Actuel / Lithium: l’Alsace fouille ses entrailles
Le lithium, indispensable à la construction des batteries de voitures électriques. © Dnn87
La France n’a pas de pétrole. Mais elle a l’Alsace dont les eaux souterraines se révèlent riches en lithium. Actuellement, une entreprise entreprend des recherches géologiques pour déterminer le meilleur site d’extraction de ce métal, indispensable pour faire rouler les voitures électriques. Reste à rassurer les populations. La tâche s’annonce rude.
Depuis la mi-septembre jusqu’à la fin de ce mois, cette entreprise, Lithium de France, est en train de réaliser une sorte d’échographie du sous-sol sur 170 kilomètres carrés au nord de l’Alsace, vers Betschdorf et Surbourg (à lire cet excellent dossier de France 3 Grand Est).
La France se rêve donc productrice de lithium, métal qui sera bientôt aussi recherché que le pétrole actuellement. En effet, pas de lithium, point de batterie. Et sans batterie, la voiture électrique ne quitte pas son garage.
L'éco-bonus Macron
A l’occasion du Salon de l’Auto parisien qui se déroule en ce moment, le Président Macron a annoncé une série de mesures pour pousser à l’utilisation de la voiture électrique: un «bonus écologique» de 6'000 à 7'000 euros sur l’achat d’un véhicule de ce type (vendu moins de 47'000 euros), bonus réservé à la moitié la moins favorisée des ménages; location de voiture électrique à 100 euros par mois pour les familles les plus modestes.
Le président français espère qu’à la fin du présent quinquennat les véhicules électriques représenteront 30% des ventes de voitures (contre 13% actuellement).
Comme tous les pays industrialisés sont en train de développer ce secteur, le prix du lithium a pris l’ascenseur et n’est pas prêt de descendre. D’autant plus que la demande en lithium va se multiplier par 42 d’ici à 2040, selon l’Agence internationale de l’énergie. De plus, selon ce site, les réserves mondiales exploitables s’élèvent à 80 millions de tonnes; au rythme de la consommation actuelle, elles ne s’épuiseraient que dans 900 ans!
Une chance à saisir ou une calamité à éviter?
Pour limiter sa dépendance vis-à-vis des gros producteurs, dont l’Australie et la Chine, la France lorgne avec un intérêt croissant sur les saumures géothermales qui baignent entre 1'000 et 4'000 mètres de profondeur sous le massif des Vosges en Alsace. Saumures fort riches en lithium et qui pourraient, si tout va bien, représenter 10% de l’approvisionnement de la France en lithium selon l’association française des professionnels de la géothermie.
Toutefois, le gouvernement français et les entreprises concernées marchent sur des œufs car l’extraction du lithium n’est pas sans conséquences sur l’environnement. Une chance à saisir ou une calamité à éviter? Telle est la question.
Ceux qui veulent saisir cette chance plaident que, grâce à la voiture électrique et, donc au lithium, l’empreinte carbone va baisser; de plus, l’extraction des saumures géothermales permettra à la fois de capter le lithium et de servir au chauffage de bâtiments dans un rayon d’une quinzaine de kilomètres autour du puits d’extraction.
Tremblements de terre à Vendenheim
Quant à l’utilisation intensive de l’eau, le directeur de Lithium France a fourbi sa réponse à France 3 Grand Est: un premier puits remontera l’eau afin d’en extraire le lithium et les calories pour le chauffage. Ensuite, cette eau sera injectée dans un second puits afin d’y être puisée à nouveau. Le système agit donc en circuit fermé sans toucher les nappes phréatiques et l’eau potable.
Mais un épisode fâcheux qui remonte à la fin de l’automne 2020 reste collé à la mémoire des Alsaciens. Les forages de géothermie profonde entrepris par Fonroche dans la commune de Vendenheim, sise à 12 kilomètres de Strasbourg, ont provoqué une série de secousses sismiques – dont l’une plus sensible que deux autres (magnitude 3,6 le 4 décembre 2020) – causant des dégâts matériels (sans victime physique) dans le quartier strasbourgeois de La Robertsau.
Les camions vibrateurs font vibrer la contestation
Les autorités locales et l’entreprise Lithium de France ne ménagent pas leurs efforts pour expliquer l’exploration en cours au nord de l’Alsace lors de réunions publiques qui permettent aux habitants concernés de faire part de leurs craintes, voire de leur colère.
Les camions vibrateurs figurent en première ligne des inquiétudes. Ils disposent d’un vibrateur sismique qui injecte dans le sol des vibrations à basse fréquence. Cette technique permet de récolter les données indispensables pour savoir si un site est ou non exploitable. Pour nombre de riverains, ces vibrations risquent de fissurer leur maison, voire de provoquer des tremblements de terre comme à Vendenheim.
Les élus locaux se montrent plutôt rassurés. Ainsi, France 3 Grand Est rapporte les propos du maire de Soultz-sous-Forêts, Christophe Schimpf, qui donne en exemple une étude réalisée «au centre de Genève» concluant à l’absence de retour négatif.
Mais nombre de leurs administrés ne sont pas convaincus pour autant. Certaines réunions publiques d’explications ont parfois été houleuses.
Les pollutions dues à l’exploitation
Si les autorités françaises et les entreprises d’extraction déclarent tout faire pour ne pas réitérer les erreurs commises lors des sondages à Vendenheim et pour éviter de léser l’environnement, il n’en demeure pas moins que d’autres voix se montrent discordantes.
Ainsi, le site Green Hired rappelle qu’à l’instar de toute activité humaine, l’extraction du lithium pollue, et dresse ci-dessous la liste des atteintes à l’environnement qu’elle suscite:
- La saumure: on la pompe et on la traite avec des additifs chimiques (…)
- L’eau douce: on la pollue à cause des fuites chimiques provenant de la mine.
- La soude est ensuite ajoutée pour produire du carbonate de lithium afin d’avoir un sel filtré, lavé, et séché pour (obtenir) une pureté supérieure ou égale à 99%.
- Le terrassement des bassins de décantation utilise des films en plastique (PVC).
- Le pompage des solutions salines utilise des pompes fonctionnant avec des moteurs diesel (également bruyants).
La passion de la voiture primera-t-elle?
En outre, voir un coin de pays transformé en vaste terrain minier n’est pas la plus réjouissante des perspectives. Ainsi, le gouvernement serbe a-t-il dû renoncer à ouvrir cette année une mine de lithium dans la région de Jadar, en raison de la mobilisation des habitants contre ce projet.
La France connaîtra-t-elle à son tour une telle opposition? D’une part, la traditionnelle propension de nos voisins à la mauvaise humeur sociale pousserait à répondre par l’affirmative. Mais d’autre part, leur tout aussi traditionnelle dépendance à la voiture individuelle inclinerait à choisir la réponse négative.
Dès lors, la situation suivante risque de survenir: des contestations locales parfois explosives diluées dans le consensus favorable à la bagnole.
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Entre deux morceaux – histoire de tenir son public sous courant continu et de laisser ses musiciens souffler un brin –, elle entame des monologues plus ou moins délirants.</p> <p>Celui qu’elle a lancé ce soir-là fera son petit effet. Se glissant dans la peau du président Macron, <a href="https://youtu.be/WYWOnk4oyqQ">elle vaticine</a>: «<i>Je pense que ce que le peuple veut, ce dont le peuple a envie, c'est qu'on m'accroche à vingt mètres du sol telle une piñata<strong><sup>1</sup></strong> humaine géante, et qu'on soit tous ici présents munis d'énormes battes avec des clous au bout comme dans </i>Clockwork Orange (<i>titre original du film </i>Orange mécanique)<i>. Et là, on le ferait descendre, mais avec toute la grâce et la gentillesse que les gens du Sud ont.</i> <i>On aurait tous notre batte avec nos petits clous, et dans un feu de Bengale de joie, de chair vive et de sang, on le foutrait à terre, mais gentiment tu vois…»</i></p> <h3>L’objet du délit</h3> <p>Les fans d’Izïa Higelin ont bien rigolé. Mais d’autres spectateurs, sans doute moins habitués aux folies de la scène rock, ont aussitôt alerté la gendarmerie qui a déplacé quelques-uns de ses militaires pour interpeler la rockeuse. En vain, elle avait déjà plié bagage avec ses musicos. Toutefois, le procureur de la République de Nice a diligenté contre Izïa une enquête préalable qu’il a confiée aux gendarmes du lieu. A la suite du scandale, la mairie de Marcq-en-Barœul a décidé d’annuler le concert qu’Izïa Higelin devait donner dans cette ville du nord de la France, la veille du 14-juillet. Aussitôt hérissées sur les réseaux sociaux, les protestations indignées semblaient voir dans ce récitatif lyncheur la marque de notre époque vouée aux incivilités et à la violence.</p> <h3>Les rois de France malmenés en chanson</h3> <p>Pourtant, rien de nouveau sous le soleil de Satan. La chanson fut toujours le véhicule préféré de la provoc’ politique. Sans remonter au Déluge, citons <a href="https://www.periegete.com/sur-lair-du-une-monarchie-absolue-temperee-par-des-chansons-part-2-le-roi-de-france/">les chants pimentés</a> qui enflammèrent les rues de Paris lors de la Fronde. A preuve, cet extrait d’une chanson qui remonte à l’an 1648. Elle exprime une certaine animosité envers Anne d’Autriche, Reine de France et Régente du Royaume: «<i>Mais je voudrais bien étrangler/ Notre putain de Reine.»</i></p> <p>En comparaison, Izïa Higelin ferait presque petite chanteuse du Couvent des Oiseaux.</p> <p>D’aucuns ont d’ailleurs qualifié la France d’Ancien régime de «monarchie absolue tempérée par les chansons», compte tenu de la fréquence des airs irrespectueux envers le Trône et l’Autel.</p> <p>Louis XV, dit «le Bien-Aimé», fut la cible préférée des chansonniers de la rue parisienne. En voici un édifiant extrait: «<i>Louis, du nom de Bien-Aimé,/ Ton peuple te déclare indigne./ Sans doute on t</i>’<i>avait mal nommé,/ Louis, du nom de Bien-Aimé;/ par ton sceptre on est opprimé,/ Si l</i>’<i>on est traître, fourbe insigne,/ Louis, du nom de Bien-Aimé,/ Ton peuple te déclare indigne […] Putains, maquereaux ou prélats/ Sont les seuls que ta main caresse.»</i></p> <p>«Tout finit par des chansons» disait Beaumarchais. En France, on serait tenté de paraphraser: tout commence et<i> </i>tout finit par des chansons, même les Rois de droit divin, à l’exemple de cette chanson révolutionnaire qui s’est répandue sur les boulevards à la suite de l’exécution de Louis XVI le 21 janvier 1793: «<i>Le vingt et un janvier/ Sept cent quatre vingt treize,/ Capet, tyran dernier,/ Qu</i>’<i>on nommait Louis Seize,/ A reçu ses étrennes/ Pour avoir conspiré./ Ce fuyard de Varennes est donc guillotiné.»</i></p> <p>Et là pas question de le guillotiner façon Izïa «avec toute la grâce et la gentillesse des gens du Sud»!</p> <h3>Brassens et les pandores</h3> <p>Plus récemment, sous la IVème République française, Georges Brassens n’y est pas allé de main morte avec cette incarnation bleu-marine (n’y voyez aucune allusion malsonnante) de l’Etat qu’est la Gendarmerie Nationale. Rafraichissons les mémoires par quelques extraits de <a href="https://youtu.be/KzmnDy7zzDw">cette chanson intitulée <i>Hécatombe</i></a> qui narre la déconvenue de la maréchaussée aux prises avec les harpies du marché de Brive-la-Gaillarde.</p> <p><i>(…)</i></p> <p><i>En voyant ces braves pandores</i></p> <p><i>Etre à deux doigts de succomber,</i></p> <p><i>Moi, j'bichais, car je les adore</i></p> <p><i>Sous la forme de macchabés.</i></p> <p><i>(…)</i></p> <p><i>Jugeant enfin que leurs victimes</i></p> <p><i>Avaient eu leur content de gnons,</i></p> <p><i>Ces furies, comme outrage ultime,</i></p> <p><i>En retournant à leurs oignons,</i></p> <p><i>Ces furies, à peine si j'ose</i></p> <p><i>Le dire, tellement c'est bas,</i></p> <p><i>Leur auraient même coupé les choses:</i></p> <p><i>Par bonheur ils n'en avaient pas!</i></p> <p><i>Leur auraient même coupé les choses:</i></p> <p><i>Par bonheur ils n'en avaient pas!</i></p> <p>Les rappeurs d’aujourd’hui ont-ils été aussi loin dans leurs diatribes antiflics que le père Brassens en 1952, date de la sortie du disque?</p> <h3>L’«Hécatombe» fait scandale 60 ans plus tard!<b></b></h3> <p>A l’époque, cette chanson était, l’on s’en doute, interdite d’antenne. Mais c’est tout. Il est symptomatique de constater qu’elle n’a intéressé la justice qu’à la nôtre, d’époque!</p> <p>Le 27 mai 2011, il s’est trouvé un juge à Toulouse pour <a href="https://www.lepoint.fr/societe/chanter-peut-etre-un-delit-11-06-2011-1341035_23.php">condamner</a> un garçon de 27 ans pour outrage, à 40 heures de travaux d’intérêt général et 100 euros d’amende. Son crime? Avoir chanté <i>Hécatombe</i> au passage de trois policiers. Et ce n’est pas tout. Peu après, 29 choristes de la «Canaille du Midi» ont été interpelés pour avoir chanté la même chanson devant le commissariat central de Toulouse en guise de protestation contre la condamnation du jeune homme.</p> <h3>Le rock et sa «Graine de violence» </h3> <p>Le «récitatif halluciné» d’Izïa Higelin s’inscrit aussi dans la culture rock, imprégnée de violence. Cela dit, ce n’est pas le rock qui est à la source de la violence. Elle sourd de la société étatsunienne où il est né. S’il existait auparavant, c’est à partir du film <i>Graine de violence </i>(titre original<i>: Blackboard Jungle</i>), réalisé par Richard Brooks, que le rock n’roll a commencé à se diffuser grâce au célèbre <i>Rock around the Clock </i>chanté par Bill Haley.</p> <p>Dans les pays de langue française, la violence rock a surgi sur la scène médiatique dès le début des années 1960. L’exemple le plus hirsute nous est offert par le concert de Vince Taylor, dans le contexte d’un festival international du rock, qui s’est tenu – enfin qui a tenté de se tenir! – au Palais des Sports de Paris, le 18 novembre 1961. <a href="https://journals.openedition.org/criminocorpus/4301?lang=de#ftn2%20" target="_blank" rel="noopener">Rappel des faits</a>:</p> <p><i>La salle est dévastée avant que Vince Taylor, en vedette, ne monte sur scène. Dans le public, des jeunes femmes et des jeunes hommes, blousons noirs ou sans blousons apparents, déboulonnent les sièges ou en arrachent quelques morceaux, s</i>’<i>en servent de projectiles, visent la scène et les forces de police. On veut se débarrasser de ces rangées de sièges encombrants, on veut créer de l</i>’<i>espace pour danser, on se bouscule, on se chamaille, on se bagarre, on veut aussi s</i>’<i>approcher des artistes en débordant le service de sécurité, et pourquoi pas braver au passage les forces de police qui commencent à frapper pour éviter que tout dégénère dans un lieu de concert qui devient arène. </i>Bis repetita placent<i>, car la première édition du 24 février avait elle aussi très mal tournée à l</i>’<i>issue de la prestation de Johnny Hallyday. Deux mots sont repris dans les médias: fanatisme et hystérie. Voici ce que l</i>’<i>on entend à la radio le 19 novembre 1961, le lendemain, dans </i>Interactualités<i>: «la police a dû intervenir en masse pour empêcher les fans – si vous préférez les fanatiques – de Monsieur Vince Taylor de tout massacrer; ce ne fut plus du délire, ce fut de l</i>’<i>hystérie».</i></p> <p>Horrifiés, les médias pour croulants (terme qui était utilisé par les vieux de maintenant pour qualifier ceux d’alors) vouent cette «musique de sauvages» aux gémonies. Le préfet de police parisien Maurice Papon, de triste mémoire, souhaite même l’interdiction des concerts de rock en France. Le rock devient le vecteur de la rage de vivre de toute une génération coincée dans des carcans moraux hérités du XIXème siècle. Une rage qui explosera en Mai-68. Vince Taylor payera cher les fauteuils brisés, poursuivant une carrière en dents de scie alors qu’il était promis à la gloire rockeuse. Le chanteur se retirera à Lutry avec sa famille en 1983 pour y mener une vie plus tranquille, consacrée à la mécanique aéronautique. Il y décèdera le 27 août 1991 à l’âge de 52 ans des suites d’un cancer aux os.</p> <h3>Scopitone de Vince Taylor</h3> <p>En replaçant l’«affaire Itzïa» dans sa perspective historique, il apparaît que les indignations qu’elle a suscitées sont disproportionnées. Certes, balancer de tels propos sur le président Macron alors que nombre d’élus subissent actuellement des violences n’est pas la marque d’une vive intelligence. Toutefois, les agresseurs de maires n’ont pas attendu la rockeuse pour passer à l’acte. La fille de Jacques Higelin a tenté d’expliquer son sulfureux propos lors d’une interview donnée à <i>Ouest-France: </i><i></i></p> <p><i>«C'est une histoire, un liant improvisé et surréaliste entre deux titres, qui parle de tout et de rien et qu'il ne faut surtout pas prendre au premier degré.» </i>C’est ignorer qu’aujourd’hui l’usage intensif des réseaux ainsi, peut-être, qu’une certaine décérébration induite par près de septante ans de télévision à haute dose, ont tué le second degré. Dans un monde où la culture littéraire s’effiloche, on prend tout au pied de la lettre. Un pied qui fait boiter notre sens de l’humour.</p> <hr /> <h4><sup>1</sup>D’origine mexicaine, la piñata est un objet creux fourré de friandise que les enfants tentent de casser au moyen de bâtons afin de s’emparer de son contenu, une fois à terre. Evidemment, comparer le président de la République à un objet creux plein de friandise, ce n’est pas très gentil. 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Composés de travailleurs étrangers communistes, les FTP-MOI constituent l’un des fers de lance de la guérilla urbaine que mène le PCF (Parti communiste français) contre l’occupant.</p> <h3>Arrêtés par la police parisienne</h3> <p>Manouchian et son groupe sont arrêtés le 16 novembre 1943 par les policiers français de la Brigade Spéciale No.2 chargée de mener la chasse aux résistants au sein de la Préfecture de Police de Paris. Sa femme Mélinée, que «l’Affiche rouge» rendra célèbre, parvient à s’échapper de justesse et sera cachée par la famille Aznavourian dont l’un des enfants est un certain Charles Aznavour.</p> <p>Après avoir été torturé, Missak Manouchian est livré à la <i></i>Geheime Feldpolizei<i> – </i>l’équivalent de la Gestapo pour la Wehrmacht – avec 22 autres membres de son groupe.</p> <p>Après une parodie de procès, les 23 sont condamnés à mort. 22, dont leur chef Missak Manouchian, seront fusillés au Mont-Valérien près de Paris le 21 février 1944. La seule femme du groupe, Olga Bancic, roumaine juive et communiste, sera guillotinée à Stuttgart le 10 mai de la même année, les nazis estimant sans doute qu’une femme n’avait pas droit à «l’honneur» d’être fusillée comme un combattant.</p> <h3>La propagande qui va à fin contraire</h3> <p>Juste avant d’être passés par les armes, Manouchian et dix autres condamnés sont photographiés. Les officiers de la Gestapo militaire les ont choisis en fonction de leurs patronymes aux consonances de toute évidence étrangères ou juives.</p> <p>Les Allemands les utiliseront pour créer une affiche de propagande destinée à séparer les «vrais Français» de ces «métèques» présentés comme des criminels. Elle deviendra la célèbre «Affiche rouge» qui aboutira à l’effet inverse du but recherché par la Geheime Feldpolizei. Elle sera l’un des emblèmes de la Résistance et contribuera à populariser l’héroïsme du Groupe Manouchian durant les derniers mois de l’occupation nazie en France.</p> <p>Toutefois, après la Libération, Missak Manouchian et ses camarades tombent dans l’oubli. Quelques publications évoquent le groupe sans que cela ne perce vraiment le silence. Certes, en 1950, Paul Eluard lui consacre <a href="http://www.groupemarat.com/pdf/marat-poemes_affiche_rouge.pdf" target="_blank" rel="noopener">un poème</a> intitulé «Légion». Mais le Parti communiste français a d’autres chats dissidents à fouetter.</p> <h3>«Les procès de Moscou à Paris»</h3> <p>Au début des années 1950, le PCF mène une série de purges internes – appelées «les procès de Moscou à Paris» – destinées à discréditer par la calomnie de grandes figures communistes de la Résistance intérieure, tels Charles Tillon, André Marty, Auguste Lecœur et Georges Guingouin, le chef des maquis limousins. Ces héros faisaient trop d’ombre au patron du PCF, Maurice Thorez, qui avait passé la Seconde guerre mondiale à l’abri du Kremlin.</p> <p>Après la mort de Staline en 1953, le vent tourne. Par l’action des rescapés de la FTP-MOI, notamment les frères Raymond et Claude Lévy, la mémoire des fusillés au Mont-Valérien commence à être reconnue. Une rue du Groupe-Manouchian est inaugurée le 6 mars 1955 dans le XXème arrondissement de Paris. Claude Lévy invite Louis Aragon à cette occasion mais le poète séjourne alors en URSS. A son retour, il fait amende honorable: «Demandez-moi ce que vous voulez».</p> <p>Réponse de Claude Lévy: «Pourquoi pas un poème?» Ce sera chose écrite sous le titre «<a href="https://www.reseau-canope.fr/poetes-en-resistance/poetes/louis-aragon/strophes-pour-se-souvenir/" target="_blank" rel="noopener">Strophes pour se souvenir</a>», l’un des poèmes les plus connus du recueil <em>Le Roman inachevé</em> qui paraîtra en 1956.</p> <h3>«Ils étaient vingt et trois»…</h3> <p>«Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent» écrit Aragon, englobant ainsi avec ses frères d’armes la seule femme du groupe, Olga Bancic, décapitée en Allemagne. Il donne aussi la parole à Missak Manouchian en s’inspirant de la dernière lettre du condamné à sa femme Mélinée ainsi que d’autres ultimes missives de résistants.</p> <p>En 1959, Léo Ferré met le poème en musique et change le titre: «L’Affiche rouge». C’est sous cet intitulé que la chanson et le poème d’Aragon seront connus désormais.</p> <h3>La chanson interdite sous de Gaulle</h3> <p>Comme rien n’est simple dans l’histoire de la Résistance, le pouvoir gaulliste a interdit la diffusion de «L’Affiche rouge» dès la sortie du disque en 1961. Ce qui, d’ailleurs, n’a pas manqué de lui assurer une belle publicité puisque les soixante-huitards auront ce chant superbe en tête lors de leurs manifs. Ce n’est qu’à l’arrivée de François Mitterrand à l’Elysée en 1981 que ce bâillon radiophonique a été enlevé.</p> <p>«Onze ans déjà que cela passe vite onze ans» versifie Aragon en 1955. Cela passe d’autant plus vite que le poète communiste n’a pas toujours été prompt à se battre pour la mémoire du Groupe Manouchian. Le journaliste et écrivain Jean-Paul Liégeois, spécialiste de la chanson française, rappelle cette anecdote dans un article paru en juin 1985 dans l’hebdomadaire socialiste <em>L’Unité</em>:</p> <p><i>«En 1953, les frères Claude et Raymond Lévy (…) obtiennent le prix Fénéon pour un manuscrit de dix nouvelles consacré à des histoires vraies de la Résistance. (…) Plusieurs éditeurs se proposent [de le] publier. Communistes, les frères Lévy choisissent les Editeurs français réunis. Patron de la maison, Aragon les reçoit et leur dit: "On ne peut pas laisser croire que la Résistance française a été faite comme ça, par autant d’étrangers. Il faut franciser un peu." Disciplinés, ils ont accepté.»</i></p> <p>Entre 1953 et 1955, l’ombre de Staline avait commencé à se faire un peu moins épaisse…</p> <h3>Quelle est la responsabilité du PCF dans l’arrestation des 23?</h3> <p>Une accusation plus grave a été portée contre la direction du PCF notamment par un témoignage de Mélinée Manouchian. Il figure dans le film de Serge Mosco Boucault, <em>Des terroristes à la retraite</em>, sorti en 1985 par la chaîne télévisée Antenne2. </p> <p>Il s’en est suivi une vive polémique sur l’éventuelle responsabilité du Parti communiste français dans l’arrestation de Missak Manouchian. L’un des passages de la dernière lettre du condamné à sa femme interpelle: </p> <p><i>«Je pardonne à tous ceux qui m’ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus.»</i></p> <p>Adam Rayski, responsable de la section juive du PCF de 1941 à 1949, donne cet éclairage lors d’<a href="https://www.lhistoire.fr/qui-trahi-manouchian" target="_blank" rel="noopener">une interview</a> qu’il a accordée au mensuel <i>L’Histoire</i> en décembre 1985:</p> <p><i>«En mai 1943, devant le bilan des pertes des organisations juives, j'ai demandé le repli, le transfert de notre direction dans la zone Sud. Le Parti a refusé, qualifiant cette attitude de "capitularde". Le PC voulait continuer à frapper dans la capitale, avec ce qui restait son unique bras séculier: les FTP-MOI. Stratégiquement, la direction, pour affirmer sa suprématie vis-à-vis de Londres et du Conseil national de la Résistance, désirait capitaliser les actions d'éclat de la MOI. La direction nationale juive est partie </i>in extremis <i>pour Lyon, mais les FTP ont continué à lutter sur place avec acharnement. Le Parti a sous-estimé l'impératif de la guérilla urbaine – savoir décrocher – et a tiré un rendement politique maximum des coups d'éclat de la MOI. </i></p> <p><i>A terme, c'était donc bien une grave erreur politique. La part de responsabilité du PC dans les arrestations de résistants – dont les 23 de l'Affiche rouge – est indiscutable. 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Sans surprise, on y distingue les régimes dictatoriaux ou de très faible intensité démocratique: la Birmanie, la Chine, Cuba, l’Erythrée, l’Iran, le Nicaragua, la Corée du Nord, le Pakistan, la Russie, l'Arabie saoudite, le Tadjikistan, le Turkmenistan, l’Afghanistan, le Nigéria, la Syrie, le Vietnam.</p> <h3>Le cas de l’Inde</h3> <p>Mais on relève aussi la présence de la démocratie la plus peuplée de la terre, l’Inde, même si cette flatteuse réputation est en train d’être sérieusement écornée par la politique autoritaire de son Premier ministre Narendra Modi.</p> <p>Le chef du gouvernement indien et son parti national-populiste BJP s’efforcent d’avantager la religion majoritaire, l’hindouisme, sur les autres dont l’islam et le christianisme.</p> <p>Ainsi sur 29 Etats composant l’Union indienne, 11 ont adopté des lois anticonversion pour empêcher des hindous de se convertir vers une autre religion, malgré l’article 25 de la Constitution indienne qui garantit la liberté d’appartenance religieuse.</p> <p>Ces lois anticonversion obligent les hindous qui veulent se convertir au christianisme ou à une autre confession à suivre un parcours bureaucratique tellement complexe et aléatoire que la conversion est le plus souvent rendue impossible, comme l’indique, via l’agence Fides du Vatican, <a href="http://www.fides.org/fr/news/72887-ASIE_INDE_La_loi_empechant_la_libre_conversion_religieuse_au_Karnataka_est_contraire_a_la_Constitution_et_a_la_dignite_humaine" target="_blank" rel="noopener">le père Devasagayaraj M. Zacharias</a>.</p> <p>Le pire est que le BJP de Modi veut étendre ces lois anticonversion à l’ensemble de l’Union.</p> <h3>La société indienne résiste</h3> <p>Cela dit la société indienne résiste. Ainsi, le BJP vient de perdre les élections (au profit du Parti du Congrès) dans l’Etat du Karnataka alors que le gouvernement régional avait adopté l’an passé une loi anticonversion fort radicale. En outre, le 9 avril 2021, la Cour Suprême avait rejeté la généralisation de ces lois à l’ensemble de l’Inde.</p> <p>En revanche, impossible de résister en Chine, en Iran et dans les autres dictatures faisant partie des «pays particulièrement préoccupants». Dans ces nations, l’oppression des consciences ne cesse de progresser selon le rapport de l’USCIRF.</p> <h3>C’est l’intime qui est en jeu</h3> <p>S’attaquer à la foi religieuse, c’est atteindre l’intime de chaque sujet des Etats autoritaires. C’est pourquoi des Etats officiellement athées, comme la Chine et la Corée du Nord, attachent tellement d’importance à, sinon éradiquer, du moins contrôler très sévèrement toute activité religieuse. </p> <p>Prier, c’est aussi s’échapper. Communier, c’est aussi rompre, ne serait-ce qu’en un instant fugace, le lien avec le Chef. Celui-ci n’accepte aucun concurrent. Et le rival est d’autant plus dangereux qu’il est invisible donc insaisissable.</p> <p>D’autres Etats autoritaires ne répriment pas toutes les religions. Leur but est d’ériger la confession majoritaire en unique religion d’Etat afin de la transformer en facteur d’identité nationale. L’aspiration spirituelle doit alors absolument se circonscrire dans un cadre étroit. Si elle déborde, c’est aussi le lien avec le Chef qui risque d’être rompu. </p> <p>Dès lors, se battre pour la liberté de changer de religion ou de refuser d’adhérer à une confession, ce n'est pas préserver un certain confort moral qui ne concernerait que les croyants. 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Celle utilisée par l’UDC pour fustiger les «colleurs manuels» se contente d’être simplement ridicule.</p> <h3>Le terrorisme défini par les codes pénaux</h3> <p>En effet, toutes deux sont fort éloignées des seules définitions qui vaillent, celles des textes légaux. L’article 260 ter du Code pénal suisse (organisations criminelles et terroristes) réprime quiconque participant à une organisation qui poursuit le but, notamment <i>«de commettre des actes de violence criminels visant à intimider une population ou à contraindre un Etat ou une organisation internationale à accomplir ou à s</i>’<i>abstenir d</i>’<i>accomplir un acte quelconque</i>». 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