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Le premier ministre hongrois ultra-conservateur a remporté, avec une majorité des deux tiers, les élections législatives et obtient son quatrième mandat consécutif. La guerre en Ukraine et son refus de s’engager contre la Russie de Poutine auraient pu déstabiliser le parti au pouvoir. La présence d’un bloc d’opposition uni aurait dû le faire vaciller. Il n’en a rien été. Et maintenant..?



Dimanche 3 avril, 21 heures. Le paysage politique hongrois fait peine à voir, le ciel de Budapest, bas et blanc toute la journée, aussi. Il gèle sur le Városliget, le «Bois de la Ville», où Péter Márki-Zay, dit MZP, le candidat d’opposition au Premier ministre Orbán a choisi de donner sa réunion publique, dès l’annonce des premiers résultats. Anticipé comme serré par les think tanks observateurs, qui s’étaient refusés à donner des estimations «sorties des urnes», le scrutin s’avère finalement sans surprise. 

Ou plutôt si, mais une mauvaise surprise. Avec 54% des voix et 135 sièges sur 199, le Fidesz au pouvoir depuis 12 ans en Hongrie est reconduit au Parlement, Viktor Orbán a remporté son quatrième mandat consécutif et conserve sa majorité et toute sa latitude politique. Mais le score de l’opposition est une claque. La coalition qui rassemble derrière MZP pas moins de six partis essuie un échec cuisant: 56 sièges. C’est moins que le nombre de parlementaires obtenus séparément, aux dernières élections, par les partis coalisés. L’union a fait la faiblesse.

Sur la carte, diffusée par la télévision d’Etat tout au long de la soirée, c’est un raz-de-marée orange. Seuls 12 arrondissements de Budapest sur 14, et les régions de Pécs et Széged (sud, bastions historiques de la gauche) y échappent. 

Dans le détail, le choc est encore plus violent. La participation, quasiment au même niveau (record) qu’aux précédentes législatives, soit 67%, indique un vote d’adhésion. MZP est défait dans sa propre circonscription. L'opposition perd 850'000 voix par rapport au scrutin de 2018. Le parti d’extrême-droite Mi Hazánk, avec 7 sièges au Parlement, fait une percée remarquable. 

«Paix et sécurité»

Comme à l’accoutumée au pays magyar, la campagne électorale a été émaillée de noms d’oiseaux, d’attaques ad hominem, s’est faite à grands renforts d’affichages vulgaires et de déséquilibre du temps de parole. On retiendra les 5 minutes accordées à Péter Márki-Zay pour s’exprimer à la télévision publique, tandis que le Premier ministre-candidat y monopolise très régulièrement le crachoir.

Les élections hongroises, qu’elles soient législatives (c’est-à-dire aussi importantes que, par exemple, des présidentielles en France) ou municipales, ont ceci de particulier qu’elles ne sont pas vraiment volées. «Libres mais pas équitables», selon l’OSCE qui avait placé un observateur dans chacun des près de 11’000 bureaux de vote du pays. Pas de bourrage d’urnes donc, mais un clientélisme échevelé et un piétinement de l’équité du traitement médiatique.

Cela suffit-il à expliquer la débâcle de l’opposition, que l’on donnait pourtant, il y a une année encore, comme la seule force capable de renverser Viktor Orbán? Pas tout à fait. La victoire du Fidesz est le résultat d’un cocktail détonnant, entre largesses sociales et contrôle rigoureux de l’information, qui porte depuis quelques années le nom de «système Orbán». 

Ce système marche à plein régime depuis l’invasion russe de l’Ukraine. Le slogan de campagne du Fidesz affirmait la volonté d'aller de l’avant et ne pas regarder en arrière, tandis que la capitale entière était placardée de posters de Viktor Orbán, sous-titré «Béke és Biztonság», «Paix et sécurité». Battant la campagne dans les provinces, le Premier ministre n'a eu de cesse de répéter «ce n'est pas notre guerre». Concrètement, la Hongrie, membre de l’UE et de l’OTAN, se distingue depuis le début du conflit, en refusant de se joindre au vote des sanctions contre l’agresseur russe, en s’opposant au transit des armes de l’OTAN vers l’Ukraine par son territoire. Selon le narratif du Fidesz, Volodymyr Zelensky cherche à pousser l’Europe dans une guerre totale, et accessoirement, sacrifie sciemment la vie des Hongrois de Transcarpathie (dans l’ouest de l’Ukraine). Zelensky a d’ailleurs été nommément désigné par Orbán, lors de son discours du 3 avril, comme un ennemi de la nation. Face à la guerre à ses portes, la Hongrie adopte la tactique du hérisson. 

Métro de Budapest, avril 2022. © M.C.

De l’autre côté de l’échiquier politique, les accointances du régime Orbán avec Vladimir Poutine ont aussi servi d’arguments. Des posters présentaient le Premier ministre comme «le Poutine hongrois» et les affiches de nombre de candidats étiquetés Fidesz à Budapest et ailleurs se sont vus décorées d’un Z sur le front.

Déprime ou émigration?

Très engagé en faveur du soutien matériel à l’Ukraine et des sanctions contre la Russie, faisant de ses affinités européennes un gage de confiance et de probité, le camp d’opposition accuse le coup au lendemain de la défaite. 

Il serait mathématiquement faux d’affirmer que la Hongrie déprime. En revanche, cette élection creuse encore davantage le fossé entre Budapest et le reste du pays. Des mèmes circulent depuis dimanche: «- vous êtes hongrois? - non, nous sommes Budapestois». Celles et ceux qui avaient placé leurs espoirs de changement dans ce scrutin craignent maintenant de voir leur pays devenir la Russie de l’Europe. C’est d’ailleurs Vladimir Poutine qui, parmi les premiers, a décroché son téléphone pour féliciter le Premier ministre de sa victoire, suivi par l’extrême-droite française. «C'en est fini de la Hongrie», déplore dans l'hebdomadaire HVG (traduit par Le Courrier d'Europe centrale) l'écrivain Gergely Péterfy, qui appelle à ne plus jouer le jeu électoral et parlementaire tel qu'il est faussé par le parti au pouvoir. 

Conséquence: l’émigration est maintenant devenue un sujet sérieux, un projet qui germe de plus en plus dans la tête de certains jeunes et moins jeunes budapestois. Thomas, entrepreneur français installé depuis 15 ans dans la capitale, dit envisager pour la première fois de partir. Pour rentrer en France ou s'installer ailleurs? La question n'est pas encore résolue. Elle l'est un peu plus pour Viktoria et Kati, employées du tertiaire, qui ont décidé d'aller tenter leur chance en Allemagne, dépitées par l'absence de perspectives et l'étouffement des libertés.

Vers le Huxit?

Même avec sa légitimité électorale (le résultat n’est pas contesté par l'opposition ni les observateurs), la Hongrie se retrouve de fait au ban de l’UE, et en raison de ses tergiversations sur la question russe, lâchée par ses alliés historiques du groupe de Visegrád (Pologne, Slovaquie et République Tchèque). 

«Notre victoire est si grande qu’elle se voit depuis Bruxelles» a claironné Orbán après sa victoire. Une provocation de plus, alors que la Hongrie n’est pas vraiment en position favorable. Certes, le gaz et le pétrole russes, bon marché et dont le pays est dépendant à quasiment 100%, continuent – pour le moment – de couler à flots. Mais à l’effondrement du forint risque de s’ajouter une énième crise politique, tant cette fois-ci, les institutions européennes ne paraissent pas disposées à jouer la carte de l’indulgence.

Pour le Magyar Hírlap, quotidien pro-gouvernemental, c'est bien simple: l’Europe n’a d’autre choix que d’accepter la victoire du Fidesz, légitimé par une large majorité dans les urnes. L’UE devrait se résoudre à tolérer parmi ses membres des Etats aux régimes autoritaires, nationalistes... et en l'occurence proches de Moscou.

Par ailleurs, le «Huxit», suite logique des événements selon nombre d’observateurs et de citoyens, n’est pas une option viable. L’argent européen, lui aussi, coule à flots, maintenant en vie les communes rurales, supportant entreprises, travaux de voirie, de restauration du patrimoine, et initiatives locales. Que l’honnie Bruxelles coupe le robinet financier, et c’est tout le pays qui est précipité dans une crise sociale.

A l’heure actuelle, quand l’unité du camp occidental est réclamée et nécessaire à tout prix, la Hongrie se trouve dans une délicate impasse. Il se murmure qu’un remaniement ministériel pourrait avoir lieu, dans une possible tentative d’étouffer dans l’œuf la crise diplomatique: les ministres des Affaires étrangères et des Finances seraient sur la sellette. Celui que Jean-Claude Juncker appelait en son temps «le dictateur» n’est semble-t-il pas encore à cours de ressources pour amadouer ses meilleurs et indispensables ennemis.

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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

1 Commentaire

@ClaudeDuCantonDeVaud 25.04.2022 | 21h56

«Un élément de réponse à vos questions réside dans l'immigration africaine et proche-orientale. Toujours elle. Véritable repoussoir pour ceux qui n'y ont pas goûté, ressentie souvent comme une plaie par les autres, qui ne s'abstiennent (de moins en moins souvent) de voter Le Pen ou Zemmour qu'au prix d'un battage médiatique unanime, donc bien peu démocratique.

Cela nous amène au second élément : l'arrogance.
Le "deux poids deux mesures" éthique d'un camp occidental qui a semé la mort, la destructuration et la ruine dans tant de pays, tout en prétendant donner des leçons à Poutine. Celui de féministes qui ne condamnent les violences machistes que lorsqu'elles sont commises par des non-musulmans. Celui de "soutiens de la démocratie" qui se désolent d'un vote qualifié de "populiste" comme s'il s'agissait d'un gros mot, et tentent de museler la vox populi. Celui d'écologistes pour qui le gaz de schiste et son futur transport par de gros cargos polluant autant que des millions de voitures sont admissibles, dès lors que cela emmerde les Russes.

La politique mainstream et les média qui la suivent au lieu de lui porter la contradiction sont devenus un théâtre de guignol même pas drôle. Rien d'étonnant si l'on vote Marine en Périgord et Orban en Hongrie. Ils représentent de Parti de l'exaspération légitime.»