faux complots (donc un menteur ou un fou), et celui qui s’interroge sur l’existence de vrais complots (un journaliste, un enquêteur, un résistant, un philosophe, un citoyen scrupuleux qui veille au maintien du débat démocratique, etc.). A partir de ce terme «complotiste» (catégorie du non-sens, accolée à n’importe quel citoyen dont les questions sont désignées par le dogme officiel comme indésirables), l’idéologie et les amalgames se propagent, ainsi que les officines de liste des opposants politiques à la dérive totalitaire.</p> <p>L’inversion logique n’est pas loin: le citoyen scrupuleux qui s’inquiétait d’un péril démocratique dans la confiscation et le monopole des pouvoirs devient quant à lui «complotiste», ce dernier étant amalgamé à un ennemi de la «démocratie» (dont le sens a, semble-t-il, dans les faits, légèrement évolué: «concorde par temps totalitaire» et «interdiction du débat»). Ce citoyen scrupuleux, soucieux de garantir le débat démocratique, passe ensuite rapidement de la case de «complotiste», à celles de «danger pour la démocratie» et de «terroriste». </p> <p>Fascinante est l’irrationalité des discours idéologiques répétés par des cerveaux lavés. Par exemple, j’ai écrit un petit opuscule, <i>L’Internationale nazie</i>, qui pose l’hypothèse des filiations nazies au pouvoir international depuis 1945, dans la lignée de l’avertissement de la philosophe Hannah Arendt. Je soutiens le droit au témoignage de Vera Sharav, et de survivants juifs de l’Holocauste, dans son documentaire <i>Plus jamais ça<strong><sup>4</sup></strong></i>. Cela me vaut des accusations régulières… d’antisémitisme! Autrement dit: dénoncer la pérennisation du mode de penser nazi et soutenir des témoignages de Juifs ayant souffert l’Holocauste signifie aujourd’hui être antisémite. Pour qui a conservé un minimum de raison, il s’agit bien d’accusations délirantes, au sens propre, permettant de justifier des persécutions contre qui déroge au dogme officiel. Le délire de persécution est paranoïaque, c’est-à-dire fait d’interprétations et d’émotions qui ne laissent plus la place à la moindre forme d’argumentation logique. 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Il ne peut pas y avoir de basculement dans la contagion délirante si les psychismes ne sont pas traumatisés.</p> <p>En d’autres termes, ce qui est contagieux dans la population, ce sont le traumatisme et les identifications au traumatisme de son voisin. A partir de là, l’idéologie se présente comme le pansement miraculeux et la solution qui donnera l’illusion que nous retrouvons tous ensemble une « normalité », peu importe qu’elle soit factice et qu’elle n’ait jamais existé (la «nouvelle normalité»), pourvu qu’elle donne l’impression d’une concorde, comme si le traumatisme n’avait jamais existé. <b></b>C’est ainsi que l’on peut expliquer, du point de vue de la psychopathologie, les idéologies et les réécritures de l’histoire en période totalitaire.</p> <hr /> <h4><sup>1</sup>Bilheran, A. «Contagion délirante et mélancolie dans la paranoïa», in <i>Revue de Santé Mentale</i>, décembre 2019. <a href="https://www.santementale.fr/2019/12/contagion-delirante-et-melancolie-dans-la-paranoia/">https://www.santementale.fr/2019/12/contagion-delirante-et-melancolie-dans-la-paranoia/</a></h4> <h4><sup>2</sup>Bilheran, A. «Chef d’œuvre de la paranoïa, le harcèlement», in <i>Revue de Santé Mentale</i>, décembre 2019. <a href="https://www.santementale.fr/2019/12/chef-d-oeuvre-de-la-paranoia-le-harcelement/" target="_blank" rel="noopener">https://www.santementale.fr/2019/12/chef-d-oeuvre-de-la-paranoia-le-harcelement/</a></h4> <h4><sup>3</sup>Khadra, Y., <i>Les Hirondelles de Kaboul</i>, Julliard, 2002.</h4> <h4><sup>4</sup><a href="https://plusjamais.eu" target="_blank" rel="noopener">https://plusjamais.eu</a></h4> <h4><sup>5</sup>Ionesco, E., 1959, <i>Rhinocéros</i>, Folio, 1972.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'contagion-delirante-et-derive-totalitaire', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 334, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 8, 'person_id' => (int) 13933, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [ [maximum depth reached] ], 'tags' => [ [maximum depth reached] ], 'locations' => [[maximum depth reached]], 'attachment_images' => [ [maximum depth reached] ], 'attachments' => [ [maximum depth reached] ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ [maximum depth reached] ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ [maximum depth reached] ], '[dirty]' => [[maximum depth reached]], '[original]' => [[maximum depth reached]], '[virtual]' => [[maximum depth reached]], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [[maximum depth reached]], '[invalid]' => [[maximum depth reached]], '[repository]' => 'Posts' }, 'relatives' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) {} ], 'embeds' => [], 'images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'audios' => [], 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'author' => 'Ariane Bilheran', 'description' => 'Comment expliquer les adhésions de masse à des idéologies dans des systèmes totalitaires, et les passages à l’acte irrationnels qu’elles commandent? 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Dans le délire à deux, le sujet «contagionné» reconnaît assez rapidement l’inanité de ses conceptions, lorsqu’il est éloigné du délirant, ce qui démontre bien l’existence d’un phénomène d’engloutissement psychique dans un groupe sectaire. A quoi reconnaît-on l’existence d’une contagion délirante dans un groupe? Vous ne pouvez pas discuter, le dogme est acquis, le clivage aussi: il est interdit de remettre en question l’idéologie officielle, d’y apporter des nuances, de discuter, d’argumenter, etc. L’ennemi désigné est créé de toutes pièces et nécessairement diabolisé de manière irrationnelle. Il est aisé de constater que toute propagande politique de guerre, par exemple, cherche à provoquer cette contagion délirante dans la population, et elle le fait en créant une double confusion mentale et émotionnelle, rendant l’individu inapte à réfléchir. </p> <p>La confusion mentale est un moyen nécessaire (mais non suffisant) à la propagation du délire. 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Le délire se propage et s’identifie en particulier à l’apparition de la <i>novlangue</i> (cf. le célèbre roman <i>1984 </i>de Orwell).</p> <p>Un exemple actuel de cette novlangue est le terme «complotiste», dont j’ai souligné à plusieurs reprises qu’il ne veut rien dire, car il désigne tout et son contraire: celui qui désigne de faux complots (donc un menteur ou un fou), et celui qui s’interroge sur l’existence de vrais complots (un journaliste, un enquêteur, un résistant, un philosophe, un citoyen scrupuleux qui veille au maintien du débat démocratique, etc.). 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Par exemple, j’ai écrit un petit opuscule, <i>L’Internationale nazie</i>, qui pose l’hypothèse des filiations nazies au pouvoir international depuis 1945, dans la lignée de l’avertissement de la philosophe Hannah Arendt. Je soutiens le droit au témoignage de Vera Sharav, et de survivants juifs de l’Holocauste, dans son documentaire <i>Plus jamais ça<strong><sup>4</sup></strong></i>. Cela me vaut des accusations régulières… d’antisémitisme! Autrement dit: dénoncer la pérennisation du mode de penser nazi et soutenir des témoignages de Juifs ayant souffert l’Holocauste signifie aujourd’hui être antisémite. Pour qui a conservé un minimum de raison, il s’agit bien d’accusations délirantes, au sens propre, permettant de justifier des persécutions contre qui déroge au dogme officiel. Le délire de persécution est paranoïaque, c’est-à-dire fait d’interprétations et d’émotions qui ne laissent plus la place à la moindre forme d’argumentation logique. Présumé coupable, l’individu mis en cause n’est pas autorisé à plaider sa défense.</p> <h3>Accaparer les consciences</h3> <p>La maladie collective dans le totalitarisme est avant tout psychique, comme dans la pièce de théâtre <i>Rhinocéros</i> de Ionesco, qui dépeint une épidémie de «rhinocérite», où tout le monde se transforme en rhinocéros, hormis le héros, Bérenger, un homme ordinaire<strong><sup>5</sup></strong>! Soljenitsyne parlait d’épidémie au sujet des arrestations; Arendt évoquait le «virus du totalitarisme»; Camus comparait la «peste» à la «peste brune» des nazis. Chaque recoin doit être repeint aux couleurs de la propagande.</p> <p>Pour faire régresser les psychismes, le pouvoir totalitaire tente d’accaparer les consciences par le viol psychique. Il ne peut pas y avoir de basculement dans la contagion délirante si les psychismes ne sont pas traumatisés.</p> <p>En d’autres termes, ce qui est contagieux dans la population, ce sont le traumatisme et les identifications au traumatisme de son voisin. A partir de là, l’idéologie se présente comme le pansement miraculeux et la solution qui donnera l’illusion que nous retrouvons tous ensemble une « normalité », peu importe qu’elle soit factice et qu’elle n’ait jamais existé (la «nouvelle normalité»), pourvu qu’elle donne l’impression d’une concorde, comme si le traumatisme n’avait jamais existé. <b></b>C’est ainsi que l’on peut expliquer, du point de vue de la psychopathologie, les idéologies et les réécritures de l’histoire en période totalitaire.</p> <hr /> <h4><sup>1</sup>Bilheran, A. «Contagion délirante et mélancolie dans la paranoïa», in <i>Revue de Santé Mentale</i>, décembre 2019. <a href="https://www.santementale.fr/2019/12/contagion-delirante-et-melancolie-dans-la-paranoia/">https://www.santementale.fr/2019/12/contagion-delirante-et-melancolie-dans-la-paranoia/</a></h4> <h4><sup>2</sup>Bilheran, A. «Chef d’œuvre de la paranoïa, le harcèlement», in <i>Revue de Santé Mentale</i>, décembre 2019. <a href="https://www.santementale.fr/2019/12/chef-d-oeuvre-de-la-paranoia-le-harcelement/" target="_blank" rel="noopener">https://www.santementale.fr/2019/12/chef-d-oeuvre-de-la-paranoia-le-harcelement/</a></h4> <h4><sup>3</sup>Khadra, Y., <i>Les Hirondelles de Kaboul</i>, Julliard, 2002.</h4> <h4><sup>4</sup><a href="https://plusjamais.eu" target="_blank" rel="noopener">https://plusjamais.eu</a></h4> <h4><sup>5</sup>Ionesco, E., 1959, <i>Rhinocéros</i>, Folio, 1972.</h4>', 'content_edition' => '', 'slug' => 'contagion-delirante-et-derive-totalitaire', 'headline' => null, 'homepage' => null, 'like' => (int) 334, 'editor' => null, 'index_order' => (int) 1, 'homepage_order' => (int) 1, 'original_url' => '', 'podcast' => false, 'tagline' => null, 'poster' => null, 'category_id' => (int) 8, 'person_id' => (int) 13933, 'post_type_id' => (int) 1, 'poster_attachment' => null, 'editions' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Edition) {} ], 'tags' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Tag) {}, (int) 2 => object(App\Model\Entity\Tag) {} ], 'locations' => [], 'attachment_images' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'attachments' => [ (int) 0 => object(Cake\ORM\Entity) {} ], 'person' => object(App\Model\Entity\Person) {}, 'comments' => [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Comment) {}, (int) 1 => object(App\Model\Entity\Comment) {} ], 'category' => object(App\Model\Entity\Category) {}, '[new]' => false, '[accessible]' => [ '*' => true, 'id' => false ], '[dirty]' => [], '[original]' => [], '[virtual]' => [], '[hasErrors]' => false, '[errors]' => [], '[invalid]' => [], '[repository]' => 'Posts' } $relatives = [ (int) 0 => object(App\Model\Entity\Post) { 'id' => (int) 4439, 'created' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'modified' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'publish_date' => object(Cake\I18n\FrozenTime) {}, 'notified' => null, 'free' => false, 'status' => 'PUBLISHED', 'priority' => null, 'readed' => null, 'subhead' => null, 'title' => 'Le totalitarisme fonctionne au harcèlement. 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La «mise au pas», c’est ainsi que fut traduit le terme allemand «<i>Gleichschaltung</i>», ou littéralement, «égalisation» du peuple: il s’agissait pour les nazis entre 1933 et 1934 d’imposer leur pouvoir total sur l’Allemagne en éliminant toute opposition réelle ou potentielle, avec le déploiement d’un appareil réglementaire destiné à l’intimidation et à la répression.</p> <p>Cette méthode est celle qu’avait décrite le tyran Denys de Syracuse en qualifiant son action politique: utiliser la herse pour faucher les blés qui dépassent (d’où le terme <i>herseler</i>, puis harcèlement). <b>La méthode politique du totalitarisme est le harcèlement</b>, que j’avais ainsi défini en 2006 – et il peut être ici utile d’en rappeler la définition – : «le harcèlement vise la destruction progressive d’un individu ou d’un groupe par un autre individu ou un groupe, au moyen de pressions réitérées destinées à obtenir de force de l’individu quelque chose contre son gré et, ce faisant, à susciter et entretenir chez l’individu un état de terreur<strong><sup>1</sup></strong>.» </p> <p>Arendt y fait également allusion, dans <i>La nature du totalitarisme</i>: <i></i>«L’abolition totalitaire de toutes les classes et de tous les groupes de la population susceptibles de donner naissance à une véritable distinction […] nous fait nécessairement songer à l’histoire de ce tyran grec qui, pour former un collègue à l’art de la tyrannie, le fit sortir de la cité afin de le conduire dans un champ de blé dont il coupa tout le chaume à une même hauteur<strong><sup>2</sup></strong>.»</p> <p>Le harcèlement est une méthode politique qui consiste non seulement à détruire les individus, mais encore<b>, à les conduire à l’autodestruction</b>. Tout individu ayant vécu un harcèlement sait que, même en l’absence du harceleur, demeure son introjection, c’est-à-dire sa persécution, sous l’apparence de ruminations permanentes dans sa tête.</p> <p>Ce harcèlement propose l’option suivante: soumettre ou démettre. Le mot d’ordre est: «soit tu te soumets, soit je te harcèle». Le harcèlement suppose plusieurs termes: la durée, la répétition et les chocs traumatiques réitérés destinés à fragiliser psychiquement l’individu.</p> <p>Dans le totalitarisme, ce qui soutient la légitimité de ce harcèlement est l’idéologie, divulguée par la propagande de masse, qui soutient tout l’édifice <i>via</i> l’endoctrinement sectaire. Nous y reviendrons ultérieurement. Retenons pour l’instant que la masse se fait le relais de la propagande. Tous les coups, même les plus bas, sont permis. Les opposants du régime politique sont désignés, leur calomnie et leur persécution est aussi une manière d’intimidation: voici ce qui arrive à ceux qui auraient la velléité de désobéir.</p> <p>La persécution se déroule par phases. </p> <p>Dans <strong>la première phase</strong>, les opposants politiques qui inquiètent le pouvoir sont neutralisés (censurés, harcelés ou encore, supprimés). Ils ne rencontrent pas beaucoup de soutien dans la population, bien qu’ils puissent avoir entière raison dans les critiques émises sur la dérive totalitaire. La majorité des gens pense: «vu qu’ils ont désobéi et se sont comportés en mauvais citoyens, ils ont cherché ce qui leur arrive». Certains souhaitent même que le pouvoir supprime cette voix disharmonieuse qui dissone dans l’apparente concorde sous le règne du dogme idéologique. Le critère est celui de la «paix sociale» à tout prix, fût-il au prix du sacrifice de quelques-uns et du silence. 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Elle fonctionne par à-coups: elle se déverse dans des campagnes de haine, puis laisse des moments de répit, qui ont pour objectif de donner l’illusion que les persécutions ont cessé. Cette absence de linéarité permet d’asseoir davantage de pouvoir sur la population, car les chocs traumatiques réitérés de ce harcèlement de masse sont d’autant plus puissants qu’ils interviennent lorsque l’individu a relâché la garde et n’a pas eu le temps d’enfiler son armure en se préparant aux prochains coups. Les phases d’accalmie peuvent donc parfois être longues, car il s’agit de faire baisser le niveau de vigilance dans la population, pour relancer des phases de terreur à des moments ultérieurs.</p> <p>Le système totalitaire fonctionne sur un principe de nécessité amoral: «la fin justifie les moyens». En d’autres termes, si la cause l’exige, il est permis d’utiliser comme moyen ce qui n’en est pas un, à savoir, un être vivant, ou un être humain. 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Ce peut être «la santé du plus grand nombre par le vaccin», «sauver la planète par la réduction de carbone», «mettre fin à la dictature du Grand Capital», «exporter la démocratie dans le monde», ou encore, tout autre idéal d’apparence noble, plus ou moins enrobé de légitimation pseudo-scientifique ou morale.</p> <p>Or, et Hegel le soulignait avec insistance, la seule conviction ne suffit pas à fonder un principe moral: «on ne peut exclure la pensée de la possibilité d’une erreur, pensée dans laquelle est contenue la présupposition d’une loi existante en soi et pour soi. 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Soumettre ou démettre</i>, en deux tomes, Bookelis, 2023 (à paraître en septembre 2023).</h4> <h4><sup>2</sup>Arendt, H. 1953, <i>La nature du totalitarisme.</i></h4> <h4><sup><i>3</i></sup>Hegel, G. 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2 Commentaires
@Laurentvallotton 07.07.2023 | 14h52
«Excellent et lumineux article.»
@Jperd 16.07.2023 | 12h40
«Belle démonstration de l'actuelle contagion délirante. la dérive actuelle vers un peuple de moutons. À lire et faire lire»